ALTEN EUREKA

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EUREKA

25 ANS alten

L'INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS DÉCEMBRE 2013

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sommaire

Pourquoi innover ?

Qu’est-ce que l’innovation ?

EXEMPLES

p.9 Home Doc Bot L'innovation pragmatique

p.5 L'innovation, un concept polymorphe p.7 La capacité d’innovation d’une entreprise est la condition de son développement p.8 L'innovation, moteur de l'industrie

p.10 Batterie aluminium-air Une technologie prometteuse de stockage de l'énergie p.11 Le véhicule intelligent de demain p.12 Projet Hybrid Air Une étape clé vers la voiture 2l/100km à l'horizon 2020

p.14 Des enjeux à double tranchant EXEMPLES

p.16 Visualisation des cellules : vers un diagnostic précoce p.17 Si un modèle disparaît, il faut en inventer un nouveau p.19 Produire une énergie fiable et accessible à tous

Publication éditée par ALTEN Directrice de la publication : Sandrine ANTIGNAT-GAUTIER Responsable d’édition : Sylvie BREANT Conception, rédaction, réalisation : 76 bd du 11 Novembre 69100 Villeurbanne www.pemaco.fr www.caracas.fr Illustrations : Shutterstock ALTEN remercie toutes les personnes qui ont bien voulu participer à ce document. ALTEN Direction de la Communication, 221 bis boulevard Jean-Jaurès, 92514 Boulogne-Billancourt cedex www.alten.fr

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édito

L’innovation, est inscrite dans nos gènes

25 A l’occasion des 25 ans d’ALTEN, nous avons imaginé une publication « hors série » pour partager notre passion de l’innovation. Sont réunis dans cet ouvrage les témoignages et paroles d’experts, d’économistes, de chercheurs, pour aborder sous un angle nouveau, l’Innovation. Nous avons tenté, au fil des articles et interventions que nous proposons, d’en cerner les contours et de nous en approcher au mieux, autour de questions liées à ses formes et ses applications multiples, ses acteurs, sa finalité… Nous espérons que cet ouvrage, dont l’ambition est d’offrir quelques axes de réflexion autour de cette question ancrée dans l’actualité, saura susciter l’intérêt de nos lecteurs, et qu’ils découvriront ces textes avec plaisir. DIRECTION DE LA COMMUNICATION

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Qu'est-ce que

L'INNOVATION ?

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L’innovation,

un concept polymorphe S’IL N’EXISTE PAS DE DÉFINITION INCONTESTÉE OU INCONTESTABLE DE L’INNOVATION, IL EST TOUTEFOIS POSSIBLE D’EN FAIRE ÉMERGER QUELQUES CARACTÉRISTIQUES : UNE RELATION MULTIFORME AVEC LA SPHÈRE PUBLIQUE, UNE MOBILISATION DANS LA DURÉE, VOIRE UN BOUILLONNEMENT D’IDÉES QUI SE CONCRÉTISENT ET CRÉENT DE LA VALEUR ÉCONOMIQUE.

« L’innovation, cette faculté à porter le nouveau, à changer les paradigmes technologiques, mais aussi organisationnels, économiques, parfois sociétaux, structure les économies, les sociétés, les futurs ». Cette phrase, extraite du rapport sur l’innovation confié par le gouvernement à Pierre Tambourin, Directeur de Recherche à l’Inserm et Directeur général de Genopole, et à Jean-Pierre Beylat, Président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France et Président du pôle de compétitivité Systematic Paris-Région, illustre le côté “polyclinique” du mot, comme le relève Pierre Tambourin. « Il n’y a pas de définition de l’innovation, ou plutôt, il y en a plusieurs, commente-t-il. Ce que l’on peut en revanche affirmer, c’est que l’innovation est un processus long, imprévisible et peu contrôlable, et qu’au bout de ce processus sont créés des produits, des services ou des procédés nouveaux qui font la démonstration qu’ils répondent à des besoins marchands ou non marchands et créent de la valeur pour toutes les parties prenantes. En d’autres termes, l’innovation est la rencontre de la recherche et de la création avec un marché. Dans le cas contraire, elle ne reste qu’une découverte intéressante. »

UNE DYNAMIQUE INSAISISSABLE Dans son livre intitulé Innovation et bien-être – Une relation équivoque, l’économiste Danièle Blondel, Professeur émérite à l’université Paris Dauphine et membre fondateur de l’Académie des Technologies, s’interroge : l’innovation, force motrice ou illusion ? Mythe ou nécessité pour nos économies et sociétés ? Et qu’entend-on au juste par innovation ? Est-elle le parfait synonyme du progrès technique, de l’invention ? Que recouvre ce terme qui n’a fait qu’une entrée récente dans les ouvrages de science économique ? En réalité, constate l’économiste, trois représentations de l’innovation ont été successivement proposées. D’abord, l’innovation fut définie comme un simple transfert d’une invention vers l’espace économique. À partir des années 1980 fut proposé un modèle d’interaction entre trois forces : la recherche, l’entrepreneuriat et la gouvernance publique. « Ce modèle dit de la “triple hélice” suggère que l’innovation est un processus

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« UNE INNOVATION NE SE DÉCRÈTE PAS, NE SE PLANIFIE PAS, MAIS SE CONSTATE PAR LE SUCCÈS COMMERCIAL – OU SOCIÉTAL – QU’ELLE RENCONTRE. » dynamique qui relie en permanence le monde des idées, celui des affaires et celui des collectivités publiques, explique Danièle Blondel. Ce processus interdépendant doit être mené à son terme pour assurer le succès d’une innovation. De ce point de vue, l’exemple de l’industrie pharmaceutique est emblématique : de la découverte d’une molécule à sa transformation en médicament, les scientifiques, les acteurs économiques et financiers et les décideurs politiques doivent se mobiliser ensemble pour aboutir. » Plus récemment, l’innovation a été présentée comme un processus encore plus complexe et incertain, le résultat d’une “bonne cuisine”. « C’est le fameux Spaghetti-Model de John Bessant [spécialiste du management de l’innovation à l’Imperial College de Londres- Ndlr], indique Danièle Blondel. Une dynamique insaisissable, un modèle où rien n’est jamais stable, qui reflète la complexité du monde économique actuel. Tel est par exemple le cas des systèmes open source ou logiciels libres qui permettent à chacun d’utiliser et d’enrichir librement les logiciels initiaux. »

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INTRODUCTION

Un autre point mérite d’être souligné, comme le notent Pierre Tambourin et Jean-Pierre Beylat dans leur rapport : « une innovation ne se décrète pas, ne se planifie pas, mais se constate par le succès commercial – ou sociétal – qu’elle rencontre. Ceci explique qu’elle naît souvent aux marges des entreprises existantes et dans des interactions avec des acteurs très différents ». Á l’appui de leur observation, les deux auteurs citent le sociologue Manuel Castells : « internet est le produit d’une combinaison unique de stratégie militaire, de coopération scientifique et d’innovation contestataire ».

