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Léon Kontente
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Libra Kitap ve Yayıncılık. 2018. ISBN: 978-605-9022-17-0
Sous ce titre, l’auteur présente les résultats d’un travail de recherche considérable réalisé grâce à la connaissance de différentes langues parmi lesquelles il cite le turc ottoman et le turc moderne, même si nombre d’archives écrites dans ces langues ne sont guère accessibles. Certes, la période qu’il couvre, 1774 – 1924, révèle déjà son ambition, mais il va bien au-delà de l’objet qu’il se propose, à savoir l’antisémitisme grec en Asie Mineure et principalement à Smyrne. Son propos est en fait de couvrir tout un pan de l’histoire complexe de la Méditerranée orientale incluant souvent la Grèce et ses îles et bien sûr la côte occidentale de la Turquie qui connut une importante colonisation hellène dès l’antiquité. Cette implantation ancienne, il l’intègre dans un monde rendu complexe par la multiplicité des communautés qui, à l’image des États-Unis, a toujours fait de l’Empire ottoman une sorte de pseudo-melting-pot où chaque population côtoie l’autre sans que pour autant il ne se produise d’osmose effective même s’il est toujours possible de relever certaines influences de la culture dominante sur les cultures « hôtes ». Les plus importantes de ces communautés, dans la zone concernée, étaient turques, juives, arméniennes et levantines.
Si les Grecs orthodoxes sont pour ainsi dire autochtones vu l’ancienneté de leur implantation qui daterait du IXe siècle avant notre ère, les Turcs, musulmans, arrivent à partir du XIIe siècle de l’intérieur de l’Asie où l’on trouve des peuples turcophones jusqu’en Chine. Les Latins, catholiques, s’installent dans le sillage des croisades, notamment de la quatrième en 1204. Cohabitent en outre avec ces groupes majeurs, des Juifs arrivés au XVIe siècle et des Arméniens qui ont immigré un siècle plus tard.
Même si l’on peut parler d’une « cohabitation apaisée », il existe entre ces diverses communautés des tensions qui peuvent parfois dégénérer en conflits sanglants, conflits qu’entretient par ailleurs l’interventionnisme étranger dans la politique de l’Empire ottoman. Les Russes, les Français, les Anglais, voire les Italiens, entre autres, agissent ici selon leurs intérêts du moment et en fonction d’alliances variables. Les Juifs vivent en assez bons termes avec le pouvoir ottoman. Il n’en est pas de même des minorités chrétiennes, notamment de la minorité grecque orthodoxe qui reste suspecte, et bien souvent à juste titre, de sympathie pour et de collaboration avec le petit royaume de Grèce déclaré état indépendant en 1830, à la suite du protocole de Londres. Après avoir dressé ainsi la carte démographique de Smyrne et de sa région, Leon Kontente, nous décrit les différentes phases d’une histoire ottomane très agitée qui influent considérablement sur les rapports intercommunautaires.
Après avoir été grecque jusqu’au XIe siècle, cette côte occidentale de l’Asie Mineure passera sous la domination de tribus turciques, avec la prise de Constantinople au XVe siècle et l’instauration de l’Empire ottoman. L’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 constitue évidemment un évènement important dans l’histoire de l’Égée orientale, puisque nombre d’entre eux seront accueillis par le sultan Bayezid et pourront même jouir de droits plus étendus que les Grecs. D’autres évènements non moins importants modifieront au
Le quartier grec de Smyrne avec au premier plan l'Eglise Saint Georges. Circa 1885. Sebah & Joaillier.
Collection Pierre de Gigord. Getty Research Institute.
cours des siècles les conditions de vie de chacune des communautés: la guerre turco-vénitienne au XVIIe siècle; le sabbataïsme; le séisme de 1688 qui détruit entièrement Smyrne ; les guerres russoturques au XVIIIe siècle ; l’insurrection grecque de 1821 ; l’impérialisme russe au XIXe siècle ; la montée en force du mouvement des Jeunes Turcs en 1909 et l’instauration d’une République laïque en 1923 par Mustapha Kemal. Il faut noter que les Juifs smyrniotes, à la différence des autres communautés de la ville, durant tous ces bouleversements, restent majoritairement solidaires du pouvoir en place.
