Projet Mars - Extrait n° 3

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5 UN MYSTÉRIEUX RACCORDEMENT ÉLECTRIQUE

onny, comme la plupart du temps, arriva le premier dans la salle de classe. À peine avait-il allumé son écran qu’Elinn et Carl entrèrent à leur tour. « J’ai quelque chose à vous montrer, dit Ronny. — Laisse-moi deviner, fit Carl. Un nouveau modèle d’avion ? » Le simulateur de vol était le passe-temps favori de Ronny ; sur ce programme, il avait appris à piloter, tant et si bien qu’il avait été en mesure de diriger l’avion de Mars. Sans lui, on n’aurait jamais découvert les tours bleues. « Non, c’est autre chose. » Ronny, se connectant à la banque de données principale, ouvrit le fichier d’informations concernant la station et, dans le classeur Énergie, sélectionna les comptes rendus de défaillances électriques. Cela ne lui posait aucun problème ; ces données étaient accessibles à tous. Perplexes, Elinn et Carl suivaient la manœuvre par-dessus son épaule. Un bruit se fit entendre à la porte : Urs entra, suivi de près par Ariana qui, elle, bien qu’ayant le trajet le plus court, arrivait quasiment toujours la dernière. « Depuis quand vous intéressez-vous aux avions ? demanda-t-elle en voyant ses trois camarades plantés devant le moniteur de Ronny. — Il s’agit soi-disant d’autre chose », fit Carl. Est-ce qu’ils le prenaient pour un idiot capable seulement de piloter ? Ronny afficha la liste des chutes de tension électrique relevées sur le conduit sud. « Là. Voilà ce que j’ai vu hier avec monsieur Glenkov. » Il se tourna vers Urs et Ariana. « Quand avez-vous trouvé l’artefact ?

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— Samedi, répondit Urs. — Oui, je sais, mais à quelle heure ? » Les adolescents se regardèrent et poussèrent un soupir bruyant en haussant les épaules. « Aucune idée. Dans l’aprèsmidi. — Vous avez appelé vers quatre heures puis nous nous sommes retrouvés chez Elinn », se souvint Ronny. Il pointa de l’index la dernière ligne de la liste. « La chute de tension s’est produite à quinze heures trente. » Le relevé indiquait de 15:32 à 15:41, pour être précis. « Regarde voir dans le module d’enregistrement des sas atmosphériques », suggéra Carl. Dans chacun des sas était installé un détecteur qui mémorisait toutes les entrées et sorties, ainsi que le nom et l’heure. L’identification s’opérait grâce à une puce intégrée sur chacune des combinaisons. Ce dispositif vérifiait également quel communicateur on avait avec soi. Elinn se pencha par-dessus l’épaule de Ronny et passa en revue, ligne par ligne, les informations affichées sur l’écran. « Voilà qui est intéressant, marmonna-t-elle. Tu peux me copier cette liste sur un courriel ? — Une chose après l’autre, gémit Ronny. Envoyer la liste à Elinn, ouvrir le dossier d’enregistrement des sas. Là, voilà. Sortie 14:07 : Ariana DeJones, Urs Pigrato. Et, quelques lignes plus bas : Entrée 16:24 : Ariana DeJones, Urs Pigrato. — Ça pourrait coller, fit Ariana d’un air songeur. Du gouffre de Jefferson jusqu’à la station, il faut environ quarante minutes. Et nous sommes revenus sur nos pas très peu de temps après avoir trouvé l’artefact. — Mais qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Urs. — Peut-être rien du tout, fit Carl. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’une pure coïncidence. » Elinn secoua la tête, faisant voler ses boucles flamboyantes. « Ce n’est pas un hasard. — C’est quoi, alors ? » l’interrogea son frère.


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Elle demeura quelques instants le regard perdu dans le vide, puis elle répondit : « Pour l’instant, je ne peux rien affirmer. Il faut d’abord que je vérifie quelque chose. Le mieux serait qu’on se retrouve cet après-midi à la cachette. — J’ai une interview avec Van Leer, annonça Carl. À mon avis, ça va au moins durer jusqu’à quatre heures. — Quatre heures, c’est très bien, fit Elinn. — Mais qu’est-ce qui se passe là-dehors ? » s’exclama soudain Ariana. Alors qu’elle s’apprêtait à s’asseoir, son regard s’était arrêté sur l’esplanade. En moins de deux, tous se pressèrent à ses côtés devant la fenêtre. En regardant en diagonale en dessous de la salle de classe, entre les modules 3 et 4, on apercevait partiellement deux patrouilleurs transformés. Se servant de la grue rattachée au module 4, trois personnes en combinaison s’affairaient à installer un cylindre métallique sur l’un des véhicules. « Ce sont des cabines externes, expliqua Ronny. Montées sur les patrouilleurs, elles servent pour les expéditions. » Voyant ses camarades mi-admiratifs, mi-sceptiques, il ajouta : « C’est monsieur Glenkov qui me l’a dit. — Ils ne vont tout de même pas faire partir une expédition maintenant ! s’exclama Carl. — Si, intervint Urs à la surprise générale. Elle doit démarrer jeudi, en direction de l’est. » Ignorant les regards incrédules des autres, il s’installa devant son moniteur et leur raconta ce qu’il avait entendu. « En passant par Valles Marineris ? demanda Carl. — Oui. Cette grande vallée au niveau de l’équateur, c’est ça ? — Ce n’est pas simplement une grande vallée. C’est un canyon de quatre mille cinq cents kilomètres de long, le plus grand jamais découvert dans tout l’univers, et il se ramifie en plusieurs vallées. » Ronny vit Urs froncer les sourcils. Mais qu’est-ce qu’il prenait à Carl de crâner comme ça ?


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« Si tu le dis, concéda le jeune Terrien. Pourtant le docteur Spencer a parlé d’une distance à parcourir de trois mille kilomètres. — Bien sûr, fit Ariana. Il mesure le parcours au départ de la station. — Et qu’est-ce que ça veut dire, d’ailleurs, “muches” ? leur demanda Urs. Je n’arrive pas du tout à imaginer ce que… » Tout d’un coup, un signal sonore s’échappa des hautparleurs, suivi aussitôt par l’imperturbable voix synthétique d’IA-20, l’intelligence artificielle de la cité. « Je remarque que vous vous trouvez dans la salle de cours depuis plus d’une demiheure sans qu’aucun des modules d’enseignement n’ait encore été ouvert. Étant donné que, ces derniers temps, vous êtes tous sans exception en retard sur votre programme d’apprentissage, il serait opportun de faire preuve de plus de sérieux dans votre travail. Je préférerais ne pas être obligée de prévenir vos parents. — Esclavagiste ! grommela Carl. — Moi, je n’en ai presque pas, du retard », ronchonna Elinn. Néanmoins, chacun retourna docilement à sa place. Lorsque Ronny ouvrit son programme, celui-ci l’accueillit avec des exercices de grammaire anglaise. Il poussa un gémissement. Ariana, elle, dut d’abord allumer son moniteur. « Demain, je te ferai voir une muche », promit-elle à Urs. Le jeune Terrien avait toujours les yeux rivés sur le hautparleur fixé au-dessus de sa tête. « Est-ce que ce machin a vraiment dit “Je préférerais” ? » ❐ Personne ne remarqua le patrouilleur qui lentement, très lentement, traversa l’esplanade devant la station supérieure, franchit la sortie puis, roulant toujours au pas, s’éloigna en direction du sud.


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