Qui a volé la lune ?

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Qui a volé la lune ?

CONTES POUR PENSER À L’ENDROIT

MICHEL CORDEBOEUF - MARIE-CÉCILE DISTINGUIN-RABOT


Dans les livres que nous éditons, il y a de jolies images, de beaux textes, mais plus encore... Il y a des princes et des princesses, des fées et des dragons, des bergères et des sages, mais plus encore... Dans les livres que nous éditons, il y a de quoi rêver, de quoi discuter, de quoi avancer, mais plus encore... Nous espérons que ces livres, dans lesquels nous avons mis un peu de nous, vous apporteront, à vous et à vos enfants, émotions, plaisir, un supplément de bonheur, et peut-être plus encore... Aline et Albert de Pétigny


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Qui a volé la lune ?

A Jean Bruneteau qui offrait souvent cette phrase : « On peut tout dire à tout le monde mais pas n’importe quand ni n’importe comment ! »

A mes deux soleils, Valentine et Alix.

Michel

Marie-Cécile


L

a nuit est tombée. Marie va fermer sa boutique. Ce soir, il ne reste plus rien sur les étagères. Louis connaît beaucoup de secrets pour réussir de délicieux gâteaux et les gourmands viennent de loin ! Et puis Marie a toujours le sourire. Parfois, elle glisse un bonbon dans la poche des enfants. - Tiens, il reste un croissant ! remarque la boulangère. Je vais le garder pour le petitdéjeuner de Louis. Vingt heures sonnent à la grosse horloge du clocher. Marie baisse le rideau de fer quand elle aperçoit un enfant qu’elle ne connaît pas. Il dévore des yeux le dernier croissant. Elle ouvre la porte et l’enfant se recroqueville contre la vitrine. - Bonsoir ! dit-elle en s’approchant de lui. Tu désires quelque chose ? - Je regardais les deux lunes ! murmure-t-il. Un petit croissant est suspendu dans le ciel noir empli d’étoiles, un petit croissant si lointain qui ressemble à celui, tout proche, dans la vitrine. Marie s’accroupit auprès de lui : - Tu n’es pas du village ?

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N

on, je m’appelle Pablo. Nous voyageons à travers le pays, et ce soir nous donnons un spectacle sur la place. Papa joue de la guitare et Maman danse. Mon frère et moi, nous racontons des légendes tziganes. - Tu vois, reprend-elle de sa voix douce, chez moi, la lune se mange. Tu la veux ? - Mes parents m’ont appris à ne jamais rien demander ! - Mais tu as le droit d’accepter un cadeau ! Attends-moi un instant, je vais te donner ce croissant et un bâton de chocolat. Si tu croques les deux en même temps, tu verras, c’est délicieux ! - Merci beaucoup ! Louis apparaît tandis que l’enfant s’éloigne. - Je viens de lui donner le croissant qui restait ! - Tant pis pour moi ! sourit le boulanger. - Tu as vu, le ciel est magnifique ce soir ! s’exclame Marie. - Avec un joli croissant de lune qui ressemble aux miens ! ajoute Louis. - Au fait, ce soir, je t’emmène au spectacle ! - Et qu’allons-nous voir ? - Surprise !

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E

n s’approchant du grand feu qui illumine les platanes de la place, Marie et Louis constatent que les spectateurs sont peu nombreux. - Asseyez-vous, chuchote Pablo que Marie reconnaît dans les reflets des flammes, la représentation va commencer ! Des notes de guitare s’emparent du silence, puis la voix de l’enfant se fait entendre suivie de celle de son frère. - Voici l’histoire... - ... du quatrième clou de la croix ! - C’était il y a... - ... bien longtemps ! Le spectacle se poursuit, teinté de poésie, de danse et de musique. Une heure plus tard, les voix se taisent. L’homme pose sa guitare et la danseuse disparaît de la lumière. Les spectateurs applaudissent chaleureusement. Les saltimbanques saluent, puis Pablo et son frère José présentent une corbeille dans laquelle chacun dépose une pièce de monnaie, et parfois un billet.

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Q

uel magnifique spectacle ! s’exclame Marie sur le chemin du retour.

