Toxiinfections Alimentaires Collectives par Laure Bieuville Octobre 2004
TIAC: survenue d’au moins deux cas groupés d’une
symptomatologie, le plus souvent digestive, dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire
Inclut aussi les toxiinfections collectives d’origine hydrique
Objectif: détecter et déclarer une TIAC Sousdéclaration Limiter la survenue de nouveaux cas Limiter le coût des manifestations aiguës, des pathologies secondaires ou réactionnelles ( ex: coût de 2 épidémies de trichinellose en 1987 estimé entre 7ou 10 MF)
EPIDEMIOLOGIE
PHYSIOPATOLOGIE
MANIFESTATIONS CLINIQUES
CONDUITE A TENIR
PROPHYLAXIE
EPIDEMIOLOGIE Fréquentes malgré la surveillance des réseaux de production, Distribution et conservation Rôle de l’industrialisation, Ampleur des réseaux de distribution: dissémination des cas ( ex: épidémies d’E.Coli O157,H7 aux ÉtatsUnis) Demande de produits pas ou peu cuits ( fruits de mer ) Longue conservation Restauration rapide (maladies des hamburgers) Sousdéclaration: pas de consultation forme bénigne diagnostic micro biologique difficile
FREQUENCE
Estimations de l’InVS: 200 000 par an 559 foyers déclarés en 2001 ( BEH ) 70% en milieu collectif dont 1/3 en milieu scolaire Recrudescence en période estivale de juin à septembre
GRAVITE DES CAS •en 2001: taux d’hospitalisation en France de 10%, taux de létalité de 4 pour 10000 •étude danoise: 2,2% des personnes avec une infection gastrointestinale sont décédées un an après contre 0,7% dans le groupe témoin, soit une mortalité relative x 3,1 • étude américaine: bactériémies dans 5% des salmonelloses
• étude espagnole: dans 16% des bactériémies on retrouve des localisations secondaires ( méningites, arthrites septiques, ostéomyelite, angiocholite et pneumonies, endartérite) 17% de rechute après traitement
GERMES INCRIMINES La 1ère cause: salmonelloses ( 50% enteritidis ), puis campylobacter Hospitalisations: salmonelloses (5500 à10200), puis campylobacter (2500 à 3500), puis listériose ( 300 ) Décès: entre 220 et 700 par an, la majorité d’origine bactérienne, mais en grande partie évitables
TERRAIN A RISQUE • Âges extrêmes: mortalité de 11% avant 5 ans 27% entre 55 et 74 ans 50% après 75 ans ( pour la population à haut risque individuel ) • personnes immunodéprimées ( diabète, HIV, corticoïdes, cancer) • traitements antiacide ou antiulcéreux • Des antécédents de chirurgie digestive • un traitement antibiotique à large spectre récent ou en cours • calcul rénal, calcul biliaire, anomalies des voies urinaires, prothèses, lésions endovasculaires …
PHYSIOPATHOLOGIE 2 mécanismes: Infection par un germe toxinogène : la toxine entraîne une sécrétion active d’électrolytes et d’eau par les cellules épithéliales du grêle, sans lésion anatomique, Syndrome cholériforme: diarrhée aqueuse, vomissements, fièvre absente ou modérée. Infection par un germe entéroinvasif: Le germe envahit les cellules épithéliales et s’y multiplie jusqu’à leur destruction,Entraînant une réaction inflammatoire Syndrome dysentérique: diarrhée très nauséabonde, glaireuse, fièvre, leucocytes dans les selles
MANIFESTATIONS CLINIQUES Toxiinfections alimentaires d’expression digestive prédominante Action invasive: Salmonella non typhiques Shigella Campylobacter Yersinia entérolitica Cyclospora cyetanensis Escherichia coli entéroinvasifs Virus Pouvoir pathogène toxique prédominant ou exclusif: Staphylococcus aureus Clostridium perfringens Bacillus cereus Escherichia coli entérotoxinogènes, hémorragiques Aeromonas hydrophila Vibrions Dinoflagellés et phytoplancton
Toxiinfections d’expression extradigestive prédominante
Listeria monocytogenes Clostridium botulinum Intoxication histaminique Ciguatera Trichinellose
SALMONELLA NON TYPHIQUE Les plus fréquemment en cause Dose minimale infectante importante S. Enteritidis (61%), S. typhimurium (16%)
Réservoir: animal (viandes, volailles, œufs et produits laitiers, poissons et Fruits de mer ) Sont détruites par la cuisson Incubation assez courte: 12 à 48 heures Clinique: diarrhée fébrile, vomissements, douleurs abdominales
