La sebkha Sijoumi : Un renouveau ?

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ÉDITION SPÉCIALE JUIN 2020

L’ESA

L’ESA

ÉDITION SPÉCIALE

SEBKHA SIJOUMI : UN RENOUVEAU ?

«Entre revalorisation et redynamisation»

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L’ESA

Édition Spéciale 254 Boulevard Raspail, 75014

RÉDACTION ET RÉALISATION FOURATI Aïcha MRAD Dina

VERSION NUMÉRIQUE ONT COLLABORÉ A CE NUMÉRO Membres du jury Mme Chris Younès, Directrice de diplôme, philosophe, Fondatrice du Gerphau / Docteure et HDR en Philosophie et enseignante à l’ESA M. Lionel Lemire, Président de Soutenance, architecte et enseignant d’architecture permanent à l’ESA, chargé d’un cours magistral et d’ateliers du master STU de Sciences Po, enseignant Vacataire au Centre Michel Serres heSam université Mme Aziza Fourati, Experte, architecte partenaire chez Architecture-Studio à Paris Mme Nabila Lakhoua, Professeur extérieure, architecte et professeur d’architecture à L’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis M. Khaled Khaled, ancien DESA, architecte, fondateur ZAM Architecture Paris - Archimed Tunis Mme Fanny Tassel, Candide architecte-plasticienne et enseignante d’art à l’ESA Professeurs à l’École Spéciale d’Architecture M. Serge Barto, directeur artistique, conception graphique et enseignant à l’ESA M. Bertrand Renaud, enseignant de philosophie à l’ESA Mme Duccia Farnetani, ingénieure architecte associé chez AR-C à Paris et enseignante à l’ESA Intervenants externes M. Grégory Azar, architecte partenaire chez Architecture-Studio à Paris et professeur d’architecture à l’École Nationale d’Architecture de Versailles à Paris M. Adel Azzabi, président de l’association des «Habitants d’El Mourouj 2» à Tunis M. Philippe Clergeau, expert en écologie urbaine et professeur au Muséum national d’histoire naturelle à Paris Mme Claudia Feltrup-Azafzaf, fondatrice de l’Association «Les Amis des Oiseaux» à Tunis Mme NadiaGouider, ingénieure au sein du Ministère de l’Équipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire à Tunis M. Frédéric Jiguet, ornithologue et biologiste de la conservation et professeur au Muséum national d’histoire naturelle à Paris Mme Imen Labidi, chargée de projet au sein de l’association «Réseau Enfants De La Terre» à Tunis L’ESA – Juin 2020 La reproduction, même partielle, des articles publiés dans L’ESA – Éditions spéciale est interdite.

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à l’élaboration de notre recherche-projet. Merci aux membres de notre jury, qui ont commenté, corrigé et poussé notre conception architecturale avec bienveillance et discernement. Merci, à nos professeurs pour leur dévouement et leur patience dans l’élaboration du projet de diplôme. Merci aux intervenants externes pour nous avoir accordé de leurs temps et pour leurs précieux conseils. Et enfin nous tenons à ajouter que le travail en binôme nous a beaucoup enrichis et nous a permis de travailler dans la bonne humeur et la sérénité.

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ÉDITO

LES ZONES HUMIDES DE TUNIS

Entre revalorisation et redynamisation d’une zone humide urbaine

C’est à Tunis, capitale Tunisienne, où commence cette histoire. Tunis, ville dont les zones humides se trouvent en plein cœur urbain. Tunis, principale terre d’accueil pour les oiseaux migrateurs en méditerranée. Des oiseaux d’eau hivernant, estivant ou migrant dans les sebkhas1 et la lagune de la capitale trouvent leur confort dans le milieu urbain. A l’ère de l’anthropocène, là où réchauffement climatique et déclin d’espèces vivantes ne cessent d’augmenter, nous nous intéressons à la conservation des zones humides dans la capitale Tunisienne. Nous sommes sensibles à la relation qu’entretient l’Homme avec son environnement et la relation ville-nature. C’est ainsi que se créent les chemins directeurs de notre pensée. Dans l’imaginaire tunisien, le plan d’eau d’une superficie de 20 000 hectares a constitué un espace repoussant, déprécié, dégageant des odeurs insupportables. Tunis a toujours rejeté ses zones humides. Cependant, les deux sebkhas et la lagune, sont des milieux naturels ayant un écosystème très riche. Leur spécificité réside dans leur proximité au milieu urbain. Le bouillonnement de la ville n’a pas éloigné les oiseaux qui y résident et ils y ont trouvé des lieux propices à leur développement. Tunis est une ville qui ne cesse de se transformer à cause de la croissance urbaine. Cette dernière se fait au détriment de certains espaces naturels. Des propositions de projet mettent en péril ces milieux naturels. En effet, la population tunisienne n’est pas consciente des bienfaits d’un tel écosystème en ville et de l’importance de sa conservation à l’échelle planétaire. L’architecture possède un pouvoir social. L’architecture permet une prise de conscience. L’intention est de revaloriser ces espaces naturels. Sensibiliser les citoyens, en leur offrant une nouvelle destination, une évasion au cœur de la ville.

Le terme sebkha désigne en Afrique du Nord, une dépression inondable et salée. La sebkha est tour à tour une nappe d’eau sans profondeur changeante, selon la saison et la pluviosité. 1

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C’est en effet en novembre 2019 qu’a commencé cette histoire. Il s’agissait du Tome 1 du projet de sauvegarde de la sebkha Sijoumi dans le Grand Tunis. Cette partie d’analyse nous a permis de comprendre le site et ses enjeux. La place des zones humides du Bassin Méditerranéen, Tunis et son plan d’eau et enfin l’importance qu’occupe la sebkha Sijoumi, ce potentiel naturel inexploité au cœur de Tunis. Cet écosystème habité au Sud-Ouest du Grand Tunis sera alors au centre de notre réflexion. Ses oiseaux mais aussi son chaos. Sa beauté mais aussi sa saleté. Sa richesse mais aussi sa faiblesse. Son intérêt mais aussi son rejet. C’est de ces paradoxes que va naître ce projet. Cette nouvelle édition numérique de juin 2020 va vous permettre de continuer votre lecture là où le projet s’était achevé en novembre 2019. C’est en février 2020 que cette histoire reprend... Cette fois, sous une autre tournure. On s’intéresse alors à la dimension sociale de ce lieu. Les témoignages sur place nous ont permis d’envisager de façon pragmatique le projet et lui donner un aspect réel. Celui-ci se concrétise et nous permet de confirmer les intentions urbaines et architecturales évoquées dès le Tome 1. C’est un projet qui se construira avec l’aide des habitants des quartiers. En effet, pour rappel l’objectif premier est de réconcilier les habitants avec leur milieu et la sebkha avec la ville. L’architecture participative et «frugale»2 sera au centre de notre réflexion tout au long de ce tome.

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Cela désigne une architecture réalisée avec peu de moyens.

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Photographie personnelle - Les oiseaux d’eau dans leur milieu naturel de la sebkha Sijoumi et la skyline de Tunis au loin - FÊvrier 2020

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«Un développement sain ne peut se faire dans une nature en panne. Ce n’est qu’en conciliant activités humaines et patrimoine naturel que les zones humides pourront être préservées.» Luc Hoffmann

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INTRODUCTION

Tunis est un point majeur de la migration des oiseaux au sein du bassin méditerranéen. Ils s’installent et viennent se nourrir dans les plans d’eau de la ville. Le Lac de Tunis, la sebkha Sijoumi et la sebkha Ariana. En arpentant les berges de chaque sebkha et du Lac, nous nous sommes rendues compte de l’handicap que représentaient les 20 000 hectares de plans d’eau de la ville. En effet, Tunis s’est construite en leur tournant le dos. Ainsi, nous sommes allées les visiter, en redoutant la possibilité que les oiseaux d’eau ne soient pas là. A notre plus grand désespoir, nous n’en avons vu aucun au Lac de Tunis, aujourd’hui artificialisé. Mais ce fut un désespoir rapidement rattrapé par les milliards d’oiseaux présents au niveau de la sebkha Ariana et de Sijoumi. Cependant, le paysage qu’offrait la sebkha Sijoumi était le plus impressionnant, mais le plus paradoxal également. A une vingtaine de minutes de la médina, au cœur de Tunis, une nature sauvage se livrait à nous. Un milieu naturel ouvert, laissé à l’abandon, directement accessible depuis la route construite sur ces berges. Rapidement, nous sommes passées de l’agitation de la ville au calme de la nature. Des flamants présents par milliers, la tête plongée dans l’eau, des oiseaux s’envolant d’un point à l’autre, des coquillages et des plantes. Pourquoi ce lieu magique n’était donc pas révélé ? Complètement délaissée, la sebkha Sijoumi est considérée comme un repoussoir. Par faute de moyens, des habitats anarchiques sont venus s’y installer. Aujourd’hui, ces habitants luttent pour survivre et étouffent ce milieu naturel. Ce sont des quartiers marginalisés, où l’art se développe pour tenter d’oublier la difficulté du quotidien. Dans ce contexte difficile, la nature et l’homme peinent à cohabiter. L’environnement actuel révèle la dépréciation de cette zone humide de la part des habitants. Pneus, capots de voitures, canettes, chaussures et bouteilles en plastique. Que faisaient ces déchets dans un lieu si merveilleux ? Celui-ci bénéficie d’un potentiel, qui est aujourd’hui inexploité et il est nécessaire de changer le regard des habitants à l’égard de la sebkha. Sensibles à la beauté de cette zone humide, à l’importance internationale qu’elle représente mais aussi aux habitants qui souffrent à ses côtés, nous avons pensé à développer un projet qui permet de concilier l’épanouissement artistique et culturel de l’Homme avec la préservation de la nature en ville. Il s’agit de préserver et de redynamiser cette zone humide en faisant de ce lieu un centre d’intérêt pour les quartiers périphériques mais aussi pour la capitale. Nous nous sommes donc demandées en quoi une intervention paysagère et architecturale amène t-elle à la préservation d’une zone humide urbaine ?

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SOMMAIRE

1.

4. ÉDITO 9. INTRODUCTION

UNE INTERVENTION ENVIRONNEMENTALE, URBAINE ET SOCIALE 15. UN ENJEU

ENVIRONNEMENTAL Un projet radical de sauvegarde Un parcours au cœur de la sebkha Quand la nature reprend ses droits

25. UN INTÉRÊT URBAIN

Une zone rejetée du Grand Tunis Un renouvellement urbain Hay Hlel et Sidi Hassine : les lieux d’intérêt

35. LA DIMENSION SOCIALE

La population cible Une jeunesse qui souffre Témoignage à Hay Hlel et Sidi Hassine L’éducation comme réponse architecturale

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2.

3.

L’HABITANT AU CŒUR DU PROJET

UN PROJET SYNERGIQUE

53. UNE ARCHITECTURE

77. LES INTENTIONS

PARTICIPATIVE L’intérêt de l’architecture inclusive La construction comme acte social et éducatif L’aspect collaboratif dans le projet

ARCHITECTURALES Les trois lignes directrices du projet

81. LE PARCOURS PAYSAGER

Lier le tissu urbain à la sebkha L’incursion du parcours, au cœur du projet Une nouvelle ligne d’horizon sur les berges

65. DES RESSOURCES LOCALES Une frugalité matérielle Allier dépollution et construction L’emploi du kanoun, un savoir-faire local Le Pin d’Alep, un bois régional

91. LES TOURS D’OBSERVATIONS Les maquettes d’études Deux tours complémentaires Le squelette, l’organisation spatiale et l’enveloppe Les kanouns comme élément de façade Les gabions comme élément de façade Des façades réalisées par les habitants

105. LES PLACES

Vers l’eau et le ciel Une symbiose entre la tour et la place La matérialité de la place

114. CONCLUSION 116. BIBLIOGRAPHIE 117. WEBOGRAPHIE 11


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1.