C’est dans le cadre de cette histoire troublée que Leon Kontente nous expose les relations tout aussi chaotiques des communautés juives et grecques. « En réalisant l’étude de l’histoire de Smyrne j’ai réalisé que l’animosité entre Grecs et Juifs en Asie Mineure, connue de tous, avait des racines profondes et que le rejet, voire la haine de l’autre était ancré dans le subconscient des communautés en question. Cette incompréhension réciproque n’est pas un cas propre à Smyrne: elle a existé dans toutes les villes ottomanes ayant d’importantes communautés grecques et juives, comme Salonique, Monastir, Magnésie ou Andrinople ». Non seulement la religion peut opposer Grecs et Juifs mais « dans le domaine économique, les intérêts divergents des différentes communautés exacerbent les passions ». Cette constatation doit nous permettre d’analyser les faits de religion, à savoir les accusations récurrentes de meurtres rituels, non seulement à la lumière des croyances religieuses, mais aussi des intérêts économiques
et de nous poser la question suivante : « L’accusation de meurtre rituel auquel le petit peuple grec croyait fermement malgré toute son absurdité, ne servait-elle pas l’intérêt d’acteurs économiques? » En effet Grecs et Juifs se trouvaient souvent en concurrence dans le monde égéen et la mise à mal de la communauté juive smyrniote sous le prétexte fallacieux de l’enlèvement et du sacrifice d’un enfant grec pouvait l’affaiblir à plus ou moins long terme.
Le chapitre du meurtre rituel est d’une importance primordiale, car traiter de l’antisémitisme religieux c’est tenter de saisir l’incompatibilité et la contradiction entre la foi et la faculté de raisonner. La religion possède toujours dans le monde orthodoxe une position centrale et la période des Pâques était encore récemment l’occasion de manifester son ressentiment vis-àvis des prétendus responsables de la crucifixion. Nous pouvons parler d’un « traumatisme pascal » chez le croyant grec, impliquant des manifestations de deuil durant lesquelles la haine manifestée à cette époque de l’année – qu’il s’agisse de la Pâque juive ou des Pâques orthodoxes – toute irrationnelle qu’elle puisse nous paraître, vingt siècles après les évènements supposés, trouve son explication : elle est bien cette expression de la foi comme acte du cœur, profondément enracinée parmi les petites gens, refusant d’obéir à toute logique et réfractaire à tout acte de réflexion. L’exacerbation des sentiments religieux et antisémites intimement liés est parfaitement analysée par l’écrivain crétois Nikos Kazantzakis dans son roman La Liberté ou la Mort qui se déroule dans une Crète ensanglantée par les soulèvements contre l’occupant turc de la fin du XIXe siècle.
C’est en gardant continuellement présent cela à l’esprit qu’il faut comprendre les cas d’accusation de meurtre rituel qu’énumère Leon Kontente. Il convient de préciser, pour ajouter à l’absurdité de la chose, que cette accusation reposait sur la croyance populaire selon laquelle, pour leur Pâque, les Juifs enlevaient un enfant chrétien pour en recueillir le sang et en faire leur pain azyme… Et par quel moyen? En l’enfermant dans un tonneau garni de clous que l’on roulait pour extraire le plus possible du précieux ingrédient. Ainsi que le précise l’auteur, la première accusation n’est pas orthodoxe, mais se produit en 1144 à Norwich en Angleterre. Mais alors que ces calomnies disparaissent progressivement en Europe occidentale, elles apparaissent au XVIIIe siècle dans l’Empire ottoman, véhiculées par des Grecs. La première de ces calomnies qui a lieu en 1774 s’avère être le premier acte antisémite à Smyrne. Le même scénario se reproduit en avril 1864. Un enfant grec disparaît. Quoique son corps soit retrouvé dans le puits d’une maison grecque cela ne calme pas les esprits. Les Juifs, à l’approche de Pâques doivent éviter de pénétrer dans le quartier grec ou dans des villages à majorité grecque. En 1872 une telle calomnie va provoquer de violentes