Perret Alex, mémoire Master 2
IMAGES RADICALES
La représentation du projet d’architecture, de L’OMA à BIG.
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Groupe 9999, Salvataggio di Venezia, 1971 Rouillard, Dominique 2004 «SUPERARCHITECTURE, le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris.
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Rem Koolhaas-OMA, La Tabula Rasa Revisité, Mission grand axe la Défense, 1991 («S,M,L,XL»)
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BIG, Photographie, 8 Stallet, Copenhague, 2009
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INTRODUCTION.
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Questionnement et limites. Hypothèses. Problématique. Méthodologie.
RAPPEL HISTORIQUE _ LES RADICAUX.
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Contexte historique. État de l’Art. Qui sont les Radicaux? Quels concepts manipulent ils? Impact sur la représentation du projet. Conclusion et Méthodologie.
KOOLHAAS _ REPRÉSENTER LA BIGNESS.
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Koolhaas, héritage radical. La Bigness, la continuité du projet radical. Les projets pionniers. La Bigness et sa représentation.
BIG _ UTOPIE PRAGMATIQUE.
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Bjark Ingels, Baby-Koolhaas. L’Utopie Pragmatique? Projets représentatifs. Image Radicale.
CONCLUSION_
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BIBLIOGRAPHIE_
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RESSOURCES INTERNET_
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TABLE DES ILLUSTRATIONS_
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ANNEXES_
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RÉSUMÉ. Les architectes Radicaux et particulièrement les deux groupes florentins d’Archizoom et de Superstudio ont animé la fin des années 60 et le début des année 70. En proposant des projets décrivant une réalité dystopiques leur travail à fortement participé à la remise en cause du mouvement moderne. Ce mouvement a influencé de nombreux architecte aujourd’hui majeurs comme Rem Koolhaas, étudiant durant ces années d’intense créativité. Rem Koolhaas s’est servi des explorations des radicaux pour bâtir sa théorie de la “Bigness“. Elle est le prolongement des études menées par les groupes florentins sur la grande échelle. Ensuite, la génération suivante, comme Bjark Ingels avec l’agence BIG, formé à l’OMA, puise également dans l’héritage des Radicaux, mais, nous le verrons, de manière différente. L'intérêt que présente cette étude repose sur une idée précise : nous sommes aujourd’hui confrontés à un monde d’images, et il est parfois compliqué (pour un étudiant par exemple) d’avoir une lecture plus cultivée de ces images. Je n’entends pas, bien évidemment, proposer une théorie de l’image en architecture, mais cette étude me semble en mesure de fournir quelques clefs de lecture, permettant de regarder la production architecturale et sa représentation avec un regard plus critique.
Radicals architects, especially the two Florentine groups Archizoom and Superstudio hosted from late 60’s to early 70’s. Working on projects describing a dystopian reality, their work got mostly involved in the questionning of Modern Movement. This movement has influenced many architects as Rem Koolhaas who was a student during these years of intense creativity. Rem Koolhaas has used Radicals research to build his theory called « Bigness » which is the extension of Florentine groups studies based on the large scale. Then, the next generation, like Bjark Ingels (from « BIG » architecture office), who has been trained by OMA, approached Radicals heritage as well, but in a different way. The interest of the study is based on a clear idea : in the architecture field, we have to deal with the world of picture and sometimes, it could be difficult (for a student for example) to get a cultured view from these pictures. I do not mean provide a theory of image in architecture, but this study could be able to provide some keys in order to read and analyse the architectural production and its representation critically.
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INTRODUCTION. Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une première réflexion menée en 2011 lors de mon rapport d’étude de Licence. Celle-ci reposait sur l’influence qu’avait pu avoir le mouvement Radical des années 60 et 70 sur le travail de Rem Koolhaas, particulièrement en terme de méthodologie. Le sujet de mes recherches portait initialement sur l’architecture Radicale et plus précisément, sur les images produites par le groupe Superstudio. Ces images me fascinaient autant qu’elles m’interrogeaient. J’avais alors eu envie dans ce rapport d’étude d’approfondir cette période. Cela m’a permis dans un premier temps de découvrir la base théorique et projectuelle sur laquelle reposaient ces images. Ces recherches m’ont également permis de soulever la question de l’héritage légué par ces architectes. Plusieurs ouvrages consacrés à des rétrospectives sur ce mouvement évoquaient un lien avec le travail de Rem Koolhaas. Dominique Rouillard [ 1 ], enseignante et chercheuse, a beaucoup travaillé sur l’héritage que les architectes actuels tiennent de cette période. Son étude porte particulièrement sur l’exemple de Bernard Tschumi. C’est en parcourant ses travaux que j’ai pu fonder mes recherches. L’architecture radicale s’est inscrite dans un cycle de contestation entamé par les membres du Team X et poursuivi par les Mégastructuralistes comme les membres du groupe Archigram. La génération d’Archizoom et de Superstudio est une génération qui n’a pas construit mais qui en revanche a permis l’ouverture du champ des possibles. Si Rem Koolhaas n’évoque que rarement son lien avec l’Architecture Radicale, on peut néanmoins trouver, dans son rapport à la ville et sa manière d’aborder le projet, de nombreux points communs. Son rapport à ses références est réellement l’élément clé. Koolhaas, c’est indéniable, réutilise des idées générées par l’Architecture Radicale, mais, comme il le fait avec toutes ses références, il les manipule, il les adapte. Rem Koolhaas a fait partie de l’élan radical avec son projet Exodus, mais, à la différence de Superstudio et d’Archizoom, Rem Koolhaas a franchi l’étape de la production. Il s’est servi de cette excitation pour développer, comme on a pu le voir dans ses premiers travaux et particulièrement dans ses projets pour le Parc de la Villette, pour la ville nouvelle de Melun Senart et dans son projet d’extension de la Défense, une nouvelle méthode de projet basée sur des théories qui sont le prolongement de la pensée radicale. Il se détache alors clairement d’une méthode de construction de la ville traditionnelle basée sur la composition. Il propose une approche diagrammatique. Il s’affranchit des questions formelles. Face à la complexité grandissante de la construction des villes, liée avant tout à leur croissance mais également à la multiplicité des acteurs de cette construction, le travail de l’architecte ne repose plus pour lui sur la mise en place d’un ordre, mais plutôt sur la maitrise du chaos.
[1] Dominique Rouillard : Architecte Dplg, docteur en histoire de l’art, Dominique Rouillard est membre fondateur de l’agence d’architecture et d’urbanisme Architecture Action sarl et dirige le LIAT (Laboratoire, Infrastructure, Architecture, Territoire), laboratoire de recherche habilité par le Bureau de la recherche architecturale et urbaine à la Direction de l’architecture (DAPA/ BRAUP). Elle siège à la Commission Nationale des Monuments Historiques et des Sites. Dominique Rouillard est professeur titulaire à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais (ENSAPM), et chargée de cours dans le programme de master AMUR à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Elle a été professeur invité dans différentes universités et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en 2008. Conseiller scientifique de plusieurs expositions du Centre Georges Pompidou (Les années 50, La ville, Archigram), ses recherches portent aujourd’hui sur l’histoire immédiate de l’architecture et des infrastructures contemporaines.
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Questionnement et limites. J’ai pu, dans mon rapport d’étude, me confronter à l’ampleur du sujet que représente l’Architecture Radicale. Je mesure donc la difficulté de traiter une question aussi large, sans un angle d’approche spécifique, qui plus est dans le temps imposé par l’exercice du mémoire. Je souhaitais néanmoins inscrire ce travail dans la continuité, tout du moins, dans le même registre que le précédent. Mon idée principale reposait sur la question de la transmission, de l’héritage. Il m'intéressait de voir, dans la production contemporaine quelles pouvaient être les traces, les vestiges du mouvement Radical? J’ai fait le choix, pour orienter mon travail, de suivre la piste déjà ouverte dans mes précédentes recherche soit principalement celle de Rem Koolhaas. Ensuite pour compléter cette approche j’ai choisi de m'intéresser également à ceux que l’on appelle parfois les «BabyRems» [ 2 ] (cf Annexe). L’OMA est une Agence majeure dans laquelle de nombreux architectes sont passés et son influence est très importante. J’ai choisi plus particulièrement de traiter de l’Agence BIG. Elle me semble être un exemple d’une transformation singulière de l’héritage Radical qu’a pu transmettre Rem Koolhaas.
Hypothèses. Nous le verrons en première partie, les architectes radicaux ont mis en place un système de représentation singulier. Celui-ci a été développé en lien avec leur pratique du projet et il a produit des images extrêmement impactantes qui ont influencé de nombreux architectes. Rem Koolhaas, dans ses premiers projets s’inscrit dans la continuité de ce mode de représentation. Si on peut considérer que Koolhaas s’est servi des idées des radicaux pour construire sa théorie de la Bigness, il s’est également servi de leur manière de représenter le projet. Ce qui m'intéresse dans ce mémoire c’est d’étudier comment ce type de représentation s’est transmis et de comprendre l'évolution du rapport entre cette représentation et le projet. Comment expliquer qu’un mode de représentation utilisé, à l’origine, pour représenter des contre-utopies soit aujourd’hui utilisé pour représenter des projets nettement moins radicaux?
Problématique. Comment Rem Koolhaas, en utilisant les outils des architectes Radicaux, a modifié profondément la manière de représenter le projet d’architecture?
Méthodologie. Il ne s’agit pas, dans cette étude, de faire une description détaillée de tous les éléments graphiques que proposent Koolhaas et ses successeurs qui font référence aux Radicaux. Il s’agira plutôt de choisir des exemples représentatifs, permettant de voir l’évolution de ces éléments. Dans un premier temps je compte revenir sur les Radicaux, afin de mettre en place le socle historique de l’étude et d’esquisser les éléments graphique qui pourraient constituer les échantillons d’étude. Ensuite, il s’agira de clarifier le lien qui est fait entre La théorie de la «Bigness» de Rem Koolhaas et les Radicaux. Cette étape permettra de mettre en avant la proximité des outils graphiques utilisés. Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous verrons comment ces mêmes outils peuvent être utilisés aujourd’hui et dans quelle réflexion ils s’inscrivent. L'intérêt que présente cette étude repose sur une idée précise : nous sommes aujourd’hui confrontés à un monde d’images, et il est parfois compliqué (pour un étudiant par exemple) d’avoir une lecture plus cultivée de ces images. Je n’entends pas, bien évidemment, proposer une théorie de l’image en architecture, mais cette étude me semble en mesure de fournir quelques clefs de lecture, permettant de regarder la production architecturale et sa représentation avec un regard plus critique.
[2] article de Paul Makovsky. le 17 janvier 2011 dans le MétropolisMag. cf Annexes.