SALMONELLA NON TYPHIQUES Le risque: bactériémies se compliquant de septicémies ou de localisations secondaires Arthrites réactionnelles Durée: 2 à 3 jours Diagnostic: coproculture Traitement: Forme non compliquée: l’antibiothérapie ne modifie pas l’évolution et peut contribuer à prolonger le portage de la souche Si déficit immunitaire, jeune enfant, personne âgée, prothèse vasculaire ou articulaire, drépanocytaire, formes cliniques sévères avec AEG: fluoroquinolones en moyenne 5 jours alternatives: cotrimoxazole ou amoxicilline mais résistances également: azythromycine et aztréonam
Bactériémies non compliquées 10 à 14 jours de traitement Endocardite, anévrisme mycotique: chirurgie et antibiothérapie de 6 semaines au minimum
Problème : multirésistances
SHIGELLA PLUS RARE Réservoir: humain Contamination: fécoorale Incubation: 1 à 3 jours Clinique: syndrome dysentérique, fièvre, vomissements Diagnostic: coproculture Le traitement réduit la durée de la maladie: cotrimoxazole ou fluoroquinolones Pour 5 jours Souches résistantes aux pénicillines A
CAMPYLOBACTER
Insuffisamment recherché en France,
Diagnostic microbiologique délicat ( coproculture, hémoculture ) Réservoir: animal Vecteurs: volailles, lait non pasteurisé, eau Incubation: 2 à 5 jours Durée: 4 jours Clinique: diarrhée parfois hémorragique, vomissements peu fréquents, bactériémies rares Portage prolongé possible Arthrite réactionnelle Association avec le syndrome de Guillain Barré Traitement: érythrocine 7 à 10 jours ou fluoroquinolones
Fréquent
YERSINIA ENTEROLITICA
Se développent bien au froid ( +4°) Réservoir: animaux d’élevage Aliments: porc, volailles, eau Incubation: 3 à 7 jours Clinique: diarrhée fébrile chez le jeune enfant, érythème noueux, arthrite ou foyers osseux chez l’adulte adénite mésentérique avec tableau pseudo appendiculaire chez l’ado Diagnostic: coproculture intérêt de la sérologie dans les manifestations postinfectieuses Traitement: réservé aux formes sévères, cycline ou fluoroquinolone
CYCLOSPORA CAYETANENSIS Pathogénécité reconnue depuis peu, mécanisme à définir Réservoir: homme Transmission: semble être de type orofécale Clinique: diarrhée aqueuse, nausées, anorexie, asthénie, amaigrissement, crampes abdominales, parfois diarrhée hémorragique avec ténesmes Durée: en moyenne 7 semaines Seul traitement efficace: triméthoprimesulfaméthoxazole 160/800 x 2 par jour Pendant 7 à 10 jours
VIRUS
Rotavirus: intoxications collectives d’origine hydrique Surtout les enfants et les adolescents Clinique: diarrhée souvent sévère, fièvre élevée, selles volontiers hémorragiques
Pouvoir pathogène toxique prédominant ou exclusif
STAPHYLOCOCCUS AUREUS Entérotoxine thermostable Réservoir: surtout humain Germe halophile ( chacuteries, rillettes, pâtés, conserves de poissons, Gâteaux, crèmes glacées, … ) Incubation très courte: moins de 6 heures Clinique: vomissements, douleurs abdominales, chute tensionnelle, Choc hypovolémique, pas de fièvre, guérison rapide Risque de déshydratation Pas de coproculture Pas d’antibiothérapie
CLOSTRIDIUM PERFRINGENS
Spores thermostables Réservoir: ubiquitaire Viande en sauce Incubation: 9 à 15 heures Clinique: diarrhée, douleur abdominale, peu de fièvre, vomissements rares Généralement guérison en 24 heures Entérocolite nécrosante (souche de type C)
BACILLUS CEREUS Fréquence mal appréciée en France EtatsUnis: retaurants asiatiques 1 toxine thermolabile responsable de diarrhée 1 toxine thermostable émétisante Réservoir: ubiquitaire ( céréales, riz, soja ) Si produite in vivo: incubation de 8 à 16 heures, diarrhée très abondante, Nausées, régression en 24 heures Si formée dans l’aliment: incubation courte (30 minutes à 5 heures ), Vomissements très violents avec régression rapide des signes cliniques
E. COLI ENTEROTOXINOGENE
Pathologie d’importation (turista) Transmise par l’eau Diarrhée très liquide
E. COLI HEMORRAGIQUE Surtout en Amérique du Nord et au Japon Epidémies de diarrhée aqueuse et hémorragique Syndrome hémolytique et urémique, purpura thrombotique thrombocytopénique Sérotype O157:H7 : produit des Shiga like toxines et une hélmolysine « maladie émergente » Viande peu cuite ( maladie du hamburger), cresson, eau Diagnostic: mise en évidence dans les selles Ralentisseurs du transit et antibiotiques déconseillés
