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Soigner les blessures psychologiques de la guerre à l’école n

Entrée à l’école

Depuis le début de 2013, plus de www.enpi-info.eu 165 000 Syriens ont fui le conflit dans leur pays pour se réfugier en Jordanie. À ce jour, plus de 540 000 réfugiés syriens sont donc enregistrés ou en attente d’enregistrement. La moitié d’entre eux ont moins de 18 ans et beaucoup n’ont pas accès à l’éducation. Pour éviter que toute une génération ne soit perdue, la Jordanie a décidé d’autoriser les jeunes réfugiés syriens à fréquenter les écoles publiques. Face aux inquiétudes des autorités locales – qui craignent que le système éducatif n’atteigne un point de rupture sous la pression des demandeurs d’asile syriens, l’UNICEF et l’UE ont mis au point un programme éducatif visant à aider les autorités jordaniennes à préserver l’avenir de cette génération touchée de plein fouet par le conflit. Un journaliste du Centre d’information pour le voisinage européen a visité une école publique qui accueille des jeunes syriens. Voici son reportage. Texte : Mohammad Ben Hussein Photos : AFP ©UE/Centre d’information pour le voisinage européen AMMAN - « On se croirait dans un frigo en classe. C’est difficile de rester attentif et d’écouter le professeur lorsqu’on a si froid », explique Isra, une jeune Syrienne de 17 ans qui fréquente l’école publique délabrée d’Al Zubaydiyya, dans un quartier est d’Amman. Malgré le froid glacial qui règne dans sa classe, Isra est ravie de retrouver la vie scolaire après deux années sur les routes. Peu à peu, elle retrouve une vie vaguement normale. « Je veux devenir infirmière pour aider mes compatriotes. Je rêve vraiment d’un avenir meilleur, » explique-t-elle dans la cour de l’établissement, agréablement réchauffée par un rayon de soleil. L’école est située à Hashemi Shamali, un quartier d’immeubles animé de l’est d’Amman. Elle permet aux enfants syriens de s’échapper des logements surpeuplés où ils vivent. Toutefois, ces établissements publics sont loin d’être l’endroit idéal Cette publication ne pour un enseignement de qualité. Les meubles délabrés et les murs sales et fissurés témoignent de la dégradation des représente pas infrastructures scolaires en Jordanie. Les autorités du pays craignent l'opinion officielle de d’ailleurs que le système éducatif ne puisse résister à la pression des la CE ou les demandeurs d’asile syriens. EU Neighbourhood Info Centre institutions de l'UE. « Accueillir un tel afflux de jeunes syriens est un véritable défi pour nous. La CE n'assume Reportage no. 118 C’est l’une des plus anciennes écoles de la capitale, elle a été construite en aucune responsabilité Ceci est une série de reportages sur quelle qu'elle soit 1952, » explique Hanan Saif, directeur de l’école secondaire d’Hashmi les projets financés par l' EU, quant à son contenu. Shamali Al Zubaydiyya, que fréquentent des dizaines d’étudiants syriens. élaborée par des journalistes et des Mme Saif explique que l’école ne dispose pas d’infrastructures de base, photographes sur le terrain ou par comme des toilettes séparées pour les garçons et les filles. Pas de laboratoires l' EU Neighbourhood Info Centre. ou d’ordinateurs bien sûr : l’équipement et le matériel éducatifs font défaut. © 2014 EU/Neighbourhood Info Centre « Notre école n’est pas équipée pour gérer un nombre d’élèves aussi


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n Enfants dans une classe

important. Elle a été choisie car c’est la seule école à horaire unique à l’heure actuelle, » ajoute-elle. La Jordanie, un pays connu pour son hospitalité et sa capacité à absorber d’importants flux de réfugiés, a accepté d’autoriser les jeunes Syriens à fréquenter les écoles publiques. Selon le ministère jordanien de l’éducation, le nombre d’inscriptions est passé de 44 000 en 2012 à 107 000 en 2013. En raison du manque de place, le gouvernement a été contraint d’introduire un système de classes alternées dans plus de 80 écoles, mais il demande à la communauté internationale de se montrer plus généreuse car les besoins pour 2014 sont estimés à 400 millions de dollars jordaniens (565 millions de dollars). Éviter une génération perdue Selon l’UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, on dénombre environ 865 000 enfants parmi les 2,3 millions de Syriens ayant le statut officiel de réfugié. 108 000 jeunes réfugiés sont aujourd’hui inscrits à l’école en Jordanie, soit près de 80 % de l’objectif. Mais en privé, les travailleurs humanitaires admettent que ce nombre pourrait être bien plus élevé étant donné que des centaines de milliers de réfugiés ne sont pas enregistrés auprès du HCNUR, l’agence des Nations unis pour les réfugiés. Alarmés par l’augmentation du nombre d’enfants exclus du système éducatif, l’UNICEF, le HCNUR, Save the Children, World Vision et d’autres organismes ont lancé l’appel « Pas de génération perdue » au début de janvier 2014. Cette initiative vise à étendre l’accès à l’éducation de qualité par des méthodes formelles et informelles, en introduisant des programmes accélérés pour les enfants déscolarisés, en organisant une formation professionnelle et une formation des enseignants et en proposant des programmes d’incitation. En Jordanie, l’UNICEF s’emploie déjà à améliorer les infrastructures scolaires en partenariat avec l’Union européenne. Plus de 150 établissements scolaires ont été sélectionnés pour être remis en état. L’objectif est de renforcer leur capacité d’accueil tout en améliorant la qualité de l’enseignement et de la formation professionnelle, y compris dans les camps de réfugiés. Quelque 80 écoles ont introduit le système des classes alternées pour répondre à l’afflux toujours grandissant de jeunes réfugiés syriens. L’école d’Al Zubaydiyya est l’une des dizaines d’infrastructures publiques d’enseignement bénéficiant du programme d’assistance UE-UNICEF. « L’aide européenne a permis de libérer des fonds pour améliorer la qualité de notre système éducatif. Nous préparons également des classes en préfabriqué pour renforcer la capacité d’accueil des écoles devenues trop petites », explique Michele Servadei, representant adjoint de l’UNICEF en Jordanie. L’UNICEF utilise également des fonds européens pour permettre la réintégration d’enfants porteurs d’un handicap dans l’enseignement officiel, aussi bien dans les camps que dans les communautés d’accueil. Le projet organise également une formation professionnelle pour les jeunes : 5 000 étudiants du camp de Zaatari devraient en bénéficier. « Dans ce camp, un millier de jeunes suivent une formation professionnelle pour devenir coiffeur, ou pour

