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Terres domestiquées : Plaines cultivées

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Bibliographie

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Présente historiquement sur l’archipel et composante essentielle du caractère du Parc National, l’agriculture ne subsiste à Porquerolles que par la présence de trois domaines viticoles, de plusieurs oliveraies dont celles, emblématiques, du conservatoire botanique national, auxquelles sont associées des collections de variétés anciennes de fruitiers méditerranéens ainsi qu’un peu de maraîchage.

Paysages viticoles uniformisés

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Les trois domaines viticoles de l’île représentent une surface d’environ 80 hectares répartis sur les quatre plaines de l’île. La plaine du Brégançonnet et de Notre-Dame accueillent le domaine de l’Île qui s’étend sur 34 hectares racheté en 2019 par la Maison Chanel. Dans la plaine du village, on retrouve le domaine Perzinsky, créé à la fin des années 80’, qui couvre 10 hectares et enfin dans la plaine de la Courtade on retrouve le domaine du même nom avec 36 hectares en agriculture biologique. Tous ces domaines sont propriétaires de leur vignes mais louent des baux au Parc National de Port-Cros qui reste le propriétaire des différentes parcelles viticoles, ce qui est source de conflits entre les viticulteurs et le Parc.

Ces paysages viticoles rythment la marche lorsque l’on se trouve dans ces plaines. Les rangs de vignes suivant les légers reliefs, guident notre regard vers les sommets. Mis à part la plaine du village, les autres plaines ne sont constituées que de viticulture, avec quelques rares parcelles d’oléiculture, destinée à la production de vin sous l’appellation Côtes de Provence. Cette mer de vignes monospécifique entraîne une certaine uniformisation des paysages agricoles de Porquerolles. L’héritage cultivé de l’île a totalement disparu laissant la place à certaines pratiques agricoles, utilisatrices d’intrants, entraînant des problématiques d’érosion des sols et du maintien de la biodiversité. Cette agriculture mono-spécifique constitue un risque pour la conservation des ressources naturelles de l’île (ressources en eaux, flore et faune associées aux parcelles de culture) mais peut aussi constituer une menace pour elle même puisqu’elle s’expose à de nombreuses maladies et n’est pas résiliente face aux perturbations potentielles. Cependant, des efforts sont faits par certains viticulteurs pour adapter leurs modes d’exploitation aux nécessités de la conservation de la biodiversité. Les différents domaines viticoles présents sur l’île au travers d’une viticulture raisonnée ou biologique mettent en place des actions de préservation des sols, ou encore de diminution d’utilisation d’intrants et autres produits phytosanitaires. Aujourd’hui, les périodes de sécheresses étant plus longues et les souffrances hydriques plus importantes, les vignes commencent à être impactées mais elles ne sont pas pour autant arrosées. Les viticulteurs ont remarqué que les récoltes sont de plus en plus précoces. Certains l’expliquent par un changement des modes consommation du vin, pour d’autres il s’agit d’une conséquence directe de l’avancée du calendrier phénologique de la vigne. La deuxième option semble plus probable. Des maladies et ravageurs de la vigne sont aussi des problématiques actuelles à prendre en compte.

Un croissant fertile

Plaine du village (110 ha) Plaine de Notre-Dame (70 ha)

Plaine de la Courtade (60 ha)

Plaine du Brégançonnet (30 ha)

1 km

N

Oliviers Mûriers

Maraichage Village

Allée de Pins parasols

Fossé planté humide Palmiers Réservoir

Vignes

La plaine agricole du village, une diversité d’essences remarquables

Une arche de Noé pour les essences fruitières

Le verger conservatoire de Porquerolles est initié en 1979 par le Parc national de Port-Cros et le Conservatoire Botanique National Méditerranéen (CBNM). Cette collection d’arbres fruitiers rassemble une multitude de variétés méditerranéennes sur près de 17 hectares et représente un patrimoine génétique d’importance nationale et internationale, face aux multiples pressions qui s’exercent sur les cultures fruitières, menaçant certaines d’entres elles d’extinction.

Ces plantations fruitières sont seulement présentes dans la plaine du village, qui fonctionne comme les rideaux d’un théâtre à ciel ouvert, grâce aux haies qui s’entrouvrent ici et là sur l’ordonnance des cultures. Ces vergers abritent quelques 250 types d’oliviers, près de 250 variétés de figuiers et 50 variétés de mûriers, accompagnés d’autres espèces fruitières méditerranéennes connues, comme les amandiers, les palmiers, ou encore les lauriers. La gestion de ces plantations est minimale aujourd’hui : l’irrigation est rare, sauf pour aider les jeunes plants à s’installer et sur quelques parcelles localisée. L’eau provient de la réutilisation des eaux usées épurées par les lagunes.

