Bidonvilles : Un enjeu politique européen

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BIDONVILLES

UN ENJEU POLITIQUE EUROPÉEN

École Sous la direction de : Nationale Arlette HÉRAT Supérieure d’Architecture de Marseille

Adrien GUITARD - Mémoire fin de licence - 2015/2016


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REMERCIEMENTS Je remercie Arlette HÉRAT pour ses conseils, son suivi tout au long de l’année et les corrections qu’elle a apporté à ce mémoire. Merci aussi à toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration de ce mémoire. Enfin merci à Hugo BACCIARELLI, Lucas MICHEL, Benjamin VASSIA, et Louis OBERTI pour leur soutien et leurs informations lors des séances de corrections.


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SOMMAIRE AVANT PROPOS............................................................................4 INTRODUCTION............................................................................5 I. UN CONSTAT ACCABLANT.......................................................9

1. L’apparition des bidonvilles...............................................................9 2. Une difficulté à les définir................................................................11 3. Un phénomène global.....................................................................15 4. Conclusion.......................................................................................18

II. UNION EUROPÉENNE (U.E.) VS. PAYS DIT DU «SUD»...........21

1. Introduction.....................................................................................21 2. «Le bidonville de la folie», Nanterre, France..................................22 3. La «Cañada Real Galiana», Madrid, Espagne.................................30 4. «Villa el Salvador», Lima, Pérou.......................................................36 5. Synthèse comparative.....................................................................46

III. L’EUROPE : UNE POLITIQUE DE L’ABSURDE........................49

1. Un retour fulgurant..........................................................................49 2. Ignorer pour ne pas agir : une politique de négligence.................50 3. Un indicateur révélateur du mal logement.....................................51

IV. CONCLUSION.........................................................................53 V. BIBLIOGRAPHIE.......................................................................57


AVANT PROPOS

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Je me suis intéressé aux bidonvilles bien avant d’entrer en école d’architecture. De part mes nombreux voyages dans des pays dits sousdéveloppés1 tel que l’Inde, pour des voyages humanitaires, ou encore la Thaïlande, je me suis rendu compte à quel point il était important de considérer ce « mal développement urbain »0 comme critique. De plus, la situation actuelle concernant l’arrivée de nombreux migrants en Europe m’a ouvert les yeux sur l’existence de bidonvilles tout près de chez nous qui ne finissent d’emplir ainsi que de subir des vagues d’expulsions, aggravant le phénomène. L’entrée en école d’architecture, quand à elle, m’a permis de cerner à la fois l’ampleur du phénomène concernant la construction des villes de demain et en même temps le manque de reconnaissance dans la pensée envers les bidonvilles. Je pense qu’au vu de leur croissance, il est grand temps de changer les politiques concernant la résorption des bidonvilles en Europe. Ma motivation se porte également sur mon projet futur. En effet, j’aimerai m’orienter vers l’architecture d’urgence, l’architecture participative, l’apport aux personnes dans le besoin par l’architecture et intégrer cette réflexion dans la conception des villes de demain.

0. Terme enployé par Jean-Claude BOLAY dans son article «Le bidonville ou le mal-développement urbain» 1. Pays aujourd’hui émergents, pauvres, dont les situations économique, éducationnelle et sanitaire sont mauvaises.


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INTRODUCTION

Si pour beaucoup, le XIXe siècle se résume à la révolution industrielle et à ses avancées techniques, cette époque est également marquée par l’apparition d’une toute nouvelle forme d’urbanisation souvent qualifiée de parasite. En effet, c‘est autour des grandes villes d’Angleterre qu’apparaissent les premiers bidonvilles dans lesquels viennent se masser les travailleurs, attirés par les promesses de la ville. Le phénomène se répand alors rapidement à tous les pays en plein essor industriel et la demande de main d’œuvre des nouvelles usines entraine un exode rural sans précédent. Un siècle plus tard, la plupart des pays développés pensent avoir réglé le problème des bidonvilles grâce au courant hygiéniste ainsi qu’aux grands projets de logements qui voient le jour après la seconde guerre mondiale. Cependant, dans les pays dit du « Sud », la tendance n’est pas la même et une grande partie d’entre eux sont désormais confrontés à une explosion urbaine qu‘ils peinent à contrôler ainsi qu’à un exode rural bien plus conséquent. A ce jour, 50% de la population mondiale habite en zone urbaine, ainsi, parmi ces citadins, plus d’un milliard vivent dans des bidonvilles et chaque jour des milliers de migrants viennent gonfler ce chiffre. Qu‘ils soient nommés bidonvilles (France), slums (pays anglophones), favelas (Brésil)... partout le constat est identique : la ville à trouvée son antonyme en ces villes parallèles, et le phénomène ne fait que croître.

2. Les pays développés sont des pays où la majorité de la population accède à tous ses besoins vitaux ainsi qu’à un certain confort et à l’éducation.

Même si, à ce jour, le problème n’est considéré comme « enjeu majeur » que dans les pays aujourd’hui émergents1, il est également présent dans des pays développés comme les pays Européens2. Ainsi, malgré les politiques et projets de résorption de bidonvilles en Europe, mis en place depuis plusieurs décennies, et après avoir pensé le problème comme résolu, le phénomène réapparaît sans que l’on ne s’en préoccupe vraiment. De grandes villes telles que Paris, Madrid, Lyon, Naples, Londres se voit dotées de bidonvilles de plus de 10 000 habitants, et la majeure partie des grandes villes européennes possède leurs bidonvilles. Tout cela composant avec une stratégie d’invisibilité mis en œuvre par les pouvoirs publics. Ces bidonvilles restent dans l’ombre, reniés et se voient subir fréquemment des expulsions ou destruction. Les bidonvilles européens subissent une discrimination urbaine.


Au fil des années, ces politiques n’ont fait qu’emplir les plus grands bidonvilles européens tandis que dans certains pays d’Amérique du Sud, des politiques participatives ont permis d’intégrer ces quartiers informels à la ville. C’est pourquoi je me suis intéressé aux différentes manières de gérer la question du bidonville afin de rendre visible ce phénomène en Europe.

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Ma problématique tourne alors autour des questions suivantes : quand est-il du constat de bidonvilisation en Europe ? Nous sommes confrontés chaque jour à de petites résurgences de bidonvilles mais quand est-il concernant leur devenir et quelles sont les politiques misent en place pour les résorber ? Y-at-il des solutions ? Comment pouvons nous le comparer au phénomène, beaucoup plus ancien, qui concerne les pays en voie de développement ? Quels enseignements tirer pour l’Europe des solutions proposées dans ces pays ? Méthode de travail Pour réaliser ce travail, j’ai décidé, dans un premier temps, de me centrer sur une partie plus historique du sujet : comprendre l’apparition des bidonvilles, que ce soit en Europe ou dans les pays en voie de développement1 ; connaître les différentes notions, définitions et avoir une idée des chiffres pour rendre compte de la situation à l’échelle mondiale. Tout cela dans le but d’exprimer la nécessité de prise en compte du phénomène dans les pays Européens. Dans une deuxième partie, j’ai choisi d’étudier en miroir trois cas distincts : deux en Europe ainsi qu’un en Amérique du Sud. Cette étude comparative m’a permis de cerner l’apparition, l’évolution et les différentes caractéristiques de ces bidonvilles, ainsi que la manière dont les pouvoirs publics ont procédés quand à leur résorption (processus économiques, politiques, sociaux...), leur situation actuelle et leur devenir. Ainsi, le premier cas, représente un exemple où un gouvernement a voulu régler le problème en éradiquant le bidonville. Il s’agit du « bidonville de la folie », à Nanterre aujourd’hui complètement résorbé et remplacé par des logements sociaux. Le deuxième cas que j’ai choisi d’étudier est le plus grand bidonville européen existant à ce jour (40 000 personnes)3. Il se situe dans la banlieue Madrilène,

3. Selon le recensement officiel réalisé en 2014 par les trois communes qu’elle traverse (Madrid, Rivas et Coslada).


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en Espagne. Il représente le modèle le plus fréquent en Europe : le déni et la politique de « fermer les yeux ». Pour finir le troisième cas, au Pérou, illustre la possibilité d’intégration d’un quartier informel à la ville conventionnelle par le biais de politiques participatives. C’est à dire en acceptant le bidonville et en mettant en place des solutions avec ses habitants. C’est un bidonville de 350 000 habitants4, aujourd’hui considéré comme un quartier institutionnalisé de la capitale Péruvienne, Lima. Tout cela dans le but, en troisième partie de montrer que la question du bidonville est bien un enjeu majeur dans la fabrication des villes de demain en Europe, enjeu largement sous-estimé par les politiques publiques. En effet, celles-ci se basent sur des politiques de négligence volontaire ou de déni par intérêt public, ce qui amène à remplir de plus gros bidonville déjà présent plutôt que de les résorber. De plus, il m’est important de souligner, grâce aux recherches faites pour réaliser ce mémoire, que ce problème relève surtout d’un problème que l’on arrive pas à régler aujourd’hui, qui est la question du mal logement. Ce problème sera mis en parallèle avec le rapport du mal logement réalisé chaque année par la fondation Abbé Pierre. En conclusion, j’ouvrirai un questionnement sur le devenir des bidonvilles européens. Quels moyens peuvent être mis en place pour améliorer et freiner cette montée fulgurante de la précarité du logement ? Quels projets alternatifs sont aujourd’hui mis en place ? Ne devons nous pas apprendre de certain cas d’urbanisation participative telle que celle de Lima ? En d’autres termes, comprendre quelles peuvent être les possibilités d’une sortie de crise.

