RapPORT D’activité 2023
PROTéGER LE PATRIMOINE POUR CONSTRUIRE LA PAIX
RAPPORT D’ACTIVITÉ 2023
PROTéGER LE PATRIMOINE POUR CONSTRUIRE LA PAIX
Introduction 4
7 Mme Bariza Khiari, Présidente du Conseil de fondation et représentante de la France - Le changement dans la continuité
11 M. Thomas S. Kaplan, Donateur privé, Président du Conseil de fondation (2017-2023) - L’honneur d’une vie
LE PREMIER FORUM ALIPH 14
17 S.E. Mohamed Khalifa Al Mubarak, Vice-président du Conseil de fondation, représentant des Émirats arabes unis –Le premier Forum ALIPH
20 Une réunion de famille
TÉMOIGNAGES DE RECONNAISSANCE 24
27 S.A. le Prince Badr bin Abdullah bin Farhan Alsaud, ministre de la Culture de l’Arabie saoudite, représentant de l’Arabie saoudite au Conseil de fondation - Le premier Prix International d’Excellence Culturelle
31 Mme Katherine Elizabeth Fleming, Présidente et PDG du J. Paul Getty Trust – Préserver le patrimoine n’est pas superflu
ALIPH DANS LE MONDE 32
35 M. Mounir Bouchenaki, Président par intérim du Comité scientifique
38 Les projets d’ALIPH
40 ALIPH en chiffres
42 Quelques projets achevés en 2023
44 Réhabilitation de la tour Tsiskarauli (Géorgie)
48 Réhabilitation du musée de Raqqa et restauration de sa collection (Syrie)
52 Revitalisation des métiers de la restauration du patrimoine à l’occasion de la réhabilitation d’une villa historique à Beyrouth (Liban)
56 Réhabilitation de l’école grecque-orthodoxe et de l’orphelinat Zahrat El Ihsan à Beyrouth (Liban)
60 Stabilisation d’urgence au sein du site du patrimoine mondial de Ghadamès (Libye)
PREMIERs SUR LE TERRAIN 64
67 M. Valéry Freland, Directeur exécutif - Prévenir, sauver, réhabiliter
72 Photos des projets :
72 Ukraine
76 Türkiye
78 Syrie
80 Soudan
84 Arménie
86 Libye
À PROPOS DE MOSSOUL (IRAK) 88
91 M. Laith Husein, Chef du département d’archéologie, Faculté des arts, université de Bagdad, Membre du Comité scientifique
92 La réhabilitation du musée de Mossoul et la restauration de sa collection
96 La restauration de la maison Tutunji
100 La restauration de la mosquée Al Masfi
104 La protection d’urgence d’un lamassu monumental et plurimillénaire
108 Mme Violaine de Montclos, envoyée spéciale en Irak, Le Point - Quand l’Irak retrouve la mémoire
À PROPOS DU YÉMEN 118
121 Mme Elke Selter, Directrice des programmes
122 Protéger le patrimoine unique de la ville de Shibam
124 Restauration du palais Al Qu’aiti, Hadramaout
126 Revitalisation du complexe du musée national de Taiz
128 Sauvegarder le patrimoine de la vieille ville de Sana’a
130 Stabilisation de la mosquée Alha sur l’île de Socotra
ALIPH ET le CHANGEMENT
CLIMATIQUE 132
135 M. Bastien Varoutsikos, Directeur de la stratégie
ALIPH SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE 136
139 Mme Sandra Bialystok, Directrice de la communication et des partenariats
142 Revue de presse
LA FAMILLE ALIPH 144
146 Conseil de fondation
148 Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération
148 Comité des finances et du développement
149 Comité scientifique
149 Comité d’audit
150 Secrétariat
153 Notre éthique
155 Rejoignez la famille ALIPH
157 Remerciements à nos donateurs
Introduction
Introduction
7 Mme Bariza Khiari, Présidente du Conseil de fondation et représentante de la France – Le changement dans la continuité
11 M. Thomas S. Kaplan, Donateur privé, Président du Conseil de fondation (2017-2023) – L’honneur d’une vie
LE CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ
Mme BARIZA KHIARI
PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE FONDATION ET REPRÉSENTANTE DE LA FRANCE
C’est avec une profonde gratitude et un sentiment immense de responsabilité que je prends la plume en tant que nouvelle Présidente du Conseil de fondation d’ALIPH, ayant succédé le 14 novembre 2023 à Thomas S. Kaplan. Avant toute chose, je veux rendre hommage au Président sortant – qui heureusement va rester parmi nous ! – qui pendant les six dernières années a mis au service d’ALIPH sa vision inspirante, son extraordinaire talent, son engagement de chaque instant, son goût de l’action et son grand sens de l’intérêt général. Son leadership a été crucial pour faire d’ALIPH un acteur majeur et désormais internationalement reconnu de la protection du patrimoine dans les zones en conflit ou post-conflit.
En prenant les rênes du Conseil de fondation d’ALIPH, je suis consciente des nombreuses attentes suscitées par les succès de notre organisation sous la présidence de mon prédécesseur. Mais c’est également forte de notre philosophie basée sur l’agilité, le consensus et le terrain – ou, comme le résume Tom, notre devise : « action, action, action » – que j’aborde cette nouvelle page de la vie de notre Fondation. J’entends veiller à préserver ce qui a fait notre réussite, tout en nous adaptant à un monde où la protection du patrimoine ne consiste pas seulement à remédier aux horreurs du passé, mais aussi, de plus en plus, à prévenir ou à répondre au quotidien aux crises qui ébranlent notre époque.
Les désordres de notre monde sont naturellement une source de grande inquiétude : ils doivent aussi nous conduire à penser les voies d’une ambition renouvelée pour être toujours plus, toujours mieux au rendez-vous de la protection du patrimoine, où qu’il se trouve. Les conflits et le changement climatique menacent les vies humaines ; ils menacent aussi la richesse et la diversité de nos sociétés. Chez ALIPH, ce ne sont pas seulement des monuments ou des artefacts que nous protégeons, mais des histoires, des héritages, des identités, dans leur pluralité. Et tous ceux qui, sur le terrain, œuvrent au quotidien pour le patrimoine sont les gardiens de cette mémoire collective : nous sommes déterminés, grâce à l’engagement sans faille de notre gouvernance et du Secrétariat d’ALIPH, à continuer à les soutenir de manière concrète et efficace.
A l’image de ces évolutions, l’année 2023 a été une année charnière pour ALIPH.
Nous avons ainsi réuni pour la première fois la grande famille ALIPH – membres, donateurs, partenaires et opérateurs – à l’occasion de notre premier Forum, qui s’est tenu en mars 2023 à Abou Dabi (Émirats arabes unis) : accueillant 200 participants issus d’une quarantaine de pays, il a été, de l’avis de tous, un grand succès ! Nous avons également été honorés par le royaume d’Arabie saoudite, qui nous a décerné en septembre 2023 à Riyad le premier Prix international de l’excellence culturelle : une reconnaissance qui couronne nos premières années d’engagement !
Nous avons également eu le plaisir d’accueillir en 2023 deux nouveaux membres, la République de Chypre et le J. Paul Getty Trust, représentés respectivement par Mme Eleni Apeyitou et Mme Katherine Elizabeth Fleming, et de consolider ou de renouveler nombre de nos partenariats existants, notamment avec l’Union européenne.
En outre, notre modèle de réponse rapide aux crises a continué de faire ses preuves. Après les premiers plans d’action d’urgence mis en œuvre en réponse à la pandémie de Covid-19, à l’explosion dans le port de Beyrouth ou à la guerre en Ukraine, nous en avons lancé cinq autres pour préserver le patrimoine touché par les séismes en Syrie et au Maroc, les inondations en Libye, la crise dans le Caucase ou le conflit à Gaza.
Dans les prochains mois, main dans la main avec nos partenaires, nous allons continuer à renforcer notre capacité à répondre rapidement aux crises, mais aussi à accompagner des projets toujours plus durables, porteurs d’avenir pour les communautés concernées. Nous allons aussi prendre à bras-le-corps la problématique de la protection du patrimoine face aux conséquences du changement climatique dans les zones les plus vulnérables.
Avec votre soutien, je suis convaincue que nous saurons être à la hauteur de cette ambition.
L’HONNEUR D’UNE VIE
M. THOMAS S. KAPLAN
DONATEUR PRIVÉ, PRéSIDENT DU CONSEIL DE FONDATION (2017-2023)
Le patrimoine est cet objet qui tisse des liens au sein de l’humanité, cette pleine expression de la diversité du génie humain et le garant de notre mémoire collective. Sauvegarder cette précieuse union par les temps de crise est à la fois une mission cruciale et une responsabilité morale. L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) fut créée en 2017 pour répondre à cet appel et incarner la réponse consolidée de la communauté internationale à la tragédie qui se jouait.
Cette éminente mission, j’ai eu le grand honneur et l’immense privilège de la porter et de la protéger six années durant comme Président du Conseil de fondation d’ALIPH. Alors que le terme de mon second mandat est arrivé à échéance en même temps qu’ALIPH relevait avec une vitesse folle les défis de l’efficacité de son organisation et du pragmatisme de son action, c’est avec une infinie confiance que je passe le relais à ma chère amie et estimée camarade Bariza Khiari, représentante de la France. Bariza et moi-même sommes comme frère et sœur – notre confiance mutuelle est infinie et nos valeurs à l’unisson.
Avec la direction visionnaire de mon « frère d’armes », notre formidable Vice-Président, Son Excellence Mohamed Al Mubarak, représentant des Émirats arabes unis, et de Son Altesse le Prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al Saud, représentant du royaume d’Arabie saoudite, mais avec aussi le soutien de tous les membres exceptionnels de notre Conseil de fondation, que je remercie sincèrement pour leur engagement inébranlable au sein d’ALIPH, je ne peux avoir davantage confiance dans l’avenir de notre entreprise commune – et dans l’auguste promesse qu’elle tient.
A l’époque de nos humbles débuts, le défi que nous lançaient nos cofondateurs, les gouvernements français et émirati, était de taille : il s’agissait d’instaurer ex nihilo un nouveau et dynamique instrument multilatéral, porteur de solutions aussi réactives que tangibles au service d’interventions efficaces sur des terrains où l’opérationnel est parmi le plus complexe au monde à organiser. Une alliance d’acteurs privés et publics, d’États souverains et de donateurs individuels, de scientifiques et de dirigeants d’ONG s’est mobilisée pour assurer au patrimoine, où qu’il se trouve, sa majestueuse beauté et son rôle éternel.
En une poignée d’années, les résultats se sont imposés. A chacun de les contempler. Forte de son bilan, ALIPH incarne ce digne leitmotiv de protéger le patrimoine pour construire la paix.
A ce jour, ALIPH a soutenu plus de 450 projets dans quelques 35 pays. De Beyrouth à Alep, de Gao à Sana’a, de Kharkiv à Khartoum, et maintenant à Gaza, elle a noué d’étroits partenariats avec des centaines d’acteurs locaux, prenant la forme tantôt d’assistance à long terme, tantôt de palliatifs immédiats – allant jusqu’au maintien du lien vital dans les situations d’urgence.
Durant mon mandat, ALIPH a grandi de 4 à 16 agents à temps plein, a accru exponentiellement son empreinte, a levé 100 millions de dollars pour financer son second cycle quinquennal, et s’est frayé une place de premier ordre sur la scène internationale. Pour ce faire, l’organisation n’a jamais cédé un iota de son agilité, devenue marque de fabrique, ni de sa préoccupation incessante pour les retombées concrètes. Alors que nous n’avons fait que croître incommensurablement, nous n’avons jamais perdu ni notre esprit « start-up » ni notre philosophie originelle, qui ont sous-tendu notre succès depuis le premier jour. « Action, action, action » restait notre mantra et « The ALIPH Way » notre boussole.
