Mémoire de Master Architecture Alice Perrin

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LE LOGEMENT D’INTÉRÊT SOCIAL

DE LA ZONE METROPOLITAINE

ET ABANDON:

LES FRACCIONAMIENTOS

2015

DAVID ALBRECHT FRÉDÉRIC BERTRAND CORINNE JAQUAND PHILIPPE SIMAY



LE LOGEMENT D’INTÉRÊT SOCIAL DE LA ZONE METROPOLITAINE DE LA VILLE DE MEXICO, ENTRE ÉTALEMENT URBAIN ET ABANDON: LES FRACCIONAMIENTOS INTRODUCTION.................................................................................................................6

1- ÉVOLUTION URBAINE DE MEXICO AU REGARD DU LOGEMENT SOCIAL...11 1-1.L’agglomération successive des périphéries..........................................................13 1-2. Le logement social au Mexique...............................................................................23 1-2.1. Origines...............................................................................................................23 1-2.2. De l’aide gouvernementale à la spéculation financière.......................................27 1-3. Les « fraccionamientos »..........................................................................................31 1-3.1 Une nouvelle forme d’habitat social : les lotissements géants............................31 1-3.2 Une réponse inadaptée au besoin cruel de logements........................................33 1-3.3 Le lotissement « Valle de los Sauces ».................................................................37

2- ÉTALEMENT URBAIN, ABANDON ET ÉVOLUTION DU MODÈLE....................45 2-1.L’étalement urbain, origine, développement et abandon......................................49 2-1.1. Historique de l’ « urban sprawl ».........................................................................49 2-1.2 L’étalement urbain au Mexique...........................................................................51 2-1.3 L’abandon des lotissements de la Zone Métropolitaine de la Ville de Mexico.....53 2-2. Actualité et évolution des modèles.........................................................................57 2-2.1. Les « Desarollos Urbanos Integrales Sustentables »...........................................59 2-2.2. Les aides à l’auto construction...........................................................................61

3. SOLUTIONS ARCHITECTURALES ALTERNATIVES AUX « FRACCIONAMIENTOS »........................................................................................65 3-1. Mexique : IntegARA Iztacalco, Mexico, Arquitectura 911sc, 2013.......................67 3-2. Mexique : Elemental, Santa Catarina, Alejandro Cartagena (Chili), 2010............73 3-3. Pérou : PREVI, Lima, concours international, 1973...............................................81

CONCLUSION...........................................................................................................87 LEXIQUE....................................................................................................................90 BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................94 TABLE DES ILLUSTRATIONS...................................................................................96 ANNEXES..................................................................................................................99 3



LE LOGEMENT D’INTÉRÊT SOCIAL DE LA ZONE METROPOLITAINE DE LA VILLE DE MEXICO

INTRODUCTION

Mexico, ville d’accueil d’une population rurale en provenance de tout le pays, s’est déployée depuis de nombreuses années à travers des développements immobiliers et des quartiers d’auto construction. En 2010, elle atteint par étalement urbain une superficie de 148 500 ha1 pour une population de 8 851 000 habitants2 pour la ville seule de Mexico et une superficie de 2 294 600ha pour une population de 19 239 910 habitants pour la zone métropolitaine. C’est aujourd’hui une des villes les plus étalées au monde. Ce processus d’étalement

Carte du Mexique et de ses Etats

urbain continue, encouragé par les législations et les règlementations sur l’occupation du sol. Il est cependant grandement nuancé puisque l’augmentation de la population dans la Zone Métropolitaine de la Ville de Mexico (ZMVM) a considérablement ralenti depuis les années 1980. Cette zone est constituée du District Fédéral, le département communément assimilé à la ville de Mexico, ainsi que de cinquante neuf municipalités de l’Etat de Mexico voisin, et d’une municipalité de l’Etat d’Hidalgo, situé encore plus au Nord. 60% de l’agglomération se trouve au delà des limites du District Fédéral, ce qui a de fortes incidences

Zoom sur le District Fédéral, l’Etat de Mexico et celui d’Hidalgo. District Fédéral Etat de Mexico

1 Cuéntame, site d’information de l’INEGI, 2014 2 Cuaderno estadistico de la Zona Metropolitana del Valle de México de l’INEGI – mars 2010

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Etat d’Hidalgo

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en terme de gestion de la planification urbaine, des transports et de l’habitat.

Vagues d’auto-construction sur les périphéries de la ville de Mexico.

Un lotissement groupé de logements sociaux

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3 Catherine Paquette, décembre 2012, conférence «Mexico ou la course folle à l’habitat social », 2012

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Deux phénomènes très différents participent à cet étalement urbain : l’auto construction et les développements immobiliers de type logements sociaux en lotissements groupés qui s’étalent aux alentours de la ville de Mexico. Le système de logement social ne bénéficie qu’à ceux pouvant justifier d’un salaire supérieur à cinq fois le salaire minimum mexicain. Il exclut une grande majorité de la population qui se voit donc obligée de trouver des solutions de manière informelle à travers l’auto construction. Parmi les vingt millions d’habitants vivant dans la ZMVM, près de onze millions habitent dans un quartier ayant eu une origine irrégulière3. L’auto construction était aussi présente bien avant que le système de logement social soit mis en place au Mexique. Alors que les lotissements de logements sociaux s’installent sur des terrains proches d’axes routiers et de grande taille afin de diminuer les coûts de construction, les maisons édifiées par leurs habitants s’installent partout où il y a de l’espace, jusque dans les collines les plus inaccessibles. Bien qu’étant deux moteurs d’urbanisation très distincts, le résultat reste similaire, une croissance anarchique et non contrôlée par les lois mises en places. Le programme de construction de logement social en accession à la propriété est délégué à des entreprises de construction privées qui, décidant de construire en dehors des limites officielles de la ville de Mexico afin de diminuer leurs frais et les règles à respecter, participent grandement à cet étalement


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de la « tache urbaine». Ces entreprises de construction dressent des lotissements de centaines de milliers de maisons clonées sur des terrains agricoles appartenant à la zone métropolitaine de la capitale. Les lotissements, construits selon une logique financière, ne sont pas adaptés aux besoins de leurs habitants propriétaires: les constructions de mauvaise qualité se dégradent rapidement, les infrastructures sont insuffisantes, leurs localisations géographiques sont trop éloignées des lieux de travail… Depuis 2004, l’offre de ce type de logement a dépassé la demande. Par conséquent, les lotissements restent en grande partie inhabités, alors que parallèlement d’autres sont abandonnés par leurs habitants. Certains de ces lotissements se convertissent en villes fantômes, bien que ceux-ci aient comme base des modèles de logement social, basés sur une politique essayant de faire face au besoin bien réel de logements, avec l’accession à la propriété à travers de prêts. Ce mémoire se propose d’étudier le modèle du logement bon marché dans la Zone Métropolitaine de la Ville de Mexico (ZMVM) et ses effets sur la croissance de la ville, ainsi que les évolutions de ce modèle. Ainsi, on peut rattacher l’étalement urbain de Mexico à la décroissance urbaine, un phénomène qui s’étudie aujourd’hui à l’échelle mondiale. Que cela soit l’abandon des centres villes au profit des banlieues, ou l’impossibilité de vendre des produits immobiliers jusque là prisés par les habitants ; cette situation démontre un changement dans les processus de croissance : ceux-ci se ralentissent et vont même jusqu’à s’inverser.

Les influences de ces lotissements sur la région métropolitaine de Mexico sont encore très peu étudiées. La presse cite les nombreux problèmes qui accompagnent ces ensembles et relaye l’insatisfaction de ses habitants. Mais peu de chercheurs se sont penchés sur cette question, qui est de plus trop récente pour pouvoir être jugée de manière objective en s’intéressant à son évolution dans le temps. On peut tout de même citer Catherine Paquette, urbaniste et chargée de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (Marseille), qui s’intéresse aux questions de politiques d’investissement urbain et de production résidentielle, ainsi qu’aux problématiques de mobilités dans ces ensembles de logements. Céline Jacquin, urbaniste et chercheuse de l’Université de Marne-la-Vallée, a écrit des articles de recherche sur ces nouveaux modes de logements sociaux, leurs typologies et leur influence sur les communautés qui s’y installent pour l’Université Nationale Autonome de Mexico et l’Université Autonoma Metropolitana à Mexico. Au Mexique, Esther Maya Pérez, docteur et enseignante au centre d’investigation et d’étude doctorale de la faculté d’Architecture de l’Université Nationale Autonome de Mexico et l’Université, a écrit quelques articles sur le modèle de logement social actuel et sur leurs implications sociologiques. Ce sont principalement les photographes qui relaient les images de ces lotissements groupés, permettant ainsi de visualiser leur échelle et l’absurdité de cette répétition à l’identique qui s’effectue sur des hectares et des hectares. Les photographies de Livia Corona et d’Alejandro Cartagena, ponctueront cette étude.

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Au paradoxe de l’étalement urbain et de l’abandon de certains lotissements à la périphérie de la ville s’ajoute la problématique du logement social dans les politiques publiques et d’urbanisme. La spéculation immobilière mène-t-elle à l’abandon des lotissements groupés au Mexique ? L’évolution des modèles de lotissements groupés permettrat-il de sauver l’investissement des grands constructeurs ? Quelles sont les alternatives pour les habitants de ces lotissements ? Existet-il des modèles de maisons individuelles groupées qui soient différents et applicables au Mexique ? Nous commencerons par étudier l’évolution urbaine de la ville de Mexico et son système de logement social et par observer en détail ces lotissements appelés « fraccionamientos ». On mettra en perspective ces analyses par une étude des phénomènes d’étalement urbain et en abordant les évolutions du modèle de ce « fraccionamientos ». On étudiera les alternatives proposées par certains architectes sud-américains au modèle de logement social développé par les sociétés immobilières au Mexique.

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01 ÉVOLUTION URBAINE DE MEXICO AU REGARD DU LOGEMENT SOCIAL

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4 Italo Calvino, Les villes invisibles, Editions Points, 1972.


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1-1.L’agglomération successive des périphéries

« Ayant pénétré sur le territoire qui a Eutropie pour capitale, le voyageur ne voit non pas une ville mais plusieurs, d’égale importance et toutes semblables, dispersées sur un vaste plateau ondulé. Eutropie, c’est non pas une mais l’ensemble de ces villes. (…) Ainsi, la ville reprend sa vie toujours la même en se déplaçant vers le haut et le bas sur son échiquier vide. Les habitants recommencent à jouer les mêmes scènes dans des distributions nouvelles ; ils redisent les mêmes répliques avec des accents combinés autrement ; ils ouvrent grandes leurs bouches à tour de rôle en bâillements égaux. Seules de toutes les villes de l’empire, Eutropie perdure identique à elle-même. »4

Cette citation reflète à merveille l’évolution urbaine de la ville de Mexico. Les mêmes phénomènes sont répétés, le même chaos, les mêmes initiatives de spéculation, amenant aujourd’hui des modèles inadaptés aux besoins d’une partie ses habitants de la classe moyenne basse. Mexico a subi une expansion fulgurante à partir des années 1970. Durant

plusieurs décennies, des morceaux de ville sont venus s’agglomérer avec l’arrivée de nouveaux habitants à la capitale. Ce processus s’est répété inlassablement jusqu’à ce que la ville atteigne une taille démesurée, la même ville se construisant encore et encore. Une perspective historique plus large permet de trouver des répétitions de ces phénomènes, de ces processus qui ont formé la mégalopole de Mexico. L’expression mexicaine pour parler de la zone urbaine est celle de la « mancha urbana » ou « tache urbaine », comme une tache d’encre que rien n’empêche d’avancer, sauf parfois le relief. Ce type de croissance échappe aux tentatives de réglementation et de planification en raison d’un grand manque d’initiative quand aux politiques publiques de la ville. La carence en logement est due principalement au phénomène d’attraction de la capitale, même si la migration depuis les milieux ruraux diminue beaucoup aujourd’hui. La demande de logement n’est satisfaite que dans une faible mesure par les institutions publiques puisque leurs programmes ne concernent pas les catégories les plus pauvres de la population de la ville, obligées de trouver des solutions elles-mêmes. Les franges de la ville sont envahies par des quartiers d’autoconstruction, rendus légitimes avec le temps.

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Date de recensement 1900 1910 1921 1930 1950 1970 2000 2010

Population de Mexico 540 478 720 753 906 063 1 029 058 2 050 442 6 874 165 8 550 170 8 851 080

Densité de Mexico (hab/km2) 360 480 610 686 2 034 4 585 5 703 5 904 Source: INEGI

Malgré le nombre important d’écrits sur l’histoire urbaine de Mexico, il semble important d’en rappeler les grands traits. Ce tour d’horizon permet aussi de décrire un phénomène dynamique et de présenter la situation actuelle non pas comme le fruit du hasard mais comme le résultat d’une évolution. Cette étude prend comme point de départ la première grande époque d’expansion de la ville, durant le mandat du président Porfirio Diaz (1877-1911) et se conclut à l’époque actuelle.

5 CHANFON OLMOS Carlos, Historia de la arquitectura y el urbanismo mexicanos, édition Université Nationale Autonome de Mexico, 1998.

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1.1.1. 1877-1911 : le mandat de Porfirio Diaz et les nouvelles ambitions de grandeur pour Mexico.

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1900 La ville de Mexico en 1900 Zone urbanisée

Voies principales

Hydrographie

Périphérique

Reliefs montagneux

La colonisation espagnole, dont un des buts était la conversion des indigènes à la religion catholique a laissé au Mexique une Église puissante, possédant de nombreuses propriétés. Mais en 1856, les biens appartenant au clergé et aux communautés religieuses deviennent accessibles à l’Etat et sont nationalisées en 1861, afin de fortifier celuici aux dépends d’une église enrichie. Cette nouvelle mesure fait partie d’un ensemble de lois visant à installer le Mexique dans un

mouvement libéral. De nouveaux dirigeants veulent exploiter ces biens inactifs au profit d’une activité économique et productive qui renforcera le pays. De nombreux édifices construits par l’Eglise se verront alors mutilés ou détruits par l’implantation de nouveaux tracés urbains. D’autres seront réutilisés ou réorientés vers des fonctions et des programmes civils. Le système économique florissant se base sur de grands territoires agricoles, les haciendas, qui fleurissent grâce à l’ouverture du mercantilisme. Ces haciendas fonctionnent grâce à la domination des propriétaires agricoles sur la force de travail, les ressources naturelles ainsi que sur les marchés locaux et régionaux. L’Etat commence à considérer la périphérie de Mexico alors occupée par les communautés indigènes comme de possibles 1930 terrains pour la spéculation immobilière, ainsi qu’une opportunité pour l’expansion de la ville. Sous le mandat du président Porfirio Diaz, ces quartiers périphériques ressemblent de plus en plus à la ville dessinée, dirigée par le marché foncier, sans réelle planification. C’est le développement du marché de biens et de la spéculation immobilière qui sert de moteur à cette expansion. Il n’est plus seulement question d’acheter les terrains délaissés en périphérie ou encore vierges, mais aussi de les équiper de services publics, d’eau courante, d’électricité afin de proposer des nouvelles « colonias » (quartiers) aux habitants de plus en plus nombreux de la capitale. Ces initiatives aboutissent à une juxtaposition d’interventions urbaines, créant une ville fragmentée et difficilement

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compréhensible. Les spéculateurs créent un nouveau chaos urbain.