4. Selon le recensement officiel réalisé en 2013 par la municipalité.


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UN CONSTAT ACCABLANT I. L’apparition des Bidonvilles.. Le terme « bidonville » est apparu au Maroc, à Casablanca, au cours de la crise mondiale des année 30 afin de désigner un habitat précaire, spontané, fait « de bric et de broc » et notamment de bidons en plastique. Mais son usage, dans la langue française, date des années 50 et concerne aussi bien les taudis du tiers monde que les quartiers illégaux aux bords des villes françaises. Qu’ils soient nommés slums en Angleterre, Favelas au brésil, Campememtos au Chili ou encore Villas miserias en Argentine, partout le constat est le même : la cité à trouvé son antonyme en ces villes parallèles.

En Europe

En Europe, on peut qualifier deux grande phase de bidonvilisation. La première se fait lors de la première révolution industrielle ou l’Europe connaît un exode rural massif qui va entraîner un réel engorgement des villes. La population ouvrière, bien trop importante pour les capacités urbaines, vient s’agglutiner dans des logements de fortune autour des usines situées en périphérie du centre historique. Les premiers apparaîtront en Angleterre. Ce phénomène se résorbe peu à peu lorsque patrons et politiciens prirent conscience du problème et unirent leurs efforts pour créer des logements ouvriers ou sociaux dans les années 1960. Puis l’Europe connaît une deuxième grande phase de bidonvilisation, après la seconde guerre mondiale, avec les vagues d’immigrants généralement issus du Maghreb. Une nouvelle fois les villes sont incapables d’accueillir ces populations pauvres qui s’installent une nouvelle fois sur les terrains vagues à la périphérie des grandes agglomérations. L’exemple le plus connu en France


est le bidonville de Nanterre.

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Dans les Pays dit du « Sud »

Dans les pays en voie de développement, deux facteurs se combinent pour engendrer le phénomène de bidonvilisation à partir des années 1950, 1960. Le premier est la paupérisation des campagnes. En effet, pour beaucoup de gouvernements qui viennent de récupérer leur indépendance après de nombreuses années de tutelle coloniale, le développement du pays passe par la croissance du secteur secondaire et tertiaire. Leur politique mise donc sur un développement urbain au détriment des zones rurales. Délaissés, les paysans se rendent de mieux en mieux compte qu’ils ne maîtrisent ni leurs outils de travail, ni la terre, ni la capitalisation de leurs produits. Leur statut est totalement dévalorisé, la misère gagne, la ville devient alors pour beaucoup d’agriculteurs leur seule possibilité de survie. Le deuxième facteur, totalement lié au premier, est l’image que véhicule la ville. Elle est présentée comme un lieu dynamique d’émancipation qui permet des revenus plus importants. C’est aussi le lieu où l’on peut accéder aux attraits de l’occident. En venant participer à la ville, les populations rurales ont l’impression de sortir de l’impasse de la campagne et de pénétrer dans un monde de perspectives. Le désenchantement est malheureusement aux portes de la ville… Les conséquences de cette migration vers les grandes villes sont assez dramatiques car l’offre en logements est nettement inférieure au flot de population qui débarque dans les villes. L’unique solution pour ces migrants qui arrivent sans épargne se situe en fait hors de la ville. Construire une baraque au plus près des lieux d’emplois. Apparaissent donc, dans tous les

Schéma des étapes de la bidonvilisation dans les agglomérat


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« vides urbains » et en périphérie, des poches d’habitats spontanés où règne une insalubrité totale.

II. Une difficulté à les définir..

Définition

Après avoir compris la genèse du phénomène de bidonvilisation, je me suis intéressé à leur définition. Je me suis vite aperçu qu’en plus de la difficulté à contrôler leur expansion, s’ajoute la difficulté à les définir et donc à les recenser pour pouvoir apporter des solution à leurs égards. La première définition du bidonville se trouve dans le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement5 : «Le bidonville résulte d’une occupation de fait, illégale, du sol dans les secteurs des périmètres urbains ou suburbains considérés comme inutilisables ou dangereux : fortes pentes, sols ravinés, zone inondable et de décharges, anciennes carrières, lagunes et littoraux et d’une façon générale, zones laissées vacantes par leurs propriétaires ou par les municipalités. Elles sont alors occupées, sans qu’aucune viabilisation ne soit assurée, par des populations fréquemment sans emploi et sans ressource ou revenu de l’extérieur ; souvent de régions rurales, et attirées par l’espoir d’un travail en ville. » Cependant, on remarque qu’au fil du temps, le phénomène s’est complexifié et qu’il n’y à pas de définition universelle. Chaque ville à sa propre définition et à donner un nom pour désigner ces quartiers d’habitats précaire. On peut les regrouper en 3 thématiques :

tions des pays en voie de développement Source : www.Le-cartographe.net

5. Écrit par Françoise CHOAY et Pierre MERLIN en 1988

La première regroupe les termes qui désignent la formation des bidonvilles : Favela au brésil (plante envahissante), Gecekondu en Turquie (Il s’est posé cette nuit), Invasiones en Colombie (invasion), Poblacion callampa au Chili (population champignon), Pueblos jovenes au Pérou (jeune quartier), AAshwa’i en Egypte (aléatoire). Tous font références à la rapidité et à la spontanéité de l’apparition des baraquements. La seconde fait références à la matérialité des constructions qui les composent. Bidonville en France (ville faite de bidons), Tanake au Liban (Tôle ondulée), Bairro de lata au Portugal (Quartier de boites), Musseques en Angola (Quartiers de Terre rouge), Kartonsko nasalije en Serbie (Ville en carton), Katchi abadi


au Pakistan (Maison de terre). Tous font références aux matériaux qui sont utilisés par les habitants pour construire leurs abris. La troisième rassemble les noms qui illustrent les conditions de vie au sein de ces quartiers. Villa miseria en Argentine (Ville misère), Elendsviertel en Allemagne (Quartier misérable), Asentamiento au Guatemala (campement provisoire), Bario feo en République dominicaine (Quartier laid), Ciudad perdida au Mexique (ville perdue), Precario au Costa rica (précaire). Tous témoignent des conditions misérables au sein de ces secteurs urbains. La variété des terminologies employées permet de proposer une première définition de l’habitat informel mais révèle également la difficulté à qualifier ces espaces. Seulement, cette variété de définition du bidonville pose problème pour le recensement de ceux-ci. C’est pourquoi l’Organisation des Nations Unis pour l’établissement humain mandaté par l’ONU (ONU Habitat) rédige en 2003 un rapport pour comparer les bidonvilles à l’échelle mondiale et se base sur 7 critères pour les définir : - Absences des équipements de bases : équipements publics, réseaux de connexions aux infrastructures, réseaux techniques et service à la collectivité. - Précarité du logement : Irrégularité de l’assise foncière et immobilière. - Habitats non conforme aux normes (matériaux de construction de faible qualité) - Forte densité de population - Pauvreté et exclusion sociale - Taille minimale : 700 m2 ou 300 pers./60 foyers - Conditions de vies malsaines et/ou dangereuses 3

principaux

types

d’irrégularité

caractérisent

12 FAVELA Plantes envahissantes - Brésil GECEKONDU Il s’est posé cette nuit - Turquie INVASIONES invasion - Colombie POBLACION CALLAMPA Population champignon - Chili PUEBLOS JOVENES Jeune quratier - Pérou AASHWA’I Aléatoire - Egypte

FORMATION

BIDONVILLE VILLA MISERIA Ville misère - Argentine ELENDSVIERTEL Quartier misérable - Allemagne ASENTAMIENTO Campement provisoire - Guatemala BARIO FEO Quartier laid - République Dominicaine CIUDAD PERDIDA Ville perdue - Mexique PRECARIO Précaire - Costa Rica

CONDITION


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finalement les quartiers informels : l’irrégularité vis-àvis des règles d’urbanisme, l’occupation de terrains d’autrui et les infractions aux règles de la construction.

Une grande diversité

Si les bidonvilles ont du mal à être définis à l’échelle mondiale c’est aussi car ils présentent une grande diversité. En effet on constate différentes causes pour leurs formations mais également différentes typologies. BIDONVILLE Ville faite de bidons - France TANAKE Tôle ondulée - Liban BAIRRO DE LATA Quartier de boîtes - Portugal MUSSEQUES Quartier de terre rouge - Angola KARTONSKO NASALIJE Ville en carton - Serbie KATCHI ABADI Maison de terre - Pakistan

MATÉRIAUX

6. D’après le mémoire de Yann BARNET «Bidonvilles et architectes», 2003

Différents types de formations Le schéma le plus classique est celui d’invasions massives près des usines. Il aboutit par exemple à la création des barriadas autour de Lima à la fin des années 40 et au début des années 50. « Ces invasions étaient soigneusement préparées, presque planifiées, avec parfois la complicité d’étudiants et ingénieurs pour établir la taille des parcelles, l’alignement des rues et l’esquisse sommaire d’un plan masse. Une zone particulière était choisie à l’avance parmi les terrains publics puis l’invasion se produisait. La nuit bien sûre puisque le jour les forces de l’ordre s’y seraient opposée. » 6 Existe ensuite des invasions plus douces : C’est le cas des villes aux centres ville saturés. Les squatters s’installent petit à petit aux franges des villes puis les bidonvilles grandissent très vite. Enfin certains bidonvilles sont issus de la «taudification» .Ce type de formation représente des quartiers intégrés à la ville. La misère des habitants plus l’augmentation démographique importante pousse à construire des baraques dans tous les vides existants. Les équipements deviennent alors obsolètes pour la


nouvelle densité humaine du quartier.