AU CARREFOUR DE PLUSIEURS DOMAINES S’appuyant sur la typologie de l’économiste Joseph Schumpeter, Danièle Blondel distingue cinq formes d’innovation : les nouveaux procédés, qui interviennent surtout dans le champ de la production ; les nouveaux produits, qui s’adressent aux consommateurs et suscitent la création de nouveaux besoins ; les nouveaux marchés, créés ex nihilo ; les nouvelles sources de matières premières ; et les nouvelles organisations. « Ces dernières sont aujourd’hui très foisonnantes, relève l’économiste. Elles englobent les innovations financières, sociales ou organisationnelles – la sécurité sociale à la Libération par exemple –, et peuvent concerner des champs très divers comme les réseaux sociaux ou culturels. Cela dit, quelle que soit la forme que prend une innovation, l’objectif essentiel reste la création de valeur économique. » Une analyse partagée par Pierre Tambourin et Jean-Pierre Beylat : « il faut couper court à un mythe, écrivent-ils. Si l’innovation nécessite souvent une excellente R&D, elle ne se réduit pas à la R&D. Ce n’est pas non plus son prolongement naturel. L’innovation, c’est avant tout le processus qui mène à la mise sur le marché de produits ou de services rencontrant un besoin, portés par des individus engagés dans une démarche entrepreneuriale. L’innovation est ainsi au carrefour de plusieurs domaines, au premier rang desquels la recherche, l’entrepreneuriat, l’industrie et l’éducation ». Et les deux auteurs de conclure : « l’innovation se matérialise par le développement économique d’une entreprise, souvent ancrée dans un territoire, et par la création d’emplois. Toute évaluation de la performance d’un système d’innovation doit prendre en compte son impact économique ». Dans ce contexte, l’innovation résulte de plusieurs facteurs : une bonne culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat ; un transfert efficace vers le monde socio-économique des résultats d’une R&D performante ; des financements publics et privés pour la croissance des entreprises innovantes ; et l’existence de réseaux d’acteurs ancrés sur les territoires, les “éco-systèmes”, qui catalysent les trois éléments précédents.

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L’INNOVATION, C’EST AVANT TOUT LE PROCESSUS QUI MÈNE À LA MISE SUR LE MARCHÉ DE PRODUITS OU DE SERVICES RENCONTRANT UN BESOIN, PORTÉS PAR DES INDIVIDUS ENGAGÉS DANS UNE DÉMARCHE ENTREPRENEURIALE. UNE MISSION DE L’ÉTAT Pour autant, affirment les deux auteurs, il n’y a pas de modèle unique de l’innovation. « Il est en effet vain de penser que l’on puisse exporter le modèle d’écosystème de Boston, celui de la Silicon Valley, de Shanghai ou de Jérusalem dans telle ou telle région française. En revanche, des invariants existent dans tous ces exemples : l’excellence de la recherche, un décloisonnement entre acteurs publics et privés, une culture de l’entrepreneuriat, une diversité culturelle, une capacité à attirer des talents au niveau international, une politique migratoire orientée, une association réussie entre jeunes entreprises, grands groupes, recherche publique, enseignement supérieur et investisseurs. » « Ceci est d’autant plus vrai que l’innovation concerne tous les domaines, et pas seulement les secteurs de haute technologie, conclut Pierre Tambourin. Elle touche donc à peu près tous les ministères. Il faut engager une réflexion qui les associe tous, et surtout que l’ensemble du gouvernement se sente concerné. Il n’y a jamais eu d’État stratège dans ce domaine. Or ce point est essentiel car c’est bien d’une politique d’ensemble cohérente et s’inscrivant dans la durée que la France a besoin pour soutenir et encourager l’innovation. Je suis convaincu de l’absolue nécessité d’une mobilisation interministérielle pour concevoir une stratégie nationale élaborée et revisitée régulièrement au plus haut niveau de l’État. Car, comme l’enseignement, la justice ou la culture, l’innovation devient désormais une des très grandes missions de l’État qui doit mettre en œuvre tous les moyens pour que se développe cette culture de l’innovation au sein des territoires et des régions. C’est un enjeu majeur pour la France d’aujourd’hui, mais c’est surtout un devoir au regard de la France de demain. »

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Entretien avec SIMON AZOULAY,

Président-Directeur Général d’ALTEN  Simon Azoulay, qu’est-ce que l’innovation ? L’innovation est un processus qui part des technologies les plus avancées pour développer de nouveaux produits, équipements ou services. L’innovation appelle un résultat applicable à tous les besoins qui nous entourent : l’énergie, les transports, le médical… Elle est au cœur de la société et la recherche technologique est au cœur de l’innovation.  Quelles sont pour vous les innovations les plus marquantes

de ces dernières années ? S.A. / Les innovations les plus spectaculaires se trouvent selon moi dans les systèmes de télécommunications, qui ont profondément changé notre mode de vie. Je citerai également les évolutions dans le domaine des technologies relatives à l’énergie propre.  Une société de Conseil en Hautes Technologies telle qu’ALTEN

est-elle par définition innovante ? S.A. / Le Groupe ALTEN a fait de l’innovation sa raison d’être. Nous aidons nos clients à renforcer leur compétitivité en les faisant bénéficier des meilleures pratiques en matière de technologies et de méthodologies de développement. Nous intervenons sur tous les projets porteurs d’enjeux technologiques comme les télécommunications, le transport et la mobilité, la gestion de l’énergie, ou encore la sécurité et la maîtrise des risques. Les dirigeants de l’entreprise ont toujours veillé à respecter le positionnement du Groupe vers la R&D et l’innovation avec un concept simple : l’ingénieur est la clé du développement en France et en Europe. 88 % de nos effectifs sont des ingénieurs. ALTEN aide à fluidifier l’innovation entre les différents acteurs industriels et met en œuvre une démarche de R&D sur fonds propres. Les travaux réalisés ont vocation à alimenter le développement de nouvelles offres et des compétences qui interviendront sur les projets du futur.  Quelle importance l’innovation peut-elle avoir dans le

développement de l’entreprise ? S.A. / L’innovation en est le premier enjeu stratégique. La capacité d’innovation technologique d’une entreprise, voire d’un pays, est la condition même de son développement. On peut à cet égard évoquer l’exemple de l’Allemagne, qui a démontré qu’en soutenant sa R&D, elle a maintenu sa croissance et sa compétitivité. C’est pour cela que le Groupe ALTEN est mobilisé pour valoriser le métier de l’ingénieur et pour conserver sur le territoire national et européen toute avancée de la R&D.