1-1.2. 1910-1924 : la Révolution Mexicaine Le système installé par Porfirio Diaz et l’apparition d’une bourgeoisie mexicaine déclenchera une révolution (1910-1911) et une guerre civile entre le gouvernement au pouvoir et l’opposition, supportée par les masses ouvrières mexicaines, enflammant le monde rural qui viendra conquérir 1900 la capitale. Le retard du pays dans le progrès industriel et la situation politique instable ne permet plus la poursuite de l’essor économique. Alors que la capitale fonctionnait comme un noyau autour duquel gravitaient des grandes haciendas qui asservissaient les populations rurales, la révolution provoque la chute de ces limites, et les populations rurales migrent vers la capitale, cherchant une reconversion professionnelle ou simplement un toit loin des turbulences de la Révolution. Le système des haciendas est aboli, et remplacé par le système d’ejidos : des terres qui sont nationalisées et laissées en libre accès aux paysans. Chacun peut cultiver une parcelle, mais elle ne lui appartient pas. On ne peut donc pas vendre une parcelle agricole. La démographie de la capitale atteint alors des sommets et la ville se voit débordée par la demande des migrants fraichement N

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arrivés.

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1930 La ville de Mexico en 1930 Zone urbanisée

Voies principales

Hydrographie

Périphérique

Reliefs montagneux

1-1.3. 1930-1950 : phase prolétarisation de la ville Mexico.

de de

En 1929, ce qui était la ville de Mexico ainsi que 13 communes alentour sont associées pour devenir une entité fédérale (District Fédéral) divisée en 16 arrondissements ou « délégations politiques ». La valeur de la terre évolue et le marché foncier connaît une nouvelle exaltation. Une classe de « nouveaux riches » veut s’installer dans la ville, mais le fait de manière chaotique, comme les populations rurales. L’introduction du facteur spéculatif dans le marché capitaliste rend les terrains du centre plus chers et donc inaccessibles : la ville n’a plus d’autre choix que


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de gagner du terrain vers la campagne. La Révolution achevée, la ville de Mexico entre enfin dans une phase de progrès industriel et devient le centre commercial et économique du pays. De nouveaux quartiers se forment avec des identités bien marquées, suivant la profession, le rang social, etc. L’ancienne périphérie bâtie autour du centre dans les années 1920 devient le nouveau centre de la capitale en expansion.

1-1.4. 1950-1970 : explosion démographique et urbaine 1930 En 1950, la ville a déjà englobé plusieurs anciens villages satellites de Mexico, générant de nouveaux pôles, de nouveaux quartiers qui se confondent dans la ville. Les terrains encore non occupés à la périphérie du nouveau centre sont envahis par des « paracaidistas » ou « parachutistes »6 qui arrivent à la ville et s’y installent sans ressources. Avec ce type d’installation, (il manque quelque chose je pense)les municipalités sont débordées et ne savent répondre à une croissance démographique si importante et subite. L’invasion irrégulière de terrains représente en 2000 à près de 60% du parc de logement de la ville. Ces « paracaidistas » s’installent à la périphérie dans des nouveaux quartiers qui évoluent suivant plusieurs phases : ce sont tout d’abord des graines de quartiers menacées par l’expropriation et les agressions naturelles de toutes formes, qui prennent ensuite de 6&7 Martha Schteingart, Pobreza, condiciones de vida y salud en la ciudad de Mexico, édition Colegio de Mexico, édition Centro de Estudios demograficos y de desarollo urbano, Mexico, 1997.

1960 La ville de Mexico en 1960 Zone urbanisée

Voies principales

Hydrographie

Périphérique

Reliefs montagneux

l’assurance au fur et à mesure que les maisons s’équipent. Arrivent ensuite les commerces et les équipements, et enfin les infrastructures telles que l’eau courante, lorsque l’Etat ne peut plus ignorer une population pesant un poids électoral trop important. Ces quartiers deviennent alors « respectables » et sont acceptés comme éléments de la métropole. Le logement au Mexique est aujourd’hui constitué à 60% d’auto construction. Le manque d’emploi pousse ce phénomène à se développer. De plus, le salaire minimum ne permet pas de payer un loyer. Le marché foncier appartient majoritairement à une classe bourgeoise, minoritaire mais très aisée. Les pauvres sont de plus en plus nombreux et la minorité de riches de plus

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en plus riche possède les biens immobiliers, qu’elle occupe ou non. Ces différences et inégalités se ressentent de quartier à quartier. Le secteur industriel se développe, mais pas assez pour pallier à la demande écrasante d’emploi. Durant les années 1970, les grandes industries se délocalisent dans les villes satellites de Mexico9. Cuernavaca (dans l’Etat de Mexico), appelée la ville de l’éternel printemps, se couvre de résidences secondaires où viennent en week-end les classes moyennes et aisées de Mexico. De nombreuses industries s’installent autour de la ville de Toluca, également dans l’Etat de Mexico. La croissance de ces différents pôles autour de la capitale génère un processus de mégalopolisation.

viaire à travers la ville. Ce réseau d’avenues comptant entre six et huit voies pour voitures, camions et transports en commun, représente des limites infranchissables pour les piétons. La qualité de vie dans les zones adjacentes à ces avenues se détériore, la congestion de la ville s’aggrave. Pourtant, ces réformes sont vues comme un succès, permettant de mettre en relation Mexico avec les conurbations voisines de manière efficace. La ville devient alors un territoire où prédomine la voiture.

1-1.5. 1970-2000 : de la métropole à la mégalopole.

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Le processus d’urbanisation prend une envergure régionale, la périphérie se structure alors autour de pôles secondaires. Mais la croissance démographique de la Zone Métropolitaine de la Ville de Mexico (ZMVM) chute de 4,5% dans les années 1970 à seulement 0,7% dans les années 198010 alors 1960 que la périphérie continue son expansion. La ville subit aussi une désindustrialisation à travers la délocalisation progressive vers de nouveaux pôles industriels. Ceci permet aux provinces mexicaines de se développer économiquement et d’acquérir une nouvelle autonomie. En 1979, le maire de la capitale, Carlos Hank, met en place un projet de réformes ambitieuses, créant une nouvelle structure

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1980 La ville de Mexico en 1980 Zone urbanisée

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Reliefs montagneux 8 118€, conasami.gob.mx, janvier 2014. 9 BANZO Mayté, « Mexico : de la ville à la mégalopole », dans Autrepart n°11, 1999, p.7-25. 10 inegi.org.mx, 2014.


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1-1.6. 2000-2014 : un retour au centre ? En 2000, le gouvernement du District Fédéral instaure « el Bando 2 », une politique de densification des zones centrales de la ville et de contrôle de l’expansion urbaine dans les zones périphériques. Celle-ci limite la construction de grands ensembles de logements dans les quartiers au sud de la ville où la population était en croissance jusqu’en 2000, et qui disposent encore de beaucoup d’espaces non construits. Cette décision est motivée par la pénurie d’eau que subissent

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2000 La ville de Mexico en 2000

ces quartiers. Cette politique propose aussi de redensifier certains quartiers plus centraux de la ville dont les infrastructures et les services sont considérés comme sous-utilisés. L’application de cette politique a un effet contraire à celui voulu. En effet, les développements urbains de grande taille prévus pour les zones sud de la ville de Mexico et rejetés par ces nouvelles lois se construisent encore plus loin dans la région métropolitaine, aggravant le problème d’étalement urbain. Une redensification a tout de même lieu dans les quartiers centraux de la ville, mais ceux-ci attirent alors une population de classes moyennes, voire aisées, contraignant les moins riches à aller s’installer encore plus loin du centre de la ville. Les entreprises de construction cherchant à construire du logement social de manière peu coûteuse ne peuvent s’adapter au contexte complexe urbain sans coûts supplémentaires. Cette politique s’est créée en accord avec des acteurs privés, dont Carlos Slim, milliardaire mexicain, qui possède de nombreuses entreprises de construction, de médias, de télécommunication… Celle-ci n’a pas d’objectifs en termes sociaux, et est destinée principalement à convertir le centre historique en un espace attractif pour les touristes, les résidents aisés et les entreprises tertiaires.

Zone urbanisée

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11 voire Annexes

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La particularité de ce phénomène d’urbanisation de la ville de Mexico n’est pas nouvelle. Les biens immobiliers ont toujours appartenu à la minorité la plus riche des habitants, qui les habitent ou non, poussant les plus modestes en quête de propriété à se loger plus loin en périphérie, générant une tache urbaine difficile à contrôler. La mise en place de grands axes routiers facilite cette extension vers les conurbations voisines, donnant à Mexico un caractère régional, et les nouvelles politiques de « redensification » rejettent sans l’étudier le problème d’étalement urbain.

Vue aérienne de Mexico

« La ville de Mexico (…), une ville en perpétuelle construction et reconstruction, une cité à jamais inachevée, comme si dans cette absence de conclusion résidait la vertu de la permanence. »12 Cette expansion s’est réalisée sous la forme d’une juxtaposition de tissus urbains, reprenant les modèles préhispaniques, s’inspirant du mouvement moderne… chaque nouvelle expérience permettant d’accueillir

Vue aérienne de Mexico

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Au fil des années, la ville constituée de Mexico ne suffit plus à contenir ses habitants, qui partent s’installer sur des terres en périphérie. Ce sont les nouveaux habitants qui sont obligés d’aller chercher plus loin des terrains où s’installer. Une nouvelle entité urbaine se construit, qu’elle soit de morphologie identique ou différente de la ville précédemment connue, et devient ellemême la ville constituée. Cette opération se répète inlassablement avec chaque vague de nouveaux habitants arrivant en ville.

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Vue aérienne de Mexico 12 Carlos Fuentes, La volonté et la fortune, éditions Gallimard, 2008, p.370.


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différentes classes sociales dans la ville : les plus riches préfèrent s’installer dans des quartiers à la morphologie organique, alors que les moins fortunés s’installent dans des quartiers organisés en grille où la standardisation est courante. Au sein de cette expansion urbaine est apparu le logement social : d’expériences éparses dans les années 1920 jusqu’à un système opérationnel mais non sans failles aujourd’hui, nous étudierons son évolution.

Vue aérienne de Mexico

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1.2 Le logement social au Mexique

1.2.1. Origines Après la Révolution mexicaine des années 1920, le grand déplacement de population vers les villes nécessite la production de logement pour une population qui augmente rapidement. L’Etat entreprend alors d’investir pour la construction de nouveaux quartiers pour la population active dans la périphérie des grandes villes. C’est l’apparition du logement public, tout d’abord dans la ville de Mexico, puis dans d’autres villes du pays. Les standards de design et de construction de ces logements se calquent sur les critères définis par le mouvement de l’architecture moderne. Les habitants de ces logements sont tout d’abord des fonctionnaires, puis des employés recevant le salaire minimum. Ils y résident en location. Nous verrons par la suite quelques exemples marquants. Le premier bâtiment de logement social à Mexico est construit en 1920, par l’architecte Juan Segura. C’est « l’edificio Isabel », dans le style art déco. C’était à l’époque un des plus haut bâtiment de la ville. Il ne fut pas construit par l’Etat, mais par la fondation philanthropique Mier et Pesado, gérée par une la Duchesse de Mier afin de remplir une mission d’assistance sociale pour ceux dans le besoin13.

Edificio Isabel

C’est à la suite d’un concours organisé en 1929 par Carlos Obregon Santacilia (architecte) qu’apparaissent les premiers essais de logement ouvrier au Mexique. Ce concours est gagné par l’architecte Juan Legaretta. En 1930, ce dernier publie un manifeste sur ce thème, et en 1933, construit la première opération de logement ouvrier étatique, un ensemble de cent vingt maisons individuelles groupées sur quatre pâtés de maison avec un jardin commun appelé le « Jardin Ouvrier ». Ce lotissement est constitué de maisons de trois types, 44,10m2, de 54,90m2 et 66,66m2. Le design des maisons est fonctionnaliste et se limite au strict nécessaire : les chambres sont des alcôves, et les espaces 13VAZQUEZ Jorge, « Edificio Isabel », in Casa del tiempo, Editions UAM, 2010.

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Pani construira ensuite plusieurs autres grands ensembles de ce type.

Coupes de la maison ouvrière de Legarreta Plan type d’un appartement du « Multifamiliar Presidente Aleman »

Plan de la maison ouvrière de Legarreta Plan masse du « Multifamiliar Presidente Aleman »

de services ont des dimensions très réduites14. De 1947 à 1949, l’architecte Mario Pani reprend les principes fonctionnalistes de Le Corbusier et de la Cité Radieuse (19471952) pour construire le « Multifamiliar Presidente Aleman ». C’est une commande de la Direction Générale des Pensions Civiles, une caisse de cotisation salariale. C’est la première 24

14VAZQUEZ Jorge, « A la caza de Juean Legarreta», in Casa del tiempo, Editions UAM, 2012.

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fois qu’un ensemble d’une telle envergure est construit : il est constitué de neuf bâtiments de treize étages et de treize bâtiments de trois étages, soit un ensemble de 1080 logements. Mario Pani construira ensuite plusieurs autres grands ensembles de ce type. Le plus connu de ces ensembles urbains est celui de Nonoalco-Tlatelolco au Nord du centre ville de Mexico, construit entre 1964 et 1966, à proximité du soubassement d’une


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par son ampleur. Il sera en partie ravagé par le tremblement de terre de 1985.

Il fait part d’une grande variété dans les prototypes de logements qu’il propose, allant de 75m2 à 120m2. Le stationnement des voitures se fait en sous-sol, ce qui permet la création d’une dalle appropriable où s’installent jardins et aires de jeux.

Nonoalco-Tlatelolco

pyramide aztèque. Il est constitué de onze mille neuf cent soixante logements répartis dans cent cinq unités d’habitation et muni de quarante-cinq équipements : commerces, écoles, garderies, hôpitaux, centres sportifs, bureaux, théâtres et cinéma. Ce projet ambitieux restera une expérience unique de par son ampleur. Il sera en partie ravagé par le tremblement de terre de 1985.

Integracion Latinoamericana

Entre les années 1974 et 1976 est construit l’ensemble « Integracion Latinoamericana », un ensemble de 1460 logements par l’architecte Luis Sanchez Renero et commandé par les organismes

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Coupe de l’ «Integracion Latinoamericana»

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gouvernementaux INFONAVIT (Instituto del Fondo Nacional de la Vivienda para los Trabajadores) et FOVISSTE (Fondo de Vivienda del Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado). Il fait part d’une grande variété dans les prototypes de logements qu’il propose, allant de 75m2 à 120m2. Le stationnement des voitures se fait en sous-sol, ce qui permet la création d’une dalle appropriable où s’installent jardins et aires de jeux15. Jusqu’à cette époque, le parc social locatif est construit sous la tutelle du gouvernement et dans des contextes urbains. Un changement de statut dans l’aide de l’Etat vis à vis des habitants de ces logements sociaux engendrera d’importants bouleversements dans les formes d’habitats.