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Différentes typologie de bidonvilles Il existe aujourd’hui plus de 200000 bidonville sur la planète ce qui entraine plusieurs formes de typologie. Pour Odette et Alain Vaguet7, les bidonvilles sont répartis en cinq grandes classes : Les Taudis : le statut des occupants est variable (squatters, propriétaires, locataires...). Ces secteurs sont hétérogènes (quartiers populaires et taudis voisinent avec des îlots plus aisés occupés par des familles attachées à l’environnement traditionnel de leur communauté). C’est un habitat urbain, le plus souvent en centre ville, extrêmement dégradé et/ou devenu insalubre. Il y règne un « laisser-aller ». Les habitants n’ont pas la conscience du groupe. Les huttes itinérantes : abris sommaires réalisés avec des feuilles, de la paille ou de vieux tissus. Ce sont des îlots de 10 à parfois plus de 50 huttes, caractérisés par une absence totale d’équipements sanitaires. Les quartiers de squatters : c’est l’occupation d’un terrain sur lequel on ne peut prétendre à aucun droit. Ces quartiers se créent selon deux procédés : la constitution progressive de slums (des familles initiatrices en attirent d’autres) et l’invasion préméditée et organisée d’une parcelle (le plus souvent menée par des leaders qui en tireront profit). Les squatters en voie de régularisation foncière : la squattérisassion peut parfois déboucher sur une régularisation de la situation foncière. La légalisation d’un slum aboutit souvent à une amélioration spontanée des logements et parfois à l’installation d’infrastructures sanitaires. Ces quartiers en voie de régularisation se situent souvent en périphérie. Les quartiers réhabilités : ce sont soit des transferts de slums en périphérie éloignée (sorte de relocalisation), soit des quartiers de relogement in situ. Mais dans les deux cas, les réussites d’intégration sont rares. Dans le premier cas, le nouveau slum est déserté du fait de l’absence d’infrastructures de transports. Dans le deuxième cas on assiste souvent à une récupération par des catégories moins démunies du lieu.

7. Dans leur ouvrage «Du bidonville à l’épidémie, la crise urbaine indienne à Hyderabad», Espaces tropicaux, 1993


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III. Un phénomène global.. Après avoir cerné la genèse puis compris ce qui pouvait être classé comme « habitat informel », je me suis aperçu que le phénomène avait pris, depuis les années 60, une ampleur considérable. Il était donc important de comprendre cette croissance mondiale et d’en définir les causes.

Une croissance effrénée

On aurait pu croire que les bidonvilles, apparus soudainement, allaient doucement se résorber en s’intégrant progressivement dans les tissus urbains de leur ville formelle ; mais au contraire, le phénomène n’a cessé de grandir. Et si le nombre de bidonvilles augmente, c’est aussi et surtout leur taille qui ne cesse de croître. Bernard Granotier parle d’une véritable « macrocéphalie urbaine »8. Ainsi on constate que les villes de plus du million d’habitant sont de plus en plus nombreuses et les mégapoles des pays développés sont rattrapées par celles du Sud. En 25 ans, un milliard de citadins s’est rajouté, et la plupart dans les grandes villes avoisinent ou dépassent le million d’habitants. De ce fait, l’explosion démographique mondiale n’a pas arrangé le problème et la croissance des bidonvilles est presque toujours plus forte que celle de la ville. L’explosion démographique planétaire entraîna une explosion mondiale des bidonville.

8. Dans le livre « La Planète des bidonvilles : Perspectives de l’explosion urbaine dans le Tiers monde », 1980

Les causes de cette croissance aujourd’hui

Comme vu précédemment, l’augmentation de la population des bidonvilles dans le monde est essentiellement due à l’exode rural massif qui ne diminue pas car les campagnes connaissent toujours une grande misère et une forte pression démographique. Les analogies des causes de cette croissance entre les pays Européens et les pays actuellement en voie de développement sont au premier abord nombreuses. Dans les pays en voie de développement la migration dans les villes se fait sans création significative d’emplois et la production primaire n’est pas suffisante pour le pays qui est obligé d’importer son alimentation. La population migrante éprouve donc d’énormes difficultés pour s’insérer économiquement et socialement dans la ville. Se rajoutent également les données démographiques urbaines. La fécondité est généralement bien plus grande dans les bidonvilles


que dans les centres urbains développés car la population y est souvent moins éduquée et issue d’une culture plus traditionnelle. A cela s’ajoute l’accès aux moyens contraceptifs quasi inexistants. Noël CANNAT décrit très bien ce phénomène, dans son livre9 : « C’est d’abord la misère rurale qui emplit les bidonvilles. Puis l’accroissement naturel prend le relais ». A la croissance démographique, se rajoute l’inefficacité des politiques du logement. Aucune n’est mise en place pour restaurer l’attrait des campagnes et pour améliorer la condition des agriculteurs. Par conséquent les milieux ruraux ne cessent de se vider. Ainsi beaucoup de bidonvilles qui étaient auparavant des poches de misère sont devenus des quartiers entiers, voire des « villes » entières d’habitats précaires. De plus, de nombreux nouveaux bidonvilles se sont créés à l’extérieur de la ville, parfois à plusieurs kilomètres, à des endroits où leur croissance n’est pas limitée. Dans les pays développés comme les pays européens, le phénomène resurgit au même moment que les bidonvilles explosent dans les pays dit du Sud. Plus ou moins connus, invisibilisés ou instrumentalisés, ils ont pour point commun d’être alimentés par les mêmes politiques qui sont censées les résorber. Ainsi que ce soit en Italie, en Espagne ou en France, le bidonville est une réalité et malgré le développement économique de la fin du siècle passé et l’importance des règles de non-discrimination au sein de l’Union européenne, le phénomène n’a pas été éliminé. Au contraire, on assiste à sa brutale résurgence. De plus, si le phénomène est réapparu après la seconde guerre mondiale à causse d’un flux migratoire important en provenance du Maghreb, la prise de conscience trop tardive et les stratégie politiques d’invisibilisation n’ont fait qu’emplir les petites résurgences pour en faire devenir des quartiers entiers. Aujourd’hui, et depuis une vingtaine d’années, c’est

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Le bidonville Dharavi à Bombay : 1 000 000 d’habitants Source : http-//www.le-cartographe.net/index.php/dossiers-carto/monde/67-bidonvilles


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une nouvelle vague migratoire qui arrive en Europe. Venus d’Irak, de Syrie, de Turquie ect, ces nouveaux migrants emplissent petit à petit ces nouveaux bidonvilles, fuyant la misère et la guerre dans leurs pays natal.

Favelas de São Paulo, Brésil Source : http-//quebecblogue.com/archives/2007/10/11/lesriches-et-les-pauvres/

9. « Sous les bidons, la ville..., de Manille à Mexico à travers les bidonvilles de l’espoir », Paris : L’Harmattan, 1988

Bidonville Parisiens, 2015 Source : http-//i.huffpost.com/gen/3957234/images/o-BIDONVILLE-PARIS-facebook


IV. Conclusion

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De ce rapide bilan des bidonvilles dans le monde, nous pouvons faire ressortir les points suivants :

Un risque de « bidonville global »

D’après le tableau ci-contre, en 2003, 29,8% de la population urbaine vit dans un bidonville. Avec une telle proportion, nous comprenons que nous ne sommes pas en face de problèmes marginaux mais bel et bien en face d’un phénomène de société mondial extrêmement préoccupant. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, ces chiffres, très globaux, réunissent un ensemble de bidonvilles extrêmement différents. Tous les bidonvilles n’ont pas la même situation, le même degré de misère. Par contre ils sont souvent à rehausser car il est difficile de recenser des populations clandestines et les gouvernements ont tendance à les minimiser, surtout dans les pays européens. C’est pour quoi je rejoins aujourd’hui la théorie du géographe américain Mike Davis concernant le risque de « bidonville global »10 et la nécessité de prise en compte, sérieuse et de mise en place de politique de résorption, urgente.

10. Dans son ouvrage «Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global», 2007, journaliste et activiste américain, il y aurait prolifération des bidonvilles, imputable au nouvel ordre mondial capitaliste néolibéral.

Une prise de conscience mondiale mais insuffisante

Cette prise de conscience à l’échelle mondiale s’est faite mais a été trop tardive et hétérogène. Dans les pays en voie de développement, elle est relativement récente. L’évolution rapide de la bidonvilisation a démontré que nous étions les spectateurs d’un phénomène de société planétaire et que les pays les plus touchés seraient incapables de résoudre seuls le problème. C’est pour quoi est créé, en 1965, le centre des Nations Unies pour l’établissement humain lors de la conférence de Vancouver de 1965. Peu opérationnel, à cause d’un manque de moyens, c’est cependant grâce à cette organisation que l’opinion mondiale a commencé à prendre conscience de la prolifération des bidonvilles. Depuis une quarantaine d’année, de nombreuses ONG11 des pays développés se sont aussi créées pour combattre la misère dans les bidonvilles. Elles ont mené beaucoup d’actions sur le terrain et ont permis de se rapprocher des

11. Une organisation non gouvernementale (ONG) est une association à but non lucratif, d’intérêt public, qui ne relève ni de l’État, ni d’institutions internationales.

