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De l’autre côté du miroir
Dans quel genre de vie un sportif s’engage-t-il, après une trépidante carrière couronnée de succès ? Parvient-il facilement à s’adapter à un rythme moins intense ? Ce passage se vit-il comme une «réinsertion» dans un monde différent ? Par Gérard Vallat
Autant de questions dont nous nous sommes entretenus avec Marcel Fässler, premier pilote suisse à s’être imposé à trois reprises aux 24 Heures du Mans en 20112012 et 2014. À l’heure d’écrire ces lignes, il y avait presque dix ans jour pour jour que le Schwytzois décrochait son deuxième titre dans la Sarthe. Par la même occasion, il devenait cette même année le premier Suisse champion du monde d’endurance. Helvète de tous les pores de son corps, Marcel Fässler, père de quatre filles, est un homme d’une remarquable humilité. Fidèle à ses racines, il n’a jamais quitté son village d’origine pour aller vivre à Monaco ou sous le soleil d’un autre paradis fiscal. Aujourd’hui, c’est sans aucun regret ni amertume que ce grand champion, qui s’est illustré aux quatre coins du monde en portant nos couleurs, dévore sa nouvelle vie à pleines dents. Depuis deux ans, il a posé le casque pour reprendre le cours d’une existence «normalisée», mais jamais très éloignée de sa passion pour l’automobile.
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depuis la fin de saison 2020, vous êtes un homme libre. Que fait le retraité du sport Marcel fässler ?
Je devais certainement avoir peur de m’ennuyer, puisque je cumule trois activités pour le moment. En les énumérant en fonction du temps que j’y consacre, je commence par Sportec, où je suis responsable des activités sport et compétition, ce qui m’occupe à soixante pour cent. Ensuite, je collabore au développement et à la corrélation du simulateur F1 chez Sauber. L’objectif étant d’avoir des résultats sur le simulateur les plus proches possible de la réalité pour aider les pilotes, notamment lors des meetings de grand prix. C’est un volet passionnant de mes activités, que j’aime beaucoup évidemment. Puis vient, en troisième position, mon rôle d’ambassadeur et formateur du TCS sur le circuit de Lignières. Et… j’allais oublier, un modeste rôle de consultant sur une chaîne de télévision pour le DTM et la formule E. Mes journées sont plutôt chargées , mais, dans un premier temps, cela me permet de distinguer et déterminer ce qui me plaît vraiment, avant de me diriger dans une direction plutôt qu’une autre. D’ailleurs, je commence à réduire un peu mon activité dans quelques-uns de ces jobs, surtout pour m’occuper davantage de ma famille, et respecter la parole que j’ai donnée à Isabelle, mon épouse. Je lui ai promis d’être plus présent auprès d’elle et de nos enfants que je l’ai été durant ces presque vingt-cinq ans de compétitions. En revanche, j’avoue que l’année passée, c’est le contraire qui s’est produit, alors maintenant je dois vraiment commencer à calmer le rythme. Mais en résumé, ma vie est pour l’instant aussi dense que pendant ma carrière, l’adrénaline et la pression de la course en moins. signé mon dernier contrat pour deux ans en GTE chez Corvette. Je me demandais souvent ce que je ferais à la fin de ma carrière. Ayant eu l’immense chance de pratiquer ma passion comme métier, en professionnel, il m’était difficile de me projeter vers autre chose. J’imaginais créer une société, mais je n’étais pas convaincu et surtout je ne voyais pas dans quel domaine me diriger. Et finalement c’est presque une affaire de «famille» qui m’a amené chez Sportec. Gregor, le fils d’Urs Burkhardt, une des personnes qui m’a soutenu dès mes débuts, a repris le garage Sportec. Étant donné que je le connaissais pour l’avoir coaché, lui et son frère Ricardo, dans le cadre de la Porsche Cup Suisse, et qu’il voulait développer un département compétition, nous nous sommes rendu compte que nous pourrions travailler ensemble sur ce projet.
Si on en juge par la répartition du temps alloué à ces activités, il ressort que Sportec est la plus importante. Comment êtes-vous arrivé dans cette entreprise ?
