Young boy playing in Ghana. © Janneke Bruil.
LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT DANS LES PAYS DU
SUD
AU BÉNÉFICE DE QUI?
JANVIER 2006 AMIS DE LA TERRE INTERNATIONAL | CAMPAGNA PER LA RIFORMA DELLA BANCA MONDIALE | CEE BANKWATCH NETWORK | WORLD ECONOMY, ECOLOGY & DEVELOPMENT
LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT DANS LES PAYS DU
SUD
AU BÉNÉFICE DE QUI?
PAR Jaroslava Colajacomo ETUDES DE CAS PAR Mae Buenaventura et Bubut D. Palattao (Freedom from Debt Coalition, Philippines), Domitille Delaplace (Equipo Pueblo, Mexique), Korinna Horta (Environmental Defense, Etats-Unis), Chris Lang (World Rainforest Movement), Gary Lee (TERRA, Thaïlande), Peter Sinkamba (Citizens for a Better Environment, Zambie), P. Raja Siregar (WALHI/ Amis de la Terre Indonésie).
L’auteur de ce rapport remercie chaleureusement Hannah Ellis et Janneke Bruil (Friends of the Earth International - Amis de la Terre International) ainsi que Magda Stoczkiewicz (CEE Bankwatch Network), pour leurs précieux conseils en termes de choix stylistiques et de conceptualisation de ce document. Ce document n’aurait pas été le même sans leur aide. L’auteur veut également remercier Martin Koehler et Antonio Tricarico (CRBM) ainsi que Klaus Schilder (WEED) pour leur aide à la recherche et la rédaction de l’étude préalable, dont les principales conclusions sont reprises ici. Remerciements particuliers également à Longgena Ginting (Amis de la Terre International), James Barnes, Ndoumbe Nkotto (Focarfe), Jean Marie Ferraris (LRC/Amis de la Terre Philippines), et aux rédacteurs des études de cas pour leur contribution et leur dévouement à fournir des informations inédites et actualisées sur les impacts des projets financés par la BEI qui, sinon, seraient restés inconnus.
CONTACT DE L’AUTEUR : Jaroslava Colajacomo e: jaro@playapart.it Ce rapport est également disponible en anglais et en espagnol. © CEE Bankwatch Network, Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (CRBM), Amis de la Terre International – Friends of the Earth International (FOEI), et World Economy, Ecology & Development (WEED). RELECTURE DE LA VERSON ANGLAISE : Rowan Mackay, UK TRADUCTION FRANÇAISE : Majda Bouchanine et Gwenael Wasse IMPRIMEUR : PrimaveraQuint, Pays-Bas CONCEPTION GRAPHIQUE ET MISE EN PAGE : Tania Dunster, onehemisphere, Suède PHOTOS PAR : Janneke Bruil, Bubut Palattao, CEE Bankwatch Network, CED/Amis de la Terre Cameroun, Elaine Gilligan, Frédéric Castell, FIVAS, Magda Stoczkiewicz, Melquíades Spínola/ CEPEDES, onehemisphere, Archives photographiques/El Universal – Mexique : Rodolfo Perez, Oswaldo Ramirez et Luis Garcia Soto, Peter Sinkamba, Proyecto Gato, Sébastien Godinot, TERRA, WALHI/Amis de la Terre Indonésie et Woody Simbeye.
PUBLIÉ PAR : Amis de la Terre International (FOEI) PO Box 19199 1000 GD Amsterdam Pays-Bas tel: +31 20 622 1369 fax: +31 20 639 2181 e: foei@foei.org www.foei.org Campagna per la riforma della Banca Mondiale (CRBM) Programma di Mani Tese Via Tommaso da Celano 15 00179 Roma, Italie tel: +39 06 78 26 855 fax: +39 06 78 58 100 e: info@crbm.org www.crbm.org
CEE Bankwatch Network Jicinska 8, Praha 3, 130 00, République Tchèque tel: +32 2 542 01 88, fax: +32 2 537 55 96 e: main@bankwatch.org www.bankwatch.org WEED e.V. World Economy, Ecology & Development (WEED) Torstr. 154, D-10115 Berlin, Allemagne tel: +49 30 2758 2163 fax: +49 30 2759 6928 e: weed@weed-online.org www.weed-online.org
© janneke bruil
SOMMAIRE
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RÉSUMÉ 1. INTRODUCTION
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INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LA BEI
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LE CADRE JURIDIQUE
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LE CADRE POLITIQUE
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2. EN AFRIQUE, UN SOUTIEN PRIORITAIRE AUX SECTEURS DU PÉTROLE, DES MINES ET DU GAZ
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L’EXTRACTION MINIÈRE EN ZAMBIE
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LE PROJET D’OLÉODUC TCHAD-CAMEROUN
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3. AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES
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LES FINANCEMENTS DE LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT AU MEXIQUE : QUI EN TIRE PROFIT ?
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LE PROJET VOLKSWAGEN AU MEXIQUE
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LE PROJET MEXIGAZ
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L’USINE DE PÂTE À PAPIER VERACEL AU BRÉSIL
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4. ASIA: PROMOTING WATER PRIVATISATION AND LARGE DAMS
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LA PRIVATISATION DE L’EAU À DJAKARTA
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L’EAU AUX PHILIPPINES : LES LEÇONS TIRÉES D’UNE PRIVATISATION RATÉE
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LE BARRAGE DE NAM THEUN 2 AU LAOS
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5. CONCLUSION
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6. RECOMMANDATIONS
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7. GLOSSAIRE
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8. ANNEXES
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9. RESSOURCES UTILES
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10. NOTES
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En moins de 50 ans d’existence, la Banque européenne d’investissement (BEI) est devenue l’une des institutions financières internationales les plus puissantes du monde. Agissant au nom des citoyens européens et des gouvernements des Etats membres de l’Union européenne (UE) dont elle dépend, la BEI prête environ 45 milliards d’euros de fonds publics par an, au titre de projets censés aider au développement et à la cohésion de l’Union européenne (UE). Après avoir commencé à financer des projets en Afrique dans les années 1960, ce sont aujourd’hui près de 10% de ses financements qui concernent aujourd’hui des pays hors de l’Union européenne, depuis la Chine jusqu’au Brésil. Ces prêts couvrent un large éventail de secteurs dont l’énergie, l’eau, les communications, l’industrie et les intermédiaires financiers. Mais à qui ces projets profitent-ils ?
RÉSUMÉ La BEI est une institution publique, créée dans le cadre de la politique de coopération de l’Union européenne. Elle a pour mission de promouvoir un développement durable au bénéfice des populations des pays dans lesquels elle intervient, en accord avec le Traité européen. En Afrique, en Amérique latine et en Asie, elle est censée agir en cohérence avec les politiques de l’Union européenne en matière de coopération (Accord de Cotonou et règlements du Conseil). Ces cadres de référence sont intégrés aux conventions et priorités de l’UE en matière de développement, approuvées par les pays concernés dans les Documents Stratégiques Pays (Country Strategic Papers). Ces priorités sont notamment la réduction de la pauvreté, et le développement social et environnemental. Ce rapport évalue les activités de la BEI en Afrique, en Amérique latine et en Asie, par une analyse des données officielles. Il s’appuie sur une étude récente du Parlement européen1, sur plusieurs études de cas effectuées par des groupes de la société civile originaires de huit pays du Sud dans lesquels la BEI opère (Zambie, Tchad, Cameroun, Laos, Philippines, Indonésie, Mexique et Brésil). Ce rapport considère que la BEI se comporte dans la pratique comme une institution principalement axée sur la demande et répondant aux besoins de ses clients, prête à financer des projets dans lesquels les retombées économiques sont certaines et élevées, plutôt qu’à mettre la priorité sur la lutte contre la pauvreté ou la protection environnementale. La BEI a, par exemple, rarement soutenu des projets environnementaux ou d’énergies renouvelables. Qui plus est, les études
Enfants ghanéens © Janneke Bruil.
Habitants du port de pêche de Djakarta © Janneke Bruil.
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de cas montrent comment les projets financés par la BEI ont souvent eu des impacts destructeurs pour les communautés et leur environnement (par exemple les plantations destinées à la production de pâte à papier au Brésil). Bien que le mandat de la BEI en Amérique latine et en Asie s’appuie sur un prétendu « intérêt mutuel », la BEI semble avant tout interpréter ce concept dans le sens du développement d’un marché extérieur pour les entreprises européennes. Les prêts de la BEI dans ces régions, en bénéficiant à des secteurs solidement établis et sans risque du point de vue financier, ont eu tendance à passer à côté des pays les plus pauvres (et risqués sur un plan financier) ainsi que des petites entreprises locales. En Amérique latine, plus de 90% des financements de la BEI depuis 1993 ont été accordés soit à des filiales d’entreprises européennes, soit à de grandes multinationales. Ce rapport illustre comment ces investissements sont souvent destinés à soutenir les exportations des entreprises de l’UE, tandis que la construction et l’amélioration des infrastructures locales (comme les réseaux d’électricité et de transports publics) sont négligées. En Afrique, la BEI gère une partie importante du budget de coopération de la Commission européenne (jusqu’à 13,5 milliards d’euros durant les 10 dernières années). Cette tendance est à la hausse avec la création au sein de la BEI de la nouvelle Facilité d’Investissement de Cotonou, dont les dépenses sur le budget européen sont estimées à 2,2 milliards entre 2003 et 2008. Ce rapport montre de quelle façon les premiers prêts dans le cadre de cette Facilité, ont principalement bénéficié au secteur privé (des grandes entreprises européennes ou locales). Cela concerne notamment le récent projet des mines de cuivre et de titane en Zambie et au Mozambique. En Afrique aussi bien qu’en Amérique latine, les bénéficiaires privilégiés des financements de la BEI appartiennent au secteur des industries extractives. L’oléoduc Tchad-Cameroun, par exemple, est le plus grand projet jamais financé par la BEI en Afrique avec un montant de 144 millions d’euros (soit 4 % du total des prêts aux pays de la zone ACP). La BEI projette de financer un autre projet à risque dans le domaine des ressources fossiles en 2006, à savoir le gazoduc ouest-africain entre le Nigeria et le Ghana.