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RAPPEL HISTORIQUE _ LES RADICAUX. Contexte historique. 1960 L’Europe, les Etats-Unis et le Japon commencent à dépasser le trauma de la seconde guerre mondiale. Leurs économies respectives repartent et on assiste alors au début du transfert des secteurs secondaires vers le tiers monde. Le climat d’euphorie générale entraîne une hausse de la consommation, le tout aboutissant au développement d’une culture de masse. Transports, électroménager, robotique sont les nouvelles composantes d’un bonheur universel. Face à ces profonds changements, les idées Modernes se trouvent impuissantes face au défi de la ville. Comment faire de la ville avec de l’architecture? Cette période a vu également l’émergence d’une jeune génération, avec elle une culture innovatrice et libertaire mais en complète opposition avec les institutions vieillissantes en place. On voit ainsi apparaître un peu partout des mouvements alternatifs proposant une façon nouvelle d’aborder le projet. On observe alors une émulation portée par une multitude d’acteurs qu’Andréa Branzi, également protagoniste de cette époque avec le collectif Archizoom Associati, voit comme «Ces lointains précurseurs, qui ont été capables les premiers de percevoir les mutations des conditions politiques et urbaines de l’occident et d’y reconnaître une occasion positive d’expérimenter toutes les fractures internes de la culture du projet»[ 3 ] Tout d’abord, entre la fin des années 50 et le début des années 60, apparait une première génération d’architectes qui au lieu de chercher à refaire le monde avec l’architecture, décide plutôt de s’adapter à la société avec notamment Alison et Peter Smithson et les autres membres de ce qu’on appelle le Team X. Ce mouvement bien qu’en rupture avec les CIAM, constitue une inflexion dans le projet moderne et introduit la question relationnelle. L’orphelinat d’Amsterdam, d’Aldo Van Eyck, constitue sans doute l’un des exemples les plus connus de cette époque.
Vue aérienne de l’orphelinat d’Amsterdam - Centre Canadien d’Architecture (CCA).
[3] A.Branzi, 2006 «No-Stop City : Archizoom associati» Ed. bilingue Orléans : HYX, Extrait page 139
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Apparaitront ensuite les Mégastructuralistes, au début des années 60, qui eux veulent réinventer la société grâce à des superstructures. On trouve dans ce mouvement les membres d’Archigramme ainsi que les Métabolistes japonais par exemple. Pour ces architectes, l’architecture est un support sur lequel se fixe l’activité, la vie. Le Fun Palace de Cedric Price, est l’un des projets qui illustre très bien cette mouvance, il est d’ailleurs cité comme référence pour de nombreux projets récents comme par exemple la rénovation du palais de Tokyo par Lacaton et Vassal [4].
photo montage -fun palace- Fond Cédric Price - CCA
État de l’Art.
Les travaux de Dominique Rouillard, et particulièrement son ouvrage «SUPERARCHITECTURE, le futur de l’architecture», constituent une source d’information extrêmement précieuse, d’un point de vue historique et théorique. Cet ouvrage propose en effet une chronologie allant des TeamX aux radicaux et même jusqu'à Rem Koolhaas et Bernard Tschumi. Les recherches de Dominique Rouillard constituaient déjà un appui théorique très important de mon rapport d’études et je l’utilise à nouveau comme cadre pour cette étude. Elle reprend dans son titre, “Superarchitettura“, qui est le nom d’une exposition organisée par un groupe d’étudiants florentins en 1966. cet événement a donné naissance aux deux groupes radicaux les plus connus, ARCHIZOOM ASSOCIATI et SUPERSTUDIO. Elle y associe le sous titre «le futur de l’architecture» [ 5 ] qui est la formule employée par Hans Hollein, un des protagonistes autrichiens du mouvement radical. «SUPERARCHITECTURE, le futur de l’architecture», ROUILLARD Dominique, Ed. de la villette, 2004. paris.
[4] «Le FUN PALACE de Cédric PRICE est la référence et l’enjeu sur lesquels nous nous appuyons. un contenant ouvert et intelligent, qui fabrique la liberté d’usage, la flexibilité, le renouvellement des projets sans conformisme.» LACATON & VASSAL, présentation du projet pour la rénovation du palais de Tokyo sur leur site internet. http://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=20# [5] Hans Hollein utilise cette expression, «Zukunft der Architektur», en Couverture du magazine BAU, en Janvier 1965.
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Qui sont les Radicaux? Andrea Branzi, ancien membre du collectif Archizoom Associati présente, aujourd’hui, le mouvement radical italien et ses aspirations ainsi : «Le projet changeait donc de statut, perdait son unité méthodologique et acceptait l’innovation comme seule raison d’être de la créativité. Pour ces raisons intrinsèques, le mouvement radical refusa toute unité stylistique, tout code formel reconnaissable, pour agir au contraire comme un mouvement qui détruisait en son sein toutes traces de la vieille recherche de certitudes modernes. Pour cette raison, il a toujours été difficile, sinon impossible, de le ranger dans une catégorie critique. [...] Le mouvement «radical» se présentait en effet comme un mouvement qui voulait se libérer de l’architecture, comprise comme une discipline vouée exclusivement à la construction; il s’agit de défendre au contraire une culture de la connaissance, de la critique, de la créativité, dotée de sa propre vision du monde. [...] Le tournant se produisit en effet au moment où les minorités radicales comprirent que le déclin de la modernité rationaliste ne s’explique pas par une question de style ou par la défaillance de méthodes de travail, mais par la crise profonde d’une conception du présent et de l’avenir.» [ 6] La génération, marquant la fin des années 60 et le début des années 70, va incarner un refus de l’architecture telle qu’elle est alors pratiquée. Ils ne veulent ni l’adapter, ni la changer. Ils vont la regarder, la commenter. Ce sont eux qu’on appellera les radicaux. La volonté de rupture est commune à tous, mais cet élan créatif ne peut être considéré comme un style ou encore comme un mouvement proprement dit. James Wines [ 7 ] membre du groupe SITE explique la terminologie d’architecture radicale ainsi: «L’expression ’‘architecture radicale’’ fut souvent utilisée comme une expression passe-partout pour décrire les multiples alternatives à l’architecture orthodoxe qui apparurent à la fin des années 1960, qui se répandirent durant les années 1970 en exerçant une influence considérable, et qui se prolongèrent jusqu’à nos jours».
Ces architectes ont choisi de se consacrer, de différentes manières, au conflit ville, architecture, objet. Gianni Pettena, protagoniste du mouvement radical, propose une classification de ces différentes approches à la biennale de Venise en 1996, à savoir: -Ville sans Architecture. -Architecture sans ville. -Objet,sans ville, sans architecture. -Architecture sans projet. Je m'intéresserai particulièrement aux deux premières catégories, plus en rapport avec mon propos car plus en lien avec la ville et l’architecture. Il faut néanmoins connaître l’existence des deux autres catégories qui elles ont beaucoup influencé le design contemporain. Il s’agira de comprendre quels concepts ils manipulaient. Je détaillerai de manière assez synthétique ces différentes idées principales en m’appuyant sur les deux groupe majeurs, Archizoom et Superstudio, afin de constituer la base qui servira pour l’analyse par la suite.
[6] A.Branzi, Architectures Expérimentales; p33 [7] James Wines - Influencé par Robert Smithson et les artistes du Land Art, il développe son architecture autour de la question du contexte. James Wines a fondé SITE, entreprise de design de l'environnement en 1970. source Wikipedia.
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SUPERARCHITETTURA vers ARCHIZOOM ET SUPERSTUDIO SUPERARCHITETTURA est une exposition organisée en 1966 à Pistoia par un groupe de jeunes architectes de l’école de Florence avec notamment Adolfo Natalini ou Andréa Branzi entre autres. Cette exposition, presque insignifiante, marque le début du mouvement radical italien. Ces jeunes architectes, qui refusent le projet dans la forme qui leur est proposée, vont au lieu de projeter un “futur meilleur“ projeter un “présent atroce“. Leurs références sont outre-Atlantique et, en pleine vague rock, ils voient à travers le pop-art l’ouverture de nouveaux horizons formels. «Dépaysement», «transposition d’échelle», «assemblage», «montage», «décomposition», «répétition», «itération» sont leurs nouveaux processus. Ils ajoutent à ces références une forte attirance envers les fonctionnalistes soviétiques. Mais très rapidement, le groupe va se scinder en deux. L’origine de cette scission repose sur les enseignements qu’ils comptent tirer du Pop-Art. D’une part avec Andrea Branzi qui estime qu’il s’agit du «dépassement définitif du discours fonctionnaliste dans les termes d’une allégorie narrative». D’autre part avec Adolfo Natalini qui pense qu’il s’agit de la «redécouverte du langage machiniste à l’intérieur d’une expérience éclectique et de l’exaltation de la valeur expressive de la forme absolue». Ce clivage entre enjeux formels et adoption d’une position critique vis à vis de la production de l’architecture sera l’élément déclencheur de la séparation en deux groupes: -Archizoom: l’onomatopée zoom clin d’oeil à archigram mais “en plus rapide“. -Superstudio: “super“ pour exprimer un excès de réalité.
«SUPERARCHITETTURA», mars 1967, Motif de l’exposition. Rouillard, Dominique 2004 «SUPERARCHITECTURE,le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris.
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ARCHIZOOM _ NO STOP CITY
ARCHIZOOM, «I terroristi», Février 1968 ; Branzi, Andrea, 2006 «No-Stop City : Archizoom associati» Ed. bilingue Orléans : hYX
Pour les situer, Archizoom Associati se rapproche plutôt de la catégorie Ville sans architecture. Formé en 1966 par quatre architectes: Andrea Branzi, Gilberto Corretti, Paolo Deganello, Massimo Morozzi, ils seront rejoint en 1968 par deux designers: Dario Bartolini et Lucia Bartolini. La réflexion d’Archizoom porte sur le nouveau rôle que doit jouer l’architecture. Ils partent de l’hypothèse où l’architecture est une représentation directe du pouvoir et des divisions sociales. Face à une société changeante, une société de masse, la dimension sociale du projet devient une dimension spatiale. NO-STOP CITY est le projet majeur du collectif. Il s’agit d’une relecture dédramatisée de l’histoire s’adressant à une masse indifférenciée. Archizoom crée une société horizontale remplissant une structure répétitive calquée sur le modèle des grandes surfaces où l’espace est optimisé de manière quantitative et non qualitative. l’espace est tramé à l’infini par les circulations verticales et les programmes techniques. L’architecture est liquéfiée, elle disparait au travers de cette trame. Archizoom s’est beaucoup intéressé au gratte-ciel manhattanien. Pour eux il s’agit véritablement du «diagramme de l’accumulation spontanée du capitalisme sur le sol». Pour eux le gratteciel est le symbole de cette construction quantitative à l’exception qu’un gratte-ciel, s’il peut (hypothétiquement) connaitre une croissance verticale infinie, reste limité par sa parcelle. Archizoom envisage donc l’abolition de ces limites lui permettant de s’étendre dans toutes les directions. Cette réflexion sur le gratte-ciel va se croiser avec une autre réflexion sur l’unité d’habitation. Archizoom voit en l’unité d’habitation la disparition de la correspondance entre la forme architecturale et la fonction. En effet on trouve dans l’unité d’habitation la superposition des composantes traditionnelles de la ville, c’est selon eux la fin de la distinction entre ville et édifice. No-Stop City est le produit de ce croisement : une structure continue englobant des couches monofonctionnelles superposées. Cette structure par son échelle devient une nappe qui se répand indifféremment engloutissant nature et architecture. La métropole constitue alors une nouvelle atmosphère, artificielle, uniforme. Les plans sont saturés par une trame de cages d’ascenseurs assurant à elle seules la liaison entre les couches. Ils multiplient à l’infini les signes de l’architecture jusqu’à les vider de tout sens. Pour Archizoom l’épanouissement personnel n’est possible que si toute trace de culture disparaît, une sorte de laïcité extrême. L’architecture doit s’effacer.