La capacité d’innovation d’une entreprise est la condition de son développement MEP_eureka20p.indd 7

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QUI SONT LES ACTEURS DE L'INNOVATION ?

EXEM

L’innovation, moteur de l’industrie PHILIPPE BERNA est un observateur avisé du monde de l’entreprise et un interlocuteur impliqué quand il s’agit de parler de l’innovation en France. Engagé dans des instances telles que le think tank Comité Richelieu ou le Pacte PME, mais également Président fondateur de l’entreprise Kayentis, il livre son analyse sur les secteurs qui se mobilisent, les mécanismes qui encouragent et les obstacles qui freinent l’esprit d’innovation.

 Comment définiriez-vous l’innovation ?

 Existe-t-il un modèle idéal ?

Philippe Berna / C’est l’étape qui vise à faire en sorte que le résultat d’un travail de R&D rencontre un usage et se transforme en produit ou service vendable. En général, les créateurs d’innovations sont les organismes et les grands laboratoires de recherches publics comme le CNRS, l’INRA, etc. ou les départements R&D de certaines grandes entreprises. Ce sont les seuls qui ont les moyens de financer des projets de recherche sur le long terme. S’agissant des grands laboratoires de recherche, leur vocation principale est d’essaimer les innovations mises au point pour qu’elles rencontrent le marché. Par exemple, c’est le CEA Leti qui a conçu le premier écran plat plasma et qui a cédé le droit à des grands groupes d’exploiter le concept pour en faire un produit industrialisé et de grande consommation. Il y a aussi une autre forme d’innovation : celle qui remonte du terrain, les bonnes idées qui émergent dans les entreprises grâce aux personnes qui sont confrontées aux problématiques des clients.

P.B. / Le modèle californien est encore très performant. C’est le seul modèle au monde qui réunisse tous les acteurs autour de l’innovation – du composant jusqu’au produit vendu – sur un seul et même territoire : universités, entreprises, laboratoires, investisseurs, etc. C’est également une culture particulière. Chez Google, les salariés peuvent consacrer leur vendredi à travailler sur des projets personnels qui ont un lien plus ou moins direct avec l’activité de la société. Par la suite, ces projets peuvent être présentés devant un jury qui décide de soutenir l’initiative en allouant les moyens nécessaires à leur développement.

 Quel est le profil des entreprises innovantes ? P.B. / Ce sont des entreprises qui comptent des collaborateurs curieux, capables de dialoguer, d’échanger, et qui ont une connaissance aussi bien de l’univers des concepts que de celui des usages.

 Concrètement, comment peut-on favoriser

l’innovation ? P.B. / Il faut susciter les rencontres. C’est la vocation des pôles de compétitivité et des clusters, des dispositifs souvent organisés autour d’un acteur de premier rang pour faciliter la mutualisation des moyens et le financement de produits collaboratifs. Mais là encore, il faut faire en sorte qu’un produit financé devienne vite un produit vendu à un acteur français, public ou privé, pour pouvoir le porter ensuite à l’international en toute légitimité. À titre d’exemple, les PME qui sont souvent à l’origine d’innovations numériques n’ont pas les moyens d’être sur des temps longs pour la commercialisation de leurs innovations. Elles doivent donc rapidement trouver des "early adopter". Outre les pôles de compétitivité, il est primordial d’œuvrer pour que des “passeurs”, des entreprises comme ALTEN par exemple, facilitent l’adoption des innovations de PME par des grands groupes qui y croient. Et pour cela, il faut aussi réapprendre la culture du risque.

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SEULES 38 % DES ENTREPRISES INNOVENT SEULES. DE PLUS EN PLUS FRÉQUEMMENT, C’EST UNE DÉMARCHE “CO-INNOVANTE” IMPLIQUANT LES CLIENTS QUI EST PRIVILÉGIÉE.  Pourquoi a-t-on le sentiment que la France, contrairement aux Etats-Unis, engendre peu d’entreprises porteuses de projets ou de produits innovants à forte visibilité et à forte croissance ? P.B. / Les mécanismes d’amorçage, dont le but est de renforcer les liens entre les grands groupes et les PME, sont extrêmement forts aux Etats-Unis. C’est le principe du SBIR (Small Business Innovation and Research), qui utilise la puissance des marchés publics pour stimuler l’innovation. L’une des propositions du rapport Gallois sur la compétitivité de l’industrie française en reprend d’ailleurs l’idée : inciter les grands groupes et l’administration à consacrer 2 % de leurs capacités à l’innovation. Outre-Atlantique ils en sont à environ 10 %.

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EXEMPLES

Home Doc Bot

L’innovation pragmatique PORTÉ PAR ALTEN ET L’INSTITUT DES SYSTÈMES INTELLIGENTS ET DE ROBOTIQUE (ISIR), LE PROJET HOME DOC BOT EST DESTINÉ À AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE, ACCROÎTRE L’AUTONOMIE ET FAVORISER LE MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES.

Les trois inventeurs du programme Home Doc Bot – Serge Krywyk, Responsable de l’AltenLab, Nizar Ouarty, Enseignant-chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR), et Jean-Claude Baudet, Directeur R&D du Groupe ALTEN – ont privilégié une approche “géron-technologique” qui les a conduits à concevoir un robot domestique simple et accessible, pouvant répondre aux besoins d’une personne âgée. « Dans cette optique, nous avons volontairement opté pour une architecture épurée, proche d’un meuble intelligent s’insérant dans l’environnement et moins impressionnant qu’une forme humanoïde » précise Nizar Ouarty. L’autre caractéristique de ce robot est son côté low cost, rendu possible par des coûts réduits sur le plan mécanique. « L’objectif est de pouvoir le mettre à la disposition du plus grand nombre » indique Serge Krywyk.