UNE INTERVENTION ENVIRONNEMENTALE, URBAINE ET SOCIALE 15. UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL Un projet radical de sauvegarde Un parcours au cœur de la sebkha Quand la nature reprend ses droits

25. UN INTÉRÊT URBAIN

Une zone rejetée du Grand Tunis Un renouvellement urbain Hay Hlel et Sidi Hassine : les lieux d’intérêt

35. LA DIMENSION SOCIALE

La population cible Une jeunesse qui souffre Témoignage à Hay Hlel et Sidi Hassine L’éducation comme réponse architecturale

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UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL

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UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL

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Photographie personnelle - Vue sur la sebkha Sijoumi et le quartier de Sidi Hassine, depuis la forĂŞt de Henchir Yahoudia - Octobre 2019

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UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL

UN PROJET RADICAL DE SAUVEGARDE

L’objectif est avant tout de mener à la conservation de ce milieu naturel. De nos jours, la nature en ville tend à disparaître en raison de l’urbanisation des sols. La nature sauvage nous est essentielle en ville. Elle offre des écosystèmes riches, représente notre source d’alimentation et permet de réduire notre pollution. D’un point de vue général, la nature est importante tant pour l’Homme que pour la planète. MÉDINA

Si cette biodiversité venait à disparaitre, l’Homme aussi disparaîtrait. «La présence de l’oiseau signifie que la chaîne alimentaire va bien». affirme Frédéric Jiguet, ornithologue.

FORÊT

ZONE DE NIDIFICATION

L’oiseau apparait alors comme un messager du lieu. En effet, il s’agit d’intervenir tout en conservant le milieu naturel à son état sauvage afin de ne pas y nuire.

FORÊT OBSERVATOIRE ORNITHOLOGIQUE

ZONE DE NIDIFICATION

La relation ville-nature nous intéresse. Elle est au centre de nos pensées. Ce sont les différences sonores, paysagères, matérielles qui nous interpellent. Ce contraste fort entre la nature et la ville résolument urbanisée apparait aujourd’hui telle une barrière. Le but est de réconcilier la sebkha avec la ville. L’objectif est de réussir à dialoguer avec la nature.

PARC

ZONE DE NIDIFICATION

ÉLÉMENTS REMARQUABLES PARCOURS POINT DE DÉPART

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Notre première intention se tourne alors vers l’idée de créer une nouvelle peau qui enveloppe la zone humide afin de la protéger, éviter l’amplification des nuisances auxquelles elle est exposée. Réduire son accessibilité incontrôlée et par conséquent le rejet de déchets liquides et solides. Créant ainsi une transition entre la ville et la nature, cette intervention prend la forme d’une promenade sur les berges de la sebkha. Ce parcours s’intègre aux éléments remarquables existants : les forêts d’Acacias et d’Eucalyptus, le parc urbain Mourouj, les terres agricoles et l’observatoire ornithologique mis en place par l’Association «Les Amis des Oiseaux». Le parcours se dessine grâce à ces points attracteurs. Ci dessous, quatre propositions de parcours qui envelopperaient la sebkha en suivant les points remarquables du site. La proposition choisie est celle qui englobe la totalité de la sebkha. Il est essentiel d’envelopper son ensemble car elle doit être entièrement protégée.

MÉDINA

FORÊT

FORÊT

FORÊT

ZONE DE NIDIFICATION

ZONE DE NIDIFICATION

ZONE DE NIDIFICATION

FORÊT

FORÊT

FORÊT

OBSERVATOIRE ORNITHOLOGIQUE

ZONE DE NIDIFICATION

MÉDINA

MÉDINA

OBSERVATOIRE ORNITHOLOGIQUE

OBSERVATOIRE ORNITHOLOGIQUE

PARC

PARC

ZONE DE NIDIFICATION

ZONE DE NIDIFICATION

PARC

ZONE AGRICOLE ZONE DE NIDIFICATION

ZONE DE NIDIFICATION

ZONE DE NIDIFICATION

ÉLÉMENTS REMARQUABLES PARCOURS

ÉLÉMENTS REMARQUABLES PARCOURS

ÉLÉMENTS REMARQUABLES PARCOURS

POINT DE DÉPART

POINT DE DÉPART

POINT DE DÉPART

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UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL

UN PARCOURS AU CŒUR DE LA SEBKHA

La zone humide doit devenir un lieu d’intérêt, tel est l’objectif. Des programmes viendront s’y greffer, à certains moment du parcours. Ainsi, ils permettront d’amener la population locale à s’y intéresser et à prendre compte de la richesse qui se trouve sous leurs yeux. La redécouvrir, la comprendre, pour arriver à la conserver. Révéler un lieu insolite.

L’intention étant de réconcilier la ville avec la sebkha afin de conserver ce lieu d’importance internationale. L’intérêt est de réussir à s’inscrire dans le paysage subtilement en s’ouvrant vers l’eau. Il s’agit d’utiliser cette nature afin de produire des espaces architecturaux et paysagers, tout en la respectant. Le projet se veut tel une immersion dans la nature à seulement quelques minutes de la capitale. La terre, le ciel, l’eau, les oiseaux caractérisent le paysage et nous laissent s’évader. La forêt, l’eau, la zone agricole rendent le parcours riche en observation et en sensations.

Notre projet se décompose en trois verbes : Revaloriser afin de sensibiliser pour enfin préserver. Celui ci possède une temporalité. Premièrement, il est nécessaire de dépolluer le milieu naturel. L’élimination de la pollution des eaux de ruissellement est réalisée par divers processus physiques (sédimentation), physico-chimique (absorption-précipitation) et biologiques (utilisation par les plantes aquatiques et microflore). Le raccordement des quartiers non assainis aux réseaux d’assainissement et l’application de la réglementation en vigueur pour les rejets des eaux usées en provenance des établissements industriels est déjà prévu pour dépolluer la zone humide. Son assainissement permettra aux oiseaux d’eau de vivre dans un environnement sain et favorisera l’augmentation de la biodiversité.

En effet, la stratégie d’implantation globale crée une boucle sur l’ensemble de la sebkha. Cependant, aujourd’hui les deux zones que nous avons étudiées sont le quartier de Sidi Hassine et Hay Hlel. (Carte 1). Dans le futur, éventuellement, nous proposons des ateliers de formation agricole, la réhabilitation du parc El Mourouj et une bibliothèque face au quartier de Mourouj. Ce sont des interventions qui ponctuent le parcours et qui répondent aux besoins des habitants, sans dénaturer le lieu.

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LA KASBAH LA MÉDINA

E P TOUR D’OBSERVATION

FORÊT

ATELIERS PÉDAGOGIQUES ET PLACE

ATELIERS PÉDAGOGIQUES ET PLACE

P E

MUSÉE DES MARTYRS

TOUR D’OBSERVATION OBSERVATOIRE FORÊT

ZONE DE NIDIFICATION

PARCS P E RÉHABILITATION PARCS BIBILIOTHÈQUE ATELIERS DE FORMATION AGRICOLE

ZONE AGRICOLE

E P

ZONE DE NIDIFICATION

STRATÉGIE D’IMPLANTATION ÉCHELLE 1/20 000 Éléments remarquables Route existante Présence d’oiseaux (Flamants roses) Lieu d’intéraction sociale Parcours Entrée Parking Point de vue

Document 1 - La stratégie d’implantation sur la globalité de la sebkha

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UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL

QUAND LA NATURE REPREND SES DROITS

L’agression humaine aux écosystèmes finit par mettre en péril des vies humaines. L’apparition de ces virus, comme le coronavirus responsable du Covid-19, n’est rien d’autre que le résultat de l’anéantissement des écosystèmes. L’émergence de ces maladies découle de la manipulation et du trafic de la faune et de la flore, souvent menacées d’extinction. La destruction des écosystèmes par l’humain favorise l’émergence d’épidémies.

“Nous devons arrêter de penser que nous, les êtres humains, sommes un élément indépendant du système. Car nous en déduisons, à tort, que nous pouvons transformer, détruire et modifier l’environnement à notre convenance. Tout changement que nous imposons à la planète aura une répercussion sur notre santé.” Nous sommes tous dans le même bateau. Notre destinée est commune, avec ou sans masque. Carlos Zambrana-Torrelio

Ce ne sont pas les moustiques, souris, chauves-souris ou encore pangolins qui sont à la base de ce problème. Ce désastre vient de ce que nous faisons subir à nos écosystèmes, il est lié au fait que nous les regroupons et les manipulons dans des milieux artificiels. Telle est la véritable recette du coronavirus, qui sera certainement à l’origine d’une récession mondiale. Autrement dit, mutiler les écosystèmes coûte cher. La nature se vengerait-elle de nous ?

Cette situation nous a appris qu’il n’était plus possible de nier les catastrophes écologiques auxquelles nous sommes exposées aujourd’hui. Cette crise nous a appris à voir les choses différemment. En quelques mois nous avons changé notre manière de vivre et cela a permit à de nombreux écosystèmes de revivre, tel que les poissons dans les canaux de Venise ou encore les dauphins dans les ports de Cagliari...

La sauvegarde des écosystèmes ne relève pas seulement du prêchi-prêcha écologique, elle concerne notre survie. Si la Terre est malade, alors nous le sommes aussi.

En étant solidaires, nous sommes alors capable de bien plus pour sauver notre planète. Il est alors important de ne pas reprendre là où l’on s’est arrêté et de penser à l’après.

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Photographie personnelle - Les oiseaux d’eaux dans leur milieu naturel, la sebkha Sijoumi - Février 2020

En effet, la préservation de la sebkha Sijoumi est plus que d’actualité aujourd’hui, en 2020. Cette crise sanitaire a vu le jour à cause des destructions des écosystèmes de notre planète. Laissons les habitats naturels des animaux sauvages à l’abri afin de nous protéger.

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UN INTÉRÊT URBAIN

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UN INTÉRÊT URBAIN

UNE ZONE REJETÉE DU GRAND TUNIS

Parmi les quartiers limitrophes de la sebkha, Hay Hlel et Sidi Hassine sont ceux qui présentent un intérêt majeur, en raison de leur démographie et leur organisation urbaine. C’est à partir de la médina, centre historique du Grand Tunis que la ville se développe en contournant les obstacles naturels que représentent les sebkhas et la lagune. Ainsi, la ville se développe vers la mer Méditerranée. Les classes sociales les plus défavorisées ont alors été contraintes de s’installer en contrebas de la médina, autour de la sebkha Sijoumi. Autrefois considérée comme un territoire périurbain, la sebkha Sijoumi se retrouve aujourd’hui insérée dans un tissu urbain dense. La détérioration des structures sociales paysannes et l’élévation du taux de chômage ont généré des vagues de migration vers la capitale et sa banlieue. La quasi-totalité des berges de la sebkha sont alors aujourd’hui urbanisées. Ce sont, tout d’abord, les limites Nord-Est de la sebkha, en contact direct avec la ville, qui ont été investies par une population issue de l’exode rural. Au Nord-Ouest, le paysage est encore hétérogène, à la fois rural et urbain.