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15 DE GARAY Graciela, Mario Pani, Historia oral de la ciudad de México, Edition CONACULTA/ Instituto Mora, 2000.

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1-2.2. De l’aide gouvernementale à la spéculation financière. Dans les années 1970, le Mexique bénéficie d’une forte croissance économique (hausse du PIB de 23,5% entre 1970 et 1976), due à l’exploitation du pétrole, qui engage le pays dans des politiques plus libérales. L’Etat doit aussi faire face à la croissance de la population et à la migration massive des populations rurales qui engendre des problèmes dans le logement urbain comme rural. Le logement social, jusque là locatif mais à la maintenance difficile est finalement revendu à ses locataires. L’Etat commence alors une nouvelle politique pour le logement social16 : la construction de logements en accession à la propriété. Ces logements sont dénommés « d’intérêt social ». Cette nouvelle politique est gérée par trois organismes qui distribuent des prêts pour acheter des logements prévus à cet effet : l’INFONAVIT (Instituto del Fondo Nacional de la Vivienda para los Trabajadores), destiné aux ouvriers, le FOVISSSTE (Fondo de Vivienda del Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado), destiné aux employés du secteur public et le FOMIVI (Fondo Militar de 16 Emilio Duhau, «Politiques du logement et intégration au Mexique : de la promotion publique à la promotion immobilière privée», in Cahiers des Amériques Latines n°44, 2003, p.119.

Vivienda), destiné aux militaires. Ce système, qui deviendra dominant dans les années 1980, est financé par un fonds constitué des cotisations sociales obligatoires des salariés. La construction et la répartition des logements sont alors supervisées par les syndicats de travailleurs. Cette nouvelle initiative permet de loger de nombreux Mexicains mais elle cause un problème majeur : la spéculation, la corruption de certains syndicats et la difficulté de la population à rembourser les emprunts entrainent un déficit important des organismes publics financeurs. En 1992, la Banque Mondiale impose la « Promotion et Dérégulation de l’Habitat », ce qui oblige le gouvernement mexicain à laisser la construction comme la vente des logements « d’intérêt social » à des entreprises de promotion privées. La participation de l’Etat se réduit à la promotion et au financement, afin de stimuler la participation privée dans la construction ainsi que dans le financement des logements sociaux. L’Etat se porte garant des banques et sociétés de prêts. Le marché de l’habitat social tombe peu à peu dans les mains de six entreprises très puissantes appelées « Les Titans du logement » : Geo, Homex,

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Javer, Urbi, Ara, Sadasi. C’est une nouvelle ère de construction qui commence dans chaque ville du pays : près d’un million de maisons sont construites chaque année en périphérie des villes mexicaines17. Le logement social se transforme en marché lucratif, régulé par des prêts à taux très élevés18, que les habitants doivent rembourser avec difficultés sur plus de vingt ans. De nouveaux types de prêts sont proposés chaque année pour attirer de nouvelles franges de la population capables de les rembourser, excluant les plus pauvres. Les entreprises en charge dégagent facilement des marges élevées sans prendre de risque sur ces projets. Afin d’arriver à de bons résultats annuels, elles considèrent le logement comme un simple produit, en privilégiant l’efficacité productive. Elles n’assument aucune responsabilité sociale et oublient les questions de qualité, d’habitabilité et d’équipements collectifs. Les syndicats sont écartés et les clients sont en contact direct avec les entreprises, les crédits étant gérés par des banques ou des « sociétés financières à objet limité » (SOFOLES). Les entreprises prétendent ainsi effacer la corruption et imposent avec l’aide du gouvernement une logique de marché. Ces programmes s’adressent aux foyers gagnant plus de cinq fois le salaire minimum, ce qui revient à 550€/mois19 , soit 20% des actifs, bien qu’il soit possible pour un couple d’obtenir le prêt à travers un endettement commun. Les prêts excluent aussi tout ceux

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17 Recensement de l’Institut de statistique mexicain INEGI, 2010. 18 4% pour ceux recevant un salaire minimum par mois et jusqu’à 10% pour ceux recevant plus de 10 salaires minimums par mois, infonavit.org.mx, 2014. 19 Servicio de Administracion tributaria, gouvernement, www.sat.gob.mx.

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travaillant dans le secteur informel, c’est à dire tout ceux travaillant comme aides de maisons, ayant leur propre petit commerce ou restaurant informel... Le prix d’achat des maisons les plus modestes tourne autour de 180 000 pesos (12 000 euros), et le remboursement s’effectue sur vingt ans. En 2000, lors de sa campagne électorale, le président mexicain Vicente Fox Quezad fait une promesse sans précédent de construire deux millions de logements « d’intérêt social » pendant son mandat. Les organismes gouvernementaux commandent alors leur construction. A la fin du mandat présidentiel, les prévisions sont surpassées, plus de deux millions de logements avaient été construits, et environ quatre millions seront construits durant le mandat de son successeur, Felipe Calderon20. Entre 2007 et 2012, période du mandat de ce dernier, sept millions de crédits INFONAVIT seront distribués. 20% de la population mexicaine vit dans des logements financés par l’INFONAVIT, mille trois cent crédits sont donnés chaque jour21. Ces ensembles de logements sont construits sur des terrains hérités du système agraire du XXe siècle. Les ejidos, sont des parcelles sur lesquelles le gouvernement laissait les agriculteurs cultiver, mais sans leur donner le droit de les vendre. Lorsque Vicente Fox prend ses fonctions de président, les agriculteurs mexicains souffrent de la compétition des prix des produits importés depuis les EtatsUnis. Le gouvernement remanie alors les limitations qui s’appliquaient sur ces ejidos, et les cultivateurs sont encouragés à vendre leurs 20 Livia Corona, « Postcard from the edge », in Domus, 2007, p.54-61. 21 Catherine Paquette, « Mexico ou la course folle à l’habitat social », conférence IRD, 2012.


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terres aux entreprises immobilières. Ces terres ne coutaient presque rien, étant situées loin des centres villes et n’étant munies d’aucune infrastructure pouvant servir à l’implantation d’ensembles de logements. La Loi Bando 2 et la nouvelle façon de gérer le logement social poussent les entreprises de construction à s’éloigner de plus en plus de la ville de Mexico, pour s’installer dans des zones agricoles, loin des transports et des services. L’objectif d’assistance sociale, présent depuis les premiers projets de la fondation Mier et Pesado, disparaît complètement au profit de la spéculation immobilière et de larges bénéfices pour les entreprises de construction.

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Exemple de fraccionamiento, photo de Livia Corona


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1.3 Les « fraccionamientos »

1-3.1 Une nouvelle forme d’habitat social : les lotissements géants Au Mexique le mot « fraccionamiento » s’applique aux développements immobiliers de logements en maisons ou appartements construits selon le même modèle et dont l’ensemble a été planifié et réalisé par une même entreprise. Le mot vient de l’idée de fractionner, ou diviser un terrain pour construire de nombreuses maisons au modèle identique. Les nouveaux projets de logements sociaux construits par de grandes entreprises privées suivent en effet presque toujours le même modèle. Ils prennent la forme de nappe comptant des dizaines de milliers de minimaisons parfaitement identiques. Ce sont des lotissements groupés qui s’étendent sur des dizaines voir des centaines d’hectares de zones agricoles ou en friche. Ces opérations se construisent en deux ou trois ans et peuvent accueillir plus de deux cent milles habitants. Les promoteurs vendent une idée de fermeture et de sécurité qui se rapproche de l’idée des « gated communities » nées aux Etats-Unis, mais dans une version adaptée au logement social et déclinée sous différentes formes et à différentes échelles. Libérées des normes des années 1970 qui imposaient comme minimum

50 m2 pour le logement social, certaines de ces maisons ne dépassent pas les 30 m2 pour des familles de quatre à six personnes. L’aménagement intérieur est réduit au strict minimum. Ces maisons sont construites par séries de mille, en parpaings. Un lotissement peut compter de vingt milles à soixante mille logements. Des systèmes constructifs très efficaces ont été mis en place avec l’aide de l’entreprise CEMEX, un des premiers producteurs de béton au monde. Le principe est très simple : un linéaire de blocs de béton est déposé sur un terrain arasé, puis une structure poteaux-poutres et remplissage parpaings avec toit-terrasse est mise en place afin de permettre l’ajout d’un étage. L’entreprise Casas Geo se vante aussi de pouvoir construire une maison en une heure. Parfois, la construction ne se fait même pas en parpaing mais en « Unicel », des panneaux de mousse de polystyrène recouverts de ciment. Ces panneaux sont utilisés pour les cloisons intérieures des maisons et les murs mitoyens, ainsi que pour les toits. Mais ils sont tellement fins que les toits se déforment et absorbent l’humidité, forçant les habitants à refaire la

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couverture de leur maison. La construction d’un étage supplémentaire, proposée dans les plans de vente comme une possibilité pour les habitants, demande dans bien des cas un renforcement couteux de la structure existante. Les maisons n’ont pas de fondations, ce qui pose problème pour construire des étages dans une zone à fort risque sismique. La construction est généralement sous-traitée à de petits constructeurs locaux, qui sont bien souvent sous-payés. Ces maisons s’abiment très rapidement ; deux ou trois années après leur construction, elles présentent déjà des signes de dégradation. Après dix ans, beaucoup d’entre elles ont perdu les trois quarts de leur valeur. Un vide réglementaire permet aux entreprises de détourner facilement les quelques règles existantes en les interprétant : - elles échappent notamment au ratio de construction obligatoire d’équipements en construisant dix séries de mille logements ou lieu de dix mille logements, - elles construisent des écoles, mais sans toilettes, - elles oublient allégrement les surfaces nécessaires de commerces lorsqu’elles ne sont pas mentionnées… - et surtout elles oublient les connections aux réseaux d’infrastructures et l’assurance de l’approvisionnement en eau, utilisant les ressources souvent limitée du territoire et amenuisant les réserves naturelles nécessaires pour l’agriculture locale.

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En 2004, l’offre de logements de ce type a dépassé la demande. Cette production supplémentaire s’est faite sous le prétexte de

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stimuler le marché. De nombreuses maisons sont restées inhabitées, faute de populations « solvable » définies selon les critères de l’INFONAVIT pour les remboursements mensuels de l’emprunt.


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1-3.2 Une réponse inadaptée au besoin cruel de logements Le besoin en logement social au Mexique est réel. Le déficit de logements de ce type accumulé au cours du temps atteignait neuf millions en 201222. Il se forme chaque année six cent mille nouveaux ménages au Mexique23. Il est bien nécessaire de construire des logements corrects pour tous. Les images « publicitaires » véhiculées par les grandes entreprises de construction sont bien différentes de la réalité. Elles font penser que l’achat d’une maison de ce type

sera un grand accomplissement dans la vie des familles pour leur permettre à tous d’être heureuses. L’esthétique de ces maisons répond à l’image de la maison individuelle moderne adaptée au « gout mexicain ». C’est une décoration de maisons clonées par des variations à moindre prix : les façades sont construites par deux en miroir et donnent l’impression de différence, ou bien il s’agit d’une grande maison qui est en fait l’addition de deux mini-maisons. Des variations de couleur

Image publicitaire Casas Geo 22 inegi.gob.mx, 2014, donnée gouvernementale surement largement exagérée. 23 Catherine Paquette, « Mexico ou la course folle à l’habitat social », conférence IRD, 2012.

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Esthétique de télénovela

et de décor sont aussi censées différencier les maisons par secteurs. Les maisons modèles visitées avant l’achat sont décorées avec soin dans des styles répondant aux stéréotypes, mini-maisons des telenovelas ou des séries américaines : façades aux couleurs vives, papier-peint, décorations et fleurs. Ces maisons modèles sont souvent installées en frange de lotissement, ou en angle, afin de donner l’impression d’une maison indépendante. Afin de masquer l’exiguïté des pièces, les meubles d’expositions sont plus petits que les dimensions types. La maison standard fait 40 m2 afin de limiter les coûts de

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construction. Les meubles souvent rustiques des futurs habitants ne sont pas compatibles avec ces maisons. Malgré cela, la demande en logement est tellement forte que les futurs habitants ne prennent pas le temps de se poser les questions les plus importantes : - Cette maison sera-t-elle assez grande pour accueillir la famille avec deux ou trois enfants ? - Y aura-t-il possibilité pour mes enfants d’aller à l’école à proximité ? - Y aura-t-il du travail à proximité et quel sera le temps passé dans les transports pour aller

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au travail tous les jours quel sera le coût lié à ce transport ? - Est ce que la maison prendra de la valeur avec le temps ? Dans un contexte urbain habituel et notamment dans les villes d’accueil, une maison peut être un point de départ pour le succès, en permettant l’installation d’un petit commerce ou d’un artisanat, ou en accueillant un locataire dans une partie de la maison. C’est enfin une richesse qui est transmise aux enfants. Mais ces lotissements sont fabriqués en dehors de tout contexte. Les groupes de maisons sont complètement isolés et se situent parfois à plusieurs dizaines de kilomètres des centres urbains. Ces quartiers ne sont qu’une accumulation de maisons, avec quelques supérettes, des écoles n’allant pas au delà du collège, un seul parc et parfois un terrain de football. Ce sont comme des quartiers sevrés de leur mère urbaine ou du village rural avant d’avoir pu se développer complètement, sans avoir acquis tout les équipements et infrastructures nécessaires à l’installation d’une nouvelle société. Les lotissements et leurs espaces publics restent la propriété privée des promoteurs, tant qu’ils n’ont pas été rétrocédés aux municipalités. Celles-ci refusent aujourd’hui de les recevoir, car la charge d’entretien de voirie et d’équipements à entretenir est trop lourde. Les transports tardent donc à venir se raccorder à ces lotissements. La ville de Mexico possède onze lignes de métros et quatre lignes de métrobus (bus dans des couloirs réservés), et de nombreuses lignes de bus qui fonctionnent de façon semiformelle, organisées par des entreprises de


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transport, dont des petits entrepreneurs qui possèdent de petits bus à faible capacité. Le problème des ménages est le coût des transports. Le transport dans le District Fédéral est relativement peu cher, mais dans l’Etat de Mexico et celui d’Hidalgo, il est très onéreux. C’est là que se perçoit la frontière invisible entre la ville de Mexico et ses périphéries. Le trajet depuis les lotissements jusqu’au centre ville peut couter à un ménage plus de la moitié du salaire par jour ramené par le chef de famille24. Ces familles doivent continuer de rembourser leur prêt tout en payant chaque jour ces frais de transport. Il est impossible de se mettre à travailler dans le secteur informel près du lotissement puisqu’une des conditions de distribution des

prêts est de travailler dans le secteur formel. Les ménages élaborent alors plusieurs stratégies : -ils achètent à plusieurs une vieille voiture qui sert aux déplacements, -les femmes arrêtent de travailler pour diminuer les frais de transports, -les hommes ne rentrent plus que le week-end et trouvent un point de chute dans la ville, -les familles s’en vont et ne gardent la maison que pour le week-end, -ils abandonnent leurs logements.