Au fil de ces années de croissance exceptionnelle et de vive activité, j’ai été le témoin privilégié de l’implacable dévouement et de l’impressionnante compétence de notre Secrétariat genevois, dirigé par le grandiose Valéry Freland, au même titre que de l’inestimable rôle joué par le Comité scientifique et par ses organes consultatifs corrélés. Travailler avec l’ensemble de ce collège autant qu’avec chacun de ceux qui le composent fut l’honneur d’une vie. En effet, ALIPH est bien plus qu’une équipe de professionnels dévoués et inspirants, c’est une famille.
Alors que je referme ce si signifiant et gratifiant chapitre de ma vie, Antoine Artiganave, mon inestimable partenaire de la fondation familiale et de cette aventure comme de tant d’autres, s’associe à moi pour rendre hommage à toutes ces femmes et tous ces hommes, qu’ils soient de proches collègues ou des associés lointains, des porteurs de projets ou des partenaires financiers, qui ont rendu – et qui continueront de rendre – cette organisation si spéciale, et sa cause si salutaire.
Qu’ils trouvent ici la plus haute expression de ma profonde gratitude et sincère admiration à l’endroit de leur courage, de leur détermination et de leur audace.
Longue vie à ALIPH !
LE PREMIER
PREMIER FORUM
Aliph
ABOU DABI, 6-7 MARs 2023
17 S.E. Mohamed Khalifa Al Mubarak, Vice-président du Conseil de fondation et représentant des Émirats arabes unis –Le premier Forum ALIPH
20 Réunion de famille
LE PREMIER FORUM ALIPH
S.E. MOHAMED KHALIFA AL MUBARAK
PRÉSIDENT, DÉPARTEMENT DE LA CULTURE ET DU TOURISME – ABOU DABI
REPRÉSENTANT DES ÉMIRATS ARABES UNIS ET VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL DE FONDATION
Dans un monde à la géopolitique mouvante, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) poursuit sa mission de protection du patrimoine en péril. Son action s’articule en trois modes d’intervention : la prévention pour limiter les risques de destruction, les mesures d’urgence pour garantir la sécurisation du patrimoine ; tandis que les interventions à la suite du conflit permettent aux populations de bénéficier à nouveau de leurs trésors. Le besoin pressant de protéger le patrimoine culturel dans les zones en conflit et en post-conflit ne cesse pas. Mais les conséquences grandissantes du changement climatique et de ses catastrophes naturelles sur les monuments et sites doivent aussi trouver une réponse.
Pour consolider la marche à suivre, Abou Dabi a une nouvelle fois accueilli la famille ALIPH, qu’il s’agisse des membres du Conseil de fondation ou du Secrétariat, des donateurs, des partenaires ou des opérateurs, lors de son Forum 2023 qui s’est tenu en mars. Abou Dabi est le berceau d’ALIPH, quand en 2017 une première conférence réunissait les institutions publiques, privées et non gouvernementales prêtes à s’engager dans la protection et la préservation du patrimoine culturel menacé par la guerre, l’instabilité ou le terrorisme. Cette année, ce furent 200 participants venus de 40 pays qui se réunirent à la Fondation culturelle d’Abou Dabi pour considérer l’apport positif d’ALIPH et tracer un futur riche de bonnes pratiques et d’échanges de connaissances, à la fois d’un point de vue thématique et d’un point de vue régional.
L’accent a été mis sur la nécessité de développer des projets concrets au service d’un développement durable fondé sur des formations professionnalisantes, la participation des communautés, et l’utilisation de matériaux et savoir-faire traditionnels. Des enseignements émergèrent, qui vont nourrir la feuille de route d’ALIPH pour les prochaines années. Il s’agit d’intensifier les mesures préventives (comme les inventaires de collections ou la numérisation 3D, etc.) ou d’améliorer le mécanisme de réponse rapide aux crises.
Depuis cette réunion, ALIPH a œuvré sans relâche pour intervenir sur les zones de conflit partout autour du monde, de la Syrie à l’Irak, du Mali au Liban, mais aussi en Afghanistan, en Ukraine ou en Arménie. Persévérant dans sa mission de protection du patrimoine mondial en péril, de préservation des biens culturels menacés, et de restauration des sites culturels majeurs, ALIPH a prouvé une fois de plus en 2023 combien ses équipes sont les premières à répondre sur le terrain.
Les Émirats arabes unis sont fiers de continuer à mener cette initiative aux côtés de notre partenaire culturel historique, la France. Nous sommes engagés à protéger le patrimoine culturel pour les futures générations. Cette ambition est partagée avec toute la famille ALIPH, membres du Conseil de fondation, donateurs, partenaires et acteurs de terrain. Je tiens également à exprimer ma gratitude à l’ensemble des personnels et de leurs équipes, dont le dévouement et la réactivité constituent le pilier de la force d’ALIPH, tant pour les interventions d’urgence en matière de patrimoine que pour la réconciliation post-crise.
RÉUNION DE FAMILLE
Les 6 et 7 mars 2023, ALIPH a organisé à Abou Dabi, aux Émirats arabes unis, son premier Forum. Mis en œuvre en collaboration avec le Département de la Culture et du Tourisme (DCT) d’Abou Dabi, l’évènement s’est tenu à la Fondation culturelle d’Abou Dabi.
Venus de 40 pays, plus de 200 professionnels y ont assisté, parmi lesquels des experts du patrimoine et des représentants d’ONG, d’États ou d’organisations internationales. Pour la première fois étaient ainsi rassemblés les partenaires d’ALIPH, dont la diversité témoigne de l’important réseau de professionnels et de soutiens que la Fondation a su mobiliser depuis sa création en 2017.
Cette rencontre a permis de faire remonter deux principaux messages. Le premier est que le défi de la protection du patrimoine en zone de conflit ou de post-conflit n’est pas derrière nous, mais bien devant nous. Le second va au-delà des situations de conflit : les conséquences préjudiciables du changement climatique et des catastrophes naturelles sur le patrimoine appellent une réponse cohérente et organisée, intégrant, à travers des projets concrets, la promotion des savoir-faire traditionnels, l’engagement des communautés et la formation sur le terrain.
Le Forum a été ouvert par les représentants des deux pays fondateurs d’ALIPH : S.E. Mohamed Al Mubarak et Mme Bariza Khiari. Il s’est clôturé sur les paroles de S.E. Salem Al Qassimi, ministre de la Culture des Émirats arabes unis, et de M. Thomas S. Kaplan, donateur privé et ancien président du Conseil de fondation d’ALIPH.
TÉMOIGNAGES recoNNAISSANCE
TÉMOIGNAGES DE
recoNNAISSANCE
27 S.A. le Prince Badr bin Abdullah bin
Farhan Al Saud, ministre de la Culture de l’Arabie saoudite, représentant de l’Arabie saoudite au Conseil de fondation - Le premier Prix International d’Excellence Culturelle
31 Mme Katherine Elizabeth Fleming, Présidente et PDG du J. Paul Getty
Trust – Préserver le patrimoine n’est pas superflu
LE PREMIER PRIX INTERNATIONAL
D’EXCELLENCE CULTURELLE
S.A. LE PRINCE BADR BIN ABDULLAH BIN FARHAN AL SAUD
MINISTRE DE LA CULTURE De l’ARABIE SAOUDITE
REPRÉSENTANT De l’ARABIE SAOUDITE AU CONSEIL DE FONDATION
L’Arabie saoudite accorde une grande attention à la protection du patrimoine dans les zones de conflit, partant de sa prise de conscience de l’importance du patrimoine dans la civilisation humaine et le renforcement de la paix et du dialogue entre les peuples du monde. De plus, la culture dans tous ces secteurs est l’un des principaux objectifs de la vision ambitieuse de l’Arabie saoudite pour 2030.
L’Arabie saoudite croit en la nécessité de fournir un environnement propice qui se concentre sur le soutien des efforts conjoints pour préserver et protéger le patrimoine culturel, afin d’atteindre les objectifs culturels mondiaux appelant à renforcer la coopération entre les organisations concernées et à encourager les contributions mondiales dans le domaine de la culture et du patrimoine. Ainsi, le rôle actif du royaume dans la fondation de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), en collaboration avec de nombreux partenaires, vise à protéger et à préserver le patrimoine.
En tant que défenseur de la paix, l’Arabie saoudite s’engage à soutenir les efforts internationaux pour préserver le patrimoine culturel et à renforcer son rôle dans la paix et l’intégration sociale. Le royaume tient à contribuer à ces efforts en soutenant le fonds de la Fondation ALIPH avec une somme de 30 millions de dollars, afin de renforcer son rôle actif dans la protection du patrimoine culturel en danger et sa réhabilitation, à travers des projets de restauration et de formation locale pour sensibiliser à l’importance de préserver le patrimoine. En outre, elle organise un certain nombre de programmes de formation et d’ateliers. La Fondation a mis en œuvre plus de 180 projets et alloué un budget de plus de 60 millions de dollars pour réaliser des projets de restauration de sites historiques, de bâtiments patrimoniaux, et pour permettre aux communautés locales de récupérer leur patrimoine culturel.
Partant du rôle éminent de la Fondation dans le soutien à la paix sociale, la sécurisation du patrimoine culturel en danger, et ses efforts dans la protection du patrimoine culturel immatériel des communautés locales, et en reconnaissance des objectifs nobles de la Fondation et en appréciation de ses efforts, le ministère de la Culture, lors de la cérémonie de remise des prix culturels nationaux qui s’est tenue à Riyad le 9 septembre 2023, a annoncé l’attribution à la Fondation du Prix International d’Excellence Culturelle pour l’année 2023, pour ses initiatives culturelles qui ont contribué à la reconstruction des zones affectées par les guerres et les conflits. Le comité du prix a jugé que la Fondation ALIPH méritait pleinement ce prix en reconnaissance de ses efforts dans la préservation et la protection des richesses matérielles et immatérielles.
En conclusion, l’Arabie saoudite apprécie tous les efforts visant à protéger le patrimoine et à promouvoir la culture et les arts dans le monde, considérés comme un cadre humanitaire global et des ponts pour le dialogue et la paix à travers le monde.
PRÉSERVER LE PATRIMOINE
N’EST PAS SUPERFLU
MME KATHERINE ELIZABETH FLEMING
PRÉSIDENTE ET PDG DU J. PAUL GETTY TRUST
Le patrimoine est aussi une victime de la guerre. S’en préoccuper et le préserver ne sont pas un luxe, car il est au fondement même de ce que nous sommes. Il nous relie à notre propre passé et, en tant que patrimoine mondial, nous unit aux peuples du monde.
Participer à ALIPH est une impérieuse nécessité compte tenu de son mandat : protéger le patrimoine de l’humanité. Son modèle de flexibilité et d’agilité lui permet de s’épargner des conversations interminables, des débats et autres discussions théoriques, pour la positionner sur le terrain de la compétence et de l’action.
En tant que PDG du J. Paul Getty Trust, je suis ravie de faire le lien avec ALIPH, dont le travail résonne tant avec celui du Getty. La mission des deux organisations repose sur la reconnaissance commune de l’importance cruciale de la création humaine pour notre sens de l’histoire et notre confiance en l’avenir. J’espère que grâce à mon implication dans ces deux institutions, chacune s’enrichira de sa connaissance approfondie de l’autre.
ALIPH LE DANS
35 M. Mounir Bouchenaki, Président par intérim du Comité scientifique
38 Les projets d’ALIPH
40 ALIPH en chiffres
42 Quelques projets achevés en 2023
44 Réhabilitation de la tour Tsiskarauli (Géorgie)
48 Réhabilitation du musée de Raqqa et restauration de sa collection (Syrie)
52 Revitalisation des métiers de la restauration du patrimoine à l’occasion de la réhabilitation d’une villa historique à Beyrouth (Liban)
MONDE DANS
56 Réhabilitation de l’école grecque-orthodoxe et de l’orphelinat Zahrat El Ihsan à Beyrouth (Liban)
60 Stabilisation d’urgence au sein du site du patrimoine mondial de Ghadamès (Libye)
Aliph dans le monde
M. Mounir Bouchenaki PRÉSIDENT PAR INTéRIM DU COMITÉ SCIENTIFIQUE
Qui aurait pu imaginer en mars 2017, lors de la création d’ALIPH à l’initiative des Émirats arabes unis et de la France, l’éclatant parcours qu’entreprendrait cette fondation genevoise ? En quelques années, ALIPH a relevé les défis que posent les crises et les guerres affectant non seulement les populations civiles, mais visant aussi la destruction de leur patrimoine culturel.