1965 Conférence de Vancouver : création du Centre des Nations Unies pour Etablissement Humain

Engageme mondiale (1 s’investir da l’habi


populations et de mieux comprendre leurs besoins. Elles ont surtout stimulé la création d’ONG à l’intérieur des pays victimes de bidonvilisation.

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Cependant, malgré les efforts et les actions générés par les institutions internationales, les multiples ONG et les gouvernements, les moyens mis à la disposition du logement urbain restent très insuffisants pour relever le défi de l’habitat précaire. Cette remarque est valable pour les institutions internationales et surtout pour les gouvernements dont le pays se voit se bidonviliser.

Part de la population vivant dans des bidonvilles Source : Rapport ONU-Habitat, 2003

Un enjeu important en Europe

Alors que, dans les années 1970, on pensait que les habitations précaires dans nos pays d’Europe n’étaient qu’un phénomène passager, on ne peut qu’assister aujourd’hui à la cruelle réalité d’une situation qui ne cesse d’empirer. Les flux migratoire vers les pays européen ne cesse de croître, ce qui rempli petit à petit les plus gros bidonvilles d’Europe. Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, le phénomène n’est pas à négliger et c’est ce pour quoi j’ai choisis d’effectuer mon étude. Dans cette étude, nous porterons notre attention sur l’analyse de trois cas, trois façons de faire pour montrer les différentes solutions entre Europe et pays dit du « SUD ».

1972

ent de la banque 1ère organisation à ans la lutte contre itat précaire)

1976

1978

Conférence «Habitat I» sur Création du Programme des Nations l’habitat humain à Vancouver Unies pour les Établissements Humains (PNUEH)

1996 Conférence «Habitat II» à Istanbul

2001 Dernière conférence du PNUEH à Marrakech


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UNION EUROPÉENNE (U.E.) VS. PAYS DIT DU «SUD» I. Introduction Nous allons analyser ces trois cas bien particulier pour montrer la différence d’aborder la question de la résorption des bidonvilles, ainsi que la reconnaissance des villes à leurs égards. En effet, le premier cas illustre ce qui fut, autrefois, le plus grand bidonville d’Europe et qui fut l’objet de politiques adéquates pour en assurer sa résorption. Le second représente, aujourd’hui, le plus grand bidonville européen et fait l’objet de politiques toujours plus absurde concernant son devenir. Son état est critique et la situation semble hors de contrôle. Il est une question toujours d’actualité. Le troisième, quand à lui, se trouve en Amérique latine. Il diffère des deux premiers non seulement par sa taille mais également par les alliances qui furent créé entre habitants et gouvernements pour l’institutionnaliser et l’intégrer à la ville formelle. Ces trois modèle me semblent cohérents et montrent bien les différences concernant les politiques misent en place pour les résorber.


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II. «Le bidonville de la folie», Nanterre, France Nanterre comptait dix-sept bidonvilles. La Folie était le plus vaste d’entre eux : Il s’étendait sur 23 hectares, aux frontières du chantier de l’Epad où se construisait le quartier d’affaire de la Défense. Il comptait environ 14 000 personnes12, dont une majorité d’Algériens qui ont fui la guerre et les camps de regroupement, dits « zones interdites » d’Algérie. Les premiers baraquements apparurent en 1953. Le bidonville, quand à lui, fut démoli et remplacé par des barres de logements sociaux en 1972.

Genèse du bidonville

La France, depuis 1950 et pendant de nombreuses années, a favorisé la venue de nombreux habitants du Maghreb afin d’apporter une main d’œuvre bon marché pour les secteurs du bâtiment et de l’automobile. Ils venaient des anciennes colonies françaises. Sans logements où aller, dû au contexte de reconstruction d’après guerre, ils se sont installés à proximité de leurs lieux de travail pour se construire des abris. Ce flot de migrants venant s’ajouter à Photo du bidonville de Nanterre, Loïk Prat, 1966 Source : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/ une population en mal de logement, du fait de la destruction de certaines cités durant la seconde guerre mondiale et du niveau de pauvreté, n’a eu d’autre solution que de s’installer dans des baraquements en périphérie des grandes villes. Les bidonvilles 1950 1953 1960 représentent une solution de fortune, illégale mais tolérée. Des agglomérations de baraques, dans Contexte d’après guerre Premier Bidonvi baraquements à lesquelles les conditions de vie sont particulièrement : besoin de main d’œuvre pers.) : pour reconstruire le pays Nanterre difficiles, viennent ainsi s’ajouter aux quartiers auto(immigration importante)


construits de l’entre-deux-guerres.

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Le bidonville de Nanterre, à une demi-heure de Paris s’est développé dans un de ces quartiers occupés par des familles de chiffonniers parisiens. A l’emplacement actuel de la faculté de Nanterre, se trouvait le « bidonville de la Folie » sur un terrain vague de 23 hectares.

Photo aérienne, 1968 Source : Exposition préfécture Haut de Seine 12. «La vie à la Folie, bidonville des Algériens de Nanterre», article publié dans l’Obs par Aurélie Champagne 13. Habitante du bidonville de Nanterre dans une étude réalisé par l’AITEC : «Les bidonvilles de Nanterre : Difficile réhabilitation des logements précaires construits pour les immigrés maghrébins dans les années 50-70» 14. Monique Hervo, née en 1929, est une militante et écrivaine française. Avec une équipe du Service civil international, elle s’est installé au bidonville de la Folie, à Nanterre, en 1959.

Construction de l’Université de Nanterre

1964

1965

illes à son maximum (14000 : construction des cités de transit

1972 Dernier bidonville de Nanterre

Organisation du bidonville

« C’est un lieu sans hygiène, sans eau courante sauf quand il pleut, alors cela devient un bourbier. C’est aussi des descentes de polices régulières et brutales, des incendies, des rats et bien d’autres misères. » raconte une ancienne habitante13. La précarité du logement ainsi que le manque de service public le définissent en tant que bidonville. Les ramassages d’ordures étaient très rares et l’accès à l’eau difficile (une seule fontaine desservait l’ensemble du bidonville). Les baraquements construits avec des matériaux de récupération n’étaient pas équipés en électricité et n’offraient qu’une protection très mince contre la pluie, la boue, le froid...14

«Des milliers de tôles enchevêtrées se mêlent à des briques cassées : La Folie. Des moutons broutent l’herbe alentour. Gravats et vieilles ferrailles traînent aux abords de cette étrange cité, reliquats des déchets déversés ici par des entreprises : une décharge publique ! Je contourne le bidonville. Je n’ose y pénétrer. Je suis une intruse. Par une sorte de boyau, 1985 je me faufile à l’intérieur de cette agglomération en papier goudronné et cartons aplatis, bouts de bois Démolition de vermoulus et tôles rouillées. Situées derrière le palais la dernière cité de La Défense en construction luisant de blancheur, de transit les baraques s’agrippent les unes aux autres dans


un décor de débris de matériaux usés. Les chemins sont vides. Tout semble inerte.» Monique Hervo, La Folie, 1959 12. Insalubre et dangereux pour la santé, le bidonville marque négativement ses habitants. Sur la carte de séjour et de travail, les préfectures indiquent «absence de domiciliation», les autorités ne délivrent pas de certificat de domicile aux habitants des bidonvilles.

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Le bidonville s’étend sur un terrain vague de 23 hectares. En étudiant son plan global, je me suis aperçu que, loin d’être un lieu aléatoire où règne le chaos, c’est un espace spatialement et politiquement organisé, qui tente avec ses propres moyens de répondre à ses besoins et de reproduire une structure connue. Si l’on compare ce plan de bidonville principalement habité par des maghrébins, avec le plan d’une ville arabe ancienne, on note un certain nombre de similitudes : - Les équipements groupés à l’entrée. - La rue principale faisant un coude pour empêcher les perspectives directes. - Le groupe compact de maisons, qui ont en fait la même organisation intérieure autour d’une cour.

Plan du bidonville de Nanterre

Le tissu du bidonville apparaît donc comme une transposition des modèles propres à la culture des immigrants. Une autre caractéristique du bidonville de Nanterre concernait le développement d’une importante vie économique et sociale interne. Au fils des années, les baraques se structurent (plusieurs pièces), elles se revendent, des ruelles voient le jour, ainsi que des commerces. Le bidonville vivait en fait en quasi autarcie. Cette activité propre au bidonville permettait le développement d’une réelle solidarité entre ses habitants.

Ksar du Sud marocain


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Coiffeur maghrebin dans bidonville de Nanterre en 1965 Source : Gerald Bloncourt/Rue des Ar-

Exemple d’une baraque de Nanterre (relevé de 1966) A’ : entrée de la cour A : cour B : cuisine C : chambre des enfants les plus âgés D : chambre des parents et des jeunes enfants (E : zone de stockage du charbon Source : http://barnet.yann.free.fr/bidonvilles.htm


Planche extraite de ÂŤDemain, demainÂť de Laurent Maffre et Monique Hervo.