Cela entraine alors un accroissement des inégalités socio-spatiales. En effet, il existe une réelle barrière culturelle entre les quartiers situés en périphérie de la sebkha et la médina qui représente le point de départ du développement de Tunis. Hay Hlel, étant le quartier le plus proche du centre historique, mais aussi des universités et des lycées, représente alors un point majeur dans l’intérêt de désenclaver la sebkha Sijoumi et de retisser un lien avec le reste de la ville. Y intervenir serait alors un moyen de remédier à cette rupture.

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Répartition des entrants/sortants par délégations de résidence entre 2009-2014, Carte extraite de l’Institut National de la Statisque de Tunis

Sidi Hassine, situé à la limite périurbaine représente une porte d’arrivée vers le Grand Tunis. La majorité des migrants ruraux s’y installent. En effet, selon L’Institut National de la Statistique, Sidi Hassine possède le plus grand nombre d’entrants, qui s’élève à 11 849. De plus, c’est le quartier environnant à la sebkha dont le nombre d’habitants est le plus important et s’élève à 100 000 habitants.

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UN INTÉRÊT URBAIN

UN RENOUVELLEMENT URBAIN

Inversion de l’axe de développement à partir de la Médina

Médina Axe de développement de la ville Ouverture vers la mer

La connexion entre la médina et Hay Hlel, représente la possibilité d’ouvrir la sebkha et ses quartiers environnants au Grand Tunis. Ainsi, il s’agit d’inverser l’axe de développement de la ville en repartant du point zéro, la médina.

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MÉDINA

Notre intervention sera alors reliée visuel-

PORTE DE LA VILLE

HAY HLEL

lement à la médina. Une tour, visible depuis la place de la Kasbah3, sera l’élément phare, attractif, invitant à l’imagination, suscitant la curiosité et finalement à la découverte du projet. C’est un geste d’invitation.

SIDI HASSINE

Notre intention est également de relier visuellement le quartier de Sidi Hassine et celui de Hay Hlel. Joindre la porte d’arrivée et la porte de la ville afin de recréer un nouvel axe de développement, autre que celui engagé. Ainsi, cela permettra de faire de la sebkha et de ses quartiers un lieu d’intérêt pour le Grand Tunis.

PORTE D’ARRIVEE

ELEMENTS EXISTANTS ELEMENTS AJOUTES CONNEXION VISUELLE

La place de la Kasbah est née suite à la démolition des remparts de la médina à la fin des années 1950. L’immense place pavée, d’aspect minéral, est ornée en son centre d’un monument commémoratif appelé «Monument national». 3

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UN INTÉRÊT URBAIN

HAY HLEL ET SIDI HASSINE : LES LIEUX D’INTÉRÊT

Rues principales

Activités principales

Rues principales

1. Hay Hlel

Activités principales

2. Sidi Hassine

Les quartiers de Hay Hlel et de Sidi Hassine sont différents mais possèdent des similitudes concernant leur organisation urbaine. Dans les deux cas, nous pouvons remarquer que ceux-ci tournent le dos à la sebkha. Les habitants de ses quartiers ont réalisé leur propre fabrication de la ville. Cela les a amenés à maximiser l’espace bâti. Ainsi, il existe uniquement deux voies principales, qui servent de voies routières.

A Sidi Hassine, il en est de même. Il existe une seule rue où s’accumulent les activités commerciales et les équipements, tandis que les autres rues amènent uniquement aux quartiers résidentiels. De plus, à proximité des berges de la sebkha, une zone industrielle a été mise en place et contribue à la pollution de la zone humide. (Figure 2) Dans les deux quartiers, au fur et à mesure que l’on s’approche de la limite naturelle de la sebkha, on passe de quartiers vivants, dynamiques à des rues «indéfinies», où les déchets s’accumulent. Cela traduit une volonté d’éloignement et un sentiment de dépréciation de la zone humide.

A Hay Hlel, un contraste saisissant existe entre ces deux rues. L’ensemble des activités commerciales et des équipements du quartier se retrouvent au niveau de la seconde rue parallèle à la sebkha tandis que la première, plus proche de la zone humide, est pratiquement déserte. (Figure 1)

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Sebkha

Rue animée

Les berges redynamisées

Notre intention est d’amener les habitants à porter un intérêt à la sebkha en faisant de ce lieu un point attractif, répondant aux besoins des jeunes. Cela permettra alors de retisser le lien entre les quartiers et la sebkha, et ainsi de réconcilier les habitants avec leur environnement.

Schéma concept - Redynamiser les berges de la Sebkha

Photographie personnelle - La rue principale de Hay Hlel - Février 2020

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UN INTÉRÊT URBAIN

Photographie personnelle - La rue principale de Sidi Hassine - Février 2020

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Photographie personnelle - L’omniprésence des cafés dans les rues de Hay Hlel - Février 2020

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LA DIMENSION SOCIALE

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LA DIMENSION SOCIALE

LA POPULATION CIBLE

L’étude de l’analyse sociale est primordiale avant d’aborder tout projet d’architecture. Elle permet de confirmer les intentions architecturales et programmatiques. C’est ainsi, qu’à partir des données statistiques du gouvernorat de Tunis et surtout à partir de l’analyse sur site, que nous déterminons les deux zones d’intervention et la population ciblée.

En effet, le projet veut sensibiliser la population aux merveilles d’une nature, aujourd’hui morte et délaissée, et ceci à travers la culture et l’éducation. Il s’agit de changer les mentalités, là où le désespoir règne. Et ce, dès l’enfance. Ceci va permettre une évolution des cultures. Nous commencerons par présenter les analyses statistiques de la répartition de la population par groupe d’âge, par niveau d’instruction, par indicateur éducationnel et ensuite la répartition des chômeurs à partir de quinze ans et plus par groupe d’âge. Puis, nous comparerons le taux d’analphabétisme, de chômage, de scolarisation des deux quartiers étudiés par rapport aux délégations du Grand Tunis. Enfin, nous présenterons les témoignages sur place avec l’habitant qui nous ont permis de justifier le choix du programme culturel et pédagogique.

Les quartiers environnants à la sebkha Sijoumi sont en effet des zones du Grand Tunis où la population souffre le plus. On y retrouve les taux d’analphabétisme, de chômage ou encore de scolarisation les plus alarmant de la capitale. C’est en parcourant les nombreuses délégations de Tunis et plus particulièrement en arpentant les différents quartiers qui contournent la sebkha Sijoumi, que les quartiers Sijoumi, autrement dit «Hay Hlel» et Sidi Hassine nous interpellent. Les données chiffrées et les témoignages avec l’habitant, nous ont en effet permis de nous intéresser à une population cible : les enfants, adolescents et jeunes adultes.

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Photographie personnelle - Des enfants dans les rues de Hay Hlel Ă Tunis, FĂŠvrier 2020

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LA DIMENSION SOCIALE

UNE JEUNESSE QUI SOUFFRE

Recensement de la population par âge à Hay Hlel et Sidi Hassine - On contaste qu’à Sijoumi, communément appelé Hay Hlel, la tranche d’âge la plus nombreuse se situe entre 20 et 29 ans pour un pourcentage de 16,56. La totalité en pourcentage des enfants et adolescents, de 5 à 19 ans, constitue 19,66% de la population du quartier. 36,22% de la population de Hay Hlel se situe entre 5 et 29 ans. À Sidi Hassine, la tranche d’âge en pourcentage la plus nombreuse se situe également entre 20 et 29 ans pour un pourcentage de 18,01. La totalité en pourcentage des enfants et adolescents, de 5 à 19 ans, constitue 23,49% de la population du quartier. 41,5% de la population de Sidi Hassine se situe entre 5 et 29 ans. Comme évoqué précédemment, ce sont les enfants, adolescents et jeunes adultes qui vont être au centre de notre réflexion, étant donné que le but ultime est de changer la vision des futures générations. D’après l’Institut National des Statistiques de Tunisie, gouvernorat de Tunis, recensement 2014

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D’après l’Institut National des Statistiques de Tunisie, gouvernorat de Tunis, recensement 2015

Recensement de la population selon les indicateurs éducationnels - D’après les données chiffrées de la répartition de la population selon les indicateurs éducationnels, on constate que les chiffres pour la scolarisation dans l’enseignement supérieur entre 19 et 24 ans sont les plus bas à Hay Hlel et à Sidi Hassine. Seulement 38,73% des jeunes de Hay Hlel et 34,24% des jeunes de Sidi Hassine sont scolarisés contre une moyenne qui dépasse toujours 50% dans les autres délégations du Grand Tunis. Concernant la scolarisation entre 6 et 14 ans, la quasi-totalité des enfants et adolescents sont scolarisés.

Dans le Grand Tunis, c’est Hay Hlel qui se trouve en première place du taux d’analphabétisme le plus élevé. Hay Hlel atteint un taux de 19.36% et Sidi Hassine un taux de 15.61% contre une majorité des délégations qui sont inférieures à 10%. Ceci explique d’autant plus, l’obligation d’intervenir dans ces deux quartiers.

On constate que l’abandon scolaire débute vers l’adolescence. Et enfin, le taux d’analphabète dès l’âge de 10 ans est le plus élevé à Hay Hlel, 19,36% contre une moyenne de 11,16%. Sidi Hassine, se situe aussi à un pourcentage élevé, de 15,61%.

En effet, on remarque que ce sont les quartiers autour de la sebkha Sijoumi qui sont le plus touchés par le chômage. Les autres délégations, plus au Nord du Grand Tunis possèdent un taux inférieur ou égal à 10%.

C’est encore Hay Hlel qui se trouve au premier rang des délégations pour le taux de chômage à partir de l’âge de 15 ans, pour un taux de 21.98%. Sidi Hassine, se trouve légèrement plus bas, pour un taux de 16.47%.

Le taux de scolarisation entre 6 et 14 ans, reste toujours le plus bas à Sijoumi et Sidi Hassine, cependant la différence est minime et la quasi-totalité des enfants et adolescents sont scolarisés jusqu’à l’âge de 14 ans.

Ces chiffres malheureux expliquent la négligence d’éducation dans ces quartiers et l’urgence de les aider.

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LA DIMENSION SOCIALE

TÉMOIGNAGE À SIDI HASSINE ET HAY HLEL

Les discussions que nous avons eu avec les habitants nous ont permis de mieux comprendre la relation sebkha-habitant. Les questions qui vont suivre ont été posées à des enfants, adolescents et jeunes durant la semaine du 3 au 9 février 2020 dans les quartiers de Sidi Hassine et Hay Hlel.

«Nous n’avons ni de parcs, ni d’espaces familiaux ou récréatifs pour les enfants ! Ils jouent seulement dans les rues.»

Quelle est votre relation avec la sebkha ? Y allez-vous fréquemment ? Moi j’aime la sebkha mais que dans de bonnes conditions, quand il pleut c’est beaucoup moins agréable ! Même la végétation qu’il y a là-bas n’est pas assez verte, ce n’est pas du tout entretenu et c’est triste ! Par exemple, si on construit un terrain de foot près de la sebkha les gens viendraient y jouer et voudraient la préserver, mais aujourd’hui il n’y a rien qui nous motive à y aller ou à même l’apprécier, malheureusement ! Si on commence à s’approprier la sebkha, on va la protéger et aussi aider notre quartier.