En collaboration avec les grandes institutions gouvernementales et non gouvernementales qui ont également pour mission la coopération pour la sauvegarde du patrimoine culturel dans le monde, mais plus spécifiquement l’assistance au patrimoine mis en péril tant par des conflits que par les conséquences du changement climatique, la Fondation ALIPH, installée à Genève, s’est résolument engagée à répondre aux projets nécessitant une action urgente, comparable à celle des premiers secours accordés aux personnes.
Grâce à une politique réussie de levée de fonds conduite par son Conseil de fondation, sa Présidence et sa Direction, ainsi qu’avec la mise en place d’une structure opérationnelle dynamique, disposant de moyens humains et financiers, et avec le concours d’un Comité scientifique dont j’assume la présidence par intérim, les projets se sont démultipliés dans différentes régions du monde marquées hélas par
des conflits qui se sont développés en Afrique, en Asie, en Amérique latine, en Europe (en Ukraine), mais plus particulièrement au MoyenOrient, région la plus gravement touchée.
Nombreuses ont été les missions qui ont permis de développer une vision globale d’approche des problématiques, comme ce fut le cas à Abou Dabi lors du premier Forum organisé par ALIPH avec le concours du Département de la Culture et du Tourisme de l’Émirat les 6 et 7 mars 2023 avec une participation de plus de 200 experts venus de plus de 40 pays.
J’ai eu l’occasion de participer à plusieurs missions sur le terrain, comme au Liban en particulier pour le suivi de la restauration du musée Sursock à Beyrouth, mais aussi en Irak et notamment à Mossoul, où ont été lancés nombre de projets de restauration de monuments religieux, ainsi que l’un des grands projets emblématiques tel le musée de Mossoul, dont la restauration de l’édifice est assurée par le World Monuments Fund et celle des collections par les spécialistes du musée du Louvre.
L’année 2023 a été particulièrement riche pour la Fondation, et le mérite en revient à l’équipe dynamique avec à sa tête un directeur toujours sur le pont!
Du 21 juin 2018 au 31 décembre 2023, 401 projets dans 35 pays ont été soutenus par ALIPH.
Plus de la moitié d’entre eux sont achevés.
Les Projets d’ALIPH
du 21 Juin 2018 au 31 décembre 2023
Haïti
2 – Nombre total de projets
1 – Projet achevé
1 – Projet en cours
Maroc*
1 – Nombre total de projets
1 – Projet en cours
Libye
7 – Nombre total de projets
2 – Projets achevés
5 – Projets en cours
Sénégal
1 – Nombre total de projets 1 – Projet en cours
BosnieHerzégovine
1 – Nombre total de projets 1 – Projet en cours
Liban
29 – Nombre total de projets
21 – Projets achevés 8 – Projets en cours
Colombie
1 – Nombre total de projets
1 – Projet en cours
Pérou
1 – Nombre total de projets
1 – Projet achevé
Chili
1 – Nombre total de projets
1 – Projet achevé
Ukraine
187 – Nombre total de projets
130 – Projets achevés
57 – Projets en cours
Moldavie
1 – Nombre total de projets
1 – Projet en cours
Türkiye
2 – Nombre total de projets
2 – Projets en cours
Chypre
1 – Nombre total de projets 1 – Projet en cours
Mali
5 – Nombre total de projets
1 – Projet achevé 4 – Projets en cours
Côte d’Ivoire
2 – Nombre total de projets
2 – Projets achevés
Burkina Faso
1 – Nombre total de projets
1 – Projet en cours
Niger
3 – Nombre total de projets
2 – Projets achevés
1 – Projet en cours
République démocratique du Congo
1 – Nombre total de projets
1 – Projet achevé
* Soutien d’ALIPH à son État membre en réponse au tremblement de terre de 2023
Syrie
17 – Nombre total de projets
10 – Projets achevés 7 – Projets en cours
Géorgie
3 – Nombre total de projets 3 – Projets achevés
Arménie
4 – Nombre total de projets 1 – Projet achevé 3 – Projets en cours
Irak
44 – Nombre total de projets 23 – Projets achevés 21 – Projets en cours
Afghanistan
17 – Nombre total de projets
7 – Projets achevés 10 – Projets en cours
Palestine
9 – Nombre total de projets 4 – Projets achevés 5 – Projets en cours
Israël
2 – Nombre total de projets 2 – Projets en cours
Soudan
10 – Nombre total de projets 8 – Projets achevés 2 – Projets en cours
Yémen
23 – Nombre total de projets 7 – Projets achevés 16 – Projets en cours
Éthiopie
5 – Nombre total de projets 1 – Projet achevé 4 – Projets en cours
Somalie
2 – Nombre total de projets 1 – Projet achevé 1 – Projet en cours
Mozambique
1 – Nombre total de projets 1 – Projet en cours
International
11 – Nombre total de projets
6 – Projets achevés 5 – Projets en cours
Pakistan
1 – Nombre total de projets 1 – Projet en cours
Bangladesh
1 – Nombre total de projets 1 – Projet achevé
Cambodge
3 – Nombre total de projets 3 – Projets en cours
Indonésie
1 – Nombre total de projets 1 – Projet en cours
NOMBRE
TOTAL DE PROJETS
168 PROJETS EN COURS $ 86 621 788 FONDS ENGAGÉS DU 21 JUIN 2018 AU 31 DÉCEMBRE 2023
233 PROJETS ACHEVÉS
QUELQUESACHEVÉSPROJETS EN 2023
GÉORGIE
Réhabilitation de la tour Tsiskarauli (région de Khevsourétie)
Opérateurs : International National Trusts Organisation (INTO) en collaboration avec le National Trust of Georgia et Rempart
Erigée aux XVIe et XVIIe siècles au milieu des montagnes du nord de la Géorgie, la tour Tsiskarauli, de 20 mètres de hauteur, menaçait ruine. En 2001, lors de la guerre de Tchétchénie, ce rare témoignage de l’architecture médiévale défensive de la région a en effet été percuté par un missile. Sa réhabilitation a été entreprise de 2021 à 2023 par 46 jeunes bénévoles ou experts locaux et internationaux. Georgiens, Français, Polonais et Britanniques ont mené à bien cette restauration à l’aide de matériaux et de techniques traditionnels. À la suite de la stabilisation de la structure, le balisage de sentiers pédestres a également contribué au développement du potentiel écotouristique du site et à ses retombées positives sur la communauté locale.
SYRIE
Réhabilitation du musée de Raqqa
et restauration de sa collection
Opérateurs : La Guilde européenne du raid, en collaboration avec l’ONG Roya, Impact, la municipalité de Raqqa et Stiftung Preussischer Kulturbesitz Berlin et avec le soutien de la principauté de Monaco
Le musée de Raqqa abritait une importante collection d’objets culturels et archéologiques des époques romaine, byzantine et islamique. L’occupation de la région par Daech entre 2014 et 2017 a profondément dénaturé cette institution. Riche de quelque 8 000 artefacts, sa collection a été sévèrement pillée au point qu’elle ne compte plus que 800 pièces de son fonds initial.
Lancée en 2019, la réhabilitation du bâtiment du musée, menée par La Guilde européenne du raid et l’ONG locale Roya, en lien avec les autorités de la ville, a misé sur l’utilisation de matériaux locaux, comme les briques cuites dans un four traditionnel situé aux abords de la cité. Le projet s’est ensuite concentré sur la documentation et le recensement des œuvres qui avaient survécu au conflit, avant de procéder à leur conservation préventive et à leur stockage dans des conditions adéquates.
Ce projet de réhabilitation du musée de Raqqa et de sa collection a été associé à celui du Stiftung Preussischer Kulturbesitz Berlin, qui visait à reconstituer l’inventaire de la collection pillée en compilant des informations provenant du musée et des données de fouilles issues d’archives allemandes et néerlandaises.
Ces trois projets soutenus par ALIPH ont permis au musée de renaître. En effet, grâce à ces efforts, le musée a rouvert ses portes en novembre 2023. Baptisée « Témoins du passé et du présent », une exposition inaugurale a permis de présenter 50 artefacts au public, en particulier aux scolaires, et de retracer ainsi leur destin marqué par le conflit. Ce projet est un symbole de résilience et de réappropriation de la mémoire.
LiBAN
Revitalisation des métiers de la restauration du patrimoine à l’occasion de la réhabilitation d’une villa
historique (Beyrouth)
Opérateurs : Institut européen de coopération et de développement (IECD), en coopération avec la Direction générale des antiquités du Liban
La villa Al Makassed est une maison palatiale de la fin du XIXe siècle qui a subi d’importants dommages à la suite de l’explosion du 4 août 2020. Ce bâtiment historique est le siège de l’association caritative sunnite Al Makassed, créée en 1879. Il abrite une bibliothèque riche de 35 000 ouvrages – soit le plus grand fonds de publications sur l’islam du Liban, désormais ouverte au public. Ce projet, mené par l’Institut européen de coopération et de développement (IECD), en coopération avec la Direction générale des antiquités du Liban, a permis de restaurer un bâtiment à haute valeur architecturale et sociale, de préserver un tissu urbain ancien, et de former 74 jeunes, dont près de 30 % de femmes, aux métiers de la restauration, favorisant ainsi leur intégration sur le marché du travail.
LiBAN
Réhabilitation
de l’école grecque-orthodoxe et de l’orphelinat Zahrat El Ihsan (Beyrouth)
Opérateurs : l’Œuvre d’Orient, en partenariat avec l’archevêché grec-orthodoxe de Beyrouth et la Direction générale des antiquités du Liban avec les cofinancements d’ALIPH, de l’Œuvre d’Orient, de l’archevêché et de Hungary Helps
L’école grecque-orthodoxe Zahrat El Ihsan est l’une des plus anciennes de Beyrouth, fondée en 1881 pour l’éducation des jeunes filles. Cet établissement, qui accueille aujourd’hui près de 1 000 filles et garçons, composé d’une école, d’un orphelinat, d’un couvent et d’une église, a été durement frappé par l’explosion du 4 août 2020. Après les travaux de consolidation, c’est la restauration de la charpente et du toit de tuiles traditionnelles qui vient de s’achever. Ce projet a été conduit par l’Œuvre d’Orient, en partenariat avec l’archevêché grec-orthodoxe de Beyrouth, et cofinancé par ces deux partenaires ainsi que par ALIPH et Hungary Helps.
Stabilisation d’urgence au sein du site du patrimoine mondial de Ghadamès
Opérateurs : King’s College London, en collaboration avec le Département des antiquités et l’Autorité de promotion et de développement de la ville de Ghadamès
Ghadamès, la ville du désert, est inscrite sur la liste du patrimoine mondial, témoignant de la richesse archéologique de la Libye. Cependant, en 2016, à la suite du conflit qui a frappé le pays, ce site a été placé sur la liste du patrimoine mondial en péril. Grâce à une approche collaborative avec le Département libyen des antiquités, ce projet a contribué à la protection du site avec la mise en place de mesures de stabilisation d’urgence, la conception de plans de gestion et la formation des professionnels locaux du patrimoine, ouvrant ainsi la voie à de futures actions de conservation.
premiers LE
premiers sur
LE TERRAIN
Prévenir, sauver, réhabiliter
PRÉVENIR, SAUVER,
RÉHABILITER
M. VALÉRY FRELAND
DIRECTEUR EXÉCUTIF
Notre patrimoine est aujourd’hui, et peut-être plus que par le passé, menacé. Menacé par le manque d’entretien, mais cela n’est pas nouveau ; par une urbanisation débridée, qui arase quartiers historiques et sites archéologiques ; par les conséquences du changement climatique, qui réduit en poussière les architectures de terre et engloutit d’antiques cités – et cela est sans doute plus récent ; par les guerres, enfin, enjeu de plus en plus prégnant depuis trois décennies. En quelques années, le patrimoine a ainsi fait irruption sur la scène internationale. Il n’est plus seulement le dommage collatéral de conflits, mais bien souvent une cible, voire une arme de guerre lorsque, comme l’a fait Daech à Hatra ou à Mossoul, les images de destruction sont diffusées sur les réseaux sociaux comme les trophées d’une amère victoire.