Le soutien financier de la BEI aux projets d’extraction décrits dans ce rapport illustre de quelle façon la BEI a souvent failli à assurer un développement local bénéfique, en termes d’emplois ou de services de base. Ce rapport est arrivé à la même conclusion pour d’autres secteurs, tels que les prêts à Volkswagen au Mexique, ou aux compagnies d’eau en Asie. Les investissements significatifs de la BEI dans des projets de partenariats public-privé de privatisation de l’eau en Indonésie et aux Philippines n’ont eu aucun effet positif pour ceux qui n’ont pas accès à l’eau potable et pour les plus pauvres. Le rapport montre aussi que les projets financés par la BEI dans le Sud ont souvent été mal évalués sur le plan environnemental et social, avec comme résultat des impacts négatifs pour les communautés locales et les écosystèmes. En Afrique et en Asie, les grands barrages et la production d’énergie hydraulique ont été un domaine prioritaire de financement par la BEI, bien souvent aux dépens de l’environnement. Le barrage de Nam Theun 2 au Laos, dont il est question plus loin, a été financé bien qu’il viole des normes reconnues à l’échelle internationale. La BEI certifie qu’elle sélectionne rigoureusement les projets qu’elle finance en dehors de l’UE, et que tous doivent satisfaire aux politiques et aux normes environnementales européennes (par exemple en ce qui concerne l’évaluation environnementale et sociale), ainsi que prendre en compte le contexte et les lois locales. Cependant, les études de cas montrent que les normes de l’UE ne sont en fait pas respectées, et que les meilleures pratiques ne sont pas suivies. Il n’y a aucun mécanisme en place pour évaluer réellement la conformité des activités de la BEI avec les politiques de l’UE, aussi bien avant qu’après l’accord de financement. Il y a de plus des cas où les politiques de l’UE sont insuffisantes, ou ne s’appliquent pas aux Etats non-membres. Au contraire des autres institutions financières internationales comme la Banque mondiale ou la Banque asiatique de Développement, la BEI ne dispose pas de politiques de sauvegarde internes (par exemple en ce qui concerne les déplacements forcés ou les peuples indigènes), ni aucun système de plainte pour les personnes affectées par des projets hors Europe.
Malgré les appels de la communauté internationale pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et pour parvenir à satisfaire aux besoins des plus pauvres, le soutien de la BEI aux besoins de base (tels que l’accès à l’eau et à l’assainissement, la santé et l’éducation) a été minimal au regard du montant total de ses financements dans le Sud. En Afrique, bien que la BEI soit obligée d’adhérer aux stratégies de l’UE en matière de réduction de la pauvreté et de développement social (avec une forte référence faite aux OMD), il y a pour l’instant peu d’indications que ses financements aient contribué à remplir ces objectifs.
Brésil. © Melquíades Spínola/CEPEDES.
Qui plus est, la BEI demeure une des institutions les moins transparentes et rendant le moins de comptes au sein de l’UE. Ce rapport montre de quelle façon la BEI refuse au public l’accès à des informations primordiales (y compris pour informer de son intention ou non de financer un projet, ou concernant l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux). Elle conclut que ses clients ont un droit de regard sur l’accès aux informations relatives aux projets. La nécessité que la BEI rende des comptes à la Commission européenne et au Parlement requière une attention urgente. Bien que la Commission contrôle les activités de la BEI tous les ans, et que le Parlement soit libre de voter des résolutions la concernant ou de mener ses propres évaluations, la BEI n’est pas tenue de respecter les recommandations de ce dernier. Elle n’a pas par exemple pas encore appliqué les conclusions de la Revue des Industries Extractives (RIE) de la Banque mondiale, malgré que le Parlement lui ait demandé de s’y conformer il y a plus d’un an. Ce rapport demande un changement radical de la BEI en ce qui concerne le choix des projets, ses relations avec les populations concernées, sa responsabilité à l’égard de l’Union européenne, ses procédures et ses méthodes, et le suivi de ses projets et de ses politiques pour tous les financements dans les pays du Sud. La BEI doit prendre pleinement conscience de sa responsabilité quant aux impacts des ses activités, et doit s’assurer que les projets qu’elle finance bénéficient aux populations et à l’environnement. La liste des recommandations se trouve en page 41.
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Durant les dernières décennies, la Banque européenne d’investissement (BEI) est devenue un acteur important parmi les institutions financières internationales (IFI) qui financent des projets dans le Sud. La BEI est de plus en plus impliquée dans des activités de prêt, en particulier dans le secteur privé hors Union européenne. Entre 1997 et 2002 en Amérique latine, le soutien de la BEI au secteur privé la plaçait en troisième position après la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement), et en cinquième position en Asie.
INTRODUCTION Bien que les activités de la BEI dans les pays du Sud représentent encore une fraction relativement faible de son budget global (par rapport aux interventions dans les pays membres de l’UE), elles en font néanmoins un des principaux acteurs des politiques de l’UE en matière de développement et de coopération économique. Lorsque la BEI agit au nom de la Communauté européenne et dans le cadre des objectifs politiques de l’UE, le Parlement européen et la Commission européenne sont par conséquent appelés à exercer leur autorité2. Dans sa déclaration sur la politique de développement de 2000, la Commission européenne a tenté de ré-orienter sa coopération avec les Etats non-membres vers la réduction de la pauvreté. Elle a identifié comme priorités la promotion d’un accès équitable aux services sociaux, les transports, la sécurité alimentaire, le développement rural durable et le renforcement des capacités institutionnelles, en particulier dans le domaine de la bonne gouvernance et du respect de la loi3. La Banque européenne d’investissement est supposée suivre cette stratégie de développement, notamment dans les pays du Sud où elle opère dans le cadre de l’Accord de partenariat ACP-UE de Cotonou et des résolutions du Conseil européen. Ce rapport4 analyse l’impact réel des financements de la BEI en matière de réduction de la pauvreté en Afrique, aux Caraïbes, dans le Pacifique, et dans les pays d’Asie et d’Amérique latine. Il montre de quelle façon les entreprises européennes sont les principales bénéficiaires des prêts de la BEI, expose les problèmes environnementaux et sociaux qui caractérisent les projets financés, passe en revue les incohérences politiques fondamentales, et met en lumière le manque flagrant de transparence et la faiblesse systématique de l’évaluation des impacts des financements de la BEI dans les pays du Sud en termes de développement. Ce rapport présente un aperçu de huit projets financés par la BEI en Zambie, au Tchad, au Cameroun, aux Philippines, en Indonésie, au Laos, au Mexique et au Brésil. Ces projets concernent des secteurs divers, tels que le pétrole et le gaz, les mines, l’eau, l’industrie automobile, et la pâte à papier. Dans la plupart des cas, les demandes par des représentants de la société civile locale ou internationale d’études antérieures et postérieures à l’approbation du projet, et de
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rapports de suivi et d’évaluation, ont été rejetées par la BEI, pour des motifs de confidentialité. Le rapport montre que la société civile, bien qu’elle fasse partie des principaux bénéficiaires des projets selon la BEI, n’a pas eu la possibilité de faire entendre sa voix durant les processus de prise de décision. La Revue des Industries Extractives 2003 de la Banque mondiale5 a conclu que les grands projets pétroliers, miniers ou gaziers ont peu de chance de contribuer à la réduction de la pauvreté dans des pays corrompus qui ne disposent pas de procédures d’application de la loi et qui ne respectent pas les droits humains. Ces fondements de la gouvernance font défaut dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, où la BEI est active. En 2000, la prestigieuse Commission Mondiale des Barrages6 a déjà présenté des conclusions similaires pour les grands barrages, tout en recommandant parmi ses sept priorités le principe de l’ « acceptation sociale » avant qu’un nouveau barrage ne soit construit. Les deux études ont recommandé l’accord des communautés indigènes et locales avant de s’engager dans des projets de grands oléoducs, d’extraction pétrolière et minière, ou de grands barrages. Ce rapport démontre que la BEI n’a pas obtenu le consentement des communautés pour de tels projets. Pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement7, il est essentiel d’impliquer les communautés locales dans les projets de développement et d’étudier leurs impacts. Cela est particulièrement vrai dans le cas de ressources publiques limitées, qui devraient être utilisées de la meilleure façon possible, et alors que les prêts aux gouvernements de pays du Sud contribuent à créer une dette. Ces projets doivent donc être évalués avec précaution, au regard des objectifs de réduction de la pauvreté et de développement durable qui sous-tendent la politique de la BEI hors de l’Europe. La BEI a l’opportunité d’éviter les erreurs commises par la Banque mondiale (une institution jumelle), dont les projets et politiques controversés dans les pays du Sud ont entraîné l’indignation et des protestations à l’échelle mondiale. Alors que la BEI s’apprête à réviser ses mandats en matière de financements extra-européens (son mandat actuel expirant en 2007), ce rapport met en lumière les graves erreurs qui peuvent être évitées dans le futur, ainsi que les démarches dans lesquelles la BEI peut s’engager pour agir plus efficacement.