Pensez vous qu’il faudrait remblayer la sebkha ? Ce n’est pas la solution de remblayer la sebkha, nous avons besoin de la sebkha. Certaines personnes du quartier ne le comprennent pas ! Le problème vient des oueds, ce n’est pas la sebkha en elle-même le problème. C’est l’eau qui arrive dedans qui doit être traitée. Que pensez-vous des maisons de jeunesse qui ont été mises en place ? Dans cette maison de la culture à Sidi Hassine, on se sent en sécurité et les parents sont rassurés quand ils emmènent leurs enfants. C’est un lieu de retrouvailles pour nous tous, on y retrouve plusieurs activités telles que la danse, la peinture, le théâtre ou encore la musique. Mais malheureusement elle n’est pas assez grande !

Vous avez de la chance d’avoir un lieu pareil à proximité ! C’est magique ! Les jeunes éclatent de rire. Certes, mais aujourd’hui ce lieu est complètement abandonné. Il faut lui redonner un souffle de vie.

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Photographie personnelle - La maison de la culture à Sidi Hassine à Tunis, Février 2020

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LA DIMENSION SOCIALE

«Il faudrait y avoir d’autres maisons de la culture pour les jeunes car ce sont seulement les gens de ce quartier «Cité du 20 mars» qui en profitent. Comme vous le savez, Sidi Hassine est une des délégations les plus grandes du Grand Tunis et il n’y a qu’une seule maison de la culture ! En plus de ça, nous avons du mal à nous déplacer, quasi personne n’est motorisé et ce n’est pas très bien desservi. Pas tout le monde peut donc venir dans cette maison de la culture.»

Photographie personnelle - Les enfants à Sidi Hassine à Tunis, Février 2020

Et si l’on pouvaient se promener aux alentours de la sebkha ? Je ne fais pas réellement de sport mais je marche beaucoup à pied. Toutes mes distances sont à pied et j’aime beaucoup ça. En effet, s’il y avait un parcours autour de la sebkha, je l’utiliserai quotidiennement. Les différents paysages sont sublimes et personne n’en profite. Tu sais la sebkha est connue partout, même en France ! Mais à mon grand regret, aujourd’hui on la dénigre tous.

Qu’est ce qui vous manque ? On a besoin d’endroits pour des évènements, célébrer des fêtes ! Nous, les Tunisiens, on adore se retrouver en famille durant les fêtes religieuses (l’aïd surtout) mais nous n’avons rien, si ce n’est les rues... Es-tu conscient de l’importance de la sebkha et des oiseaux que l’on y trouve ? Les oiseaux ! Mais je m’en fou moi ! Je veux les chasser pour ensuite les vendre !

Êtes vous au courant qu’il y a un observatoire ornithologique à proximité de la sebkha ? Ah bon ? Il est où ? J’ignorais complètement son existence. Il n’est pas visible et en plus il n’y a aucune signalétique. On nous prévient de rien ici, alors qu’on est chez nous ! En tout cas, ça fait plaisir que des jeunes étudiantes qui étudient à Paris s’intéressent à nous et viennent visiter notre quartier. C’est tellement rare qu’on nous sollicite, même la police ne nous calcule pas.

Et si une nouvelle tour de jeunesse vous serait dédiée près de la sebkha ? Bien sûr que je viendrais. Surtout si il y a une salle de théâtre ! J’adore le théâtre. Mes amis et moi faisons des cours, tous les mercredi.

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Photographie personnelle - Vue depuis l’observatoire ornithologique à Sidi Hassine à Tunis, Février 2020

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LA DIMENSION SOCIALE

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Photographie personnelle - Un cours de danse dans la maison de la culture à Sidi Hassine à Tunis, Février 2020

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LA DIMENSION SOCIALE

L’ÉDUCATION COMME RÉPONSE ARCHITECTURALE Préserver l’environnement est un acte écologique, mais possède également une dimension sociale importante. C’est grâce aux actions de l’Homme que tout commence.

Des maisons de jeunesses émergent dans ces quartiers pour soutenir les jeunes, mais sont malheureusement rares et souvent mal entretenues.

Ayant longtemps souffert de cet environnement vulnérable, il s’agit aujourd’hui de réconcilier les habitants avec la zone humide en leur offrant une raison d’y aller. Ces quartiers marginalisés sont dépourvus d’équipements bénéfiques et représentent ceux où le taux d’abandon scolaire est le plus élevé dans le Grand Tunis. Cela pousse ces habitants à passer leur temps dans les cafés, les rues et les petits commerces du coin. Les parcs, lieux culturels et pédagogiques sont inexistants.

Ainsi, notre intention programmatique se dirige vers la pédagogie artistique. Des ateliers d’art se trouveraient au cœur de la promenade. L’expression artistique permet aux jeunes de s’exprimer et apparait comme un mouvement de révolte face à l’injustice qui les ronge. Le dessin, la musique, le théâtre leur permet de revendiquer leur droit... «L’art est un moyen efficace permettant la reconstruction d’identités individuelles et collectives, pour la restauration du lien et pour la revalorisation des quartiers» Auclair, 2005.

Souvent, les idées reçues sur ce lieu se résument uniquement à la violence, la drogue et la criminalité. Cependant, ce constat est trop réducteur. Nombreux d’entre eux utilisent l’art pour trouver leur voie. Le rap, le hip-hop et l’art de rue représentent depuis la révolution du Jasmin de 20114, un moyen d’expression puissant.

Cette sebkha occupe une position stratégique grâce à sa proximité à la médina, aux universités et écoles supérieures.

La Révolution du Jasmin ou révolution tunisienne se caractérise par une suite de manifestations entre décembre 2010 et janvier 2011. Elle a abouti au départ de l’ancien dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, en poste depuis 1987. 4

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Cartes des usages Universités Lycées

Ecoles primaires Equipements culturels

Equipements sportifs

En proposant un programme culturel, nous créons de la mixité sociale. Cela permet de favoriser les relations intergénérationnelles, de désenclaver la sebkha et ses quartiers environnants afin de les ouvrir au reste de la ville. En apportant un lieu culturel et éducatif, nous contribuons à la rupture de la ségrégation culturelle et sociale qui existe aujourd’hui à Tunis. Cette intervention sociale et urbaine, permet de transformer l’image de la sebkha et de ces quartiers environnants. En faisant de ce lieu un point d’intérêt, sa perception par le reste de la population se modifie et est ainsi valorisée. 47


Photographie personnelle - Vue extérieure de la maison de jeunesse «Dar El Chebeb» de Hay Hlel à Tunis, Février 2020

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Photographie personnelle - Vue extérieure de la maison de la culture «Dar El Thakafa» de Sidi Hassine à Tunis, Février 2020

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2.

L’HABITANT AU CŒUR DU PROJET

53. UNE ARCHITECTURE

PARTICIPATIVE L’intérêt de l’architecture inclusive La construction comme acte social et éducatif L’aspect collaboratif dans le projet

65. DES RESSOURCES LOCALES La frugalité de la matière Allier dépollution et construction L’emploi du kanoun, un savoir-faire local Le Pin d’Alep, un bois régional

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UNE ARCHITECTURE PARTICIPATIVE

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UNE ARCHITECTURE PARTICIPATIVE

L’INTÉRÊT D’UNE ARCHITECTURE INCLUSIVE Les quartiers à proximité de la sebkha tels que Hay Hlel et Sidi Hassine sont parmi les plus pauvres du Grand Tunis. Ils ont vu le jour grâce à leurs propres habitants. Ce pourquoi, nous voulons nous adapter au milieu existant.

L’architecture participative existe depuis toujours, elle est née avec l’architecture vernaculaire. Le vernaculaire, inspiré de l’habitat traditionnel, est dans l’air du temps. L’idée : prendre en compte le climat, la géographie, les matériaux locaux pour construire des bâtiments.

Après avoir identifié la population cible et ses besoins, nous nous sommes rendues compte de l’importance de leur participation à la construction du projet. Pour se réconcilier avec la sebkha, l’habitant doit s’approprier le lieu et pour cela il est placé au cœur du projet. C’est une solution durable pour la préservation de la sebkha Sijoumi.

L’architecture participative a ensuite été reprise en architecture à plusieurs reprises dans les années 1970. Aujourd’hui, elle est de plus en plus répandue dans le monde entier. Elle découle de deux types de nécessités : le développement des communautés où l’urgence sociale et le besoin de se loger appellent une conception économique et innovante et celle, venant d’acteurs mixtes, de se réapproprier l’espace urbain. Le concept est de faire intervenir les habitants dans le processus de construction.

Tel que l'affirme Francis Kéré :“Les gens ont besoin de participer au processus. Nous apprenons aux habitants locaux à utiliser des matériaux locaux pour construire les bâtiments. C’est très simple, mais c’est efficace, dit-il. Il est important de faire naître chez les gens un désir d’utiliser l’architecture pour définir leur propre avenir. Il n’y a pas d’autre façon de créer quelque chose qui puisse être qualifié de durable.”

Elle leur permet également de s’approprier leur environnement, assure un usage efficient des futurs espaces et permet de s’assurer d’une certaine pérennité pour ces espaces qui seront préservés par ceux qui les ont voulus et co-conçus.

Extrait de Francis Kéré : Unir tradition et modernité, OMPI magazine, décembre 2013

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Photographie personnelle - Un exemple parmi tant d’autres des constructions anarchiques à Hay Hlel, à Tunis, Février 2020

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UNE ARCHITECTURE PARTICIPATIVE

Réalisation de la structure porteuse

Montage du second étage

Montage des murs en brique

Coulage de la dalle

Montant acier en attente pour une future extension

Opération de finition - enduit

Schéma explicatif des méthodes d’autoconstruction

Ainsi, en plus de répondre aux besoins sociaux et environnementaux, l’architecture participative permet d’honorer la fierté des habitants dans leurs traditions et techniques culturelles. En effet, ayant réalisé leur propre conception de la ville, allant des rues, ruelles jusqu’aux maisons, ils ont réussi à créer leur propre architecture qui dispose de certaines qualités. Nous avons pu voir que les nombreux logements étaient autoconstruits et ce, de la même manière. La structure est tout d’abord réalisée, les murs en brique sont ensuite montés et la dalle est finalement coulée. La construction d’un à deux étages supplémentaires se fait ensuite petit à petit, en fonction des besoins. (Figure ci-dessus)

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Photographie personnelle - Vue sur le quartier de Hay Hlel, à Tunis, Février 2020


Photographie personnelle - Les constructions anarchiques à Sidi Hassine, à Tunis, Février 2020

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UNE ARCHITECTURE PARTICIPATIVE

LA CONSTRUCTION COMME ACTE SOCIAL ET ÉDUCATIF Il est nécessaire que les habitants mettent au service du projet leur savoir-faire. En effet, lorsqu’il s’agit de construire leurs habitations, ce sont les membres de la famille, des amis, des voisins qui se mettent au travail. Il s’agit d’une véritable activité qu’ils se partagent. La solidarité, l’amitié et l’entraide sont très présents et cela est un bon départ pour une architecture participative. Il s’agit de construire ensemble, de se soutenir et cela pour un meilleur «Vivre ensemble».