UNE APPROCHE SOCIÉTALE ET UTILE Le programme Home Doc Bot est le type même d’une innovation pragmatique, comme le définit Serge Krywyk. « Il s’inscrit à l’opposé d’une recherche en robotique humanoïde surmédiatisée. Nous ne sommes pas dans la surenchère, dans l’exceptionnel. Nous nous situons au contraire dans une démarche sociétale, utile et accessible à court terme, qui s’intéresse plutôt à des services que l’on peut proposer de façon pragmatique, et qui s’appuie sur une offre peu coûteuse, donc accessible financièrement aux personnes du quatrième âge. » Trois fonctions principales ont été développées : une assistance mécanique (transporter une charge d’une pièce à une autre par exemple) ; une assistance multimédia télécom (lecteur de fichier MP3, télévision, téléphonie avec visiophonie, accès Internet) ; et une assistance médicale et d’urgence. « Ce dernier point est fondamental car il permet de connaître certaines données médicales comme le pouls, le taux d’oxygénation, la température, la tension, la glycémie, détaille Nizar Ouarty. En outre, grâce à des capteurs

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déportés qui enverront des informations au robot, une alerte pourra être déclenchée en cas d’immobilité ou d’absence prolongée et prévenir, via Internet, un médecin ou un proche de la personne âgée, sans intervention de cette dernière. Il ne s’agit pas de faire une intrusion dans sa vie privée : tout sera paramétrable et c’est elle qui identifiera les personnes à prévenir. » Au sein de l'ALTEN Delivery Center de Massy, les équipes d’ALTEN travaillent actuellement sur un robot d’essai qui leur permet d’intégrer des fonctions techniques et d’effectuer des premiers tests. De son côté, l’ISIR développe également un prototype axé sur la transmission des données physiologiques, qui sera dévoilé dans le courant de l’année 2014. C’est la fusion de ces deux technologies naissantes qui constituera, à terme, le programme définitif.

UNE DÉMARCHE D’INNOVATION DANS LE BUT DE DÉVELOPPER DE LA COMPÉTENCE PLUS QU’UN PRODUIT ALTEN n’a pas vocation à mettre sur le marché des produits développés au sein de son activité R&D. Les objectifs principaux pour ALTEN sont, d’une part, de développer des compétences nouvelles demandées par le marché, et, d’autre part, de supporter nos clients dans une démarche de R&D collaborative. Si une mise sur le marché est prévisible d’ici deux ou quatre ans (avec une production de résultats intermédiaires), elle le serait au travers d’un partenariat avec une société cliente.

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EXEMPLES

Batterie aluminium-air Une technologie prometteuse de stockage d'énergie LE STOCKAGE D’ÉNERGIE : AU CŒUR DES ENJEUX SOCIÉTAUX En marge du développement des ENR (Energies Nouvelles Renouvelables), de nombreuses recherches sont menées dans le domaine du stockage de l’énergie. Les enjeux sont considérables, car les technologies qui arriveront à maturité seront incontournables à moyen terme auprès de l’industrie et du consommateur final.

LE PRINCIPE DE L’INNOVATION Phinergy, PME israélienne innovante, a développé une technologie de stockage d’énergie basée sur le couple électrochimique métal-air. Stable dans le temps et ne dégageant aucun gaz à effet de serre, elle est jusqu’à dix fois plus performante que les solutions actuelles du type lithium-ion.

ALTEN, INTÉGRATEUR DE TECHNOLOGIE Dans le cadre de son programme de R&D réalisé sur fonds propres, ALTEN, partenaire exclusif de Phinergy pour l’ingénierie, a développé la batterie prototype Al-air et a réalisé la campagne d’essais pour identifier et résoudre les problèmes d’industrialisation. Au-delà de l’intégration du système, ALTEN a assuré le management global du projet, en fédérant un éco-système industriel complet dans un environnement international, avec des partenaires et fournisseurs en France, en Espagne, aux Etats-Unis, en Chine, et aux Pays-Bas. Les travaux réalisés permettent d’envisager la diffusion de cette innovation dans de nombreux domaines :  Automobile (véhicule électrique) : amélioration de l’autonomie dans une approche « Range extender »  Hôpitaux, data-centers ou sites industriels sensibles : alternative aux groupes de secours classiques (énergie fossile, polluante et peu performante)  Défense : alimentation d’équipements militaires en opérations  Energie : accès à l’énergie dans des zones non couvertes (bases arctiques, dispensaires…).

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GRAND PRIX NATIONAL DE L'INGÉNIERIE 2012 Pour ses travaux dans le domaine de la production et du stockage d’énergie, ALTEN a remporté le Grand Prix National de l’Ingénierie 2012 dans la catégorie « Industrie ». Le GPNI* a pour objectif de mettre en valeur des projets innovants d'ingénierie dans les domaines de l’industrie, de l’énergie, du bâtiment et des infrastructures. Ce concours récompense des professionnels pour la qualité de la conception et de la conduite d'un projet exceptionnel par ses innovations et sa créativité. * organisé par le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE), le ministère du Redressement Productif (MRP) et Syntec-Ingénierie.

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Le véhicule intelligent de demain L’OBJECTIF FIXÉ À LA FILIÈRE AUTOMOBILE FRANÇAISE : DÉVELOPPER UN VÉHICULE SOBRE CONSOMMANT AU MIEUX 2 LITRES AUX 100 KILOMÈTRES D’ICI À 2018

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Au début de 2014, ce sont plus de douze projets d’études exploratoires qui démarreront autour du programme « Véhicule terrestre intelligent », dont la mission sera de développer des briques technologiques contribuant, d’une part, à produire des ruptures en termes d’empreinte carbone, avec comme objectif une consommation de l’ordre de 2l/100km, et d’autre part, à répondre aux attentes des usagers de la route en termes de sécurité au travers de systèmes d’aides à la conduite et de connectivité. En partenariat avec des laboratoires de recherche et des PME, ces projets R&D s’inscriront dans quatre axes de développement principaux en lien avec les problématiques de nos clients, qui sont l’amélioration du rendement du groupe motopropulseur, l’hybridation des chaînes de traction, l’amélioration du rendement véhicule et les systèmes d’aides à la conduite et la connectivité. Les domaines couverts par les projets toucheront un large champ technologique allant de l’optimisation de la gestion thermique moteur et échappement aux différents modes d’hybridation, en passant par les systèmes de conduite automatisés et coopératifs entre usagers. Sous l’impulsion du Chef de l’État, rappelant l’objectif fixé à la filière automobile française – développer un véhicule sobre consommant au mieux 2 litres aux 100 kilomètres d’ici à 2018 –, la Direction R&D d’ALTEN a l’ambition de mettre en œuvre des projets tournés vers l’innovation et à forte valeur ajoutée en s’appuyant sur les démarches d’excellence des pôles de compétitivité tels que Mov’eo, Systematic et les instances spécialistes des technologies et de la recherche.