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SUPERSTUDIO _ LE MONUMENT CONTINU
Superstudio, The very First Landscape Office,1971 Rouillard, Dominique, 2004 «SUPERARCHITECTURE,le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris.
Superstudio, contrairement à Archizoom, c’est l’architecture sans ville avec le monument comme solution. Fondé en 1966 par Adolfo Natalini, Cristiano Toraldo di Francia, Allessandro Magris, son frère Roberto Magris et Gian Piero Frassinelli, il seront rejoint par Alessandro Pöli de 1970 à 1972. Leurs projets utilisent des formes simples, monolithiques, presque archaïques. Ils incarnent l'extermination du projet moderne. Le monument continu de Superstudio marque un tournant dans l’histoire des mégastructures. Leur positionnement est singulier par rapport aux réflexions menées dès les années 50 sur ce type de bâtiment. On peut penser au travail des Smithson, de Yona Friedman ou encore aux magnifiques mégastructures de Konrad Wachsmann. Jusque là ces mégastructures se présentaient de manière très expressive et la performance était rendue visible. Elles incarnaient le progrès technique. En utilisant du vitrage réfléchissant le groupe Superstudio va tout simplement enlever à son monument continu toute expression de sa technique, il le décharge de l’image technologique. Seule reste son énormité. Le monument continu maintenant déchargé de toute expression de son contenu ne semble plus être qu’une présence silencieuse, mystérieuse. Kubrick, à travers 2001, l’odyssée de l’espace, a produit une esthétique singulière cultivant une symbolique archaïque. Un monolithe noir, dressé vers le ciel. A la manière du monolithe de Kubrick, le monument continu est une présence muette. Superstudio propose un bâtiment tombé du ciel de manière divine et concentrant tout ce dont la société a besoin. Le Monument continu est un modèle d’urbanisation totale. S’il est continu dans sa construction, le monument continu l’est également par sa forme, répétition infinie du motif de sa grille. Cette réflexion sur le motif aboutit à ce que Superstudio appelle «la théorie de l’effort minimal». Il s’agit de la mise en place d’un procédé permettant selon une grille homogène de créer une surface enveloppante , neutre acceptant indifféremment tout type de programme indépendamment de leur échelle.
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Les radicaux florentins se sont penchés sur le rapport entre Ville et Architecture et entre Architecture et Objet. Leur réflexion se base sur la crise du rapport entre ces catégories dimensionnelles et projectuelles, Small, Medium, Large, qu’ils jugent conflictuelles. Pour eux la complexité interne de chacune de ces catégories est contraire à celle qu’elles contiennent ainsi qu’à celles qui la contiennent. Ainsi pour Archizoom la ville pour exister doit voir l’architecture s’effacer se liquéfier. Pour Superstudio il s’agit par contre de retrouver une sorte de déification de l’architecture, d’un retour à un symbolisme quasi primitif.
Quels concepts manipulent ils? Si ARCHIZOOM et SUPERSTUDIO diffèrent dans la manière dont ils voient le rapport entre la ville et l’architecture, ils emploient néanmoins dans leurs méthodologies des éléments qui font liens. On peut ainsi en détailler quelques uns qui permettent de comprendre le changement qu’ils opèrent par rapport à la pratique de l’architecture de leur époque.
La Rétroguardia Il ne faut pas confondre rétroguardia ou rétro-garde avec l’adjectif rétrograde. Il ne s’agit pas du tout d’une posture passéiste prônant le retour à un état antérieur. Il s’agit plutôt d’un regard vers ce qui a déjà été fait en opposition avec l’avant-garde qui signifiait la prospection, la pensée spéculative. En effet dans le contexte historique, le futur n’est plus associé au progrès, tout est là, tout a déjà été essayé. Pour les deux groupes florentins il s’agit véritablement du rapprochement de la fiction future et du temps présent. Traditionnellement l’utopie littéraire notamment traite de situations dans des temps plus ou moins lointains alors que les dystopies d’Archizoom et Superstudio existent «déjà». Ce regard critique en arrière leur permet de donner une forme explicite à ce qui est déjà là. Le principe même de l’utopie est inversé. Auparavant on projetait l’utopie à partir du réel, il s’agissait de trouver une solution idéale à des problèmes constatés dans le réel. Là le point de départ est la solution (proposée par l’architecture moderne) projetée dans le réel. L’utopie radicale est une condition initiale et non un point final, l’utopie radicale est la base projectuelle. Cette rétroguardia a dans les deux groupes des manifestations différentes. Pour Archizoom, la rétroguardia consiste à se servir des formes et des idées comme d’une matière malléable. Selon Andréa Branzi : «l’histoire devient un puit sans fond de choses qui peuvent être utilisées indépendamment de leur nature idéologique; en fait leur idéologie ‘‘artificielle’’ peut être rafraichie et encore remise en jeu». [8] Ainsi Archizoom pioche dans les formes et les concepts produits par l’architecture moderne qui existent donc déjà, pour construire son «utopie», point de départ pour le projet. Pour Superstudio il s’agit plutôt de répondre à l’idéal moderne, le monument continu est la mise en oeuvre du projet moderne, représenté avec des outils beaucoup plus classiques.
L’Extrêmisation On l’a donc compris, l’utopie ne sert pas aux deux groupes florentins à donner un meilleur modèle, elle leur sert uniquement à fournir une accélération de la réalité pour en donner une meilleure lecture. Agissant comme une loupe pointant les dysfonctionnements. Superstudio, avec le Monument continu, pousse l’idéal moderne à l’extreme. Le mur rideau est mené à sa perfection, à son paroxysme. L’extrêmisation donne également aux deux groupes une immense liberté. Evitant toujours la demi-mesure, l’impact de chacun de leurs projets est énorme. L’extrêmisation pour Archizoom et Superstudio doit être vue comme une accélération de la réalité et non pas comme une accélération dans le sens progressiste comme ont pu l’être les propositions des Futuristes et d’Archigram.
[8] Andréa Branzi dans un article «Il ruolo della retroguardia». Rouillard, Dominique 2004 «SUPERARCHITECTURE,le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris. p12
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L’Élargissement du vocabulaire Si les générations précédentes s’inspiraient du Pop Art dans sa version première, divertissante, hédoniste, image d’une grande fête de la consommation, Archizoom et Superstudio sont plus proches du Pop Art tardif, plus noir, plus névrosés, refusant la composition, et poussant à l’extrême la logique de production industrielle en abusant de manière obsessionnelle de la répétition. Archizoom et Superstudio adoptent ainsi un vocabulaire jusque là étranger à celui du projet d’architecture. On ne parle plus de rénovation, de requalification mais de «lobotomie architecturale». «Paranoïa», «Schizophrénie» et plus globalement, le champ lexical de la folie et celui de la démence viennent décrire le projet. En élargissant ainsi le vocabulaire de l’architecture, Archizoom et Superstudio renforcent l’éloignement du projet par rapport au domaine de la raison et s’affranchissent définitivement du caractère positif de l’architecture moderne, traditionnellement vue comme apportant la santé le bien-être. L’architecture cesse d’être le remède.
Impact sur la représentation du projet. Le simple choix de ne pas construire rend le champ des possibles infini. Archizoom et Superstudio font ce choix mais leurs propositions, aussi extrêmes qu’elles soient, sont toujours intégrées dans une démarche de projet, chacune d’elle est accompagnée, preuve à l’appui, de plans, de photomontages décrivant souvent avec une grande précision leur intervention. Ainsi les deux groupes restent dans la contestation du projet architectural sans jamais tomber comme l’on fait beaucoup de leurs camarades de l’époque dans l’«action artistique», proposant seulement des actions, des happening. Les projets proposés dépassent, par leur échelle, les outils de représentation classique. Il devient in-envisageable de chercher à représenter ces projets dans leur entièreté. Comment représenter ces échelles démesurées? Comment représenter une nappe continue? Les radicaux ont du adapter les outils de représentation du projet pour servir au mieux leurs idées. Pour régler cette question d'échelle les membres de Superstudio utilisent, en l’amplifiant, la méthode “beauxArt“ de représentation du projet. ils produisent ainsi des images régressives et anachroniques qui renforcent le caractère dystopique du projet. On peut y voir une référence aux scènes atmosphériques représentées par Etienne-Louis Boullée par exemple. Ces bâtiments-ville sont représentés dans toute leur monumentalité. L’utilisation de ce type de représentation insiste sur le fait que pour ces jeunes architectes, il ne s’agit pas de réinventer l’architecture ni même de l’adapter. Il s’agit véritablement, en réutilisant ce qui était présenté comme des solutions, de montrer l’horreur que celles-ci pourraient générer. Canaletto peignait des situations idéalisées en rassemblant sur un même tableau des bâtiments venant de lieux différents voir même de bâtiments non construits. Il procédait avant l’heure à des collages. Le groupe Superstudio, se sert ainsi de ce mode de représentation pour peindre des situations cette fois ci dramatisées.
Monument destiné aux hommages dus à l'Être Suprême, Etienne-Louis Boullée, 1781-1793 Bibliothèque nationale de France, département estampes et photographie.
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Superstudio, Ville de 2000 tonnes, première ville des Douze cités idéales, perspective, 1971
Canaletto, Capriccio palladiano ,1740 Galerie nationale de Parme.
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La Représentation Diagrammatique Les Diagrammes: Compte tenu de la dimension «infinie» des projets que proposent les radicaux, la question du plan prend une dimension très spéciale. La répétition, l'itération, l’utilisation de motif permet de s’affranchir des questions de composition. Il ne s’agit plus de représenter une organisation qui fixerait un ordre déterminé, un mode de fonctionnement, mais plutôt une configuration possible, un aperçu, qui loin d’être exhaustif nous présente l’étendu des possibles. Archizoom a ainsi produit des diagrammes, qui ne sont que des cadrages sur un endroit localisé, où l’on voit des éléments flottants au milieu d’une trame répétitive. On peut y voir un net recul de l’architecte qui devient simplement le concepteur de la structure.