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Actions publiques

Il faudra attendre 1964 avec la construction de l’université et surtout 1965 pour que la mairie de Nanterre et le préfet de Paris décident d’entreprendre une action de surveillance et de contrôle du bidonville. En effet, l’existence du bidonville fut longtemps niée. Peu de rapports ou documents officiels, peu de données existent jusqu’alors sur la structure de ces îlots urbains et leur population : l’état, indifférent, a délaissé ces espaces sur lesquels il ne possède pas d’informations. Il éprouvera les pires difficultés pour reprendre en main la situation quelques années plus tard, conscient de l’importance de l’enjeu. La crise du logement en France amène le gouvernement à construire en masse des logements sociaux, construits en grande partie par la population active des bidonvilles. Ainsi, différentes lois sont misent en place : la loi du 14 décembre 1964, dite loi Debré, autorise les communes à exproprier les terrains sur lesquels ils sont installés, afin de les aménager pour construire des logements. Cette loi sera complétée par la loi du 12 juillet 1966 qui permet à l’état et à ses établissements publics de procéder, par procédure accélérée, à l’expropriation des bidonvilles pour y construire des logements sociaux et de l’habitat provisoire. Lorsque le 12 février 1970, le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas entreprend une visite de plusieurs heures dans le bidonville d’Aubervilliers, il constate « des conditions d’existence insupportables et pourtant elles sont supportées par ceux qui les subissent (...) ». Des cités de transit sont créées pour résorber en partie ces bidonvilles. Elles sont destinées théoriquement « aux seules familles présentant des difficultés d’insertion » et dont le séjour ne devait pas dépasser deux ans. Elles se sont multipliées dès 1967 au rythme de 3 000 logements par an. En cinq ans, les

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Cité de transit au pied des hlm de Nanterre Source : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/

Cité de transit au pied des hlm de Nanterre Source : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/


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bidonvilles ont quasiment disparus, mais les logements de transition auront la vie dure et certains ont perduré pendant de nombreuses années.

15. D’après l’étude réalisé par l’AITEC : «Les bidonvilles de Nanterre : Difficile réhabilitation des logements précaires construits pour les immigrés maghrébins dans les années 50-70»

Situation actuelle

Près de 40 années auront été nécessaires pour résorber totalement le bidonville de Nanterre et reloger l’ensemble des habitants. Aujourd’hui, le bidonville n’existe plus et a été remplacé par des logements sociaux. La plupart des habitants ont pu être relogés, après de nombreuses années passées en cités de transits, dans les logements sociaux reconstruits à la place du bidonville. Les personnes trop pauvres pour pouvoir s’assurer de payer la location de ces appartements se retrouvent contraintes de retourner vivre dans d’autres bidonvilles15. Ainsi, aujourd’hui encore, on remarque de nombreux phénomènes de résurgences de bidonvilles. Le constat est le même, simplement l’appellation change. On passe de « Bidonville » à « Camps ».

A gauche le bidonville de la folie, 1960, à droite celui de Bobigny 2014 Source : Pierre Douzenel, Nicolas Serve


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III. La «Cañada Real Galiana», Madrid, Espagne A la sortie Sud de Madrid, le long de l’autoroute M50, se trouve la Cañada Real Galiana : le plus grand bidonville d’Europe occidentale. Environ 40 000 personnes16 y vivent dans l’insalubrité. Il est invisible de la population madrilène, coincé entre 2 autoroutes et la décharge nationale.

Genèse du bidonville

La Cañada Real Galiana est, à son origine, un chemin de transhumance qui se trouve entre La Rioja et Ciudad Real. Né au sud de la Rioja elle traverse les provinces de Soria, Guadalajara, Madrid, Tolède et Ciudad Real. Au début du XXe, après la guerre civile de 1936, Madrid croît sous l’effet d’un exode rural massif sans que des plans d’urbanisme ne soient érigés pour éviter une ségrégation urbaine. Se met alors en place des politiques de résorption des quartiers insalubres ainsi que de rénovation du centre ville qui expulsent les plus démunis en périphérie. De nombreuses opérations de logements sociaux verront le jour (programmés par l’Institution des Relations Internationales et Stratégique17) en périphérie pour reloger les pauvres. Cependant, pour ceux n’ayant pas les moyens de louer ce type de logements, la seule alternative sera d’aller occuper des terrains illégaux pour survivre. C’est alors que naît la plupart des bidonvilles Madrilènes et notamment celui de la Cañada Real Galiana.

Vue aérienne de la Cañada Real Galiana Source : http://panoramio.com

16. Sera noté IRIS : association créée en 1991 reconnue d’utilité publique, travaillant sur les thématiques géopolitiques et stratégiques. 17. D’après le reportage France 24 de A. Percept, C. Perrouault


En 1960, sur la portion traversant Madrid, le bidonville de la Cañada Real Galiana voit le jour dans l’ignorance totale des Madrilènes. Ignorance dûment entretenue par les autorités jusqu’à la fin des années 2000. Par exemple, le bidonville ne figure dans aucun rapport officiel avant cette date. Cette invisibilité entretenue par les politiques à permis également de résorber une grande partie d’autres bidonvilles de la capitale. En effet, l’éradication des bidonvilles proches du centre ville et visibles par la population à entraîné une migration dans ce bidonville « caché ». La Cañada s’est donc développé à une allure fulgurante entre les années 1980 et les années 2000 suite aux nombreuses expulsions d’autres quartiers informels. Sa population se verra multiplié par 20 en 30 ans pour passer de 2000 habitants en 1980 à 40000 en 2015.

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Aujourd’hui, le bidonville de la Cañada Real Galiana est toujours présent et ne cesse de croître. Même si les municipalité et gouvernement on pris conscience du phénomène, les politiques d’éradication sur d’autres sites continuent et cela n’arrange pas le problème. Le taux de criminalité et d’activité illégale augmente ainsi que la discrimination et l’insécurité au sein même du bidonville.

Coslada

Secteur 1

Madrid

Secteur 2 20

Organisation du bidonville

Secteur 3

Km

Secteur 4

Secteur 5 Rivas Secteur 6

Vue aérienne de la Cañada Real Galiana Source : réalisation personnelle

Au début des années 1960, un modèle de ville linéaire faite de construction illégale commence à s’édifier le long de cette voie au niveau de la section traversant Madrid. Le bidonville s’est développé illégalement autour d’un chemin en terre de 30m de large qui s’étend sur 17 ,4 Km de long. Il traverse aujourd’hui 3 communes : Madrid, Coslada et RivasVaciamadrid.


Situé à 20 kilomètres de distance du centre ville de Madrid. Il est séparé du front d’urbanisation par un no man’s land de plusieurs centaines de mètres et par le périphérique extérieur de la ville. Le tronçon est divisé en six secteurs allant du Nord au Sud. Ils correspondent aux variations sociologiques, géographiques et architecturales du bidonville.

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Surnommé le «bidonville de la honte », âgé de 40 ans, la Cañada est totalement dépourvu de tous les services publics : aucune desserte publique ainsi qu’aucun équipement n’est présent (électricité, eau, route pavée, évacuation des eaux). Les terrains sont occupés illégalement et la précarité du logement y est très grande. Ce bidonville est également tristement célèbre pour sa proximité avec la plus grande décharge d’ordures de la capitale et par sa situation de principale plaque tournante de la drogue de Madrid. De plus, les habitants de la Cañada, après 30 ans de négligence politique, doivent faire face à un nouveaux problème : l’expulsion. Concernent sa morphologie, le bidonville s’étend le long d’une voie de 30m. A première vue j’ai de suite pensé au modèle théorique de la cité linéaire de Soria y Mata18. Ensuite, malgré la grande précarité du bidonville, on peut également voir une grande diversité dans les typologies d’habitat ainsi que dans les situations sociales suivant les « secteurs » du bidonville. On retrouve aussi bien des maisons en dur que des abris. Les maisons les plus anciennes et les plus consolidées se situent dans les secteurs 1 et 2 où la route est goudronnée. On y trouve également des hôtels, des commerces et des ateliers relié légalement au service des eaux de la communes de Coslada qui

Cañada Real Galiana, Madrid, 2008. Source : Photo by PKMN

Projet de ville linéaire de Arturo Soria Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cité_linéaire

18. Ruban d’urbanisation de la campagne rattaché à la ville, de longueur indéfinie qui se développe le long d’une rue modèle, d’une grande avenue.


institutionnaliser les secteurs se trouvant dans leur commune. Puis, plus on descend vers le sud (secteurs 4 : commune de Rivas jusqu’au 6 : commune de Getafe), moins les maisons sont consolidées et moins les parcelles sont occupées, ceci est dû aux évacuations à répétition menées par la mairie de ces communes. On passe de maisons à des baraquements, d’une route à un chemin sans asphalte, et les connections aux réseaux d’eau et d’électricité sont illégales.

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Vue aérienne du secteur 2 Source : Google Earth

Vue aérienne du secteur 6 Source : Google Earth

19. Empresa Municipal de la Vivienda y Suelo de Madrid (EMVS) est une société ouevrant dans le développement de la politique de logement de la ville de Madrid.

Une grande diversité est également présente au sein de la population. Elle très jeune (moyenne d’âge de 25 ans), et les profils socio-culturels des habitants sont fortement cloisonnés par secteur. Dans les secteurs 1, 2 et 3 vivent des « espagnols sans ethnie » selon les mots des sociologues auteurs du rapport EMVS19, de rares familles gitanes dans le secteur 3. Ensuite, si dans le secteur 5 de Rivas, on retrouve principalement des populations marocaines arrivées dans les années 1990. Le secteur 6 lui, est majoritairement peuplé de familles dites gitanes, ou roms issues de migrations d’Europe de l’Est dans les années 1990. L’extrême complexité du phénomène a été mobilisée comme prétexte pour ne pas le considérer comme un problème public mais comme plusieurs problèmes déconnectés : de cette diversité en résulte une absence de problématisation homogène.