Cette situation est sans doute la conjonction de trois phénomènes. D’abord, depuis plus de trente ans, on assiste à la multiplication et à la diversification des conflits sur l’ensemble de la planète. Des conflits qui, bien souvent, ont une dimension identitaire qui, si elle n’est pas avérée, peut pour le moins faire l’objet d’une instrumentalisation : le patrimoine est la face la plus visible, la plus tangible, de nos identités. Lui porter atteinte, c’est toucher au cœur des femmes et des hommes, au plus profond de leur humanité, de notre humanité. Enfin, la numérisation du monde et le développement des réseaux sociaux font que la guerre peut être mise en scène, que la terreur peut se nourrir des images tragiques d’un patrimoine outragé. Et ce n’est plus seulement le fait du terrorisme : le patrimoine
détruit aux quatre coins du monde est un long fil sur nos écrans de téléphone, aux côtés de celui des frasques des stars de téléréalité.
Face à un tel enjeu, que peut faire la communauté internationale ?
« Pourquoi se préoccuper du patrimoine, alors que sous les bombes meurent nos sœurs et nos frères ? » entendons-nous parfois. Mais faut-il choisir entre les pierres, ces témoins pas si muets de notre passé, et les femmes et les hommes qui vivent autour, qui en vivent ? Ne sont-ils pas inextricablement liés ? Ce patrimoine n’est-il pas un lien entre le passé et le présent, et la condition de la construction d’un avenir partagé ?
C’est pour renforcer la protection internationale du patrimoine menacé qu’ALIPH a été créée en 2017 à Genève, à la suite de la Conférence d’Abou Dabi de décembre 2016 sur le patrimoine en danger. Depuis, ALIPH est présente dans 35 pays à travers près de 450 projets mis en œuvre de l’Afghanistan au Niger, du Soudan au Yémen, de l’Ukraine à la Palestine.
Comment faire de notre patrimoine un vecteur de paix ? Lorsque l’on aborde la question du lien entre patrimoine et paix, il est nécessaire de comprendre ce qu’un patrimoine représente et pour qui. Il est également important de souligner que si le lien entre patrimoine et paix peut paraître évident à la plupart d’entre nous, il est parfois difficile à démontrer. Il y a en la matière un besoin de données à collecter, de références à répertorier, de bonnes pratiques à partager : il y a là un travail pour ALIPH.
Pour que le patrimoine puisse contribuer à la paix, il faut d’abord qu’il soit préservé. Que la perte d’un patrimoine, que l’éradication d’une identité puissent engendrer du ressentiment, de la haine jusqu’à la violence, parfois sur plusieurs siècles, cela va à peu près de soi. On l’observe aujourd’hui dans plusieurs conflits. C’est l’une des raisons pour lesquelles le patrimoine doit être préservé : il s’agit de se prémunir de tout irritant, de toute source potentielle de contentieux futurs.
Il faut aussi prévenir : documenter collections, monuments, mais aussi patrimoine immatériel, boucliers contre l’oubli ; sécuriser musées et sites patrimoniaux ; former aux situations d’urgence. Nous l’avons fait par exemple à Abidjan, au musée des Civilisations de Côte d’Ivoire en 2019-2020, et continuerons à le faire partout où cela nous paraît nécessaire. Mais c’est d’ailleurs un enjeu : comment identifier les lieux les plus menacés ? Là encore, la recherche doit mieux nous éclairer sur les possibles conflits ou les menaces liées au changement climatique. Il faut alors encourager le travail de modélisation, ce que nous sommes prêts à faire chez ALIPH, afin d’être en mesure de mieux identifier en amont les potentielles zones de crise.
Il faut aussi être en mesure d’intervenir au cœur d’un conflit. ALIPH a ainsi mis son agilité – celle d’une fondation privée de droit suisse et d’un état d’esprit tourné vers l’action – au service de la préservation de patrimoines au cœur de conflits. Intervenir dans la tourmente nécessite de prendre en considération plusieurs dimensions :
– la nature du conflit: celui-ci a-t-il une dimension identitaire susceptible de renforcer la menace pesant sur le patrimoine ? C’est souvent le cas, mais pas systématiquement ;
– l’accès aux territoires en conflit, qui dépend de deux données principales. D’abord, le type d’intervention militaire : il y a une différence importante entre une guerre de position à la frontière entre deux vastes territoires, comme en Ukraine aujourd’hui, et une guerre dans une zone circonscrite et très urbanisée, entre bombardements et opérations au sol, comme à Gaza, où il est beaucoup plus difficile d’intervenir. En outre, l’accès à un territoire peut être limité par les autorités d’un Etat souverain ou par l’un des belligérants ;
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la présence de relais sur place – institutions culturelles, ONG, professionnels, bénévoles – capables de mener à bien des actions d’urgence, mais aussi l’acheminement de matériel, sont déterminants. C’est le cas notamment en Ukraine, ce qui nous a permis de protéger rapidement les collections de 400 institutions culturelles sur tout le territoire. C’est plus compliqué par exemple au Soudan, où une partie des professionnels a dû fuir le pays pour des raisons de sécurité.
Vient ensuite le temps de la réhabilitation, qui peut jouer un rôle essentiel dans le processus de reconstruction.
La protection du patrimoine peut contribuer à la construction de la paix, à travers la lutte contre le trafic illicite de biens culturels – source de financement du terrorisme – mais aussi par son apport à la vitalité du dialogue interculturel ou inter-religieux. Il est à cet égard essentiel de réfléchir à l’impact de tout projet de réhabilitation. Reconstruire un monument, c’est aussi reconstruire un tissu social. La réhabilitation de lieux de culte, comme ALIPH le fait à Mossoul aux côtés de l’UNESCO, peut redonner vie à un quartier, favoriser l’ouverture de commerces, attirer des touristes, etc. La réhabilitation d’un patrimoine peut également envoyer un message encourageant aux personnes qui sont le plus directement associées à ce patrimoine, à savoir qu’elles sont les bienvenues pour vivre à nouveau dans la région.
Réhabiliter le patrimoine peut également favoriser le développement social et économique d’une région, par la création d’emplois, la formation, le transfert de connaissances, ou le renforcement de l’économie du tourisme culturel. A Beyrouth, au Liban, un projet soutenu par ALIPH consacré à la restauration d’une maison historique et à la revitalisation de l’artisanat traditionnel a permis de créer des formations de terrain et des opportunités d’emploi pour 74 jeunes, libanais ou syriens, dans un contexte économique difficile.
La sauvegarde du patrimoine peut enfin jouer un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique. Depuis des siècles, les communautés locales ont recours à des pratiques durables et adaptées à leur environnement en matière de construction ou de gestion de l’eau, des terres et de l’agriculture. Ces pratiques peuvent être des solutions efficaces face aux effets du changement climatique. Ce rôle du patrimoine a d’ailleurs été reconnu par la COP28 à Dubaï. Ainsi, à Agadez, au Niger, la réhabilitation de la vieille ville s’est largement appuyée sur les compétences et les matériaux locaux, mais aussi sur l’adaptation des techniques traditionnelles de construction.
Naturellement, un patrimoine ne peut être durablement réhabilité et jouer un rôle positif dans les processus de stabilisation que si les populations locales, les communautés sont associées à ces projets ou en sont porteuses. Il importe également de l’aborder avec le plus d’objectivité, de neutralité et de pragmatisme possible : dédramatiser le patrimoine, l’extraire de sa dimension purement identitaire ou politique, pour mieux le protéger.
Opérateurs : Museum for Change, en partenariat avec les professionnels du patrimoine d’Odessa
RESTAURATION DE LA CATHÉDRALE D’ANI EN TÜRKIYE
Opérateurs : World Monuments Fund, en partenariat avec le ministère de la Culture et du Tourisme de Türkiye.
D’URGENCE DU SITE
DU PATRIMOINE MONDIAL DE MÉROÉ
AU SOUDAN
Opérateurs : Section Française de la Direction des Antiquités du Soudan et musée du Louvre, en partenariat avec le Service des Antiquités du Soudan (National Corporation for Antiquities and Museums - NCAM)
Opérateurs : Polish Centre of Mediterranean Archaeology, University of Warsaw, en partenariat avec le Service des Antiquités du Soudan (National Corporation for Antiquities and MuseumsNCAM)
PRÉSERVATION
DE OLD DONGOLA AU SOUDAN
Opérateurs : Iconem, en partenariat avec TUMO
SAUVEGARDE DU PATRIMOINE LIBYEN ENDOMMAGÉ PAR LES INONDATIONS DE 2023
Opérateurs: Iconem et l’Université de G. d’Annunzio Chieti-Pescara
de mossoul
à propos mossoul
91 M. Laith Husein, Chef du département d’archéologie, Faculté des arts, Université de Bagdad, Membre du Comité scientifique
92 La réhabilitation du musée de Mossoul et la restauration de sa collection
96 La restauration de la maison Tutunji
100 La restauration de la mosquée Al-Masfi
104 La protection d’urgence d’un lamassu monumental et plurimillénaire
108 Mme Violaine de Montclos, envoyée spéciale en Irak, Le Point - Quand l’Irak retrouve la mémoire
M. LAITH M. HUSSEIN
CHEF DU DÉPARTEMENT D’ARCHÉOLOGIE, FACULTÉ DES ARTS, UNIVERSITÉ DE BAGDAD, MEMBRE DU COMITÉ SCIENTIFIQUE
C’est avec une immense fierté que nous célébrons ce moment charnière de notre partenariat avec une organisation reconnue et engagée dans la protection du patrimoine dans les zones en conflit. Aujourd’hui, nous affrontons les conséquences de la crise issue du terrorisme de Daech en nous concentrant sur la restauration et la reconstruction de sites patrimoniaux majeurs à Mossoul, avec le soutien de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH). Cette initiative couvre des sites clés tels que la mosquée Al-Masfi, la maison Tutunji et des artefacts telle la divinité assyrienne ailée de Khorsabad.
Cette démarche a débuté par des études détaillées, la planification et l’élaboration d’une stratégie de réhabilitation. Ces premières étapes ont ensuite ouvert la voie à la restauration des sites endommagés et à la reconstruction des structures adjacentes, dont l’intégrité historique a été préservée. Malgré les défis posés par Daech, nous avons élaboré des plans d’action visant à assurer une restauration minutieuse de certains sites patrimoniaux, compte tenu de leur importance culturelle. Ces plans ont été complétés par des activités financées par ALIPH, telles que des expositions, des séminaires et des programmes à l’intention de la jeunesse pour lui offrir une formation professionnelle, des opportunités d’emploi et un accompagnement dans divers secteurs.
C’est sans réserve que nous soutenons les rigoureux efforts déployés pour réaliser ces restaurations et maintenir les normes professionnelles
les plus élevées. Ce partenariat offre une chance historique de raviver le patrimoine irakien, comme en témoigne la renaissance du musée de Mossoul, et de protéger une vision de la culture et de la civilisation tournée vers le développement durable et l’avenir. Nos efforts conjoints témoignent d’un soutien sans faille à la paix face aux forces de destruction et au terrorisme.
La promotion de la coopération entre les nations pour l’échange de connaissances et l’utilisation des technologies modernes dans le domaine de la préservation du patrimoine a été une composante essentielle de cette collaboration.
Enfin, nous saluons toutes les nobles initiatives qui défendent la cause de la civilisation et de la richesse historique, et exprimons notre profonde gratitude à l’égard d’ALIPH pour son soutien inébranlable à l’Irak, une nation profondément marquée par les cicatrices de la guerre.
