LMG LE MAG DU GOLFE 16-NOVEMBRE 2011 Christopheal LANDAISITV

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ECONOMIE

entretien avec

ze

Christopheal

Directeur Général

LANDAISa

Accor ME

Originaire de l’Ouest de la France, Christophe Landais dirige Accor au Moyen-Orient depuis l’ouverture des bureaux de l’entreprise à Dubai en 2000. Sous sa direction, Accor ME s’est engagé dans une véritable stratégie régionale visant à imposer l’entreprise française comme l’un des interlocuteurs clés de son secteur, dans une région du monde que le groupe considère, d’ailleurs, comme stratégique. Spécialiste du multimarque et fort d’une expérien- ce de plus de 25 ans dans le secteur, Christophe Landais assume la double mission de développer le portfolio des

(XXX) superviser l’ensemble de l’opérarationnel, de la construction à l’exploitatation selon des cahiers des charges très précis. A la tête d’une région couvrant l’Égypte, le Proche et le Moyen-Orient et d’une équipe d’une quarantaine de personnes, il est à l’origine, entre autres, d’une « petite révolution » : les pre-mières implantations d’hôtels de milieu de gamme et « économique » dans le Golfe, avec l’ouverture, dès 2003, de Novotel et d’Ibis à Dubai, ou d’ailleurs Accor s’est imposé comme leader.

marques de l’entreprise et de (XXX)

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Accor, le cap des 100 hôtels en 2015 Accor au Moyen-Orient, ce sont d’abord des chiffres : 55 hôtels à son portfolio et 12 300 chambres! Présente depuis onze ans dans les Émirats, l’entreprise française, qui évolue dans un univers essentiellement composé de groupes anglo-saxons, a su imposer sa stratégie multimarque. L’ambition de son directeur général Moyen-Orient, Christophe Landais, est de compter 100 hôtels à l’horizon 2015.

PAR LAURENT DEGEORGES

LMG : Aujourd’hui, le groupe Accor possède un portfolio de 55 hôtels dans la région. Quels sont les développements à venir ? C. Landais : Nous avons actuellement 23 hôtels en construction. Ils sont, bien sûr, à des stades d’avancement différents. A priori, d’ici trois ans, ils seront tous terminés. Donc en 2014, le portfolio d’Accor ME passera à 78 hôtels. Notre objectif est d’atteindre la barre symbolique des 100 hôtels, d’ici environ cinq ans. Nous voulons, même s’ils ne sont pas tous inaugurés en 2015, qu’ils soient déjà en construction ou au moins négociés. LMG : D’autres régions du monde connaissent-elles de tels taux de croissance, de 50 % tous les trois, quatre ans ? C. Landais : Non, cela est assez rare, surtout si l’on considère que ces établissements sont exploités dans le cadre d’un contrat de « management (1) » dans leur grande majorité. Cependant d’autres pays, comme la Chine et l’Inde connaissent également de très forts développements.

LMG : Quelles sont les forces d’un groupe comme Accor ? C. Landais : La situation d’Accor est unique dans l’industrie hôtelière! Aucun autre groupe hôtelier ne peut se prévaloir de gérer directement 400 000 chambres, soit 80 % du nombre total des chambres du groupe Accor. La situation d’Accor sur le marché est également unique par, déjà, l’étendue de nos propositions allant du « budget » au « luxury » et, ensuite le nombre de nos marques (douze au total). Avec cette plus grande segmentation que d’autres groupes hôteliers, nous sommes capables d’adapter très précisément nos propositions et de répondre à une gamme de clientèle très diverse, une gamme de marchés régionaux, et à tous les types de demandes de nos investisseurs et propriétaires. Concernant ces derniers, nous nous prévalons d’être un « one stop shop (2) » ! Nous sommes ainsi capables d’offrir aux investisseurs la meilleure solution possible et cela aussi bien en

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fonction du produit hôtelier qui doit être développé sur son segment de marché très spécifique, de son emplacement, que de la taille de l’hôtel ou du type de contrat recherché. Cet éventail de marques, avec des canaux de distribution performants et un savoir-faire opérationnel et de gestion reconnu sont, d’ailleurs, les principales différences, que nous avons par rapport à l’ensemble de nos compétiteurs.

les avantages du multimarque

LMG : Ce qui veut dire que vos principaux concurrents n’ont pas opté pour une stratégie multimarques ? C. Landais : Tous s’y mettent aujourd’hui ! La plupart des autres grands groupes ont commencé, historiquement, par des hôtels haut de gamme ou de luxe. Désormais, ils s’adaptent et viennent sur le marché de la « gamme moyenne » et du « budget ». Il y a une logique à tout cela. (XXX) LMG Numéro 16 - Novembre 2011