Famille installée dans sa maison financé par l’INFONAVIT 35

24 Catherine Paquette, « Mexico ou la course folle à l’habitat social », conférence IRD, 2012.

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A Mexico, le déficit quantitatif de logement est bien réel, mais il faudrai y faire face avec une offre de logements en bon état et reliée aux activités industrielles et économiques par les transports publics. Les logements offerts par les grandes entreprises de construction souffrent d’un vrai déficit qualitatif et se caractérisent par une carence de services, d’infrastructures, de qualité architecturale et structurelle… Le peu de normes qui s’appliquent à ces lotissements permettent aux promoteurs de standardiser des modules de construction bas de gamme peu couteux à réaliser ce qui leur permet de construire toujours plus, tout en esquivant les aspects qualitatifs de ces développements et en réalisant de bons profits financiers. Certains promoteurs mettent en place des innovations écologiques dans les maisons, afin qu’en apparence, l’empreinte de ces nouveaux lotissements ne soit pas trop lourde sur l’environnement. L’exemple typique est le chauffe-eau solaire, qui est bien souvent revendu par les habitants afin de pouvoir payer les transports quotidiens jusqu’au travail ou a l’école. La construction de ces lotissements sans autre politique publique que celle liée à l’aide aux financements s’éloigne d’une dimension sociale en faisant la part belle à la spéculation foncière et au profit facile des entreprises de construction.

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1.3.3. Le lotissement « Valle de los Sauces »

Plan masse du lotissement groupé «Valle de los Sauces»

Nombre de ménages: 3000 Terrain : 260 000 m2 Densité : 461 hab/Ha Prix des logements : Maison de 34m2 : 15 850€ Maison de 51m2 : 21 000€ Appartement de 44m2 : 16 500€ Situation géographique : Atlacomulco, Etat de Mexico, Mexique Année de construction : 2013- ?

Plan de situation du lotissement 37

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A titre d’illustration, on étudiera un développement en vente en 2014, construit par l’entreprise la plus importante en terme de lotissement de logement sociaux : Casas Geo. Cette étude se basera sur les documents disponibles en ligne pour que les familles choisissent un lotissement et un type de maison avant de demander leur prêt auprès de l’INFONAVIT. Une fois le lotissement vendu dans sa totalité, ces informations disparaissent des sites des entreprises de construction. Situé à 70 km au Nord de Toluca et à 130 km au Nord-Ouest de la ville de Mexico, ce lotissement est appelé « Valle de los Sauces », ou « Vallée des Saules », il est situé dans la municipalité d’Atlacomulco, dans l’État de Mexico. L’adresse du développement le situe sur l’autoroute qui relie cette municipalité à Toluca, une des villes industrielles importantes qui se situent dans la mégalopole de la ville de Mexico. La publicité faite par Casas Geo du lotissement est la suivante : « « Valle de los Sauces » est située dans la région incomparable de la municipalité d’Atlacomulco, État de Mexico. C’est la joie de gâter ta famille dans un lotissement, exclusif, agréable et avec le meilleur équipement de la

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Centre de vente du lotissement

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zone, conçu pour que toi et ta famille aient tout ce que vous avez cherchez à votre portée et au meilleur endroit.» En cherchant l’adresse indiquée, on voit que ce terrain est situé entre une autoroute avec péage et une autoroute gratuite. Une sortie de l’autoroute payante permet d’accéder à un centre de vente. Le centre de vente est en fait une réplique du lotissement à petite échelle qui présente les maisons et les appartements disponibles. L’accès au lotissement lui-même se fait de l’autre côté, depuis l’autoroute gratuite. Celui-ci n’a rien à voir avec ce qu’on pourrait appeler un lotissement « exclusif », dont l’imaginaire se réfère aux « gated communities » des Etats-Unis. Le plan du lotissement promet tous les services nécessaires à une vie de famille : deux jardins d’enfants, deux écoles primaires et un collège, un centre administratif et communautaire, une place civique et un auditorium, des espaces de récréation et des terrains de sport, ainsi que sept zones commerciales et des transports publics. Mais le document (non daté) précise aussi que le lotissement contient trois mille unités de logement (maisons et appartements)


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Accès au lotissement

dont deux mille cinq cent restent disponibles. Il est donc assez difficile d’imaginer autant de services installés alors que la population est aussi peu nombreuse. La comparaison entre le plan schématique proposé par l’entreprise et les vues satellites confirme cette hypothèse : en effet, les zones commerciales prévues à l’entrée du lotissement ne sont pas construites, et seuls un ou deux bâtiments de « typologie publique » existent. Les photos satellites datent de 2014 et le lotissement n’est alors pas encore complètement terminé, pas seulement les équipements, mais aussi les maisons et immeubles résidentiels.

Vue aérienne du lotissement en 2014

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On peut déjà faire certaines observations sur a morphologie bâtie: Le plan masse du lotissement est très étalé. Il s’étire en linéaire depuis l’autoroute sur 1,4km. L’accès aux logements se fait par une route large d’une dizaine de mètre puis par des impasses perpendiculaires à cette route qui distribuent les maisons et servent de réserve de stationnement pour les voitures. Les maisons, toutes mitoyennes s’organisent en bandes fermées, elles ont toutes un accès direct à la rue. Les impasses donnent accès à des groupes de trois à quatre immeubles mitoyens ou à des mini maisons en rangées continues. Ces impasses sont presque aussi larges que la voie d’accès principale (8m) ce qui ne permet pas aux habitants de bénéficier d’un changement d’échelle en arrivant chez eux. De plus, mis a part des patios bétonnés et sans vue, le seul espace extérieur dont bénéficient les logements se trouvent le long de ces impasses et sont ouverts : il n’y a pas de délimitation entre les différents jardins. Cet espace tampon entre les maisons et la rue aurait pu servir pour définir l’espace urbain et créer un espace de transition mais il n’est pas traité et reste brut. Certaines maisons ne profitent même pas de cet espace. La proportion de voirie par rapport au bâti et aux espaces verts est largement majoritaire. Les maisons sont collées dos à dos afin de constituer un bâtiment en bande ininterrompu. Il sert à la fois de limite au lotissement et de séparation entre les différentes ruelles. Cette organisation en bande est flexible et permet de s’adapter à l’axe linéaire dessiné par les développeurs, tout en économisant grâce à la standardisation et à la répétition du modèle. Les différentes typologies de maisons sont distribuées en

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Plan de base du modèle Golondrina - 1/100e

fonction de l’espace disponible entre les voies, formant ainsi un peigne dans les points les plus étroits du lotissement. Des immeubles de trois étages sont situés dans une zone restreinte, isolés des maisons. Ils sont aussi associés dos à dos et créent entre eux des petits patios fermés pour l’aération. Cette organisation privilégie un accès en voiture, sans offrir d’espace tampon aux maisons qui souffrent des nuisances de ces rues. Une des typologies de maison est la maison « Golondrina ». Son prix est de 282 000 pesos, soit 15 850€. C’est le prix le plus bas pour ce lotissement. L’entreprise présente le plan comme celui d’une maison à deux étages, avec un tout petit astérisque précisant que le niveau supérieur est une extension future, au frais du client. Sur un terrain de 60 m2, la maison fait 34 m2 et est constituée d’un salon/ salle-à-manger, d’une cuisine aménagée dans


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Plan masse du lotissement 1/50 000e

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une alcôve, d’une salle de douche/WC, d’une chambre munie d’un placard, et d’un patio/ buanderie. Le plan pourrait laisser croire que

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Structure existante Extension

Plan d’extension prévu par Casas Geo du modèle Golondrina - RDC - 1/100e

Plan d’extension prévu par Casas Geo du modèle Golondrina - R+1 - 1/100e

c’est une maison adaptée à une famille avec deux enfants, ils auraient même chacun une chambre dans le cas d’une extension. C’est sur ce genre de plan que beaucoup de famille font le pari : ils achètent la maison en pensant pouvoir construire rapidement l’extension prévue par les constructeurs, mais la structure de la maison existante ne permet pas d’y ajouter un niveau car il faut la renforcer et les frais qui s’y ajoutent rendant cet agrandissement impossible. Des familles de quatre à six personnes se retrouvent donc à vivre dans 34 m2, pour une durée de temps indéfinie. On pourrait penser que le patio pourrait servir à une extension possible. Mais seul ce patio et la

façade principale permettent de laisser entrer la lumière et d’aérer la maison. Couvrir le patio reviendrait à combler les fenêtres de la cuisine et de la chambre. On s’imagine difficilement partager un si petit espace à quatre personnes. Si une chambre est aménagée dans l’espace du salon, elle n’aura pas de fenêtre et l’espace à vivre sera considérablement réduit. Le descriptif de la maison ne donne que l’aire de la maison après agrandissement, ne permettant pas aux familles de réaliser la taille réelle du bien qu’elles achètent. De plus, les plans omettent d’indiquer que l’escalier nécessaire à la construction d’un deuxième étage réduira l’espace à vivre du rez-de-chaussée.

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Même sur les modèles de maisons un peu plus spacieuses, le même subterfuge est mis en place ; l’entreprise propose dès l’achat un agrandissement réglementé qui donne espoir aux familles. Seules les unités d’habitation type appartement sont épargnées de ce stratagème. Pour les premiers habitants de « Valle de los Sauces », la vie ne doit pas être facile : peu ou pas de services ni d’équipements, trop éloigné des deux grandes villes génératrices d’emploi, Toluca et Mexico… Il est impossible de savoir quand ces équipements viendront compléter les logements. Sur les photos aériennes, seuls une école et un centre commercial sont déjà construits, sans preuve qu’ils soient opérationnels aujourd’hui. Les logements sont achetés avec l’espoir d’une extension mais ne sont pas adaptés aux familles qui viennent s’y installer. La vie parfaite décrite dans les descriptifs de promotion par Casas Geo reste pour l’instant une illusion. Il ne reste plus qu’à espérer que les années à venir apporteront petit à petit le complément d’équipements et

Les logements sociaux qui se construisent aujourd’hui au Mexique ne sont plus que des produits immobiliers inadaptés aux besoins des futurs habitants. Bien que de nombreux architectes se soient penchés sur la question au fil des années, le gouvernement s’est délesté de sa responsabilité sociale en la laissant entre les mains d’entreprises de grande taille qui construisent au plus vite et pour obtenir le meilleur profit des « boîtes à chaussures » déconnectées du site et des besoins des habitants. Ils participent d’autre part à l’étalement urbain de la zone métropolitaine de la ville de Mexico.

d’infrastructures indispensables.

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02 ÉTALEMENT URBAIN, ABANDON ET ÉVOLUTION DU MODÈLE

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Les fraccionamientos construits au Mexique pour palier au besoin de logement social se calquent sur une économie de croissance : construire toujours plus de logements pour toujours plus d’habitants, tout en réalisant de plus en plus de profits. Mais malgré le manque réel de logement, la construction de ces lotissements participe à l’étalement urbain, et plutôt que d’offrir des solutions viables à ses habitants, elles les forcent à s’installer plus loin de leurs travails, des commerces, des services… Les entreprises de construction, constatant les défauts de certains de leurs lotissements ont fait évoluer le modèle des fraccionamientos au fil du temps. Mais ces changements sont ils suffisant pour proposer une solution viable à la population accédant à la propriété d’une de ses maisons ? C’est ce que nous étudierons dans cette seconde partie.

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2-1.L’étalement urbain, origine, développement et abandon

2-1.1. Historique de l’ « urban sprawl » Les lotissements géants étudiés dans la première partie suivent un modèle venu des Etats-Unis : des ensembles résidentiels permettant à une majorité de devenir propriétaire de sa maison individuelle dans un lieu sécuritaire, et d’avoir le sentiment d’accomplir ainsi une certaine réussite sociale. Nous étudierons par la suite les éléments qui ont mené à la création de ce modèle et ses variations dans le contexte du logement social mexicain. Les prémices de l’étalement urbain aux Etats-Unis datent de la fin du XIXe siècle : le pays passe d’une économie majoritairement agricole à une économie industrielle reposant sur la manufacture à grande échelle. Les grandes entreprises et les usines s’installent en ville. La main d’œuvre ouvrière suit le mouvement. La transformation des villes est fulgurante : pollution, bruit… Les conditions de vie changent drastiquement, les ouvriers sont souvent entassés dans des immeubles où les conditions de sécurité ne sont pas acceptables. C’est de ce constat que naissent les premiers plans de zoning à l’intérieur des villes, qui essayent de séparer les zones industrielles

des zones résidentielles. Mais la transformation des villes et la diminution de la qualité de vie pousse les citadins à voir la campagne comme un paradis de tranquillité et de propreté. La conquête de ce paradis est rendue possible par l’invention de la locomotive à vapeur au début du XIXe siècle : elle permet un exode vers les champs sur des rails d’acier. Mais ceux qui ont les moyens de s’isoler créent des enclaves exclusives constituées de grandes maisons de type manoir. Ce système est d’abord prévu pour une classe moyenne supérieure. La seconde révolution rendant possible la démocratisation de cet exode est celle de la production industrialisée des matériaux de construction, permettant avec des cadres en bois léger de construire des maisons en kit et en masse dès les années 1840. Puis les trains de banlieue et les tramways électriques dans les années 1880 permettent la naissance de nouveaux modèles, entre urbains et suburbains, s’organisant de manière linéaire et compacte, afin que leurs habitants puissent rejoindre les transports à pied. Les banlieues ne sont plus alors seulement pour les riches et leur densité devient de plus en plus forte, ce qui amoindrit le charme rural

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qui avait séduit les nouveaux arrivants. Dans les années 1920, avec la démocratisation de la voiture, naissent les premières banlieues fonctionnant sur le transport individuel: contrairement aux banlieues précédentes qui devaient rester compactes pour une question d’accessibilité, celles-ci se dispersent dans tout les sens, puisqu’il est désormais possible de parcourir des distances beaucoup plus grandes. C’est dans ces années-là que Frank Lloyd Whrigt développe le concept de sa « Broadacre City » : une nouvelle métropole horizontale connectée par la voiture, s’étalant sur les dizaines de milliers d’hectares du territoire américain. C’est l’expression d’une société démocratique, et des libertés individuelles qui l’accompagnent. Dans les années 1930, avec la suite des politiques de zoning, les industries se déplacent aussi vers la banlieue. Puis c’est le secteur tertiaire, qui subit une croissance importante et vient s’y installer dans les années 1950 : le nombre de travailleurs dans ce secteur demande de grands espaces bon marché qu’il est impossible de trouver dans les centres villes. La vie commence à se déplacer doucement en banlieue quand les services suivent les travailleurs partis s’y établir. Les villes commencent alors à se drainer de leur population blanche de classe moyenne qui préfère les communautés en banlieues pour vivre. L’idée que les villes sont congestionnées, polluées et peu sanitaires est omniprésente. Elles ne sont en tout cas pas adaptées à l’automobile désormais indispensable. C’est d’après ce constat que Le Corbusier propose son « Plan Voisin » (19221925), qui prétend détruire une grande partie

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du centre historique de Pais pour y installer des tours de 60 étages qui composent une cité d’affaires et une cité de résidences. Aux Etats-Unis, cette idée est largement suivie : on essaye d‘apporter un renouveau aux centres villes en y construisant des tours de logement et d’autres de bureaux, c’est le phénomène des « edge cities ». L’étalement urbain est aujourd’hui un fléau pour certaines villes américaines, tel Détroit, dont les centres villes considérés comme dangereux et malsains sont complètement abandonnés au profit des banlieues ou se créent de nouveaux centres urbains : ce sont des villes en décroissance au sein d’agglomérations métropolitaines en croissance.