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EXEMPLES

P I

Projet Hybrid Air

Une étape clé vers la voiture 2l/100km à l'horizon 2020 LES ENJEUX DE RÉDUCTION DES GAZ À EFFET DE SERRE POUSSENT LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES À CONCEVOIR DES VÉHICULES LES MOINS POLLUANTS POSSIBLE. AVEC LA C3 HYBRID AIR, PSA EXPLORE UNE NOUVELLE VOIE EN COMBINANT L’ESSENCE ET L’AIR COMPRIMÉ. LE RÉSULTAT : UNE FAIBLE CONSOMMATION ET UN IMPACT ENVIRONNEMENTAL RÉDUIT. Alternative à l’hybridation électrique, Hybrid Air est une voiture d’un nouveau genre, disposant de deux sources d’énergie : thermique et hydraulique. « Le moteur hydraulique est entraîné par la pression emmagasinée dans un réservoir d’air comprimé (azote). Deux accumulateurs, reliés à la boîte de vitesse, récupèrent et stockent l’énergie produite. Un système de pilotage électronique adapte le mode de fonctionnement à la conduite et optimise ainsi l’efficacité énergétique », explique Eric Lalliard, Ingénieur en chef du projet Hybrid Air chez PSA Peugeot Citroën. En deux ans, il a développé, avec une équipe de 200 personnes, quatre générations de prototypes.

UNE EMPREINTE ÉCOLOGIQUE RÉDUITE En moyenne, la C3 Hybrid Air ne rejette que 69 grammes de CO2 par kilomètre, soit 14 % de moins que les meilleurs véhicules hybrides électriques, qui se situent autour de 79 g/km. Le constructeur français anticipe ainsi la directive européenne 443/2009. D’ici 2020, cette directive imposera aux constructeurs de ne pas dépasser 95 grammes de rejets de CO2 par km sur l’ensemble de leurs ventes. « Nous ne pourrons pas atteindre cet objectif sans motorisation hybride. Il faut que ces modèles deviennent accessibles à tous, c’est tout le nœud du problème. »

VERS UNE GAMME HYBRIDE ATTRACTIVE UNE RUPTURE TECHNOLOGIQUE DANS LA GAMME DES HYBRIDES Le résultat est là : en ville, en “mode Air”, la technologie Hybrid Air ne génère pas de CO2. Le moteur thermique reste éteint, seul le moteur hydraulique fonctionne en transmettant aux roues l’énergie stockée par les accumulateurs. PSA a résolu la principale difficulté, qui se trouve dans le système de stockage de l’énergie. Le réservoir d’air comprimé, relié aux accumulateurs, se remplit en effet rapidement : « en phase de freinage, dix secondes suffisent aux accumulateurs pour se recharger en énergie », indique Eric Lalliard. La consommation moyenne est réduite de 45 % en milieu urbain par rapport à une motorisation conventionnelle de même puissance. Pour la conduite sur autoroute, la motorisation thermique prend le relais. Le mode combiné essence/air comprimé s’avère quant à lui utile sur des routes de montagnes. « Avec une consommation sur route de 3l/100km, Hybrid Air est le premier pas vers la cible 2l/100, accessible d’ici 2020», précise l’ingénieur.

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Son concepteur l’assure : la C3 Hybrid Air sera compétitive. « L’hydraulique est plus abordable que l’électrique, dont le surcoût provient des batteries. Il n’existe pas à ce jour de moyen de stockage peu cher et performant. Avec le moteur hydraulique, d’origine Bosch, nous n’avons pas ce blocage technologique. Nous appliquons ce qui est connu dans d’autres domaines depuis des décennies, dans l’aéronautique ou le ferroviaire. » Autre avantage de l’hydraulique : il n’embarque ni métaux lourds ni éléments chimiques difficiles à recycler, contrairement aux batteries et aux moteurs électriques. « Les batteries doivent être changées tous les cinq ans alors qu’il n’y a aucun phénomène d’usure avec les accumulateurs », précise l’ingénieur. La C3 Hybrid Air sera commercialisée en 2017 : « elle sera accessible pour 1 000 euros de moins que ses principales concurrentes hybrides de la même gamme », assure Eric Lalliard.

BIO EXPRESS Eric Lalliard, Ingénieur en chef Chaîne de Traction Hybrid Air chez PSA Peugeot Citroën, est diplômé de l’Ecole du Pétrole et des Moteurs et de l’Ecole Nationale d’Arts et Métiers. Il a mené toute sa carrière au sein de PSA, où il a occupé des fonctions de responsable sur divers projets de développement de moteurs. Il est lauréat du Prix des Ingénieurs de l’Année dans la catégorie Innovation pour ses travaux sur le projet Hybrid Air.

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POURQUOI INNOVER ? POURQUOI INNOVER ? DANS SA VERSION STANDARD, LA RÉPONSE PEUT PARAÎTRE ÉVIDENTE : QUI DIT PROGRÈS TECHNIQUE DIT CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ, DU POUVOIR D’ACHAT ET, PAR CONSÉQUENT, DU BIEN-ÊTRE. POURTANT, CERTAINES INNOVATIONS SONT À DOUBLE FACE : ELLES PEUVENT ÊTRE BÉNÉFIQUES OU NON SELON LE MOMENT OÙ ELLES APPARAISSENT, ET ÊTRE RESSENTIES COMME POSITIVES OU NÉGATIVES SELON LES INDIVIDUS.