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LMG : Laquelle ? C. Landais : Dans une ville comme Dubai, par exemple, il est possible d’implanter, au maximum, un ou deux hôtels de luxe destinés à attirer une clientèle internationale. Si vous « descendez en gamme », vous pouvez multiplier le nombre d’unités. Je prends souvent l’exemple d’Ibis qui répond à la même logique que celle d’un centre commercial. Il répond à la demande de sa zone primaire de chalandise et attire, autour d’un centre d’affaires par exemple, une clientèle de proximité, domestique ou régionale. LMG ; Comment établissez-vous, au Moyen-Orient, la stratégie de croissance de votre groupe ? C. Landais : Nous évaluons le potentiel de chaque pays, de chaque ville, et dans cette ville, de chaque zone d’après différentes méthodes et des critères d’évaluation divers. Ensuite nous décidons du produit à développer en fonction du marché de segment ciblé et de son potentiel. Lors des quinze dernières années, les pays du Golfe se sont développés très rapidement. Il y a dix ans, le centre de Dubai était plutôt du côté de la Creek, proche de Deira City Center, et le marche hôtelier n’était pas segmenté. Selon le schéma le rétablissement rapide de Dubai

directeur du Gouvernement de Dubai, le centre de la ville est en train de devenir le « Mall Of the Emirates ». Bien sûr, la crise a ralenti en partie la réalisation de ce plan. Notre stratégie est d’accompagner ce développement et notre développement est tributaire de l’avancement des réalisations en cours. Par exemple, nous avons arrêté la construction de trois nouveaux hôtels (un Pullman, un Novotel et un Ibis) offrant un total de 1 200 chambres au nouvel aéroport de Jebel Ali. Cette stratégie est valable pour l’ensemble du Golfe.

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LMG : Quels ont été les effets de la crise dans le secteur ? C. Landais : Jusqu’à la fin de l’année 2008, les Émirats ont connu une effervescence « incroyable » où le ciel était, en quelque sorte, la limite…

« Je perçois favorablement l’avenir des Emirats, d’abord parce que le marché s’est assaini »

Ensuite, la crise a été ressentie comme un grand coup de frein ! Il faut aussi reconnaître que la logique économique dans les investissements, dans les financements, dans la définition même des projets n’était plus toujours respectée. Par exemple, les banques prêtaient, jusqu’à 90 % de l’investissement. En valorisant le terrain à hauteur de 10 % ou 20 % du coût du projet, il était ainsi possible d’emprunter la totalité de la somme correspondant à la construction ! La conséquence directe est qu’un bon projet avec un mauvais financement devient rapidement un mauvais projet. Nous sommes, désormais, revenus à des logiques plus saines où les banques, par exemple, « limitent » le montant de l’emprunt en fonction du coût de l’investissement. La conséquence directe est que le nombre de projets qui sortent sont plus limités et répondent à une logique économique pérenne. LMG : Plus anecdotique peut-être, l’Atlantis serait peut-être à vendre, un groupe comme Accor pourrait-il être intéressé ? C. Landais : Je ne connais absolument pas quelle est la situation aujourd’hui d’Atlantis. Maintenant si

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on venait nous voir, est-ce que nous le ferions ? Non, très clairement, car Accor n’a pas vocation à investir dans ce type de projet. Mais si on nous le proposait en « contrat de management », je ne sais pas. Atlantis repose sur un « business model » très spécifique. Dans tous les cas, nous prendrions en compte. LMG : Et plus généralement, êtesvous intéressé par les reprises ? C. Landais : Par définition, il s’agit de cas intéressants puisqu’il s’agit d’hôtels déjà existants, et qui génèrent du « cash » immédiatement. Et c’est vrai qu’il y a sûrement de très bonnes affaires à réaliser à Dubai. Nous avons aussi vu en 2009 et 2010, des propriétaires d’hôtels qui venaient nous voir pour que nous reprenions, en management ou en franchise, leurs établissements. La plupart du temps, nous refusons. Soit parce que l’hôtel n’est pas particulièrement bien situé, soit parce que la construction ne correspond pas à nos standards, ou que nous ne le pouvons pas, parce que nous avons déjà un hôtel implanté dans la zone primaire dudit établissement à reprendre. LMG : Vous êtes dans les Émirats depuis onze ans. Que pensez-vous, à propos de votre secteur, de l’évolution à court et moyen termes ? C. Landais : Je perçois cet avenir favorablement. D’abord parce que le marché s’est assaini ! Au moment où est survenue la crise, nous avons constaté en janvier 2009 que le RevPAR (3) avait diminué de 35 % à Dubai. En 2010, la baisse a été de 15 % à 20 %. Sur deux ans, le RevPAR a donc chuté de 45 % ! Ce qui devenait très inquiétant. Et cela même si nous savions que Dubai était « audessus du marché », par rapport à l’Europe ou l’Asie. Depuis Dubai a réussi à remonter la pente. Actuellement, nos hôtels connaissent un taux d’occupation de 80 % alors que pour l’ensemble de la ville, 15 000


