Mémoire - Les rives viticoles et industrielles de Cognac

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LES RIVES VITICOLES ET INDUSTRIELLES DE COGNAC RÉVÉLER L’IDENTITÉ DE LA PÉRIPHÉRIE SUD DE COGNAC

ADRIEN BIZET - Travail de fin d’études - 2018 1


Président de jury

Christophe Degruelle, Président de la Communauté d’agglomération de Blois et professeur de politique territoriale au Département Ecole de la Nature et du Paysage de l’INSA Centre Val de Loire

Directeur de mémoire

Bertrand Folléa, paysagiste DPLG, co-fondateur de l’agence Folléa-Gautier et professeur de projet en quatrième année au Département Ecole de la Nature et du Paysage de l’INSA Centre Val de Loire

Professeur encadrant

Sylvie Servain, professeur des universités en Géographie au Département Ecole de la Nature et du Paysage de l’INSA Centre Val de Loire, membre de l’UMR 7324 CITERES (CNRS-Université de Tours)

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INTRODUCTION

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DES ORIGINES À LA VILLE MODERNE

18 20 26 30 40

LA FILIÈRE COGNAC

42 44 46 48 50 60 64 68 70 72 73

LA PÉRIPHÉRIE SUD

74 78 84 86 90 92

LE DÉVELOPPEMENT D’UNE CITÉ MARCHANDE LE LONG DU FLEUVE CHARENTE ÉVOLUTION DU VIGNOBLE LA CONSTRUCTION D’UNE PÉRIPHÉRIE UN CENTRE VILLE EN TRANSFORMATION

LE COGNAC LES ACTEURS DU PROCESSUS DE FABRICATION LE COGNAÇAIS, UN VIGNOBLE GRANDS ENSEMBLES DE PAYSAGES UNE FILIÈRE DES ACTIVITÉS, DES FORMES CARACTÉRISTIQUES DES PAYSAGES PRODUCTIFS DÉRACINÉS DYNAMIQUES EN COURS GRANDS ENJEUX DE LA FILIÈRE D’AUTRES PISTES À ENVISAGER ?

AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD UNE PÉRIPHÉRIE HABITÉE, TRAVAILLÉE ET TRAVERSÉE DES ENCLAVES AGRICOLES LE TISSU INDUSTRIEL DES SITES INDUSTRIELS POTENTIELLEMENT VISITABLES

VERS LE PROJET

94 96 98 100 102 104 108

CONCLUSION

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PREMIÈRES INTENTIONS SCHÉMA DIRECTEUR UNE PÉRIPHÉRIE CULTIVÉE ET HABITÉE L’ARBRE ET LA VIGNE UNE PÉRIPHÉRIE À VISITER EXEMPLES D’ACTIONS

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SOMMAIRE 5


Le département de la Charente

Cognac dans son agglomération

Cognac est la sous-préfecture du département de la Charente, en Nouvelle Aquitaine. Elle est la deuxième agglomération du département après Angoulême. Cognac, située dans la vallée de la Charente, est en aval d’Angoulême (45 Km) et en amont de Saintes (28 Km). La ville compte 18 717 habitants et fait partie de la Communauté d’agglomération «Grand Cognac» regroupant 70 000 habitants et 58 communes. Les communes attenantes à Cognac rassemblent 12 650 habitants.

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ARRIVER À COGNAC De la Rochelle ou d’Angoulême, des panneaux publicitaires proposant des visites de chais nous préviennent que l’on arrive près de Cognac. Arrivé sur le quai de la gare de Cognac, une usine dont le toit semble s’ouvrir, et trois hautes cheminées nous accueillent. En sortant de la gare, mon regard est attiré par de grands bâtiments en pierre de taille semblant occuper un îlot entier. En avançant ce motif se répète, des toits en zigzag, des ouvertures fermées par des volets en bois. Je crois en reconnaitre à chaque coin de rue. Cela devient presque un jeu. Les chais sont partout. Cependant, presque aucune trace de ce champignon noire dont j’avais entendu parler qui se nourrirait de l’alcool qui s’évapore des chais de cognac. Régulièrement j’aperçois des panneaux proposant des visites de maison de négoce, Hennessy, Martell, Rémy Martin.... Certains ne semblent pas mener vers le centre-ville. Les bâtiments, même les plus modestes, sont construits avec de grosses pierres de taille blanches. Une ambiance spéciale règne dans

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cette ville qui semble si calme. En arrivant dans le centre, je tombe sur une place avec une multitude de terrasses de café. Au milieu de la place trône la statue de François Ier. Il serait né ici. Je continue. Les rues commerçantes sont peu animées, certaines boutiques sont fermées, leurs devantures sont recouvertes d’affiches. Difficile de trouver un café en dehors de la place principale. Je continue vers la Charente. Les quais sont en travaux. On refait les deux berges du fleuve. L’interface entre la ville et la Charente semble avoir un passé industriel. Un peu plus loin je tombe sur un site moderne d’où sort un camion citerne. Plus haut, un imposant bâtiment a été reconverti en fondation d’art, plus loin encore, un autre est en travaux. Des anciens chais vont être reconvertis en hôtel de luxe. Une partie entière de la ville semble en travaux. Mais où est passé le cognac?


Cognac est un nom évocateur. Quand on entend ce nom, on pense d’abord à un produit, une eau-de-vie fabriquée à partir de vin charentais. Il en est de même lorsque l’on recherche "cognac" sur internet, on nous propose d’abord un contenu à propos de l’eau-de-vie. Mais Cognac est une ville, un territoire, le Cognaçais, et un vignoble. La ville s’est construite autour du commerce de l’eau-de-vie, et lui a donné son nom, cognac. Le territoire est fortement attaché à son produit. Le cognac a modelé son territoire, des zones rurales où la viticulture est omniprésente, aux villes dont le tissu urbain est ponctué de chais, lieux où les eaux-devie de cognac sont vieillies. Le procédé de fabrication du cognac est aujourd’hui règlementé par une AOC. Son aire de fabrication s’étend sur les départements de la Charente et de la CharenteMaritime. Cette région est divisée en différents crus, selon les caractéristiques des

eaux-de-vie qui y sont produites. La production y est réglementée, les eaux-de-vie doivent être produites et vieillies sur ce territoire donné. Autour de la production d’eau-de-vie s’est construit un archipel d’activités liées au processus de fabrication, de conditionnement, de vente et d’expédition du produit (tonnellerie, verrerie, cartonnerie, imprimerie...) Toute cette filière cognac représente une part importante de l’activité économique du territoire. Les campagnes du Cognaçais sont encore très rurales. Dans beaucoup de communes, l’emploi agricole représente une part importante de l’activité. Tandis que dans l’aire urbaine de Cognac, l’activité industrielle occupe une place très importante avec près de 25% d’emplois industriels. Le cognac, produit de terroir fabriqué de manière locale est aussi un produit mondial. En 2016, plus de 98% des ventes ont été effectuées à l’étranger dans plus de 160 pays. Dans le secteur des vins et

spiritueux, le cognac est le premier produit d’export (en valeur) devant les vins de Champagne et de Bordeaux. Dès son origine, le cognac a été un produit d’export. L’histoire du cognac illustre bien le processus de mondialisation qui s’est effectué en Europe dès le XIXe siècle. Le cognac est donc élaboré de manière locale, sur un terroir délimité, classé en crus et réglementé. Son influence, elle, est mondiale. Le nom de cognac est connu internationalement et son commerce est mondialisé. Depuis les années 70, et plus particulièrement ces 20 dernières années, le centreville de Cognac se sépare petit à petit de cette production. Les chais urbains sont progressivement abandonnés au profit de chais dans la périphérie de la ville. En effet l’évolution des politiques de gestion des risques d’incendie et l’évolution des modes de transport ont rendu plus contraignant l’utilisation de ces sites ur-

INTRODUCTION 10


bains. A cela s’ajoute l’augmentation de la demande en cognac, et donc la nécessité d’agrandir les sites. Avec leur disparition, le champignon noir qui se nourrit de la "part des anges" (part d’alcool qui s’évapore pendant le vieillissement du cognac) disparait petit à petit des murs et toits de la ville. La ville perd donc ainsi une partie de son identité. Petit à petit, une périphérie industrielle se construit. Dans certains cas, les chais en pierre sont remplacés par des mégastructures en béton à la limite de la ville. Il viennent rejoindre les tonnelleries et autres activités liées ou non au cognac déjà situées dans cette périphérie. Le rapport du cognac à son territoire change. La ville se patrimonialise autour de cette histoire industrielle et une périphérie industrielle se construit, regroupant toute la chaîne de production du cognac. Ce phénomène risque à long terme de déterritorialiser le produit de son territoire.

Cette périphérie, comme beaucoup d’autres en France, subit les mêmes phénomènes de banalisation des paysages via l’installation sans réflexion globale d’infrastructures routières, industrielles, commerciales et de zones résidentielles. La périphérie perd en lisibilité, la limite entre ville et campagne se complexifie. Aujourd’hui, un enjeu fort repose sur cette périphérie. Lieu de vie et de travail d’une part importante de la population de l’agglomération, elle est aussi le lieu de production du produit qui fait la renommée du territoire, en France et à l’étranger. Je propose de reposer la question de l’identité qui lie le produit au territoire, en me concentrant sur la périphérie sud de ville qui, selon moi, est très représentative des phénomènes énoncés précédemment. Comment dans cette banalité apparente, faire ressortir la singularité de ce territoire et de l’économie qui la fait vivre? Comment un produit mondialisé, avec un

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processus de fabrication industriel, peut-il être reconnecté à son territoire? Comment cette périphérie peut-elle devenir un paysage de proximité pour ses habitants et un paysage à découvrir pour ses visiteurs? Dans un premier temps, nous allons voir comment la ville de Cognac et sa périphérie se sont construites, puis de quelle manière la filière cognac impacte sur les paysages du territoire et de la périphérie de la ville, pour finalement s’attarder sur la périphérie sud de la ville et ses différentes composantes bâties, agricoles et industrielles. Dans une dernière partie, une ébauche de projet proposera des pistes d’évolution dans la construction de cette périphérie.


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EN SE BALADANT DANS LA PÉRIPHÉRIE

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«Nouveau site d’embouteillage de Hennessy : jusqu’à 240.000 bouteilles par jour, soit 20.000 caisses de 12 bouteilles. En 2019, une seconde ligne de production devrait être ouverte. Hennessy a vendu plus de 83 millions de bouteilles en 2016. Plus d’un cognac sur deux bu à la surface du globe est un cognac Hennessy.» (Charente Libre)

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Site principale de stockage de cognac de la sociĂŠtĂŠ ORECO : 953 739 000 L de cognac

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PARTIE 1

DES ORIGINES À LA VILLE MODERNE


Dès son origine, au Xe siècle, Cognac est une ville marchande. D’abord port saunier, Cognac va s’imposer comme haut lieu du commerce des eaux-de-vie grâce à sa position privilégiée sur le fleuve Charente, et au cœur du vignoble Charentais. Au XIXe siècle, la ville explose, sa population quintuple en à peine 70 ans. Cognac se construit autour d’une industrie, le cognac. Au XXe siècle, les modes de vie et de transport changent. La périphérie de la ville se voit bouleversée. Les grands projets d’infrastructures dictent l’urbanisation de cette périphérie. L’évolution des politiques de gestion des risques d’incendie, transfère l’appareil productif du cognac hors de la ville.