émeutes antisémites. Les Grecs armés de couteaux marchent sur le quartier juif, tuent plusieurs personnes, mettent le feu à une soixantaine de maisons et des commerces. Le Vali ordonne la formation d’un cordon de police autour du quartier juif. Les incidents se propagent à l’intérieur du pays. Les Juifs doivent se réfugier dans des maisons turques pour sauver leur vie. Ces incidents se poursuivront dans la région de 1883 à 1898. Alors que Smyrne entre dans le XXe siècle, le 22 mars 1901 à l’approche de la Pâque juive un jeune Grec de dix-sept ans disparaît. Environ 10 000 Grecs après s’être rassemblés autour de la cathédrale Aghia Photini où les meneurs sonnent le tocsin, marchent sur le quartier juif. Quarantedeux personnes sont arrêtées. Si les débordements ont été contenus à Smyrne, toutes les villes de la région se sont embrasées. Le 13 juillet 1901 s’ouvre le procès dit des « sonneurs de tocsin ». L’avocat turc des accusés, Tevfik Nevzat, tente, dans sa longue plaidoirie, d’expliquer ces incidents par la naissance de l’antisémitisme moderne en Europe. Le Code pénal turc ne prévoyant pas ce genre d’évènement à caractère raciste, les accusés furent essentiellement jugés pour troubles à l’ordre
public ce qui occulta la vraie raison de ce procès. Treize des inculpés sont condamnés à sept mois et demi de prison et les autres sont relaxés.
Il est utile de rappeler que ce phénomène qui touche Smyrne et son hinterland est répandu dans tout l’Empire. Dans le monde grec proprement dit, pas moins de 34 cas sont recensés entre 1840 (à Rhodes) et 1932 (le dernier, à Kavala), le plus important étant assurément celui de Corfou en 1891 qui donna lieu à un véritable pogrom lors duquel les communautés orthodoxes et catholiques, habituellement à couteaux tirés, trouvèrent enfin un terrain d’entente selon l’adage qui veut que l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Le cas de Corfou, île de culture italienne, est particulièrement représentatif de l’absurdité de ces croyances populaires. Nous savons en effet que la victime, Rubina Sarda, n’était pas chrétienne, mais juive et que toute l’affaire s’explique par un sombre commerce pédophile.
D’autres prétextes sous-tendent l’animosité grecque à l’égard des Juifs de Smyrne, souvent jugés comme responsables des épidémies ou des incendies. À ce sujet il serait intéressant d’établir un parallèle entre Smyrne et Salonique, capitale de la Macédoine et ville « convoitée », digression qui dépasserait le cadre de cette recension.
Après l’occupation par la Grèce, de 1919 à 1922, de Smyrne et de son territoire, peuplés de 950 000 habitants dont 550 000 Grecs et 80 000 Juifs et au lendemain de la déroute des armées du petit royaume face à celles de Mustapha Kemal, la région va se vider presque totalement de sa population grecque. Cet épisode qui entraînera la mise en jugement de 8 membres de l’armée et du gouvernement dont 6 seront condamnés à mort et fusillés, restera connue sous le nom de « catastrophe d’Asie Mineure ». La communauté juive qui dans plusieurs domaines se substitue aux Arméniens et aux Grecs ne devrait plus avoir à craindre la concurrence et le ressentiment de l’élément orthodoxe. Et pourtant, la Turquie, devenue une République, évolue politiquement et idéologiquement durant les années suivant la conférence de Lausanne de 1922-1923. Elle se tournera progressivement vers l’Allemagne hitlérienne. Les hauts fonctionnaires et la presse manifestent clairement leur soutien au nouveau régime nazi. Des mouvements antisémites se développent en Turquie, accusant les Juifs d’être un danger pour la nation. Le nationalisme turc exacerbé engage une campagne intitulée Vatandaş Türkçe Konuş ! « Citoyen parle turc ! ». Parler judéo-espagnol en public est passible de sanctions. En 1958, la calomnie de meurtre rituel est à nouveau lancée par un journaliste antisémite, Cevat Rifat Atilhan, qui prétend que les Juifs ont toujours sacrifié un enfant musulman selon le procédé du tonneau à clous.