Cette collection unique en France, permet à la fois de conserver des essences oubliées, sert de support à des travaux de recherche en partenariat avec des organismes français et étrangers mais permet aussi d’expérimenter avec des essences qui contribuent au caractère des paysages méditerranéens. La constitution de cette banque de semences et de collections vivantes de variétés fruitières méditerranéennes pourrait devenir capitale pour l’avenir de la plaine cultivée de l’île et plus généralement pour les milieux méditerranéens, sous réserve qu’on sache la faire perdurer au travers du changement climatique.

Maraîchage : un lien étroit avec les vergers

Depuis 2014, le Parc national et le CBNM ont souhaités confier l’entretien et la valorisation de cette collection à l’Association de Sauvegarde Des Forêts Varoises. Du partenariat entre les trois structures est né le projet COPAINS (Collections PAtrimoine INSertion) qui a aussi pour objectif de rétablir le maraîchage anciennement présent sur l’île. L’association n’embauche pas des ouvriers agricoles expérimentés mais «des personnes en rupture professionnelle» en réinsertion.

Une partie du maraîchage fonctionne en agroforesterie associant arboriculture et potager, qui favorise de nombreuses synergies et interactions naturelles. Cependant, les cultures sont tout de même irriguées.

Cette installation récente aurait besoin de l’aide des autres agriculteurs de la plaine pour commencer à bien se développer, avec par exemple le prêt de matériel pour défricher certaines parcelles à l’abandon. Cependant cela ne semble pas être le cas. L’ancienne coopérative agricole n’est plus qu’un lointain souvenir. Aujourd’hui cette production maraîchère est encore timide et ne répond pas aux demandes des îliens (prix, quantité, disponibilité...).

Des friches à potentiel agricole

De nombreuses friches sont présentes dans les différentes plaines de l’île, particulièrement dans la plaine du village. Issues de l’abandon de pratiques agricoles et d’une légère gestion de fauche effectuée par le Parc, elles font parties des paysages agricoles de l’île. La reconquête de ces espaces est une volonté inscrite dans la charte du Parc National.

Un besoin en eau continu

Ici et là, une citerne ou une borne incendie aux abords du chemin ou à la marge d’une parcelle d’abricotiers, rappellent que les cultures ont un rôle à jouer dans la protection de l’île contre les incendies, en séparant les massifs forestiers.

Les nappes phréatiques sont superficielles à Porquerolles. Elles sont constituées dans les plaines de l’île et alimentées par les eaux de pluie (pluviométrie directe et ruissellement). Les couches géologiques de schistes permettent de retenir l’eau potable à une profondeur facilement accessible. Le fond des nappes se situe entre 5 et 10 mètres en dessous du niveau de la mer.

L’eau est une ressource indispensable au maintien de l’agriculture à Porquerolles. Il est difficile de savoir quel volume utilise l’agriculture puisque les prélèvements effectués dans la nappe phréatique ne sont pas comptabilisés. En outre, différents domaines viticoles possèdent leurs propres puits dont il est difficile de connaître l’importance des volumes prélevés dans la nappe. Les sécheresses de plus en plus importantes ou encore la montée du biseau d’eau salé dans les nappes phréatiques commencent à mettre cette ressource en danger. Afin d’économiser cette précieuse ressource, un système de recyclage des eaux usées a été mis en place sur l’île grâce à une station d’épuration. Après traitement dans une station d’épuration, l’eau encore chargée de matières organiques, de germes pathogènes et de produits ménagers s’écoule successivement dans trois lagunes où, sous l’action du rayonnement solaire, des algues microscopiques et des bactéries décomposent, assimilent et transforment les polluants. Une fois traitée, l’eau se déverse dans des fossés plantés aux abords des parcelles de plus en plus secs actuellement. Il y a quelques décennies des « écluses » dans ces fossés permettaient à l’eau de s’infiltrer de manière prolongée mais tout comme les retenues collinaires elles ont disparu. Les fossés Fournier, rigoles creusées dans la terre qui servent à canaliser les eaux de pluie, sont encore aujourd’hui visibles mais plus utilisés, faute d’eau. La gestion économe des ressources en eau de surface et des eaux souterraines mérite une attention toute particulière de la part des acteurs du paysage insulaire, autant des agriculteurs que des habitants.