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LE DÉVELOPPEMENT D’UNE CITÉ MARCHANDE LE LONG DU FLEUVE CHARENTE DU PORT SAUNIER AU COMMERCE DU VIN Depuis le néolithique, la Charente est un axe navigable d’importance dans la région. Elle servit pendant des siècles au transport d’hommes et de marchandises entre la façade atlantique et l’intérieur des terres. Au Moyen-Âge, le transport fluvial se développe avec le commerce du sel. Des gabarres chargées de sel provenant de l’Atlantique remontent la Charente, tirées par des hommes ou des bœufs, pour alimenter l’intérieur des terres. Du grand port saunier de Cognac, héritier des dépôts gallo-romains de Merpins et de Crouin, le sel gagnait le Massif central et le Poitou, par voie terrestre. Comme fret de retour, les barques étaient chargées de vin1. Des marchands du nord de l’Europe qui venaient s’approvisionner en sel sur la

côte atlantique, chargeait leur bateau de ce vin qu’ils appréciaient. Au XVIe siècle, François Ier accorde d’importants privilèges à Cognac. Les deux grands objets du trafic restent le sel et le vin. Grâce à ce commerce international, la Charente jouissait de "tout ce que le reste du monde communique à la France" (Corlieu, 1576) Dès le Moyen-Âge les Charentes bénéficient d’un climat propice aux échanges avec le reste des pays européens.

1- Grelie J. La Charente, étude de fleuve

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zone de production de sel

exportation

sel

vignoble charentais

zone de production

vin

extention du vignoble charentais

port

Le commerce le long de la Charente du XIe au XVIe siècle

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LE DÉVELOPPEMENT D’UNE CITÉ MARCHANDE LE LONG DU FLEUVE CHARENTE LA MISE EN PLACE DU COMMERCE DE L’EAU-DE-VIE ET DES VINS Au XVIIe et au XVIIIe siècle, la navigation de la Charente atteint son apogée. L’apparition de l’industrie papetière d’Angoulême renforce les échanges commerciaux internationaux. L’apparition des eaux-de-vie en Charente Les vins que les marchands anglais et hollandais achetaient en Charente avaient comme inconvénient de mal se conserver, à cause de leur faible degré alcoolique. Les Hollandais décidèrent de distiller ce vin en France afin de le rendre inaltérable et plus facilement transportable. Afin de diminuer les volumes à transporter, les hollandais apportèrent la technologie de la distillation en Charente. Les Charentais s’approprièrent ce procédé, jusqu’à ce que la double distillation se vulgarise dans toute la Charente au XVIIe siècle. A cause de retards dans les commandes on se rendit compte que cette eau-de-vie se bonifiait dans des barriques en chêne.

Les marchands chargent sur la côte du sel, du vin, des eaux-de-vie et du papier de l’Angoumois. Les classes supérieurs européennes prennent rapidement goût à cette nouvelle boisson alcoolisée. L’augmentation de sa consommation va créer d’importants échanges commerciaux entre l’Europe et la Charente. A la fin du XVIIe siècle, le commerce de l’eau-de-vie s’organise. Des comptoirs commerciaux se créent dans les principales villes de Charente. Des marchands principalement anglo-saxons, sillonnent les campagnes environnantes afin de récolter des eaux-de-vie, et les expédier dans les pays du nord de l’Europe.

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Au XVIIIe siècle, des aménagements de la Charente améliorent la navigabilité du fleuve et de nouveaux ports dans l’estuaire (Tonnay-Charente et Rochefort) commencent à concurrencer La Rochelle. Les expéditions de vin et d’eau-de-vie se renforcent. Le Cognaçais commence à supplanter les autres régions charentaises grâce à la forte disponibilité en produits viticoles. De plus, les eaux-de-vie de Cognac sont très appréciées. Le pôle de Cognac s’affirme et les ports de basse Charente deviennent les portes de sortie des produits charentais.


zone de production de sel

exportation

sel

vignoble charentais

zone de production

vin

port

eau-de-vie papier

Le commerce le long de la Charente du XVIIe au XVIIIe siècle

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LE DÉVELOPPEMENT D’UNE CITÉ MARCHANDE LE LONG DU FLEUVE CHARENTE LA CONSTRUCTION D’UNE VILLE AUTOUR DE L’EAU-DE-VIE Avec l’ouverture de marchés dans le monde entier, et principalement le traité de libre échange entre la France et l’Angleterre, les expéditions d’eau-de-vie sont en forte croissance. Les eaux-de-vie de Cognac deviennent un produit d’exception. Le consommateur assimile rapidement l’eau-de-vie au nom de la ville. Tous les négociants désirent s’installer à Cognac pour bénéficier de ce nom prestigieux. Durant le XIXe siècle, le nombre le négociants dans la ville explose, passant d’une cinquantaine à plus de 200 à la fin du siècle (Bodin-Ordonnaud, 2008). L’arrivée de négociants s’accompagne de constructions de chais et de distilleries.

«Les maisons de négoce ont occupé à un certain moment le dixième de la superficie de la ville» (Coste, 2001). A la fin du siècle, Cognac compte plus de 70 distilleries. Les négociants qui, auparavant, collectaient leur eau-de-vie à la campagne, se mettent à la distiller eux-mêmes dans la ville. Ces bâtiments, d’abord situés en périphérie se retrouvent rapidement rattrapés par l’urbanisation. Ainsi la ville de Cognac prend rapidement l’apparence que nous connaissons aujourd’hui. Au centre d’origine médiévale s’ajoute des faubourgs constitués de maisons bourgeoises et ouvrières en pierre blanche. Des chais constellent ce nouveau tissu urbain.

Une ville gouvernée par le cognac. Bien souvent les maires de la ville sont aussi négociants. Le cognac commandait l’urbanisme et plus largement la ville (Coste, 2001). Le paternalisme est dans l’air du temps. Les «maisons» de cognac (et non entreprises) rémunèrent largement leurs employés. Les riches négociants redistribuent une partie de leurs immenses revenus dans la ville. Ils s’impliquent dans la vie culturelle et sportive de la ville. Ils financent largement des associations sportives, des centre de santé, des bâtiments publics... Déjà sensibles à la question de l’image du produit, ils embellissent la ville avec la construction de bâtiments raffinés. Le traité de libre échange entre la France et l’Angleterre Le Traité de commerce franco-britannique de 1860, couramment appelé Traité Cobden-Chevalier, est un traité de libre-échange entre l’Empire français et le Royaume-Uni. Il est destiné à abolir les taxes douanières sur les matières premières et la majorité des produits alimentaires entre les deux pays. En quelques années, la quantité de cognac vendue double.

«Plan monumental de Cognac et ses chais». Sur ce plan, on comprend bien à quel point le motif du chai est omniprésent dans la ville. Diagnostic de l’AVAP de Cognac

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La ville et l’industrie partage une histoire et un espace commun. Le cognac y tient une place importante puisque la ville s’est essentiellement développée autour de cette activité.

1823

3000 HAB

1855

7000 HAB

1875

15 000 HAB

1915

20 000 HAB

0

1

2 Km

N

Cognac annexe successivement ses communes périphériques Diagnostic de l’AVAP de Cognac

0

1

2 Km

N

Évolution du réseau viaire. Des faubourgs se constituent autour du centre médiéval Diagnostic de l’AVAP de Cognac

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Évolution de la population de la ville de Cognac La population de Cognac explose au XIXe siècle


ÉVOLUTION DU VIGNOBLE DU VIGNOBLE CHARENTAIS AUX PORTES DE COGNAC

surface plantée en vigne dans la région délimitée

Les origines Le vignoble charentais trouve ses origines sur la façade atlantique autour de la Rochelle et des îles d’Oléron et de Ré. Petit à petit, le vignoble va se diffuser vers l’intérieur des terres. Ce n’est qu’au XIVe siècle qu’un vignoble se développe dans la région de Cognac (Conservatoire du Vignoble Charentais). La présence du vignoble autour de Cognac n’a cessé d’évoluer au cours du temps en fonction de la demande en produits viticoles. Dès le XVIIIe siècle, grâce aux succès d’exportation d’eau-de-vie, la vigne s’impose dans les campagnes. L’élevage et les cultures céréalières sont progressivement

1879 255 283 Ha

abandonnés pour privilégier la vigne qui est plus rémunératrice. Le vignoble autour de Cognac atteint son apogée au XIXe siècle. A cette époque toute la périphérie est plantée de vigne dans tous les endroits où la situation le permet.

C’est pendant la seconde moitié du XXe siècle que les plantations connaissent une nouvelle expansion. Le vignoble va se densifier au fur et à mesure jusqu’à former une ceinture de vigne délimitant l’aire urbaine de Cognac.

Le phylloxera Après l’arrivée du phylloxéra, les campagnes charentaise se vident. Seul les négociants de Cognac réagissent rapidement pour reconstituer leur vignoble. Sur le reste de la Charente, une grande part du vignoble est abandonnée au profit de l’élevage et des céréales.

Malgré sa grande proximité, il n’existe que peu de relation entre la ville et le vignoble. Cognac est tournée vers son fleuve, la Charente, et oublie ses autres rives, celles délimitant la ville de son vignoble.

Crise du phylloxéra

1895 42 581 Ha

1935 72 344 Ha

1961 69 608 Ha

1978 108 020 Ha

2014 79 833 Ha

années

Évolution de la surface de vigne en production de cognac au court du temps (Bureau Interprofessionnel du Cognac) 26


0

1

2

3

4

1

2

3

4

5 Km

Présence du vignoble autour de Cognac: 1 - d’après carte Cassini (XVIIe siècle) 2 - d’après carte d’état-major (XIXe siècle) 3 - d’après carte IGN (1950) 4 - d’après carte IGN (2016)

N 27


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Les limites viticoles de Cognac

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LA CONSTRUCTION D’UNE PÉRIPHÉRIE L’INDUSTRIE, MOTEUR DE PÉRI-URBANISATION Pendant la seconde moitié du XXe siècle, la ville va considérablement s’étendre, principalement dans sa partie Sud. En effet le relief y est plus doux et les voies de communication routières et ferroviaires plus nombreuses. Dans sa partie sud d’abord limitée par la voie ferrée, la ville va s’étendre le long des axes principaux. Dans les années 60-70, on assiste à l’installation d’activités industrielles, comme l’usine de verre Saint-Gobain à Chateaubernard ou des chais Rémy Martin à Merpins qui, de par leur position, bénéficient d’une desserte ferroviaire. Cet espace auparavant agricole devient industriel. Les années 70 sont aussi synonymes de changement de mode de vie. L’usage de la voiture se généralise, les extensions urbaines et les pavillons aussi. Les paysages des limites de la ville s’en voient complexifiés et banalisés.