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© janneke bruil
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LA BEI HORS DE L’EUROPE : CADRES POLITIQUES ET JURIDIQUES
INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LA BEI Fondée en 1958 et dépendant des Etats membres de l’Union européenne, la Banque européenne d’investissement est une des plus grandes institutions financières internationales. Avec un budget actuel de 45 milliards d’euros par an, elle engage quasiment le double des investissements financiers engagés par la (beaucoup mieux connue) Banque mondiale. La BEI a été originellement créée dans le but de financer les infrastructures nécessaires pour relier les économies des Etats membres de l’Union européenne, et pour faciliter les investissements dans ses zones les moins développées. Son budget, sa mission et son champ d’action ont depuis considérablement évolué, avec 3,5 milliards d’euros investis hors de l’UE en 2004 (soit 7% de son budget total).
Les organes directeurs de la BEI comprennent : Le Conseil des gouverneurs : composé de ministres des 25 Etats membres de l’UE, qui décident de l’axe de développement général de la BEI et mandatent ses activités. Le Conseil d’administration : composé de 26 directeurs (un par Etat membre et un représentant de la Commission européenne), et d’un grand nombre de directeurs adjoints et de conseillers (suppléants). Le mandat du Conseil inclue le respect par la BEI des traités européens, de ses statuts, et des directives données par le Conseil des gouverneurs. Il a donc un rôle crucial en matière d’approbation des projets. Cependant, au contraire des organes décisionnaires équivalents dans les autres IFI, ce Conseil est non-résident, nonpermanent, et ne se réunit que dix fois par an. Le Comité de direction : c’est l’organe exécutif permanent de la BEI, qui gère les affaires courantes sous l’autorité du Président (actuellement M. Philippe Maystadt). Le Président et huit Vice-présidents jouent ont un rôle extrêmement important au sein de la BEI puisqu’ils conseillent les directeurs, y compris en ce qui concerne l’approbation et l’évaluation des projets et des politiques.
L’article 21 des statuts de la BEI précise que « lorsque les demandes de financement passent par l’intermédiaire d’un Etat membre, elles doivent être soumises à la Commission européenne pour avis »8 , avant que le Conseil d’administration de la BEI n’approuve un prêt. Cet article limite le rôle de la Commission européenne à ne faire part de son opinion que dans le cas d’un projet individuel (procédure également appelée « consultation interne »9). Le reste de la coopération entre la BEI et la Commission apparaît comme très informelle, dans le cadre de protocoles d’accord et avec une coordination assez faible au niveau politique. Les responsabilités institutionnelles sont laissées à l’interprétation de la BEI et de la Communauté10. Alors que, d’une façon générale, le Parlement européen n’a aucun pouvoir institutionnel formel pour contraindre la BEI à rendre des comptes sur ses projets et ses politiques, les membres du Comité de gestion de la BEI sont occasionnellement invités à assister aux réunions de divers comités parlementaires, à savoir le Comité des Affaires Economiques, Financières et Monétaires (CAEFM) et le Comité pour le Développement. Le CAEFM a été autorisé durant les cinq dernières années à faire un rapport sur la BEI, conformément à l’article 163 du règlement du Parlement européen.
Exposition de rue d’affiches pour la réforme de la BEI (Luxembourg, 2005) © CEE Bankwatch Network.
Les financements de la BEI sont répartis dans divers secteurs dont l’énergie, l’agriculture, l’eau, les transports et les projets industriels, et de façon croissante au bénéfice du secteur privé. La BEI cofinance souvent des projets avec d’autres institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Ces dernières années, la BEI a financé de grands projets en dehors de l’Union européenne, avec des impacts économiques, environnementaux, sociaux et politiques très négatifs. Certains sont décrits dans ce rapport. LE CADRE JURIDIQUE Depuis sa création en 1958 (Traité de Rome), les opérations de la BEI se sont développées et incluent désormais des investissements dans des régions situées en dehors de l’Union européenne. C’est au début des années 1960 que la BEI a commencé à être impliquée en Afrique, puis en 1993 en Amérique latine et en Asie. Bien que, du fait de son statut11, elle ait toujours eu le droit d’accorder des financements extra-européens, l’expansion récente de ses activités est le résultat des décisions politiques du Conseil de l’Union européenne, qui décide des mandats accordés à la BEI (cf. tableau 1 en annexe). AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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THE EIB OUTSIDE EUROPE: LEGAL AND POLICY FRAMEWORKS Ces derniers sont basés sur les cadres de coopération établis entre l’UE et les Etats nonmembres. En Afrique, aux Caraïbes et dans la zone Pacifique (ACP), la BEI octroie des prêts dans le cadre des accords UE-ACP (antérieurement appelés Accord de Yaoundé, de Lomé, et désormais de Cotonou). En Asie et en Amérique latine (pays AAL), elle agit grâce à des mandats du Conseil européen qui sont intégrés à la politique de coopération de l’UE avec ces pays. En République Sud-Africaine (devenue un membre associé des accords UE-ACP en 1998), elle alloue des financements dans le cadre d’un accord bilatéral spécifique. Ces cadres font partie des politiques de l’UE en matière de coopération et de développement, qui sont concrètement appliquées par le biais des Documents Stratégiques Pays (Country Strategy Papers) préparés conjointement par la Commission et les pays emprunteurs. Le Traité constitutionnel européen de 1958 stipule que la BEI devra contribuer à la “mise en oeuvre de politiques de coopération pour le développement, par des programmes de coopération multiannuels avec des pays en voie de développement, ou des programmes thématiques »12. Cependant, bien que les objectifs de développement soient, à des degrés divers, intégrés aux cadres de la coopération à l’échelle régionale, le Conseil européen a jusqu’ici failli à la mise en place d’un mandat global de la BEI pour le développement. Depuis les années 1990, diverses décisions du Conseil européen13 ont donné mandat à la BEI pour investir une certaine partie de ses ressources propres dans les régions extra-européennes, durant une période délimitée. Le premier mandat a été donné à la BEI en 1997, et le mandat actuel, daté de 2000, couvre les activités de la BEI en dehors de l’Europe jusqu’en 2007. Dans les pays d’Asie et d’Amérique latine, le Conseil a autorisé la BEI a investir jusqu’à 4,405 millions d’euros14 sur ses ressources propres. De plus, les projets financés sur les ressources propres de la BEI dans ces régions ont été garantis contre les risques commerciaux15 par le budget de la Commission européenne, à travers un fonds de garantie créé à cet effet16. Cela assure une garantie financière des investissements de la BEI en Asie et en Amérique latine. Le Conseil européen, au nom de la Commission, a également autorisé la BEI à gérer directement des ressources budgétaires de la Communauté européenne. Cela a été le cas pour un certain nombre de programmes, en particulier dans les pays d’Afrique et de la région méditerranéenne.
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LE CADRE POLITIQUE Bien que la BEI, en tant qu’institution publique, assure être guidée par les objectifs et les directives politiques de l’Union européenne, il n’y a aucun mécanisme en place qui permette réellement d’évaluer la cohérence de ses activités avec les politiques de l’UE, aussi bien avant qu’après l’approbation d’un prêt. De plus, il existe de nombreux cas où les politiques européennes sont insuffisantes (notamment en ce qui concerne les questions de déplacements forcés ou de peuples indigènes). Or, la BEI n’a pas de politique environnementale ou sociale interne qui permette de compenser cette lacune. Alors que la BEI déclare se conformer aux politiques de la Banque mondiale et d’autres institutions financières internationales dans les cas où celles de l’UE ne sont pas adéquates, aucun mécanisme ou expertise interne n’existe en son sein pour assurer la bonne application de ces politiques. De plus, au contraire de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement, la BEI n’a pas de mécanisme indépendant permettant aux populations affectées de façon négative par ses projets hors Europe de déposer une plainte. Dans sa « Déclaration relative aux questions sociales » de 2004, la BEI déclarait que « les questions relatives aux pratiques discriminatoires (y compris en matière d’égalité des sexes), aux peuples indigènes, aux déplacements involontaires et aux territoires contestés sont prises en compte par la BEI dans le respect des normes et des pratiques recommandées dans les politiques de sauvegarde de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement (BAD) et de la Banque africaine de développement (BafD) »17. En ne disposant pas de ses propres procédures, d’une expertise indépendante et d’une capacité à évaluer minutieusement les projets en interne, la BEI accroît les risques d’impacts négatifs causés par ses financements. Les projets financés par la BEI sont censés “… être conformes aux politiques et aux normes de l’UE, prendre en compte les conditions et les lois locales, être conformes à la directive européenne sur l’étude des impacts environnementaux, adopter les « meilleures techniques disponibles », respecter des bonnes pratiques de gestion environnementale durant la mise en place et le déroulement du projet ; adhérer aux bonnes pratiques environnementales au niveau
international »18. De plus, la Commission européenne vérifie chaque année la conformité des activités extra-européennes de la BEI avec les politiques et les règles de l’UE, dans le cadre des mandats du Conseil19. Les études de cas dans ce rapport montrent pourtant clairement que les normes de l’UE ne sont en réalité pas respectées, et que les meilleures pratiques ne sont pas suivies. Dans sa « Déclaration relative aux questions sociales » de 2004, la BEI nous apprend qu’elle “ne finance pas de projets susceptibles d’avoir des impacts négatifs importants sur les plans environnementaux ou sociaux, et prend en compte les questions sociales dans le financement »20. Cependant, il n’y a aucun mécanisme d’évaluation en place pour anticiper les impacts environnementaux et sociaux ; le principal indicateur utilisé par la BEI pour évaluer un projet est le taux de retour sur investissement. Qui plus est, la documentation générale relative à l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux, aux prévisions de réduction de la pauvreté, ou à d’autres outils identifiés dans la « Déclaration relative aux questions sociales » de la BEI, n’a pas été fournie aux ONG locales ou internationales, ni aux populations civiles concernées. Le département d’évaluation des opérations de la BEI n’analyse qu’une fraction des projets financés, et ne permet pas l’accès à des informations ponctuelles. Bien que la BEI soit contrainte par son mandat21 à prendre en compte les questions sociales dans ses financements, ce n’est qu’en mars 2005 que le « Cadre d’évaluation des impacts de la Facilité d’investissement en termes de développement»22 a défini les principes importants pour les financements de la BEI en Afrique23. La mise en pratique de ces nouvelles règles est malheureusement encore attendue.
montre de quelle manière la banque privilégie les intérêts de ses clients par rapport à ceux des populations affectées. Cette approche dénigre également le principe fondamental du « droit de savoir » des citoyens. Sans un accès en temps voulu aux informations relatives aux projets financés, il est impossible pour les communautés affectées et les ONG concernées d’être consultées de façon adéquate. Ce manque de transparence, et le manque de participation du public qui en résulte, a eu pour résultat un retard important de la BEI par rapport aux autres institutions financières, et une indifférence aux populations affectées par ses projets.