La plaine viticole de la Courtade

Paroles habitantes

Leur vision du changement

«On va s’adapter, la vigne va s’adapter. Il faudrait seulement que l’État et le Parc nous entendent parce qu’on est un peu l’identité de Porquerolles. On va trouver de nouveaux cépages plus résistants, on va travailler différemment. »

Le dérèglement du calendrier phénologique des plantes cultivées

De nos jours, les viticulteurs vendangent beaucoup plus tôt : presque deux semaines en avance par rapport à ce qu’ils faisaient il y a dix ans. Ce dérèglement du calendrier phénologique de la vigne a des conséquences certaines sur la qualité de la vendange, plus chargée en sucre (et donc en degré alcoolique) et moins en acide. Les personnes chargées de l’entretien des cultures du Conservatoire Botanique National Méditerranéen, remarquent aussi cette l’avancée des stades phénologiques, qui a d’autant plus d’importance sur les fruitiers puisque l’on s’éloigne de plus en plus tardivement de la levée de dormance.

L’héritage cultivé en perdition

Progressivement, la diversité des productions agricoles s’est perdue. La présence de l’Homme dans les plaines n’a que très peu régressé, laissant seulement quelques parcelles s’enfricher, mais la spécialisation des cultures s’est accentuée ne laissant plus de place au pastoralisme et à la promotion des milieux ouverts et semi-ouverts autrement que par la main de l’Homme. L’héritage agricole de l’île s’est estompé mais il reste très présent dans les mémoires. La diversité culturale lorsque Jean-François Fournier était encore vivant, reste une image bien présente dans l’esprit des Porquerollais, une certaine nostalgie règne lorsqu’on évoque avec les «anciens» cet âge d’or insulaire. Cette diversité serait un réel atout pour lutter contre les impacts du changement climatique puisqu’elle permettrait à une biodiversité plus importante de se développer et de lutter contre les potentiels défis à venir.

Les retenues collinaires c’est un vrai problème. On va finir par manquer d’eau. Il y a des efforts pour la préserver mais c’est un vrai enjeu pour les années à venir. Lorsqu’il pleut tout ruisselle jusqu’à la mer et vu le peu de pluie qu’on a…

Sur la vigne, il y a une baisse de la croissance. C’est dû au manque d’eau. Les vendanges sont de plus en plus précoces c’est vrai mais c’est surtout parce qu’on a changé notre façon d’apprécier le vin. On le veut plus léger maintenant donc forcément on ramasse plus tôt. »

Pour le maraîchage on va devoir minimiser les apports en eau, mieux choisir les espèces fruitières et légumières, moins gourmandes en eau et adapter les techniques d’irrigation pour maintenir au maximum l’humidité du sol. »

L’eau, ressource en déclin

La baisse significative des précipitations printanières et estivales et l’accroissement de l’évapotranspiration potentielle affecte à la hausse les besoins en irrigation des cultures particulièrement au printemps. Parallèlement, l’évolution des ressources naturelles en eau (superficielles et souterraines) inquiète les agriculteurs. La raréfaction de l’eau dans les nappes phréatiques de l’île entraine la remontée du biseau salé, mettant en péril la mince indépendance de l’île en terme d’irrigation. Si l’eau salée continue de monter, un retour en arrière ne sera plus possible, laissant les nappes devenir saumâtres.

Des paysages agricoles dépendants ?

Actuellement, les plaines agricoles sont encore façonnées par la main de l’homme. Les insulaires œuvrent grandement au maintien des ces plaines coupe-feu. La culture des plaines dépend majoritairement de 3 viticulteurs, chacun affilié à un domaine, du Conservatoire Botanique National Méditerranéen avec ses collections d’arbres fruitiers et de l’association maraîchère Copain’s. Cette organisation spatiale est totalement différente de celle connue aux siècles derniers, la viticulture étant devenue majoritaire sur l’île. Les paysages agricoles insulaires que nous connaissons donc aujourd’hui sont très récents. La présence majoritaire de vignes ainsi que l’ensemble de la charpente paysagère et certaines ambiances bucoliques forment l’image emblématique de ces plaines ; reléguant aux seconds plans les autres cultures plus diversifiées, comme la culture fruitière ou le maraîchage. Cependant cette légère diversité culturale ne profite pas aux îliens. En effet, leur prix ainsi que leur quantité ne permettent pas aux habitants d’avoir accès aux productions insulaires. Les Porquerollais sont très sensibles aux modifications en cours puisque le changement climatique impacte non seulement la physionomie des cultures mais aussi leur calendrier de travail ainsi que les qualités gustatives des produits. Fréquentant beaucoup ces espaces agricoles, les îliens ont alors une vision de la transformation des paysages qui s’esquisse. le manque d’eau est aussi facilement observable puisque les fossés généralement en eau sont de plus en plus secs, selon certains îliens. En outre, l’intrusion du biseau d’eau salée met en péril la vie insulaire et agricole de l’île, à chaque fois que le niveau de la nappe baisse.

La plaine viticole du Brégançonnet

Un cœur boisé aux essences endémiques

Les deux visages de l’île

Un littoral soumis aux aléas climatiques

Une ceinture littorale contrainte par les éléments

Entre terre et mer

Un contraste fort

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