n Hanan Saif, directrice de l’école Al Zubaydiyya

n Areej, enseignante à l’école Al Zubaydiyya

n Nayfeh Edwery, enseignante à l’école Al Zubaydiyya

n Michele Servadei, représentant adjoint de l’UNICEF

« L’aide européenne a permis de libérer des fonds pour améliorer la qualité de notre système éducatif. Nous préparons également des classes en préfabriqué pour renforcer la capacité d’accueil des écoles devenues trop petites. »

« Les garçons se montrent agressifs, les filles ont les nerfs à fleur de peau. Ils sont traumatisés par ce qu’ils ont vécu… »


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apprendre à tricoter et à coudre. Ils peuvent aussi acquérir d’autres qualifications professionnelles. Nous voulons adapter l’offre de formation professionnelle aux camps de réfugiés, » explique Michele Servadei. Les enfants ont besoin d’un soutien psychologique Pour l’organisation, un des nombreux défis est d’aider les enfants à s’adapter à un nouveau milieu et à de nouveaux programmes. Les jeunes réfugiés syriens ont un faible niveau scolaire, et certains ont été déscolarisés pendant des mois, voire des années. « Certains enfants ont du mal à suivre le programme scolaire jordanien et nous organisons donc des cours de remédiation. Nous constatons déjà une nette amélioration de leurs résultats, » ajoute Monsieur Servadei. n Enfants à l’école Al Zubaydiyya où un projet « retour à l’école » est organisé en Mais ouvrir ou réaménager des classes et fournir des manuels scolaires ne faveur des réfugiés syriens suffit pas à garantir un enseignement adapté à ces jeunes. Dans les écoles, les assistants sociaux admettent que les enfants syriens ont besoin d’enseignants ayant suivi une « Dans ce camp, un millier formation appropriée pour gérer l’équilibre psychologique précaire des enfants. de jeunes suivent une « Les garçons se montrent agressifs, les filles ont les nerfs à fleur de peau. Ils sont traumatisés par formation professionnelle ce qu’ils ont vécu…En classe, les élèves se déconcentrent très vite, il suffit d’un rien, » explique pour devenir coiffeur, ou Nayfa Dweiri, assistante sociale à l’école Al Zubaydiyya. pour apprendre à tricoter Conscientes de l’impact psychologique des conflits sur les enfants, l’UNICEF et des organisations et à coudre. Ils peuvent partenaires entendent ainsi offrir une formation spécialisée à environ 3 000 enseignants. Malgré les souvenirs pénibles et les cicatrices visibles laissés par la guerre – comme en témoigne aussi acquérir d’autres le comportement des enfants –, les organisations voient le bout du tunnel. Au bout de quelques qualifications mois d’école, beaucoup d’enfants ne sont déjà plus les mêmes, les comportements s’améliorent. professionnelles. Nous « Avant, les étudiants ne parlaient que de la situation en Syrie. Aujourd’hui, ils pensent enfin à leur voulons adapter l’offre de avenir, » ajoute Mme Dweiri. formation professionnelle Le retour sur les bancs de l’école est la première étape vers la cicatrisation des blessures aux camps de réfugiés.» psychologiques liées au conflit. L’école aide les enfants à accepter peu à peu leur destin et à espérer un avenir meilleur.

Soutien à l’intervention pour l’éducation en situation d’urgence en faveur des jeunes réfugiés syriens et des communautés d’accueil en Jordanie http://www.unicef.org/infobycountry/jordan.html Ce projet vise à assurer l’accès des enfants syriens vulnérables et des enfants des communautés d’accueil à l’enseignement officiel gratuit et à d’autres services connexes. L’accès des enfants vulnérables en âge d’être scolarisés à l’éducation et à un soutien psychosocial dans les écoles des villes et des camps est l’un des résultats escomptés du projet. Grâce au projet, les enfants n’ayant pas accès à l’enseignement officiel peuvent accéder à des activités d’apprentissage alternatives au sein des communautés et dans les camps. Un système efficace de suivi et d’évaluation est mis en place en coopération avec le ministère de l’éducation afin de suivre les progrès en termes d’accès à l’enseignement et aux activités d’apprentissage. Contribution de l’UE : 10 000 000 euros

Pour en savoir plus UNICEF & UE Site Internet Délégation de l’UE Jordanie

Dossier de presse du Centre d’information pour le voisinage européen UE & UNICEF: un partenariat pour les enfants Centre d’information pour le voisinage européen - page thématique ÉDUCATION et FORMATION http://www.enpi-info.eu/thememed.php?subject=11&lang_id=469

EU Neighbourhood Info Centre An ENPI project L’ENPI Info Centre est financé par l'UE dans le cadre du programme régional d'information et de communication en vue de mettre l’accent sur le partenariat entre l'UE et les pays voisins. Le projet est géré par Action Global Communications.

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