Le patrimoine de Mossoul est, depuis la création d’ALIPH en 2017, l’une des priorités de la Fondation, qui a lancé en 2019 le programme « Mosaïque de Mossoul », visant à réhabiliter le musée de Mossoul, des édifices religieux et plusieurs sites et monuments, en appui à l’initiative « Faire revivre l’esprit de Mossoul » de l’UNESCO et du gouvernement irakien.
Focus sur quelques-uns de ces projets !
La réhabilitation du musée de Mossoul et la restauration de sa collection
Opérateurs : Musée du Louvre, Smithsonian Institution, World Monuments Fund, en collaboration avec le musée de Mossoul et le State Board of Antiquities and Heritage (SBAH)
Inauguré en 1952, le musée de Mossoul est le deuxième plus important du pays après celui de Bagdad. De première importance, sa collection donnait à voir un panorama complet de l’histoire de la région, de la préhistoire à la période islamique. En 2003, le musée a dû fermer à la suite du déclenchement de la guerre, et une partie de sa collection a été évacuée à Bagdad. Les sculptures monumentales qui n’avaient pas pu être déplacées furent vandalisées par Daech en 2014. Tandis que 28 000 livres et manuscrits rares étaient brûlés, la destruction de chefsd’œuvre comme le lion colossal de Nimrud, les deux figures monumentales de lamassus (gardiens assyriens ornant les portes du palais antique) ou la base du trône du roi Assurnasirpal II fut mise en scène à travers une vidéo largement médiatisée.
Depuis 2018, le musée est progressivement ramené à la vie grâce à l’engagement sans faille de son équipe et à un consortium unique de partenaires irakiens et internationaux, parmi lesquels le State Board of Antiquities and Heritage (SBAH) d’Irak, le musée de Mossoul, le musée du Louvre, la Smithsonian Institution, le World Monuments Fund et ALIPH.
Dans un premier temps, les partenaires ont œuvré à la stabilisation et à la sécurisation du bâtiment, dont le toit était miné d’engins explosifs. En 2020, malgré la pandémie, la conservation des objets endommagés a progressé, le Louvre proposant une formation à distance sur les techniques de conservation pour le personnel du musée.
La reconstitution des colossaux lamassus pulvérisés à l’aide de puissants explosifs et de marteaux par Daech représente un défi unique. Les fragments ont été triés, nettoyés et documentés avant qu’un minutieux travail de restauration ne soit lancé par les professionnels irakiens et français. Le World Monuments Fund, qui a rejoint le consortium en 2020, mène à bien, pour sa part, le projet de rénovation architecturale du musée. Le travail de la Smithsonian Institution s’est de son côté concentré au début sur la stabilisation, et désormais sur le renforcement des capacités des équipes du musée.
En mai 2023, alors que la dernière phase du projet de réhabilitation était lancée, une grande conférence de presse au cœur même du musée martyr célébrait l’inauguration d’une première exposition : « Le musée de Mossoul : de la destruction à la réhabilitation ».
Il s’agit du plus grand et du plus ambitieux projet mené par ALIPH depuis sa création. Et la Fondation est bien plus qu’un financeur : depuis 2018, elle accompagne tous les partenaires à chacune des étapes, avec un objectif : la réouverture du musée à l’horizon 2026.
La restauration de la maison Tutunji
Opérateurs : Université de Pennsylvanie, en collaboration avec l’université de Mossoul et le State Board of Antiquities and Heritage (SBAH)
La maison Tutunji, construite entre 1808 et 1817, est un exemple remarquable de demeure patricienne à cour centrale de la fin de l’époque ottomane, somptueusement décorée de basreliefs en marbre, et symbole du passé de Mossoul comme centre florissant du commerce international. Utilisée par Daech comme usine d’explosifs pendant l’occupation de la ville, elle a été presque entièrement détruite entre 2014 et 2017.
L’université de Pennsylvanie, en étroite collaboration avec le SBAH et l’université de Mossoul, a entrepris la restauration de cette maison emblématique. Outre les travaux de structure, le projet a permis de créer un atelier de sculpture sur pierre, pour produire les plaques de marbre de Mossoul et soutenir la préservation de cet artisanat unique. Le projet a employé des habitants et a généré localement une importante activité économique. La maison Tutunji, inaugurée le 7 mars 2024, accueillera désormais un musée consacré à la ville ainsi que des concerts organisés par le SBAH et une association locale de jeunes.
La restauration de la mosquée
Al Masfi
Opérateurs : La Guilde européenne du raid, en coopération avec le State Board of Antiquities and Heritage (SBAH) et le Bureau des dotations sunnites, l’Institut national du patrimoine (INP, France) et l’École de Chaillot
La mosquée Al Masfi, également connue sous le nom de mosquée des Omeyyades, se dresse sur le site de la plus ancienne mosquée de Mossoul, vraisemblablement construite en 638 de notre ère. Pendant l’occupation de la ville par Daech, elle a été fortement endommagée.
Malgré les décombres, la mosquée est restée en usage et est demeurée un lieu crucial de cohésion sociale pour les résidents de la vieille ville de Mossoul. Le projet visait à déminer le site et à restaurer le bâtiment, tout en offrant une formation sur le terrain et des opportunités d’emploi à la population locale.
La restauration de la mosquée Al Masfi a été menée par l’ONG La Guilde, en étroite collaboration avec le SBAH, le Waqf sunnite, l’Institut national du patrimoine et l’École de Chaillot (France). Inaugurée le 7 mars 2024, la mosquée accueille désormais à nouveau sa communauté.
La protection d’urgence d’un lamassu monumental et plurimillénaire
Opérateurs : Mission archéologique française à Khorsabad, en collaboration avec le State Board of Antiquities and Heritage (SBAH) d’Irak
Des sculptures de lamassus – taureaux ailés androcéphales – ont été placées il y a plus de 2 700 ans à l’entrée des palais assyriens comme gardiens protecteurs. Lors de la conquête de la région par Daech, ils furent pris pour cible et vandalisés. L’un d’entre eux a échappé à la destruction. Ce monolithe de 18 tonnes, somptueusement sculpté à la fin du VIIIe siècle avant notre ère, avait été enterré par les villageois pour le protéger des attaques des terroristes.
Sa tête, qui avait été coupée et pillée dans les années 1990, a été retrouvée par les douanes irakiennes et est désormais exposée au musée de Bagdad. En octobre 2023, la mission archéologique française à Khorsabad a mis au jour ce dernier lamassu du site.
Soumis à de mauvaises conditions de conservation et vulnérable aux pillages, ce lamassu nécessitait que soient mises en œuvre rapidement des mesures de protection préventives. ALIPH a soutenu la construction d’un auvent de protection et la mise en place d’une clôture de sécurité.
QUAND L’IRAK retrouve la MéMOire
VIOLAINE DE MONTCLOS ENVOYÉE SPÉCIALE EN IRAK
Reportage publié dans le magazine Le Point le 25 mai 2023
Premiers secours. Hatra, cité édifiée en pleine steppe désertique aux trois premiers siècles de notre ère, a été utilisée comme camp d’entraînement par les combattants de l’État islamique. Elle est aujourd’hui classée « patrimoine mondial en péril » par l’Unesco.
Mosquées, églises, maisons anciennes…
La fondation Aliph contribue à la restauration du patrimoine irakien.
C’est une maison centenaire, typique du vieux Mossoul, qui servait d’hôpital durant les années d’occupation de Daech. Et lorsque à la chute de l’État islamique, le jeune Saker Al Zakaria, avec son association Baytouna, a investi les lieux pour y exposer l’histoire de sa ville, les murs ont continué, durant les premiers mois, d’exhaler l’odeur de la mort. Saker, son frère Mohammed et leurs amis ont disposé des tables, des tapis, une estrade pour les concerts, un bar sur la mezzanine, ils ont surtout collecté quantité d’objets, de photos racontant Mossoul d’avant la terreur, et ils ont attendu.
«Nous voulions évoquer nos écrivains, nos artistes, montrer les objets du quotidien et les costumes d’autrefois, raconte Saker. Au début, pendant presque un an, personne n’a osé venir. Mais on a tenu, et des gens ont fini par pousser la porte. Ici, les jeunes découvrent un Mossoul qu’ils n’ont jamais connu, et les plus âgés retrouvent l’esprit de leur ville.»
Pour mémoire, à Baytouna, Saker et ses camarades ont conservé et mis sous vitre l’impact d’un tir de roquette. Nous sommes ici à quelques mètres de la mosquée Al-Nouri, depuis laquelle, en 2014, Abou Bakr al-Baghdadi s’est autoproclamé calife, une mosquée emblématique de Mossoul que Daech en déroute, en 2017, a dynamitée. Avec ses maisons éventrées, ses toits arrachés et ses innombrables amoncellements de gravats, le quartier paraît comme figé au temps des bombardements. Mais Baytouna – en arabe, «notre maison» – s’obstine à y imposer une autre mémoire…
Près de six ans après sa libération, Mossoul, ville millénaire et multiculturelle, cheflieu de la province de Ninive, devenue trois ans durant capitale de l’État islamique, est toujours défigurée. Mais à chaque coin de rue, on répare, on restaure ce qui peut l’être, on cherche à tâtons ses souvenirs, ses racines, ses repères… Saker se souvient bien des «lamassus» visibles au musée de Mossoul qu’il était venu observer, enfant, avec sa classe.
Avant que le musée, un bel édifice des années 1950, ne ferme en 2003 au début de la seconde guerre du Golfe, le sourire de ces lions ailés, statues hybrides aux pouvoirs bienfaisants qui protégeaient l’entrée des palais et des temples assyriens, a marqué des générations de petits Mossouliotes. Daech les a pulvérisés, en même temps que d’autres sculptures majeures du musée – un lion monumental, une stèle et la base d’un trône datant du IXe siècle avant notre ère –, s’acharnant à rendre leur restauration impossible. Or aujourd’hui, sous la direction scientifique du musée du Louvre, le restaurateur Daniel Ibled et son équipe franco-irakienne sont en train de leur donner tort en reconstituant, au prix d’une patience et d’une ténacité infinies, ce puzzle de pierres. «Il y a des dizaines de milliers de fragments de toutes tailles, provenant de plusieurs œuvres, c’est donc un puzzle en 3D dont les pièces sont mélangées, et qui est d’autant plus difficile à résoudre qu’après les avoir fait sauter les djihadistes ont brisé au marteau-piqueur les morceaux trop reconnaissables, soupire Daniel Ibled. Mais on va y arriver.» Il a fallu quelques jours pour les détruire, il faudra des années pour redonner forme à ces émouvants témoignages du passé mésopotamien, mais on sent bien que dans ce pari insensé relevé par le Louvre et la direction du département des Antiquités irakiennes, quelque chose d’essentiel se joue, une victoire de l’Histoire sur l’amnésie paranoïaque qu’on a voulu imposer à cette région du monde.
Il y a des dizaines de milliers de fragments de toutes tailles, provenant de plusieurs oeuvres, c’est donc un puzzle en 3D dont les pièces sont mélangées, et qui est d’autant plus difficile à résoudre qu’après les avoir fait sauter les djihadistes ont brisé au marteau-piqueur les morceaux trop reconnaissables.
Amnésie. La restauration du musée de Mossoul, de ses artefacts mais aussi de l’édifice lui-même est entièrement financée par l’Aliph – Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit –, une fondation imaginée par la France et les Émirats arabes unis en 2017 et qui, avec l’Unesco, est le second bailleur international œuvrant en Irak à la restauration du patrimoine. «L’Aliph est née au lendemain des destructions commises et médiatisées par Daech, nous sommes donc, avec ce musée et toutes les restaurations que nous finançons dans la plaine de Ninive, au cœur même de notre mission, affirme son directeur exécutif, Valéry Freland. Sur 180 projets que nous menons dans le monde, nous en avons 40 en Irak.» Mosquées, églises, monastères, maisons mossouliotes, temples yézidis, l’Aliph œuvre ici tous azimuts en surmontant d’immenses difficultés. Car il faut contourner l’endémique corruption dont souffre le pays, travailler avec de multiples opérateurs internationaux, répondre surtout avec les Irakiens aux questions délicates que pose la restauration du patrimoine dans une zone aussi bouleversée.