C’est alors à partir des habitants que débute cette histoire. Les adolescents que nous avons vu dans les maisons de jeunesse, les enfants attentifs et intéressés, les hommes adossés aux murs attendant que le temps passe. C’est avec eux et pour eux que nous réalisons ce projet. Il s’agit de les rendre fiers de leurs réalisations et à plus grande échelle de leur appartenance à ces quartiers situés en périphérie d’une zone humide d’importance mondiale. Cela leur permettrait de prendre conscience de la valeur de ce milieu naturel.

La conception de la tour devient alors un acte social mais aussi éducatif, qui permet aux habitants de prendre conscience de leur capacité à concevoir des espaces de vie. Cela permet également aux enfants et jeunes adolescent de se familiariser avec les bases de l’architecture. Ce qui constitue l’espace urbain est beaucoup plus lié aux processus, aux événements, aux actions, aux relations les plus diverses qui peuvent y avoir lieu qu’aux constructions elle-mêmes.

Il est nécessaire de concevoir un projet assurant une simplicité dans sa mise en œuvre. Les habitants doivent pouvoir transporter, transformer et assembler les matériaux facilement.

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Photographie personnelle - Deux hommes adossés au mur attendant que le temps passe à Hay Hlel, à Tunis, Février 2020

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UNE ARCHITECTURE PARTICIPATIVE

L’ASPECT COLLABORATIF DANS LE PROJET

Après avoir déterminé l’intérêt d’une architecture participative dans des quartiers informels, mais aussi que l’implication des habitants constitue en elle-même la dimension sociale du projet, nous avons pensé à deux manières de mettre en place l’aspect collaboratif dans le projet.

Enfin, les adolescents et les enfants des maisons de jeunesse contribueront à la construction de la tour, car c’est essentiellement pour ces jeunes en quête d’expression artistique que nous réalisons ce projet. A Hay Hlel, les kanouns seront récoltés depuis les ateliers des potières existants. Ensuite, ils seront stockés dans les ateliers de la place. Enfin, ils seront amenés jusqu’à la tour afin d’y être posés sur la façade.

Ainsi, celui ci prend forme dans la participation des habitants à la récupération des matériaux nécessaires au chantier, à la réalisation des façades des deux tours. Cela conduit alors à une main d’œuvre mobilisée pour la réalisation du projet.

Les matériaux stockés sont essentiellement des matériaux de réemploi ou recyclés. Ainsi, les habitants participeront à leur collecte sur les berges de la sebkha ou au sein des quartiers même, réaliseront le tri de ces matériaux avant de les amener sur le chantier. Ils emprunteront alors le parcours que nous avons déterminé dans les deux axonométries ci-dessous.

Tout d’abord, nous avons déterminé un parcours qui inviterait les habitants à la découverte du projet. Ce parcours s’accroche aux zones de rassemblement et constitue également un parcours pour l’acheminement des matériaux vers le site d’implantation. En passant alors par les zones de grande fréquentation, de plus en plus de personnes pourraient en venir à participer au projet. Concernant Sidi Hassine, les matériaux collectés seront stockés dans un terrain vague, aujourd’hui très animé. D’autres matériaux de récupération seront collectés du marché pour l’éclairage, les sanitaires, les menuiseries...

Les habitants des deux quartiers participeront principalement à la construction des enveloppes des deux tours d’observation. Ils deviendront alors de véritables acteurs au sein du projet, tel que les potières de Hay Hlel ou même les Barbecha5, que nous aborderons davantage dans la partie suivante. 5

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Les chiffoniers de Tunis.


AxonomĂŠtrie globale du quartier de Sidi Hassine

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AxonomĂŠtrie globale du quartier de Hay Hlel


UNE ARCHITECTURE PARTICIPATIVE

Photographie personnelle - L’espace des potières à Hay Hlel à Tunis, Février 2020

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Photographie personnelle - Le manque d’équipement à Sidi Hassine (occupation d’un terrain vague), Février 2020

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DES RESSOURCES LOCALES

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DES RESSOURCES LOCALES

UNE FRUGALITÉ MATÉRIELLE

La frugalité de la matière désigne l’emploi de techniques qui gaspillent peu d’énergie et de ressources. Il s’agit de réaliser un projet avec simplicité et avec les moyens matériels disponibles. Ainsi, le choix des matériaux s’effectue en prenant en compte le contexte dans lequel le projet s’insère : les lieux et les ressources et les savoirs-faire locaux. Il s’agit alors de construire avec les habitants et avec les matériaux que l’on retrouve sur les sites d’interventions.

Cela permet ainsi de réduire le coût énergétique de la création des matériaux, de leur transport et de leur transformation. Ainsi le besoin en main d’œuvre est réduit, étant donné qu’il s’agit d’autoconstruction, qui se fait souvent avec quelques membres de la famille. Les matériaux collectés ou achetés sont ensuite assemblés. Nous prenons en référence le savoir-faire dans ces quartiers informels et nous nous adapatons à ces milieux modestes.

Cela est une manière de répondre aux enjeux environnementaux d’aujourd’hui, car en tant que futures architectes, nous devons penser à construire de manière plus responsable, avec des matériaux dont l’empreinte environnementale est réduite. Les constructions anarchiques apparaissent alors comme de réels potentiels architecturaux. En effet, les habitants utilisent souvent des matériaux locaux ou de réemploi. Il s’agit de ressources disponibles, peu chères, tel que les déchets industriels (plastique, tôles) et les matériaux naturels et locaux (terre, argile, bois).

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Photographie personnelle - La pollution sur les berges de la sebkha Sijoumi, Ă Tunis, Octobre 2019

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DES RESSOURCES LOCALES

ALLIER DÉPOLLUTION ET CONSTRUCTION

Comme nous avons pu le voir, des déchets industriels (plastique, ferailles, pneus, textile) ou minéraux (bois, roches, pierres) sont déversés sur les berges de la sebkha Sijoumi. Les réutiliser serait alors une manière d’allier dépollution de la zone humide et construction du projet. Au lieu d’enfouir nos déchets et de les brûler, il est alors préférable de les réutiliser. C’est également une manière de sensibiliser les gens à la protection de leur environnement.

Des usines de recyclage de bois se trouvent à proximité des sites d’intervention, tel que AFREC, situé dans la zone industrielle de la Mghria, située au Sud de la sebkha Sijoumi. Une fois recyclé, le bois pourra être amené dans des usines de fabrication de matériaux de construction en bois. D’autres matériaux minéraux ou industriels, tel que la roche ou le plastique pourront être réemployé directement. Les déchets pourraient être ramassés et triés pour fabriquer la façade.

D’une certaine manière cela permet de conserver une trace de l’histoire et le souvenir d’une zone humide délaissée, menacée. Ces matériaux que nous avons retrouvé sur les berges de la zone humide et qui font tout le paradoxe de ce lieu, sont ceux qui vont nous permettre de réaliser le projet. Il s’agit de donner une seconde vie aux matériaux.

En effet, l’histoire de ce projet a commencé avec une récolte de matériaux sur les berges de la sebkha. Aujourd’hui, ces artefacts sont des éléments clés du projet.

Le bois que nous allons utiliser pour la structure des deux tours et pour le parcours est un matériau qu’il est nécessaire de recycler. Ainsi, les nombreuses palettes, les meubles et les débris de bois pourront servir à la réalisation des lattes dont nous avons besoin pour le plancher du projet.

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Un barbecha dans les rues de Tunis Photographie issue de «Tunisie : les barbechas assurent le recyclage des déchets» de Jacques Deveaux Rédaction Afrique France Télévisions.

A Tunis, il existe près de 8000 chiffonniers, appelés plus communément «barbecha», qui ramassent les déchets en plastiques afin de les revendre à des sociétés de recyclage. Les deux tiers du recyclage des déchets en Tunisie sont assurés par ces chiffonniers indépendants. Toute la journée, parfois même la nuit, ils parcourent Tunis et remplissent leur chariot des déchets qu’ils trouvent. La plupart vont à pied, ce ne sont que les plus chanceux qui sont motorisés. Malgré ce rôle primordial pour le pays, ils ne bénéficient d’aucun statut. Nombreux d’entre eux habitent dans les quartiers informels du Grand Tunis, dont Sidi Hassine et Hay Hlel. Ainsi, les barbechas pourraient devenir des acteurs dans la réalisation de la tour de Sidi Hassine. Ceux-ci ont toujours été stigmatisés alors qu’ils sont en grande partie responsable du fonctionnement du recyclage en Tunisie. Cette construction nécessite alors un effort communautaire, une action participative. C’est ce que nous souhaitons mettre en place dans notre projet.

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DES RESSOURCES LOCALES

L’EMPLOI DU KANOUN , UN SAVOIR-FAIRE LOCAL

L’utilisation d’autres ressources locales, telle que l’argile va être un élément clé dans la construction de la tour. C’est un matériau très répandu à Hay Hlel, pour l’artisanat, notamment pour la poterie des vieux fours, les kanouns6.

Les potières sont originaires de milieux ruraux, mais sont venues s’installer dans le Grand Tunis à la recherche d’emploi, en 1960. Reproduisant le savoir-faire de leurs parents, celles-ci vont à leur tour transmettre cet héritage à leurs propres enfants, afin de faire perdurer l’artisanat du kanoun dans la famille. Pour la réalisation de cette poterie traditionnelles, les potières se sont appropriées les lieux publics et ont aménagé leurs propres ateliers.

Cette culture et ce savoir-faire propre à Hay Hlel a été une source d’inspiration pour le projet. Il s’agit d’utiliser des matériaux locaux, mais aussi de faire participer les femmes de Hay Hlel. Il existe au total une trentaine de familles au sein desquelles persiste l’artisanat de la poterie des kanouns, essentiellement réalisée par des femmes. Celles-ci subviennent aux besoins de leurs familles seules.

Pour réaliser les kanouns, elles utilisent de la brique rouge, de l’argile et de l’eau. Les débris de briques rouges sont récupérés d’une usine située à proximité de Hay Hlel, ou bien sont collectés et réemployés. Ces débris sont ensuite déposés sur la route afin d’être broyés par les voitures. Par la suite, ceux-ci sont mélangés à l’argile et à l’eau afin de modeler les kanouns. Ils sont ensuite stockés à l’ombre, puis cuits dans des fours qu’elles réalisent elles-même. Les impliquer dans la réalisation de la tour de Hay Hlel leur permet alors de devenir des actrices au sein du projet mais également de mettre en valeur leur savoir-faire.

Kanoun : Poterie creuse, en terre cuite, utilisée comme un brasero, pour la cuisson des aliments au charbon de bois. Sa forme, avec des bords échancrés, permet de poser sur cet outil de cuisson, des récipients pour la préparation des plats, ou des produits à cuire directement sur les braises (comme le maïs ou l’encens). Elle est très répandue en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali) et en Afrique du Nord : cuisine marocaine, algérienne ou tunisienne. Il existe des formes simples ou décorées (peintes avec des arabesques). 6

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Photographie extraite de Nawaat - Hay Hlel : La poterie des kanoun, une affaire d’héritage et de survie.

