EDUCATION > LIBAN
Une école pour les enfants de la guerre
n Jeunes étudiants syriens en classe à l’école publique d’El Jarrahiyeh
www.enpi-info.eu Les enfants syriens ont subi « le plus rapide et le plus net déclin éducatif » jamais vu au Moyen-Orient, ont annoncé l'ONU et plusieurs ONG dans un rapport publié récemment. Les enfants refugiés sont confrontés à plusieurs difficultés liées au manque de place, à l'insécurité, à la pauvreté, aux tensions communautaires, aux différents dialectes. Au Liban, le programme de l’Unicef « Back to learning », financé par l’UE essaie de pallier à ces difficultés. Un journaliste du Centre Européen de voisinage a visité quelques écoles, et il nous envoie ce reportage. Texte de : Antoine Ajoury Photos par : AFP ©EU/Neighbourhood Info Centre
BEKAA - Il est 15 heures. Les élèves de l’école publique de Jarrahiyeh, à Marj, dans la région de la Bekaa au Liban, attendent patiemment le début des cours de l’après-midi. Il s’agit en effet d’un cursus spécial pour les enfants syriens dans le cadre du programme « Back to learning », financé par l’Union européenne (UE). « Uniquement dans la région de la Bekaa, on estime à plus de 65.000 le nombre d’enfants syriens en âge d’aller à l’école, de 4 à 14 ans - explique César Al Fakih, responsable éducatif de l’Unicef dans la Bekaa - Environ 25.000 ne sont pas intéressés par les activités scolaires, certains travaillent déjà . Il reste donc 40.000 jeunes syriens qui ont émis le souhait de s’inscrire dans les écoles publiques. Mais uniquement dix écoles ont la capacité d’admettre plus d’élèves, et ils ne peuvent que prendre 18.000 individus » ajoute il. Cette publication ne représente pas l'opinion officielle de la CE ou les institutions de l'UE. La CE n'assume aucune responsabilité quelle qu'elle soit quant à son contenu.
L’école dans les camps Une des solutions a donc été de monter des cours dans l'après-midi pour décongestionner le cursus normal de la matinée. En gros, il y a les enfants qui suivent le cursus scolaire normal le matin et qui ont été intégré avec les élèves libanais ; il y a ceux qui suivent un cursus spécial l’après-midi dans les écoles; ceux qui bénéficient du programme ALP (Accelerated Learning Programme) toujours dans les écoles ; et ceux qui vivent à l’intérieur des camps et qui ne sont pas scolarisés, mais qui sont la cible d’actions spécifiques de l’UNICEF. Le but du programme ALP est de permettre aux enfants qui ont quitté l'école en Syrie, de se remettre au niveau et de rattraper ce qu’ils ont
EU Neighbourhood Info Centre Reportage no. 121 Ceci est une série de reportages sur les projets financés par l' EU, élaborée par des journalistes et des photographes sur le terrain ou par l' EU Neighbourhood Info Centre. © 2014 EU/Neighbourhood Info Centre
Une école pour les enfants de la guerre
p.2
EU Neighbourhood Info Centre – Reportage no. 121
n Les élèves syriens montrent leur travail
« Outre le volet purement éducatif, il y a aussi un volet psycho-social qui vise les parents et qui est d’une importance capitale »
perdu. Il consiste aussi à leur apprendre les notions de base d’anglais ou de français en vue de leur insertion dans les écoles libanaises. En outre, une session de deux semaines a été assurée aux enseignants syriens pour préparer avec eux le programme ALP dans une trentaine de camps de réfugiés syriens dans la Bekaa.nn Le programme « Back to learning » - dont l'ALP fait partie - prend en charge les scolarités des enfants, les livres et fournitures et dans certains cas une petite collation. « Outre le volet purement éducatif, il y a aussi un volet psycho-social qui vise les parents et qui est d’une importance capitale, puisque le changement d’environnement, la pauvreté, la violence et les abus de toutes sortes ont créé beaucoup de problèmes à ces niveaux. Des familles entières vivent dans une seule chambre, ou sous une seule tente », explique de son côté Amina Kleit, directrice de programme à l’association Iqra’, chargée par l’Unicef de l’application du programme. Ce volet touche tout ce qui a rapport avec la santé, la nutrition, l’hygiène. « En effet, beaucoup de progrès ont été accomplis dans ce domaine, en fournissant un soutien pédagogique, une campagne de prévention, et même en offrant des shampoings, médicaments et autres provisions nécessaires aux familles syriennes », ajoute-t-elle. n L’éducatrice libanaise Nisrine el Karout fait la lecture aux enfants
n L’éducatrice libanais Gretta Fahel au travail avec les jeunes syriens
n La directrice du programme IQRA
Amina Kleit
Un manteau oublié pour rester en classe Gretta enseigne à l’école publique de Jarrahiyeh. Ils sont 27 élèves en bas âge dans sa classe. Elle les réunit en cercle autour d’elle. Chacun doit dire son nom, l’écrire sur un bout de papier (chaque lettre avec une couleur différente) et dire de combien de syllabes il est formé. « Avec ce jeu simple, les élèves apprennent à lire, à compter et à connaitre les couleurs », explique Gretta. Ensuite, le vrai divertissement éducatif commence : A l’instar du jeu « tu oses ou tu dis la vérité », les jeunes Syriens doivent dirent ce qu’ils aiment, ce qui les dérange, ce qu’ils souhaitent, etc. Majd, avec son malicieux sourire, récite un poème d’amour à Gretta. Ahmad, lui, raconte qu’il aime plier le linge à la maison. Aya par exemple adore venir à l’école, mais espère quand même retourner chez elle en Syrie pour poursuivre ses études. Gretta se dit extrêmement heureuse de prendre soin de ces enfants qui risquent de devenir une génération perdue si personne ne se penche sur leur éducation. Elle raconte ainsi l’histoire de ce jeune garçon qui oubliait chaque jour son manteau en classe pour remonter le reprendre après la fin des cours. « A chaque fois, ses parents montaient le chercher pour le trouver endormi en classe. Il préférait rester à l’école que rentrer à la maison », ajoute Gretta les larmes aux yeux.