AEROMONAS HYDROPHILA Contamination hydrique ou alimentaire Syndrome cholériforme, fièvre modérée Localisations extradigestives possibles
VIBRIO PARAHAEMOLYTICUS Germe halophile Réservoir: eau de mer tiède Contamination: poissons ou fruits de mer Incubation: 12 à 24 heures Clinique: diarrhée aqueuse abondante
DINOFLAGELLES ET PHYTOPLANCTON
Ingestion de fruits de mer Epidémies de syndromes toxiques diarrhéiques ou neurologiques ( paralysants) Incubation: 30 minutes à une heure Tableau volontiers sévère (diarrhée, vomissements, douleurs abdominales violentes, frissons, chute de tension )
Principales causes de gastroentérites et toxi-infections alimentaires Symptôme
Nausées, vomissements
Durée de l’incubation (Heures) 6
Agent possible
Toxines thermostables diffusées dans l’alimentation par Staphylococcus aureus, Bacillus cereus, métaux lourds
Diarrhée liquide cholériforme
6-72
Clostridium perfringens A, Bacillus cereus, Escherichia coli entérotoxinogénes, Vibrio cholerae, Giardia lambia
Entérocolite inflammatoire
10-72
Salmonella, Shigella, Campylobacter jejuni, Vibrio parahaemolyticus, Aeromonas, Escherichia coli entéro-invasifs, Yersinia
Troubles neurologiques de la sensibilité ou motricité sans troubles digestifs suggérant botulisme, intoxication par coquillages ou poissons crus, produits chimiques
Scombrotoxine histamine-like: neurotoxines des Dinoflagellae; glutamate Na (syndrome du « restaurant chinois »), solanine, champignons vénéneux, pesticides
Malvy D, Djossou F et Le Bras M. Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique : orientation diagnostique et conduite à tenir, Encycl Méd Chir
Toxi-infections alimentaires collectives à symptomatologie digestive
Germe responsable
Durée d’incubation (en Heures)
Signes cliniques
Facteurs de la contamination
12-24
Diarrhée aigue fébrile (39-40°C)
- Aliments peu ou pas cuits : viande, volailles,œufs,fruits de mer - Restauration familiale ou commerciale
Staphylococcus aureus
2-4
Vomissements, douleurs abdominales, diarrhées sans fièvre
-Laits et dérivés - Plats cuisinés la veille du repas - Réfrigération insuffisante - Porteurs sains ou staphylococcie cutanée
Clostridium perfringens
8-24
Diarrhée isolée sans fièvre
-Plats cuisinés la veille - Réfrigération insuffisante - Restauration collective
Shigella
48-72
Diarrhée aigue fébrile
- Aliments peu ou pas cuits
Salmonella
Malvy D, Djossou F et Le Bras M. Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique : orientation diagnostique et conduite à tenir, Encycl Méd Chir
Principaux germes responsables de toxi-infection alimentaire selon la symptomatologie et le type d’aliments
Symptomatologie
Incubation courte inférieure à 12 heures Absence de fièvre
Vomissement prédominants
Type Lait etd’aliments dérivés
Staphilocoque
Viandes, Produits carnés
Staphilocoque
Fruits de mer, poissons Légumes
Staphilocoque (1)
diarrhée prédominantes
Incubation longue Fièvre Diarrhée Salmonella,Campilobacter, Shigella (1)
C.perfringens, Baccilus cereus
Salmonella,Campilobacter, Yersinia, Shigella (1)
(Dinoflagellés)
V.parahaemolyticus, Salmonella
Bacillus cereus
Yersinia, Salmonella, Shigella (1)
(1) Contamination possible par porteurs de germes
Extrait de : « Le praticien et les toxi-infections alimentaires collectives » (brochure de la Direction générale de la santé)
TIAC D’EXPRESSION EXTRADIGESTIVE PREDOMINANTE BOTULISME 30 cas par an Réservoir: ubiquitaire Contamination: conserves Neurotoxine thermolabile Incubation: 2 heures à 8 jours Clinique: nausées, vomissements, diplopie, troubles de l’accommodation, Dysphagie, sécheresse des muqueuses, paralysies motrices Pas de fièvre ni de syndrome méningé, pas d’atteinte du SNC
Pronostic: âge, sérotype E plus sévère, incubation courte, population atteinte (Asiatiques), atteintes paralytiques respiratoires, complications infectieuses
Diagnostic: toxine, mise en évidence du germe longue et laborieuse, EMG Hospitalisation (troubles de déglutition et du rythme cardiaque) Traitement symptomatique