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2-1.2 L’étalement Mexique

urbain

au

Ce schéma de développement dans le temps se retrouve aussi dans les grandes villes d’Amérique Latine comme Mexico où, en parallèle à un phénomène d’auto construction très important se construisent des tours toujours plus hautes pour accueillir une population urbaine de plus en plus nombreuse : entre autres les grands ensembles inspirés du style international mentionné dans l’étude des prémices du logement social au Mexique. Dans les années 1990 apparaissent les « gated communities », des lotissements résidentiels fermés et sécurisés, un nouveau modèle venant des aux Etats-Unis qui se diffuse ensuite à l’échelle planétaire. Ce sont tout d’abord des ghettos pour périurbains aisés qui se barricadent afin de se mettre à distance les pauvres et éliminer tout sentiment d’insécurité. Mais ce modèle se décline ensuite pour chaque classe sociale, tout comme la banlieue qui fut une échappatoire pour les plus riches avant de devenir le lieu résidentiel des masses de classes moyennes. Les lotissements géants de logement social au Mexique se basent sur cette idée de fermeture résidentielle sous différentes

formes et à différentes échelles. Les « gated communities » existaient déjà au Mexique, comme les grappes de tours de luxe dans le quartier de Polanco a Mexico ou sous forme d’imposantes demeures dans de vastes parcs avec contrôle d’identité à l’entrée. Le cas étudié dans ce mémoire est bien différent puisqu’il s’agit d’une ville à bon marché, bien qu’elle permette l’accession à la propriété d’une maison individuelle à une frange de la population mexicaine auparavant exclue de ce type de symbole de réussite sociale. Ces lotissements géants bénéficient d’une fermeture systématique mais peu imposante et peu sécuritaire. L’enceinte perimétrale sert bien souvent à séparer le lotissement des quartiers d’auto construction qui peuvent venir s’installer autour. Ceux-ci amènent un sentiment d’insécurité et la peur d’une dévaluation immobilière. C’est donc une fermeture qui se concentre sur la périphérie de l’ilot géant constitué par les logements officiels. Elle est souvent constituée des maisons qui, dans leur configuration « dos à dos » bénéficient d’un mur aveugle qui fait alors face à l’extérieur du lotissement. C’est

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une frontière qui n’est pas perçue comme telle depuis l’intérieur, mais évite aux habitants d’avoir à voir leurs voisins gênants. Les fraccionamientos sont issus d’une longue tradition de conquête de la campagne par les citadins, dans le but d’accéder au Priory Hall luxe de la maison individuelle dans un cadre accueillant. Mais la logique économique qui pousse les entreprises à construire toujours plus de ces lotissements dépasse désormais cette vision : ces entreprises sont déconnectées de leur environnement, qu’il soit péri-urbain ou rural, les maisons ne sont pas adaptées aux besoins de leurs habitants, et ne sont pas accessibles facilement puisque bien souvent leurs habitants aux faibles revenus n’ont pas

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La fermeture dans les fraccionamientos

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de voiture. Le but social de ces lotissements est de fournir à tous un logement décent et digne, au contraire de certains quartiers d’auto construction qui peuvent s’apparenter à des bidonvilles. Mais seule une logique de spéculation immobilière permet la construction de ces ensembles dont l’offre est dorénavant plus forte que la demande.


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2-1.3 L’abandon des lotissements

de la Zone Métropolitaine de la Ville de Mexico

Abordée dans la première partie de ce mémoire, la spéculation foncière a lieu selon les stades suivants du processus de création des lotissements: - rachat de terres agricoles à bas prix par les entreprises de construction grâce aux changements de statut de ces terres autorisés par le gouvernement - camouflage des surfaces réellement construites - construction de maisons à bas prix de revient sans respecter les critères de qualité qui en assureraient la durabilité - minimisation des infrastructures et des équipements Une étude effectuée en février 2011 par la société BBVA Bancomer montre que 25% des logements construits à l’attention des bénéficiaires de prêts de l’INFONAVIT sont inhabités25. En cinq ans, plus de six cent mille maisons ont été temporairement ou définitivement désertées. Parmi les raisons

évoquées pour expliquer ces abandons, la première est le manque de qualité des logements : problèmes de distribution d’eau, de raccordement au tout à l’égout, entretien et assainissement défectueux. L’inaccessibilité est aussi un problème majeur. En effet, certains habitants doivent faire de nombreuses heures de trajet pour aller travailler, étudier, acheter à manger… Tout cela causant des frais excessifs pour des familles aux revenus modestes, qui préfèrent se rapprocher des centres urbains, quitte à vivre dans des logements en auto-construction. Le manque d’entretien pousse aussi à l’abandon : de nombreux lotissements sont construits sans penser à leur gestion future et abandonnés aux mains de leurs habitants qui ne savent pas forcément s’organiser pour se constituer en copropriété. Une conséquence de ces abandons est une hausse de la délinquance et de la criminalité dans ces lotissements. En effet, lorsque que les maisons sont abandonnées les squats s’installent et les détériorations des maisons sont difficiles à 25 Etude « situacion immobiliaria » de BBVA Bancomer consultable sur www.bbvaresearch.com, 2010.

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éviter. Cette insécurité entraine aussi nombre d’habitants à retourner vivre dans les quartiers populaires d’auto construction. Ces maisons sont en accession à la propriété, ce qui veut dire qu’une fois abandonnées, les organismes gouvernementaux ne peuvent rien faire pour les rénover ou les redistribuer, ce qui fait perdre à des quartiers entiers leur valeur immobilière, bouclant ainsi ce cercle vicieux. De plus, les municipalités dans lesquelles s’installent ces lotissements préfèrent

Abandon et manque d’entretien

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souvent aider les quartiers d’auto-construction dont le caractère irrégulier est inquiétant pour eux plutôt que d’essayer de régler les problèmes d’entretien ou d’infrastructure liés aux lotissements qui sont établis dès leur construction comme officiels et soutenus par le gouvernement. Ceux qui abandonnent leurs logements arrêtent de rembourser leur crédit auprès de l’INFONAVIT, ce qui les contraint à abandonner tout droit au crédit social. Certains essayent de vendre ou bien de louer leur maison mais il est difficile de trouver des preneurs, puisque l’offre de maison neuve en accession à la propriété est très grande. Seuls ceux qui ne sont pas concernés par les

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crédits sociaux, dont le salaire n’atteint pas cinq salaires minimums, ou qui travaillent dans le secteur informel peuvent voir ces offres comme une opportunité. Selon Celine Jacquin, urbaniste et chercheuse de l’Université de Marne-laVallée, l’abandon de ces logements est parfois temporaire, en fonction des zones et des problématiques très locales. Les chercheurs se penchent sur ce problème d’abandon depuis peu de temps, mais sans s’intéresser à leur évolution dans le temps, ce qui en donne une compréhension erronée et partielle. Il semble que l’on puisse néanmoins parler d’un cycle de vie de ces zones qui se présenterait de la façon suivante : - dans un premier temps, les lotissements sont livrés sans services ni infrastructures, avec des services de transport auto-générés insuffisants et chers. C’est alors que les familles prennent la décision d’abandonner ou simplement de ne pas venir habiter leur logement. La majorité des familles se trouve dans le second cas, car abandonner un logement signifie perdre définitivement son droit au crédit social. Cette décision très lourde de conséquences pour les familles à bas revenus, n’est pas prise à la légère. - la deuxième phase est une phase d’attente, allant de un à quatre ans, durant laquelle les familles continuent de louer ou de vivre chez leurs parents directs ou indirects. - malgré tous leurs défauts, les lotissements représentent un levier dans le développement économique local, que ce soit à l’intérieur des lotissements ou autour, du simple fait de l’installation d’un important marché de consommation des nouvelles


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populations, mais aussi du fait de la création progressive de lignes de transport directes vers le centre de la ville, qui sont utiles pour toute la population alentour. Les familles retournent alors habiter leurs logements, après ces années au cours desquelles le développement de la zone s’est peu à peu complété. L’abandon serait donc une « stratégie » des familles afin de s’adapter à une planification urbaine en plusieurs temps. Dans les quartiers les plus anciens de ces lotissements, on peut observer un phénomène d’hybridation qui laisse espérer certaines évolutions. Les habitants essayent de réinventer les lieux de vie anonymes par un procédé de personnalisation de leurs maisons: utilisation de couleurs ou d’éléments de décorations (balustrades etc.) non réglementaires, construction d’étages supplémentaires, appropriations d’espaces latéraux et même d’espaces publics. Certains rez-de-chaussée se transforment en petits commerces. Ces transformations effrayent les entreprises de construction qui considèrent l’homogénéité du paysage de ces urbanisations comme un gage de qualité et de modernité, par opposition au visage chaotique de l’auto construction. Certains promoteurs néanmoins proposent d’utiliser cette envie d’individualité et de changement en proposant à la carte des transformations possibles, une sorte de « customisation » des logements.

Une creperie au RDC d’une maison

ne sont pas un patrimoine de valeur, elles sont situées beaucoup trop loin des villes, et les lotissements manquent drastiquement d’équipements. Les prêts sont aussi difficiles à rembourser. Seul un très faible pourcentage d’acheteurs profitent de leur crédit INFONAVIT dans le but de spéculer : ils louent la maison achetée et remboursent leur prêt grâce à ce loyer, qui leur permet à terme d’acheter de nouvelles maisons et de pouvoir vivre de leurs rentes. Mais cette configuration ne concerne qu’une petite proportion de la population qui n’a en fait pas réellement besoin de ces prêts, ni d’un logement. Malgré ces résultats accablants, le gouvernement continue à soutenir la construction de ces lotissements. De nouveaux systèmes de prêts sont aujourd’hui proposés pour permettre aux cinq millions huit cent mille de Mexicains travaillant dans le secteur informel d’accéder à un logement « d’intérêt social ».

Les problèmes de fond à court ou moyen terme sont bien réels : les maisons

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2-2. Actualité et évolution des modèles

Après identification des nombreux problèmes urbains, économiques et démographiques associés au système actuel des « fraccionamientos », les entreprises de construction ont pris des mesures afin de créer un produit plus adapté à la demande, bien que le système d’attribution de ces logements n’évolue pas en faveur des classes sociales moins aisées ou de travailleurs informels. Certaines entreprises de construction ont choisi de s’intéresser à l’auto construction, en aidant à financer les matériaux nécessaires pour la construction de maisons des familles les plus pauvres. Ce sont ces deux cas que nous étudierons par la suite.

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2-2.1. Les « Desarollos Urbanos Integrales Sustentables » Le programme de logement d’intérêt social mis en place entre 2000 et 2006 a créé des villes dortoirs, dispersées et déconnectées des centres urbains, construites sans considération pour l’environnement ou les écosystèmes. La Société Hypothécaire Fédérale (SHF) a mis en place un programme basé sur ce constat : « Desarollos Urbanos Integrales Sustentables », les « Développements Urbains Intégraux Durable ». La SHF offre des subventions aux constructeurs qui développent des lotissements de logement social entièrement planifiés, de l’échelle de la maison à l’échelle de l’aménagement du territoire, tout en prenant en compte les communes auxquels ils se rattachent dont ils doivent recevoir l’approbation. Le programme de ces lotissements doit être mixte et comprendre des infrastructures, des services, des équipements, des commerces, des lieux d’éducation, de santé et des industries. De plus, ils doivent être situés de préférence dans une ville où dans son immédiate périphérie26.

26 www.shf.gob.mx/mobile/Productos/Paginas/DUIS.aspx 27 stmedia.net/noticias/regional/reportaje-especial-valle-delas-palmas-una-ciudad-fantasma#.VWRMPOeAScM

Un exemple de ces DUIS qui profitent de subventions est celui de « Valle de Las Palmas » à Tijuana, en Basse Californie. Construite par l’entreprise URBI, le projet était de construire cent mille maisons entre 2007 et 2010 et de continuer le développement du lotissement pour qu’il puisse accueillir plusieurs centaines de milliers de maisons d’ici à 2025. Ce projet a l’appui du gouvernement de Tijuana, et comprend une usine de traitement de l’eau, un pôle de recyclage et utilise des énergies alternatives (solaires, éoliennes, méthane). Le lieu choisi est situé proche d’une usine automobile et un complexe industriel est prévu sur le site, avec l’espoir de générer huit milles nouveaux emplois. En 2014, le résultat de ce lotissement n’est pas celui attendu : la localisation est encore trop éloignée du centre de la ville, les entreprises ne se sont pas installées dans la zone industrielle et les emplois ne se sont pas créés. De plus, la crise économique a affecté les entreprises de construction qui n’ont pas su s’organiser pour continuer la construction du lotissement. Le transport public ne s’est pas mis en place jusqu’aux nouveaux logements27. Le projet est certifié par le gouvernement

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fédéral, qui a une obligation de le rénover, mais il est impossible de savoir quand ce jour viendra. Ces projets DUIS sont encore des expériences isolées et certains sont confrontés aux mêmes problèmes que les « fraccionamientos ». Ce programme n’a pas encore certifié de lotissements dans la zone métropolitaine de la ville de Mexico. Certains promoteurs s’appuient sur la technologie associée aux énergies renouvelables et sur l’accueil de nouvelles entreprises, mais oublient de relier leurs projets aux centres urbains.

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2-2.2. Les construction

aides

à

l’auto

Un des programme d’autoproduction de logements à destination des populations pauvres des régions rurales du Mexique s’appelle « Echale a tu casa » qui peut se traduire par « Mets la main à la pâte pour ta maison ». Les communautés participantes, regroupées en groupe de 100 familles, bénéficient d’une formation et d’un suivi technique durant le processus de la construction de leurs maisons. Des machines de fabrication de briques ainsi que d’autres éléments essentiels à la production sont mis à leur disposition. Cette méthode permet ainsi de réduire considérablement les prix de construction par rapport à des maisons de lotissement construit par des promoteurs : une maison de 44m2 coûte 8 100 dollars au lieu de 18 00028. Ces communauté bénéficient de prêts de l’agence fédérale du logement (CONAVI), et le fond INFONAVIT considère aussi une collaboration avec le programme afin d’en accroître la production. Le système constructif utilisé est celui des briques ECOBlock, une brique écologique fabriquée à base de matériaux recyclés et de déchets de 28&29 FERGUSON Bruce, « Partenariats public-privé : quelques enseignements venus d’Amérique latine », in Secteur privé & développement n°19, Proparco, Juillet 2014.

la construction. Les maisons ainsi construites utilisent beaucoup moins d’énergie et génèrent moins de pollution que les bâtiments en ciment. Ce programme a seulement été mis en place dans des zones rurales jusqu’à aujourd’hui. Le coût du terrain dans ces zones reste abordable pour les populations pauvres grâce aux aides fédérales. Un second programme d’autoproduction de logement est mis en place par le géant cimentier mexicain Cemex, afin d’aider les familles à faibles revenus à construire ou agrandir leurs maison : « Patrimonio Hoy » traduit par « Patrimoine Aujourd’hui ». Les familles intéressées sont regroupées par groupes de trois et d’engagent à suivre un

Famille participant à Echale tu casa devant leur maison

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programme d’épargne. « Patrimonio Hoy » leur octroie un prêt sous forme de matériaux de construction à un taux faible. Une assistance technique est aussi mise en place. Cette initiative, entièrement privée, se développe grâce à des « promoteurs » locaux, embauché par Cemex qui commercialisent le programme dans leurs quartiers et suivent les chantiers afin de résoudre les conflits et problèmes potentiels. De 2001 à 2011, le programme a aidé 250 000 foyers mexicains à agrandir leurs maisons29. Cemex a élargi son programme à d’autres pays d’Amérique latine et d’autres cimentiers expérimentent des initiatives similaires dans de nombreux pays.

