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FEAR AND DESIRE
FEAR DESIRE
FEAR AND DESIRE
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Scénario: Howard Sackler Acteurs : Frank Silvera, Kenneth Harp, Paul Mazursky Année de sortie: 1953 Durée: 62 minutes Genre: Guerre Nationalité: Américain
RÉSUMÉ
Dans un pays indéterminé se déroule une guerre indéterminée. Quatre soldats, survivants d’un crash d’avion, se retrouvent égarés dans une forêt en territoire ennemi. Possédant en tout et pour tout une arme, ils trouvent une patrouille de deux soldats et les massacrent. Par la suite, ils croisent une jeune fille isolée revenant d’une rivière située en contrebas et l’attachent à un arbre pour éviter qu’elle ne les dénonce. Pendant que trois des soldats se préparent à construire un radeau pour tenter de retourner en territoire allié, Sydney est affecté à la surveillance de la jeune. Déstabilisé mentalement par les conséquences de la guerre ainsi que de son désir naissant envers la prisonnière, il sombre peu à peu dans la folie.
ANALYSE
Fear and Desire a été financé entièrement par Kubrick. L’équipe était minime et le nombre d’acteurs était insuffisant. Malheureusement, cette situation n’a pas donné de résultat probant d’après Kubrick. Néanmoins, pour ce qui concerne la structure du film, ces contraintes ont été bénéfiques sur quelques points:le film a été tourné sans enregistrement synchrone, ce qui fait que Fear and Desire a acquis sa bande sonore après le tournage. Le décalage entre le son et l’image est très visible et peu parfois être gênant. Mais c’est ce qui donne un certain charme à ce film. En suppléant ce qui ne saurait être dit, la voix off peut établir une distance entre les personnages. Dans Fear and Desire, cette distance ne peut être réduite, car il n’y a pas de distinction sonore entre la voix off des monologues intérieurs et les paroles prononcées. Ensuite, l’acteur Kenneth Hart joue à la fois le lieutenant et le général ennemi. En un sens, grâce au schéma narratif du film, ce «jumelage» tend vers un point culminant où les fers se croisent. Ici se dessine déjà en partie, la maîtrise de Kubrick.
PRATIQUEMENT TOUS LES FILMS DE KUBRICK METTENT L’ACCENT SUR LE REGARD, SUR LES YEUX, D’UNE FAÇON OU D’UNE AUTRE. FEAR AND DESIRE EST UN MANTRA DU REGARD.
Un des éléments enfouis dans l’archéologie du film, élément qui émerge parfaitement former, s’avère être la manière dont Kubrick aborde la thématique des yeux. Il existe beaucoup de récits de Kubrick où les personnages sont amenés à des moments d’introspection qui placent la signification du regard dans un contexte d’absence. Le personnage de Sidney, dans le film, a ce moment. Il l’a eu au cours d’une séquence de montage. Pour une scène d’embuscade où deux soldats ennemis mangent du pot-au-feu dans une maison abandonnée, on passe à une série de montage rapide entre des visages de tueurs, des visages tués et les aliments écrasés sous des doigts mourants. La séquence se termine sur l’image de Sidney qui se trouve paralysé dans un vide noir. La scène montre sa tête, posée sur la table, victime du regard distant. Il pourrait être mort, mais il cligne des yeux. On dit que les sens, dans un corps privé d’un seul d’entre eux, s’en trouvent accrus.
LA MUSIQUE A ÉTÉ ENTIÈREMENT COMPOSÉE POUR LE FILM. BIEN QUE LA MUSIQUE TENTE D’AVOIR UNE TONALITÉ LUGUBRE, KUBRICK N’AVAIT PAS LES MOYENS D’ACHETER DES MUSIQUES/CHANSONS POUR ACCENTUER CERTAINS DÉTAILS DU FILM.
Les motion pictures ne sont que son et vision, deux sur cinq dans le domaine des possibilités. Rares sont les films, n’importe quel film, qui ne mettent pas l’accent sur le regard, sur les yeux. Mais Fear and Desire est un mantra du regard. Retour à la case départ. Ce film campe maints décors à venir. Une des lois implicites du cinéma consiste à dire qu’il ne faut jamais permettre à un acteur de regarder la caméra en face. Sidney ignore cet interdit. En un sens, tous les films de Kubrick l’ignorent. Tel l’hypnotiseur qui répète : «Regardez-moi dans les yeux» , la technique qui permet à l’acteur de regarder dans la caméra met l’action entre parenthèses. Pour certains, les événements sont ainsi placés à l’extérieur;pour d’autres, pour la masse de la population, ils sont placés au-dessus d’eux.
Avec son premier long métrage, Kubrick y allait à pleins tubes pour satisfaire aux exigences de son ambition sans bornes. Le film est, par moments, surécrit, surjoué, voire fragile par son côté excessif. Pourtant, des structures cristallines, des motifs thématiques en sortent indemnes. En tant que jeu d’équilibre entre le sauvage (arbitraire) et l’irréfutable (planétaire), Fear and Desire, ne cessera de résonner tout au long de cette carrière.