Sur ces colonnes, ces clochers, ces statues, ces sanctuaires, faut-il laisser des stigmates, pour la mémoire des générations qui viennent, de la férocité de Daech? Et puis la valeur d’un patrimoine architectural étant indissociable de l’usage qu’en fait la population, comment être sûr qu’en dépit de la corruption et des tensions communautaires les Mossouliotes se réapproprieront ces bâtiments que l’on aura relevés pour eux? Ainsi, on restaure d’innombrables églises mais les chrétiens, que l’on surnommait ici bien avant Daech les kouffar – les «mécréants» –, et qui, persécutés, ont fui en masse, reviendrontils? «De 50 à 60 familles chrétiennes sont déjà rentrées à Mossoul», se réjouit monseigneur Michaeel Najeeb, qui veut croire que la restauration de l’église chaldéenne d’Al-Tahira en décidera d’autres. «Je ne cherche pas à les convaincre, mais reconstruire cette cathédrale, c’est leur faire un signe…» espère l’archevêque, dont le prédécesseur, monseigneur Paulos Faraj Rahho, fut assassiné en 2008 par Al-Qaïda.
35 000 explosifs. Située tout près des bords du Tigre, Al-Tahira est un lieu de pèlerinage chrétien mais fut aussi longtemps un symbole pour toutes les autres communautés mossouliotes, juive, musulmane et yézidie, la Vierge étant supposée être apparue ici, en 1743, pour protéger Mossoul de l’invasion des Perses. Les djihadistes en ont brisé les sculptures et arraché les morceaux de marbre dans l’espoir de les revendre, la coupole s’est effondrée, et l’une des façades est encore largement éventrée. Avant de lancer les travaux, il a fallu en outre faire déminer les lieux, un défi que l’entreprise américaine Tetra Tech a bénévolement relevé sur tous les sites dont l’Aliph a soutenu la restauration. Depuis mai 2022, Tetra Tech a déjà désamorcé plus de 35 000 engins explosifs dissimulés dans les gravats des édifices du vieux Mossoul, et ce n’est pas fini…
Dans les ruines de l’immense église syriaque orthodoxe Mar Toma, dont on dit qu’elle fut construite là où demeura un temps l’apôtre saint Thomas en chemin vers l’Inde, on ne peut encore se mouvoir que dans des espaces délimités par les démineurs: le nettoyage a commencé en février dernier, et il n’est pas achevé. Dans cette église, qui est la plus ancienne de Mossoul, des messes régulières se tenaient encore jusqu’au début des années 2000, et l’école syriaque orthodoxe accueillait, pour une bonne moitié de ses élèves, de petits musulmans. «Mar Toma témoigne d’un temps où les communautés se côtoyaient dans une paix relative, explique Luc Boureau, qui travaille en Irak pour l’Œuvre d’Orient. Que les chrétiens reviennent ou non, la relever est donc fondamental…»
La plupart des jeunes ouvriers, archéologues ou restaurateurs irakiens qui se forment et travaillent auprès des équipes internationales
Avenir. Les Mossouliotes se réapproprieront-ils leur ville millénaire ?
financées par l’Aliph ou l’Unesco n’ont jamais connu ce temps du multiculturalisme pacifié. Ni cette époque où l’Irak, berceau de l’antique civilisation mésopotamienne, était, avant l’embargo, avant les guerres du Golfe, avant l’État islamique, l’une des premières destinations touristiques du Moyen-Orient. Adib Fateh Ali est, quant à lui, assez âgé pour se souvenir d’avoir découvert enfant le site spectaculaire de l’antique cité de Hatra.
Subjugué par ces arcs, ces temples et ces édifices aux pierres dorées qui se dressent, en plein désert, à 110 kilomètres au sudouest de Mossoul, le jeune garçon d’origine irakienne y consacrera des années plus tard, durant ses études d’architecture en Italie, un mémoire émerveillé. Il est maintenant responsable de la logistique et de l’organisation de ce site que Daech avait transformé en camp d’entraînement. «Je n’ai jamais pu oublier l’éblouissement de mon enfance», dit-il avec le sourire. Aujourd’hui, pour atteindre cette cité millénaire ultra-sécurisée dont on peine à croire qu’elle se parcourait jadis paisiblement en famille, il faut accepter d’être stoppé de loin en loin et contrôlé par les milices chiites.
Dans cette région toute proche de la Syrie où l’on soupçonne certains djihadistes en déroute de s’être réfugiés, ce sont ces milices, pas toujours faciles à distinguer de l’armée irakienne également présente, qui assurent la sécurité. «Si de nombreux combattants de Daech, notamment ceux venant de l’étranger, s’étaient réfugiés dans l’enceinte de Hatra, c’est qu’ils savaient que le site, protégé par l’Unesco, ne serait jamais bombardé par la coalition», explique Adib Fateh Ali.
Âme. Le chantier titanesque de réhabilitation de Notre-Damede l’Heure, ou Al-Saa’a, dont le clocher est un symbole visible dans tout Mossoul, est mené par l’Unesco. Ici, le dominicain Olivier Poquillon observe les travaux du toit de la maison de prière, qui doit être transformée en centre culturel et éducatif pour les Mossouliotes.
Édifiée durant les trois premiers siècles de notre ère, cette immense ville fortifiée, dont subsistent notamment un impressionnant sanctuaire et de nombreux temples, était l’alliée de l’Empire parthe. Important centre caravanier au carrefour des mondes mésopotamien, méditerranéen et anatolien, puis lieu de rassemblement pour les tribus arabes qui y vénéraient un dieu du Soleil, ses édifices, couverts d’inscriptions en araméen, sont bien loin d’avoir révélé tous leurs mystères. «95% du site n’a pas encore été fouillé», assure l’archéologue italien Massimo Vidale, qui avec son équipe, financée par l’Aliph, répond d’abord à l’urgence de diagnostiquer les dommages et de sécuriser l’architecture du site. Mal restaurée et mal entretenue au temps de Saddam Hussein, quasi abandonnée depuis l’embargo, Hatra, à laquelle Daech a porté l’ultime coup de grâce, est désormais classée par l’Unesco «patrimoine mondial en péril». Massimo montre la montagne de douilles trouvées un peu partout dans l’enceinte et pointe du doigt un ensemble de colonnes, millénaires, criblées d’impacts de balles.
Les djihadistes s’entraînaient ici à tirer, à fabriquer des explosifs et des voitures piégées. Ils se sont aussi filmés en train de détruire les grands masques qui figuraient, majestueux, bien haut à l’entrée des temples. Massimo et son équipe en ont assez vite retrouvé plusieurs fragments et les ont, sous les applaudissements des Irakiens présents, délicatement replacés.
« Je n’ai jamais pu oublier l’éblouissement de mon enfance »
Adib Fateh Ali Responsable de la logistique du site de Hatra
Stigmates. Adib Fateh Ali, à Hatra, devant un édifice millénaire ayant servi de cible de tir.
Statues cachées. Plus loin, Ali signale les pierres, scellées au temps des grands chantiers de restauration et siglées des initiales de Saddam Hussein, auxquelles les combattants de Daech, par respect pour le dirigeant irakien, n’ont pas touché. Puis il nous entraîne dans la fraîcheur d’une petite salle qui offre le désolant spectacle de statues mutilées. Ces rois et ces dieux de Hatra, délicatement sculptés aux premiers siècles de notre ère, étaient exposés au temps où le site était encore une destination touristique. Mais à l’époque de l’embargo, craignant des pillages, des Irakiens ont jugé bon de les dissimuler en murant la salle: ces personnages si raffinés sont par conséquent restés là, cachés à l’abri des vandales, durant de longues années. Hélas, Daech les a découverts, et ils gisent désormais dans la poussière, bras et torses brisés, visages en partie défigurés, témoins muets de la barbarie qui semblent défier, de leur regard de pierre étonnamment vivant, l’équipe d’archéologues. L’Aliph vient justement de financer un troisième plan de conservation du site, qui comprend, entre autres, un inventaire des œuvres vandalisées: le combat pour la mémoire, dans cette région, ne fait que commencer…
Coopération. Mossaab Mohamad Jassem, coordinateur du chantier de la maison Tutunji, et Valéry Freland, directeur exécutif de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit. L’Aliph a déjà débloqué 30 millions de dollars pour financer 40 projets de restauration en Irak, dont une douzaine à Mossoul.
à propos
propos du YéMEN
121 Mme Elke Selter, Directrice des programmes
122 Protéger le patrimoine unique de la ville de Shibam
124 Restauration du palais Al Qu’aiti, Hadramaout
126 Revitalisation du complexe du musée national de Taiz
128 Sauvegarder le patrimoine de la vieille ville de Sana’a
130 Stabilisation de la mosquée Alha sur l’île de Socotra
à propos du YéMEN
MME Elke Selter DIRECTRICE DES PROGRAMMES
La protection de l’exceptionnel patrimoine architectural du Yémen et de ses centres urbains historiques figure parmi les principales priorités d’ALIPH depuis l’approbation en 2019 du premier projet visant à sauvegarder le patrimoine yéménite. Ce dernier n’a pas seulement souffert du conflit en cours, l’impact du changement climatique, mais également de travaux de restauration effectués parfois dans l’urgence et pouvant entraîner la reconstruction désordonnée de bâtiments patrimoniaux. La conjonction de ces facteurs a accéléré la détérioration de l’environnement historique local. C’est pourquoi, en réponse à cette situation, ALIPH a intensifié son engagement dans le pays en 2023 par le biais d’un appel à projets exclusivement consacré à la préservation du patrimoine. Cette initiative a permis à ALIPH d’ajouter sept nouveaux projets à son portefeuille au Yémen, dont la plupart sont réalisés en étroite collaboration avec des organisations locales. Grâce à cet effort, à la fin de l’année 2023, ALIPH y avait soutenu 23 projets, parmi lesquels sept sont aujourd’hui finalisés, pour un engagement total de 12,2 millions USD.
Aujourd’hui, les projets soutenus par ALIPH se déploient aussi bien dans des villes historiques telles que Sana’a, Shibam (dans le gouvernorat de l’Hadramaout), Zabid (dans celui d’Al-Hodeidah), véritables joyaux des civilisations urbaines anciennes et inscrites au patrimoine mondial, qu’à Socotra, Taiz et Aden. Parmi ceux récemment adoptés figurent la restauration du fort Al-Qishla, vieux de plusieurs siècles, à Kawkaban, aux abords de Sana’a, ainsi que la réhabilitation de trois importants bâtiments publics à Shibam, dont un palais destiné à devenir un musée ethnographique. ALIPH apporte également son soutien à la documentation et à la stabilisation d’urgence des archives et bibliothèques de Tarim, Say’un et Aden.
Les principaux partenaires d’ALIPH sont l’Organisation générale pour la préservation des villes historiques au Yémen (GOPHCY) et l’Organisation générale des antiquités et des musées au Yémen (GOAM). Tous les projets qui y sont soutenus par ALIPH sont réalisés en étroite collaboration avec ses deux partenaires ainsi qu’avec les opérateurs yéménites et internationaux. Ensemble, ces projets contribuent à la sauvegarde des multiples formes de patrimoine du pays tout en renforçant les capacités et l’expertise locales.
RÉGION DE L’HADRAMAOUT
Protéger le patrimoine unique de la ville de Shibam
OPÉRATEURS :
CENTRE RÉGIONAL ARABE POUR LE PATRIMOINE MONDIAL (ARC-WH), PETRA NATIONAL TRUST, HERITAGE MANAGEMENT ORGANIZATION, ASSOCIATION FOR THE STUDY OF MAN ET L’ASSOCIATION POUR L’ARTISANAT TRADITIONNEL DE SHIBAM
Perchés sur la falaise, le mur d’enceinte et les constructions en hauteur du XVIe siècle de Shibam ont fait sa célébrité. Longeant la route des épices des hauts plateaux de l’Arabie méridionale, la ville a été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1982.