1950

COGNAC

1

1966

COGNAC 2

3

4

1

Du petit bourg viticole au poumon économique de l’agglomération A l’origine, Chateaubernard (1) est un petit bourg viticole proche de la base aérienne 709 et un peu à l’écart de Cognac. En 1963, l’entreprise SaintGobain décide de regrouper ses usines d’Angers, d’Arlac et de Cognac pour ouvrir une nouvelle verrerie (2) à Chateaubernard, à la limite administrative de Cognac. La construction de l’usine s’accompagne de l’arrivée d’ouvriers des autres sites délocalisés. La population de la commune passe d’un millier d’habitants en 1950, à 3 500 en 1965. Saint-Gobain cède des terrains à ses ouvriers pour leurs permettre d’accéder à la propriété. En marge de la construction de l’usine émergent deux quartiers, Les Quillettes (3) et La Combe des Dames (4), avec près de 120 pavillons. La petite commune rurale qu’était Chateaubernard va se transformer en poumon économique de l’agglomération Petit à petit d’autres quartiers se construisent. L’usine a compté jusqu’à 1 300 salariés dans les années 1970, avant de redescendre, sous l’effet de la mécanisation et de la sous-traitance, à 350 aujourd’hui. L’implantation de l’usine a dessiné le visage de l’agglomération, la commune de Châteaubernard finissant par se fondre dans celle de Cognac.

d’après photos aériennes IGN

COGNAC

CHATEAUBERNARD ZONE INDUSTRIELLE

COGNAC

CHATEAUBERNARD

Vue aérienne de Chateaubernard, vers Cognac - fin des années 60 site de vente aux enchères delcampe.com

Vue de l’usine St Gobain à Chateaubernard - 1965 site de vente aux enchères delcampe.com

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0

1950

1970

1991

2017

1

2

3

4

5 Km

Évolution de l’urbanisation de la périphérie de Cognac au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. En rouge, le bâti industriel. d’après photos aériennes IGN

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LA CONSTRUCTION D’UNE PÉRIPHÉRIE DES INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES Pendant le deuxième partie du XXe siècle, les modes de déplacement changent. Le développement des infrastructures routières bouleverse la périphérie des villes. Cognac, se dote dans sa périphérie sud d’une rocade creusée dans la roche calcaire. Elle forme d’abord une limite franche entre la ville et la campagne. Mais progressivement, avec l’urbanisation de sa périphérie, cette limite se transforme en obstacle à franchir.

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La rocade encaissée crée une limite difficilement franchissable

La voie ferré provoque le même phénomène

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LA CONSTRUCTION D’UNE PÉRIPHÉRIE DE GRANDES INFRASTRUCTURES QUI MODÈLENT LA PÉRIPHÉRIE Ces infrastructures de transport structurent la périphérie. Ville et activités se construisent en fonction de ces voies de communication. Les infrastructures accompagnent le développement de la ville autant qu’ils génèrent des coupures dans son développement. La déviation de la RN141 Un projet de déviation de la rocade qui, par la suite a été abandonné (en 2014), a laissé des traces. Le foncier nécessaire au projet a été bloqué à l’urbanisation. Cela a permis de préserver certaine zones d’une urbanisation.

Le cas de la BA709 L’aérodrome militaire de Cognac, la BA709 a été construit en 1938. Par sa présence, il contraint l’extension de l’aire urbaine de Cognac. De plus, en extrémité de ses pistes, des zones ne sont pas constructibles. Cette servitude a permis de limiter l’urbanisation linéaire le long de cette route très fréquentée Des infrastructures qui enclavent L’entrecroisement des infrastructures ferroviaires et routières créent des zones enclavées. Le manque de franchissement rend ces espaces accessibles uniquement en voiture. Des zones à vocation commerciale s’y développent.

2017

2006

Évolution d’une zone enclavée entre la voie ferrée et la RN141 d’après photo aérienne IGN

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Rocade de Cognac (RN141) Déviation RN141 Aérodrome BA 709

voie ferrée franchissement des infrastructures coupure d’urbanisation la BA 709 crée une limite

0

250

500

750

1000 m

Des infrastructures qui structurent la périphérie d’après données IGN

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LA CONSTRUCTION D’UNE PÉRIPHÉRIE DU CHAI URBAIN AU CHAI PÉRIPHÉRIQUE Le risque d’incendie Les chais et les distilleries sont très sensibles aux incendies. En vieillissant, l’alcool contenu dans les tonneaux s’évapore. Ces vapeurs peuvent s’enflammer très facilement. Lorsque qu’un incendie se déclenche, l’alcool enflammé coule comme une rivière. La maitrise de ce genre d’incendie est très complexe. Des politiques de réduction des risques Depuis les années 90, les services de l’État ont commencé à prendre en compte la question du risque industriel lié aux incendies des distilleries et des chais de stockage d’alcool urbains. En effet, les chais (dont certains sont classés SEVESO) étaient historiquement situés en plein cœur de la ville au sein même du tissu urbain dense.

leur disparation du centre-ville, c’est aussi le champignon noir issu de "la part des anges" qui disparaît progressivement de la ville de Cognac. Le déplacement des chais en périphérie Ces politiques de gestion des risques, n’ont fait qu’accélérer un phénomène déjà existant depuis les années 70. La deuxième moitié du XXe siècle s’accompagne du développement des transports routiers. Le centre-ville devenant difficilement accessible en camion, les chais urbains avaient déjà commencé leur relocalisation en périphérie. La mise en place de ces politiques n’a fait qu’augmenter ce phénomène. Aujourd’hui la plupart des chais urbains ne sont plus utilisés pour le stockage d’alcool, et de grandes structures reliés au réseau routier ont été installés en périphérie de la ville.

Pour réduire le risque, l’État a préconisé la réduction des quantités d’alcool dans les chais urbains afin de réduire le risque à la source, ainsi que la mise en place de moyens préventifs de lutte contre la propagation de l’incendie (murs et portes coupe-feu, distance de séparation des bâtiments, premières rigoles de canalisation des écoulements enflammés). Petit à petit, les chais urbains se sont vidés de leur alcool. Avec Nicolas Grembo, « Quand le risque industriel est synonyme de dynamiques urbaines », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement

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Des maisons de cognac familiales aux multinationales à la logique financière Dans les années 90, après des périodes de crise dans le commerce du cognac, les maisons de négoce détenues par des dynasties familliales sont petit à petit rachetées par des multinationales. Les centres décisionnels des entreprises s’éloignent du territoire. L’implication des maisons de négoce et la redistribution des immenses bénéfices du cognac sur le territoire diminuent. Parallèlement, la gouvernance paternaliste a laissé peu à peu la place à la gestion rationalisée de ces groupes. L’évolution du personnel tend à l’augmentation des postes administratifs et à la diminution des emplois liés à la production et au conditionnement.

Les chais urbains ont été déplacés en périphérie. Au nord deux sites de stockage appartenant à Hennessy, Au sud les chais Rémy Martin et ORECO.


Feu d’alcool dans une distillerie et un chai dans le hameau de la Ronce à Saint-Martial-sur-le Né Crédit photo : Photos SDIS 17 - Jacky Berthelot

“Sous l’effet du rayonnement très intense des flammes, des centaines de fûts de cognac se sont embrasés. Ils ont explosé laissant ainsi l’alcool enflammé s’écouler dans les pentes” Service départemental d’Incendie et de Secours de la Charente-Maritime

Feu d’alcool dans une distillerie et un chai dans le hameau de la Ronce à Saint-Martial-sur-le Né Crédit photo : Photos SDIS 17 - Jacky Berthelot

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LA CONSTRUCTION D’UNE PÉRIPHÉRIE UNE PÉRIPHÉRIE ACCUEILLANT DES SITES À RISQUE Aujourd’hui la périphérie de la ville accueille 11 sites SEVESO, dont 4 de seuil haut. La majorité de ces sites sont des chais de stockage d’alcool. La délocalisation a provoqué la concentration des chais, et donc du risque.

PPRT Antargaz et Rémy Cointreau (DDT16) Dans la Commune de Merpins, les sites de Rémy Martin (stockage de cognac) et d’Antargaz (stockage de gaz) se sont fait progressivement rattraper par l’urbanisation si bien que quelques habitations se trouvent aujourd’hui dans les zones à risque.

site SEVESO seuil bas

0

200

400

600

800

1000 m

site SEVESO seuil haut N 38


CHERVES-RICHEMONT

MARTELL stockage d’alcool

NERCILLAC HENNESSY stockage d’alcool MARTELL stockage d’alcool

JAVREZAC

BOUTIERS-ST-TROJAN

TESSENDIER stockage d’alcool

COGNAC

MARTELL embouteillage

ST-BRICE

ORECO stockage d’alcool ORECO stockage d’alcool UNICOOP stockage d’alcool

MERPINS REMY MARTIN stockage d’alcool

CHATEAUBERNARD CHARENTAISE DE DECOR satinage de bouteilles

ORECO stockage d’alcool

GENSAC-LA-PALLUE 0

ANTARGAZ stockage gaz

1000 m

N

Source : DREAL Nouvelle Aquitaine

SALLES-D’ANGLES GIMEUX

500

GENTÉ 39


UN CENTRE VILLE EN TRANSFORMATION REQUALIFICATION DES CHAIS URBAINS La ville s’est donc vidé de son eau de vie. Le centre-ville a hérité d’un immense patrimoine lié au cognac. Aujourd’hui nombre de projets fleurissent pour réhabiliter ces bâtiments industriels : fondation d’art (1), hôtel (2 et 3), maison de retraite (3), logements, centre de formation, locaux associatifs... La ville se reconstruit sur elle même grâce aux considérable emprises foncières que représentent ces bâtiments.

1

2

Des projets de requalification de bâtiments industriels d’après carte IGN

3 2

3

4 4

0

200 300 600 800 1000 m

40

N

source : Charente Libre

1


UN CENTRE VILLE EN TRANSFORMATION UN TOURISME AUTOUR DU COGNAC Forte de sa réputation, Cognac attire chaque année de nombreux touristes. La ville profite de sa proximité avec la façade atlantique. La ville est reliée à La Rochelle et à Royan par une ligne de chemin de fer. Le tourisme est de courte durée et surtout tourné vers oeno-tourisme. Les principaux sites accueillant les touristes sont les maisons de négoce qui propose de faire visiter leurs chais et quelques musées dans le centre (musée des Arts du cognac, musée des BeauxArts et la nouvelle fondation d’entreprise Martell). Certaines maisons de négoce ont conservé leur site historique de stockage afin de garder une vitrine dans la ville de Cognac, une faible quantité d’eau-de-vie y est conservé mais l’essentiel de la production se fait ailleurs. La période estivale est rythmée par des festivals (fête du cognac, Cognac Blues passion, Coup de chauffe - spectacle vivant-,...) Il existe aussi un tourisme plus rural autour du cognac. L’association les étapes du cognac propose des itinéraires à thème (le cognac et la vigne, le cognac et le fleuve, le cognac et la pierre, le cognac et les traditions). Ces itinéraires se font en voiture. Des haltes chez des producteurs ponctuent le parcours. Le tourisme de nature se développe aussi avec la mise en place de «la Charente à vélo». Le parcours de cyclotourisme relie Angoulême à Rochefort.

Les Etapes du Cognac est une association à l’initiative de viticulteurs regroupant monde agricole et acteurs du tourisme. Elle a pour but la valorisation du territoire et la promotion du cognac via l’œno-tourisme. L’association fait le lien entre touriste et acteurs du cognac désireux de faire connaitre leur métier. Elle organise aussi des événements au cours de l’année comme «distillerie en fête» pendant l’hiver pour faire découvrir la l’art de la distillation.