Enfants indonésiens © Janneke Bruil.
En 2005, la BEI a engagé une révision de sa politique en matière d’information, en menant sa première consultation publique. Il existe également un débat pour savoir si la BEI va se conformer à la Convention d’Aarhus sur l’accès aux informations environnementales, la participation citoyenne et la justice. Les résultats de ces deux processus sont encore attendus.
Bien que la BEI soit une institution publique de l’Union européenne, elle reste l’une des moins transparentes. Elle n’autorise pas le public à accéder aux informations importantes relatives aux projets (y compris sur son intention de financer ou non un projet, les évaluations environnementales et sociales, et les mesures qu’elle compte prendre pour réduire les impacts environnementaux et sociaux négatifs). Le fait que les emprunteurs privés ou publics de la BEI puissent décider si les informations relatives à un projet peuvent ou non être rendues publiques Personnes qui seront affectées par le barrage de Nam Theun 2 . © Sebastian Godinot. AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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La BEI opère dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dans le cadre de la stratégie européenne de l’Accord de Cotonou24, dont l’objectif principal est l’éradication de la pauvreté et la promotion du développement durable. La BEI étant légalement tenue de respecter ces priorités pour ses financements à ces pays, c’est dans cet esprit qu’elle a été mandatée par l’UE pour gérer le Fonds européen de développement (FED), dont le montant conséquent s’élevait à 13,5 milliards d’euros en 2004 (cf. tableau 2 en annexe). Ce fonds est l’outil de coopération financière pour l’application des accords UE-ACP. La BEI l’administre soit de façon directe, soit par le biais d’opérations de capital-risque (prêts concessionnels aux conditions spéciales) et de prêts à taux d'intérêts bonifiés25.
EN AFRIQUE, UN SOUTIEN PRIORITAIRE AUX SECTEURS DU PÉTROLE, DES MINES ET DU GAZ IDans 30 des 75 pays ACP où la BEI a été active durant les 10 dernières années, elle n’a financé aucun des secteurs prioritaires définis alors que, dans de nombreux cas, les priorités locales établies par l’Union européenne et le pays emprunteur étaient le renforcement des capacités institutionnelles et la cohésion sociale. L’intérêt de la BEI pour les pays ACP a été principalement motivé par le développement des industries commerciales, telles que l’extraction de ressources fossiles. Les priorités de l’Union européenne et les financements de la BEI en Zambie26 Le rôle de la BEI en Zambie est un exemple parfait de l’incohérence entre ses activités et la politique de coopération de l’UE avec les pays ACP. En Zambie, le développement des transports et des capacités institutionnelles ont été identifiés comme les priorités de l’UE en matière de coopération au développement pour la période 2001-200727, formalisées dans le Document Stratégique Pays. Mais, plutôt que d’orienter les financements vers l’atteinte de ces objectifs, la majorité des financements de la BEI depuis 2000 (environ 63 millions d’euros) a été consacrée au secteur des industries extractives. Les activités locales de la BEI ont concerné la construction et la mise à niveau des équipements énergétiques (construction d’un oléoduc et d’une raffinerie de pétrole, rénovation d’équipements hydroélectriques), le développement des mines de cuivre (voir l’étude de cas), et la modernisation d’usines de transformation pour le maïs et le coton. Aucun des prêts accordés n’a, jusqu’à présent, pris en compte le développement des transports, des infrastructures, ou des institutions. Alors que la Commission européenne a déboursé 1,1 milliard d’euros sous la forme d’une « assistance au développement » à la Zambie depuis 1975, et que la BEI est censée contribuer à ce financement, le manque de cohérence est évident.
Durant les 10 dernières années, les industries extractives ont figuré parmi les secteurs les plus financés par la Banque européenne d’investissement dans les pays ACP (cf. tableau 3 en annexe), avec 16% (soit 772 millions d’euros) du montant total des financements dans la région (4,594 milliards d’euros). La plupart des projets financés dans le domaine de l’extraction étaient de grande échelle et à gros capital, notamment dans le secteur minier
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(7% du total), principalement en Zambie (voir l’étude de cas), au Mozambique, en Mauritanie et en Ouganda. En Afrique, c’est le Mozambique qui a reçu le plus de financements (317 millions d’euros), suivi par le Kenya et la Zambie (cf. tableau 4 en annexe). La mise en place de la nouvelle Facilité d’investissement de Cotonou (cf. encart page 11) pourrait conduire à une nouvelle augmentation des financements dans ce secteur. GRAPHIQUE 1: Total des financements ACP par secteur (1994 - 2004)* tourisme 1.5% communication 5%
agriculture 1.5%
eau 5%
transports 12%
prêts globaux 32%
industrie 15%
energie 27% l’extraction minière 7% autres 11%
pétrole 4%
gas naturelle 5%
*Source: l'impact sur le développement des opérations de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du Cotonou et ALA. (Numéro de projet EP/ExPol/B/2004/09/06).
Les secteurs traditionnellement utiles en termes de réduction de la pauvreté en Afrique, tels que l’agriculture et l’agroalimentaire, n’ont reçu qu’un faible soutien financier de la BEI dans les pays ACP durant les 10 dernières années, avec respectivement 1,5% et 3% du total (cf. tableau 3 en annexe). Il est alarmant que les projets dans ces deux derniers secteurs n’aient concerné que des produits destinés à une production industrielle d’exportation (comme le sucre, les crevettes d’aquaculture ou les plantations bananières), dont les retombées pour les populations locales sont loin d’être démontrés.
La nouvelle Facilité d’investissement de Cotonou La Facilité d’investissement (FI) de la BEI a débuté en juin 2003, dans le but d’accroître les investissements européens dans les pays ACP. Une attention particulière a été accordée au soutien du secteur privé, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). Il est prévu que la FI permette de mobiliser 2,2 milliards d’euros sur les fonds budgétaires européens entre 2003 et 2008, par le biais du Fonds européen de développement et sous la responsabilité de la BEI. La BEI est censée mettre simultanément à disposition 1,7 milliard d’euros sur ses ressources propres. En 2004, la FI a bénéficié de presque 70% du budget de 500 millions d’euros destiné aux pays ACP et à l’Afrique du Sud28. Ses premiers financements ont été accordés à de grandes entreprises européennes ou locales. C’est le cas du récent prêt pour la mine de cuivre de Kansanshi en Zambie (voir l’étude de cas p. 14), et d’un autre prêt de 40 millions d’euros pour la mine de titane de Moma en Mozambique.
Selon la Revue des Industries Extractives de 200329 (RIE), les 20 années de financement du secteur des industries extractives par la Banque mondiale n’ont eu aucun effet positif en termes de réduction de la pauvreté et de promotion du développement durable dans les pays du Sud riches en combustibles fossiles et en minerais. L’étude préconise que le soutien de la Banque mondiale à des projets pétroliers et de charbon soit progressivement arrêté d’ici 2008, et que les conditions de financement des futurs projets dans l’industrie extractive incluent entre autres le respect des droits humains, un consentement libre, éclairé et préalable, la transparence des revenus, et le respect des zones protégées dans les régions à forte biodiversité ou ayant une valeur spirituelle particulière. En mars 2004, le Parlement européen a adopté une résolution appelant la BEI à se conformer aux conclusions de la Revue des Industries Extractives30. La BEI, qui n’a pas encore mis en pratique ces recommandations, est même aujourd’hui en cours de réflexion pour le financement d’un projet en Afrique de l’Ouest qui va clairement à l’encontre de la RIE. Le gazoduc ouest-africain (GAO), qui part du Nigeria et traverse le Bénin et le Togo pour délivrer du gaz aux industries du Ghana, est déjà l’objet d’une controverse dans la région31. Les promoteurs du projet assurent que le GAO permettra de diminuer le dangereux torchage du
gaz au Nigeria, sans qu’aucune preuve n’en ait encore été apportée. Les nouvelles lois nigérianes interdisent de toute façon le torchage, et la Haute Cour fédérale a déclaré en novembre 2005 que toute poursuite de cette activité était illégale. Plus généralement, il y a des raisons de craindre que le projet exacerbe les conflits dans le delta du Niger liés au partage du pétrole et du gaz. De plus, le gaz délivré au Ghana grâce au GAO sera utilisé pour soutenir des industries qui ne satisfont pas aux besoins énergétiques de la population locale (telle que l’extraction de l’or), et qui ne sont pas compatibles avec les règles de l’UE en matière d’industrie durable. Le GAO a déjà contredit les recommandations de la RIE en matière de consultation publique, de compensations, de procédures de plainte et de transparence, néglige les normes de l’UE dans ces domaines, et n’apporte clairement aucun avantage aux communautés affectées.