Archizoom Associati, NO STOP CITY, plan, 1969.
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Avec les histogrammes d’architecture Superstudio illustre plutôt une sorte de dégénérescence. Une forme unique, un carré blanc de 3cm de côté, répétée de manière obsessionnelle qui se répand de manière uniforme à toutes les échelles, de l’objet au monument. De la même manière l’architecture se réduit à un simple cube blanc et c’est sa configuration, son mode d’assemblage qui crée l’objet, le bâtiment.
Superstudio - istogrammi d’architettura, 1969
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Les Maquettes Pour traiter de la grande échelle, et toujours dans le souci de donner à leur projet une réalité presque palpable, Archizoom a également mis en place des maquettes fonctionnant avec des dispositifs de miroir pour représenter cette dimension infinie et l’extrême répétition. Ces maquettes sont de véritables outils optiques qui déconnectent l’observateur de son environnement et le placent en immersion dans le projet.
Archizoom Associati, Projet d’aménagement de l'université de Florence, 1971.
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Archizoom Associati, No-Stop City, Interior Landscape 1969
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La dimension narrative La dimension narrative est un aspect également très important. Cette dimension narrative intervient chronologiquement sous plusieurs formes. On doit dans un premier temps considérer la narration comme acte premier du projet. Pour Superstudio, lorsqu’il propose les Douze cités idéales ( cf détail en Annexes), le projet n’a pour seule représentation qu’une perspective et un descriptif du fonctionnement de chacune de ces villes. On voit ensuite dans leur travail sur le monument continu la mise en scène de ce monolithe, représenté dans sa confrontation avec le réel, la nature, la ville telle qu’elle avait existé, et l’Homme.
Superstudio, Il monumento continuo, «Coke town Revisitied» 1969
Superstudio, Il monumento continuo, 1969
Superstudio, Il monumento continuo, 1969
Ensuite il s’agit pour Archizoom et Superstudio de représenter les situations générées par le projet. Comme pour la question des diagrammes, la narration est une manière de présenter le projet dans le détail de son utilisation, dans sa dimension presque quotidienne. Pour Archizoom comme on peut le voir sur les maquettes présentées précédemment, la structure qui concentre au final l’essentiel de la production matérielle de l’architecte disparait derrière les objets, les traces de la vie qui l’occupent. Lorsque superstudio propose les «Actes fondamentaux», l’architecture, dans sa sophistication, se dé-matérialise au point de devenir une surface, concentrant l’essentiel des fonctions nécessaires à la vie. L’architecture est un dispositif neutre sur lequel toute occupation par un groupe ou un individu devient possible. La représentation de cet espace implique sa mise en situation. La dimension matérielle disparaissant, l’essentiel du projet réside alors dans sa capacité à générer du social, une histoire. Les photomontages proposés par Superstudio restent sans doute la part de leurs travaux la plus connue.
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Superstudio, Supersurface,1972
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Conclusion et Méthodologie. Cette partie avait pour but de dresser un bref inventaire des outils de représentation mis en oeuvres par Archizoom et Superstudio pour leurs projets, ainsi qu’un cadre théorique qui permette la compréhension de ces différents outils dans leur cohérence avec le projet. Plusieurs éléments mis en valeur dans cette partie seront repris dans la suite. Tout d’abord nous verrons comment Rem Koolhaas s’est dans un premier temps inscrit dans la continuité des projets radicaux, puis comment il a transformé leurs outils pour représenter la théorie de la Bigness.
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KOOLHAAS _ REPRÉSENTER LA BIGNESS. Koolhaas, héritage radical. Avant tout journaliste, Rem Koolhaas a d’abord écrit des articles pour le journal hollandais «De Haagse Post». Dans l’entourage artistique du journal on trouve notamment le mouvement artistique nul, le «nulbeweging» qui est la variante hollandaise du «zero movement» allemand et du nouveau réalisme français. La ligne de conduite de ce mouvement se résume ainsi : Rem Koolhaas, image du film A Kind of Architect, réalisé par Markus Heidingsfelder et Min Tesch, 2007
«Ne pas faire la morale, ne pas interpréter la réalité (l’artistiser) mais l’intensifier. Point de départ : accepter de manière intransigeante la réalité... Méthode de travail : isoler, relier. Donc authenticité. Non pas de celui qui fabrique, mais de l’information. L’artiste n’est plus un artiste mais un oeil froid, rationnel.» [ 9 ]
On retrouve déjà chez Koolhaas, avant même son engagement dans l’architecture, un positionnement bien particulier vis-à-vis du regard, le regard en tant qu’outil analytique. Il me parait tout à fait intéressant de mettre cette vision du monde en parallèle avec celle des radicaux exprimée précédemment. Ce qui permettra sans doute à Koolhaas d’approcher l’architecture c’est son profond intérêt pour l’écriture de scénarios. Cette activité lui permettra en effet par la suite d’envisager le projet d’architecture comme l’expression d’une idée littéraire, le projet consiste à raconter une histoire qui épaule la réalisation d’une oeuvre architecturale. On trouvera dans un de ses premiers projets, Exodus, une part considérable du projet reposant sur le scénario. Pour Rem Koolhaas l’architecture radicale sera un réel contexte de formation, comme pour tous les élèves de l’Architecture Association School de Londres. Celle-ci verra notamment passer Daniel Liebskind, Elia Zenghelis, Zaha Hadid ou encore Bernard Tschumi entre autres. Ils auront par exemple comme professeurs plusieurs membres du groupe Archigram. Lors de la publication du «monument continu» en octobre 1969 Rem Koolhaas ira même rencontrer Adolfo Natalini pour le convaincre de venir enrichir la réflexion massivement dirigée par les idées d’Archigram. En 1971 Alvin Boyarsky prend la tête de l’AAS, il organisera des «summer session» qui verront défiler de nombreux protagonistes du mouvement radical italien. P. Deganello d’Archizoom , P. Derossi du groupe Strum, 9999 et A. Natalini de Superstudio seront présents à Londres en 1971. Il y aura également un Archizoom Associati «italian workshop» à la session de 1972. Adolfo Natalini et Cristiano Toraldo Quartieri paralleli per Berlino, 1969 di Francia seront enseignants à l’AAS à partir de1972.
[9] Extrait tiré de la préface écrit par Gabriele Mastrigli. Koolhaas, Rem. 2011 «Junkspace, Repenser radicalement l’espace urbain» textes orignaux : Bigness of the Probleme of Large(1995) The Generic City (1995) Junkspace (2001) trad de l’anglais par Daniel Agacinski Ed. payot & rivages, Paris paragraphe «maximum» p.9.
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La Bigness, la continuité du projet radical. Comme nous l’avons vu les radicaux se sont confrontés au rapport Ville/Architecture. Ils ont dans deux propositions différentes envisagés la grande dimension comme une solution possible pour résoudre ce conflit. Ils ont ainsi du mettre en oeuvre des processus de projet nouveaux et ils ont du par conséquent mettre en place un système de représentation adapté. Koolhaas, dans ses premiers travaux peut être considéré comme acteur du mouvement radical.
EXODUS the voluntary prisoners. En 1972, Rem Koolhaas répond avec Elia Zenghelis au concours lancé par la revue italienne Casabella, alors vecteur des idées des radicaux, sur le thème de «la ville comme environnement signifiant». La réponse proposée par Koolhaas et Zenghelis est présentée sous la forme d’un conte architectural. «Exodus, les prisonniers volontaires de l’architecture» est l’histoire de la séparation de la ville de Londres en deux parties: la bonne, idéal métropolitain, qui tend à maintenir le caractère désirable de sa zone, et la mauvaise, le vieux Londres, érigeant des murs infranchissables pour freiner la fuite de ses habitants vers l’autre coté. La bande est délimitées par deux murailles et se voit découpée en carré suivant un “zoning parfait“».10 Chaque carré correspondant à un des divers moyens chargés d’assurer le divertissement des prisonniers. Ils remporteront le concours et seront ainsi publiés dans la revue. En 1974, Exodus figurera également dans l’ouvrage de P.Navone et B.Orlandoni, Architettura «radicale». On peut voir, à travers Exodus, une méthode d’investigation singulière qui s’inscrit dans la lignée d’Archizoom et Superstudio. Dans leur positionnement Koolhaas et Zenghelis extrêmisent la situation initiale. Partant d’une image de la ville caricaturée : Londres cité sous-développée. Les qualités de la villes sont amplifiées jusqu’à déraison créant ainsi une utopie concentrationnaire. Tout comme l’ont fait leurs prédécesseur italiens, Ils ont rendu Exodus réaliste d’une part par le mode de réalisation (Photomontage) et par l’abondance d’images produites (une vingtaine environ). La thématique du mur continu peut également être rattachée aux travaux d’archizoom et de Superstudio. Exodus reprend le fonctionnement de la ville linéaire de Léonidov ( qui a beaucoup inspiré les radicaux comme Hans hollein ou encore Archigram) et l’enserre entre deux murs desquels partent des «monuments continus», fuyants vers l’horizon, divisant Londres en autant de «quartiers parallèles». Rem Koolhaas et Elia Zenghelis piochent ainsi dans leur boîte à outils, l’Histoire, et procèdent à un collage. Ils utilisent ainsi des formes existantes, pour soutenir une réflexion nouvelle qui leur est propre. Là où Exodus se différencie des projets Radicaux existants c’est dans la mise en place de son scénario. Les habitants de Londres quittent leur cité archaïque pour se constituer prisonniers dans l’idéal métropolitain sanctuarisé derrière les murs. Pourquoi seulement certains choisissent de vivre du bon coté? Rem Koolhaas quittera Londres pour New York où cette question participera à sa réflexion sur Manhattan à travers son ouvrage «Delirius New York» publié en 1978.