- Ces artistes nous ont fait rêver ! Dommage qu’il n’y ait pas eu beaucoup de monde ! - Peut-être nos artistes auront-ils plus de chance ailleurs ! reprend Marie. - Je l’espère pour eux car ils le méritent ! Le lendemain, dès l’ouverture de la boulangerie, les langues vont bon train. - Vous avez vu, les voleurs de poules sont partis ! lance madame Fanfreluche. - De qui parlez-vous ? demande Marie. - Des Tziganes ! Il paraît qu’ils volent des poules dans chaque village où ils passent ! - Et ils vous ont volé des poules ? - Non, mais mon mari avait installé des pièges tout autour du poulailler. Malheur à celui qui s’y serait fait prendre ! - Il paraît qu’autrefois, ils volaient des enfants ! vocifère madame Carmagnole. C’est mon oncle qui me l’a dit, et il tient ça de son arrière-grand-père qui le vit de ses propres yeux. - Et chez vous Marie, ils n’ont rien volé ? reprend madame Fanfreluche espérant une réponse qui lui permettrait de répandre toute sa méchanceté. - Non, mais je crois qu’ils ont emporté la lune ! - La lune ? répètent les deux commères.

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O

ui, la lune, et vous savez pourquoi ?

Les deux femmes se figent en attendant la suite. Masquant difficilement son envie d’éclater de rire, Marie s’approche d’elles, et leur dit à voix basse : - Parce qu’elle est en or ! - En or ? reprennent-elles dans un souffle. Vous êtes sûre ? - Oui mesdames, la lune est en or, mais pour l’heure, personne n’est au courant car vous vous doutez de l’effet qu’aurait une telle nouvelle ! - Et c’est pour ça que les gitans ont volé la lune ! Pour s’approprier son or ! minaude madame Fanfreluche. - Ils ne sont pas honnêtes, je vous le dis. Moi, à leur place, je ramènerais la lune là où ils l’ont prise ! déclare madame Carmagnole qui quitte le magasin avec précipitation, suivie par la seconde qui a bien l’intention de prévenir tout le monde. - Il faut alerter la police ! lance madame Fanfreluche à l’intention de sa complice. Un gendarme arrive quelques instants plus tard à la boulangerie, suivi des deux femmes, et il commence sa minutieuse enquête. - Tout d’abord, quand avez-vous vu les suspects pour la dernière fois ? - Hier soir, nous sommes allés au spectacle avec mon mari et... - Et vous n’avez rien remarqué ?

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-

C

’était un beau spectacle sur les légendes tziganes !

- Oui bon ! Vous n’avez rien à déclarer ? Vous ne voulez pas m’aider ? - Ce matin, je suis allée leur porter des croissants, mais ils avaient déjà levé le camp. - Et comment ! L’une des clientes qui était chez vous tout à l’heure les a vus partir comme des voleurs. Elle a affirmé qu’ils avaient attaché la lune à leur chariot et qu’ils filaient à toute allure. La seconde, qui habite en face de chez vous, aurait vu un enfant vous importuner hier soir alors que vous fermiez votre magasin. Il vous aurait obligé à lui remettre un paquet. Était-ce l’argent de la caisse ? - Il faudrait qu’elle change de lunettes ! sourit Marie. - Je mène une enquête difficile. Ce n’est pas tous les jours que la lune disparaît ! Je vais de ce pas essayer de retrouver et d’interroger les présumés voleurs. Plusieurs témoins m’ont indiqué la route qu’ils ont prise.

Ce soir-là, par une nuit emplie d’étoiles mais sans lune, les gitans se regroupent auprès du feu. - Pourquoi sommes-nous toujours pris pour des voleurs ? soupire Pablo. - Je n’arrive pas à croire le gendarme avec son histoire de vol de lune ! Je crois qu’il faudrait donner une bonne leçon à toutes ces vilaines langues ! ajoute José. - Le thème de notre prochain spectacle est tout trouvé ! affirme Joachim, leur père. Nous allons montrer combien la rumeur est dévastatrice, et qu’il vaut mieux se taire plutôt que de colporter des fausses nouvelles !