Une proximité avec la façade atlantique

41


PARTIE 2

LA FILIÈRE COGNAC

42


Le cognac est une eau-de-vie produite à partir de vin distillé. Autour de ce produit s’est constitué un écosystème d’entreprises liées au processus de fabrication, d’emballage, de vente et d’expédition. Toute cette chaîne de production, située en périphérie de la ville, crée des paysages propre à cette activité. L’explosion des ventes de cognac se fait ressentir sur cette périphérie. Les dynamiques en cours sont à l’agrandissement des sites industriels pour répondre à la demande croissante en eaux-de-vie. Le grand enjeu de ce siècle est l’adaptation au changement climatique. Les pratiques culturales vont devoir évoluer pour continuer à produire des eaux-de-vie de qualité.

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LE COGNAC DE LA VIGNE À LA BOUTEILLE

u so

nac-ton.nl : cog rce

CULTURE DE LA VIGNE

VINIFICATION

DISTILLATION

La culture de la vigne est très mécanisée. Les rangs sont écartés d’au moins 3 m afin de puvoir faire passer les engins.

La vinification permet de transformer le sucre présent dans le raisin en alcool grâce à l’action de levures présentes sur la peau du raisin.

La distillation permet de concentrer l’alcool présent dans le vin. Pour le cognac, on a recours à un alambic de type "charentais". A l’issu de deux distillations, on obtient une eau-de-vie à 70 O

: BN rce sou

IC

: rce sou

Charente Libre

VIEILLISSEMENT

ASSEMBLAGE

MISE EN BOUTEILLE

Le vieillissement de l’eau-de-vie obtenue s’effectue dans des tonneaux de chêne. L’alcool réagit avec le bois et l’air. L’alcool extrait le tanin du bois et prend une robe brunâtre et un corps sirupeux

L’assemblage consiste à mélanger différentes eaux-de-vie de cognac ayant des caractéristiques propres. L’adjonction d’eau permet de récupérer un cognac titrant à environ 40 O

La mise en bouteille permet de stopper l’évolution du cognac

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LE COGNAC UN PEU DE VOCABULAIRE

Col de cygne Achemine les vapeurs d’alcool jusqu’au serpentin

Réfrigérant Élément contenant de l’eau dans lequel passe le serpentin. Les vapeur d’alcool se refroidissent et se condense dans le serpentin

Chauffe vin Permet de refroidir les vapeurs et réchauffer le vin pour la prochaine distillation

Chapiteau Permet de collecter et de «trier» (rectification) les vapeurs

La double distillation. Le vin est porté à ébullition dans la chaudière. On obtient du brouillis à l’issu de la distillation. Ce liquide légèrement trouble, titrant de 28 à 32 % vol., est reversé dans la chaudière pour une seconde distillation. On l’appelle la bonne chauffe. Les premier litres du distillat (les têtes), contenant beaucoup d’alcool (entre 82 et 78% vol.) sont mis de côté. La teneur en alcool diminue progressivement. Après les têtes, coule le « cœur » eau-de-vie claire et limpide qui deviendra cognac. Viennent ensuite les secondes qui seront recyclées lors d’une prochaine chauffe, puis les queues… Les têtes et les secondes seront redistillées avec du vin ou du brouillis. L’alambic charentais Dénomination des durées de vieillissement

Chaudière Élément dans lequel le vin ou le brouillis est chauffé

VS (very special) : eau-de-vie d’au moins 2 ans VSOP (very special old pale) : eaude-vie d’au moins 4 ans XO (extra old) : eau-de-vie d’au moins 6 ans

distillation vinification récolte septembre

octobre

novembre

décembre

janvier

fevrier

mars

avril

mai

juin

juillet

aout

Le processus de fabrication du cognac au cours de l’année

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LES ACTEURS DU PROCESSUS DE FABRICATION UN PROCESSUS FRAGMENTÉ Le processus de fabrication du cognac peut être très fragmenté ou très direct. Les étapes de fabrication (culture de la vigne, vinification, distillation, vieillissement, vente) peuvent être effectuées par une seule et même personne ou par différents acteurs. Il n’y a pas de schéma type. Mais la majorité du cognac est vendu par des négociants. Il en résulte une faible attache d’un produit à l’exploitation où il a été produit. On comprend mieux le qualificatif «d’industrie du cognac».

«Ensemble des activités économiques qui produisent des biens matériels par la transformation et la mise en œuvre de matières premières» (Larousse)

L’implication des acteurs dans la valorisation des paysages de production (viticole ou industriel) est liée à la relation qu’a l’acteur avec ses acheteurs.

A contrario, une entreprise qui fait vieillir du cognac pour des négociants ou des viticulteurs ne sera que peu sensible à la qualité de ses bâtiments, car l’entreprise vend un service et non un produit.

Les maisons de négoce sont très attachées à leur image d’entreprise pluri-centenaire qui produit une boisson «d’exception». Les sites accueillant du public sont souvent très travaillés, pour donner une bonne image de la production. Les exploitants qui produisent et vendent leurs produits sous leur propre marque sont souvent plus sensibles à la qualité paysagère de leur vignoble et de leur exploitation.

La fragmentation du processus de fabrication : acteurs du monde agricole, coopératives, entreprises spécialisées et monde du négoce. Quels acteurs effectuent les différentes étapes du processus de fabrication? exemple : un vigneron bouilleur de cru cultive la vigne, vinifie et distille mais peut faire vieillir ses eauxde-vie par une entreprise spécialisée pour ensuite la commercialiser lui-même VENTE

VIEILLISSEMENT

DISTILLATION

VINIFICATION

CULTURE DE LA VIGNE

monde «agricole»

coopérative entreprise spécialisée monde du négoce

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LES ACTEURS INCONTOURNABLES LES ACTEURS INCONTOURNABLES

Les ventes de cognac sont largement dominées par 4 grands groupes appartenant à des multinationales : Hennessy (LVMH), Rémy Martin (groupe Rémy Cointreau), Martell (groupe Pernod Ricard), Courvoisier (Beam Suntory)

80%

des ventes de cognac dans le monde

Le BNIC (bureau national interprofessionnel du cognac) est une interprofessionnelle regroupant vignerons, bouilleurs et négociants. Son but est de développer le cognac et de représenter les intérêts collectifs des professionnels, viticulteurs et négociants. Le BNIC est très actif sur le territoire et soutient beaucoup d’actions ou d’événements.

Oreco (Organisation économique du cognac) est une entreprise spécialisée dans le stockage d’eau-de-vie. Elle fait vieillir dans des conditions optimales les eauxde-vie de viticulteurs et négociants.

28% 3 328

du cognac stocké

clients viticulteurs et négociants

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LE COGNAÇAIS, UN VIGNOBLE UNE VILLE AU CŒUR D’UN VIGNOBLE Le vignoble du Cognac est protégé par une AOC. Il s’étend sur la quasi intégralité des départements de la Charente et de la Charente-Maritime. La SAU de l’AOC (surface agricole utile) couvre près de 700 000 ha. Environ 10 % des terres agricoles de l’AOC sont plantées de vigne (79 000 Ha). Près de 95 % de ces vignes sont utilisées pour la production de cognac. Le cépage Ugni blanc domine largement sur l’AOC (98%). C’est un cépage très productif (120 à 130 hL/Ha). Il a l’avantage d’être très acide et peu sucré. L’acidité permet une bonne conservation du vin pendant l’hiver, jusqu’à la distillation. La faible teneur en sucre permet un faible degré d’alcool et donc de mieux concentrer les arômes contenus dans le vin.

Ce vignoble est classé en différents crus, correspondant à différents types de sol et à différentes qualités d’eau-de-vie. L’AOC impose que l’eau-de-vie soit vieillie dans la même zone que celle où elle a été produite. Plus on approche de Cognac, plus la présence de la vigne est importante. En périphérie de Cognac, le taux de viticolité par rapport à la surface agricole utile atteint plus de 50%. Cognac est situé au carrefour de différents crus : Les Borderies, la Grande Champagne, la Petite Champagne et les Fins Bois. Les délimitations de ces crus correspondent plus au moins au grands ensembles paysagers que l’on retrouve autour de Cognac

Plus on approche de Cognac, plus la présence de la vigne s’intensifie. Taux de viticolité source : B.N.I.C.

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Les crus de cognac Grande Champagne Petite Champagne Borderies Fins Bois Bons Bois Bois Ordinaires

0

10

20

30

40

50 Km

Délimitation des différents crus de l’AOC cognac D’après la carte des crus du B.N.I.C.

N 49


GRANDS ENSEMBLES DE PAYSAGES LA CHARENTE ET SES AFFLUENTS L’eau est présente sous toutes ses formes : le fleuve, avec la Charente, des petits cours d’eau avec l’Antenne et le Né et un marais avec celui de Gensac. Les délimitations des crus de l’AOC s’appuient en partie sur le réseau hydrographique du territoire. Les vallées de la Charente et du Né dessinent la limite de différents crus : Les Borderies, la Grande Champagne, la Petite Champagne et les Fins Bois Au droit de Cognac, la vallée de la Charente se resserre. Le fleuve y est calme et

de couleur verdâtre. Ses berges souvent arborées créent un filtre entre le fleuve et la vallée. Son lit mineur alterne entre prairie humide, cultures céréalières et populiculture. Ses coteaux souvent largement boisés ne laissent que peu de vues vers ses parties hautes. La Charente est un fleuve fédérateur du territoire. Elle relie les principales villes du département et est pratiquée aussi bien par les habitants, pour des activités de loisir, que par les touristes. Une voie cyclable entre Angoulême et Rochefort est en cours de réalisation.

Les bords de Charente

50


Le Fossé du roi

La vallée de l’Antenne

La Soloire

COGNAC

La vallée de la Charente

Le marais de Gensac-la-Pallue

La vallée du Né

0 La Charente et ses affluents

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0.5

1

1.5

2 Km

N


GRANDS ENSEMBLES DE PAYSAGES LES BORDERIES Les Borderies forment la limite entre les sous-sols du Crétacé au Sud, et ceux du Jurassique supérieur au Nord. Son relief est marqué. Les paysages sont composés d’une mosaïque de vignes, cultures et massifs boisés. Les boisements apportent une certaine intimité aux paysages en créant un arrière plan empêchant des vues trop lointaines. Les Borderies sont marquées par la présence de vallons. Le relief est souligné par l’alignement de vignes.

Paysage des borderies, un verger bordant des vignes Google street view

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COGNAC

0

Les borderies, en rose la vigne

53

0.5

1

1.5

2 Km

N


GRANDS ENSEMBLES DE PAYSAGES LE PAYS-BAS Le Pays-Bas est une dépression entre le plateau d’Angoumois et Les Borderies. Le relief y est assez doux (entre 10 et 50m). Le fond de la dépression est traversé par la Soloire et ses paysages arborés. La vigne y est aussi prédominante. Les paysages alternent grandes cultures ouvertes, vignes et petits boisements. Les paysages ouverts soulignent l’horizontalité des paysages. Quelques haies relictuelles et arbres isolés viennent ponctuer le paysage.