Actions publiques

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De nombreux rapport seront érigés par l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) concernant le recensement et le devenir des bidonvilles Madrilène. Cependant les rapports sont très sélectifs et ne montrent que les bidonvilles proche du centre ville de Madrid. Même si beaucoup de familles ont été relogées durant cette période, un grand nombre se retrouve contraintes d’aller se réfugier dans la Cañada Real. En n’apparaissant dans aucun rapport, le problème des bidonvilles semblait se résoudre. La Cañada Real Galiana est donc devenu un bidonville ou l’IRIS, les autorités locales et les polices municipales et nationales n’ont cessé d’y déporter les familles des autres bidonvilles. Les compétences liées à des actions de résorption sur un tel bidonville sont, en l’état, fragmentées entre plusieurs acteurs qui n’ont pas souhaité collaborer n’ont cessé de se renvoyer les responsabilités de l’action. Le voile d’ignorance a été entretenu sur la Cañada Real Galiana jusqu’aux années 2010.

Situation actuelles

La Cañada Real Galiana constitue la frontière Est et Sud entre la ville de Madrid, celle de RivasVaciamadrid et celle de Coslada. Actuellement, les trois municipalités concernées ont convenu sur la réalisation d’un recensement précis du nombre d’habitants du bidonville et des caractéristiques de chaque maison pour décider de la solution à prendre. Les municipalités ont exprimé leurs intentions à cet égard 20:

1936

1955 Période Franquiste

1965

Plan d’assainissement par le commissariat 550 000 logements général d’aménagement urbain de Madrid : construits en raser toutes constructions illégales périphéries


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Commune de Coslada Légaliser toute la section incluse dans leur municipalité (3 kilomètre avec 2700 parcelles) et fournir les services disponibles à d’autres secteurs de la municipalité. En raison de la construction dans le quartier de Jarama21 et sa connexion avec le reste de la ville, quelques maisons doivent être démolies pour construire une route transversale. Actuellement, la section dispose d’un éclairage de rue et des rues pavées. Commune de Madrid Bien que l’intention initiale du conseil était de détruire les habitations pour convertir la zone comme un espace vert, la municipalité à soulevé la possibilité de légaliser certains terrains à condition qu’ils puissent être intégrés dans l’espace urbain, qu’ils ne génèrent pas de problèmes de criminalité ou d’insalubrité n’entravent pas le développement urbain prévu. Aujourd’hui cependant, les autorités veulent éradiquer ce bidonville. Cela amène de violents affrontements entre les habitants du bidonville et les forces de l’ordre. Le jugement à été décidé et le bidonville devrait être complètement détruit peu importe les conséquences22. La plupart des familles ne seront surement pas relogées et devrait se retrouver contraintes à vivre dans un autre bidonville. Commune de Rivas-Vaciamadrid Démolir toutes habitations et reloger ses habitants pour convertir la Canada en espace vert.

20. Thomas Aguilera, « De la construction politique de l’ignorance à l’inaction publique. Comment le plus grand bidonville de Madrid a été caché pour nier un agenda », 2015 21. Quartier de Coslada se trouvant de l’autre coté de la Cañada Real Galiana

1990 : Programme d’éradications des bidonvilles proche du centre ville

22. D’après le reportage réaliser par France 24 sur la Cañada Real Galiana

1977 Plan d’absorption par le ministère du logement : 30 000 logements pour la population des bidonvilles

1979 +39 000 logements pour les habitants de bidonvilles

1984

1994 Nombreux recensements

1998

2007

Création de l’IRIS

Expulsion à répétition


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IV. «Villa El Salvador», Lima, Pérou Villa El Salvador, au Pérou, est un bidonville de 350 000 habitants en banlieue sud de Lima, aujourd’hui devenue une ville dans laquelle, la mobilisation sociale des résidents, l’économie solidaire et le développement local ont constitué des éléments déterminants dans la lutte contre la pauvreté. Un schéma unique d’autogestion urbaine.

Genèse du bidonville

Comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, le Pérou a connu une forte migration des populations des campagnes vers les villes dans les années 60. Lima, la capitale du pays, passe de 500 000 habitants dans les années 40 à plus de 800 000 dans les années 90. Ce mouvement migratoire à inversé l’équilibre entre la capitale et le reste du pays ainsi que le pourcentage de population vivant en ville (72 %) entraînant un développement énorme et rapide des bidonvilles péruviens nommés barriadas. Cette forte migration a provoqué la rareté de logements et les prises illégales de terrains par des familles, chassées de la capitale par manque de revenus où venues en ville pour trouver du travail. Ainsi, le 1er mai 1971, 20 000 familles de sanslogis occupent illégalement des terres vacantes à Pamplona23, le long de la route Panaméricaine Sud, qui appartenaient à des propriétaires privés. Devant l’ampleur du phénomène, la capitale péruvienne décide de donner aux migrants, des terrains vagues dans une zone désertique située dans

Vue aérienne de Villa El Salvador, 2014 Source : Photo de Evelyn Merino-Reyna

23. Désert en périphérie de la ville de Lima

1971

1973

1979

Premiers baraquements

Première convention qui portera le nom de CUAVES

Installation de l’eau et d’un réseau d’égouts


la banlieue sud de la ville avec la promesse qu’ils deviendraient propriétaires. En effet, en arrivant au pouvoir en 1968, le gouvernement du général Velasco promet de solutionner le problème en planifiant de créer une ville pour les plus pauvres, une ville modèle qui serait indépendante et différente de Lima. De même, pour que les gens ne soient pas obligés de se rendre quotidiennement à Lima pour travailler, le gouvernement planifie une réserve de terrains pour développer un parc industriel et, en marge de la zone résidentielle, une réserve destinée à l’agriculture et l’élevage. 1971 verra la création de Villa El Salvador.

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Premiers baraquements dans le désert de Pamplona , 1971 Source : Photo de Evelyn Merino-Reyna

CUAVES, 1980 Source : http://www.amigosdevilla.it/paseando/04.html

1982

1984

1986

Après cette annonce, ce seront des milliers de familles venant de la campagne, de bidonvilles et de taudis de Lima qui, sans autorisation, viendront s’y établir, espérant obtenir des terres. Pour cela sera créé en juillet 1973, un organe central de direction auto-géré : Communauté urbaine autogérée de Villa El Salvador (CUAVES), pour superviser le développement de la communauté et représenter le gouvernement et les autres organismes non gouvernementaux. L’aide de l’État s’arrêtera ici, les nouveaux habitants doivent auto-construire leurs habitations, et s’autoorganiser ensuite pour tenter de construire les services publics de base nécessaires à leur survie : approvisionnement en eau, électricité, égouts, transports publics vers la capitale, etc. Les décisions vont être prise collectivement et chaque habitant aura droit à la parole, ayant pour rêve que chaque famille

1987

1989

Inauguration La municipalité reconnait la Création d’une zone industrielle La ville comte Prix «cité messagère de la paix» des routes CUAVES, et signe un accord avec la participation des décernée par l’Unesco et prix « Principe 300.000 goudronnées A avec Villa El Salvador Nations-Unies habitants de Asturias » attribué par l’Espagne


ait accès à une parcelle de terre sur laquelle elle pourrait construire sa maison. Ils commencent également, sans compétences professionnelles reconnues, à dessiner des plans d’urbanisme et à organiser la ville : « Environ 16 pâtés de maisons forment un groupe résidentiel. Au centre de chaque groupe, on trouve une place publique ou se trouvent les services communs comme des infrastructures sportives, une maison commune... »

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En quelques semaines, La villa El Salvador accueille de 200 à 10 000 habitants. Lors de l’occupation initiale, les trois premiers secteurs de Villa El Salvador ont été urbanisés selon le schéma modulaire. Le groupe résidentiel comprend en moyenne 384 familles, soit entre 2000 et 2500 personnes. Entre mai 1971 et janvier 1972, l’occupation a été massive, 17 300 modules ayant été tracés, puis occupés par 70 000 personnes. Entre 1972 et 1973, se sont ajoutés 3000 modules, puis 4 300 supplémentaires jusqu’à 1981. C’est l’organisation populaire qui a constitué l’acteur central de l’urbanisation.18 À partir de 1981, se sont constituées des associations de type coopératif qui ont occupé des terrains situés au nord. Dans ce cas, 750 modules urbains, plus grands que le module type (entre 200 et 240 mètres carrés) ont été dessinés selon un tracé différent du schéma modulaire. Ce type d’urbanisation prend fin en 1989.

Schéma d’un groupe résidentiel Source: http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/

Organisation du bidonville

La ville compte actuellement un peu plus de 350 000 habitants. Elle se compose de rues larges, bordées par des arbres, et de maisons basses. Malgré la vision qu’elle offre au public, Villa El Salvador est une ville à part entière, mais demeure jusqu’ici encore un bidonville. Elle n’est toutefois pas un bidonville classique car chacun est propriétaire de sa maison. Ce sont les conditions de vie qui lui font ressembler à un bidonville. Le manque de services publics ainsi que la pauvreté, la qualité de construction des abris en font un. On est dans un cas d’urbanisation participative qui est un bidonville même si le statut foncier est légal. D’après l’article de Louis Favreau et Lucie Fréchette25, Villa el Salvador peut se définir en trois principales caractéristiques.