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Bien que de nombreuses innovations fassent changer le modèle des « fraccionamientos », les réserves de terrains encore disponible que possèdent les géants de la construction se situent loin des centres urbains. L’économie de ces constructions est basée sur l’installation sur une terre bon marché, il semble donc impossible d’imaginer un changement de localisation de ces lotissements avant de venir à bout de ces réserves. Il existe des alternatives à ces lotissements géants : implantation dans le contexte urbain, prise en compte de la dimension d’auto construction, d’appropriation ou d’extension dès la phase de conception sont autant de pistes pour améliorer les modèles d’habitat social mis en place par les grandes entreprises de construction aujourd’hui au Mexique. Nous étudierons par la suite trois projets dont la conception diffère de celles des « fraccionamientos » et qui ont mieux répondu aux besoins de leurs habitants.

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03 SOLUTIONS ARCHITECTURALES ALTERNATIVES AUX FRACCIONAMIENTOS

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Vue aérienne d’IntegrARA


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3.1. Mexique : IntegARA Iztacalco, Mexico, Arquitectura 911sc, 2013

Nombre de ménages: 738 Terrain : 16 000 m2 Densité : 1840 hab/Ha Prix d’une unité de logement de 50 à 58 m2 : 44 000€ Situation géographique : Iztacalco, Mexico Année de construction : 2013

Le quartier Iztacalco au sein de Mexico

Ce projet a été réalisé par une des grandes entreprises de construction qui vendent leurs logements aux bénéficiaires des prêts gouvernementaux. Mais cette entreprise se concentre sur le milieu urbain et, bien qu’elle offre de nombreux projets de maison et lotissements, elle propose aussi des ensembles d’appartements, sous forme d’immeubles de moyenne à grande hauteur. Le projet d’IntegrARA Iztacalco est un grand îlot continu d’immeubles de 5 étages séparés par des patios centraux dessiné par l’agence mexicaine Arquitectura 911sc. Il a reçu le prix « Développement Durable » du prix national du logement, qui récompense chaque année plusieurs

catégories de logements sociaux. Les architectes ont essayé d’utiliser de nouveaux concepts d’habitabilité pour cet ensemble d’échelle moyenne. Le premier est le développement durable, à travers l’intégration sociale du projet au sein du quartier pour un meilleur développement économique, avec un socle de commerces qui profite aux habitants de la zone. Ils ont utilisé des techniques écologiques telles que la réutilisation de l’eau de pluie dans les toilettes ou l’installation de robinets et ampoules basse consommation. Ils essayent aussi de créer un ensemble connecté à la ville et à la trace urbaine existante. En construisant en pleine ville, le développeur doit respecter plus de règles pour sa construction (hauteurs par rapport à ses voisins, nombre de

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places de stationnement). Le site est proche du réseau de transport Metrobus et la formation des ilots à patio central, traversés par des passages aux angles des bâtiments, favorise le déplacement à pied ou à vélo au sein du projet. La construction se concentre en un ensemble compact qui permet d’utiliser le terrain disponible tout en dégageant des espaces ouverts et collectifs de différentes natures en cœur d’îlots : récréatifs, éducatifs, de repos… Sur un îlot entouré sur trois côtés

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Plan masse de l’ensemble 1/1 000e

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par une avenue s’installent un bati dense : la parcelle est divisée en deux par un axe piéton reliant deux avenues. Autour de cet axe s’installent six blocs de cinq étages, eux mêmes organisés autour d’une cour, composés chacun de six appartements par cage d’escalier distribués en coursive. L’occupation du sol est assez dense puisque le bâti utilise 40% de la surface de la parcelle. Bien qu’il existe des limitations de hauteur pour les vis à vis avec les parcelles voisines, cette règle n’est pas appliquée à l’intérieur de l’îlot. Les patios


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centraux (quinze par trente-cinq mètres) sont les principales sources de lumières. Les failles entre chaque bloc sont plus réduites (onze et sept mètres de large). Les espaces de rencontre sont de dimensions généreuses, et permettent l’appropriation : on peut imaginer les enfant y jouer en toute sécurité pendant que les parents les surveillent de temps en temps par la fenêtre. L’épaisseur de l’ensemble d’habitation est de neuf mètres et les appartements utilisent un module de 6m de large. Ils sont tous composés de deux chambres, d’un espace de séjour, d’une cuisine et d’une salle de bain. Les espaces de service sont étroits. Les appartements profitent d’une double exposition, permettant une ventilation croisée. En fonction de l’accès, certains s’ouvrent directement sur le patio ou bien sur la coursive ouverte. La profondeur des appartements permet parfois d’aménager une alcôve entre

Plan d’un apprtement type 1/100e

les deux chambres permettant d’y installer un bureau ou un coin télévision. Ces typologies sont un peu plus grandes que celles proposées dans les fraccionamientos mais ne bénéficient pas non plus d’une très grande qualité spatiale. Le slogan de ce projet donné par l’entreprise de construction ARA est « A l’intérieur, tu ne manques de rien, à l’extérieur, tout est à portée de main ». Cette promesse s’est réalisée puisque l’ensemble construit en 2013 est aujourd’hui complètement habité et les commerces aménagés dans le socle tous occupés. Le contexte urbain est beaucoup plus contraignant pour les entreprises de construction. Mais il permet un retour d’investissement puisque les appartements se vendent alors plus chers et se remplissent plus rapidement et sans problème. La population ciblée par ce type de développement est différente de celle qui est susceptible d’acheter dans les fraccionamientos de la périphérie, son pouvoir d’achat est plus fort. Les constructeurs sont alors déchargés de la responsabilité de cet édifice et peuvent passer plus rapidement à un autre projet. Ce type d’implantation est aussi beaucoup plus atractif pour les habitants grâce à ses nombreux avantages : proche des commerces et services, des possibilités d’emploi à proximité, des transports en communs accessibles à pied… Il n’y est certes pas possible d’adjoindre des pièces aux appartements en fonction des besoins au fil du temps, mais il est beaucoup plus simple de revendre une propriété bien placée afin de trouver un logement plus grand si besoin.

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Bien que plus contraignant pour les constructeurs d’un point de vue réglementaire, ce type de projet en contexte urbain est à la fois intéressant pour les entreprises comme pour les habitants. Reste le problème que les appartements ne sont pas accessibles à tous, leur emplacement et leur surface augmentant de façon non négligeable les prix immobiliers.

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Elemental Santa Catarina


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3.2. Mexique : Elemental, Santa Catarina, Alejandro Aravena (Chili), 2010

Nombre de ménages: 70 Terrain : 6591 m2 Densité : 477 hab/Ha Prix d’une unité de logement de 40 m2 : 15 000€ Situation géographique : Santa Catarina, Nuevo Leon, Mexique Année de construction : 2010 Cet ensemble résidentiel est un ensemble expérimental construit dans la zone métropolitaine de la ville mexicaine de Monterrey, à 1000 km au Nord de Mexico. Il est situé en bordure d’un lotissement de classe moyenne de type fraccionamiento. L’ensemble est un îlot constitué de bâtiments continus de trois étages. Ils sont divisés selon une trame répétitive de trois modules. Situé dans un quartier résidentiel, assez éloigné des commerces et des services, le projet présuppose que chaque famille possédait une voiture. Les habitants profitent tous d’une place de parking au pied de leur immeuble, sur un principe faisant penser au motel. L’îlot est entouré par une rue vers laquelle tous les bâtiments sont tournés, et tous les logements possèdent un accès direct à la rue ainsi qu’une place de stationnement. Un appartement de plein pied est accessible directement depuis la rue, alors que l’appartement en duplex est accessible par un escalier privatif. La

disposition des maisons en un bloc continu faisant le tour de la parcelle permet de dégager un espace commun central de soixante-dix par vingt mètres, lieu de convivialité, séparé de la route et où les enfants peuvent jouer. Tous les logements sont traversant et profitent d’une double d’orientation. La totalité du pourtour de l’îlot est bâti hormis aux angles, où une faille permet une porosité et un lien visuel entre la rue et le cœur de l’îlot. Dans beaucoup de fraccionamientos, les seuls espaces extérieurs ouverts se trouvent le long de la route. Une cour comme dans ce projet correspond mieux au besoin des familles. Au rez-de-chaussée, deux modules sur trois sont remplis, créant un logement en rez-de-chaussée de 40 m2. A l’étage, c’est un module sur deux qui est construit, afin de créer des duplex de 40 m2 également. Tout comme les logements de base des fraccionamientos, les maisons ne contiennent qu’une chambre, une pièce à vivre et les services nécessaires.

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Mais il est beaucoup plus simple d’imaginer l’extension au sein même du système mis en place : le bâtiment est poreux afin de permettre l’agrandissement à l’intérieur de la structure prévue, évitant la détérioration du contexte urbain par des extensions chaotiques. La partie livrée aux nouveaux habitants contient tous les éléments nécessaires pour s’y installer et prévoir une extension : les habitants n’auront

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Plan masse de l’ensemble 1/1 000e

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pas besoin de mettre en place de la plomberie, ou de construire un escalier afin d’effectuer un agrandissement, ce qui facilite énormément la tache d’un point de vue pratique et financier. Cette typologie permet une extension du logement selon les moyens et les besoins de l’habitant dans une structure pouvant l’accueillir, sans mentir aux acheteurs sur ce qui les attend à l’installation.


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Plan du RDC avant et après extension 1/100e

Structure existante Extension

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Plan du 1er étage avant et après extension 1/100e

Structure existante Extension

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Plan du 2ème étage avant et après extension 1/100e

Structure existante Extension

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C’est la première fois qu’un projet de ce type est construit au Mexique, mais le système développé par l’agence Elemental est déjà mis en œuvre au Chili depuis plusieurs années. Il a été adapté afin de répondre aux conditions climatiques différentes entre les deux pays. Le projet est donc récent au Mexique, mais on peut voir les résultats de ce type de modèle sur les lotissements construits au Chili au début des années 2000. C’est le cas du projet Quinta Monroy à Iquique dans la région du Tarapaca. Ce lotissement, commandé par le gouvernement chilien pour loger cent familles qui occupaient de manière illégale le site, est constitué des mêmes blocs de maisons construites à Santa Catarina. Les maisons ont coûté 750€ chacune et sont aujourd’hui estimées à 15 000€, après les modifications des habitants. Chacun augmente la taille des logements en fonction de ses besoins et de ses moyens, les maisons en rez-de-chaussée pouvant atteindre jusqu’à 59 m2 et les duplex jusqu’à 77m2. Utiliser cette typologie de maison évolutive donne réellement un point de départ pour les familles s’y installant, grâce à la possibilité de modifier leur logement pour y inclure les espaces dont ils ont besoin ; pour y vivre, y installer un commerce ou un studio indépendant à louer. L’augmentation de la surface permet aussi de rendre le bien immobilier plus intéressant pour la revente à terme, permettant aux familles de s’installer par la suite dans des logements de meilleur standing. 78

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Mais cette initiative est à l’échelle d’une expérience et ne concerne que soixantedix familles quand de nombreux projets de logement social au Mexique se construisent à l’échelle de dizaine de milliers de logements. La réussite de ce projet ne tient-elle qu’à son échelle ? Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer un lotissement de la taille de certains fraccionamientos calqué sur ce type de modèle. De plus, cette réussite est due à l’implantation du projet dans un quartier déjà constitué, possédant des infrastructures routières, de distribution d’énergie et d’eau, des services…



Vue aĂŠrienne de PREVI en 1975


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3.3. Pérou : PREVI, Lima, concours international, 1973

Nombre de ménages: 467 Terrain : 12,3Ha Densité : 228 hab/Ha Situation géographique : périphérie de Lima, Pérou Année de construction : 1973 PREVI ou Proyecto Experimental de Vivienda est un projet de logement social expérimental construit dans les années 1970 dans la périphérie de Lima, capitale du Pérou. En 1969, un concours international est organisé pour la création d’un nouveau quartier de maisons bon marché ; 26 architectes ont été invités à répondre à ce concours, treize péruviens et treize étrangers dont James Stirling, Aldo Van Eyck et Alexis Josic. Les règles du concours sont les suivantes : imaginer un projet de mille cinq cent maisons de faible hauteur mais de forte densité selon un module servant de modèle pour une expansion urbaine sous forme de grappes. Ces grappes doivent être conçues à l’échelle humaine et favoriser la circulation piétonne et les maisons doivent répondre à des méthodes de construction antisismiques. Elles doivent également se prêter à une extension possible afin d’accueillir les changements au sein de la famille : chaque architecte doit proposer un plan d’agrandissement qui doit être remis aux propriétaires à l’achat des maisons.

Après ce concours aux résultats exceptionnels est mis en place un plan d’urbanisme pour construire cinq cent logements selon quatre-vingt cinq typologies dessinées par les architectes. Ce plan contient aussi une école, une garderie, un centre de quartier avec des commerces, un centre médical et un centre civique avec un par cet des terrains de sport en plein air. Proche d’un axe routier majeur relié au centre de Lima, il dispose aussi de plusieurs arrêts de bus permettant aux habitants d’utiliser les transports en communs avec facilité. Le reste du projet, qui devait atteindre mille cinq cent logements, n’est jamais construit, et les plans d’agrandissements dessinés par les architectes ne sont jamais distribués aux propriétaires. Ce projet se définit par un regroupement de bâtiment défini par une composition logique interne, celle des grappes, juxtaposées sur le terrain afin de créer un quartier majoritairement piéton. Cette morphologie urbaine permet un certain isolement du quartier par rapport à

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son environnement immédiat, tout en restant connecté grâce aux axes routiers et aux arrêts de bus. L’accès au projet se fait en boucle: la route fait le tour des cinq cent logements et vient s’insérer par endroits sous forme d’impasses où sont aménagées des poches de stationnement pour les riverains. La circulation jusqu’à chaque maison se fait à pied, à travers un dédalle de ruelles qui mènent à des places publiques, des espaces verts ou des infrastructures éducatives. Les grappes de logements sont organisées par modèle : certains architectes ont prévu dans l’assemblage des accès par des places, par des ruelles, des maisons en bandes mitoyennes… créant une multitude de typologies d’accès et d’espaces public. Ce lotissement est inspiré de la morphologie urbaine des « unités de voisinage » , des concentrations de logements de taille définie avec des placettes et des cheminements au cœur d’îlots de grande taille, divisé en îlots plus petits se distinguant par des typologies variées. Il est encerclé par l’accès viaire et possède une école et des équipements sportifs ainsi qu’un parc situé au cœur du projet, à équidistance de toutes les maisons.