[10] Dominique Rouillard décrit ce zoning dans le livre «La Ville» dans la partie consacré à «Exodus». -1- La condition de l'extrémité, où, «au jour le jour», la bande progresse par excavation des tranchées planifiées; -2- Les lots individuels pour équilibrer le collectivisme et le mode de vie communautaire intense.; -3- Le carré cérémonial pavé de marbre; -4- L’aire de réception, qui donne vue sur la décrépitude du vieux Londres et des manifestations splendides de la bande; -5- le Londres de John Nash préservé et et accessible en contrebas par escalator; -6- Les Bains; -7- Le parc de l’air, de l’eau, du feu et de la terre; -8- Le carré de culture (British Museum); -9- L’université; -10- le complexe de recherches scientifiques; -... dir. Jean Dethier; Alain Guiheux. 1994 «La Ville : art et architecture en Europe 1870-1993.»[EXPOSITION] Catalogue ED. Centre pompidou, paris p.437
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Rem Koolhaas et Elia Zenghelis Madelon Viesendorp et Zoé Zenghelis , Exodus, «the Voluntary prisoners»,1972
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DELIRIUS NEW YORK. «a retroactive manifesto for manhattan». Lors de sa sortie en 1978 «Delirius New York» est vu par la critique comme l’émergence d’une pensée inédite qui se référerait plus au modernisme (Le Corbusier, W.harrisson) qu’à sa fin et ce de manière déculpabilisée. Plusieurs éléments permettent de prolonger le lien qu’entretient Koolhaas avec les radicaux. C’est dans «Delirius New York» qu’on peut commencer à entrevoir ce qui sera plus tard la théorie de la Bigness. Le gratte-ciel Le gratte-ciel est un des objets architecturaux cité comme référence par le groupe Archizoom. L’étude du gratte-ciel manhattanien a participé à la genèse du projet phare du groupe, No Stop City. L’étude de Koolhaas s’inscrit donc dans le prolongement de cette dernière. La neutralité Rem Koolhaas s’intéresse également dans «New York délire» à la trame de Manhattan. Selon lui ce sont les projections collectives du «Vieux Monde» qui empêchent de voir l’innovation possible. Ce qui rend l’innovation possible à Manhattan c’est sa trame, égalitaire, abstraite. La neutralité rend possible la projection. Cette idée que la neutralité est nécessaire rejoint le propos de la No Stop City. La répétition fait de l’architecture une présence invisible. La ville du globe captif La ville du globe captif représente une ville composée d’une trame, la même que Manhattan. «la ville du globe captif est un lieu tout entier consacré à la conception et à la maturation artificielle des théories, interprétations, constructions mentales et propositions, ainsi qu’à leur mise en application dans le monde». Koolhaas place sur des socles de granit tous identiques, des exemples d’architecture emblématiques. Parmi ces exemples on trouve les “immeubles en croix“ de Le Corbusier mais également les “histogrammes d’architecture" de Superstudio.
Rem Koolhaas, Couveture de New York Délire, Aquarelle de Madelon Viesendorp.1978
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Les projets pionniers. Plusieurs projets, réalisés pour certains, illustrent bien la construction de la théorie de la Bigness. Ils sont en quelque sorte la version expérimentale.
Le port de Zeebrugge, Belgique, 1989: Il s’agit du projet pour un terminal. L’objectif est pour l’OMA de donner à ce terminal un caractère attractif. Ce projet coïncide avec la construction du tunnel sous la manche, l’enjeu est donc, pour l’armateur, de garantir la viabilité de son activité. Aussi cette édifice est pensé comme un symbole métropolitain. Cette notion métropolitaine, il la porte notamment dans la diversité programmatique: un Hôtel, un casino, un centre de conférences, une place intérieure publique, ainsi que tous les programmes liés aux transports. Tant par son programme, orienté vers l’entertainement, que par sa situation géographique, ce projet est l'idéal métropolitain que décrit Koolhaas dans son bloc sur Coney Island dans “New York Délire“. L’ambition de l’OMA, à travers ce projet est de recréer un système urbain dans l’enveloppe de ce terminal. Dans la présentation que fait Rem Koolhaas du projet dans l’ouvrage S,M,L,XL, il parle de «Working Babel». la «Working Babel», nous dit il, se pose en rupture. La tour de Babel originale, devenue une référence quasi transhistorique, reste un symbole d’ambition, de Chaos, et au final de défaite ultime. Cette nouvelle Babel, la Babel qui fonctionne, est «une machine» absorbant sans effort la gestion et l’entertainement des voyageurs en masse. «How to inject a new ‘‘sign’’ into a lanscape that - through scale and atmosphere alone - renders any object both arbitrary and inevitable?» «Comment injecter dans un paysage un nouveau ‘‘signe’’ qui - par son échelle et son atmosphère seules - rend un objet à la fois arbitraire et inévitable? S,M,L,XL p582.
Rem Koolhaas, Concours pour le Terminal de Zeebrugge. «s,m,l,xl»,p588-589.
D’un point de vue organisationnel (superposition), programmatique (diversité de programme) et par sa morphologie (une demi-sphère sur un cône), cet édifice semble présenter ce qui deviendra la théorie de la Bigness. Seule la façade et sa composition relativement fonctionnaliste peut être vue comme le seul écart de Koolhaas vis a vis de sa future théorie. Il est également très intéressant de voir comment, l’OMA et Ove ARUP envisageaient une éventuelle construction. Ils opposaient en effet deux scénarios. Le premier, consistait à avoir une construction basée sur eRE12 - 2012/2013 - Directrice de Mémoire: Estelle Demilly 29
l'assemblage d’éléments préfabriqués, aboutissant à l’émergence rapide d’un objet plutôt immatériel. Le second en revanche reposait sur le travail sur le site, sur la main d’oeuvre, sur l’évolution lente, quasi imperceptible du chantier. L’édifice prend alors un aspect beaucoup plus «authentique». On peut dans cette matérialisation du projet voir l’étape que franchi Koolhaas par rapport aux radicaux. La mise en oeuvre du projet ainsi scénographiée, devient l’étape ultime de la construction de ce symbole, de ce «landmark» (repère).
La Très Grande Bibliothèque, Paris 1989. À travers le projet pour la Très Grande Bibliothèque (TGB) à Paris, Rem Koolhaas dit avoir pour ambition de débarrasser l’architecture des responsabilités qu’elle ne peut plus tenir et d’explorer au contraire ses nouvelles libertés. Lorsqu’il parle de responsabilités, Koolhaas parle de l’ «obligation formelle». Selon lui le dernier rôle de l’architecte serait la création «d’espaces symboliques répondants au désir persistant de collectivité». Cette vision est en effet extrêmement claire dans ce projet. La TGB est conçue en effet comme un bloc excavé. Les parties pleines sont constituées par le programmes et les vides, les void, constituent les espaces publiques majeurs. La manière de représenter le projet illustre très bien le positionnement qu’adopte Koolhaas. Les documents graphiques, tant les maquettes que les plans, détaillent exclusivement le travail des vides, limitant le dessin des éléments de programme à de simples appâts, ceux-ci disparaissent même sur les maquettes. Alors que le plan carré communique une grande rationalité, la géométrie des vides semble elle constituer un véritable atlas de formes irrégulières. On peut voir là, la volonté de l’OMA de caricaturer ce qui pour Koolhaas représente la part de l’architecte dans le projet. Toute son attention semble en effet se détourner des éléments du programme pour se focaliser sur les éléments constituant le vide. La question de la façade n’est d’ailleurs pas abordée, elle n’est qu’une résultante de la rencontre des vides avec le cube de l'enveloppe.
Rem KOOLHAAS, Concours pour la Bibliothèque nationale de France, Paris. «s,m,l,xl»,p604-605.
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Congrexpo, Lille 1994. Construit après le projet d’Euralille, Congrexpo constitue une illustration de la Bigness. Constitué de 45500m2 au total, Congrexpo rassemble plusieurs entités : un Zénith, une Halle de Congrès et une Halle d’expositions ainsi que les nombreuses places de stationnement nécessaires à son fonctionnement. Le principe d’organisation est extrêmement diagrammatique comme en témoignent les différents outils de représentation.
Congrexpo, Coupe longitudnale, OMA 1994.
Les trois éléments de programmes sont juxtaposés et séparés de manière extrêmement minimale. Les espaces peuvent ainsi être mis en commun et permettre l’utilisation de l’édifice dans son entièreté. D'après la description qu’en fait l’OMA, Congrexpo est «scandalously simple», (scandaleusement simple) . L’image du bâtiment est une résultante, elle illustre la multiplicité programmatique.
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La Bigness et sa représentation. BIGNESS, OR THE PROBLEME OF LARGE On peut voir les projets évoqués précédemment comme la mise en place par Koolhaas de sa théorie, La BIGNESS. Rem Koolhaas la publiera, ainsi que d’autres essais, à travers son ouvrage S,M,L,XL sorti en 1995. Cette théorie s'inscrit dans la suite du conflit d’échelle soulevé par les radicaux et particulièrement sur ce que Koolhaas appelle le XL. Les grands Bâtiments. Cette théorie est souvent mal comprise et réduite à sa seule phrase de fin, «fuck the context». La thèse de Koolhaas est en effet plus fine et plus précise que cette simple phrase choc de fin de manifeste. Présentée en 5 points, sa théorie se propose de comprendre les enjeux de la très grande échelle. Pour condenser une peu, pour Koolhaas, à partir d’une certaine échelle, le bâtiment devient si grand qu’il ne devient plus possible de le penser de manière traditionnelle, les différentes parties qui le composent, acquièrent une certaine autonomie. Il ne s’agit pas d’une fragmentation mais de la constitution d’un tout. Ensuite la mécanisation, l'ascenseur, permettant de passer quasiment instantanément d’un niveau à un autre, abolit les questions classiques de compositions entre les étages. Enfin la distance entre l'intérieur et l'enveloppe est devenue telle qu’il ne devient plus possible de les considérer liés. L'intérieur étant livré à ce que Koolhaas appelle l’instabilité programmatique, et l’enveloppe se devant d’offrir à la ville «l’apparente stabilité d’un objet» [ 11 ]
S,M,L,XL, bible de la Bigness En 1995, Rem Koolhaas publie donc, avec la collaboration du designer Bruce Mau, l’ouvrage S,M,L,XL. Il s’agit là d’un ouvrage majeur, tant par sa qualité d’objet que par son contenu. Son titre fait directement référence à son contenu et on peut également noter le parallèle avec la Radical Note n°9 d’Andréa Branzi, Picollo, Medio, Grande ( Small, Medium, Large).[ 12 ] Parfois décrit comme 2,7kg d’architecture, S,M,L,XL tient plutôt du dictionnaire que du format poche. On peut au premier abord le voir comme un objet présentant des informations de manière quantitative. «à partir d’une certaine échelle, le bâtiment devient si grand qu’il ne devient plus possible de le penser de manière traditionnelle, et les différentes parties qui le composent acquièrent une certaine autonomie. Il ne s’agit pas d’une fragmentation mais de la constitution d’un tout. [...] Dans sa construction même ce livre est une illustration de la Théorie de la Bigness. S,M,L,XL est construit comme pourrait l'être un bâtiment. Directement lié à la question de l’échelle il est organisé en 4 parties autonomes, traitant chacune d’une échelle particulière. On trouve, en introduction, toute une série de statistiques illustrant l’activité de l’OMA. Sont donc représentés : le nombre de salariés, les revenus du bureau ainsi que les dépenses et leur répartition, le chiffre d’affaire ou encore la répartition des salariés dans le monde. Enfin on trouve les statistiques personnelles de Rem Koolhaas avec le nombre de kilomètres parcourus en voyage ou encore le nombre de nuits passées à l'hôtel.