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Des enjeux

à double tranchant En conclusion de son livre Innovation et bien-être – Une relation équivoque, l’économiste Danièle Blondel écrit : « De multiples craintes individuelles alimentent le flux grossissant des peurs collectives à propos de l’avenir de la planète et de l’humanité car, en contrepartie des bénéfices incontestables de l’innovation sont apparus des coûts humains, sociaux et éthiques qui alourdissent le passif de son bilan. (…) Face à ces interrogations sur le sens des innovations passées, des défis majeurs et planétaires ouvrent à la science et à l’innovation des champs privilégiés de recherche et d’investissement : nourrir une population qui devrait atteindre 9 milliards en 2050, sans épuiser les ressources en eau ou en terres arables, aménager l’urbanisation galopante et irréversible afin qu’elle se traduise par des modes de vie améliorés pour tous, fournir des énergies renouvelables et non polluantes en quantité suffisante pour les usages industriels et domestiques d’une planète en expansion économique et démographique, lutter efficacement contre toutes les pathologies. (…)Toutes les sociétés, y compris la société internationale, sont donc en quête d’un système de gouvernance de cette économie d’innovation permettant d’éviter les pires de ses dangers et d’en tirer tous les bénéfices possibles pour le bien-être de l’humanité. »

ACQUÉRIR UN AVANTAGE CONCURRENTIEL Ces questionnements renvoient aux enjeux mêmes de l’innovation, dont l’ambiguïté sous-jacente vient du fait qu’ils sont tout à la fois à visée économique et humaniste. « Le sens premier de l’innovation est de faire du profit, rappelle l’économiste. Pour le monde entrepreneurial, il s’agit tout simplement d’acquérir un avantage concurrentiel afin de devenir plus compétitif. L’innovation consiste à créer un monopole au moins provisoire qui permet de dégager du profit, d’où l’existence des brevets qui prolongent l’exclusivité. Mais c’est un schéma contradictoire : moteur économique indispensable, l’innovation permet à l’entreprise de se différencier en créant une demande nouvelle, donc en déplaçant les anciennes. C’est le fameux processus de “destruction créatrice” de Schumpeter, que l’on peut

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L’INNOVATION N’EST PAS UN PROCESSUS NATUREL POUR UNE ORGANISATION HUMAINE. ELLE RELÈVE DE LA VOLONTÉ ET DE LA DÉTERMINATION D’UN OU PLUSIEURS INDIVIDUS. définir comme étant le mouvement permanent de destructions d’activités liées aux anciennes innovations et de créations de nouvelles activités liées aux nouvelles innovations. Les éléments neufs vont remplacer les anciens : l’idée est d’entraîner l’économie dans un cercle vertueux. Il ne faut toutefois pas sous-estimer la contrepartie des bénéfices incontestables de l’innovation sur le plan humain, social et éthique. » Autour des grandes innovations majeures ou génériques comme l’électricité, le chemin de fer, l’automobile ou, plus près de nous, l’informatique, l’électronique, les sciences de la communication, sont venues s’en greffer d’autres qui, sans elles, n’auraient pas existé. Ainsi, l’innovation financière a utilisé les systèmes informatiques et de télécommunications, tout comme la voiture intelligente a pu naître grâce à la robotique. « En tant que telles, les innovations majeures ne sont jamais humanistes, souligne Danièle Blondel. En revanche, certaines de celles qui s’y greffent peuvent l’être. C’est notamment le cas de la médecine à domicile, dont les racines ont pu se développer grâce à des innovations très scientifiques ou l’enseignement à distance. Pour résumer, on ne déploie pas une innovation majeure sans visée économique, mais on peut s’emparer de schémas nouveaux pour toucher des populations que l’on n’atteint pas a priori. »

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CRÉER DAVANTAGE D’ACTIVITÉS ET D’EMPLOIS « Nous vivons dans un monde globalisé, constate de son côté Pierre Tambourin, Directeur de recherche à l’Inserm et directeur général de Genopole. Or le monde se réinvente et, au cœur de cette transformation, soutenir l’innovation devient un enjeu crucial pour les États. Certains diront que l’innovation est d’abord la démarche d’hommes et de femmes qui rencontrent une ambition, un objectif, que seule leur énergie est la clé du succès. C’est en grande partie vrai, mais la rapidité avec laquelle le monde change en ce début de siècle montre que ce sont les politiques d’État, des volontés fortes et pérennes comme aux Etats-Unis, en Chine, en Europe du Nord, en Israël, qui favorisent l’émergence de nouveaux acteurs industriels, de nouveaux marchés, une croissance économique et, in fine, des emplois. » De fait, en offrant des produits et des services innovants les mieux adaptés aux attentes et besoins de leurs clients, les entreprises françaises peuvent renforcer leur position sur les marchés et, ainsi, créer davantage d’activités et d’emplois. En intégrant des innovations dans leur process de production, elles peuvent améliorer leur productivité. « La corrélation entre innovation et performance à l’export est un fait avéré, affirme Pierre Tambourin. Les entreprises qui innovent exportent plus que celles qui n’innovent pas. Et non seulement elles exportent vers plus de pays, mais leurs exportations croissent plus rapidement et elles sont moins sensibles à la conjoncture. » Dans leur rapport sur l’innovation rédigé à la demande du gouvernement, Pierre Tambourin et Jean-Pierre Beylat, Président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France et Président du pôle de compétitivité Systematic Paris-Région, soulignent un point essentiel : « Toute innovation a une dimension entrepreneuriale, même au sein d’une entreprise existante. L’innovation n’est pas un processus naturel pour

une organisation humaine. Elle relève de la volonté et de la détermination d’un ou plusieurs individus. Elle suppose esprit visionnaire, prise de risque, capacité d’initiative très forte, culture du projet et volonté d’aboutissement. Elle nécessite d’être à l’aise avec les incertitudes et les ambiguïtés, d’être capable d’identifier des opportunités que d’autres ne verront jamais et de se focaliser dessus, d’être tenace, courageux, tout en étant perméable aux idées et aux conseils. »

DES RAPPORTS PROFONDÉMENT TRANSFORMÉS « C’est le grand débat : l’innovation est une dissidence. Elle façonne les sociétés, modifie la vie de gens, change les rapports humains sans que l’on sache toujours si c’est en mieux » concède Pierre Tambourin, faisant écho à l’interrogation soulevée par Danièle Blondel : l’innovation, réel générateur de bien-être et d’épanouissement de l’homme ? « La vraie question est la suivante : toutes ces améliorations, qui restent incontestables, se traduisent-elles par davantage de bonheur ou constituent-elles une espèce de folie à la conquête du pouvoir ? reprend-il. Alors que le niveau de vie moyen n’a jamais été aussi élevé, les hommes et les femmes sont de plus en plus nombreux à confier un “moins bien vivre”, manifestant une défiance à l’égard de la science et critiquant la dépendance, voire l’aliénation aux nouvelles technologies. Entendons-les : on ne peut pas se laisser dominer par ses propres technologies sans en tirer les conséquences. Il faut un minimum de réflexion et de distance ; il faut aussi que les pouvoirs publics se dotent d’éléments d’appréciation pour susciter les esprits critiques. En transformant en profondeur nos rapports, le mélange du savoir et des affaires peut être dangereux. C’est vrai dans tous les domaines, y compris dans celui de la santé. »