Delta du Niger, 2004 © Elaine Gilligan.
Durant les 10 dernières années, les financements liés l’approvisionnement en eau et à l’assainissement (un secteur potentiellement bénéfique en termes de réduction de la pauvreté) n’ont représenté que 5% du total des financements de la BEI dans les pays ACP32 (principalement au Swaziland, au Burkina Faso et au Sénégal), les projets d’eau potable ne représentant qu’1% du total (cf. tableau 3 en annexe). Cependant, ce montant est censé augmenter en Afrique à partir de 2005, dans le cadre de la nouvelle « Facilité pour le secteur de l’eau » entre l’UE et les pays ACP. Dans le même temps, cette Facilité, couplée à la Facilité d’investissement de Cotonou, amènera une concentration quasi-exclusive des prêts de la BEI vers le secteur privé dans les pays ACP. A titre d’exemple, pratiquement 80 % des financements de la BEI dans la zone ACP et en Afrique du Sud ont bénéficié au secteur privé ou au secteur public commercial durant le premier trimestre 2004, souvent pour soutenir le secteur énergétique et promouvoir la privatisation des infrastructures d’eau. Bien que la BEI ait partiellement reconnu que le modèle des partenariats public-privé avait subi des échecs33, elle n’a pas changé ses habitudes de financement dans ce secteur. Dans le cadre de la nouvelle Facilité d’investissement, les projets dans le domaine de l’eau seront principalement orientés vers le secteur privé plutôt que vers les compagnies publiques, et ne proposeront plus de taux d'intérêts bonifiés.
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EN AFRIQUE, UN SOUTIEN PRIORITAIRE AUX SECTEURS DU PÉTROLE, DES MINES ET DU GAZ Durant les 10 dernières années, les prêts globaux (prêts à des intermédiaires financiers) ont constitué 32% du total des financements de la BEI aux pays ACP. Aucune donnée sur les bénéficiaires finaux de ces prêts n’ayant été fournie par la BEI ou les intermédiaires, une analyse détaillée est donc impossible. L’histoire du secteur pétrolier en Afrique de l’Ouest a engendré la corruption, des conflits armés, des violations des droits de l’homme, et des dégradations environnementales. La dépendance excessive vis-à-vis des capitaux étrangers, liée aux activités dans le domaine extractif, est un problème majeur. Il doit être pris en compte dès qu’est envisagé un soutien financier en Afrique destiné à réduire la pauvreté ou la dette extérieure. Dans le cadre de l’Accord de Cotonou, la BEI a la possibilité de prêter à des pays ACP, et d’être remboursée en monnaie locale. Si cela peut aider à protéger les pays d’une crise financière due à une dépendance démesurée vis-à-vis des devises étrangères, les cas étudiés dans ce rapport montrent malheureusement que ce système n’a pas été favorisé par la BEI. Malgré des appels internationaux à respecter les Objectifs du Millénaire pour le Développement, l’allocation d’une partie des dépenses bilatérales aux besoins de base (tels que l’accès à l’eau et à l’assainissement, la santé et l’éducation) n’a été approuvée ni au Tchad, ni au Cameroun, ni en Zambie. Le cas des financements de la BEI est similaire : entre 1994 et 2004, la banque a alloué un total de 205,7 millions d’euros à la Zambie, dont plus de la moitié pour les secteurs de l’énergie à grande échelle et l’industrie minière (cf. l’étude de cas en Zambie p. 14). Les mines de Mkubwa, Kansanshi et Mopani sont des exemples clairs du manque de cohérence avec les meilleures pratiques internationales, y compris les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales34.
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Dans les cas de l’oléoduc Tchad-Cameroun et des mines en Zambie, la BEI n’a mis en place aucun organe indépendant de suivi. Avec un total de 144 millions d’euros, le projet Tchad-Cameroun est le plus grand projet financé par la BEI dans les pays ACP (cf. l’étude de cas Tchad-Cameroun p. 16). Il représente en réalité 4% du total des dépenses de la BEI dans la zone ACP durant ces 10 dernières années. Ce cas illustre clairement l’échec de la banque à assurer la cohérence de ses financements avec ses objectifs affichés de réduction de la pauvreté et de promotion du développement durable. Le manque de suivi réel et d’évaluation, ainsi que les problèmes du projet en matière de santé publique, d’environnement et de droits des peuples indigènes, exigent une attention urgente de la part de la BEI. Si la BEI déclare que les évaluations environnementales des projets incluent une analyse de leurs effets attendus en termes de réduction de la pauvreté35, dans le cas de l’oléoduc Tchad-Cameroun, elle n’a fourni aucune information permettant de vérifier qu’une évaluation a bien été menée. Il est également clair que les activités minières en Zambie n’ont aucun impact bénéfique localement. Ces études de cas amènent à la conclusion qu’aucun de ces projets n’a jamais eu d’effets positifs en termes de développement. Sans preuve concrète du contraire, il ne peut être soutenu que les financements de la BEI en Zambie, au Tchad et au Cameroun ont contribué à atteindre les objectifs de l’UE en matière de réduction de la pauvreté et de développement durable. Il est donc urgent pour la Commission européenne et le Parlement européen de contrôler plus strictement les activités de la BEI dans ces pays, et d’en assurer la cohérence avec les objectifs d’un développement sur le long terme.
La stratégie de la BEI dans le domaine des énergies renouvelables : la polémique concernant la prise en compte des grands barrages Au Sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, la BEI a déclaré que les objectifs de l’Union européenne en matière de changement climatique seraient intégrés à ses politiques, et mis en pratique. Elle a par la suite défini comme objectif que 50 % des ses financements énergétiques européens seraient orientés vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique d’ici 201036. Bien que cet engagement ne concernait que l’Europe et les pays candidats à l’adhésion, il est intéressant de noter qu’un seul projet d’énergies renouvelables a été financé en Afrique durant les 10 dernières années, à savoir une centrale géothermique (et les lignes et relais électriques associés) à Nairobi. Bien que la BEI déclare avoir financé 24 projets d’énergies renouvelables hors de l’Europe durant les 10 dernières années37, cela fait principalement référence à la construction , l’agrandissement et la rénovation de grands barrages, très controversés pour leur non-conformité avec les recommandations de la Commission Mondiale des Barrages, qui de ce fait ne sont généralement pas considérés comme produisant une énergie « renouvelable » durable38. Le total des financements de grands barrages en Afrique représente 8% des prêts aux pays ACP ces 10 dernières années (voir tableau 3 en annexe).
Les grands barrages hydrauliques financés en Afrique depuis les années 1960 comprennent le Lesotho Highlands Water Project (barrage de Muela en 1994 et 1998), les usines de Kariba North et des chutes Victoria en Zambie (1998), ainsi que des barrages au Mali (équipements électromécaniques pour le barrage de Manantali en 1998), au Ghana (réhabilitation du barrage d’Akosombo en 1990), en Tanzanie (barrage de Kihansi en 1994) et en Afrique du Sud (barrage de Berg en 2004). En 1998, la BEI a octroyé un prêt de plus de 20 millions d’euros pour l’usine hydroélectrique des chutes Victoria en Zambie. Le projet était destiné à remettre à niveau les équipements, et à améliorer la qualité de l’usine. Cependant, une évaluation menée par l’ONG zambienne Citizens for a Better Environment39 démontre que ce projet présente maintenant des problèmes environnementaux importants. Des polycarbonates (PCB), des huiles contaminées, ainsi que des équipements remplacés grâce aux financements de la BEI, ont été débarrassés sans que leur destination finale ne soit prévue, et sans aucune méthode de suivi continu par la BEI ou la Commission européenne. Ce comportement viole le principe de précaution qui est énoncé dans le Traité de la Communauté européenne (article 174), ainsi que les principes selon lesquels des actions préventives doivent être prises et les dommages environnementaux réparés à la source aux frais du pollueur. La BEI a promis de respecter ce principe dans sa Déclaration sur l’environnement de 2004, mais ne l’a pas mis en pratique.
Fuite de pétrole sur une exploitation Shell (Rukpoku, Nigeria) © Elaine Gilligan.
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EN AFRIQUE, UN SOUTIEN PRIORITAIRE AUX SECTEURS DU PÉTROLE, DES MINES ET DU GAZ
L’EXTRACTION MINIÈRE EN
ZAMBIE
ETUDE DE CAS PAR PETER SINKAMBA (CITIZENS FOR A BETTER ENVIRONMENT, ZAMBIE)
A gauche : Enfants zambiens en train de jouer dans la rivière Munkulungwe. La couleur bleu-vert est due à une forte concentration en cuivre du fait de la pollution par la mine de Bwana Mkubwa, financée par la BEI. Ci-dessus : un canal d’évacuation de l’usine de Mufurila, à la mine de cuivre de Mopani. Les familles du village de Kankoyo dépendent de cette contaminée pour leur vie quotidienne. © Woody Simbeye et Peter Sinkamba.