Paysage du Pays Bas, un horizon plat Google street view

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COGNAC

0

Le Pays Bas, en rose la vigne

55

0.5

1

1.5

2 Km

N


GRANDS ENSEMBLES DE PAYSAGES LA GRANDE CHAMPAGNE La Grande Champagne est composée de collines et cuestas successives bordées au Nord par la Charente et au Sud par le Né. La vigne y est omniprésente. Le parcellaire y est cependant plus découpé que dans les autres entités. La Grande Champagne est ponctuée de nombreux hameaux souvent liés à un domaine viticole. A part la présence de la ville de Segonzac, l’habitat y est très dispersé. L’omniprésence de la vigne crée des paysages ouverts, où la vigne souligne les lignes du relief. La présence d’arbres isolés et de l’habitat dispersé crée des paysages jardinés

Paysage de Grande Champagne, des paysages jardinées Alrom Niverno

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COGNAC

0

La Grande Champagne, en rose la vigne

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0.5

1

1.5

2 Km

N


GRANDS ENSEMBLES DE PAYSAGES LA DÉPRESSION NORD-OUEST a’

Cette dépression est comprise entre la vallée de la Charente et la Grande Champagne. Elle forme un val à fond large avec, au nord, une cuesta le long de la Charente, et, au Sud, les contre-forts de la Champagne. Son relief est faiblement marqué. Il est caractérisé par une légère pente Est-Ouest. Au niveau de Gensac-la-Pallue, l’érosion a créé un marais au sous-sol imperméable. Les grandes cultures y sont plus présentes et le parcellaire y est plus lâche. Les paysages sont largement ouverts et ponctués de quelques rare haies relictuelles. La présence de l’agglomération de Cognac a un fort impact sur cette zone. Il en résulte des paysages morcelés entre paysage industriel, résidentiel et agricole. On retrouve dans cette dépression une part importante des industries liées au cognac.

a

a

12 Km

58

Cuesta + 40m

Pays- bas + 10m

Dépression + 20m

Vallée de la Charente + 5m

Cuesta + 50m

Grande Champagne + 100m

Paysage de la dépression, entre infrastructure, vigne et culture céréalière

a’


COGNAC

GENSAC-LA-PALLUE

0

La dépression, en rose la vigne

59

0.5

1

1.5

2 Km

N


UNE FILIÈRE UNE FILIÈRE COMPLÈTE " La filière désigne couramment l’ensemble des activités complémentaires qui concourent, d’amont en aval, à la réalisation d’un produit fini." (INSEE) Autour de la production de cognac, s’est constituée toute une filière allant du fabricant de machine à vendanger à l’usine de bouteilles en verre. On retrouve dans le Cognaçais tous les organes nécessaires à l’élaboration, au conditionnement, à la vente et à l’expédition du produit. A la base très spécialisées sur le cognac, ces entreprises ont réussi à diversifier leurs clients. Aujourd’hui, dans certains secteurs comme la tonnellerie, des entreprises exportent 80% de leur production. Le Cognaçais est aujourd’hui un pôle de compétence autour des savoir-faire liés au eaux-de-vie haut de gamme.

On trouve des lieux de formation spécialisés dans certains domaines de la filière : - L’Université des eaux-de-vie à Ségonsac (droit, gestion, commerce des spiritueux); - Campus des métiers du cognac à Cognac (tonnellerie); - le futur Pôle des métiers du cognac et du verre avec des formations sur le verre, le design, la tonnellerie, la réparation d’alambic et une formation d’ouvrier de chai; - le pôle design d’Angoulême; ...

Depuis 2015, la CCI Charente a mis en place la "Spirit Valley", un organisme regroupant des acteurs de la filière eauxde-vie haut de gamme entre Saintes et Angoulême. Le but est de développer le territoire économiquement autour de cette filière, et de promouvoir l’innovation ainsi que les savoir-faire par la formation.

60

La filière en quelques chiffres : - 10 000 exploitants agricoles (BNIC, 2015) - 2 900 personnes dans la distillation et le négoce (CCI, 2009) - 3 900 personnes dans les professions annexes (cartonnerie, verrerie, tonnellerie...)(CCI, 2009) Le BNIC estime que 50 000 personnes vivent du produit, soit près de 5% de la population de la région délimitée.


laboratoire

traitement déchet fabrication alambic entreprise spécialisée dans la vinification

distillerie

ication inif

llation isti

d

v

fabrication de cuve

exploitation viticole

tonnellerie

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vieillisseme

ultu

e ign

c

fabrication de machine agricole

nt

entreprise de stockage d’alcool

vente produit phyto

mise en

t

te / expo ven r

bo

uteille cartonnerie

négociant usine d’embouteillage

imprimerie

verrerie

entreprise de transport

travail du liège design

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UNE FILIÈRE UNE FILIÈRE FORTEMENT REPRÉSENTÉE DANS LA PÉRIPHÉRIE DE COGNAC C’est dans la périphérie sud de la ville que l’on retrouve le plus d’industries de cette filière. Ces activités sont concentrées dans les zones industrielles de Merpins, Chateaubernard, Gensac-la-Pallue et de Salles-d’Angles.

packaging

chais tonnellerie imprimerie chais

packaging

packaging embouteillage

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verrerie packaging transport

packaging

cartonnerie embouteillage

bouchage

chais

tonnelerie imprimerie

matĂŠriel agricole tonnellerie matĂŠriel agricole chaudronnerie transport

travail du verre

chais

transport embouteillage matĂŠriel agricole

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200

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600

800

1000 m

N


DES ACTIVITÉS, DES FORMES CARACTÉRISTIQUES LES CHAIS Ces grands bâtiments aux toits noircis par la part des anges sont construits en pierre ou en béton. Il sont souvent implantés dans des zones dégagées. Autour, il y a souvent des terrains en friche afin permettre un possible agrandissement. Les limites des sites sont souvent peu perceptibles. Les chais sont souvent accompagnés de bassins de rétention qui permettent de recueillir l’eau-de-vie qui s’écoulerait en cas d’incendie.

64

1. Les chais ORECO jouxtant un terrain en friche pour un prochain agrandissement 2. Un chai isolé 3. Des vignes et des chais 4. Une ligne électrique haute tension traverse le site des chais ORECO

1.

2.

3.

4.


DES ACTIVITÉS, DES FORMES CARACTÉRISTIQUES LA VERRERIE SAINT-GOBAIN Cette usine est visible de très loin dans toute la dépression de la périphérie sud. Véritable «phares du Cognaçais» (selon le journal La Charente libre), les trois cheminées culminent à 50m. Avec ses 36 ha, le site produit plus de 2 millions de bouteilles par jour dont 1/4 sont destinées au cognac. Les abords de ce site sont très bruts, avec un vocabulaire très industriel. Le site est bordé par une grande zone de stockage où sont entreposées les bouteilles.

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« Châteaubernard, c’est Saint-Gobain » ancien maire de Chateaubernard

1. Les abords très bruts sur la partie sud du site 2. Les cheminées de la verrerie point de repère dans le paysage 3. Les espaces de stockage de bouteilles jouxtant l’usine

1.

2. 3.


DES ACTIVITÉS, DES FORMES CARACTÉRISTIQUES LES TONNELLERIES Les tonnelleries sont caractérisées par de grands parcs de stockage de douelles, planches de bois servant à la confection de tonneaux et de quelques cheminées crachant de la fumée. Les sites ont des emprises importantes, 11 Ha, pour une entreprise à Merpins.

1. 1. Les douelles sont mise à sécher dans de grands parcs jouxtant la tonnellerie 2. Les cheminées de la tonnellerie se détachent de l’horizon

66

2.


DES ACTIVITÉS, DES FORMES CARACTÉRISTIQUES AUTRES ACTIVITÉS Beaucoup d’autres activités sont moins reconnaissables de premier abord. Ce sont souvent des bâtiments en forme de boite. Des zones de stockage de matériaux et des panneaux indiquent la fonction du bâtiment.

1. 1. La cartonnerie Thiollet à Chateaubernard 2. La nouvelle usine d’embouteillage de Hennessy à Salles-d’Angles

67

2.


DES PAYSAGES PRODUCTIFS DÉRACINÉS DES PAYSAGES PRODUCTIFS DÉRACINÉS A certains endroits, principalement dans la zone industrielle de Chateaubernard, les horizons lointains ne sont plus perceptibles. Des accumulations de bâtiments hors échelle humaine, des pylones électriques sont répartis le long des routes. Tout y est purement fonctionnel. Les matériaux y sont bruts. Le site en lui-même n’est plus perceptible. L’homme ne se sent pas à sa place dans ces endroits. Mais il

en résulte une sensation particulière, celle de s’initier au cœur d’un processus productif, un de ceux souvent omis, qui permet la création de la plupart de nos biens.

La zone industrielle de Chateaubernard un dimanche

68


Accumulation d’éléments monumentaux

69


DYNAMIQUES EN COURS

2006

L’AGRANDISSEMENT Ces dernières années, les ventes de cognac ont explosé dans le monde. Chaque année des chiffres records sont atteints. Les qualités vieilles sont de plus en plus recherchées. Malgré «une certaines prudence» pour éviter les périodes de crise qu’a connu la filière à cause d’une surproduction, les industriels veulent augmenter leur capacité de production. - Augmenter la disponibilité en matière première, en essayant de faire évoluer la réglementation concernant le rendement à l’hectare (aujourd’hui 120 HL/Ha) ou en plantant de nouvelles vignes. - Augmenter les capacités de transformation, de stockage et de conditionnement en créant de nouveaux sites industriels pour répondre à la demande.

Ces deux phénomènes se font ressentir dans la périphérie de Cognac. De plus en plus de vignes sont plantées autour de Cognac et de nouveaux sites sortent de terre. Récemment Hennessy a inauguré un site d’embouteillage à Salles-d’Angles. La marque envisage déjà d’en construire un nouveau. Avec l’augmentation de la demande en cognac de qualité vieille, le cognac doit être stocké plus logtemps. Les sites de stockage d’alcool doivent donc s’agrandir. Ainsi, entre 2006 et 2017, le site ORECO de Merpins a plus que quintuplé sa surface. Ces dynamiques risquent de se poursuivre si les ventes de cognac continuent d’augmenter. La vocation industrielle de la périphérie de Cognac va continuer à s’affirmer.

2011

2014

source : BNIC, 2017

CHIFFRES DU COGNAC 2017

+10,2 % +8.3 % +11,2 % +14,3%

2017

de cognac vendu dans le monde

VS (qualité jeune) VSOP (qualité intermédiaire) XO (qualité vieille)

3 151,6 M€

de chiffre d’affaires

Évolution de l’emprise du site de stockage d’alcool ORECO à Merpins entre 2006 et 2017 vue aérienne IGN

70


Évolution de la surface plantée en vigne autour de Cognac Parcelles de vignes en 2007 Parcelles de vignes plantées entre 2007 et 2010 Parcelles de vignes plantées entre 2010 et 2014 Évolution du vignoble autour de Cognac entre 2007 et 2014 d’après RPG (Registre Parcellaire Graphique) de l’IGN, 2007/2010/2014

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0

1

2

3

4

5 Km

N


GRANDS ENJEUX DE LA FILIÈRE CHANGEMENT CLIMATIQUE Le changement climatique commence à se faire sentir dans le Cognaçais. Depuis les années 80, la température moyenne a augmenté de près de 1°C. Les vendanges ont avancé de 2 à 3 semaines depuis les années 60 (BNIC). Ces phénomènes ont pour conséquence la baisse de l’acidité et la hausse du taux de sucre des raisins récoltés. Les vins sont donc plus forts en alcool. Cette hausse du degré alcoolique, impacte la qualité des eaux-de-vie produites. Lors de la distillation, les composés aromatiques du vin se retrouvent moins concentrés dans les eaux-de-vie.