«Des maisons vétustes, quelques ânes, des chiens errants, des garçonnets courant dans tous les sens, des vieux qui s’affairent aux portes de leurs maisons… le décor est rudimentaire. On aurait pu croire qu’on est dans le fin fond d’un village. Il n’y a que l’autoroute surplombant le quartier et les stocks de bouteilles en plastiques confinés par les ramasseurs dans de grands sacs qui rappellent qu’on est dans une cité. Il s’agit du quartier Awled Ayar, situé dans la périphérie de Hay Hlel et connu depuis des décennies pour la poterie des fours traditionnels (Tabouna). Cet artisanat perdure et c’est principalement une affaire de femmes.» Extrait de Nawaat - Hay Hlel : La poterie des kanoun, une affaire d’héritage et de survie.

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DES RESSOURCES LOCALES

LE PIN D’ALEP, DU BOIS RÉGIONAL

La Tunisie a connu ces dernières décennies un accroissement sensible des plantations forestières. Les essences de plantation sont principalement le pin d’Alep, le pin pignon, le pin radiata, l’eucalyptus et le cyprès.

Ce pourquoi, nous utiliserons donc du Pin d’Alep comme type de bois dans le projet.

Le pin d’Alep est commun en Afrique du Nord, en Italie et en Espagne. Il est également présent en Israël, en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Turquie, en Grèce et en France, dans la région méditerranéenne. Ses qualités, ses propriétés physiques et mécaniques et ses possibilités d’utilisation ont été étudiées dans la plupart des pays du bassin méditerranéen. L’intégration du pin d’Alep dans la norme de la construction bois offre de grandes perspectives de valorisation de la forêt méditerranéenne. En réhabilitant l’usage en structure de cette essence emblématique du pourtour méditerranéen, elle ouvre la voie d’un développement économique nouveau par la transformation de ce bois aux qualités remarquables et le positionne sur le marché de la construction bois en plein essor.

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3.

UN PROJET SYNERGIQUE 77. LES INTENTIONS

ARCHITECTURALES Les trois lignes directrices du projet

81. LE PARCOURS PAYSAGER

Lier le tissu urbain à la sebkha L’incursion du parcours, au cœur du projet Une nouvelle ligne d’horizon sur les berges

91. LES TOURS D’OBSERVATIONS

Les maquettes d’études Deux tours complémentaires Le squelette, l’organisation spatiale et l’enveloppe Hay Hlel : les kanouns comme élément de façade Sidi Hassine : les gabions comme élément de façade Des façades réalisées par les habitants

105. LES PLACES

Vers l’eau et le ciel Une symbiose entre la place et la tour La matérialité de la place

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LES INTENTIONS ARCHITECTURALES

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LES INTENTIONS ARCHITECTURALES

LES TROIS LIGNES DIRECTRICES DU PROJET

C’est à partir de formes géométriques simples que va naître le projet architectural. En effet, la stratégie urbaine s’exprime en trois points.

Se soulever, s’envoler tel un oiseau grâce à l’architecture des ateliers. La courbe que crée la toiture va nous permettre de maximiser les interactions sociales, de s’ouvrir au ciel et de rêver tout en observant les oiseaux. Ces places, vont être le lieu de retrouvailles, de fêtes, de méditations pour les riverains.

Un signal de loin Susciter la curiosité et l’esprit avec un élément signal qui nous permettrait d’aller jusqu’à la sebkha tel est le but premier. En effet, le vertical, autrement dit les tours d’observation sont là pour lier la sebkha au Grand Tunis. Cette sebkha oubliée et délaissée aujourd’hui, sera peut être célèbre et appréciée dans le futur.

Le projet est un parcours sous toutes ses formes. Il est plat, raide et calme ensuite se soulève lentement puis enfin s’envole progressivement jusqu’au ciel. Ces différentes étapes font référence à l’envol de l’oiseau d’eau.

Un parcours Depuis les ruelles des quartiers, jusqu’à arriver près des berges afin de s’y promener à pied ou à vélo telle était l’intention. L’horizon, autrement dit le parcours près de la sebkha afin de recréer une ligne d’horizon, une deuxième skyline au paysage urbain de Tunis. Cette incursion du parcours qui débute depuis le tissu urbain existant va permettre de lier la sebkha au tissu vernaculaire.

La promenade près de la sebkha nous permet d’observer les oiseaux quand ils sont à l’eau. La surélévation du parcours nous permet d’apercevoir leur envol. Enfin, la tour, cette ascension circulaire nous permet d’admirer les oiseaux dans les airs. On monte progressivement jusqu’au ciel afin de bénéficier d’une vue panoramique sur toute la sebkha et le Grand Tunis.

L’envol Créer de la mixité, apprendre tout en s’amusant et favoriser les interactions sociales autour de la sebkha telle était le but des places. 78

ASCENSION CIRUCLAIRE / PLATEFORME D’OBSERVATION

SURELEVATION DU PARCOURS / ATELIERS PEDAGOGIQUES

LE PARCOURS / PROMENADE PIETONNE ET CYCLISTE


Le vertical

L’horizon

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L’envol


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LE PARCOURS PAYSAGER

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LE PARCOURS PAYSAGER

LIER LE TISSU URBAIN A LA SEBKHA

L’un des objectifs premiers de ce projet était de reconnecter la ville avec la sebkha. De les réconcilier. Pour y arriver, il était évident de lier le tissu urbain existant à cette nouvelle ligne d’horizon au bord des berges. On cherche à relier l’ancien et le passé, au nouveau et au futur. Une renaissance de ces quartier. Notre intervention se situe sur les berges de la sebkha Sijoumi face à Hay Hlel et Sidi Hassine. À ce stade, nous décidons de nous concentrer seulement sur ces deux quartiers. Le choix de ne travailler que sur Hay Hlel et Sidi Hassine, n’est pas anodin. Comme déjà évoqué, la proximité de Hay Hlel à la médina, en fait une première zone stratégique où il nous était évident d’intervenir, dès le début. Enfin, le choix d’agir à Sidi Hassine est ensuite né puisqu’il s’agit du quartier le plus peuplé, dense et dynamique de la sebkha. Il possède la plus grande ampleur sur la sebkha. Il longe toute la partie Ouest de celle ci. Ce pourquoi y intervenir était obligatoire. Si l’on cherche à réconcilier les habitant avec la sebkha, il faut toucher à une plus grande population.

Le quartier de Sidi Hassine (à gauche) et de Hay Hlel (à droite) de la sebkha Sijoumi

C’est à partir de cette première proposition architecturale dans les zones de Hay Hlel et Sidi Hassine que pourraient s’inspirer certains urbanistes ou architectes afin de continuer vers cette logique urbaine de préservation et redynamisation de la zone humide. Et peut-être même dans les nombreuses autres zones humides délaissées de la Tunisie et du Bassin Méditerranéen.

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Incursion du parcours Zones de rassemblement Axe visuel Lieu d’intérêt

Sidi Hassine

Incursion du parcours Zones de rassemblement Axe visuel Lieu d’intérêt

Hay Hlel

C’est à partir des zones de regroupements où se situent les marchés quotidiens, les rues les plus animées et les terrains vagues où l’habitant s’approprie l’espace que se développent les incursions du parcours. Ces incursions vont naturellement nous amener vers la stratégie d’implantation, autrement dit la position de la tour et de la place. Le choix de la place s’inscrit dans la continuité du parcours depuis le tissu vernaculaire. La tour, elle, devait être visible depuis les points les plus attractifs de la ville et des quartiers. Le but est de travailler de nouveaux axes visuels. En effet, depuis les prémices du projet, nous cherchons à faire connaitre ce lieu magique oublié, détesté ou encore méprisé. Attirer l’attention des habitants mais aussi des Tunisois, tel est notre but. C’est ainsi, que la tour de Hay Hlel se positionne dans l’axe visuel de la Kasbah. La tour de Sidi Hassine, elle, se positionne dans l’axe de la maison de la culture actuelle. C’est une sorte d’appel, d’invitation aux jeunes. Les places se situent dans les percées visuelles depuis les quartiers. Le nouveau parcours créé nous mène directement face aux places.

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LE PARCOURS PAYSAGER

Plan masse de Sidi Hassine

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Plan masse de Hay Hlel

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LE PARCOURS PAYSAGER

L’INCURSION DU PARCOURS, AU CŒUR DU PROJET C’est ce parcours depuis les quartiers qui nous mène vers la place et la tour. Ce chemin servira également au processus de construction du projet.

Le parcours vient s’accrocher aux espaces réaménagés. On passe devant le terrain vague où l’on récupère certaines ressources locales, afin de les amener vers la place où l’on continue à les stocker pour qu’ils soient à portée de main.

Une fois encore, ce projet est une symbiose. Sans l’incursion du parcours, le projet ne peut voir le jour.

A Hay Hlel, les femmes se sont appropriées un terrain où elles préparent les kanouns. Enfin, une fois terminés ils seraient stockés dans les salles de la place, jusqu’à être déposés soigneusement sur la façade. C’est un travail à la chaîne.

Durant la totalité du parcours, jusqu’à l’arrivée sur les berges de la sebkha, les rues sont réaménagées, végétalisées et on y installe de la signalétique. Le projet doit se faire connaître, tout d’abord, depuis ses propres habitants.

C’est un projet qui naît depuis les ruelles vernaculaires pour s’achever au bord de l’eau. On s’imprègne de l’existant pour créer le futur.

On ajoute que ceux-ci ne sont pas motorisés pour la plupart. Ce pourquoi, il est essentiel de rendre agréables et vivantes les ruelles.

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Vue perspective depuis une des rues de Hay Hlel

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LE PARCOURS PAYSAGER

UNE NOUVELLE LIGNE D’HORIZON SUR LES BERGES Le parcours qui débute depuis les ruelles vernaculaires des quartiers continue jusqu’à arriver vers la sebkha.

Il s’agit d’une structure poteau-poutre avec des pieus en bois qui s’enfoncent à 10m de profondeur. Le garde-corps est également en bois sur l’ensemble du parcours. Cependant, le garde-corps se modifie une fois que l’on arrive au niveau de la place. Il est en remplissage kanoun à Hay Hlel et en remplissage gabion à Sidi Hassine.

Ce parcours tantôt sur l’eau, tantôt sur la vase va nous permettre de longer la sebkha. C’est une nouvelle ligne d’horizon dans la skyline de Tunis. Celle-ci se surélève à 1m50 au dessus de la vase afin de prévenir les risques de montée des eaux. Cette passerelle sur pilotis va être le chemin de transition entre la route et la sebkha. C’est le trait d’union entre la ville et la nature.

Les maquettes d’études du garde-corps nous ont permis d’imaginer les apparences que celui-ci pouvait avoir. Finalement, afin de s’inscrire dans la logique frugale du projet, il a été plus judicieux de réaliser le garde-corps entiérement en bois. Des assises ont été imaginées afin d’offrir des moments de pause aux habitants et visiteurs.

Si l’on devait décrire ce parcours. Il possède une largeur de 5m60, accueillant une piste cyclable et piétonne.

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Photographie des maquettes d’Êtudes du garde-corps

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LES TOURS D’OBSERVATIONS

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LES TOURS D’OBSERVATIONS

LES MAQUETTES D’ÉTUDES

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L’ensemble de ces maquettes volumétriques, tantôt abstraites, tantôt concrètes vont nous amener vers notre forme finale. En effet, certaines maquettes d’études peuvent être similaires à la volumétrie finale de la tour. On retrouve plusieurs idées telles que le cadrage de vue, les pleins et les vides de la façade, la forme cylindrique, une structure dense, le moucharabieh, le jeu de transparence, la double hélicoïde qui tourne et la rampe qui s’élève progressivement. C’est une tour. Qui s’élève progressivement. Qui se veut discrète par ses matériaux. Mais présente par sa forme.