« Le changement d’environnement, la pauvreté, la violence et les abus de toutes sortes ont créé beaucoup de problèmes. Des familles entières vivent dans une seule chambre, ou sous une seule tente »
n La spécialiste en Communication d’UNICEF Liban Miriam Azar avec de jeunes élèves syriens
Une école pour les enfants de la guerre
p.3
EU Neighbourhood Info Centre – Reportage no. 121
Le poids du conflit Le programme donne également beaucoup d’espoir à des jeunes un peu plus âgés. Dans une autre classe, des élèves commencent à apprendre l’anglais. Certains d’entre eux travaillent déjà dans la matinée, pour pouvoir suivre ensuite les cours de l’après-midi. Le poids du conflit syrien pèse déjà sur eux. Ils ont peur de donner leur nom, ils appréhendent l’objectif de la camera de crainte qu’ils soient reconnus par des hommes du régime qui traquent leurs parents. Mais malgré toutes les difficultés, ils étudient avec assiduité et détermination. Mohammad (son nom a été changé) a onze ans. Le matin, il aide son grand frère dans une ferme de la région. Malgré la fatigue, n Tentes de bédouins libanais le chemin à faire pour venir à l’école, il participe activement au cours, et espère un jour, lui aussi, enseigner l’anglais en Syrie. « Les habitants de la région sont pauvres, qu’il s’agisse des Il est à noter par ailleurs que ce programme qui a autochtones ou des bédouins qui y vivent. Les élèves commencé initialement dans un contexte libanais bénéficient eux aussi des prestations et du d’urgence pour combler les besoins des réfugiés, soutien apporté par ce programme » sera poursuivi dans un but de développement durable qui vise le système éducatif libanais en général. « Les formations accordées aux personnels et aux enseignants seront bénéfiques pour l’ensemble des élèves libanais. Et tout le matériel éducatif utilisé restera dans l’école pour un usage au-delà du contexte actuel », affirme sur un autre plan Miriam Azar, spécialiste de la communication d’urgence à l’Unicef. « C’est donc un investissement à long terme qui vise non seulement les élèves, mais également les parents qui sont invités à être des partenaires dans ce projet », ajoute-t-elle. Abordant dans le même sens, Riad al Kadri, le directeur de l’école de Jarrahiyeh affirme que « les habitants de la région sont pauvres, qu’il s’agisse des autochtones ou des bédouins qui y vivent. Les élèves libanais bénéficient eux aussi des prestations et du soutien apporté par ce programme ». Pour confirmer ces paroles, Amina Kleit fait appel à la femme de ménage de l’école. Celle-ci était analphabète. Grâce au programme éducatif, elle sait lire et écrire. « Maintenant, quand j’ai un papier à signer, j’écris mon nom, alors qu’avant je signais avec mon empreinte », affirme fièrement cette mère de quatre enfants qui les encourage désormais à aller à l’école pour étudier.
“Retour à l’école” http://www.unicef.org/french/infobycountry/lebanon.html L’objectif du programme d’éducation informelle d’UNICEF Liban est de fournir des opportunités d’apprentissage adaptées aux besoins des enfants déscolarisés et touchés par la crise syrienne. Le projet vise à identifier et inscrire jusqu’à 50 000 enfants déscolarisés dans les écoles primaires classiques, tandis que jusqu’à 150 000 enfants et adolescents seront inscrits dans les programmes d’éducation informelle pour une population ciblée d’enfants déscolarisés de 200 000. Cette opération couvre les 6 gouvernorats du Liban, sur une durée prévue d’une année, entre Septembre 2013 et Août 2014.
Pour en savoir plus: L’UE & l’UNICEF site web
Dossier de presse L’UE & L’UNICEF Un partenariat pour les enfants
Délégation de l’Union Européenne Liban
EU Neighbourhood Info Centre - page thématique EDUCATION et FORMATION
UNICEF Liban
EU Neighbourhood Info Centre An ENPI project Le Centre d'information pour le voisinage européen est financé par l'UE dans le cadre du programme régional d'information et de communication en vue de mettre l’accent sur le partenariat entre l'UE et les pays voisins. Le projet est géré par Action Global Communications.
www.enpi-info.eu