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La mine de Bwana Mkubwa, située sur la « ceinture de cuivre » de la Zambie, est gérée par la compagnie australocanadienne First Quantum. Dans le cadre de la Convention de Lomé, la BEI a accordé un prêt de 14 millions d’euros en août 2002 à Bwana Mkubwa Mining Ltd, afin d’agrandir une usine de production de cuivre déjà existante. Une autre somme de 34 millions d’euros a été empruntée dans le cadre de la Facilité d'investissement (FI) de l'Accord de Cotonou pour la mine de cuivre de Kansanshi dans la Province du Nord-ouest, également gérée par First Quantum, et où il est prévu de démarrer une mine à ciel ouvert. Les fonds alloués à la mine de Mopani ont financé la reconstruction et la modernisation de la fonderie, ainsi que la rénovation des mêmes infrastructures à la mine de Mufurila, sur la ceinture de cuivre. La mine de cuivre de Mopani est gérée en partenariat entre Glencore (Suisse) et, de nouveau, First Quantum. La BEI l’a financée en 2005 à hauteur de 50 millions d’euros.
PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES Les normes de l’Union européenne ainsi que la législation zambienne exigent une étude d’impact environnemental (EIE) pour tout projet minier. Pourtant, dans le cas de la mine de Bwana Mkubwa, aucune étude n’a été effectuée avant l’accord de la BEI. Ce n’est qu’en février 2004 qu’un plan de gestion environnementale a été mis en place et approuvé, soit presque deux ans après le versement des fonds. Les substances acides, les méthodes d’extraction électrique et les lessiveuses de minerai de la mine de Bwana Mkubwa ont causé une pollution majeure de l’air et de l’eau au niveau local. La contamination de la rivière Munkulungwe par les lixiviats a eu des conséquences significatives pour les communautés agricoles de Munkulungwe et Mutalula, alors que les activités polluantes sont une infraction à la législation zambienne40. Les récoltes ont chuté et la population locale subit la dégradation de son environnement et des infrastructures, notamment des routes et d’un pont. La communauté concernée a intenté un procès à la compagnie gestionnaire de la mine de Bwana Mkubwa ; la procédure est en cours. En 2005, des opérations de lessivage in-situ à la mine de Mufurila ont pollué les nappes d’eau souterraines, ce qui a entraîné la coupure du réseau d’eau domestique. Certaines communautés locales ont ainsi passé plusieurs semaines sans eau aux robinets.
Un canal d’évacuation de l’usine de Mufurila, aux mines de cuivre de Mopani. Les familles du village de Kankoyo dépendent de cette eau polluée pour leur vie quotidienne domestique. La couleur bleu-vert est due au sulphate de cuivre, ce qui indique que l’eau contient de grosses quantités de cuivre. © Woody Simbeye et Peter Sinkamba.
ACCÈS À L’INFORMATION L’accès des ONG locales (même celles soutenues par le Parlement européen) à la documentation sur les projets financés par la BEI a été restreint du fait de la lourdeur de la bureaucratie zambienne, ainsi que des restrictions imposées par la BEI pour répondre aux questions et rendre publiques les informations pour les mines de cuivre de Mkubwa et de Kansanshi. De ce fait, ces projets miniers n’ont pu être correctement évalués dans le cadre du rapport pour le Parlement européen. CONCLUSION Il y a peu d’éléments prouvant que les financements de la BEI en Zambie ont contribué positivement aux objectifs sanitaires (notamment la lutte contre le VIH) ou au développement de l’éducation, comme mis en avant dans le Document Stratégique Pays (Country Strategic Paper). Il n’y a pas eu de développement local, et les rares effets positifs ont été largement annulés par les négatifs. Les porteurs des projets ont en particulier échoué dans la mise en place de fonds de partage des bénéfices pour les communautés, ou toute autre mesure qui permettrait aux populations locales de bénéficier directement et significativement des retombées des projets. Qui plus est, l’accent n’a pas été mis sur la promotion des énergies renouvelables. Les activités de financements de la BEI dans le secteur minier en Zambie servent l’intérêt du secteur commercial, mais négligent les intérêts de la population dans son ensemble. Du fait de l’absence d’objectifs environnementaux, sociaux et économiques clairs, d’indicateurs fiables et transparents et de mesures de suivi et d’évaluation des projets financés par la BEI, il est à craindre que les objectifs de réduction de la pauvreté et de développement durable restent très difficiles à atteindre.
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LE PROJET D’OLÉODUC
TCHADCAMEROUN ETUDE DE CAS PAR KORINNA HORTA (ENVIRONNEMENTAL DEFENSE)
Enfants pygmées, Cameroun. © Frédéric Castell.
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Le projet d’oléoduc reliant le sud du Tchad à la côte atlantique du Cameroun, sur une longueur de 1070 km, constitue le plus gros investissement international jamais réalisé en Afrique à ce jour. Bien que sa construction ait été achevée plus d’un an avant la date prévue, le retard important pris dans la mise en place des mesures de réduction des impacts sociaux et environnementaux menace de nuire aux objectifs du projet en termes de réduction de la pauvreté. Les services de la Banque mondiale responsables de l’évaluation des projets41 et le Panel d’inspection ont signalé de nombreux problèmes liés au projet, ainsi que des cas sérieux de violations des Politiques de la Banque (notamment en ce qui concerne l’étude des impacts environnementaux et la santé publique).
Enfants pygmées, Cameroun. © Frédéric Castell.
RÔLE DE LA BEI ET DES AUTRES PARTENAIRES FINANCIERS La participation de la Banque mondiale au projet était la condition sine qua non pour que le consortium Exxon-Mobil s’engage dans ce projet, d’un montant total de 3,7 milliards de dollars. La BEI a également accordé des prêts en 2001 à Chevron (34 millions) et à Exxon (54 millions), en plus de ceux accordés aux gouvernements du Tchad et du Cameroun (respectivement 35,7 millions d’euros et 20,3 millions d’euros). THE PROMISE La Banque mondiale s’est engagée à ce que le projet Tchad-Cameroun soit basé sur une politique inédite de redistribution des bénéfices du pétrole aux populations pauvres42. La BEI a également déclaré que le projet permettrait la réduction de la pauvreté et le développement économique dans les deux pays43.
annoncé en octobre 2005 une modification substantielle de la législation afin de permettre les dépenses liées à la sécurité. Le fonds d’épargne pour les générations futures qui avait été mis en place en prévision de l’épuisement des réserves de pétrole a également été annulé46. SANTÉ PUBLIQUE De mauvaises conditions sanitaires, des migrations de plus en plus importantes des travailleurs, ainsi que le développement de la prostitution ont conduit au développement des épidémies, dont le VIH et le sida. Il est particulièrement dérangeant de constater que le projet n’a pas mieux pris en compte la dimension sanitaire, quant on connaît l’ampleur des problèmes posés par ces deux dernières épidémies en Afrique, et alors qu’on connaît leur corrélation avec les grands projets d’infrastructure. L’ENVIRONNEMENT
PARTAGE DES BÉNÉFICES ET BONNE GOUVERNANCE Selon le rapport annuel-pays sur les droits humains du Département d’Etat américain et l’indice de perception de la corruption de Transparency International, le Tchad et le Cameroun sont tous deux des régimes dictatoriaux réputés pour le non-respect des droits de l’homme et la corruption. Il est pourtant prévu que le projet génère entre 2 et 3 milliards de dollars pour le Tchad durant ses 28 années de fonctionnement, et 550 millions pour le Cameroun. La situation est devenue gênante en janvier 2001, lorsque le fait que le Tchad avait utilisé une partie des 25 millions de dollars versés par le consortium pétrolier (au titre d’un bonus) pour acheter des armes a été rendu public. Le Tchad aussi bien que le Cameroun ont occupé durant de nombreuses années la tête du classement des indices de corruption de Transparency International44. Les banques n’ont pourtant pas exigé d’engagements en matière de transparence de la gestion des revenus au Cameroun. Dans le cas du Tchad, la Banque mondiale a exigé l’adoption d’une loi sur la gestion des revenus, ainsi que la mise en place d’un comité de surveillance chargé d’autoriser les dépenses45. Mais ce système censé assurer une gestion transparente fait désormais partie du passé, le gouvernement tchadien ayant en effet
Les impacts actuels de l’oléoduc sur la biodiversité et la vie sauvage ont de quoi faire penser que les aspects environnementaux n’ont pas été bien suffisamment pris en compte. Les études de la Banque mondiale montrent que le projet a facilité l’accès à des zones isolées, ce qui constitue une menace sérieuse pour les gorilles et les chimpanzés en voie de disparition. Les partenaires ont cherché à compenser les atteintes à la biodiversité le long de l’oléoduc en mettant en place deux zones protégées, à savoir les parcs nationaux de Campo Ma’an et de Mbam-Djerem. Mais les financements nécessaires à leur gestion n’ont pas été versés, et leur utilité est désormais remise en question. Les éventuelles fuites de pétrole ainsi que le traitement des effluents au terminal de dépôt menacent la vie marine et la pêche, alors que les communautés du littoral n’ont pas été correctement informées de la conduite à tenir en cas d’urgence. Une pollution importante par la poussière s’ajoute encore aux problèmes sanitaires, tandis que la mauvaise gestion des déchets pétroliers et des liquides de forage menacent les réserves d’eau souterraines dans la région d’extraction.
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EN AFRIQUE, UN SOUTIEN PRIORITAIRE AUX SECTEURS DU PÉTROLE, DES MINES ET DU GAZ
PEUPLES INDIGÈNES
PÉTROLE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL
La BEI n’a aucune politique en matière de protection des peuples indigènes. Dans le cas du Cameroun, les engagements de la Banque mondiale en ce domaine exigent qu’un programme participatif de prise en compte des peuples autochtones soit mis en place. La Banque n’a cependant pas satisfait à ses propres exigences, et le peuple semi-nomade des pygmées Bakola, dont les domaines forestiers traditionnels sont situés dans la partie méridionale de l’oléoduc, n’a pas été consulté. Ce plan de prise en compte des peuples indigènes ne résout donc pas la question primordiale de la sécurité foncière, dont dépend la survie des Bakola. En outre, rien n’indique que la BEI a pris des mesures pour remédier à ce problème.