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LES TOURS D’OBSERVATIONS

DEUX TOURS COMPLÉMENTAIRES

Hay Hlel et Sidi Hassine se situent face à face. Leur position stratégique nous a permi de créer un axe visuel au niveau des tours. Leur implantation a été déterminée depuis les analyses urbaines. L’incursion du parcours depuis chacun des quartier nous amène vers cet élement vertical. La tour de Hay Hlel visible depuis l’axe de la Kasbah se trouve face à celle de Sidi Hassine. Ces tours veulent dialoguer entre elles. Elles se veulent complémentaires tout en étant différentes. Ce sera le point de repère des habitants et des Tunisois. Il sera impossible d’évoquer Hay Hlel et Sidi Hassine sans faire allusion à leurs tours, tel est l’objectif. La sebkha Sijoumi est ovale, le parcours est circulaire et enfin la tour veut s’insérer dans cette logique circulaire. Ainsi, elle est cylindrique. Cette spécificité lui permet de bénéficier d’une vue panoramique et d’un belvédère d’observation au sommet de la tour.

Schéma concept de la volumétrie

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Volumétrie des tours

Leur concept est minimaliste. C’est à partir d’une forme géométrique simple que ces tours voient le jour. C’est un trapèze rectangle qui enroulé donne la forme d’une tour cylindrique. C’est la manière dont on positionne le trapèze rectangle qui va créer les différences entre les deux tours. Cette forme crée alors un geste d’invitation au pied de la tour et une ouverture permettant l’observation à son sommet. Les tours sont complémentaires mais asymétriques. Quand l’une donne de dos, l’autre s’ouvre et la regarde... Elles permettent de connecter les deux quartiers visuellement.

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LES TOURS D’OBSERVATIONS

LE SQUELETTE, L’ORGANISATION SPATIALE ET L’ENVELOPPE Les deux tours possèdent le même squelette et la même organisation spatiale. C’est l’enveloppe qui diffère.

Au cours des premiers niveaux s’installent les expositions temporaires. Nous retrouvons l’aspect participatif des habitants dans le programme de la tour, car ce sont les œuvres artistiques réalisées au sein des ateliers pédagogiques qui seront affichées. Elles seront décrochées par la suite pour offrir la possibilité à chacun d’exposer son travail. Afin d’accrocher et de décrocher rapidement les éléments, les expositions temporaires se trouvent en bas de la tour. Les niveaux supérieurs accueillent des expositions permanentes, afin de donner l’envie de monter au sommet.

Concernant le squelette, nous avons pensé au bois car il s’agit d’un matériau naturel, renouvelable, recyclable et qui nous permet de réaliser une structure légère. La structure est réalisée par des poteaux de 20cm, éloignés les uns des autres d’une distance de 1m20. Des contreventements sont également réalisés entre les poteaux afin de maintenir la stabilité de la tour. Les poteaux sont alignés sur le périmètre de deux cercles. Le cercle extérieur, d’un rayon de 6,25 mètre et le cercle intérieur d’un rayon de 4,85 mètre. Cet entre-deux constitue la circulation verticale de la tour.

Ces expositions diffèrent d’une tour à l’autre. Dans celle de Hay Hlel, il s’agit d’une exposition sur l’histoire naturelle de la zone humide. Celle de Sidi Hassine, est sur le thème du Street Art qui depuis la révolution du Jasmin de 2011, est de plus en plus présent dans les rues de Tunis, et inspire énormément les jeunes de ces quartiers.

L’ascension circulaire est une continuité du parcours. C’est une rampe permettant la déambulation et offrant la possibilité aux personnes à mobilité réduite de profiter de cette expérience. Des événements viennent ponctuer la rampe et animer la tour. Elle s’élargit par moment et accueille des expositions temporaires, permanentes et des moments d’assises.

Des moments d’assises sont répartis de manière à pouvoir se reposer au fur et à mesure que l’on s’élève. Cela crée des cadrages offrant une perception différente du paysage.

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Le belvédère d’observation L’exposition permanante Les moments de pause, les assises La rampe Les moments de pause, les assises L’exposition temporaire L’entrée

L’organisation spatiale

Le programme que l’on retrouve au sein de la tour détermine l’enveloppe. On distingue les espaces dès la façade. Les ouvertures se dessinent en fonction des moments d’assises et de la plateforme d’observation afin d’offrir des points de vue sur la zone humide. C’est au fur et à mesure que l’on s’élève que le paysage s’ouvre à nous. On alterne entre le vide et la résille. A Hay Hlel, la résille fait référence au moucharabieh kanoun. A Sidi Hassine, elle correspond aux gabions. Ici, les gabions font référence à des armatures métalliques remplies de minéraux trouvés sur les berges. Le résultat est un doux jeux de lumière et une meilleure ventilation à l’intérieur des tours d’observation.

La squelette

C’est un jeu de porosité entre les moucharabieh et le vide des cadrages. Il s’agit également de susciter la curiosité, de nous donner l’envie de continuer à monter jusqu’au dernier niveau, où l’on retrouve la toiture, complètement ouverte vers la sebkha et Tunis. C’est en effet une plateforme d’observation permettant de profiter du paysage naturel mais aussi de la capitale.

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L’enveloppe


LES TOURS D’OBSERVATIONS

HAY HLEL : LES KANOUNS COMME ÉLÉMENT DE FAÇADE Les façades des deux tours sont distinctes et racontent des histoires différentes. C’est au niveau de la réalisation de ces façades que prend place l’aspect participatif. Les kanouns ont été une source d’inspiration pour la réalisation de la façade et une manière de puiser dans la culture propre au quartier de Hay Hlel. Ainsi, les potières mais aussi les habitants qui transportent et assemblent ces kanouns deviennent des acteurs du projet. L’idée est alors d’utiliser les kanouns et de les sectionner afin de conserver uniquement la partie haute. Ceux-ci seront liés par du mortier et assemblés entre les poteaux en bois pour former la façade en moucharabieh. Ainsi, pour la tour de Hay Hlel, ce savoir-faire traditionnel imprégne l’architecture de la tour.

Kanoun

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La façade en moucharabieh «kanoun» de Hay Hlel La façade en moucharabieh «kanoun» de Hay Hlel

Kanoun vue de l’intérieur

Kanoun vue de face

Kanoun vue de l’intérieur

Kanoun vue de face

Réutilisation du Kanoun

Réutilisation du Kanoun

façade en moucharabieh La façade en La moucharabieh «kanoun» «kanoun» de Hay Hlel de Hay Hlel

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Kanoun + Ciment La lafaçade Lamoucharabieh façade en moucharabieh + structure<--> bois derrière Assemblage pour façade en Kanoun vue de Kanoun vue de Hlelde Hay Hlel Kanoun vue de Kanoun vue«kanoun» de Kanoun + Attache métallique de«kanoun» Hay face l’intérieur face et montant enl’intérieur acier Kanoun + Ciment + structure bois derrière Assemblage pour la façade

La façade en Lamoucharabieh façade en moucharabieh «kanoun» de«kanoun» Hay Hlelde Hay Hlel

Kanoun vue de Kanoun vue de Kanoun vue de Kanoun vue de l’intérieur l’intérieur face face Réutilisation du Kanoun Réutilisation du Kanoun

Assemblage la façade Kanoun vue depour Kanoun vue de l’intérieur l’intérieur

Kanoun vue de Kanoun vue de face face

Schéma de principe de l’utilisation du kanoun

<--> Réutilisation du Kanoun Réutilisation du Kanoun

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Kanoun + Ciment Kanoun + Ciment + structure bois derrière + structure bois derrière

Assemblage pour la façade Assemblage pour la façade


LES TOURS D’OBSERVATIONS

SIDI HASSINE : LES GABIONS COMME ÉLEMENT DE FAÇADE

RECUPERATION

CRIBLAGE

MISE EN OEUVRE DES GABIONS

Schéma de principe de l’utilisation des Gabions

Pour la tour de Sidi Hassine, il s’agit d’une façade réalisée par des matériaux de réemploi, récoltés sur place. Afin de ramasser le plus de déchets possibles, il est nécessaire d’avoir une plus grande participation des habitants. Etant donné qu’à Sidi Hassine, il y a trois fois plus d’habitants qu’à Hay Hlel, la récolte pourra être plus rapide. L’idée est de réaliser des gabions remplis d’éléments minéraux ou industriels, qui seraient fixés à la structure de la tour. Selon leurs dimensions, les briques, les roches, les pierres, les ferrailles et le plastique seront utilisés afin de mettre en œuvre les gabions.

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Photographie personnelle - Des éléments minéraux retrouvés à proximité des berges de la sebkha Sijoumi, à Tunis, Février 2020

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LES TOURS D’OBSERVATIONS

DES FAÇADES RÉALISÉES PAR LES HABITANTS

La tour de Hay Hlel, avec sa façade en kanoun, raconte l’histoire d’un quartier marginalisé, de femmes fortes, indépendantes et des habitants ayant transportés les matériaux, faisant la fierté de ce quartier. La tour de Sidi Hassine, raconte alors l’histoire des barbechas des quartiers informels qui luttent pour survivre, d’une zone humide longtemps dépréciée et des personnes de générations confondues qui construisent ensemble pour un avenir meilleur. Ce sont deux histoires, propre à chaque quartier, qui se racontent pour finalement mettre en lumière cette zone oubliée du Grand Tunis. La construction des tours apparait comme un défi. Etant face à face, leur évolution sera visible par les habitants des deux quartiers. Qui finira la tour en premier ?

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Élévation Nord de la tour de Sidi Hassine

Élévation Nord de la tour de Hay Hlel

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LES PLACES

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LES PLACES

VERS L’EAU ET LE CIEL Ciel

Eau

S’avancer vers l’eau, s’approcher des oiseaux d’eau en laissant une certaine distanciation entre l’Homme et l’habitat naturel de l’oiseau, tel est l’objectif de ce projet. On cherche à s’immerger dans la nature tout en étant à proximité du chaos de la ville.

Durant ce parcours nous cherchons à diversifier les sensations. Près du garde corps, se trouve des bancs. Ces bancs se situent très proches de l’eau. Ils nous permettent de rêver, de méditer, de lire, de manger et de discuter face au chant des oiseaux et à la merveille d’une végétation sauvage en ville. Bien évidemment, l’eau serait purifiée à certains endroits par le principe de la phytoépuration, mais la végétation sauvage doit perdurer. C’est là qu’est toute la beauté et complexité du projet. S’approprier un espace tout en lui gardant son côté sauvage et brut.

Le projet est avant tout un parcours. Un parcours sous toutes ses formes. Parfois, il s’élève progressivement en hauteur afin de créer un élément signal, les tours. Mais c’est surtout son caractère horizontal qui le caractérise. Il crée une nouvelle ligne d’horizon dans le paysage urbain de Sijoumi. Une ligne épurée, vivante et dynamique. Soudainement, ce parcours s’épaissit et donne lieu à des places. Ces places favorisent les interactions sociales et les activités pédagogiques. Elles créent la mixité sociale dans des zones complètement marginalisées. Elles donnent un élan de souffle à ces jeunes curieux d’apprendre, de vivre.