LES 7 AMBITIONS DE LA COMMISSION LAUVERGEON REMIS EN OCTOBRE DERNIER AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, LE RAPPORT DE LA COMMISSION “INNOVATION 2030” PRÉSIDÉE PAR ANNE LAUVERGEON LISTE SEPT AMBITIONS : 1) Le stockage de l’énergie 2) Le recyclage des matières : métaux rares 3) La valorisation des richesses marines : métaux et dessalement de l’eau de mer 4) Les protéines végétales et la chimie du végétal 5) La médecine individualisée 6) La silver économie, l’innovation au service de la longévité 7) La valorisation des données massives (Big Data)

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EXEMPLES

Visualisation des cellules : vers un diagnostic précoce UNE TECHNIQUE NON INVASIVE VA BIENTÔT PERMETTRE DE DIAGNOSTIQUER TOUTE ANOMALIE D’UN IMPLANT, AVANT MÊME QUE CELA SOIT ANATOMIQUEMENT VISIBLE. LES EXPLICATIONS DE FANNY CHAPELIN, ASSISTANTE DE RECHERCHE À L’ÉCOLE DE MÉDECINE DE STANFORD (CALIFORNIE). Les nouvelles stratégies de réparation d'organes comprennent les implants de cellules souches. Or, une fois implantées, ces cellules peuvent se comporter de quatre manières différentes : s'intégrer au tissu et le réparer – ce qui est donc l’objectif recherché –, fuir hors du site d'implantation, mourir, ou enfin être rejetées par le système immunitaire. C'est pourquoi il est important de visualiser, de manière non invasive, le devenir de ces cellules. « De nombreuses méthodes ont été développées pour tenter de visualiser ces cellules de différentes façons, mais la plupart n'ont jamais été approuvées pour l'utilisation chez les patients », indique Fanny Chapelin, Assistante de recherche à l’École de médecine de Stanford (Californie). À ce jour, une seule technique est approuvée : le “marquage” des cellules via le ferumoxytol, un complément en fer pour les patients anémiques souffrant de maladies chroniques du foie. « Cet agent s'est révélé avoir des propriétés super-paramagnétiques permettant de le visualiser par imagerie par résonance magnétique, reprend Fanny Chapelin. D’ailleurs, il est maintenant utilisé comme produit de contraste pour cet appareil. »

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L’efficacité de cette technique pour utilisation médicale est toutefois très limitée. « Elle requiert l'utilisation d'agents de transfection et de multiples manipulations des cellules qui sont un risque supplémentaire de contamination, de rejet et d'allergies chez le patient, commente la jeune ingénieure. En effet, de nombreuses études ont montré l'adversité de ces agents, créant des allergies chez les patients et conduisant à la mort des cellules ou la formation de cancers. »

UN DOUBLE IMPACT HUMAIN ET ÉCONOMIQUE Le projet actuellement mené à l’École de médecine de Stanford (Californie) consiste justement à concevoir une technique qui serait directement applicable en hôpital, qui permettrait une plus longue détection de manière non invasive pour le patient, et qui ne nécessiterait pas d'agents de transfection. « Nous avons réussi à répondre positivement pour chacun de ces critères, en développant une méthode qui “marque” les cellules souches directement dans le corps du patient et minimise toute manipulation de celles-ci avant transplantation, explique Fanny Chapelin. Cette méthode réduit considérablement les risques liés aux manipulations et le suivi par IRM est possible jusqu'à quatre semaines et plus. Les résultats de ce projet ont un double impact considérable : d’une part, les risques pour les patients ayant besoin d’un implant de cellules souches sont extrêmement réduits et la procédure largement simplifiée ; d’autre part, le nombre d’interventions chirurgicales diminue de moitié, ce qui entraîne une baisse identique des coûts. » Cette technique sera mise en œuvre chez les patients en début d'année 2014 et permettra de diagnostiquer, avant que cela soit anatomiquement visible, toute anomalie de l'implant. Les autorisations et financements pour l’étude clinique sont en cours de réalisation. D’ores et déjà, le projet a attiré une grande attention médiatique aux ÉtatsUnis, avant même sa publication le 12 juillet 2013.

BIO EXPRESS Fanny Chapelin, Assistante de recherche au Stanford University Stem Cell Department, est diplômée de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC). Son projet de recherche porte sur les nouvelles stratégies de “marquage” des cellules souches in vivo permettant le suivi de l’évolution des implants par imagerie par résonance magnétique (IRM). Elle est lauréate du Prix des Ingénieurs de l’Année pour la Science, pour ses travaux sur cette nouvelle méthode de visualisation des cellules.

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« Si un modèle disparaît, il faut en inventer un nouveau » POUR STANISLAS DE CREVOISIER, DIRECTEUR INDUSTRIEL D’ECOMETERING (FILIALE DE GDF SUEZ), LES SMART GRIDS SONT UN EXCELLENT TERREAU D’INNOVATION, LAQUELLE EST VITALE POUR LES FOURNISSEURS D’ÉNERGIE.

Les énergéticiens ne sont plus dans la situation confortable qu’ils ont connue. Dans un contexte réglementaire et concurrentiel de plus en plus contraignant, qui voit en outre la rentabilité des énergies traditionnelles se réduire inexorablement, ils n’ont plus d’autres choix que d’innover. « Si un modèle disparaît, il faut en inventer un nouveau, commente Stanislas de Crevoisier, le Directeur Industriel d’Ecometering, filiale de GDF Suez. Et mieux vaut en être l’inventeur, en surfant sur le coût, la réglementation et les énergies nouvelles. Bref, en mettant de l’intelligence dans la production, le transport, la distribution et la consommation d’énergie. » C’est exactement le principe des smart grids. « Leur champ d’application est extrêmement vaste, constate l’industriel. De ce point de vue, c’est un excellent terreau pour l’innovation : tout le monde sait que c’est nécessaire même si ce n’est pas encore vraiment rentable. »

LE STOCKAGE DE L’ÉNERGIE, UN ENJEU MAJEUR Stanislas de Crevoisier a participé à plusieurs brevets dont un fondamental : le système d’effacement diffus pour la gestion des pointes de consommation électrique, commercialisé depuis 2008. « Grâce à des boîtiers communicants installés dans le tableau électrique, ce système lit la consommation et coupe la ligne sur commande à distance. En cas de surconsommation, les appareils non fondamentaux sont automatiquement éteints sur de courtes durées, effaçant ainsi plusieurs centaines de mégawatts lorsque ce principe est appliqué à large échelle. » Plus récemment, il a participé à la mise au point d’un autre système capable de piloter à distance le chauffage électrique et la climatisation via une télécommande à infrarouge programmée pour être adaptée au protocole de l’appareil concerné. Pour Stanislas de Crevoisier, l’un des grands enjeux des smart grids dans les années à venir sera le stockage de l’énergie, « le seul moyen de répondre à la production aléatoire des énergies renouvelables ». L’intégration desdites énergies renouvelables va d’ailleurs constituer l’un des défis majeurs que l’Europe devra relever à court terme. Tout comme la consommation globale des habitants. « Car, contrairement à d’autres pays comme la Chine ou les États-Unis, l’Union européenne s’est fixé des objectifs concrets en la matière », souligne-t-il avant de rappeler que « le coût de l’énergie est une composante importante de la compétitivité d’un pays. »