[11] Koolhaas, Rem. 2011 «Junkspace, Repenser radicalement l’espace urbain» textes orignaux: Bigness of the Probleme of Large(1995) The Generic City (1995) Junkspace (2001) trad de l’anglais par Daniel Agacinski Ed. payot & rivages, Paris paragraphe «Théoremes» p.33 [12] Piccolo medio grande dans le magazine Casabella XXXVII 1973. N°379, p12
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Rem KOOLHAAS, «s,m,l,xl»,2éme de couverture.
[...] Ensuite la mécanisation, l'ascenseur, permettant de passer quasiment instantanément d’un niveau a un autre, abolit les questions classique de compositions entre les étages.[...] Le livre s’organise ensuite autour d’une sorte de Glossaire rassemblant, classé dans l’ordre alphabétique, une série de mots ayant un rapport de prêt ou de loin (voire de très loin) avec l’architecture, la ville ou plus largement le mode de vie métropolitain et dont Rem Koolhaas nous donne des définitions singulières. Ce glossaire parcours le livre, indifféremment, parties par parties sans entretenir avec celle ci d’autre lien que celui de la proximité. Ce glossaire constitue l'ascenseur reliant les étages.
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Rem Koolhaas, Glossaire «s,m,l,xl»,p124-125.
[...] Enfin la distance entre l'intérieur et l'enveloppe est devenue telle qu’il ne devient plus possible de les considérer liés. L'intérieur étant livré à ce que Koolhaas appelle l’instabilité programmatique, et l’enveloppe se devant d’offrir à la ville «l’apparente stabilité d’un objet» [ 13] Pour finir sur l’objet, S,M,L,XL se présente de manière extrêmement simple, sa couverture ne dit rien de plus que ce qu’il n’est. Le titre en grosses lettres, les auteurs, l'éditeur. On peut toutefois noter le grain, presque un aspect cuir qui lui donne une plastique agréable et lui confère «l’apparente stabilité d’un objet».
Rem Koolhaas, Couverture de «s,m,l,xl»,1995.
[13] Koolhaas, Rem. 2011 «Junkspace, Repenser radicalement l’espace urbain» textes orignaux: Bigness of the Probleme of Large(1995) The Generic City (1995) Junkspace (2001) trad de l’anglais par Daniel Agacinski Ed. payot & rivages, Paris paragraphe «Théoremes» p.33
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La Représentation Diagrammatique
OMA. Rem Koolhaas, Projet de Concours pour la Bibliothèque Nationale de France (1989), Paris, Plans des différents niveaux, Figure extraite de A+U, Numero spécial (OMA@work. a+u), mai 2000, p253.
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Koolhaas pour représenter la bigness s’est trouvé face au mêmes enjeux que les radicaux vis à vis de l’échelle. Dans les grands bâtiments, dont il est ici question, la prise en compte de l’instabilité programmatique est cruciale. En 1993, juste avant la publication de Bigness, Koolhaas écrit l’article “Typical Plan“. Ce titre fait référence au système de plan des grattes-ciels américains. Plus que la question de “l’étage type“, il évoque la notion d’espace continu. Il s’agit pour Koolhaas du degré 0 de l’architecture, de l’abandon de l’architecture historique. Le “Typical plan“ n’est qu’une combinaison de la forme de la parcelle et des contraintes structurelles produisant un espace continu, autonome, et suffisamment indéterminé pour pouvoir accueillir n’importe quel programme. Lorsque Koolhaas parle des grattes-ciel , il les décrit comme «des «bâtiments mutants» qui n’étaient pas «conçus» (designed) mais «générés (generated), en dupliquant les sites entiers tels que trouvés» [14] . Ainsi le “Typical plan“ est, pour lui, une “condition“ plutôt qu’un “lieu“. Le groupe Archizoom parlait de «condition finale de la civilisation (occidentale)». [15 ] Cette question aura un impact très fort sur la représentation des projets de Rem Koolhaas. Comme pour Archizoom le plan n’est plus un outil de composition, mais un outil de représentation des possibles. Là où Koolhaas se démarque des radicaux c’est sur la question du vide. On l’a vu précédemment, pour Koolhaas, le dernier rôle de l’architecte serait la création «d’espaces symboliques répondants au désir persistant de collectivité». C’est dans le vide qu’il dispose justement ces espaces symboliques. Comme pour les radicaux le travail de l’architecte ne repose plus sur la mise en place d’un ordre, mais plutôt sur la maitrise du chaos. Ainsi, Koolhaas utilise les diagrammes pour représenter la mise en rapport des vides, qui relèvent du travail de l’architecte et des éléments de programme, qui eux relèvent d’une multitude d’acteurs et de normes auxquels il applique le “Typical Plan“ permettant d’accueillir tous types de programmes. La représentation qu’il met en place est en accord avec ce positionnement. Il ne s’agit pas de plan décrivant en détail la mise en oeuvre de chaque espace, mais de diagrammes situant les éléments les uns par rapport aux autres. Cette transformation s'opère également sur les maquettes qui donnent une vision en trois dimensions de ces rapports plein/vide. Ces maquettes sont d’ailleurs parfois représentées en négatif ( le vide est représenté par des objets pleins).
Rem Koolhaas, Concours pour la Bibliothèque nationale de France, Paris. «s,m,l,xl»,p652-653.
[14] OMA : Office for Metropolitan Architecture, «Urban invention : Dutch parliament extension, The Hague. p.50 [15] Rem KOOLHAAS,«s,m,l,xl»,p337.
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BIG _ UTOPIE PRAGMATIQUE. Il s’agira pour moi dans cette partie de mettre en lien l’analyse des éléments de représentation du projet que BIG met en oeuvre, avec la perspective historique qui est le sujet de ce mémoire. Ainsi, comme nous l’avons vu avec koolhaas, quel lien peut on faire entre le travail de l’agence BIG et les radicaux? Au vu de la production construite (ou en cours) de l’agence, il semblerait bien qu’il ne s’agisse pas d’une production de papier. Comment et dans quelle but BIG réutilise des outils des radicaux?
Bjark Ingels, Baby-Koolhaas. Il est important de rappeler la Généalogie de BIG. Bjark Ingels Group est une agence implantée à Copenhague. Apres avoir travaillé à l’OMA à Rotterdam, Bjark Ingels fonde, en 2001, PLOT architects à Copenhague avec Julien De Smedt, rencontré lors de son passage à l’OMA. Enfin Bjark Ingels crée BIG, en 2005. Il a donc été directement formé à l’OMA avec Rem Koolhaas et il a été confronté de l'intérieur à ses méthodes et à ses théories. Bjark Ingels s’est néanmoins affranchi de l’OMA pour cultiver une identité singulière. Personnage charismatique, il maitrise très bien la communication. En quelques années il est devenu un acteur influent de la scène architecturale internationale et a entre autre réalisé le pavillon danois pour l’exposition universelle à Shanghai en 2010.
Pavillon danois à l’Exposition Universelle de Shanghai, BIG, 2010.
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L’Utopie Pragmatique? «L’Utopie Pragmatique : Historiquement, le champ de l’architecture est dominé par deux extrêmes. D’un coté une avant-garde avec des idées riches et folles, souvent détachées de la réalité au point où elles ne dépassent pas le stade de curiosités excentriques. De l’autre des conseillers institutionnels bien organisés qui construisent des cubes de luxe, prévisibles, sans grand intérêt. Or, l’architecture semble être coincée entre deux fronts aussi stériles l’un que l’autre : une utopie naïve et un pragmatisme pétrifié. Plutôt que de choisir l’un ou l’autre, BIG explore la zone fertile à la croisée de ces deux opposés. Une architecture utopique et pragmatique dont l’objectif pratique est d’assurer la création d’espaces idéaux aussi bien au niveau économique, social, qu’écologique».16
En considérant la définition d’une “utopie“ et de celle de l’adjectif “pragmatique“, le concept de l’utopie pragmatique peut paraitre plutôt paradoxal. C’est la définition de ce concept qui m'intéresse de comprendre. Quel compromis est fait pour concilier ces deux notions à priori opposées? Que reste t’il d’utopique après ce passage? « Utopie : Idéal, vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité — Conception ou projet qui paraît irréalisable. » définition tirée du petit Robert. « Pragmatique : Qui est adapté à l’action sur le réel, qui est susceptible d’applications pratiques, qui concernent la vie courante. » définition tirée du petit Robert.
Plusieurs projets illustrent ces questions. J’essayerai donc de comprendre, en étudiant les éléments que nous communique BIG, les moments clés de leurs processus de travail. Il s’agit de trois projets choisis notamment pour leur échelle, plutôt importante, mais également pour leur statut, l’un est en cours de réalisation, les deux autres sont construits. Il ne s’agira pas dans ces trois études d’observer la qualité architecturale de ces projets, mais bien d’analyser la manière dont ils nous sont présentés. Je me concentrerai particulièrement sur l’enchainement et la nature des documents présentés accessibles sur le site internet de l’agence.
[16 ]BIG, 2010. Yes is more : une bande dessinée sur l'évolution architecturale. Ed.Taschen Köln p12.
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Projets représentatifs. Mountain dwelling.
BIG, Mountain Dwelling, Photographie ,2007.
Mountain Dwelling est un projet réalisé en 2007 à Copenhague. Il s’agit d’un programme de 33000m2 constitué d’un tiers par du logements (80 appartements) et de deux tiers de Parking (480 places). Pour ce projet, l’agence BIG propose, en contraste avec l’absence de relief autour de Copenhague, de créer une topographie artificielle en utilisant la surface de parking. Les logements se trouvent ainsi disposés en cascade avec un dénivelé de 10 étages. Cette démarche est décomposées en neuf étapes illustrant pour chacune d’elle l’élément pris en compte et son influence sur la forme. La décomposition diagrammatique permet à BIG de rendre son idée de départ plus efficace en lui donnant une forme d’évidence.
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BIG, Mountain Dwelling, diagrammes, 2007.
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8House.
BIG, 8House, Photographie, 2010.
8House est un bâtiment de 476 logements, construit en 2010, toujours à Copenhague, il rassemble également quelques équipements. Ce projet questionne le mode de vie collectif. Il propose une multitude de typologie s'articulant autour de deux cours.
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BIG, 8House, diagrammes, 2010.
Comme pour le Mountain Dwelling, La 8House est présenté au moyen d’une série de diagrammes. Encore une fois, on retrouve le même type de données : le programme, la parcelle, les circulations et l’ensoleillement. Suivent ensuite une série de Photos qui mettent en scène le bâtiments dans son environnement. On peut ainsi voir ce grand bâtiment sous plusieurs aspects. De manière dramatisée avec un ciel nuageux et menaçant, avec en premier plan une petite fille avec sa peluche, le bâtiment apparaissant comme un refuge. BIG nous propose également une vue à travers un bosquet, qui enlève à la 8House son aspect monumental. Enfin la photo avec la vache que j ai choisi de mettre en préambule de ce mémoire, montre bien comme les images qui nous sont données à voir sont maitrisées et comment l’agence BIG utilise ses références. Il s’agit là d’une citation presque directe d’une photographie présentée par les radicaux, que Koolhaas avait déjà détournée. Dans ce cas précis BIG utilise une vue référencée pour donner à son projet l’image d’un projet utopique, comme le proposaient les radicaux.