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C

’est une bonne idée, ajoute la douce Esméralda, l’épouse de Joachim, mais il ne faut pas devenir plus méchant que la rumeur ! Nous allons rester dans la tradition du théâtre, comme Molière qui savait si bien se moquer des vantards, des avares, des présomptueux ou encore des médecins et des bourgeois ! Pendant ce temps-là, les habitants sortent sur le seuil de leur maison ou dans leur jardin pour tenter d’apercevoir la lune, mais elle n’est toujours pas revenue dans le ciel. Le lendemain, ils constatent à nouveau son absence, et cette disparition commence à les angoisser. Certains parlent de fin du monde, d’autres évoquent une proche catastrophe. Le maire et l’agent de police ne savent plus quoi faire pour rassurer la population. Deux jours plus tard, madame Fanfreluche et madame Carmagnole traversent la rue principale en hurlant : - Les revoilà ! Tous les villageois se rassemblent sur la place, tandis que deux roulottes avancent aux pas lents des chevaux. Les attelages s’arrêtent sous les platanes. Joachim descend et prend sa guitare tandis que Pablo annonce : - Ce soir, nous avons le plaisir de vous présenter notre nouveau spectacle : «La lune a disparu !» Nous vous remercions de venir nombreux ! Jamais la place n’avait réuni autant de monde, sauf peut-être autrefois, les jours de foire. Intrigués, inquiets ou impatients, les villageois sont arrivés un peu avant l’heure pour être certains d’avoir une place. Apercevant Marie et Louis, Pablo leur adresse un signe de la main.

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U

ne fois le public assis autour du feu qui s’enflamme, trois guitares égrènent leurs notes et cinq danseuses entament un flamenco sous les regards subjugués. Puis Pablo fait son entrée et raconte l’étrange histoire d’un village qui croyait que des Tziganes avaient emporté la lune parce qu’elle contenait de l’or. Mais ils étaient innocents. La lune, amoureuse du soleil, avait fait une fugue pour retrouver son fiancé derrière les nuages. Madame Carmagnole, profitant de l’entracte, se penche vers madame Franfreluche et lui chuchote à l’oreille : - Ce n’est vraiment pas gentil de colporter de tels ragots ! - Heureusement, ce n’est que du théâtre ! - Pourtant, cette histoire me rappelle quelque chose... sourit Louis. Le spectacle reprend avec toujours autant de poésie et de pertinence. - Le petit gitan, en s’arrêtant devant une vitrine illuminée, découvrit un jour que le monde avait deux lunes... clame José. - ... Une de terre et une de farine ! conclut Pablo. Mesdames Fanfreluche, Carmagnole, Piquassiette, Marie, Louis, le gendarme et tous les spectateurs applaudissent à tout rompre aussitôt les derniers mots prononcés. En retournant chez lui, chaque villageois peut constater que la lune les regarde, ronde et souriante.

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L

e lendemain matin, les deux commères affirment à Marie que la lune leur a adressé un long clin d’œil. - Les Tziganes sont partis très tôt ce matin ! J’ai entendu les pas des chevaux et le bruit des roues des roulottes sur la route ! annonce madame Fanfreluche. - Enfin, il faut reconnaître que leur spectacle était vraiment formidable ! - Et vous croyez qu’ils reviendront ? - Peut-être, madame Carmagnole, peut-être ! sourit Marie. - J’espère qu’ils n’ont rien emporté cette fois ! reprend madame Franfreluche. - Mais allons donc, mesdames, ce n’était qu’une plaisanterie ! ajoute Marie en haussant les épaules, personne ne peut voler la lune ! - Mais nous n’étions pas dupes, madame Je-Sais-Tout, minaude madame Franfreluche, piquée au vif. - Oui, il ne faut pas nous prendre pour des folles ! complète madame Carmagnole sur le même ton que son amie. - Jamais nous n’oserions accuser quelqu’un sans preuve ! Même si nous ne le connaissons pas ! continue madame Piquassiette. C’est alors que surgit le gendarme, l’œil mauvais. - Bonjour mesdames, je suis heureux de vous prendre la main dans le sac ! Car je suppose que vos langues sont en train de se préparer à répandre de nouvelles rumeurs ! Voyez-vous, j’ai joué l’ingénu en croyant au vol de la lune, mais je voulais surtout voir jusqu’où vous étiez capables d’aller !