Au milieu des bancs et au cœur de la place, face à l’eau, se trouve une scène et des assises. Son usage est multiple. C’est un espace de fête mais aussi un lieu d’apprentissage. Enfin au milieu de la place, se trouvent les ateliers qui émergent du sol et possèdent une toiture accessible qui est conçue dans la continuité du parcours. On s’élève vers le ciel pour admirer les flamants roses qui s’envolent.

S’ouvrir vers l’eau et s’élever vers le ciel. C’est à partir de là que se crée cette place. S’ouvrir pour se rapprocher, s’immerger. S’élever pour observer, contempler.

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Plan de toiture de la place de Hay Hlel

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LES PLACES

UNE SYMBIOSE ENTRE LA PLACE ET LA TOUR

Cette place possède plusieurs usages.

La place, avec ses futurs ateliers est un espace de stockage pour la tour, durant le chantier. La proximité de la tour par rapport à la place a été pensée de manière stratégique.

Tout d’abord, elle est conçue pour favoriser les interactions sociales et créer la mixité dans un pays qui souffre de ségrégation sociale. Depuis l’essence du projet, le but était de réconcilier les habitants avec leur sebkha.

Une fois le chantier terminé, les espaces de stockage se transforment et deviennent les ateliers pédagogiques et salles polyvalentes dédiés aux jeunes passionnés des quartiers populaires. (Schéma 1)

Pour qu’ils s’approprient et apprécient la sebkha, il nous était important de les faire participer à la construction du projet. S’approprier les espaces leurs permettraient de l’apprécier, d’y prendre soin et de s’en occuper du début à la fin.

Espace de stockage durant le chantier

Ateliers pédagogiques et salles polyvalentes après le chantier Schéma 1

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Circulation douce Piste cyclable Circulation piétonne Schéma 3

La place est donc le cœur du projet. Puisqu’elle va permettre la création de la façade des tours. C’est une symbiose entre la place et la tour. La tour est indissociable de la place. La place est indissociable de la tour.

Cette place accueille une circulation douce et piétonne. (Schéma 3) En effet, on ajoute qu’à Tunis, le déconfinement pourrait aider le vélo à se faire une place. Depuis la crise sanitaire du covid-19, beaucoup de Tunisiens se sont mis au vélos. L’association Vélorution7 mène une bataille pour défendre ce moyen de transport efficace contre la propagation du virus. Cependant, la capitale Tunisienne manque d’infrastructures adaptées. Néanmoins, dans certains nouveau quartiers de Tunis, des pistes cyclables voient le jour.

Ce n’est pas seulement au niveau de la construction que la tour et la place sont reliées mais aussi dans l’usage. Dans les galeries temporaires de la tour, chaque mois seront affichés les travaux réalisés par les jeunes dans les ateliers d’art. En effet, le parcours entre les ateliers de la place et la tour seront omniprésents tels qu’ils l’avaient déjà été entre les ateliers de poterie et de stockage, durant les constructions.

Ce pourquoi, la piste cyclable tout autour de la sebkha est en effet d’actualité pour une nouvelle Tunisie qui veut s’inscrire dans le monde contemporain d’aujourd’hui.

L’un ne va pas sans l’autre. Le projet est en effet un parcours sous toutes ses formes.

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Vélorution Tunisie est une association née en novembre 2017. Elle promeut le vélo comme transport écologique, citoyen et moderne.

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LES PLACES

LA MATÉRIALITÉ DE LA PLACE

Le sol de la place, son garde corps, la façade des ateliers s’inscrivent dans la continuité matérielle de la tour.

Le mobilier dans les ateliers est également pensé par les habitants. A partir de la brique présente sur site, nous proposons plusieurs typologies de mobilier.

Le sol de la place et sa structure en poteaux poutres sont en bois, tout comme la structure de la tour. Les poteaux sont des éléments du garde corps. Le remplissage des gardes corps des places fait allusion au moucharabieh kanoun de la tour de Hay Hlel et aux gabions de la tour de Sidi Hassine.

On joue sur la hauteur et la largeur afin de diversifier les usages et les fonctions. Certaines sont dédiées aux enfants, d’autres aux adolescents. En effet on retrouve deux types de mobilier. Des tables et des chaises à hauteur commune (75 cm pour la table et 45 cm pour l’assise) et d’autres plus basses adaptées à la culture maghrébine. (Document 1)

Une fois encore, le lien entre la tour et la place est omniprésent.

Les façades des tours, les gardes-corps jusqu’au détail du mobilier, tout est construit par l’habitant. C’est un projet qui se veut proche du peuple.

La façade des ateliers est en brique, tandis que sa structure en demi-cercle est en bois. En effet, il est toujours primordial d’utiliser des ressources locales.

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Document 1 - Réalisation du mobilier à partir d’un module de brique.

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Des roches, des débris de briques, de faïences, des coquillages, mais aussi du plastique, des déchets industriels... Ces artefacts ont été des éléments clés du projet. C’est de là que commence notre histoire. Cette fouille archéologique va nous suivre tout au long du processus. Le projet est fait de petits fragments qui nous ont suivis depuis le début et qui finalement se concrétise, pour donner à la ville de Tunis un nouveau visage, le visage d’une ville qui a su composer avec la

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CONCLUSION

Le diplôme de fin d’étude en architecture est un tournant dans la vie d’étudiant. C’est le début de la fin. C’est le commencement vers la vie réelle, la vie active. Il s’agit également d’un accomplissement personnel.

Le choix de travailler en binôme n’est pas anodin. Un architecte se doit d’être au service de l’humain et ne travaille jamais seul, il est amené tout au long de sa carrière à côtoyer toutes formes de métiers. Durant nos stages, nous avons pu remarquer l’importance du travail en groupe. Travailler à deux est un challenge. Il permet d’apprendre à communiquer, à échanger et surtout à prendre du recul. C’est un avant goût du métier qui nous attend. C’est pour cette raison que nous avons décidé de travailler en binôme. Ce fut une expérience très enrichissante. Ce choix de master «Habiter l’Anthropocène» nous a ouvert les yeux sur le monde actuel, ce monde résolument urbanisé, cette planète qui va mal. Il a suscité une prise de conscience en nous, en tant que futures architectes. La construction d’hier n’est pas la construction d’aujourd’hui ou de demain. Le monde change, évolue, tout comme le métier d’architecte, qui se doit de suivre ce rythme. Étant conscientes des enjeux auxquels nous devons répondre aujourd’hui, il est essentiel de repenser notre manière de concevoir et de construire. C’est plus qu’un choix de master, c’est un choix de vie, qui est en accord avec le monde d’aujourd’hui et la crise sanitaire, sociale et économique que l’on vit actuellement. L’Homme s’éloigne de plus en plus de la nature et empiète sur de nombreux écosystèmes pour développer ses propres activités. La déforestation et l’agriculture intensive qui prend de plus en plus de place, entraînent une rupture de la limite entre le sauvage et le domestique. Et c’est de cette manière que les maladies se transmettent. C’est peut-être le moment de se recentrer sur ce qui est important, essentiel et réellement utile. Le moment de se rapprocher de la nature, qui nous est indispensable et de protéger les écosystèmes terrestres qui nous sont essentiels par la biodiversité que l’on y trouve et par les bienfaits qu’ils apportent à la planète.

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A l’échelle du bassin méditerranéen, les zones humides sont importantes mais sont fortement menacées. Notre projet nous semble alors totalement en accord avec ce que l’on vit aujourd’hui. Ce sont ces oiseaux d’eau qui nous ont interpellés. Ils sont les messagers de cette nature, dont nous sommes dépendants. Car s’ils disparaissent, l’Homme viendrait également à disparaître. Il est alors important de retisser le lien avec la nature et de lui redonner sa place. A Tunis, notre ville natale, nous retrouvons une variété de milieux naturels, dont les zones humides. Celles-ci caractérisent la capitale. Cependant, leur protection n’est pas assurée. Ce pourquoi nous nous sommes intéressées à leur préservation et leur revalorisation. La sebkha Sijoumi, cet écosystème envahit par des habitats informels, a suscité notre curiosité, par le paradoxe qui l’habite. Nous avons d’un côté la beauté de la nature et d’un autre l’empreinte de l’Homme. Nous proposons alors un projet écologique et inclusif qui donne à la ville de Tunis un nouveau visage. Il s’agit de répondre aux besoins des quartiers marginalisés situés à proximité de la zone humide tout en redonnant à la nature sa place en ville. Cela passe alors par trois étapes : Revaloriser, sensibiliser afin de préserver. Revaloriser en offrant aux habitants ayant soif d’apprendre, le moyen de s’évader, d’évoluer et d’apprendre. Revaloriser en faisant de la zone humide un centre d’intérêt pour ces quartiers mais aussi pour le reste de la ville. Leur offrir la possibilité de ne plus être oublié. En les poussant à s’intéresser à cette zone humide, il est également question de les sensibiliser à la beauté et à l’importance de l’environnement dans lequel ils se trouvent. Tout cela dans le but de les pousser à s’approprier ce milieu naturel, à le comprendre et à apprendre à vivre à ses côtés. En participant à la construction du projet, ils apprendront à l’aimer et voudront le conserver, car cette zone humide, la sebkha Sijoumi est le visage de cette zone du Sud-Ouest de Tunis, elle représente ces quartiers marginalisés et pourra plus tard être leur fierté. C’est un projet qui appelle à sauvegarder, à protéger les zones humides et à plus grande échelle les écosystèmes. C’est un projet expérimental à l’échelle du bassin méditerranéen qui met en lumière les avantages de la conservation d’une zone humide urbaine et les valeurs culturelles, pédagogiques et environnementales qu’elle possède.

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BIBLIOGRAPHIE Robert AUZELLE, L’urbanisme et la dimension humaine, Institut français d’architecture, 2000 Yves BENOIT, Le guide des essences de bois, Edition Eyrolles, 2008 Damien CAUDRON, Guillaume FABUREL, Marianne MALEZ et Pascale SIMARD, Vers un urbanisme collaboratif, Fédération nationale des agences d’urbanisme : Alternatives, 2017 CNDB, 180° bois : tour d’horizon de 60 constructions bois, Paris : Comité National pour le Développement du Bois, 2011 Gérard GAUTIER, Recueil d’utilisation du pin d’alep dans la construction et le mobilier, CRPF Provence-Alpres-Côte d’Azur, 2018 Krauel JACOBO, Belvédères : architecture et paysage, Barcelone : Links Books, 2013 Hubert POLGE, Le bois de pin d’Alep, forêt meditéranéenne, XIII, n° 3, 1992 Richard SCOFFIER Frédéric Borel : Fictions, Silvana editoriale, 2019

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Photographie personnelle - Vue depuis Hay Hlel sur le quartier de Sidi Hassine - FĂŠvrier 2020

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Photographie personnelle - Vue depuis Sidi Hassine sur le quartier de Hay Hlel - Octobre 2019

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Voilà que cette histoire dans la ville de Tunis s’achève. Laissant en nous des souvenirs gravés en la mémoire. Cette année fut riche en émotions et a été décisive dans notre manière de penser. Elle nous a forgé tant professionnellement que humainement.

Elle a été déterminante pour nous et a consolidé notre humble conviction que devenir architecte était notre vocation.

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L’ESA ÉDITION SPÉCIALE JUIN 2020

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