Les pratiques culturales vont devoir évoluer si l’on veut continuer à produire du cognac de qualité à la fin du siècle. Les pistes envisagées pour l’instant concernent : - les modes de conduite : des modes de taille qui cachent le raisin sous les feuilles et le protègent du soleil - l’orientation des rangs de vigne : passer d’une orientation nord-sud qui privilégie un bon ensoleillement des vignes à des orientations nord-est ou sud-ouest - l’implantation même du vignoble: investir les coteaux nord moins exposés au soleil - la recherche variétale : trouver des variétés produisant des raisins moins sucrés et plus acides.

Le changement climatique dans le vignoble de Cognac, BNIC,2010

72

L’adaptation au changement climatique et la prise en compte de mode de gestion plus respectueux de l’environnement vont sûrement impacter les paysages productifs des vignobles du cognac.


D’AUTRES PISTES À ENVISAGER ? LA PLACE DE L’ARBRE DANS LA VIGNE Autrefois l’arbre et la vigne étaient souvent liés dans les paysages viticoles charentais. La récolte des arbres fruitiers rythmait les travaux dans la vigne. Ils étaient souvent associés à la vigne en verger (jouailles) ou en arbre isolé. Le noyer représente l’arbre emblématique de la Champagne charentaise. Le cyprès qui ponctuent les paysages viticoles, sont des traces des conflits religieux. Ils évoquent l’exclusion des protestants des cimetières catholiques. L’association d’arbres à la vigne fait partie des motifs identitaires du territoire qui disparaissent peu à peu. L’association arbre/vigne, outre son rôle identitaire et qualitatif dans les paysages, a des intérêts écologiques non négligeables : création de microclimat dans la vigne, les arbres peuvent servir d’hôtes pour certains auxiliaires, amélioration des sols par l’apport régulier en matière organique... Déjà répandue en grandes cultures et en élevage, l’agroforesterie reste peu

employée en viticulture en raison d’un manque de données référentielles. Des expérimentations sont en cours1 afin d’évaluer les impacts réels d’une association vigne/arbre. Les expérimentations portent principalement sur la concurrence sur l’eau, la lumière et les minéraux ainsi que sur l’impact sur la production. Cette pratique peut sûrement apporter à la réflexion engagée par la filière sur le changement climatique et la prise en compte de mode de gestion plus respectueux de l’environnement. Il n’y a pas de recette miracle. Il faut combiner les différentes solutions existantes. Il faudrait expérimenter et trouver des motifs qui seraient compatibles avec la forte mécanisation de la filière viti-vinicole cognaçaise. Cette pratique pourrait améliorer considérablement les paysages viticoles de certaines zones où les paysage ont tendance à se simplifier.

1 - Programme Vitiforest : Mise en place et évaluation de sites pilotes en agroforesterie viticole dans les vignobles du Bordelais, de Gacogne, de Cahors et de l’Hérault (Arbres et Paysages 32, Institut Français de la Vigne (IFV), Vitinnov qui est une cellule de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, Centre d’Etudes Spatiales de la Biosphère (CESBIO), Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et des Chambres d’Agriculture du Gers et de Gironde.

73


PARTIE 3

LA PÉRIPHÉRIE SUD

74


La vocation de la périphérie sud de Cognac est plurielle : elle est habitée, travaillée, traversée, cultivée, découverte. Une part importante de la population y habite et y travaille. Dans les communes jouxtant la partie sud de la ville on dénombre plus de 5 000 emplois. Chaque jour, d’importantes migrations travail/domicile viennent s’ajouter au trafic important de camions assurant les liaisons entre les différents sites industriels. La place du piéton y est réduite. Cette périphérie est aussi cultivée. La viticulture et la céréaliculture y occupent une place importante. Malgré la proximité spatiale entre zone habitée et cultivée il existe peu d’interactions entre ces deux espaces. Viticulture et industrie rythment les paysages de cette espace périurbain. La viticulture crée des espaces ouverts avec des vues lointaines. Les industries créent des marqueurs paysagés créant des points de repère. Cette périphérie est aussi visitable, la maison de négoce Rémy Martin y possède des chais qu’elle ouvre au visiteur.

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zone urbaine antérieur à 1950 habitat collectif tissu pavillonnaire zone industrielle ou commerciale voie ferrée

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AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD

73 D

Cette zone est comprise entre la voie ferrée, encaissée au sud, qui marque le haut du coteau et la D732 qui marque la limite entre le bas du coteau et le lit majeur de la vallée de la Charente. Les vues s’ouvrent vers la vallée de la Charente et vers la ville de Cognac et sont fermées au sud par la végétation le long de la voie ferrée. Des parcelles de vigne créent une coupure d’urbanisation entre la ville de Cognac et la commune de Merpins. Des opérations immobilières sont en cours des deux côtés. Du côté de Cognac, un ancien terrain de sport va être urbanisé (1). Cette opération s’appuie sur l’ancien hôpital (2) de la ville qui est en cours de requalification. Du côté de Merpins, des terrains laissés en friche (3) laissent supposer un futur agrandisse-

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ENTRE MERPINS ET COGNAC : LE COTEAU SUD DE LA CHARENTE

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ment du lotissement existant. Néanmoins la coupure d’urbanisation entre ces deux zones urbanisées est censée perdurer.

1.

Vue depuis le lotissement de Merpins vers Cognac

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AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD ENTRE LA ZONE D’ACTIVITÉ DE MERPINS ET LA VOIE RAPIDE En traversant la voie ferrée les vues s’ouvrent au loin jusqu’à la Champagne charentaise. Le doux relief est souligné par la courbe dessinée par la route. D’un côté l’usine Verralia se détache de l’horizon viticole. De l’autre côté les chais ORECO (1) forment un amas de bâtiments. Sur la limite ouest un fossé sépare les zones cultivées des zones industrielles La zone est dominée par la viticulture.

2. 3.

D 731

1

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La route décrit de douces courbes, à droite les chais ORECO apparaissent à travers la brume, au loin les contreforts de la grande Champagne

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Les cheminées de l’usine Verallia se détachent de l’horizon viticole


AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD LE TISSU PAVILLONNAIRE DE CHATEAUBERNARD Cette zone est délimitée au nord par la rocade, et au sud par la BA 709 (voir plan page de droite). On se perd facilement dans cet endroit. Les horizons lointains ne sont pas perceptibles, provoquant une perte de repères. Les espaces agricoles sont clôturés par les haies, murs et grillages des fonds de jardins. Les arrière-plans des paysages agricoles sont rythmés par les façades identiques de pavillons ou de logements collectifs. Le motif du cul-de-sac est omniprésent, chaque opération immobilière a une voirie qui lui est propre. Chaque quartier est déconnecté du suivant. La vigne semble assez résiliente au morcellement. Le tissu urbain est ponctué de parcelles en lanières de vignes encore cultivées.

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L’urbanisme du cul-de-sac : en noire, les voies sans issus

1.

Les arrière-plans des paysages agricoles sont rythmés par des façades identiques

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AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD ENTRE LA ZA DU MAS DE LA COUR ET LA PLAINE VITICOLE La limite entre la zone commerciale du Mas de la Cour et les zones viticoles est franche. Une route avec de larges accotements enherbés sépare les deux entités. Le profil de terrain bombé limite les vues depuis la route vers le vignoble.

N 141 (rocade)

ZA du Mas de la Cour a

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Un large enherbement délimite la zone commerciale du vignoble

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AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD LA PLAINE DU MARAIS DE GENSAC Cette zone est délimitée au nord par la ZA du Mas de la Cour et de la ZA Bellevue, au sud par le marais de Gensac la Pallue, à l’ouest par la BA 709, et à l’est par la N141. Cette partie est préservée de toute urbanisation. Les cultures y sont diversifiées alternant vignes et cultures céréalières. Les paysages largement ouverts sur la dépression sont rythmés par des haies, des arbres isolés ou des arbres d’alignement le long de chemins agricoles ou d’axes importants. Ces éléments forts du paysage permettent une certaine lisibilité. Les vues s’étendent d’un côté jusqu’aux contreforts de la Champagne, et de l’autre vers la cuesta de la Charente. La présence de Cognac ne se fait pas sentir. Le doux relief de cette zone suffit à masquer la ville.

ZA de Bellevue

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ZA du Mas de la Cour 2.

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Marais de Gensac

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Des haies et des arbres isolés rythment le paysage

Un alignement d’arbres au milieu des rangs de vigne

1.

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AMBIANCES DE LA PÉRIPHÉRIE SUD LE COTEAU JARDINÉ Cette partie est comprise entre la ligne de crête du cuesta et l’avenue d’Angoulême puis dans son prolongement de la N141. La sortie de la ville par la cuesta se fait par une succession d’enclaves agricoles jardinées entourées d’équipements de l’agglomération et de zones habitées. On retrouve dans cette zone les nouveaux équipements de l’agglomération : l’hôpital (1) et un complexe de sports et de loisirs (2) en cours de réalisation (piscine, cinéma). Les zones agricoles sont en belvédère sur la dépression. Les parcelles viticoles alternent avec des plantations de chêne truffier. L’arbre est mis à l’honneur. Des alignements d’arbres à l’intérieur des parcelles rythment le paysage et créent des interfaces entre zones habitées et cultivées.

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Chênes truffiers et arbres fruitiers alternent avec la vigne

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Un alignement d’arbres le long de la RN 141 apporte de la lisibilité au paysage et ferme ces zones agricoles scénarisées par la présence de l’arbre sous toutes ses formes.

2.

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UNE PÉRIPHÉRIE HABITÉE, TRAVAILLÉE ET TRAVERSÉE SE DÉPLACER La présence importante d’activités dans la périphérie sud de Cognac est synonyme d’emplois. Les communes de Chateaubernard et de Merpins comptent plus d’emplois que d’habitants (actif ou inactif). Les migrations quotidiennes domicile-travail entre Cognac et les communes périphériques sont importantes. Une grande partie de ces trajets sont effectués en voiture. Deux lignes de bus relient Cognac à Chateaubernard et sa base aérienne. En revanche les mobilités entre communes périphériques sont presque inexistantes. Un réseau de transport à la demande existe, mais le fonctionnement du réseau est très

restrictif: 4 trajets maximum par semaine et par habitant, réserver le trajet 1h30 à l’avance.... Quelques pistes cyclables sont présentes le long des axes principaux. Ces axes sont malheureusement aussi très fréquentés par des camions. Le vocabulaire y est très routier et elles sont peu agréables à utiliser. Une piste cyclable le long de la Charente est en cours d’aménagement. Celle-ci a une vocation touristique. A terme elle devrait relier Angoulême à Rochefort.