Un plan de développement régional était censé prendre en compte les questions de la santé, de l’énergie, du logement et de l’accès à l’eau dans le sud du Tchad. Pourtant, cinq ans après l’approbation du projet, ce plan n’a toujours pas abouti. Les problèmes causés (dont une crise sanitaire majeure) n’ont par conséquent toujours pas été résolus.
PARTICIPATION DU PUBLIC Le Panel d’inspection de la Banque mondiale a conclu qu’une « consultation réelle est impossible si ceux qui sont consultés considèrent qu’ils pourraient être pénalisés en exprimant leur opposition ou leurs opinions sur un projet financé par la Banque »47. Selon Amnesty International, les forces de sécurité tchadiennes ont commis des massacres d’ampleur de civils désarmés dans la région d’extraction pétrolière à la fin des années 1990, durant la phase de préparation intensive du projet48. Les intimidations et les menaces envers les villageois sont restées fréquentes depuis. Comme expliqué ci-dessus, une consultation réelle n’est donc pas possible dans de telles conditions. La BEI déclare pourtant que « la mise en place de compensations a été l’objet d’intenses discussions au niveau local et régional, notamment avec les ONG nationales et internationales »49.
Habitation pygmée, Cameroun © Frédéric Castell.
CONCLUSION En plus de la pression exercée par la société civile sur les deux gouvernements pour que les revenus du pétrole (dans le cas du Tchad) ou le paiement de droits (dans le cas du Cameroun) bénéficient effectivement aux plus pauvres, des mesures doivent être prises au plus vite pour résoudre les problèmes environnementaux et sociaux générés par le projet. La situation sanitaire, le plan de développement régional au Tchad, et le programme pour les peuples indigènes au Cameroun requièrent tous une attention urgente, ainsi que les questions des compensations et des impacts environnementaux, qui restent toujours en suspend. La BEI se contente de s’en remettre aux méthodes de suivi et d’évaluation de la Banque mondiale, qui se sont pourtant révélées inefficaces. Sans action rapide, le projet TchadCameroun ajoutera un chapitre au livre tragique de l’histoire de l’exploitation des ressources naturelles en Afrique. Post-scriptum : la Banque mondiale a suspendu le versement des fonds en janvier 2006 après que le gouvernement tchadien a fait part de son intention d’utiliser les fonds du pétrole pour des achats d’armements, ce qui constitue une violation majeure du contrat et de la Convention de Cotonou. La BEI n’a pas encore réagi.
© CED/ Amis de la Terre Cameroun.
Village pygmée, Cameroun. © Frédéric Castell.
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© Magda Stoczkiewicz
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Le mandat de la BEI en Asie et en Amérique latine (AAL) date de 1993. Jusqu’ici, 65% du montant total attribué par le mandat relatif à la garantie de l’UE a été alloué à des projets en Amérique latine, contre 35% pour l’Asie. En 2004, le total des financements de la BEI pour des projets dans les pays AAL s’est monté à 232,9 millions d’euros, dont plus de la moitié pour trois projets en Amérique latine. Ces derniers étaient concentrés dans des secteurs à haute valeur capitalistique, à savoir une usine d’acier au Brésil, une usine Volkswagen au Mexique, et un pontcanal au Panama.
AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES A ce jour, le seul cadre juridique des objectifs de développement de la BEI dans le cadre du mandat de l’UE en Amérique latine et en Asie consiste à exiger que les prêts soient accordés « dans l’intérêt mutuel de l’UE et du pays emprunteur, ou du pays où le projet doit être réalisé »50. Les cas présentés ci-après, ainsi qu’un aperçu général de tous les prêts de la BEI en Amérique latine ces dix dernières années51, montrent clairement que la BEI a interprété « l’intérêt mutuel » dans le sens de la croissance économique et du développement d’un marché extérieur et d’une zone d’investissement pour les entreprises de l’UE.
GRAPHIQUE 2: Répartition des prêts entre secteur public et privé en Amérique Latine (1994 - 2004)* public 6%
En l’absence d’une définition claire par le Conseil de ce que signifie réellement l’« intérêt mutuel », la BEI a déclaré que l’objectif est atteint lorsque les projets52 :
privé 94%
> Sont conduits par des filiales d’entreprises européennes ; > Sont conduits dans le cadre de partenariats entre des entreprises européennes et locales ; > Sont conduits par des entreprises privées qui ont des concessions pour l’investissement et la gestion des services publics ; > Facilitent le transfert de la technologie européenne ;
*Source: l'impact sur le développement des opérations de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du Cotonou et ALA. (Numéro de projet EP/ExPol/B/2004/09/06).
GRAPHIQUE 3: Financements octroyés par la BEI en Amérique Latine et par secteur (1994 - 2004)*
> Facilitent la mise en valeur des objectifs de l’accord de coopération de l’UE. Cette approche est incompatible avec les priorités officielles de l’UE dans les régions définies par les réglementations du Conseil, et ne dessert pas l’intérêt des plus pauvres53.
transports 3% infrastructures 3%
agriculture 2%
eau 6%
prêts globaux 15%
Des habitants du district d’Izcalli dans la zone centrale d’Ecatapec (Etat de Mexico, Vallée de Cuautitlan-Texcoco) se sont plaints de la dégradation des routes causée par le réseau de gaz naturel construit par l’entreprise Mexigas. © Journal El Universal (Mexique) – Archives photographiques / photographe : Luis Garcia Soto.
industrie 29%
energie 25%
télécommunications 17% *Source: l'impact sur le développement des opérations de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du Cotonou et ALA. (Numéro de projet EP/ExPol/B/2004/09/06).
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AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES Etant donnée l’approche adoptée, on comprend comment le secteur privé a été privilégié par la BEI en Amérique latine, tout comme en Afrique. Plus de 90% des prêts en Amérique latine depuis 1993 ont été accordés à des filiales d’entreprises européennes ou de grosses entreprises multinationales. Gaz de France, Respsol, British Gas et Shell ont ainsi reçu des millions d’euros sous la forme de contrats dans les secteurs du pétrole et du gaz. Les compagnies privées locales ont reçu approximativement 2% des financements de la BEI à des projets individuels en Amérique latine. Durant les 10 dernières années, les « prêts globaux » (prêts à des intermédiaires financiers) ont représenté 14,5 % des financements totaux de la BEI aux pays AAL. De même qu’en Afrique, un manque de données sur les bénéficiaires finaux de ces prêts rend impossible une analyse plus poussée. Le principal bénéficiaire des prêts de la BEI en Amérique latine dans les 10 dernières années a été le secteur industriel (cf. le graphique cidessous). Une analyse détaillée par sous-secteur montre que comme en Afrique, on trouve en tête de liste le secteur de l’industrie extractive, et en particulier le gaz comme source d’énergie et d’électricité, avec 17% du total régional (voir le tableau en annexe 7). Les cas présentés dans ce rapport et qui concernent le pétrole, le gaz ou des projets miniers indiquent à quel point ces investissements dans le secteur énergétique sont directement orientés vers la satisfaction des besoins d’exportations des entreprises de l’UE, et non vers la construction et l’amélioration des infrastructures locales, comme les réseaux d’électricité et de transports locaux. D’une façon générale, les projets énergétiques n’ont reçu de fonds que s’ils entraînaient directement une expansion de la capacité du pays à fournir des biens industriels, de l’énergie pour les marchés extérieurs, ou s’ils favorisaient les exportations des entreprises européennes.
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Cela a été le cas pour le prêt de 35,6 millions d’euros accordé par la BEI à la SIEPAC (Système d’interconnection électrique des pays d’Amérique centrale) en 2003, par l’intermédiaire de la Banque centre-américaine d’intégration économique (CABEI), en complément d’autres financements de banques multilatérales tels que la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement. Ce projet s’inscrit dans le cadre du très controversé plan Puebla Panama, accusé d’exploiter une main-d’?uvre bon marché, de créer des marchés et d’assurer la fourniture de biens à faible coût pour le continent nord-américain, dans le cadre de l’ALENA (Accord de libre-échange nordaméricain) et du CAFTA (Accord de libre-échange en Amérique centrale). Dans le secteur de l’électricité, l’entreprise espagnole Endesa a mené plusieurs projets dans la région, alors que seule une poignée d’entreprises locales ou nationales a été soutenue par la BEI. Bien que les prêts de la BEI en Asie et en Amérique latine bénéficient d’une garantie politique ou commerciale de l’Union européenne (comme expliqué au chapitre 1), ces prêts ont principalement profité à des secteurs et des clients bien établis et financièrement sûrs, tels que des grosses entreprises. Les projets n’ont pas concerné les pays ou les entreprises locales les plus pauvres et/ou présentant le plus de risques financiers. Durant les 10 dernières années, des grands pays moyennement développés tels que le Brésil (30%) et le Mexique (6%) ont été en tête de la liste des financements (voir tableau 5), parmi les 35 pays éligibles pour toute la région AAL54. Les pays les plus pauvres comme la République Dominicaine (ou le Bangladesh et le Sri Lanka en Asie) sont au bas de l’échelle, avec quelques millions chacun. D’autres pays, également éligibles, n’ont reçu aucun financement55. L’objectif de développement a donc été totalement ignoré. Il doit également être noté que la BEI n’accorde aucun prêt en monnaie locale en Asie et en Amérique latine, à la différence de la possibilité existant dans les pays ACP.