25. Louis Favreau et Lucie Fréchette, « Développement local et économie populaire en Amérique Latine : l’expérience de Villa el Salvador », Série Rapport de Recherche no. 1, mai 2012


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Premiers plan d’urbanisme du barriada Source: http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/

Plan Cerdà Source: http://es.wikipedia.org/ 26. plan de réforme, d’aménagement et d’extension urbaine de la ville de Barcelone proposé en 1860 par Ildefons Cerdà

En premier lieu, Villa el Salvador illustre bien ce que peut être l’aménagement de l’espace urbain à l’échelle d’une région : une population de 350 000 habitants organisée autour de 120 places communautaires par groupes résidentiels et représentée par une assemblée générale. Deuxièmement, Villa el Salvador a fait la démonstration de la possibilité de mettre en place un processus participatif inscrit dans le cadre d’une collectivité publique possédant les attributs politiques de la modernité : le suffrage universel, l’élection d’un maire et de conseillers, le développement d’un service public municipal, la cogestion d’un parc industriel, etc. Troisièmement, Villa el Salvador a su mettre intégralement en œuvre un principe essentiel de développement local : «Aide-toi et l’État t’aidera». Ce principe forme le point principal de l’organisation sociale de Villa el Salvador. C’est en additionnant et en combinant tous ces éléments que les habitants de Villa el Salvador ont pu jusqu’à maintenant influencer le processus de décision de la municipalité mais aussi, et peut-être surtout, mettre en œuvre la construction d’écoles, de marchés, de centres de santé, de réseaux de microentreprises, pour permettre d’institutionnaliser le bidonville. On peut également remarquer, en analysant les plans d’urbanismes réalisés par les habitants, que, sans compétences, ils se rapproche d’un modèle urbanistique qui a été pris pour exemple pendant de nombreuses décennies : La grille utilisées pour le cas de l’extension de Barcelone par Cerdà26. C’est un plan hippodamien avec une structure quadrangulaire, régulière et ouverte. De la même manière, on retrouve un damier continu de blocs carrés avec une cour commune au centre, doté de rues.


Action publique

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Villa El Salvador, contrairement aux deux premiers exemples, ne se voit pas appliquer de politiques de résorption ou destruction. En effet, grâce aux aides gouvernementales et surtout à l’auto-gestion des habitants, le bidonville est dans un processus d’institutionnalisation . Ainsi, en 1983, après plusieurs phases de grève et revendications de la part des habitants, Villa El Salvador à réussi à surmonter la précarité et accède au statut de municipalité. Ainsi, Villa El Salvador regarde en avant et fait même des plans pour l’avenir. Elle reste le symbole d’une réussite urbaine-sociale, l’icône d’expériences exemplaires de la solidarité populaire, de l’auto-gestion, de la participation citoyenne et de l’économie solidaire qui seront récompensé par diverses distinctions, parmi lesquelles le titre de «Cité messagère de la Paix» décerné par l’UNESCO en 1987 ou le Prix «Príncipe de Asturias»27 attribué par l’Espagne la même année, ou bien encore la visite de très nombreux chefs d’état du monde entier, et du pape Jean-Paul II en 1985. Villa El Salvador est très probablement aujourd’hui le bidonville le plus connu du Pérou, une véritable vitrine de l’aide humanitaire ; qui offre à l’État et la municipalité, l’opportunité de prouver sa soi-disant volonté de combattre efficacement la pauvreté urbaine. Photo du bariada Villa El Salvador Source: http://www.alamy.com/

27. Le prix Princesse des Asturies (Prix Prince des Asturies) est le plus prestigieux prix espagnol, délivré par la Fondation Princesa-de-Asturias et récompensant des travaux d’envergure internationale dans huit catégories : arts, sports, sciences sociales, communication et humanités, concorde, coopération internationale, recherche scientifique et technique et lettres.


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En 2011, le laboratoire anglais de recherche en architecture EtruxesArchitecture réalise une modélisation de la ville sectorisée. Nous pouvons voir la gestion des différents secteurs (industriel, résidentiel, agricole...) de la part des habitants.

Zone résidentielle

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Zonne industrielle


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Zone de plages


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Zone agricole


IV. Synthèse comparative De l’étude de ces trois cas, on peut relever de nombreuses similarités malgrè leur taille et leur contexte de naissance, mais également de nombreuses différences. Concernant leurs apparitions, les bidonvilles étudiés sont tous les trois le fruit d’un exode massif et d’un manque de prise en charge des populations qui n’ont eu le choix que d’aller se réfugier dans des quartiers informels déjà existant (Cañada Real) où bien d’aller occuper des terrains vagues (Villa el Salvador et Nanterre). Cependant, ce que nous montre cette étude comparative relève de la façon dont le bidonville est accepté par le gouvernement mais également des politiques mises en places pour le résorber. En effet, on voit bien que, malgré les politiques mises en places dans les années 1980, les habitants du bidonville de Nanterre n’ont pas été tous relogés et certains sont aller se réfugier dans d’autres bidonvilles. Ces solutions ont été mises en place par les politiques en voulant régler le problème sans prendre en compte la volonté ou le besoin des populations. Quelque part nous pouvons dire que cela à fonctionné, vu que le bidonville n’existe plus, seulement, ce que nous ne voyons pas c’est que ce genre de politique n’entraîne, à long terme, que la résurgence d’autres bidonvilles. C’est d’ailleurs de cette manière que la Cañada Real s’est progressivement remplie pour devenir le plus grand bidonville d’Europe. Ici aussi, le refus du bidonville par les municipalités et les différentes politiques d’expulsions et destructions n’ont fait qu’aggraver le problème. Aujourd’hui, le bidonville se retrouve menacé de destruction pour différents projets sans se soucier du devenir de ses habitants. Alors que contrairement à ce que l’on pourrait penser, un bidonville de 300 000 habitants, dans un pays sous développé, à réussi à surmonter la précarité et à accéder au titre de municipalité. Bien sur, ce qui à rendu possible ce passage dans la formalité, est majoritairement due à la compétences d’autogestion des habitants, mais n’aurait pas été possible sans une reconnaissance et une aide initiale des autorités. On remarque donc que, dans ce processus, la reconnaissance de l’occupation foncière constitue une condition centrale. Néanmoin, la régularisation et l’octroi de droit de propriété ne sont pas toujours dispensés d’effets pervers. De ce fait, on note par exemple, dans la Cañada Real, l’apparition de nouvelles divisions et exclusions entre les secteurs ayant été légalisés et ceux toujours dans l’illégalité.

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Nombre d’habitants

Aide initiale des autorités

Services publics

État actuel

La folie (1953-1985)

14 000

aucune

aucun

rasé

Cañada Real (1960-2016)

40 000

aucune

aucun

identique : bidonville

Villa el Salvador (1971-2016)

300 000

Don de terres

aucun

institutionnalisé


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3

L’EUROPE : UNE POLITIQUE DE L’ABSURDE

Un retour fulgurant

Dans tous les pays d’Europe à la fin des années 1970, on imaginait que les bidonvilles allaient disparaître. On pensait que la mise en œuvre de politiques publiques comme le relogement des populations dans de nouvelles cités et la démolition des lieux d’habitation insalubres, précaires et illégaux, permettrait de dissiper le phénomène de bidonvilisation. Malheureusement, si ces politiques ont réduit le phénomène des bidonvilles, elles n’ont pas réussi à l’éradiquer. En France, en mars 2015, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans-abris ou mal logées (DIHAL) recense 19 676 personnes vivant dans 582 « campements illicites » (le terme de bidonville étant soigneusement évité). Les deux tiers n’auraient aucun accès à un point d’eau et les trois quarts fonctionneraient sans alimentation en électricité. En Espagne la situation n’est pas très différente. L’estimation des «sin techo», c’est-à-dire des sans-abri, varie selon les sources entre 25 000 et 40 000 personnes, mais le chiffre exact des habitants reste inconnu. Le recensement de 2011 en Italie révèle qu’en dix ans, le nombre des habitants se déclarant vivre dans des roulottes, des baraques, sous tente ou dans des conditions similaires, av@ triplé, passant de 23 000 à 71 000 personnes. On assiste donc à la brutale résurgence du phénomène et les chiffres ne sont pas près de baisser. 28

28. D’après la campagne «25 ans de politiques coûteuses et inutiles d’expulsions des bidonvilles»

En effet, en Europe, comme partout dans le monde, les bidonvilles sont le produit de migrations internes ou externes. Depuis dix à quinze ans, les bidonvilles se développent de nouveau en regroupant les milliers de migrants ou de réfugiés arrivés dans les pays européens dans l’espoir d’y trouver un improbable eldorado, véhiculé par les images des télévisions européennes,


mais également pour fuir leur pays en guerre. Ainsi, ce sont des centaines de milliers de réfugiés quittant les champs de bataille d’Irak et de Syrie qui risque de nourrir de nouveaux bidonvilles européens, tels ceux de Calais. Malheureusement, comme nous avons pu le voir, les bidonvilles continuent de faire l’objet d’une politique d’invisibilisation qui ne fait qu’aggraver le problème.