1000 emplois

Migration quotidienne domicile-travail d’après PLU Cognac

Axes routiers avec le plus de trafic

+ de 500 déplacements 200-300 déplacements

Principales pistes cyclables arrêts de bus

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DES ENCLAVES AGRICOLES DES LIMITES À REQUALIFIER Malgré le mitage et le morcellement des cultures par une urbanisation peu réfléchie, cette périphérie sud reste en partie agricole. Ces zones agricoles de par leur topographie et leur contexte créent une succession d’ambiances différentes. Ces différentes séquences sont délimitées par des infrastructures (D732 / voie ferrée / D731 / D24 / N141). Des limites peu qualitatives entre zones habitées et zones agricoles Les interfaces bâti / agricole sont souvent très pauvres. Des haies de thuya ou de laurier, des clôtures ou des murs créent des limites franches. Il n’y a pas de relation entre ces deux entités. La proximité immédiate entre culture et habitation peut créer des nuisances pour les habitants. La création d’une interface plantée faisant la transition entre zone agricole et habitée participerait à une meilleur intégration de ces formes bâties dans le paysage tout en permettant aux habitants de profiter de cette proximité avec ces zones agricoles.

Enclave agricole Interface bâtie / agricole pauvre

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DES ENCLAVES AGRICOLES DES LIMITES À REQUALIFIER Des haies et des barrières créent une limite franche qui se traduit par une ligne. Cette limite ne peut pas être pratiquée, aucun espace ne permet le passage.

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Une route bordée d’un accotement enherbé crée la limite. Des parcelles bâties viennent couper ce linéaire

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Une route avec, d’un côté comme de l’autre, de larges accotements enherbés, viennent former la limite entre vigne et zone habitée.

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Des alignements d’arbres viennent créer une transition visuelle entre bâti et espace agricole mais cette limite est matérialisée par un grillage qui empêche l’accès d’un endroit à l’autre.

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LE TISSU INDUSTRIEL S’INFILTRER La zone industrielle de Merpins, et plus particulièrement celle de Chateaubernard sont conçues de manière fonctionnelle. La place du piéton y est réduite au minimum. Très peu d’axes routiers sont doublés de circulation piétonne ou de pistes cyclables.

Les voies ferrées abandonnées Avec l’avènement du transport routier, les voies de chemin de fer desservant les zones industrielles ont été progressivement abandonnées. Il subsiste aujourd’hui quelques reliquats de ces axes. Ces voies traversent le tissu industriel de l’intérieur et offrent d’autres perceptions de celui-ci.

Ancienne voie ferrée traversant la zone industrielle 1 1

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LE TISSU INDUSTRIEL LE LONG DU FOSSÉ : DE LA BA709 À LA ZA DE MERPINS Un fossé encaissée draine les eaux pluviales de toutes la partie ouest de la dépression. Le fossé part de la BA709, longe la ZA de Salles-d’Angles, traverse des zones agricoles, pour enfin traverser la ZA de Merpins, avant d’être enterrée pour rejoindre plus loin un vallon peu encaissé s’ouvrant sur la vallée du Né. Depuis ce fossé, des vues intéressantes se dégagent sur la zone industriel. Cette axe traverse une tonnellerie. Deux passerelles permettent de traverser le fossé. Des ouvriers traversent les ponts pour se rendre dans une autre partie du site (3).

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ZA MERPINS

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BA 709


DES SITES INDUSTRIELS POTENTIELLEMENT VISITABLES MAIS DIFFICILE D’ACCÈS Tous les savoir-faire liés à la filière cognac commencent à être valorisés. Au Musée des arts du cognac, en centre-ville, le visiteur prend connaissance de l’étendue de ces savoir-faire. Quelques tonnelleries et chais sont visitables dans la périphérie de Cognac. La maison Rémy Martin propose des visites de son site de Merpins. A bord d’un petit train, on vous conduit des vignes au chais. Rémy Martin possède quelques hectares de vigne qui jouxte ses chais. La majorité des visites de chais en ville, sont dans des sites historiques. La réelle production est réalisée dans des sites annexes en périphérie. Il serait intéressant que des entreprises de toute la chaîne de production ouvrent leurs portes occasionnellement pour que

les visiteurs de passage puissent découvrir l’étendue des savoir-faire présents sur le territoire. Des sites difficiles d’accès sans voiture Ces sites sont souvent en périphérie de la ville (entre 2 et 4 km et dans des endroits où le piéton n’a pas réellement sa place. Il serait nécessaire d’aménager des parcours desservant et mettant en scène ces industries.

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La partie visitable du «domaine Rémy Martin» à Merpins source : Remy Martin

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PARTIE 4

VERS LE PROJET

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Ces paysages périurbains mêlant viticulture, industrie et zones habitées manquent de cohérence. Pour pouvoir s’approprier ces paysages, il faut pouvoir les lire, les parcourir. Les limites de l’aire urbaine de Cognac ne sont pas claires. La disparition de l’arbre dans les paysages viticoles et sur les franges, entre espace habité et cultivé, contribue à troubler la lisibilité des paysages. Malgré une certaine proximité entre zone habitée et zones cultivée, ces deux espaces se font front. Les discontinuités du réseau viaire amplifient ce phénomène de rupture. Certaines parties de cette périphérie, dont les zones industrielles, sont peu accessibles à pied ou à vélo. Chaque jour, des milliers de personnes prennent leur voiture pour aller travailler à quelques kilomètres. Depuis le XIXe siècle, Cognac est une ville industrielle. Les bâtiments construits il y a un siècle font aujourd’hui parti de son patrimoine. Qu’en est il des zones industrielles actuelles? Ces espaces périurbains sont représentatifs de la vie culturelle et économique du territoire d’aujourd’hui. Il serait intéressant de construire une nouvelle identité pour l’agglomération de Cognac autour de cette industrie, et des paysages qu’elle crée. La valorisation de ces paysages pourrait passer par la mise en place d’un circuit touristique autour des paysages modernes de cette périphérie industrielle et viticole.

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PREMIÈRES INTENTIONS UNE NOUVELLE IMAGE POUR COGNAC Des limites franches pour la ville de Cognac Le manque de limite claire trouble la lisibilité des paysages de l’agglomération. Dans un premier temps, il faut définir les limites de la zone urbaine de Cognac. Définir un dedans et un dehors. Une interface sera à définir pour faire la transition entre zone urbanisée et zone agricole.

Un travail sur le tissu bâti Pendant des décennies, la ville s’est construite en périphérie sans réflexion globale sur l’implantation du bâti et sur la

cohérence du réseau viaire. Il est nécessaire de reconnecter le tissu pavillonnaire avec son environnement bâti et agricole.

Des paysages viticoles de proximité et de qualité. Cognac porte le nom d’un produit viticole. Paradoxalement la ville entretient peu de relation avec son vignoble qui borde pourtant ses limites urbaines. A l’intérieur des limites définies précédemment, les zones agricoles et viticoles encore fonctionnelles devront être préservées, mises en valeur et connectées entre elles. Un travail expérimental sur la place de l’arbre dans le vignoble devra être engagé.

Des industries à mettre en valeur La tendance étant à l’agrandissement, une réflexion est à mettre en place sur l’implantation des sites industriels, sur leurs abords ainsi que sur leur rôle de marqueur dans le paysage. Il faudra veiller à préserver des circulations à l’intérieur du tissu industriel pour permettre de s’y balader sans gêner le trafic et sans se mettre en danger. Ces circulations scénariseront l’activité industrielle en proposant de nouveaux points de vue.

définir et aménager les limites urbaines de cognac Espaces agricoles à préserver Liens à créer entre zones agricoles Expérimenter sur la place de l’arbre dans le vignoble Scénariser les zones industrielles

Scénariser les zones industrielles 96


PREMIÈRES INTENTIONS UNE PÉRIPHÉRIE VIVANTE Pour ses habitants

Pour ses visiteurs

Quotidiennement, des milliers de personnes effectuent des trajets de quelques kilomètres en voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. Le projet propose d’inciter les habitants de Cognac à se déplacer en vélo. Les pistes cyclables existantes longent les axes routiers avec beaucoup de trafic. Ces nouvelles liaisons douces emprunteraient donc les espaces agricoles mis en valeur précédemment. Les tracés s’appuieront sur des routes existantes ou des chemins agricoles.

Le développement du cyclo-tourisme, avec la Charente à vélo, ouvre de nouvelles possibilités. La location de vélo va sûrement se développer dans la ville. Les touristes pourront se déplacer sur de plus grandes distances. Je propose à travers le parcours à vélo «les rives viti-industriel de Cognac» de faire découvrir le monde du cognac d’aujourd’hui. Complémentaire à l’offre touristique de la ville, ce parcours permettrait de faire découvrir l’autre réalité de Cognac, celle d’une ville industrielle au cœur d’un vignoble.

Développer des liaisons douces traversant les zones agricoles La Charente à vélo Boucle touristique : les rives viti-industrielles de Cognac Halte : visite d’usine / point de vue / événement

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SCHÉMA DIRECTEUR

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Des limites pour Cognac

Une périphérie cultivée et habitée

Une périphérie à visiter

Limites urbaines de Cognac

Zones agricoles à préserver et à mettre en valeur. Expérimenter sur la place de l’arbre dans la vigne

Marquer les limites de Cognac

Interface entre espaces habités et cultivés

Les rives viticoles et industrielles de Cognac

Souligner axes par la plantation d’arbres

Points de vue

Liaisons à réaliser

Situation en belvédère

composer les interfaces entre industrie et zone agricole

Franchissement d’infrastructures

Visite d’entreprise

renforcer l’effet de signal de certains bâtiments

Tissu pavillonnaire à retravailler

Une périphérie industrielle

Réserves foncières 99

La Charente à vélo


UNE PÉRIPHÉRIE CULTIVÉE ET HABITÉE FRANGE URBAINE / ACTION SUR LE TISSU PAVILLONNAIRE Différents usages ou typologies : - boisement - verger - jardin partagé - gestion de l’eau - balade /«parcours de santé»

Le but de la mise en place de frange est de travailler la perméabilité entre les espaces urbains et ruraux en favorisant l’accessibilité de l’un à l’autre, en structurant l’urbain sur ses limites, en donnant de l’épaisseur à la limite en y développant des usages. L’activité agricole est donc pérennisé et le cadre de vie des habitants amélioré. Les espaces agricoles prennent une double fonction : celle de zone de production et celle d’espace de proximité, de loisir.

Limite imperméable entre urbain et agricole

Mise en place de l’interface

100

Perméabilité entre urbain et agricole


UNE PÉRIPHÉRIE CULTIVÉE ET HABITÉE EXEMPLE D’INTERVENTION Le tissu pavillonnaire en cul-de-sac est reconnecté à un réseau de chemins agricoles dans les vignes. Une interface plantée est créée entre vignes et habitations. Celle-ci comprend une circulation permettant aux habitants d’avoir accès plus

facilement au vignoble. La frange prend de l’épaisseur. Des usages peuvent s’y développer. Elle permet aussi de mettre à distance les habitations des cultures et d’éviter les nuisances que peuvent générer ces dernières.