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UNE TRIPLE RÉPONSE LES SMART GRIDS ONT ÉTÉ CONÇUS POUR RELEVER LES TROIS DÉFIS ÉNERGÉTIQUES MAJEURS DE DEMAIN : 1) La capacité à répondre à une évolution constante de la demande en énergie. 2) L’intégration et la gestion des 20 % d’énergies renouvelables qui doivent être injectées sur le réseau d’ici 2020 (des énergies vertes mais en quantité et disponibilité aléatoires, entraînant un besoin accru de gestion de l’équilibre entre l’offre et la demande). 3) L’arrivée de nouveaux acteurs et de nouveaux modes de gestion de l’énergie dans un contexte de dérégulation du marché de l’électricité à l’horizon 2015.

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EXEMPLES

Produire une énergie fiable et accessible à tous COMMENT DISPOSER D’UNE ÉNERGIE SUFFISANTE, FINANCIÈREMENT ACCESSIBLE, ET DISPONIBLE AU MOMENT OÙ ON EN A BESOIN, À L’HEURE OÙ LES RESSOURCES FOSSILES DIMINUENT, OÙ LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE C02 S’IMPOSE, OÙ LES BESOINS DES POPULATIONS NE CESSENT DE CROÎTRE ? POUR RÉSOUDRE CE PARADOXE, SCHNEIDER ELECTRIC DÉVELOPPE DES SOLUTIONS INNOVANTES, PRÉSENTÉES ICI PAR NICOLAS LETERRIER, DIRECTEUR INNOVATION EFFICIENCY.

« Notre priorité est de contribuer à régler les problèmes énergétiques de la planète », déclare Nicolas Leterrier, directeur Innovation Efficiency chez Schneider Electric. « Pour cela, nous cherchons à mesurer et à comprendre où va l’énergie », poursuit cet expert, chargé de créer de nouvelles offres répondant à cette exigence.

RÉDUIRE LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS Son équipe a, par exemple, conçu des capteurs capables de délivrer la signature énergétique des bâtiments. Les données collectées sont ensuite analysées par des “plateformes d’énergy management” qui aident les exploitants des bâtiments – tertiaires, publics, industriels – à agir efficacement pour réduire leurs consommations d’énergie. « Ces solutions transforment la façon dont les personnes influent sur leur environnement. Nos outils permettent à nos clients de réduire leurs coûts et de tirer profit d'une alimentation pure, fiable et ininterrompue », poursuit Nicolas Leterrier. L’offre de Schneider Electric a fait ses preuves dans des usines gourmandes en énergie : 37 % de consommation énergique en moins chez Arcelor Mittal, 40 % dans des stations de traitement des eaux Veolia.

AGIR SUR LA CIRCULATION POUR POLLUER MOINS Mais le bâtiment n’est pas le seul levier dans la quête d’efficacité énergétique. La modulation de l’éclairage publique en est un autre. « Lorsque l’on baisse l’intensité lumineuse la nuit, on constate que les voitures roulent moins vite, ce qui génère une baisse des émissions de CO2 », explique Nicolas Leterrier. Des innovations techniques permettent cette gestion affinée de l’éclairage tout en assurant de bonnes conditions de circulation.

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Ce type de stratégie s’inscrit dans une démarche plus large de gestion des infrastructures (d’énergie, d’eau, de circulation, etc.) qui vise à rendre les villes dans leur ensemble plus confortables, plus sûres, plus fluides, plus intelligentes (on parle de “smart cities”). Par exemple, le système innovant de management du trafic de Schneider Electric a permis à la ville de Mumbai, en Inde, de réduire ses embouteillages de 17 %, avec des conséquences positives sur les émissions de CO2.

L’ACCÈS À L’ÉNERGIE COMME MOTEUR DE DÉVELOPPEMENT Tout en travaillant à réduire les consommations d’énergie des pays industrialisés, Schneider Electric innove pour favoriser l’accès à l’électricité au 1,3 milliard de personnes dans le monde qui en sont privées. Ainsi, dans le cadre du programme BipBop (Business, innovation and people at the base of the pyramid), le groupe a conçu la lampe In-Diya, lancée en 2010 en Inde puis en Afrique. Cette lampe à LED basse consommation éclaire des habitations ou des échoppes dans des pays où la nuit tombe parfois très tôt. Les enfants continuent ainsi à lire le soir, ce qui contribue à augmenter le niveau d’éducation. « Nous venons de créer un nouveau modèle portable, la lampe Mobiya TS 120, étanche et pratiquement incassable. Elle se recharge avec un port USB connecté à un petit panneau solaire, explique Nicolas Leterrier. Nous avons également imaginé des systèmes fonctionnant à l’énergie solaire pour amener l’eau et l’électricité dans des villages isolés, au Bangladesh et en Afrique centrale. » A travers ces innovations techniquement très hétéroclites, Schneider Electric participe à l’équilibre entre l’offre et la demande en énergie, dans le respect de l’environnement. « Notre philosophie : produire plus et mieux, avec moins », conclut Nicolas Leterrier.

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bibliographie Innovation et bien-être – Une relation équivoque DANIÈLE BLONDEL 336 pages - ISBN : 9782748351842 Economie et Gestion

L’innovation, un enjeu majeur pour la France – Dynamiser la croissance des entreprises innovantes JEAN-LUC BEYLAT et PIERRE TAMBOURIN http://www.redressement-productif.gouv.fr/files/ rapport_beylat-tambourin.pdf 142 pages – avril 2013

Pacte pour la compétitivité de l’industrie française LOUIS GALLOIS http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/ fichiers_joints/rapport_de_louis_gallois_sur_la_ competitivite_0.pdf 74 pages - novembre 2012

Un principe et sept ambitions pour l’innovation Rapport de la commission présidée par ANNE LAUVERGEON http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/ 60 pages – octobre 2013

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