Depuis 2021, ALIPH y a soutenu cinq projets de restauration et de transmission des savoir-faire traditionnels. Mis en œuvre par le Centre régional arabe pour le patrimoine mondial (ARCWH), établi à Bahreïn, deux d’entre eux visent à réhabiliter 18 bâtiments historiques et près de 60 boutiques du souq central. Un troisième projet, mis en œuvre par le Petra National Trust, a permis la formation d’experts yéménites du patrimoine à la protection des sites historiques contre le pillage et le vandalisme.
Le projet porté par la Heritage Management Organization, en partenariat avec l’Association for the Study of Man, vise à restaurer 63 bâtiments résidentiels, des bâtiments publics, ainsi que les palais du Nord et du Sud. Enfin, l’Association pour l’artisanat traditionnel de Shibam réhabilite des éléments urbains et architecturaux traditionnels de la ville.
RÉGION DE L’HADRAMAOUT
Restauration du palais Al Qu’aiti
OPÉRATEURS :
FONDATION DAW’AN, EN COLLABORATION AVEC LE GOUVERNORAT DE L’HADRAMAOUT
Construit au XIXe siècle, le palais Al Qu’aiti fut la résidence du souverain du sultanat de l’Hadramaout. A 23 kilomètres de Shibam, il est l’un des principaux sites culturels de la région. Son architecture de briques de boue séchées au soleil élevées sur cinq étages a subi d’importants dommages à la suite d’inondations. Les pluies saisonnières ont progressivement détérioré la structure jusqu’à provoquer l’effondrement des plafonds. De plus, le conflit qui a agité l’Hadramaout de 2015 à 2017 a entraîné de nombreux pillages et actes de vandalisme.
La Fondation Daw’an Mud Brick Architecture mène avec le soutien d’ALIPH la reconstruction de cet édifice historique. Après une première phase de stabilisation structurelle d’urgence, une étude du site a permis d’identifier les interventions nécessaires à sa restauration globale. Le chantier en cours doit, à terme, permettre d’accueillir au sein du palais des activités communautaires et culturelles.
Revitalisation du complexe du musée national de Taiz
OPÉRATEURS :
WORLD MONUMENTS FUND (WMF), EN COLLABORATION AVEC L’ORGANISATION GÉNÉRALE DES ANTIQUITÉS ET DES MUSÉES AU YÉMEN (GOAM)
Au sein du complexe du musée national de Taiz, les palais Al-Badr et de l’Imam sont des monuments caractéristiques de la période ottomane. La ville, autrefois capitale culturelle du Yémen, a subi d’importants dégâts pendant la guerre. Totalement brûlé, l’édifice s’est en partie effondré après que sa collection de 45 000 œuvres a été pillée. Seuls 15 000 objets ont survécu, restés enfouis sous les débris.
Pour protéger ce patrimoine, ALIPH a apporté son soutien à la restauration du monument et de sa collection par l’intermédiaire de l’ONG World Monuments Fund. Outre la réhabilitation du bâtiment, il s’agit de retrouver la trace des œuvres disparues, de repenser le parcours muséographique en conséquence et de former le personnel yéménite aux techniques de conservation-restauration.
Sauvegarder le patrimoine de la vieille ville de Sana’a
OPÉRATEURS :
DAR SAHEP FOR ENGINEERING, EN COLLABORATION AVEC L’ORGANISATION GÉNÉRALE POUR LA PRÉSERVATION DES VILLES HISTORIQUES AU YÉMEN (GOPHCY) ET L’ORGANISATION GÉNÉRALE DES ANTIQUITÉS ET DES MUSÉES AU YÉMEN (GOAM)
Habitée depuis plus de 2 500 ans, Sana’a est l’une des premières cités du monde. Elle prend son essor aux VIIe et VIIIe siècles et devient un centre majeur de diffusion de l’islam. Son architecture est reconnaissable à ses maisons-tours en pisé, recouvertes de motifs géométriques de briques cuites et de blanc de chaux. Depuis 2011, le patrimoine architectural de Sana’a est victime de négligence, de troubles civils, de vandalisme, du conflit armé, mais aussi des conséquences du changement climatique.
Ces structures en matériaux naturels locaux comme l’argile n’ont en effet pas résisté aux vibrations des bombardements et aux inondations torrentielles liées au changement climatique. Deux de ces édifices historiques parmi les plus importants menaçaient ruine et nécessitaient une intervention d’urgence. ALIPH s’est engagée en faveur de la documentation, de la sécurisation et de la restauration urgente de deux maisons-tours traditionnelles de la vieille ville.
île de Socotra
Stabilisation de la mosquée Alha sur l’île de Socotra
OPÉRATEURS :
WORLD MONUMENTS FUND (WMF), EN COLLABORATION AVEC L’ORGANISATION GÉNÉRALE DES ANTIQUITÉS ET DES MUSÉES AU YÉMEN (GOAM)
La première trace documentée de la mosquée Alha remonte à 1830. L’édifice est l’un des rares monuments encore debout à Socotra. Principalement connue pour son patrimoine naturel exceptionnel classé au patrimoine mondial de l’humanité, l’île a été fortement endommagée par des cyclones et de fortes tempêtes. Un projet soutenu par ALIPH et mis en œuvre par le World Monuments Fund a permis de documenter et de stabiliser la mosquée ainsi que d’évaluer les dégâts. Ces mesures de conservation d’urgence ouvrent la voie à une future réhabilitation complète.
ALIPH et le Changement Climatique
et Changement Climatique
135 M. Bastien Varoutsikos, Directeur de la stratégie
M. BASTIEN VAROUTSIKOS DIRECTEUR DE LA STRATéGIE
Afin de faire face à de nouveaux défis, ALIPH élargit son champ d’action, abordant notamment les enjeux liés au changement climatique. En effet, celui-ci participe directement à la destruction du patrimoine matériel et immatériel à travers le monde (ainsi qu’on l’a vu par exemple dans les crues de plus en plus soudaines et violentes endommageant la ville historique d’Agadez au Niger). Toutefois, le patrimoine constitue aussi une source d’inspiration et de solutions traditionnelles permettant aux communautés de mieux s’adapter à ces changements.
La stratégie de la Fondation ALIPH, développée à la suite d’une proposition du Conseil de fondation en mars 2023 et approuvée en novembre 2023, aborde donc ces enjeux de manière globale et a fixé deux objectifs. D’une part, placer la culture et le patrimoine au premier plan des discussions internationales sur le changement climatique. D’autre part, lancer un programme exhaustif en vue de protéger le patrimoine matériel et immatériel fragilisé dans les pays vulnérables. Ce second objectif s’appuie notamment sur un programme de recherche appliquée, de documentation de pratiques traditionnelles, de formation de jeunes experts et, enfin, de projets de conservation de sites patrimoniaux menacés par le changement climatique.
En préparation au lancement du programme d’ALIPH sur le changement climatique, quelques initiatives ont été soutenues dans le courant de l’année 2023, l’accent étant mis notamment sur le premier objectif de la stratégie. En effet, avec le soutien des Émirats arabes unis et du Climate Heritage Network, ALIPH a directement participé à la création d’une réunion interministérielle sur le rôle de la culture dans l’action climatique lors de la COP28 à Dubaï. Cette réunion a rassemblé plus de 30 pays qui se sont engagés à tendre vers un consensus international sur la nécessité d’intégrer les enjeux culturels dans les discussions et décisions climatiques. La COP28 s’est ainsi conclue par la création d’un groupe d’amis de la culture pour l’action climatique, une coalition de pays qui s’engagent, avec les représentants de la société civile tels qu’ALIPH, à soutenir ce programme pour les COP29 et 30, respectivement à Bakou (Azerbaïdjan) et Belém (Brésil).
Les efforts de la Fondation dans le soutien d’un plaidoyer international seront complétés, en 2024, par le soutien d’initiatives dans le cadre du deuxième objectif de la stratégie : la mise en œuvre de projets de recherche, de formation et de conservation participant directement à la lutte contre l’impact du changement climatique sur le patrimoine à travers le monde.
ALIPH sur le de la
le devant
la Scène
139 Mme Sandra Bialystok, Directrice de la communication et des partenariats
142 Revue de presse
MME SANDRA BIALYSTOK
DIRECTRICE DE LA COMMUNICATION ET DES PARTENARIATS
La préparation du Forum ALIPH a été un travail de longue haleine. Notre ambition était d’organiser un congrès ou un sommet à Abou Dabi, qui avait accueilli la communauté internationale en décembre 2016 pour mettre au centre de ses préoccupations le patrimoine en péril et porter haut sa protection au sein de l’agenda international. A l’instar d’ALIPH, cette nouvelle rencontre devait être l’occasion d’un état des lieux pragmatique et d’actions concrètes. Elle entendait réunir acteurs de terrain et décideurs, architectes et archéologues, partenaires venus de toutes les régions du monde. Et l’objectif était d’assurer la qualité des échanges sur ce qui avait été accompli et sur ce qu’il restait à faire. Mais c’est alors qu’éclata la crise de la Covid-19, qui gela pour un temps nos aspirations.
La pandémie fut une période de difficultés pour tous. Toutefois, alors que le monde se remettait progressivement en ordre de marche, ALIPH grandissait. Le capital de la Fondation s’est ainsi raffermi grâce au succès de la seconde Conférence des donateurs, qui s’est tenue à Paris en janvier 2022. L’équipe du Secrétariat a doublé entre 2019 et 2023 pour atteindre 16 personnes. Et dans le même temps, le nombre de projets soutenus s’accroissait de manière exponentielle. En outre, de nouveaux partenaires nous rejoignaient, de nouveaux ambassadeurs de la mission d’ALIPH. Mais, plus que tout peut-être, la réputation d’ALIPH comme organisme de terrain et sur le terrain s’imposait. Côté communication, la marque ALIPH prenait forme, répondant toujours au même objectif : mettre l’accent sur les projets concrets et les personnes qui les portent ou en vivent. Et grâce à une équipe engagée et à nos partenaires, nous obtenions de sublimes images, vidéos, et reportages pour promouvoir nos initiatives et leurs récits.
Aussi, quand fut – enfin ! – venu le temps d’organiser le Forum, tout était déjà prêt. Grâce à nos indéfectibles partenaires du Département de la Culture et du Tourisme (DCT) d’Abou Dabi, nous pûmes disposer d’un lieu exceptionnel et d’un accompagnement bienveillant. Nous avions également le réseau et les connaissances nécessaires pour construire un programme qui attirerait aux Émirats arabes unis quelque 200 participants venus d’une quarantaine de pays. Et c’est ainsi que, durant deux jours de mars 2023, à la Fondation culturelle d’Abou Dabi, l’ambiance fut celle d’une belle réunion de famille. Reproduites au fil des pages de ce rapport, les photos prises lors de ce Forum témoignent de nouvelles rencontres ou montrent de vieux amis qui se retrouvent après une longue séparation. Comme lors d’une fête de famille, les participants ont ainsi pu discuter et débattre, et peut-être se disputer et se rabibocher.
Bien entendu, ce Forum n’illustre que le début de l’année 2023. En mai, une conférence de presse internationale se tenait au musée de Mossoul en Irak. Coorganisée par le musée lui-même, le Conseil national des antiquités et du patrimoine (SBAH) d’Irak, le World Monuments Fund, le musée du Louvre, la Smithsonian Institution et ALIPH, elle fut l’occasion d’annoncer la réouverture du musée en 2026 et un nouveau parcours des collections. En juin, au musée du Louvre, Bariza Khiari, désormais présidente de notre Conseil de fondation, et Valéry Freland, notre directeur exécutif, se tenaient aux côtés des ministres français et ukrainien de la Culture, ainsi que des directrices du Louvre et du musée Khanenko de Kyiv, pour l’inauguration d’une exposition exceptionnelle d’icônes, transportées de Kyiv à Paris dans la plus grande confidentialité et avec le soutien d’ALIPH. Trois mois plus tard, Valéry Freland et les équipes d’ALIPH se rendaient en Ukraine même, à la rencontre des autorités et des professionnels, mais aussi de la presse nationale et internationale.