ECONOMIE nouvelles chambres ont été ouvertes lors de ces deux années. Nous pouvons donc logiquement penser que le marché a réussi à compenser l’augmentation de l’offre. Ce qui n’est pas forcément le cas à Abu Dhabi. LMG : Le prix moyen des chambres est-il, de la même manière, reparti à la hausse ? C. Landais : Non, il est toujours plus bas qu’en 2008. On peut aussi penser que nous ne reviendrons jamais aux chiffres que nous avons connus à cette époque. Les prix, probablement surévalués en 2008, arrivent maintenant à une stabilisation. Ce sont les principales raisons qui nous conduisent à être raisonnablement optimistes en ce qui concerne l’avenir dans les Émirats. LMG : Comment expliquez-vous ce rétablissement rapide de Dubai ? C. Landais : Par plusieurs raisons. D’abord, grâce à sa position géographique à mi-chemin entre l’Europe et l’Asie. Ensuite, parce que Dubai a su s’imposer comme le « hub » d’une région de plus 350 millions d’habitants. Enfin, et on peut saluer le gouvernement de Dubai et Emirates Airlines, il s’agit d’une destination attractive et désormais perçue comme plus abordable en termes de prix, de disponibilité et offrant une large diversité en hauteur de gamme.

Il faut d’ailleurs noter qu’il s’agit du seul émirat du Golfe capable d’attirer autant une clientèle d’affaires que de loisirs. LMG : En France, on parle actuellement beaucoup du Qatar. Serait-ce un nouveau Dubai ? C. Landais : Le Qatar est un émirat relativement spécifique, avec de grandes ambitions, et disposant de revenus annuels liés à l’industrie gazière d’environ 40 milliards de dollars. Concernant le tourisme, l’État a mis en place des projets comme Pearl, une île artificielle. Mais la superficie du pays et le faible potentiel local demeurent, selon nous, des obstacles au développement de ce secteur. De plus le Qatar dans ce domaine se heurte, directement, à la concurrence de Dubai qui est une destination connue et lancée sur le marché depuis plus de dix ans maintenant. LMG : Quel est votre point vue sur le marché saoudien ? C. Landais : Il existe un vrai marché domestique et les autorités mettent en place les infrastructures nécessaires pour qu’il puisse prendre réellement son essor. D’ailleurs, il est intéressant de constater qu’en 2009 et 2010, alors que tous les pays du Golfe, d’Europe et d’Asie voyaient leurs RevPAR chuter, celui de l’Arabie Saoudite ne cessait d’augmenter. Nous continuons fortement à nous y développer.

Deux nouveaux Ibis Ibis, qui couvre le segment économique chez Accor, accroît sa présence avec l’intégration de Etap Hotel (350 unités) qui devient Ibis Budget et, de celle d’All Seasons (150 hôtels) désormais Ibis Style. Avec cette nouvelle configuration, le réseau propose pas moins de 1500 adresses à travers le monde.

(1) Dans ce secteur il existe quatre modèles d’opération, soit la propriété de l’hôtel, soit la location à long terme (lease), soit le management (l’opérateur donne sa marque et gère au nom d’un propriétaire son hôtel), soit la franchise (le propriétaire gère lui-même l’hôtel et adhère à un réseau en respectant l’ensemble des cahiers des charges). Dans le Golfe, le groupe Accor opère selon deux modèles qui sont le « management » et la franchise. Sur les 55 hôtels, huit sont exploités en franchise, les autres le sont en management. (2) One stop shop : il s’agit d’un lieu et, par extension, une entreprise qui offre la quasi-totalité des services que demande un client ou un consommateur. (3) RevPAR (Rooms Revenue / Room Available). Cet indice économique prend deux critères en considération, le taux d’occupation et le prix moyen par chambre, pour établir un revenu par chambre disponible qui est le baromètre de la profession.

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LMG Numéro 16 - Novembre 2011


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