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Sommet UE-UA Et maintenant ?

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Interview

Meriem Berrada

Le poids

croissant de Moscou en Afrique

Énergie

Une solution à la crise européenne ?

Sommet UE-UA Et maintenant ?

Juste avant le conflit en Ukraine, le sommet de Bruxelles, mi-février, s’est conclu sur une déclaration d’intention : un plan de 150 milliards d’euros déployés sur sept ans pour une nouvelle « stratégie globale d’investissement », soit la moitié du volume du Global Gateway, riposte européenne aux nouvelles routes de la soie chinoises. Reste à savoir comment ces grandes ambitions se concrétiseront… par Cédric Gouverneur

Reporté de près de deux ans pour cause de pandémie, le sixième sommet entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) se sera finalement tenu les 17 et 18 février à Bruxelles (Belgique), dans un climat faussement serein. Derrière les sourires de circonstance, les Européens étaient obnubilés par l’imminence de la guerre en Ukraine : président en exercice de l’UE, Emmanuel Macron venait juste de rencontrer Vladimir Poutine, pour un ultime sursaut diplomatique. L’ancien banquier français l’ignorait encore, mais l’ex-espion russe le menait en bateau et manigançait déjà son invasion, déclenchée le 24 au matin… Du côté des délégués africains, on s’inquiétait du raidissement de la junte malienne (qui met à la porte les militaires français de l’opération Barkhane…), tout comme de la contagion putschiste au Burkina Faso voisin.

L’Union européenne a pris acte de deux décennies de « Chinafrique », qui s’est traduit par l’inversion des courbes d’investissement – selon The Economist, 31 % des projets en Afrique sont chinois et 12 % européens, contre 12 % et 37 % en 2013 ! Le « Vieux Continent » a aussi pris acte de l’influence grandissante de la Russie (au Mali, au Burkina, en République centrafricaine…), mais également de la Turquie (en Libye) ou même des Émirats arabes unis (en Éthiopie) : face

XXXXXXXXXX DURSUN AYDEMIR/POOL/HANS LUCAS De gauche à droite, l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Sénégalais et président en exercice de l’Union africaine Macky Sall et le président du Conseil européen Charles Michel, le 18 février dernier, à Bruxelles.

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à ces contre-modèles autoritaires, à leur diplomatie musclée et à leurs carnets de chèques insensibles aux droits humains comme à l’environnement, l’Europe des anciennes puissances coloniales (France, Belgique, Portugal…) s’érige en citadelle de la démocratie. Dans la déclaration finale, les 70 délégués africains et européens ont insisté sur leur volonté de « consolider un partenariat renouvelé pour la solidarité, la sécurité, la paix et le développement économique », un « programme de prospérité respectueux des citoyens et de la planète ».

Lors de la conférence de presse commune tenue à Bruxelles, le Sénégalais Macky Sall (président en exercice de l’Union africaine), l’Allemande Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne), le Belge Charles Michel (président du Conseil européen) et le Français Emmanuel Macron (président en exercice de l’Union européenne) ont parlé de leur « vision conjointe pour 2030 », de la nécessité de « refonder la relation », d’un « changement de logiciel », ainsi que d’un inévitable « changement de paradigme »…

L’Union européenne s’est engagée à fournir au moins 450 millions de doses de vaccins contre le Covid-19.

L’Union européenne promet 150 milliards d’euros en sept ans – la moitié du Global Gateway, ce plan d’aide au développement qui se veut une alternative aux nouvelles routes de la soie chinoises. Objectifs : accélérer la transition écologique et numérique du continent, forger une croissance durable et enfin créatrice d’emplois, rénover les systèmes de santé, et booster l’éducation et la formation. Il y a urgence : l’Afrique est confrontée à une crise structurelle, amplifiée par la pandémie. Et la dépendance aux exportations de matières premières ainsi que l’omniprésence du made in China sur les étals nuisent moins à la croissance (macroéconomique…) qu’à la création d’emplois et à l’émergence de la classe moyenne, dans un contexte d’explosion démographique et de crise climatique hypothéquant l’avenir de la jeunesse africaine et sa relation avec sa nantie – et vieillissante – voisine du Nord. Nul doute que