Parallèlement, tout au long de l’année, notre exposition de photographies sur la préservation du patrimoine ukrainien voyageait de Berne à Kyiv, de Bruxelles à New York. Là, à Columbia University, ALIPH la présentait dans le cadre d’un colloque au Zuckerman Institute on Mind, Brain and Behavior sur le thème « Construire les mémoires en Ukraine, à l’intersection des neurosciences, du patrimoine et des crises » Aux côtés de neuroscientifiques éminents travaillant sur la formation du souvenir, Thomas S. Kaplan, alors président de notre Conseil de fondation, et Yuliya Vaganova, directrice du musée Khanenko, évoquèrent d’une seule voix le rôle essentiel que joue le patrimoine dans la construction de notre identité, de notre mémoire et donc de notre histoire.
Au fil de cette année 2023 riche en événements et en accomplissements, nos partenaires, qu’ils soient photographes, opérateurs sur le terrain, graphistes ou journalistes, ont témoigné de manière inédite leur solidarité à l’égard de nos actions. Dans l’impérieuse mission qui est la nôtre, à savoir le soutien à la préservation du patrimoine pour construire la paix, le plus réconfortant est de savoir que nous sommes nous-mêmes soutenus.
Revue de presse
1 255 NOMBRE TOTAL DE MENTIONS D’ALIPH DANS LES MÉDIAS MONDIAUX EN 2023 DANS 83 PAYS
la
Aliph famile
146 Conseil de fondation
148 Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération
148 Comité des finances et du développement
149 Comité scientifique
149 Comité d’audit
150 Secrétariat
153 Notre éthique
155 Rejoignez ALIPH
157 Remerciements à nos donateurs
CONSEIL DE FONDATION D’ALIPH
au 31 MAi 2024
Membres votants
Présidente
Mme. Bariza Khiari (France)
Vice-président
S.E. M. Mohamed Khalifa Al Mubarak (Émirates arabes unis)
S.E. Mme Nadia Ernzer (Luxembourg)
Eleni
MEMBRES SANS DROIT DE VOTE
M. Marc-André Renold (Suisse)
M. Ernesto Ottone Ramírez (UNESCO)
M. Mounir Bouchenaki (Président du Comité scientifique, par interim)
M. Valéry Freland (Directeur exécutif)
M. Jeffrey Plunket J.D. (Président du Comité d’audit)
COMITÉ D’ÉTHIQUE, DE GOUVERNANCE ET DE REMUNÉRATION D’ALIPH
Président : M. Jean Claude Gandur (Suisse)
Pr. Markus Hilgert (Allemagne)
M. Marc-André Renold (Suisse)
COMITÉ DES FINANCES ET DU DÉVELOPPEMENT D’ALIPH
Président, M. Richard Kurin (États-Unis)
S.E. Saood Al Hosani (Émirats arabes unis)
Mme Irene Braam (États-Unis)
Mme Deborah Stolk (Pays–Bas)
COMITÉ SCIENTIFIQUE D’ALIPH
Président (par interim), M. Mounir Bouchenaki (Algérie)
M. Abdullah Alzahrani (Arabie saoudite)
Mme Amel Chabbi (Émirats arabes unis)
M. Gao Zheng (Chine)
M. Laith Hussein (Irak)
M. Patrick Michel (Suisse)
Pr. Claudio Parisi Presicce (Italie)
Pr. Eleanor Robson (Royaume-Uni)
M. Samuel Sidibe (Mali)
Mme Bahija Simou (Maroc)
COMITÉ D’AUDIT D’ALIPH
Président : M. Jeffrey D. Plunkett, J.D. (États-Unis)
M. Abderrazak Zouari (Tunisie)
M. Pierre-Henri Pingeon (Suisse)
Secrétariat
AU 31 MAI 2024
M. Valéry Freland, Directeur exécutif
Mme Sandra Bialystok, Directrice de la communication et des partenariats
M. Laurent Oster, Directeur des finances et des opérations
Mme Elke Selter, Directrice des programmes
M. Bastien Varoutsikos, Directeur de la stratégie
M. Waseem Albahri, Chargé de projets
Mme Gala-Alexa Amagat, Chargé de projets
Mme Bates Assilbekova, Chargée de la communication et des partenariats
M. Othman Boucetta, Chef de cabinet
M. Ivan Dautriche, Contrôleur financier des subventions
M. Adonis El Hussein, Chargé de projets
Mme Alexandra Fiebig, Chargée de projets
Mme Maria Gurova, Chargée de la communication et des partenariats
Mme Sarah Hugounenq, Chargée de relations publiques
Mme Olena Kokliagina, Chargée de subventions Ukraine
Mme Marion Maadoune, Contrôleuse financière des subventions
Mme Solange Mackoubily, Assistante administrative et comptable
M. David Sassine, Chargé de projets
M. Harry Tarpey, Chargé des partenariats stratégiques
Mme Elsa Urtizverea, Chargée de projets
Mme Daryna Zhyvohliadova, Consultante
Mme Emma Gulessian, Stagiaire
notre éthique
Le travail d’ALIPH est guidé par les valeurs fondamentales suivantes :
• la protection du patrimoine
• la diversité culturelle et religieuse
• l’éducation et le renforcement des capacités
• l’égalité des sexes
• la cohésion sociale et la coexistence pacifique
• le développement local durable
• la paix et la réconciliation
• la solidarité internationale
ÉTHIQUE ET FINANCEMENTS
L’objectif d’ALIPH est de financer des projets concrets et viables sur la durée. La Fondation porte naturellement une attention particulière à l’intégrité et à la transparence de la gestion des projets qu’elle finance.
C’est ainsi que, avant la signature d’une convention de subvention, les bénéficiaires potentiels font l’objet d’un processus rigoureux de diligence financière raisonnable (« due diligence »). Ensuite, dans le cadre de la mise en œuvre du projet, ils doivent remplir régulièrement des rapports financiers et d’activité.
Rejoignez la famille aliph !
Sept ans après la naissance d’ALIPH, les raisons qui avaient conduit à sa création ont été confirmées. La question de la protection du patrimoine est de plus en plus prégnante sur la scène internationale, comme en témoignent les nombreuses destructions de ces dernières années liées aux conflits, et par conséquent les besoins financiers afin de prévenir tout dommage, d’intervenir au cœur d’une crise ou encore de réhabiliter un patrimoine endommagé vont croissant. En outre, la communauté internationale a besoin d’acteurs en mesure d’obtenir le concours de donateurs publics comme privés et d’avoir une agilité permettant des interventions rapides, souples et flexibles dans les zones en crise, tout en garantissant une bonne gestion des fonds.
C’est ce à quoi s’emploie ALIPH depuis sa création en 2017. En quelques années, ALIPH s’est ainsi imposée comme un acteur incontournable de la protection du patrimoine en temps de crise, inspirée par sa devise : « action, action, action ». Le travail que la Fondation a accompli à Beyrouth après l’explosion de 2020, en Ukraine depuis mars 2022, mais aussi plus récemment en Syrie et au Maroc, après les tremblements de terre de 2023, ou en Libye, après les inondations de septembre dernier, en témoigne. De surcroît, la sauvegarde du patrimoine ne se résume pas à la protection de vieilles pierres : il s’agit bien, également, d’un moyen de contribuer au développement économique et social durable des territoires, au dialogue entre communautés et à la construction de la paix.
Grâce aux engagements pris par ses membres, publics et privés, lors de la deuxième Conférence des donateurs de janvier 2022 à Paris, et à de nouveaux soutiens, ALIPH a pu poursuivre sa mission en 2023. Mais le secteur de la protection du patrimoine dans les zones en crise est hélas un « marché en croissance ». Les demandes de subvention qui nous parviennent sont plus nombreuses que jamais, et il est probable que cette tendance se poursuive compte tenu de l’impact du changement climatique.
Si, en tant que particulier, fondation, société, institution internationale ou administration gouvernementale, vous vous intéressez à la protection du patrimoine et souhaitez soutenir notre action ou collaborer avec nous, nous vous invitons à nous contacter par email : harry.tarpey@aliph-foundation.org ou par téléphone au +41 22 795 18 27.
REMERCIEMENTS À NOS DONATEURS
Depuis 2017, ALIPH mène son action grâce au soutien de :
Ses États membres :
France | Émirats arabes unis | Arabie saoudite | Koweït | Luxembourg | Chine | Maroc | Chypre
Ses membres donateurs privés :
M. Thomas S. Kaplan | J. Paul Getty Trust | Fondation Gandur pour l’art
Son pays hôte :
Suisse
Des donateurs non membres :
Union européenne | Oman | Roumanie | Principauté de Monaco | Ministère de la Culture des Émirats arabes unis |
United States Ambassadors Fund for Cultural Preservation | Fondation TotalEnergies | The Andrew W. Mellon Foundation | Lionel Sauvage Family Foundation
En 2023, de nouveaux donateurs nous ont soutenus :
Ministère de la Culture des Émirats arabes unis Chypre
United States Ambassadors Fund for Cultural Preservation
Rédacteurs : Sandra Bialystok, Valéry Freland, Bates Assilbekova, Sarah Hugounenq, Emma Gulessian
Conception graphique : EyeTalk Communication – www.eyetalkcomms.com
Photos : ALIPH remercie tous ses partenaires qui ont fourni des photos de leurs projets. L’utilisation des photos de cette publication à des fins non commerciales a été autorisée par leurs propriétaires. Toute réutilisation, copie ou distribution doit faire l’objet d’un consentement écrit préalable des propriétaires. Les photos suivantes ont été reproduites avec l’autorisation des photographes indépendants et des bénéficiaires d’ALIPH :
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Pages 64–65:
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Pages 88–99:
© WMF, © ALIPH – Sandra Bialystok, © Azhar Al–Rubaie, © University of Pennsylvania, © Archaïos
Page 90 — © Archaïos – Panida Pesonel
Pages 92–95 — © WMF
Pages 96–97 — © Azhar Al–Rubaie
Page 98–99 — © University of Pennsylvania
Pages 100–102 — © Azhar Al–Rubaie
Page 103 — © La Guilde”
Pages 104–107 — © Archaïos – Panida Pesonel
Pages 108–117 — © Vincent Boisot
Pages 118–119:
© CAORC, © Dinos Michail, © Monumenta Orientalia, © CEFAS, © Iconem, © Sanid Organization for Cultural Heritage, © Dmitry Chulov, © WMF, ©ARC–WH, © Sergey Strelkov
Page 120 — © Da’wan Architecture Foundation
Page 122–123 — © ARC–WH
Pages 124–125 — © Da’wan Architecture Foundation
Pages 126–127 — © WMF
Pages 128–129 — © Monumenta Orientalia
Pages 130–131 — © WMF
Pages 132–133:
© ALIPH – Adonis El Hussein,
© Iconem, © Yury Birukov, © INTO, © Rashad Salim, © Azhar Al–Rubaie, © Monumenta Orientalia, © ALIPH – Valéry Freland
Page 134 — © Katja Tsvelkova
Pages 136–137:
© Eva Mont, © IECD, © Azhar Al–Rubaie, © Da’wan Architecture Foundation, © ISMEO, © ALIPH – Alexandra Fiebig, © King’s College London, © Iconem, © INTO, © University of Pennsylvania
Page 138 — © ALIPH – Bates Assilbekova
Pages 140–141 — © NRCC
Pages 144–145:
© ALIPH – Valéry Freland, © Livelovebeirut, © ALIPH – Alexandra Fiebig, © AKTC – Simon Norfolk, © ALIPH – Antoine Tardy, © Consultancy for Conservation and Development © Museum for Change, © Iconem, © Azhar Al–Rubaie, © University of Pennsylvania,
© King’s College London
Page 147 — © University of Pennsylvania
Pages 148–149 — © INTO
Pages 150–153 — © ALIPH – Antoine Tardy
Page 154:
© ALIPH, © CRAterre, © LiveloveBeirut,
© King’s College London, © Nadia’s Initiative, © Azhar Al–Rubaie, © Kristell Bernaud, © Turquoise Mountain
Page 156–157 — © INTO
Page 159 — Simon Norfolk - AKTC-A