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Hommage à Rachel Muyal

Le 28 janvier dernier nous apprenions avec surprise le décès de Rachel Muyal à Tanger. 2019 aura été une année féconde puisque c’est en juillet 2019 que parut le livre de Dominic Rousseau, Rachel Muyal, la mémoire d’une Tangéroise et en février 2019 que fut présenté à Tolède le documentaire de Miguel Angel Nieto Tu Boca en los Cielos (« Que le Ciel t’entende »). Ce documentaire dont l’actrice principale est Rachel Muyal, devrait être projeté, si les circonstances le permettent, lors de la journée judéo-espagnole du festival des cultures juives le 23 juin 2020.

On peut dire que Rachel Muyal fut l’égérie du Tanger culturel et littéraire pendant de longues années, depuis que, en 1970, elle prit la direction de la librairie des Colonnes à Tanger. C’était LA librairie de Tanger par où passaient, ou étaient passés tous les écrivains et personnalités du monde culturel qui se rendaient à Tanger. Tanger, ville internationale, mythique, chérie de tant d’écrivains de toutes les langues et de la beatgeneration.

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Juive tangéroise de souche, Rachel Muyal, sépharade de langue espagnole comme tous les Juifs du nord du Maroc fit de sa librairie un centre de vie culturelle qu’elle anima aussi bien en français que dans les autres langues de Tanger, l’espagnol, l’anglais, l’arabe maghrébin et bien entendu la haketía, le judéo-espagnol du nord du Maroc qu’elle réservait pour l’intimité.

Beaucoup de choses ont été dites sur elle au fil des années dans une ville dans laquelle tout ou presque était rumeurs et fausses vérités, envies et jalousies si fécondes, faux-semblants…

Rachel paraissait immuable comme le temps, toujours présente, souriante et prête à intervenir, comme par un don d’ubiquité.

Pour tous ceux de ma génération qui l’avions connue depuis toujours, Rachel était comme synonyme de Tanger. Il ne pouvait y avoir de manifestation culturelle ou sociale sans sa présence. Et quand elle n’y était pas, c’est qu’elle était en voyage. Comment faisait-elle pour les connaître tous, sembler faire partie de leurs amis proches, savoir tout sur eux, sur tout? C’est en cela que résidait l’art de Rachel avec son regard perçant et son sourire, sa capacité à être le témoin privilégié de tout sans perdre sa privauté. Elle fut une très bonne conteuse, ce qui fit dire qu’elle « aurait pu être une femme seule qui ne fut jamais seule », car elle faisait partie de Tanger comme Tanger était une part d’elle-même.

Elle était née à Tanger en 1933. Je sais que lorsque j’y reviendrai sa silhouette dans certains lieux va me manquer.

Bella Cohen Clougher

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