les dirigeants européens avaient aussi en tête la question migratoire et son poids électoral croissant : au second tour de l’élection présidentielle d’avril, Emmanuel Macron risque fort de se retrouver – comme il y a cinq ans – face à un candidat ou à une candidate d’extrême droite… L’Europe a ainsi élaboré 10 paquets thématiques d’investissement, avec l’objectif « d’aider des projets voulus et portés par les Africains », dans les infrastructures, le numérique et la croissance verte – Bruxelles veut par exemple dynamiser la fameuse Grande muraille verte sahélienne. Sur le papier, « cette enveloppe, si elle est effectivement mobilisée, constitue une avancée considérable et un pont entre nos continents », a résumé Macky Sall. Tout est dans le « si » ! D’autant que le 5 février, à Addis-Abeba, le président du Sénégal avait chiffré les besoins non pas à 150 milliards d’euros, mais à au moins 221 milliards d’ici 2025… « Ce n’est pas l’Europe qui investira », relativisait Thierry Pairault, chercheur au CNRS, sur le site de TV5 Monde le 20 février. « Il s’agit en réalité d’un plan de financement et non d’un plan d’investissement. » En substance, Bruxelles entend Objectif : réorienter des programmes accélérer la transition déjà existants au vu de nouvelles priorités, faire appel aux marchés écologique financiers, travailler avec et numérique la Banque africaine de du continent. développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI), et même stimuler l’investissement privé avec de mystérieux « instruments financiers innovants », peut-on lire sur le site du Conseil européen. Rien de vraiment concret… L’Union européenne s’est également engagée à fournir

au moins 450 millions de doses de vaccins contre le Covid-19 : un beau chiffre, mais insuffisant, puisque cela représente juste de quoi vacciner 150 millions d’adultes (les Européens en sont déjà à leur troisième dose…). D’autant que si le Vieux Continent réitère sa détermination à voir fabriquer les vaccins en Afrique, elle refuse d’en céder les brevets…

Autre enjeu majeur : les droits de tirages spéciaux (DTS), ces actifs émis par le Fonds monétaire international (FMI) afin d’amortir le choc pandémique l’an dernier. Là encore, rien de neuf, l’UE se contentant d’appeler à des « contributions volontaires et ambitieuses » de ses 27 États membres, dont les économies sont malmenées par la crise sanitaire…

Surtout, l’idée d’un accord global, de continent à continent, entre la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et l’UE, est prudemment reportée : « Nous œuvrerons progressivement à l’intégration graduelle et mutuellement avantageuse de nos marchés continentaux respectifs », écrit le communiqué final, dans une magistrale langue de bois ! L’Union européenne persiste à vanter les accords de partenariat économique (APE) pays par pays : ceux-ci auraient ainsi « contribué à renforcer et approfondir les échanges et le développement économique ». Une assertion très discutable : par exemple, les APE signés par l’UE avec les États du littoral ouest-africain au début des années 2010 ont permis aux navires-usines européens, contre une modeste redevance, de vider sans vergogne les eaux africaines, ruinant les pêcheurs artisanaux et les acculant à la misère… et parfois à l’exode. Une situation concrète bien éloignée de « l’égalité entre partenaires » affichée par le Conseil européen. ■

3 QUESTIONS À… Ali Issa

Administrateur général de Senegal Supply Base (SSB)

①Vous êtes à la tête de Senegal Supply Base, la future base d’approvisionnement logistique pour les activités pétrolières et gazières au Sénégal. Quel est l’enjeu du projet ? Dans le cadre de la stratégie nationale d’appui aux développements de projets pétroliers offshore, le Port autonome de Dakar (PAD) a accordé une concession à SSB afin de développer et d’exploiter un terminal de support logistique aux activités pétrolières et gazières offshore. Pour rappel, le président Macky Sall avait invité les groupements de privés nationaux soumissionnaires à mutualiser leurs énergies pour travailler ensemble. Cela s’est fait à travers la création du Consortium sénégalais d’investissement (COSENI), qui regroupe 22 entreprises à capitaux nationaux et répond aux objectifs du contenu local. SSB est la filiale en charge de l’exploitation de la base d’approvisionnement logistique. Elle a réussi à établir une base de classe mondiale, qui a commencé ses activités en juin 2021. Nous offrons une variété de services à nos clients.

②Parlez-nous de ce concept de « local content ». L’exploration et l’exploitation des ressources pétrolières et gazières offrent un large éventail d’activités génératrices de revenus à la portée du secteur privé national. En tant qu’acteur du contenu local, notre rôle est de promouvoir le secteur d’activité afin, à terme, de participer à la prospérité économique du pays. Notre plus grand défi est également de développer les connaissances locales et de maintenir un haut niveau de conformité pour l’avenir.

« L’entreprise a réussi à établir une base de classe mondiale, qui a commencé ses activités en juin 2021. »

③SSB, c’est un projet chiffré à 17 millions de dollars. Le secteur privé sénégalais est-il seul à le financer ? Le consortium d’entreprises sénégalaises a réalisé un investissement en fonds propres pour financier entièrement le terminal. ■

Propos recueillis par Emmanuelle Pontié

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