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Amagerforbraending.
BIG, Amagerforbraending, Image de synthèse, 2010.
Il s’agit là d’un concours remporté en 2010 pour une centrale d'incinération génératrice de courant, actuellement en construction. Le projet se situe en périphérie de Copenhague, en plein coeur d’une nouvelle zone d’activité et se trouve situé entre des usines d’un coté et des logements de l’autre. L’objectif affiché par BIG pour ce projet est de «lier ces forces opposées ensembles, et de former une identité pour un lieu nouveau à Copenhague»17. Les premières étapes du processus présentées sont plutôt “pragmatiques“. Après une rapide situation du site, on peut en effet observer une série de diagrammes qui nous montre la génération du volume en prenant en compte des éléments comme le programme ou la question du contexte environnant.
BIG, Amagerforbraending, Diagrammes, 2010.
[17] « the aim of the project is to tie all these opposing forces together, forming an identity for a new place in copenhagen»
http://www.big.dk/#projects-amf eRE12 - 2012/2013 - Directrice de Mémoire: Estelle Demilly
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On assiste ensuite à une série de manipulations géométriques qui dans le déroulement de la présentation paraissent évidentes (prise en compte de l’ensoleillement, des accès, etc..) le tout semblant aboutir a la création d’une piste de ski sur le toit. Je pense que c’est à cet instant qu’intervient “l’utopie“. La description jusque là assez “pragmatique“ semble aboutir paradoxalement à une solution plutôt atypique.
BIG, Amagerforbraending, Diagrammes, 2010.
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En quelque sorte, dans ce projet, le “pragmatique“ intervient avant tout dans le début du processus, qui semble être une phase de conditionnement. Les étapes se succèdent de manière logique sans coupure, de manière très progressive. “L’utopique“, qu’on pourrait presque qualifier d’élément perturbateur, s’inscrit en continuité avec ce qui l’a précédé. Soudainement, au vu de cette présentation, construire une piste de ski sur le toit d’un incinérateur semble être une solution fondée. Une série de photo-montages vient appuyer l’argumentaire en présentant le bâtiment en situation.
BIG, Amagerforbraending, Image de synthèse, 2010.
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La présentation se termine par un détail technique. Il est évident que, dans la logique de la construction de cet objet hybride, la fumée recrachée par l’incinérateur soit elle même traitée de manière décalée. La cheminée se trouve ainsi transformée en un souffleur d’anneaux gigantesques sur lesquels sont projetés des informations relatives à la production d’énergie.
BIG, Amagerforbraending, Schemas, 2010.
BIG, Amagerforbraending, Image de synthèse, 2010.
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Image Radicale. Yes is More “Yes is more“ est un ouvrage publié par BIG en mai 2009. Le titre croise la phrase, sans doute la plus connue de l'architecture, formulée par Mies Van der Rohe : «less is more», avec le slogan de campagne de Barack Obama, extrêmement populaire en 2007 : «Yes we can». En quatrième de couverture le livre est présenté comme ceci: « "Yes is more" est la première monographie en son genre consacrée exclusivement aux activités pionnières de BIG, un collectif d'architectes, de designers et de penseurs basé à Copenhague et actif dans les domaines de l'architecture, de l'urbanisme, de la recherche et du développement. Plus qu'une monographie classique sur l'architecture, ce livre est davantage un manifeste de culture populaire, dans lequel les méthodes, les moyens, les processus et l'approche du concept d'architecture de BIG se révèlent aussi non conventionnels, inattendus et productifs que le monde dans lequel il existe, réaffirmant sans cesse sa mission par un "Yes" retentissant. Dans "Yes is more", BIG montre comment ses membres répondent aux demandes polymorphes, aux règles complexes et au savoir hautement spécialisés de la société, créant des solutions tangibles grâce à des procédés artistiques: ces solutions ne cessent de susciter l'intérêt du grand public tout en gagnant le respect des aficionados de par le monde.
BIG, Couverture du livre Yes is more : une bande dessinée sur l'évolution architecturale. 2010, Ed.Taschen Köln
"Yes is more" parle le langage de la culture populaire en permettant au sublime de rayonner à travers le banal. Il permet aux lecteurs d'avoir un aperçu des processus, des méthodes et des résultats de BIG au moyen du mode de communication le plus accessible et le plus populaire de tous - la bande dessinée.»[ 18 ] Déjà dans sa description, “Yes is more“ revendique le statut de manifeste de culture populaire. Le choix du format est en totale cohérence avec ce positionnement. BIG choisi le format Comics, susceptible de toucher un public extrêmement large. On trouve en personnage principal, en narrateur (ou peut être en Héros), Bjark Ingels qui après nous avoir fait traverser l’histoire de l’architecture moderne et postmoderne nous présente son manifeste ( l’utopie pragmatique), son agence de Copenhague et enfin, nombre de ses travaux. Les différents projets sont donc naturellement présentés comme dans une bande dessinée et Bjark ingels nous raconte l’histoire de chaque projet à travers des bulles.
[18] BIG, 2010. Yes is more : une bande dessinée sur l'évolution architecturale. Ed.Taschen Köln Quatrième de Couverture
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Stratégie de communication et Image
BIG, Page d’acceuil du site internet, http://www.big.dk/#projects, 2010.
L’agence BIG a mis en place un système de communication assez sophistiqué intégrant de manière systématique la question des médias et notamment internet. Son site internet fait partie intégrante de son système de communication. Mis à jour de manière quasi quotidienne, il constitue l’archivage de tous leurs travaux, réalisés ou non. Ainsi pour chaque projet présenté on trouve toute une série d’éléments. Dans un premier temps chaque projet est représenté par un pictogramme qui résume le projet en reprenant sa forme ou un concept spécifique. Le site propose plusieurs organisation possible : suivant l’ordre chronologique, par ordre alphabétique, en fonction des type de programmes, par échelle de projet, par statut (en cours, réalisé, concours perdu) et enfin par localisation. Ensuite chaque projet est présenté de manière assez protocolaire : une image caractéristique du projet, une fiche descriptive, une série de schémas et diagrammes expliquant la genèse du projet, des photos de maquettes et enfin des photos du projet réalisé, ou des images de synthèse.
Diagrammes Naratifs Les diagrammes chez BIG constituent une part essentielle du travail, ils prennent une forme différente de ceux qu’on a pu voir chez Koolhaas et chez Archizoom, ils ont plus une fonction “pédagogique“. Pour Koolhaas ou Archizoom la représentation diagrammatique peut servir à représenter le recul de l’architecte face à certaines questions. Pour eux le diagramme devient le plan. Chez BIG il s’agit plutôt de rendre la compréhension du processus de projet simple et accessible. Le diagramme a plus un rôle de mise en scène, on peut en effet voir le projet se construire, étapes par étapes, de manière extrêmement linéaire. On peut voir le virage qu’opère l’agence BIG dans la manière dont l'outils du diagramme est transformé. Chez Koolhaas ou chez les Radicaux celui-ci avait quelque chose de froid, extrêmement sérieux et pouvait parfois paraitre obsessionnel. BIG propose des diagrammes sympathiques, colorés, dont l’enchainement laisse penser que le processus qu’ils illustrent est d’un simplicité enfantine. Il semble clairement que la cible visée par BIG n’est plus la même que celle à laquelle s’adressait Koolhaas ou même les radicaux. On peut voir dans ce positionnement un renversement. L’architecture telle qu’il la propose ne s’adresse pas seulement à une population érudite mais à l’ensemble d’une population. Il y a deux conséquences majeures à ce renversement : tout d’abord une limitation des éléments pris en comptes pour le projet et une forme de mécanisation du processus. Celui-ci devient compréhensible en quelques secondes mais il perd la complexité qui peut faire la richesse d’un projet. Ensuite une transformation du langage. Cette question du langage trouve également un écho dans les publication de BIG et notamment dans le livre “Yes is more“ dont il a été question précédemment.
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CONCLUSION_ Lorsque Koolhaas met en place sa théorie de la Bigness, il s'inscrit dans une logique de transformation des idées radicales. Les thématiques qui animent ses recherches ont été ouvertes par les Radicaux qui on mis en place des outils et des méthodes qu’il réutilise naturellement. Je voudrais, pour conclure, revenir à l’image utilisée par Koolhaas pour son projet de la Défense et que j ai choisi de placée en préambule. Il s’agit d’une citation, d’un clin d’oeil, au groupe 9999 qui proposait pour le “sauvetage“ de Venise d’y faire paitre des chèvres. Koolhaas utilise cette image en faisant référence au processus suggéré. Dans son projet pour la Défense, il suggère de détruire, par palier de 5ans, les constructions sans intérêts et de reconstruire la ville en réutilisant la trame de Manhattan. En quelque sorte il propose de libérer le terrain pour permettre le développement n’importe quelle type d’activité. Pour revenir sur la question de l’Image, sur la posture radicale, Koolhaas ne cherche pas à être rattaché à ce mouvement. Il réutilise simplement bon nombre de leurs travaux et de leurs outils. Pour BIG en revanche il s’agit plus d’utiliser une image. Les projet proposés par l’agence BIG sont loin d’incarné l’idéal Radical, il s’en défende même en affirmant ne pas être du coté d’ «une avant-garde avec des idées riches et folles, souvent détachées de la réalité au point où elle ne dépasse pas le stade de curiosités excentriques.» . BIG réutilise avant tout l’image des Radicaux. Il me semble intéressant de mettre «Yes is more» et «S,M,L,XL» en parallèle. Ces deux livres en effet représentent deux outils de communication extrêmement maitrisés. Si pour Koolhaas il s’agit à travers cette objet sophistiqué d’incarner sa théorie, il s’agit pour BIG plutôt de diffuser une image, de faire une sorte de promotion de son travail.
Ainsi, L’architecture radicale, outil théorique pour Koolhaas, devient un outil médiatique pour BIG.