INTOXICATION HISTAMINIQUE Contamination: poisson mal conservé (thon) Incubation: 10 minutes à 1 heure Clinique: troubles vasomoteurs (érythème de la face et du cou, céphalées, signes Digestifs) Traitement: corticoides, antihistaminiques
CIGUATERA Pathologie d’importation, Ingestion de poissons Clinique: choc, bradycardie, prurit, myalgies, frissons, asthénie, dysesthésies cheiroorales, des extrémités distales des membres, vomissements, diarrhée Pas de traitement curatif Mannitol 20% sur une heure, neurontin Récurrences
AUTRES AGENTS PATHOGENES LISTERIA MONOCYTOGENES BG ubiquitaire Aliments en cause: produits laitiers, charcuterie, produits de la pêche Colonisation du tube digestif, atteinte du SNC par voie hématogène Sporadique ou épidémique Femme enceinte ou immunodéprimé
Traitement: atteintes neuroméningées: amoxicilline (200 mg/Kg/IV) + aminoside (gentamicine: 3 mg/Kg) ou cotrimoxazole (TMP: 6 à 8 mg/Kg, SMZ: 30 à 40 mg/Kg) bactériémies et listérioses néonatales: amoxicilline + aminoside femme enceinte: amoxicilline ( 4g PO/j) jusqu’au terme +aminoside (2mg/Kg/j) pendant 10 à15 jours
TRICHINELLOSE
Viande de cheval importée Diagnostic: fièvre, myalgie, œdème de la face, hyperéosinophilie,sérologie Traitement: albendazole 400 à800 mg/j per os pendant 10 jours
Toxi-infections alimentaires collectives à symptomatologie Neurologique ou vasomotrice
Germe responsabl e
Durée d’incubation
Signes cliniques
Facteurs de la contamination
Clostridium botulinum
6-72 Heures
Début : troubles digestifs banals, sans fièvre Etat : -troubles oculaires : diplopie, mydriase, troubles de l’accommodation -Troubles de la déglutition, voix nasonnée : paralysie vélo palatine - Sécheresse des muqueuses - paralysie respiratoire et des membres
-Viande de porc (préparation artisanale) - conserves familiales mal stérilisées
Intoxication histaminiqu e
10 minutes 1 heure
Troubles vasomoteurs : érythème de la face et du cou, céphalées, bouffées de chaleur, urticaire
Poissons mal conservés (surtout thon)
Malvy D, Djossou F et Le Bras M. Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique : orientation diagnostique et conduite à tenir, Encycl Méd Chir
CONDUITE A TENIR • Prévenir le médecin de l’établissement ou un médecin
traitant
•identifier les malades ayant eu des signes cliniques •Établir une liste comportant pour chaque malade : son nom, la nature de ses symptômes, la date d’apparition •Conserver les restes des matières premières et de denrées servies à la Collectivité au cours des trois derniers jours •Effectuer des prélèvements de selles et de vomissements chez les malades • Préparer une liste des menus des repas des 3 derniers jours
•Déclarer par téléphone la TIAC au médecininspecteur de la DDASS ou à défaut au service vétérinaire d’hygiène alimentaire
PROPHYLAXIE En restauration collective: respect des bonnes pratiques de transport, stockage et préparation des aliments respect strict des chaînes du chaud et du froid utilisation de mayonnaises industrielles, de préparation à base d’œufs pasteurisés et de poudre d’œufs
En milieu familial: œufs peu ou pas cuits déconseillés chez les personnes à risque Conservation des œufs: pas plus de deux semaines, préparations à base d’œufs sans cuisson consommées rapidement viandes hachées volailles cuites « à cœur » lavage des mains, des zones de préparation des aliments
BIBLIOGRAPHIE 1) E. PILLY, maladies infectieuses et tropicales, CMIT, 2004 2) 2) Malvy D, Djossou F et Le Bras M. Infections et toxiinfections d’origine alimentaire et Hydrique: orientation diagnostique et conduite à tenir. encycl. méd. chir., Maladies infectieuses, 8003A82, 2002, 15p. 3)Communiqué de presse de l’Institut de Veille Sanitaire: Estimation de l’importance des infections d’origine alimentaire en France, 10 mai 2004. 4) Haeghebaert S, Le Querrec F, Bouvet P, Gallay A, Espié E, Vaillant V, Les toxiinfections alimentaires collectives en France en 2001, BEH, 2002, 50, 249253. 5) Helms M, Vastrup P, GernerSmidt P, Molbak k, Short and Long term mortality associated withfoodborne bacterial gastrointestinal infections: registry based study, BMJ 2003; 326: 357. 6) Hohmann EL, Nontyphoidal salmonellosis, Clin Infect Dis. 2001 Jan 15;32(2):2639.