Mais il y a déjà bien des années que cette communauté a émigré en masse aux quatre coins du monde en emportant avec elle sa culture ancestrale, sa langue et ses traditions cultuelles.
Bernard Pierron
Las komidas de las nonas
KOFTES ABAFADAS
BOULETTES DE VIANDE À L’ÉTOUFFÉE
Oy es una resefta de los Istamboulis, ke topi en el livro de Deniz Alphan (ke ize muy bueno de merkarlo este enverano). Es una muy buena koza de kozer la karne molida de esta manera, me plaziyo muy muncho. Es una komida ke se kome kon arroz o patatas eskaldadas o fritas… humm… Espero ke vos va plazer.
Ingredientes
– ½ kg karne molida – 2-3 revanadas de pan viejo – una sevoya – sal,pimienta – alzete para freir
Preparamiyento
Mesklar la karne molida, la miga de las revanadas de pan, mojadas i esprimidas, sal, pimienta i la sevoya rayida kon un poko de alzete. Masar muy bueno Tomar pedasikos de karne i dar forma de kofte En un paylon meter las koftes, echar un poko de alzete enriva i adjustar agua ( de manera a ver enriva de las koftes) Kozer fina ke buyi la agua, abashar el fuego. Kozer las koftes kon un ‘kapak’ – en turco (couvercle en fransez) – Aboltar las koftes de vez en kuando.
Note de la rédaction Cette recette connaît de nombreuses variantes régionales. Parmi les ingrédients que l’on peut ajouter citons le cumin, la coriandre, l’origan, la menthe, l’ail, le persil, la pistache, la carotte, le romarin, la cannelle, les raisins de Corinthe, l’aneth. Recette publiée sur le blog de Sarah Izikli http://savoresdesiempre.blogspot.com
Aujourd’hui je vous propose une recette stambouliote que j’ai trouvé dans le livre de Deniz Alphan (que j’ai très bien fait d’acheter cet été). C’est une très bonne façon de cuire la viande hachée qui me plaît beaucoup. Ce plat se mange avec du riz, des pommes de terre bouillies ou frites… humm… j’espère que cela vous plaira.
Ingrédients pour la pâte – ½ kg de viande hachée – 2 ou 3 tranches de pain sec – un oignon – du sel et du poivre – de l’huile de cuisson Préparation Mélanger la viande hachée, la mie de pain mouillée et essorée, le sel, le poivre et l’oignon râpé avec un peu d’huile. Bien malaxer. Prendre de petits morceaux de viande et leur donner la forme de kofte Placer les koftes dans une poêle, ajouter un peu d’huile dessus et ajouter l’eau (de manière à toujours voir en haut des koftes). Porter à ébullition, puis diminuer le feu. Cuire en couvrant la poêle d’un couvercle. Retourner les koftes de temps à autre.
Directrice de la publication Jenny Laneurie Fresco Rédacteur en chef François Azar Ont participé à ce numéro Guy Albala, François Azar, Jenny Laneurie Fresco, Bernard Pierron, Martine Swyer. Conception graphique Sophie Blum Image de couverture Jeanne et Guy Albala. Casablanca. 1944. Photo Fabian.
Impression Caen Repro Parc Athéna 8, rue Ferdinand Buisson 14280 Saint-Contest
ISSN 2259-3225
Abonnement (France et étranger) 1 an, 4 numéros: 40 €
Siège social et administratif MVAC 5, rue Perrée 75003 Paris akiestamos.aals@yahoo.fr Tel: 0698521515 www.sefaradinfo.org www.lalettresepharade.fr Association Loi 1901 sans but lucratif n° CNIL 617630 Siret 48260473300048 Janvier 2022 Tirage: 950 exemplaires Numéro CPPAP: 0324G93677
Aki Estamos – Les Amis de la Lettre Sépharade remercie ses donateurs et les institutions suivantes de leur soutien