C

omme disait mon grand-père Gaston, qui fut élu au conseil municipal de sa commune durant quarante-deux ans et vingt-huit jours, il faudrait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, et ne jamais colporter de fausses nouvelles qui risquent de porter préjudice à quelqu’un ! Il est déplaisant de rire de son prochain, de le ridiculiser comme de le juger ! Et même de profiter de la crédulité des autres ! La rumeur, quelle qu’elle soit, est nuisible. Le gendarme ressort tel qu’il est entré, comme un coup de vent. Les femmes se dévisagent, puis se séparent sans dire un seul mot. - Eh bien, il semble drôlement en colère notre gendarme, murmure Louis en apparaissant dans la boutique. - Oui, mais il a raison. Je croyais bien faire en ridiculisant ces commères et je me suis prise à mon propre piège ! La rumeur est toujours destructrice et je saurai m’en souvenir ! Si par hasard vous entendez quelqu’un colporter une rumeur, vous pouvez poser votre doigt sur vos lèvres pour empêcher les vilains mots d’errer entre les cœurs des êtres.


Les thèmes • des livres • Le bonheur • Au bout de ses rêves • Qui suis-je ? • Accepter les différences • Les mots difficiles à dire • L’amour • L’attention aux autres • Les rêves • Les petites pensées • La confiance • Au-delà de la peur de l’autre • S’ouvrir au monde • Des sourires et des larmes • La mort • La confiance en soi • La confiance en la vie • L’intuition • Le sourire • La rancœur et le pardon • Les vies successives • •••

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A propos de l’auteur : Michel Cordeboeuf aime la beauté de la vie et de la nature, ainsi que les vagabondages dans l’imaginaire. L’écriture n’est-elle pas dans ce subtil mélange de réels et de fictions au goût de voyages et de richesses de la différence ? Auteur-interprète, il offre ses mots sur de jolies mélodies, œuvres de rencontres musicales, à travers des spectacles de création pour enfants ou pour les plus grands. www.michelcordeboeuf.com

A propos de l’illustratrice :

A chaque âge, sa collection. Découvrez notre catalogue complet sur www.pourpenser.com Penser à l'endroit : c'est continuer à dire "pourquoi ?"

CONTES POUR PENSER À L’ENDROIT

Qui a volé la lune ? MICHEL CORDEBOEUF - MARIE-CÉCILE DISTINGUIN-RABOT

PIERRE HEDRICH - GALOU

La tache rouge

Catégorie D

à l’endroit

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CONTES POUR PENSER À L’ENDROIT

Petites Pensées • Comptines pour penser • Histoires pour penser • Contes pour penser • Petites histoires pour penser • Nouvelles pour penser...

Céline Cidère

CONTES POUR PENSER À L’ENDROIT

Enfant, Marie-Cécile passe la plupart de son temps libre dans l’école des Arts Décoratifs que sa tante et son oncle, artistes-peintres, ont créé en Périgord. Elle dessine des maisons biscornues et multicolores, invente une vie sur papier aux marionnettes et aux pantins désarticulés qui décorent l’atelier... Voilà maintenant plus de 10 ans qu’elle réalise son rêve : se consacrer pleinement à son travail d’illustratrice et de peintre. www.mariececiledistinguin.com

13 rue Léon Pissot - 49300 Cholet - Tél./Fax : 02 41 58 72 26 editions@pourpenser.com - http://www.pourpenser.com ressources pédagogiques : http://www.pourpenser.com/educ

� ������ ������ ISBN : 978-2-915125-49-8 Dépôt légal : avril 2009

TIORDNE’L À RESNEP RUOP SETNOC

Un beau soir, arrivent au village des Tziganes avec leurs roulottes et leur spectacle. Cela pourrait être la fête mais, quand les préjugés sont là et qu’ils donnent naissance aux rumeurs, l’air est lourd de soupçons.


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