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« Qui ne sait pas dissim

Ignorer pour ne pas agir : une politique de négligence

Le bidonville est un objet très visible dans la politique locale, il pointe les problèmes du marché immobilier et des politiques du logement dans les villes européennes. Or les gouvernements locaux et nationaux jouent souvent la carte de l’ignorance pour dépolitiser des enjeux sur lesquels ils préfèrent ne pas investir. Comme on le remarque dans les cas étudiés précédemment, les données quantitative concernant les bidonvilles ne sont souvent pas disponibles. En France, si les médias puis les services du ministère de l’Intérieur ont fourni des recensements exhaustifs dans les années 1960, un voile d’ignorance a ensuite couvert la réalité des bidonvilles. Le premier recensement relativement exhaustif à l’échelle nationale a été produit en 2012. Le cas madrilène fait ici aussi figure d’exception. Les administrations commanditent des recensements exhaustifs auprès d’experts ou de leurs propres agents et disposent d’un suivi des évolutions. Pour autant, ces données, reportées dans des rapports annuels, ne sont pas toujours exploitées mais plutôt cachées pour en faire un outil de commandement dans la gouvernance territoriale. Ainsi l’Iris a caché l’existence de la Cañada Real, qui ne figure pas dans les rapports officiels avant 2014, tout en suivant au plus près son évolution. De ce fait, dans le contexte européen, les bidonvilles actuels sont bien le produit des politiques publiques mises en oeuvre au cours du XXe et du début du XXIe siècle, et non le seul résultat «d’invasion migratoire». Dans les années soixante, une politique ambitieuse de résorption des bidonvilles, comme à Nanterre, a pu être menée face à une situation de plus grande ampleur. Pourquoi ne serait-ce plus possible aujourd’hui ?

29. Gabriel Naudé, «Considérations sur les coups d’État», Chapitre 2, reprenant l’idée utilisée par Tibère, Louis XI et Machiavel.


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muler ne sait régner »29

Un indicateur révélateur du problème de mal logement

Le mal logement touche aujourd’hui en France 3,8 millions de personnes30 et la « résurgence des bidonvilles » en est l’une des dimensions. Comme nous avons pu le voir dans les précédentes études de cas, les politiques appliquées pour la résorption des bidonvilles et le relogement des personnes en situation de précarité contribue à produire des situations d’illégalité. En effet, les pouvoirs publics, depuis 25 ans, pratiquent une politique systématique d’expulsion des habitants des bidonvilles. Ces dernières années, cette pratique s’est intensifiée et les habitants vivent au rythme des expulsions (tous les 3 à 4 mois en moyenne). La question du bidonville n’est en réalité qu’un détournement d’un problème de mal-logement. Ainsi, même si les conditions de logements, en général, continuent de s’améliorer, la précarité sous des formes non conventionnelles (squats, habitats atypiques, bidonvilles, campements...) progresse assurément. Diversement tolérés, selon les lieux, les périodes de l’année, et l’ampleur des rassemblements, ces formes d’habitats sont souvent évacués par les forces de polices sans que des solutions durables ne soient trouvées. Il s’agit cependant, en termes de logement, d’un ensemble de situations de précarité qu’une politique d’ensemble contre le mal-logement peut réellement prendre en charge.

30. D’après le rapport du mal logement 2016 de la fondation l’abbé Pierre


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CONCLUSION Les différentes études et analyses menées dans le cadre de ce travail montrent donc que les bidonvilles ne sont pas de simples idées produites par les discours. Des gens y vivent dans des conditions d’une extrême dureté, sous le coup de maladies, du froid ou des expulsions. Si nous soulignons que les bidonvilles sont des produits politiques, c’est pour que les décideurs cessent de les considérer comme des problèmes à résoudre, mais bien comme la résultante de politiques de moyens et longs termes. Sans quoi, ces politiques continueront d’être les pompiers d’un feu qu’elles ont elles-mêmes allumé et qu’elles attisent en permanence. Comparer les deux situations (bidonvilles des pays en voie de développement et en Europe) à ici, tout son intérêt. Ceci permet de mesurer le décalage abyssal entre deux situations. Nous avons vu que, dans les pays dit du «sud», les politiques sont plutôt des politiques de consolidations du bidonville, pour les intégrer à la ville formelle. Ainsi, si leur augmentation fut fulgurante dans les années 1980, la tendance aujourd’hui semble se stabiliser, et nous voyons apparaître des nouvelles formes de gouvernement participatif. Cependant, en Europe, les politiques ferment les yeux et de nombreux cas de bidonvilles font leur apparition aux alentours des grandes villes. On ne retrouve que les pôles associatifs intervenant pour consolider les bidonvilles et recréer des liens avec la ville. Le problème est que ce ne sont que des solutions temporaires. Ainsi, les habitants de bidonvilles retournent vivre dans d’autres bidonvilles, une fois expulsés. De ce fait, depuis 25 ans, le phénomène resurgit, et ne fait que croître sous l’effet de politiques inutiles. 25 ans, c’est une « génération sacrifiée » comme le définit la fondation Abbé Pierre31. Combien en faudra-t-il encore ? Quand verrons nous une véritable politique à nouveau engager pour combattre cette précarité dans le respect des personnes en Europe ?

31. Campagne «25 ans de politiques coûteuses et inutiles d’expulsions des bidonvilles»

Malgré la vision apocalyptique de Mike Davis concernant un «phénomène global», on peut tout de même conclure par une note relativement optimiste. Les villes sont, même avec leurs bidonvilles, les moteurs de la croissance.


Celles-ci, permettent aux pauvres de voir leurs conditions de vies s’améliorer et le bidonville est souvent un sas vers une vie urbaine un peu plus agréable. Maintenant, le défis est tel que le bidonville doit rester un sas et non un gouffre. Pour cela, il faudrait que les architectes et urbanistes vedettes s’intéressent moins aux tours gigantesques et au marquage des esprits, mais à la prise en compte des difficultés du plus grand nombre des habitants de la planète. Que les nombreuses politiques d’éradications, de stratégie d’invisibiliser, de déménagement forcé, d’expulsions pour la réalisation de grands chantiers ou pour la rénovation de centres anciens cessent, et que la tendance passe désormais du coté de la législation et l’amélioration des zones d’habitats informel et spontané avec assainissement, viabilisation, et consolidation progressive comme dans le cas de Villa El Salvador. Que le logement social redevienne une priorité nationale, comme à l’époque du bidonville de Nanterre.

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES : - CANNAT Noël, Sous les bidons, la ville..., de Manille à Mexico à travers les bidonvilles de l’espoir, Paris : L’Harmattan, 1988 - FATHY Hassan, Construire avec le peuple, Edition Sindbad Année - PAQUOT Thierry, Le monde des villes – Panorama urbain de la planète, Edition complexe, 1996 - Mike Davis, « Planet of slums », « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global », Jacques MAILHOS (Traduction), 2007Edition ?

ARTICLES : - Raynald Belay, « L’informe d’une ville : Lima et ses représentations », Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) | « Raisons politiques », 2004/3 no 15 | pages 69 à 84 - Valérie Clerc, « Du formel à l’informel dans la fabrication des villes », Espaces et Société n°143, 2010, p.63-79 - Jean-Claude BOLAY, « Le bidonville ou le mal-développement urbain », revue Urbanisme n°351, 2006, p.74-80 - Burgos-Vigna Diana, « L’évolution de l’action collective à Villa el Salvador (Lima) : de la communauté autogérée au budget participatif. », Mondes en développement 4/2003 (no 124), p. 113-130 - Souty Jérôme, « Un monde de bidonvilles ?. », Sciences humaines 5/2007 (N°182) , p. 9-9 - Aguilera Thomas, Vitale Tommaso, « Bidonvilles en Europe, la politique de l’absurde. », Revue Projet 5/2015 (N° 348) , p. 68-75 - Louis Favreau et Lucie Fréchette, « Développement local et économie populaire en Amérique Latine : l’expérience de Villa el Salvador », Série Rapport de Recherche no. 1, mai 2012 - Thomas Aguilera, « De la construction politique de l’ignorance à l’inaction


publique. Comment le plus grand bidonville de Madrid a été caché pour nier un agenda », Sciences Po Paris – Centre d’études européennes ATER à l’IEP de Toulouse – Associé au Lassp, 2015 - Rapport 2016 sur l’état du mal-logement en France, Fondation l’Abbé Pierre

MÉMOIRES : - « La Mission Adoma dans la politique de résorption des bidonvilles : processus socio-spatiaux du relogement en diffus des populations issues des bidonvilles de l’agglomération marseillaise à l’œuvre depuis juillet 2014 » Jassim Bouredoucen, Séminaire « vivre ensemble », 2015/2016 - Yann BARNET, «Bindonvilles et architectes», mémoire de fin de deuxième cycle, Ecole d’Architecture de Strasbourg, 2003

DONNÉES INTERNET : - « Bidonvilles et architectes », Mémoire de fin de deuxième cycle, fait à l’Ecole d’Architecture de Strasbourg par Yann Barnet, 2003 - Rush Elisabeth, « Spéculation immobilière pour les pauvres de Lima. », Le Monde diplomatique 8/2013 (N° 713), p. 19-19 - http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/ -http://bidonville-nanterre.arte.tv

FILMS DOCUMENTAIRES : - Jean-Nicolas Orhon, « Bidonvilles : architecture de la ville future », 2013, 82’, DCP, Films Camera Oscura - Reportage Envoyé spécial, « Le bidonville de Madrid, le plus grand d’Europe », 2013, France 2

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