Exemple d’intervention sur une frange

Créer une interface / définir usages Voirie existante 0

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Créer un chemin

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Chemin agricole existant

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L’ARBRE ET LA VIGNE DES PAYSAGES JARDINÉS À LA PÉRIPHÉRIE DE LA VILLE De multiples intérêts L’arbre associé aux cultures peut avoir de multiples intérêts. : - crée une plus-value au niveau des paysages et donne une image positive au vignoble - peut participer à la lutte à l’adaptation du vignoble au changement climatique - possède des intérêts agronomiques et écologiques - apporte un revenu complémentaire au viticulteur en cas de chute du marché du cognac ou d’intempéries climatiques. - améliore le cadre de vie des habitants de cette périphérie agricole. Des intérêts privés Les zones agricoles dépendant d’intérêts privés, Il est nécessaire d’abord d’analyser plus finement le foncier afin de définir les intérêts des différents propriétaires. Les parcelles viticoles peuvent appartenir à un négociant, à un viticulteur vendant son propre cognac, ou à un viticulteur revendant ses eaux-de-vie ou ses vins à un négociant. Dans les deux premiers cas, l’image renvoyée par le vignoble impacte l’image du produit vendu. Les maisons de négoce sont très soucieuses de leur image. Certaines comme Rémy Martin, à Merpins, possèdent des vignes proches de leurs sites de stockage. Ces sites étant visitable, la mise en place de système «viti-forestier» pourrait apporter une plus-value à cette entreprise qui se dit innovante et soucieuse de l’environnement.

Des sites expérimentaux1 Dans les vignobles du Bordelais, de Gacogne, de Cahors et de l’Hérault, des sites pilotes ont été mis en place pour évaluer l’influence de l’arbre en contexte viticole. Des études similaires pourrait être menées dans le Cognaçais en impliquant acteurs privés et institutionnels, afin de développer des systèmes applicables aux spécificités du Cognaçais Inventer un système compatible avec la forte mécanisation du vignoble Cette partie ne vise pas à refonder totalement les systèmes agricoles mais à remettre au goût du jour les systèmes qui existaient autrefois (haies à proximité de parcelles viticoles, arbres isolés, alignés et fruitiers intégrés dans la vigne) Beaucoup de vignerons sont très sensibles à la disparition de l’arbre dans les paysages viticoles. Pour leur assurer une pérennité, il faut que ces systèmes ne gènent pas les travaux mécanisés dans la vigne et apporte une plus-value à celui qui le met en place. Des paysages viticoles structurants L’implantation d’arbre dans le paysage viticole de la périphérie de Cognac permet de pérenniser l’activité agricole. L’espace agricole n’est plus un «espace vide» mais devient un espace plein structurant avec lequel industrie et extensions urbaines doivent composer.

102

Agro-foresterie «Il s’agit d’associer sur une même parcelle des arbres et des cultures ou des animaux. Ces pratiques traditionnelles sont aujourd’hui optimisées grâce au travail des chercheurs et des développeurs sur le terrain. Elles sont compatibles avec tous les types de systèmes agricoles et la mécanisation.» Agroforesterie

1- Programme Vitiforest «Cette étude se traduit par le suivi des insectes, du comportement de la vigne, de la vie du sol, du microclimat et de la botanique. Elle est menée sur plusieurs années et est issue de la collaboration d’Arbres et Paysages 32, de l’Institut Français de la Vigne (IFV), de Vitinnov qui est une cellule de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, du Centre d’Etudes Spatiales de la Biosphère (CESBIO), de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et des Chambres d’Agriculture du Gers et de Gironde. A terme, elle permettra d’avoir un rapport précis sur l’impact de l’agroforesterie en milieu viticole.»


http://campagnesetenvironnement.fr Site expérimentale d’agroforesterie viticole avec des arbres fruitiers en Ardèche (suivi par l’INRA). Pour ne pas avoir de perte de rendement il faut que les arbres soit espacées d’au moins 5 m (Agroforesterie)

Sites potentiels d’expérimentations : des situations différentes (exposée au nord, exposée au sud et en plaine) d’après données IGN

Site exposé au sud

Site exposé au Nord Site exposé au sud

Site en plaine

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UNE PÉRIPHÉRIE À VISITER PARCOURS RIVES VITI-INDUSTRIELLES DE COGNAC

Point de vue depuis de vignoble mis en scène par la présence de l’arbre Visite d’une tonnellerie

Visite chais Rémy Martin

Point de vue le long du fossé sur la zone industrielle de Merpins Mirador permettant une vue plongeante sur les installations ORECO

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Point de vue sur la vallée de la Charente

Belvédère sur l’usine Verallia Visite du site

Point de vue sur la plaine du marais de Gensac

Ce parcours permet de découvrir toutes les composantes de Cognac et de sa périphérie. Sa vocation n’est pas d’être une déviation pour éviter le centre-ville. Mais plutôt de s’accrocher sur le tracé de la Charente à vélo pour proposer une boucle parcourant les rives de la Charente et celles des limites industrielles et viticoles de la ville. Ainsi le parcours alterne entre zone cultivée et zone industrielle. Des haltes sont prévues le long du trajet proposant des visites de sites industriels, des points de vue depuis la route ou depuis des belvédères.

25 KM 1H30

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UNE PÉRIPHÉRIE À VISITER DONNER À VOIR L’ACTIVITÉ INDUSTRIELLE accès par une rampe

Belvédère sur l’usine Verallia

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UNE PÉRIPHÉRIE À VISITER SE BALADER LE LONG DU FOSSÉ

Le long du fossé vers la zone industrielle de Merpins

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EXEMPLES D’ACTIONS ZONE INDUSTRIELLE MERPINS Les principaux enjeux concernant les zones industrielles sont l’accessibilité de ces zones par les piétons et les cycles ainsi que l’intégration des futurs extensions. Dans le cadre du parcours «les rives viticoles et industrielles de Cognac» des haltes ponctueront le tissu industriel.

Le long du fossé La zone nord du fossé est à maintenir ouverte afin de préserver les vues sur la zone industrielle. Le fossé permet de mettre à distance le visiteur de l’activité sans avoir à installer de clôtures ou de haies pour sécuriser l’accès. Une bande plantée de vignes sur la partie sud du fossé permet d’intégrer l’activité dans son milieu agricole. Le long de l’ancienne ligne de chemin de fer Le fossé traverse la ligne de chemin de fer abandonnée qui, elle, est sur un talus. La voie ferré qui s’interrompt un peu plus loin est prolongée par une passerelle qui rejoint l’autre partie de la voie de chemin de fer. Le visiteur passe ainsi au dessus d’un site industriel. Après avoir passé le rond-point, le visiteur s’engouffre entre deux bâtiments massifs de l’entreprise Rémy Martin.

108

Le Belvédère sur les Chais ORECO Après avoir emprunté l’ancienne ligne de chemin de fer désaffectée traversant de l’intérieur les installations de Rémy Martin, le visiteur peut monter sur un promontoire pour apprécier l’étendue des chais ORECO. Une mer de chais aux dimensions gigantesques s’étend devant lui. Le domaine Rémy Martin Les barrières qui sécurisent le site Rémy Martin sont reculées derrière les vignes attenant la propriété afin de supprimer toute barrière visuelle entre le promeneur et les chais. Intégrer les futurs extensions. L’abandon des parcelles agricoles précède les extensions de bâtiments industriels. Je propose de s’appuyer sur le parcellaire agricole de ces friches pour mettre en place des filtres végétaux composés de haies ou d’alignements d’arbres. Ces filtres précédent donc l’implantation des industries et ne crée pas un effet de haie-clôture car elles sont maintenues à une certaine distance des bâtiments.


Développer des chemins traversant la zone industrielle en s’appuyant sur différents axes. Le long du fossé qui part de la BA 709 jusqu’au milieu de la zone industrielle(1). Sur l’ancienne voie de chemin de fer traversant la zone jusqu’aux chais ORECO(2). Sur les dernières traces du projet abandonnée de la déviation de la N141(le long des chais ORECO)(3).

1 Visite du domaine Rémy Martin Visite de tonnellerie

Repousser les barrières derrière la vigne

Passerelle

Interface plantée laissant passer le regard Filtre végétal (haie, alignement) Parcours cyclable Ligne de chemin de fer Liaison le long des chais ORECO

Belvédère / Mirador Point de vue

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Sans l’industrie des spiritueux, Cognac serait peut-être encore une petite commune rurale. L’industrie du cognac telle qu’on la connait aujourd’hui est l’héritière de celle qui a permis à la ville de se développer. Même si cette économie a bien changé entre le XIXe siècle et aujourd’hui, le cognac reste bien présent dans la vie des habitants du territoire. Soit, pour certains, par le nom de la ville qu’ils habitent ou par l’activité qu’ils exercent, mais surtout, pour beaucoup, par les paysages qu’ils traversent quotidiennement . La vigne et les formes architecturales liées au cognac sont des motifs récurrents. La relation liant le produit au territoire repose bien sur ces paysages : patrimonialisés dans le centre ville mais surtout modernes dans sa périphérie. Depuis quelques années la ville se retourne vers le fleuve qui l’a vu naître. Aujourd’hui il est temps de s’attarder sur son autre rivage, celui qui lie la ville à son vignoble et à son industrie. A travers ce projet je propose de reconsidérer la mono-fonctionnalité des espaces constitutifs de cette périphérie. Le vignoble périphérique n’est plus qu’un endroit de production qui, à cause de sa proximité avec la ville, se voit décrié. Il devient un espace de proximité pour les habitants, un espace à traverser pour aller au travail, un espace mettant en scène la ville, un espace à visiter pour les touristes. De même, les zones industrielles ne sont plus réservées qu’aux camions et aux voitures. Elles deviennent des espaces pédagogiques à visiter pour comprendre l’économie du territoire et les paysages qu’elle génère. Maintenant vient le temps d’approfondir ce projet et de le confronter aux acteurs du territoire. Ce travail va se poursuivre et s’affiner jusqu’au mois de juin.

CONCLUSION


l’usine verallia signal du Cognaçais

111


OUVRAGES Bernard Gilles, «Le cognac: À la conquête du monde», Presses Universitaires Bordeaux, 2011 Bernard Gilles, «Une production de renommée mondiale en difficulté : le cognac». In: Norois, n°99, 1978 Eudes Girard, «Le cognac : entre identité nationale et produit de la mondialisation», Cybergeo : European Journal of Geography, 2016 Grelie J., «La Charente, étude de fleuve». In: Annales de Géographie, 1933 Nicolas Grembo, « Quand le risque industriel est synonyme de dynamiques urbaines », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement, 2014 Renard Roger, «Les villes moyennes du fleuve Charente. Évolution historique et économique depuis l’Antiquité», 1993 Michel Coste, «Cognac, les clés de la fortune», librairie du chateau, 2001

DOCUMENTS D’URBANISMES PLU Cognac PLU Merpins PLU Chateaubernard Charte architecturale et paysagère, pays ouest Charente Rapport de présentation, AVAP Cognac Rapport de présentation, SCOT pays ouest Charente

PRESSE Charente Libre Sud Ouest

SITES INTERNET https://www.insee.fr -INSEEhttp://www.cognac.fr -BNIChttp://www.charente.cci.fr/ -CCI Charentehttp://www.nouvelle-aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/-DREAL Nouvelle-Aquitaine-W www.aria.developpement-durable.gouv.fr / Réferencement des accidents technologiques http://www.faceaurisque.com http://conservatoireduvignoblecharentais.fr -Conservatoire du vignoble Charentaishttp://www.agroforesterie.fr/ http://inra.fr/

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BIBLIOGRAPHIE 113


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