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De l'utilité des cercles mixtes
DE L'UTILITÉ DES CERCLES MIXTES La gendarmerie doit disposer d’un corps de soutien af in de mener les missions militaires qui lui sont conf iées et garantir la continuité de l’action sur le terrain et l’autonomie. Si nos politiques, le Sénat notamment, s’intéressent au sujet c’est qu’il y a des travaux en cours qui examinent la viabilité économique de ce modèle. Mais avant d’aller plus en avant dans le propos, il importe de rappeler que les 116 cercles, appelés « mixtes » non pas parce qu’ils ont plusieurs activités mais parce que l’ensemble des statuts de la gendarmerie peuvent s’y rencontrer, participent à la chaîne de soutien des unités opérationnelles et donc à la continuité de l’action des gendarmes, en temps de paix comme en temps de crise. Et au-delà des mots il y a les faits et la réussite d’une mission intègre les aspects logistiques/restauration des personnels engagés pour le maintien en condition des troupes sur le terrain, de jour comme de nuit, et parfois en situation dégradée. Les traques des Cévennes (fuite du suspect d’un double meurtre) et du Lardin SaintLazare (arrestation d’un forcené armé) qui ont engagé plus de 300 gendarmes sur plusieurs jours en mai 2021, sont la parfaite illustration de la nécessité d’avoir un soutien opérationnel de qualité. Celui des armées est une caractéristique capitale et les cercles mixtes font partie de cette chaîne qui assure, dans l’ombre, la continuité de l’action et la réussite des missions. De façon générale, les cercles mixtes de la gendarmerie (CMG) contribuent à la restauration, l’hôtellerie, la vente d’effets divers et de boissons au bar. Ils prouvent chaque jour leur rôle économique, notamment parce qu’ils concourent aux manifestations sociales et sont un vecteur de cohésion des unités. Mais ces établissements sont impactés par des restrictions budgétaires et il convient de se questionner sur les modalités de leur fonctionnement, au moins au titre de la culture générale. Doit-on garder un système intégré de restauration au quotidien, dans le cadre d’opérations ponctuelles ? Doit-on passer des contrats avec des prestataires privés et intégrer en réflexion les contraintes de disponibilités ou en cas de crises sociales ? Faut-il réfléchir à une action mutualisée et avec quelles institutions partenaires ? L’Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale a disséqué les monographies et les bilans comptables et comptes de résultat. Les principales conclusions sont les suivantes. Globalement la situation f inancière actuelle des cercles mixtes est à l’équilibre et l’organisation semble adaptée. Une structure saine, des ressources continues, une clientèle attachée aux prestations et une qualité de service, font l’unanimité. L’adaptabilité fut démontrée lors de la crise sanitaire de la Covid-19. Cependant, une approche plus f ine relativise cet optimisme. Les cercles mixtes ont une mission sociale et n’ont pas de but lucratif. Ils n’ont pas vocation à réaliser des pertes tout en générant du bénéf ice. Et ce n’est pas le cas partout car une partie est en grande diff iculté ou tout juste à l’équilibre à l’instar des cercles mixtes de la gendarmerie mobile (CMGM) qui selon leur position géographique défavorable ne permettent pas d’assurer une activité constante sur une année. Pour s’en sortir il faut adopter une “business attitude” en améliorant la gestion des stocks, en recherchant des produits à forte marge, plus précisément pour le bar ou le comptoir des ventes, renégocier les prix avec les fournisseurs, alléger les f rais généraux et optimiser le management. On peut s’améliorer par des actions liées à la réduction des gaz à effets de serre, au recrutement de personnes en situation de handicap ou en vantant la diminution du gaspillage. Ce type de logique existe déjà dans quelques établissements avec de bonnes pratiques liées aux économies d’énergie et d’eau par exemple. L’allègement des charges soutenues par les cercles pratiquée par les Armées est une autre solution. Celles-ci soutiennent le remplacement des gros matériels de restauration, l’acquisition des véhicules, le paiement des énergies et des fluides (eau, gaz et électricité) ou encore les contrats de nettoyage des locaux.
Focus sur les lignes comptables.
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Le chiff re d’affaires moyen par activité est majoritairement représenté par la restauration (75 %) , le bar (13 %), l’hôtellerie (7 %), le comptoir des ventes (4 %). Si l’activité principale des cercles est la restauration collective et qu’elle génère la majeure partie du chiff re d’affaires, c’est l’hôtellerie qui dégage le plus d’excédent. Car elle ne supporte pas de charge immobilière, les inf rastructures étant mises à disposition par l’État. Le bar et le comptoir des ventes participent à la santé comptable mais la restauration qui produit le gros du chiff re d'affaires ne génère que 2 % de résultat. Lié à la diff iculté, commune à tout le secteur de la restauration collective, publique ou privée, elle génère des bénéf ices sur des repas vendus à des prix attractifs en supportant des charges importantes en termes de stockage des denrées et de f rais de personnel.
Cet écosystème des cercles mixtes est f ragile et hétérogène. Certains établissements disposent de bases solides, les écoles les cercles mixtes territoriaux, alors que d’autres comme ceux de la mobile, sont en grande diff iculté.
Malgré l’évidence d’un soutien intégré, l’idée d’une externalisation est un sujet qui réapparaît régulièrement influencé par l’exemple d’autres structures publiques ou privées comme les restaurants d’entreprises et même les cantines scolaires. C’est une tendance de fond qu’on ne peut dissocier du recentrage sur le cœur de métier et de l’expertise du prestataire. Celui-ci apporte un savoir-faire uniforme, des prix bas et une qualité due à la privatisation et au jeu de la concurrence. En revanche, les prix proposés pour les prestations non standardisées augmenteront assurément, la sécurité sera au cœur du dispositif et il y aura une perte de savoir-faire interne qui empêchera tout retour en arrière, par la suppression de la compétence « resto-co et cuisinier ».
Cette externalisation devra répondre à des critères opérationnels pour assurer la primauté de la mission, ce qui se traduirait par des surcoûts annulant les économies sur les prestations types. Et puis faire du business c’est éviter les cercles déf icitaires peu susceptibles d’intéresser des opérateurs privés et dont l’aspect social est diff icile à appréhender hors de l’institution. Finalement, le risque est de développer une situation comme celle de la SNCF, avec des lignes rentables comme Paris-Lyon-Marseille et supportant les lignes déf icitaires de proximité ou du f ret. On assistera alors à une désertif ication alimentaire. La mutualisation serait une autre solution. Elle aurait pour but de créer un cercle « mère » avec un ou deux cercles « f illes », comme pour les communautés de brigade. Un premier cercle mutualisé a vu le jour au sein de la Garde républicaine. Il a été décidé de mutualiser les cercles parisiens af in d’améliorer les fonctions supports en termes de comptabilité, d’achats, etc.
La réussite de la mutualisation du CMGR est en partie due à la conduite du changement. L’humain est l’élément essentiel de cette réforme et le principal écueil. Une mutualisation produit des besoins de locaux, de mobiliers et de matériels supplémentaires. La situation des cercles mixtes avant la crise épidémique de la Covid-19 était à l’équilibre. Qu’en sera-t-il après cette évolution ? Nul n’est pour le moment capable de le dire.
La question de la restauration en gendarmerie ne doit pas être taboue. Elle doit faire l’objet d’une réflexion d’ensemble. Il existe des sources d’amélioration pour conserver un outil de soutien opérationnel des unités. L’enjeu f inal est indissociable de la continuité d’un service de qualité !
Source Gie 2021/2022 -