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On prendra comme exemple une des maisons construites selon les plans de James Stirling. C’est une maison de plan carré de neuf mètres de côté distribuant les pièces autour d’un patio central. La structure est composée par les quatre murs périmetraux et par quatre poteaux faisant les angles du patio central. C’est le départ d’un plan libre facile à s’approprier. L’aménagement initial de James Stirling ouvre deux autres patios dans les

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angles de la maison : ils sont prévus comme les emplacements d’une extension possible, simplement en les couvrant. Les chambres et la salle de bain sont les seuls espaces cloisonnés. Ils ouvrent sur la rue ou sur le patio. La cuisine et les pièces à vivre sont ouvertes et s’organisent comme un espace continu. Quarante ans après sa construction, PREVI ne ressemble plus du tout aux grappes pures de pavillons sobres et préfabriqués. Ses habitants s’en sont emparés pour se les approprier complètement, agrandissant les maisons en même temps que leur famille, puis transformant ces espaces devenus trop grands par le départ des enfants en appartements maintenant loués à d’autres. Le collage des différents modèles de maisons permet une adaptation très différente d’un groupe de logement à un autre. De nombreuses familles ont installé des petits commerces dans leurs maisons grâce à ces extensions : garderies, librairies, cybercafés, épiceries, salons de coiffures…

Plan original de la maison dessinée par James Stirling 1/200e


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Plan masse de PREVI 1/2 000e

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Ces modifications ont été effectuées grâce à l’ajout d’escaliers, la couverture de patios ou l’utilisation des toits terrasses pour construire un nouvel étage, les habitants interprétant tous les éléments des maisons d’origine comme des pistes pour des extensions. Elles se font presque toujours sans prendre en compte la vision d’origine de l’architecte et ignorent parfois même les limites de propriétés pour

Plan après extesion du RDC 1/200e

Plan du 1er étage 1/200e

s’approprier des morceaux d’espace public. Trente ans après, la maison dessinée par James Stirling a bien changé. La famille y a adjoint deux étages qui viennent surplomber en porte à faux l’espace public autour de la maison. Les patios latéraux ont été couverts. Au rez-de-chaussée s’est installé un petit commerce dans le patio d’angle donnant sur l’espace public. Le reste de l’espace est loué à un cabinet médical et sous forme de bureaux. La famille est aujourd’hui installée à l’étage, accessible depuis un escalier construit dans le patio central. Grâce au porte-à-faux, l’espace occupé par la famille est plus grand que l’espace construit initialement. Une extension constituée d’une chambre et d’une salle-de-bain a aussi été construite sur le toit de ce premier étage. PREVI fait désormais partie du tissu urbain de la métropole de Lima, bien que pour le Pérou, son modèle de faible hauteur et forte densité ne soit pas très répandu puisque les logements s’y construisent plutôt sous forme de tours de très grande hauteur. C’est peut-être ce caractère d’exception et de projet expérimental qui a fait de cette opération immobilière un succès : le soin pris par chaque architecte pour concevoir des modèles préfabriqués qui puissent être répétés sous forme de grappe et s’étaler sur le territoire périurbain de Lima, le plan d’urbanisme réalisé favorisant les déplacements piétons à l’intérieur du lotissement, la croissance prévue des modules de logement… Autant de qualités qui manquent Structure existante

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Plan du 2ème étage 1/200e

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Extension


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aux fraccionamientos construits au Mexique. Mais le nombre a peut être aussi joué sur la réussite de ce projet : comment PREVI se serait-il transformé avec l’arrivé de mille logements supplémentaires ? La dimension humaine aurait-elle été aussi importante ? Les lotissements au Mexique peuvent aller de mille à soixante mille logements, et ne disposent que de deux ou trois typologies de maisons et d’une typologie de petit immeuble. Les quatre-vingt cinq typologies créées à Lima pour cinq cent logements paraissent un luxe. Mais c’est peut être ce qui pourrait sauver les lotissements mexicains. Tant que le profit maximum sera le seul but des grands développeurs immobiliers mexicains, il sera impossible d’envisager une opération qui, comme PREVI, puisse supporter des appropriations et modifications aussi variées, permettant à ses habitants de s’y installer à long terme avec une vision positive vers le futur. Il serait en effet beaucoup plus simple de rembourser un prêt s’il était possible de construire un appartement à louer sur le toit terrasse de sa maison sans avoir à en renforcer toute la structure. Dans le cas de PREVI, l’achat d’une maison est un réel investissement pour le futur.

Deux de ces trois projets sont construits dans la même optique que les fraccionamientos. L’échelle et le contexte du projet IntegrARA et du projet Elemental sont ce qui diffère des lotissements géants. Il paraît évident qu’une concentration plus faible de logements sociaux permet d’intégrer ceux-ci dans des quartiers possédant déjà des infrastructures et services pouvant être utilisés par les nouveaux arrivants, sans dépendre des promesses des promoteurs de construire une école ou un centre commercial au sein du lotissement. L’exemple de PREVI démontre que si les logements de base sont bien conçus, ils peuvent devenir une source de richesse pour leurs habitants. Les promoteurs des lotissements font semblant de prévoir l’extension de leurs modules de logement, mais il suffirait d’utiliser de la préfabrication de bonne qualité et des concepts simples de plan libre etc. pour permettre l’évolution des logements. Les modules dessinés par les architectes à Lima étaient prévus pour s’assembler en grappe facilement, permettant de construire des projets d’échelle bien plus grande. Qui sait ce que serait devenu ce projet si les mille cinq cent logements prévus avaient été construits.

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CONCLUSION

Le système de logement social au Mexique est aujourd’hui complètement déconnecté des besoins réels des habitants. La réalisation de ces logements est abandonnée aux mains de promoteurs immobiliers, qui bien qu’il essayent d’améliorer les modèles par rapport aux problèmes identifiés jusqu’à présent, sont limités par les impératifs économiques et les réserves territoriales qu’ils possèdent situées loin des centres urbains. Le modèle d’accession à la propriété ne permet pas de prendre en compte les caractéristiques démographiques, sociales et culturelles de toutes les populations nécessitant un logement digne. L’industrie de la construction des fraccionamientos peut être considérée comme sociale car elle a créé un grand nombre d’emplois. Mais l’absence d’intérêt pour le bien-être des populations s’y installant et l’exclusion des populations les plus pauvres de l’obtention des prêts contredit cette vocation sociale. De plus, il existe au Mexique un grand laxisme au niveau législatif quant aux questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire : la construction de ces lotissements se fait de façon déconnectée des réalités urbaines et rurales des territoires dans lesquels ils s’installent. Les grandes entreprises de

construction ne prennent en compte ni la préservation du paysage ou des ressources, ni les besoins d’infrastructures et de services, ni les besoins qualitatifs des logements. Il est impossible de penser résoudre la question des fraccionamientos sans une planification urbaine plus cohérente et un système de transport plus efficace. Malgré les difficultés des institutions publiques, le lobby des promoteurs est tellement fort que ceux-ci s’emparent des projets d’articles de loi pour les re-rédiger à leur avantage : l’Etat voulait subventionner de manière plus importante les lotissements construits à proximité du centre de Mexico, mais après la colère des promoteurs, ces subventions se sont vues attribuées à tous les lotissements, peu importe leur localisation. Le modèle de croissance rapide prend fin au Mexique comme dans de nombreux pays. L’augmentation de la population de la zone métropolitaine de la ville de Mexico a diminué considérablement ces dernières années. Les prévisions de l’INEGI dans les années 1970, après une phase de croissance sans précédent, atteignaient trente millions d’habitants pour l’année 2000 pour la ZMVM. Le chiffre réel s’élevait en 2000 à vingt millions d’habitants. Il existe toujours un besoin de

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logement pour les populations mexicaines vivant dans des conditions d’insalubrité dans certains quartiers d’auto construction, ou dans des logements sociaux devenus insalubres par manque d’entretien. Mais la diminution de la croissance demande une adaptation des politiques d’aménagement de la région, qui ne semble pas d’actualité. Le président au pouvoir Enrique Pena Nieto, a en effet promis en juin 2014 la construction de quatre cent soixante-quinze mille nouveaux logements sur le modèle déjà mis en place des fraccionamientos, permettant ainsi de garder le secteur de la construction en activité. Une consolidation du tissu informel existant, ou la production de la ville sur « elle-même » permettrait d’offrir une solution plus viable en terme de proximité aux centres urbains.

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Le fait que l’offre de logements sociaux en accession à la propriété soit aujourd’hui plus importante que la demande démontre que ce schéma de croissance sur lequel se base les entreprises de construction n’est plus valide. Dans les villes frontalières du Nord de Mexico, on observe que certains centres urbains se vident au profit des lotissements géants, déplaçant ainsi la population vers les périphéries. Le centre souffre d’une décroissance économique et démographique alors que les franges de la ville continuent de s’étendre. Ces expériences sont à rapprocher avec les études de Philip Oswalt, architecte et journaliste allemand, chercheur pour la Fondation Culturelle Allemande, qui, avec d’autres chercheurs a publié une recherche internationale nommée « Shrinking Cities » en 2006. Certains des exemples de décroissance urbaine étudiés dans cette recherche suivent

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des modèles similaires. Un exemple flagrant est celui de la ville de Detroit, qui malgré un abandon complet de son centre ville et des quartiers de logements de sa première couronne, continue de se développer en temps que métropole à la grande échelle, avec la construction de nouveaux quartiers de logements ainsi que de services dans sa périphérie. Les causes de ces phénomènes de décroissances sont différentes pour chaque exemple, mais l’étude de Philip Oswalt permet de les mettre en parallèle et d’observer ce phénomène mondial et ses récurrences. Même s’il semble difficile d’envisager une solution sans changement dans les politiques d’Etat sur les questions de logement social, les projets présentés dans cette dernière partie peuvent servir de piste de réflexion pour proposer des alternatives aux lotissements géants de logements sociaux. Une diversification des solutions de logement d’intérêt social, grâce à une étude plus fine de la demande pourrait améliorer la situation. Il serait aussi important de prendre en compte les travailleurs non-affiliés ou informels, qui bénéficient d’une paie parfois suffisante pour l’accession à la propriété, mais sont exclus du système de par la nature de leur travail. La piste de l’appropriation par les habitants est aussi à prendre en compte. Une plus grande souplesse dans l’aménagement de ces lotissements permettrait de créer des espaces de centralité au sein de ces grands ensembles. L’accès à l’approvisionnement, à la mobilité, aux services est souvent difficile, mais l’exemple de PREVI montre que les habitants prennent des initiatives et transforment une partie de leur logement en garderie, salon de


coiffure, petite épicerie, bureaux, pressing… Ces espaces se transforment en centres de voisinages et créent de nouveaux potentiels pour les habitants. On peut rattacher ce type d’expérience à l’étude effectuée en Seine-Saint-Denis au sein de l’Atelier International du Grand Paris par l’agence berlinoise LIN, « Micro-centralités : Systèmes immanents de la ville légère ». Considérant le dynamisme du département en terme de créations d’entreprises et que certaines zones peu accessibles ne seront pas reliés rapidement aux systèmes de transport en commun du Grand Paris, ils proposent l’installation de lieux de services, de commerces et d’échanges inscrits dans les usages quotidiens. Ces espaces seraient organisés en collaboration avec les acteurs du Grand Paris et les autorités locales. Leur usages seraient divers : commerce de proximité, permanence médicale, coworking, service de mobilité partagée… Ces initiatives permettraient une meilleure intégration de ces quartiers isolés dans la métropole, qu’ils soient en Seine-SaintDenis ou dans la ZMVM, en leur donnant une identité et en les rendant légitimes grâce à de nouveaux centres de proximité à usage quotidien.


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LEXIQUE ARA : Entreprise de construction participant à l’édification de logements sociaux en accession à la propriété financés par des prêts gouvernementaux, créé en 1977. En 2011, ils avaient construit deux cent soixante treize mille maisons et un million trois cent mille mexicains habitent dans une maison ARA. Elle est cotée à la bourse mexicaine depuis 1996. Bando 2 : En 2000, le gouvernement du District Fédéral instaure « el Bando 2 », une politique de densification des zones centrales de la ville et de contrôle de l’expansion urbaine dans les zones périphériques. Celle-ci limite la construction de grands ensembles de logements dans les quartiers au sud de la ville où la population était en croissance jusqu’en 2000, et qui disposent encore de beaucoup d’espaces non construits. Cette décision est motivée par la pénurie d’eau que subissent ces quartiers. Cette politique propose aussi de redensifier certains quartiers plus centraux de la ville dont les infrastructures et les services sont considérés comme sous-utilisés. Casas Geo : C’est la plus grande entreprise de construction participant à l’édification de logements sociaux en accession à la propriété financés par des prêts gouvernementaux, créé en 1974. Plus de deux millions de mexicains habitent une maison Geo. Elle est cotée à la bourse mexicaine depuis 1990. 90

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CEMEX : Cementos Mexicanos, entreprise de ciment, béton et granulats ayant son siège au Mexique, créé en 1906. Cette entreprise propose des solutions de préfabrication pour la construction de maisons sous forme de lotissements groupés. Elle est cotée à la bourse mexicaine depuis 1976. Elle occupe aujourd’hui la première place mondiale en tant que fabricant de béton. District Fédéral : C’est l’entité administrative correspondant à la ville de Mexico. En 2010, elle atteint par étalement urbain une superficie de 148 500 ha pour une population de 8 851 000 habitants. Ejidos : Un ejido désigne, au Mexique, une propriété collective attribuée à un groupe de paysans pour y effectuer des travaux agricoles. Ils prévoient la collectivité de la propriété et de l’usufruit des terres sans possibilité légale de les vendre ou de les céder. Ce statut disparaît en 1992 avec la Loi Agraire. FOMIVI : Fondo de Vivienda Militar. Organisme gouvernemental de crédit pour l’accession à la propriété de logements sociaux pour les militaires. Afin d’obtenir un crédit, il faut effectuer des cotisations salariales durant un certain nombre d’années afin de rassembler une somme de base nécessaire pour l’achat d’un logement. L’organisme finance le reste du logement sous forme d’un prêt remboursable sur plus de 20 ans.


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FOVISSSTE : Fondacion de la Vivienda del Instituto deSeguridas y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado. Organisme gouvernemental de crédit pour l’accession à la propriété de logements sociaux pour les fonctionnaires du gouvernement. Afin d’obtenir un crédit, il faut effectuer des cotisations salariales durant un certain nombre d’années afin de rassembler une somme de base nécessaire pour l’achat d’un logement. L’organisme finance le reste du logement sous forme d’un prêt remboursable sur plus de 20 ans. Fraccionamiento : Au Mexique le mot « fraccionamiento » s’applique aux développements immobiliers de logements en maisons ou appartements construits selon le même modèle et dont l’ensemble a été planifié et réalisé par une même entreprise. Le mot vient de l’idée de fractionner, ou diviser un terrain pour construire de nombreuses maisons au modèle identique.