Je réfléchissais depuis un moment déjà à ce que je ferais après avoir arrêté la compétition. Cela remonte à 2018, lorsque j’ai
finalement, toujours dans le sport automobile, mais de l’autre côté du miroir ?
C’est exactement ça, de l’autre côté de ce que j’ai toujours connu, ce qui représente aussi un grand challenge et énormément de plaisir. Je suis très content
de ce nouveau poste, et j’adore mon job. J’organise et je gère tout ce qui concerne Sportec Racing, la logistique, la gestion des mécaniciens, les réservations d’hôtels, les relations avec les organisateurs, etc. Nous organisons des journées Track Days pour nos clients, mais aussi le management de l’équipe sur les courses GT2 avec deux KTM l’année passée, et trois Porsche GT3 en Porsche Cup Suisse. Bien que nous ayons remporté le championnat GT2 l’année dernière avec Christophe Ullrich, nous n’engageons pas de voitures cette saison dans cette discipline.
évidemment, le compétiteur que vous êtes fixe des objectifs à l’équipe et aux pilotes ?
Le but est toujours de gagner, c’est clair, mais je sais que cela n’est jamais facile. Maintenant je ne suis plus dans la voiture, mais je veux avoir l’équipe capable de remporter ce championnat Porsche Suisse. Il y a un team de référence que nous avons tous pour objectif de battre. Beaucoup de pilotes sont rapides, quantité de choses interviennent sur une saison, je sais qu’on ne doit pas «vendre la peau de l’ours», mais nous mettons tout en œuvre pour que Sportec devienne un des meilleurs teams. Nos trois pilotes sont capables de gagner des courses, et pourquoi pas le titre. J’essaie de leur apporter mon expérience et mon soutien.
Vous pensez à la relève du sport automobile suisse ?
On ne peut pas vraiment dire les choses de cette manière, en tout cas pas aujourd’hui. Nous soutenons Dario Palazzolo, un très jeune pilote de karting qui a la bonne attitude et une bonne vision de son sport. Notre soutien n’est pas énorme, mais nous gardons un œil sur lui et, pourquoi pas, un jour peutêtre, il roulera pour nous.
En dehors de ce département compétition, quelles sont les activités de Sportec ?
Sportec a trois piliers, en fait. D’un côté, nous avons un atelier dans lequel nous assurons l’entretien et le service de différentes marques. Il n’est pas rare de voir dans nos murs des Lamborghini, Audi ou même Ferrari, mais notre marque de prédilection reste clairement Porsche. En parallèle, sous le même toit, nous avons un département de spécialistes moteurs et boîtes de vitesses, qui travaillent essentiellement à l’amélioration et à Suite page suivante
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l’optimisation de tous types de Porsche. Et, très important à mentionner également, depuis quelques années, Sportec est agent de la marque KTM. D’ailleurs, dans le courant de l’été, nous livrerons à quelques clients la nouvelle KTM X-Bow GTX. C’est une voiture incroyable qui ne pèse que 1050 kilos pour 530 chevaux. En fait, il ne s’agit ni plus ni moins que de la version routière de la voiture avec laquelle nous avons remporté le championnat GT2 en 2021. À côté de ces activités «modernes», il y a l’atelier Sportec Classic, qui a deux volets : l’un se concentre sur la restauration de Porsche anciennes, absolument conformes aux originales, et un second plus axé sur la construction de Porsche «spéciales».
Sur la base de modèles anciens, dont essentiellement les modèles G, nous construisons sur mesure des voitures «classico/modernes». Nous avons en chantier un projet dont l’ambition est de rester sous la barre des 1000 kilos, avec une mécanique de hautes performances. Un autre projet nommé «Ferdinand» a un objectif sensiblement pareil, mais davantage prévu pour une utilisation courante. Et enfin, last but not least, le département compétition, dont je suis en charge, qui a pour objectif de grandir pas à pas, sans brûler les étapes. J’ai désormais de nouveaux objectifs, professionnels et familiaux, qui font que je me sens épanoui dans cette nouvelle version de ma vie.