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BIBLIOGRAPHIE_ BIG, 2010. Yes is more : une bande dessinée sur l'évolution architecturale. 397 p. Ed.Taschen Köln Branzi, ANDREA, 2006. «NO-STOP CITY : ARCHIZOOM ASSOCIATI», 187p. Ed. HYX Orléans dir. Brayer Marie-Ange,2003. Exposition, FRAC Centre : Architectures expérimentales. 568 p. Ed. HYX Orléans KOOLHAAS, Rem. «New york delire» (ed. originale 1978) trad. de l’anglais par Catherine collet. 320p. Ed. parenthèses, marseille, 2002. KOOLHAAS, Rem; MAU, Bruce. «s,m,l,xl»,1344p. Ed. jennifer sigler, rotterdam, 1995. KOOLHAAS, Rem, «junkspace, Repenser radicalement l’espace urbain» textes orignaux: Bigness or the Probleme of Large(1995) - The Generic City (1995) - Junkspace (2001) trad. de l’anglais par Daniel Agacinski. 122p. Ed. payot & rivages, paris 2011 dir. MIGAYROU Frédéric, 2003. «Architectures non standard» 300p. Ed. du Centre Pompidou – Paris ROUILLARD Dominique, 2004. «superarchitecture, le futur de l’architecture», 544p. Ed. de la villette, paris.
RESSOURCES INTERNET_ http://famousarchitect.blogspot.com http://movimentieavanguardie.blogspot.com/ http://www.big.dk/#projects http://www.mvrdv.nl/ http://www.metropolismag.com/story/20110117/baby-rems http://www.cca.qc.ca/fr/collection/283-cedric-price-fun-palace http://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=20#
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TABLE DES ILLUSTRATIONS_ Dans l’ordre d’apparition 1
Groupe 9999, Salvataggio di Venezia, 1971 Rouillard, Dominique 2004 «SUPERARCHITECTURE, le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris.
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2
Rem Koolhaas-OMA, La Tabula Rasa Revisité, Mission grand axe la Défense, 1991 («S,M,L,XL»)
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3
BIG, Photographie, 8 Stallet, Copenhague, 2009
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Aldo Van Eyck, Vue aérienne de l’orphelinat d’Amsterdam - Centre Canadien d’Architecture (CCA).
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Cédric Price, photo montage -fun palace- Fond Cédric Price - CCA
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Couverture du livre, «SUPERARCHITECTURE, le futur de l’architecture», ROUILLARD Dominique, Ed. de la villette, 2004. paris.
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7
«SUPERARCHITETTURA», mars 1967, Motif de l’exposition. Rouillard, Dominique 2004 «SUPERARCHITECTURE,le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris.
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8
Archizoom Associati, «I terroristi», Février 1968 ; Branzi, Andrea, 2006 «No-Stop City : Archizoom associati» Ed. bilingue Orléans : hYX
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9
Superstudio, The very First Landscape Office,1971 Rouillard, Dominique, 2004 «SUPERARCHITECTURE,le futur de l’architecture» Ed. de la Villette, Paris.
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10
Etienne-Louis Boullée, Monument destiné aux hommages dus à l'Être Suprême, 1781-1793 Bibliothèque nationale de France, département estampes et photographie.
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11
Superstudio, Ville de 2000 tonnes, première ville des Douze cités idéales, perspective, 1971
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12
Canaletto, Capriccio palladiano ,1740 Galerie nationale de Parme.
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13
Archizoom Associati, NO STOP CITY, plan, 1969.
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14
superstudio - istogrammi d’architettura, 1969
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15
Archizoom Associati, Projet d’aménagement de l'université de Florence, 1971.
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16
Archizoom Associati, No-Stop City, Interior Landscape 1969
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17
Superstudio, Il monumento continuo, «Coke town Revisitied» 1969
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Superstudio, Il monumento continuo, 1969
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Superstudio, Il monumento continuo, 1969
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Superstudio, 3 illustrations de Supersurface,1972
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Rem Koolhaas, image du film A Kind of Architect, réalisé par Markus Heidingsfelder et Min Tesch, 2007
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Archizoom Associati, Quartieri paralleli per Berlino, 1969
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Rem Koolhaas et Elia Zenghelis Madelon Viesendorp et Zoé Zenghelis, Exodus, «the Voluntary prisoners»,1972
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Rem Koolhaas, Couveture de New York Délire, Aquarelle de Madelon Viesendorp.1978
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Rem Koolhaas, Concours pour le Terminal de Zeebrugge. «s,m,l,xl»,p588-589.
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Rem KOOLHAAS, Concours pour la Bibliothèque nationale de France, Paris. «s,m,l,xl»,p604-605
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Congrexpo, Coupe longitudnale, OMA 1994.
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Rem Koolhaas, «s,m,l,xl»,2éme de couverture.
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29
Rem Koolhaas, Glossaire «s,m,l,xl»,p124-125.
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Rem Koolhaas, Couverture de «s,m,l,xl»,1995.
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OMA. Rem Koolhaas, Projet de Concours pour la Bibliothèque Nationale de France (1989), Paris, Plans des différents niveaux, Figure extraite de A+U, Numero spécial (OMA@work. a+u), mai 2000, p253.
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Rem Koolhaas, Concours pour la Bibliothèque nationale de France, Paris. «s,m,l,xl»,p652-653.
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Pavillon danois à l’Exposition Universelle de Shanghai, BIG, 2010.
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BIG, Mountain Dwelling, Photographie ,2007.
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BIG, Mountain Dwelling, diagrammes, 2007.
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36
BIG, 8House, Photographie, 2010.
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BIG, 8House, diagrammes, 2010.
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BIG, 8House, 3 Photographie, 2010.
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BIG, Amagerforbraending, Image de synthèse, 2010.
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BIG, Amagerforbraending, Diagrammes, 2010.
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BIG, Amagerforbraending, Diagrammes, 2010.
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BIG, Amagerforbraending, Images de synthèse, 2010.
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BIG, Amagerforbraending, Schemas, 2010.
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44
BIG, Amagerforbraending, Image de synthèse, 2010.
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BIG, Couverture du livre Yes is more : une bande dessinée sur l'évolution architecturale. 2010, Ed.Taschen Köln
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BIG, Page d’acceuil du site internet, http://www.big.dk/#projects, 2013.
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ANNEXES_
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article de Paul Makovsky. le 17 janvier 2011 dans le mĂŠtropolisMag. CF Annexes. http://www.metropolismag.com/story/20110117/baby-rems
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Les villes absurdes de Superstudio avril 5, 2009, 10:01 Classé dans : Utopie | Tags: Fiction, idée, mégastructure, niveaux de lecture de la ville, Superstudio, Utopie Le groupe d’architectes italien nommé superstudio a travaillé sur trois catégories de recherche future : l’« architecture du monument », l’« architecture de l’image » et l’« architecture technomorphique ». Leurs projets, utopiques ou dystopiques sont des projets fictifs, imaginaires. LA PREMIERE VILLE. Des lignes continues de bâtiments s’entrecroisent en un filet rigoureux et carré. Chaque habitant vit éternellement dans une cellule qui satisfait tous ses désirs. S’il manifeste des signes de rébellion contre cette perfectionna cellule se contracte sur elle-même et l’écrase. LA VILLE LIMAÇON. Cette cité est une vis sans fin qui progresse, pénétrant automatiquement dans les entrailles de la terre. Quand ils naissent, les hommes habitent dans les étages supérieurs. En vieillissant, leur cellule d’habitation s’enfonce dans le sol en même temps que la ville. NEW-YORK SUR CERVEAUX. Un cube de cent quatre vingt pieds de côté contient 10.000.450 cellules dans lesquelles vivent les cerveaux concentrés sur leur méditation, libres d’étendre leur folie ou leur sagesse. Ces cerveaux survivront à la destruc tion de l’humanité sans devoir rien faire et finiront par être seuls. CITE DANS L’ESPACE. Dans cet immense astronef, les habitants dorment depuis leur naissance jusqu’à leur mort et vivent leur vie en rêve. Lors de leur retour sur terre, les membres d’une nouvelle génération d’hommes trouveront, un nouveau paysage et ils seront heureux. CITE DES DEMI SPHERES. Les habitants vivent dans des sarcophages transparents reliés à des demi sphères qui flottent dans l’air et contiennent toutes les sensations. CITE BARNUM. La ville repose sous une énorme tente de cirque suspendue à d’immenses aérostats. Elle a la forme d’un énorme cylindre métallique de 2 kilomètres de haut: la cité modèle réduit se trouve à l’intérieur de ce cylindre. Chaque visiteur de la ville est relié à un robot miniature qui se déplace à l’intérieur du cylindre et lui communique toutes les sensations qu’il reçoit. LA VILLE USINE. À la tête de la cité, la Grande Usine à 6 kilomètres de large et 100 mètres de haut. Elle exploite la terre et le sous-sol et transforme les ressources naturelles en des éléments de la ville qui progresse ainsi de 1,50 mètre par jour. La plus grande aspiration de tous les habitants est de vivre dans les nouvelles sections de la cité qui sont toujours plus perfectionnées mais se détruisent tous les quatre ans. LA CITE CÔNIQUE AUX MILLE TERRASSES. La cité se constitue de cinq cents plates-formes circulaires entassées les unes sur les autres. Chaque habitant reçoit des ordres de la rangée supérieure et les transmet à la rangée inférieure. Chacun peut se libérer des ordres en grimpant de rangée pour parvenir à la plate-forme supérieure d’où découlent tous les désira et les aspirations de la cité. VILLE MACHIHE. L’homme vit dans une machine qui satisfait tous ses désirs primaires. La machine fertilise elle-même. GITE DE L’ORDRE. Dans cette cité apparemment normale tout fonctionne à la perfection. En fait, les habitants, quoique gardant leurs formes originales, sont, à chacune de leur rébellion contre l’ordre établi, transformé peu à peu en robot. CITE DES SUPERBES DEMEURES. Chaque noyau familial se voit attribuer un espace fixe où les habitants peuvent passer leur vie à travailler pour construire et décorer leur habitation. On peut construire aussi haut qu’on le désire, mais les façades doivent être décorées par de grandes fresques dont le sujet est laissé aux goûts de chacun. CITE DU LIVRE. Des séries d’immeubles parallèles de dix mètres de haut, trente mètres de large et dix kilomètres de long sont séparés par un espace de trois mètres. Les habitants choisissent de vivre à la lumière naturelle de la rue ou à la lumière artificielle des tunnels. Chaque citoyen porte le livre attaché par une chaîne autour du cou. Ce Livre conditionne le comportement de chacun par des règlements éthiques (lisibles à la lumière naturelle) ou des règlements de survivance (lisibles à la lumière artificielle). http://t4deliriousnygroupe07.wordpress.com/category/utopie/ eRE12 - 2012/2013 - Directrice de Mémoire: Estelle Demilly
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http://traac.info/blog/?p=1566 NATALINI écrivait en 1971 : « …si le design est plutôt une incitation à consommer, alors nous devons rejeter le design ; si l’architecture sert plutôt à codifier le modèle bourgeois de société et de propriété, alors nous devons rejeter l’architecture ; si l’architecture et l’urbanisme sont plutôt la formalisation des divisions sociales injustes actuelles, alors nous devons rejeter l’urbanisation et ses villes… jusqu’à ce que tout acte de design ait pour but de rencontrer les besoins primordiaux. D’ici là, le design doit disparaître. Nous pouvons vivre sans architecture. «
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