Gated community : Type de copropriété sécurisée venant de Etats-Unis. Elle se présente sous la forme d’un regroupement de demeures, entouré par un mur ou un grillage et disposant d’équipements de protection (vidéoprotection, gardiennage) qui l’isole du tissu urbain ou rural environnant. Son accès est réservé aux seules personnes autorisées, à savoir ses résidents, leurs invités et les services publics. Le fonctionnement des installations de sécurisation est financé par les redevances réglées par les copropriétaires.

INEGI : Instituto Nacional de Estadistica y Geografia. Organisme du gouvernement mexicain créé en 1983. Il établit des statistiques sur des questions de population, d’emploi, de société, d’économie, d’écologie… Il réalise aussi la cartographie des Etats-Unis du Mexique. INFONAVIT : Instituto del Fondo Nacional de la Vivienda para los Trabajadores. Organisme gouvernemental de crédit pour l’accession à la propriété de logements sociaux pour les salariés. Afin d’obtenir un crédit, il faut effectuer des cotisations salariales durant un certain nombre d’années afin de rassembler une somme de base nécessaire pour l’achat d’un logement. L’organisme finance le reste du logement sous forme d’un prêt remboursable sur plus de 20 ans.

Shrinking cities : Ce sont des villes denses ayant subi de grande perte de population et d’activité. Unicel : Au Mexique, Unicel désigne un type de polystyrène utilisé dans la construction. Il est souvent utilisé comme isolant mais peut remplacer des éléments plus importants comme les murs ou le toit dans des constructions de mauvaise qualité. ZMVM : Zone Métropolitaine de la Ville de Mexico. Cette zone est constituée du District Fédéral, le département communément assimilé à la ville de Mexico, ainsi que de cinquante neuf municipalités de l’Etat de Mexico voisin, et d’une municipalité de l’Etat d’Hidalgo, situé encore plus au Nord

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

- p1. ORTIZ STRUCK Arturo, couverture de Domus Mexico, 2012. - p.5. Carte du Mexique par Etat, wkipedia.org. - p.6. LOPEZ LUZ Pablo, Série « Terrazo », pablolopezluz.com, 2013. - p.6. CORONA Livia, Série « Two Million Homes for Mexico », liviacorona.com, 2010. - p.7. SCHULZ-DORNBURG Julia, Ruinas Modernas, una topografia de lucro, Barcelone, éditions Ambit, 2012, p.58. - p.15 à 19. Plans de la ville de Mexico, dessin de Alice Perrin d’après KALACH, Ciudad futura, Editions RM Verlag, 2010. - p.20 à 21. Vues aériennes de la ville de Mexico, google.fr/maps.

- p.24. VAZQUEZ Jorge, « Edificio Isabel »,

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in Casa del tiempo, Editions UAM, 2010. - p.24. VAZQUEZ Jorge, « A la caza de Juan Legarreta», in Casa del tiempo, Editions UAM, 2012. - p.24. Plan masse « Multifamiliar Presidente Aleman », vivebj.com - p.24. Plan d’appartement « Multifamiliar Presidente Aleman », noticias.arq.com.mx p.25. MOYA Rodrigo, Tlatelolco, ethertongallery.com, 1965. - p.25. Photo « Integracion Latinoamericana », naveagandolaarquitectura.wordpress.com - p.25. Coupe « Integracion Latinoamericana », naveagandolaarquitectura.wordpress.com

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- p.31. CORONA Livia, Série « Two Million Homes for Mexico », liviacorona.com, 2010. - p. 33. Image publicitaire, casasgeo.com. - p.34. CORONA Livia, Série « Two Million Homes for Mexico », liviacorona.com, 2010. - p.35. CARTAGENA Alejandro, Série « Mexican Suburbia : Fragmented city », alejandrocartagena.com, 2012. - p.37. Plan de situation, google.fr/maps. -p.37. Plan masse « Valle de los Sauces », casasgeao.com. - p.38 à 39 Photos google street view, google. fr/maps. - p.39. Montage photo, image satellite, google. fr/maps. - p.40 Plan masse « Valle de los Sauces », dessin de Alice Perrin d’après google.fr/maps et casasgeo.com - p.41 à 42 Plan de la maison Golondrina, dessin de Alice Perrin d’après casageo.com - p.52. CORONA Livia, Série « Two Million Homes for Mexico », liviacorona.com, 2010. -p.61 Photo, www.echale.com.mx/ portfolio/san-luis-potosi/destacadazancarron/ - p.54 à 55 CORONA Livia, Série « Two Million Homes for Mexico », liviacorona.com, 2010. - p.66 IntegrARA, vue aérienne, instagram. com.


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- p.67 Plan de situation, google.fr/maps. - p.68 Plan masse, dessin de Alice Perrin d’après archdaily.com. - p.69 Plan d’appartement, dessin de Alice Perrin d’après ara.com.mx. - p.72 RAMIREZ Ramiro, archdaily.com, 2010. - p.74 Plan masse, dessin de Alice Perrin d’après archdaily.com. - p.75 à77 Plans d’appartements, dessin de Alice Perrin d’après archdaily.com. - p.80 Photo aérienne, GARCIA HUIDABRO Fernando, TORRES TORRITI Diego, TUGAS Nicolas, Time Builds ! The experimental housing project (PREVI), Lima : genesis and outcome, Mexico, édition Gustavo Gili, 2008. - p. 83 Plan masse, dessin de Alice Perrin d’après Time Builds ! The experimental housing project (PREVI), Lima : genesis and outcome, Mexico, édition Gustavo Gili, 2008. - p.82 à 84 Plan de maison, dessin de Alice Perrin d’après Time Builds ! The experimental housing project (PREVI), Lima : genesis and outcome, Mexico, édition Gustavo Gili, 2008.

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ANNEXES

-Texte de loi : Bando numero 2, Gouvernement du District Fédéral, 7 décembre 2010. p.101. -Dépliant commercial pour le lotissement « Valle de los Sauces », casageo.com, 2014. p.103 -CORONA Livia, Série « Two Million Homes for Mexico », liviacorona.com, 2010. p.115. -CARTAGENA Alejandro, Série « Mexican Suburbia : Fragmented city », alejandrocartagena.com, 2012. p.121.

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GDF, Jefatura de Gobierno del Distrito Federal, Ciudad de México

DGCS

Bando número 2, del Jueves, 07 de diciembre de 2000

Se Restringe el crecimiento de unidades habitacionales y desarrollos comerciales en las Delegaciones Álvaro Obregón, Coyoacán, Cuajimalpa de Morelos, Iztapalapa, Magdalena Contreras, Milpa Alta, Tláhuac, Tlalpan y Xochimilco L

BANDO NÚMERO DOS En mi carácter de Jefe de Gobierno del Distrito Federal, con fundamento en las facultades que me confiere la Constitución Política de los Estados Unidos Mexicanos, el Estatuto de Gobierno, las Leyes de Desarrollo Urbano, del Medio Ambiente y del Transporte Público, a los HABITANTES DEL DISTRITO FEDERAL HAGO SABER: Que la conducción de la planeación del desarrollo urbano es responsabilidad del Gobierno. Que debe revertirse el crecimiento desordenado de la Ciudad. Que es vital preservar el suelo de conservación del Distrito Federal impidiendo que la mancha urbana siga creciendo hacia las zonas de recarga de mantos acuíferos y donde se produce la mayor parte del oxigeno para la ciudad. Que en los últimos treinta años las cuatro Delegaciones del Centro, Cuauhtémoc, Benito Juárez, Miguel Hidalgo y Venustiano Carranza, han disminuido su población en un millón doscientos mil habitantes, en tanto que en las Delegaciones del Sur y del Oriente la población ha crecido en forma desproporcionada. Que en la ciudad de México, existe escasa disponibilidad de agua y de redes de tuberías para satisfacer las demandas del desarrollo inmobiliario. Por tales motivos, he decidido la aplicación de las siguientes políticas y lineamientos: I. Con fundamento en las leyes, se restringirá el crecimiento de la mancha urbana hacia las Delegaciones Álvaro Obregón, Coyoacán, Cuajimalpa de Morelos, Iztapalapa, Magdalena Contreras, Milpa Alta, Tláhuac, Tlalpan y Xochimilco. II. En estas Delegaciones se restringirá la construcción de unidades habitacionales y desarrollos comerciales que demanden un gran consumo de agua e infraestructura urbana, en perjuicio de los habitantes de la zona y de los intereses generales de la ciudad. III. Se promoverá el crecimiento poblacional hacia las Delegaciones Benito Juárez, Cuauhtémoc, Miguel Hidalgo y Venustiano Carranza para aprovechar la infraestructura y servicios que actualmente se encuentran sub-utilizados. IV. Se impulsará en estas Delegaciones el programa de construcción de vivienda para la gente humilde de la ciudad. V. A partir del próximo 2 de enero, empezará a funcionar la Ventanilla Única para el ingreso de solicitudes de uso del suelo específico y de factibilidad de servicios, en obras de impacto urbano y ambiental, en el marco de las atribuciones que por ley le competen a cada una de las Secretarías del Gobierno Central. VI. La Ventanilla Unica se instalará en la Secretaría de Desarrollo Urbano y Vivienda; específicamente en el Registro de los Planes y Programas, dependiente de la Dirección General de Desarrollo Urbano. VII. Esta Ventanilla expedirá, sin tanto trámite y en un término no mayor de treinta días hábiles, un Certificado Único que definirá, para conjuntos habitacionales menores de 200 viviendas, la factibilidad de dotación de agua, servicios de drenaje y de desagüe pluvial, de vialidad, de impacto urbano, de impacto ambiental y de uso del suelo. Pido la confianza, colaboración y respaldo de los ciudadanos, en el entendido que por encima de los intereses personales o de grupos, está la preservación del medio ambiente y la viabilidad de la ciudad.



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DESCRIPCIÓN "Valle de los Sauces", se encuentra ubicado en la inmejorable zona del municipio de Atlacomulco, Edo. Méx. Valle de los Sauces es la alegría de consentir a tu familia en un desarrollo exclusivo, bonito y con el mejor equipamiento de la zona, diseñado para que tú y tu familia tengan todo lo que habían estado buscando a su alcance y en el mejor lugar.

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COMO LLEGAR Tomar la autopista México-Toluca, continuar sobre Paseo Tollocan, pasando Av. Comonfort, incorporarse a la lateral, al llegar a la Avenida Alfredo del Mazo, virar hacia mano derecha y seguir derecho hasta la carretera Toluca - Atlacomulco, se puede incorporar al carril de alta o continuar por la lateral. Seguir toda la carretera cruzar las próximas dos casetas de cobro y a mano derecha, a cien metros de la segunda caseta y antes de la gasolinera, se encontrará con la entrada al CAV y desarrollo Valle de los Sauces.

INFORMACIÓN DE GOOGLE MAPS

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TIPO DE CASA

Desde: $282,000.00 Hasta: $282,000.00

Casa

ACABADOS Pisos de concreto pulido en sala, comedor, cocina, recámara y baño. Loseta cerámica en área húmeda de baño. Muros de pasta texturizada en sala, comedor y recámara. Pintura vinil acrÍlica en baño y cocina. Azulejo en áreas húmedas de baño y cocina. Plafones con yeso en sala, comedor y recámara. Yeso con pintura vinil acrílica en baño y cocina. Cancelería de aluminio. Puertas de acceso e intercomunicación. Ccocina con tarja de acero inoxidable con llave mezcladora. Baño con W.C., lavabo, regadera y accesorios. Patio de servicio con firme de concreto lavado. Lavadero de concreto y calentador. NOTA: Los acabados pueden variar a discreción de Casas GEO.

CARACTERÍSTICAS Terreno de: 60m²

1 recámara(s)

0 medio(s) baño(s)

1 nivel(es)

1 baño(s)

1 patio(s)

Construcción de: 34m²

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Última actualización: 26/06/2013 06:57:53 p.m.


TU COMUNIDAD Cardenal PROTOTIPOS

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TIPO DE CASA

Desde: $371,000.00 Hasta: $371,000.00

Casa

ACABADOS Pisos de concreto pulido en sala, comedor, cocina, recámara y baño. Loseta cerámica en área húmeda de baño. Muros de pasta texturizada en sala, comedor y recámara. Pintura vinil acrÍlica en baño y cocina. Azulejo en áreas húmedas de baño y cocina. Plafones con yeso en sala, comedor y recámara. Yeso con pintura vinil acrílica en baño y cocina. Cancelería de aluminio. Puertas de acceso e intercomunicación. Ccocina con tarja de acero inoxidable con llave mezcladora. Baño con W.C., lavabo, regadera y accesorios. Patio de servicio con firme de concreto lavado. Lavadero de concreto y calentador. NOTA: Los acabados pueden variar a discreción de Casas GEO.

CARACTERÍSTICAS Terreno de: 66.5m²

2 recámara(s)

1 medio(s) baño(s)

2 nivel(es)

1 baño(s)

1 patio(s)

Construcción de: 51m²

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Última actualización: 26/06/2013 06:57:53 p.m.


TU COMUNIDAD Albatros PROTOTIPOS

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TIPO DE CASA

Desde: $287,000.00 Hasta: $336,000.00

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ACABADOS Pisos de concreto pulido en sala, comedor, cocina, recámara y baño. Loseta cerámica en área húmeda de baño. Muros de pasta texturizada en sala, comedor y recámara. Pintura vinil acrÍlica en baño y cocina. Azulejo en áreas húmedas de baño y cocina. Plafones con yeso en sala, comedor y recámara. Yeso con pintura vinil acrílica en baño y cocina. Cancelería de aluminio. Puertas de acceso e intercomunicación. Ccocina con tarja de acero inoxidable con llave mezcladora. Baño con W.C., lavabo, regadera y accesorios. Patio de servicio con firme de concreto lavado. Lavadero de concreto y calentador. NOTA: Los acabados pueden variar a discreción de Casas GEO.

CARACTERÍSTICAS Terreno de: 0m²

2 recámara(s)

0 medio(s) baño(s)

3 nivel(es)

1 baño(s)

1 patio(s)

Construcción de: 44.41m²

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Última actualización: 26/06/2013 06:57:53 p.m.


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TIPO DE CASA

ACABADOS

CARACTERÍSTICAS

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Última actualización: 26/06/2013 06:57:53 p.m.


TU COMUNIDAD GALERÍA Valle De Los Sauces

Autopista Toluca - Atlacomulco no. 1631 Col. San Martín, C. P. 50454, Atlacomulco, México Teléfono(s): 01(712) 122 9988 / 01800 400 1002

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Barranca del Muerto no. 297 (frente a Infonavit) Col. San José Insurgentes, C. P. 03900, Benito Juárez, Distrito Federal Teléfono(s): 5337 0100

Última actualización: 26/06/2013 06:57:54 p.m.



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LIVIA CORONA

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ALEJANDRO CARTAGENA

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