Quand la BEI et la Banque interaméricaine de développement s’associent en Amérique latine En décembre 2004, la BEI a signé un accord de partenariat avec la Banque interaméricaine de développement (BID) pour la coopération en Amérique latine et aux Caraïbes, et principalement le développement du secteur privé par des entreprises européennes. La BEI prévoit grâce à cet accord d’étendre ses financements à des « projets d’intérêt exceptionnel » allant au-delà de son mandat pour les pays AAL. La convention est très claire quant aux motivations de la BEI : « (La BEI) poursuit son soutien aux investissements européens directs à l’étranger, dans le cadre de projets d’intérêt mutuel en Amérique latine et aux Caraïbes, ainsi que des projets d’infrastructure et d’intégration régionale »56. Le développement durable et la réduction de la pauvreté n’apparaissent pas comme les éléments principaux de cet accord entre les deux banques. En 1998, le BEI a octroyé un prêt de 55 millions d’euros à Transportadora Brasileira Gasoduto, un consortium formé par la compagnie brésilienne Petrobras, Enron et Shell. Par ce prêt, la BEI a cofinancé avec la BID un projet controversé : le gazoduc Bolivie-Brésil. D’une longueur de 3000 km (le plus gros investissement privé en Amérique latine), ce dernier traverse plusieurs écosystèmes importants, dont le Gran Chaco (une aire protégée récemment mise en place en Bolivie, constituée de forêt primaire tropicale sèche), le Pantanal (la plus grande zone humide au monde), et la forêt humide Mata Atlantica au sud-est du Brésil. Au fur et à mesure, les conflits concernant les compensations et le manque de suivi dans la mise en place des mesures de sauvegarde environnementales et sociales ont marqué l’évolution de ce projet. Ce gazoduc transfrontalier présage le type de projets régionaux que la BEI et la BID sont susceptibles de mener ensemble dans le cadre de leur nouvel accord. Dans les secteurs de l’eau et de l’énergie, les entreprises européennes apparaissent comme les premiers bénéficiaires de la gestion des services de l’Etat. En Argentine par exemple, tous les prêts de la BEI ont été octroyés aux groupes français Suez et Vivendi, directement ou via leurs filiales (57 millions d’euros pour la distribution de l’eau à la ville de Cordoba et la Province de Misiones, et 70 millions d’euros pour l’évacuation des eaux usées de la ville de Buenos Aires). Bien que le financement du secteur de l’eau puisse en théorie bénéficier aux communautés locales, des
expériences de tels partenariats publics-privés dans le cadre de la privatisation de l’eau en Asie ont révélé une autre réalité. Elles ont en effet eu pour résultat l’accroissement des inégalités du fait des augmentations tarifaires, et n’ont pas abouti à un service efficace permettant l’accès des plus pauvres à une eau potable saine (voir les études de cas en Indonésie et aux Philippines pages 32-36). Les projets d’infrastructures et d’agriculture ont été financés de façon très limitée, avec un seul projet de reconstruction après l’ouragan Mitch (35 millions d’euros), et un projet très controversé de plantation d’arbres par Veracel pour la production de pâte à papier au Brésil. La BEI et la Commission européenne57 ont considéré ce dernier (dont Veracel a bénéficié en 2001) comme un exemple de « développement durable ». Si les problèmes sociaux et environnementaux sont nombreux (comme décrit plus loin), il doit aussi être souligné que la capacité d’une plantation à réduire les émissions de gaz à effet de serre n’a pas été prouvée, quand dans la plupart des cas « des plantations à grande échelle (consistant en des espèces à croissance rapide telles que l’eucalyptus et les pins ou d’autres espèces comme les palmiers à huile) ont des impacts très négatifs, aussi bien en termes sociaux qu’environnementaux »58. Si la BEI souhaite rester cohérente avec ses objectifs environnementaux de « soutien aux investissements qui protègent directement l’environnement et l’améliorent » et d’« encourager les investissements qui réduisent les impacts environnementaux et maximisent les effets positifs »59, elle devrait s’abstenir de financer le secteur controversé de la production de pâte à papier.
Plantation d’Eucalyptus au Brésil. © Melquíades Spínola/CEPEDES
La BEI a également fortement soutenu le secteur industriel en Amérique latine, en particulier avec plusieurs projets du géant allemand Volkswagen pour l’assemblage de voitures au Mexique, en Argentine et au Brésil. Les financements de l’usine au Mexique ont conduit à des violations des droits des travailleurs mexicains (reconnus internationalement), que la BEI déclare respecter dans son document d’évaluation sociale de 2004. Qui plus est, le projet n’a pas permis de réel développement économique local, comme le montre l’étude de cas (cf. page 24). Ce projet illustre bien de quelle façon les entreprises européennes soutenues par la BEI en Amérique latine (et dans le reste du monde) échouent souvent à se conformer aux normes environnementales et sociales, qu’elles auraient certainement respectées en Europe. AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES Les financements de la Banque européenne d’investissement au Mexique : qui en tire profit ?60 Malgré le fait que les petites et moyennes entreprises (PME) représentent environ 98% des entreprises mexicaines, et qu’elles sont considérées comme des partenaires privilégiés dans le cadre de la stratégie de coopération entre la Commission européenne et le Mexique61, la BEI n’a accordé aucun prêt global (prêt à des intermédiaires financiers), ni mobilisé aucun autre mécanisme d’assistance technique afin de soutenir l’activité des PME mexicaines. Depuis 1995, quatre projets mexicains ont bénéficié à eux seuls de cinq prêts de la BEI, d’une valeur totale de 210,2 millions d’euros : Vidrio Saint-Gobain, Mexigaz (deux prêts), Vetrotex América et Volkswagen. Tous ces bénéficiaires appartenaient au secteur privé et étaient soit des entreprises européennes, soit des entreprises mixtes européo-mexicaines : « Volkswagen de Mexico » est la filiale mexicaine du groupe allemand, Vidrio Saint-Gobain et Vetrotex America sont détenus à 80 % par les groupe français Saint-Gobain, et le consortium Mexigaz est contrôlé par Gaz de France. Durant les 10 dernières années, les activités de financement de la BEI au Mexique ont été caractérisées par l’absence de diversité. Les prêts ont été concentrés sur le secteur industriel, et partagés entre la construction automobile, le secteur de la verrerie et celui de l’énergie. Aucune autre branche de l’industrie (y compris l’agriculture, l’élevage ou la pêche) ni aucun projet de promotion des énergies renouvelables n’ont jamais été considérés, bien qu’ils fassent partie des domaines d’action prioritaires de la Communauté européenne dans le cadre de la stratégie de coopération pour le pays.
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Les financements de la BEI au Mexique ont soutenu des projets ayant peu de conséquences socio-économiques ou environnementales bénéfiques pour la population mexicaine. Pour trois de ces projets, les prêts de la BEI ont soutenu des investissements destinés à accroître les exportations des entreprises européennes, aidant ainsi ces dernières à pénétrer les marchés latinoaméricains et/ou à bénéficier de l’Accord de libreéchange nord-américain (ALENA) entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada, en place depuis le 1er janvier 1994. La mise en avant des intérêts des entreprises européennes concerne aussi le projet Mexigaz, qui bénéficie aux activités d’un groupe européen dans le secteur de la distribution du gaz naturel, dont la dérégulation et la privatisation ont été extrêmement controversées au Mexique. Les prêts de la BEI ont été concentrés dans des secteurs consolidés, dominés par des capitaux européens, et qui n’ont pas besoin de la garantie budgétaire de la Communauté européenne, en raison de leur capacité à attirer d’autres sources d’investissements. La coopération financière ne peut aller dans l’intérêt du peuple mexicain que si les banques réorientent leurs investissements vers la promotion des activités des petites et moyennes entreprises du Mexique, uniquement si elles permettent de créer des emplois respectant le droit du travail et, enfin, si elles ne financent que les projets de développement qui ont été préalablement approuvés par les communautés locales, en accord avec leurs besoins.
Parmi les quatre projets financés au Mexique (voir l’encart page précédente), la BEI soutient que la protection de l’environnement est un des objectifs du projet gazier Mexigaz. Comme l’étude de cas le montre, ce projet soutient fortement la consommation de gaz, au lieu de favoriser des mesures de réduction de la demande d’énergie. Le gaz est une ressource naturelle limitée, qui produit du CO2 nocif lors de sa combustion et de son extraction, et dont l’impact en termes de réduction de la pauvreté est limité (comme le démontre la Revue des Industries Extractives, cf. page 11). Le choix du gaz ne peut de ce fait être considéré comme viable sur le long terme. La BEI a également négligé son engagement auprès de la Commission européenne62 de mener une évaluation des impacts environnementaux pour tous les projets susceptibles d’avoir des conséquences significatives sur l’environnement. L’argument selon lequel la BEI respecte toujours les réglementations environnementales de l’Union européenne dans le cadre de ses projets est donc clairement infondé.
Femme indigène du Guatemala et sa fille. © Janneke Bruil.
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AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES
LE PROJET VOLKSWAGEN AU
MEXIQUE ETUDE DE CAS PAR DOMITILLE DELAPLACE (EQUIPO PUEBLO)
Le Syndicat des Travailleurs Indépendants a amorcé une grève à l’usine Volkswagen de Puebla (Etat du Puebla, Mexique, 18 août 2001). © Journal El Universal (Mexique) - Archives photographiques / photographe : Rodolfo Perez.
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Volkswagen Mexique (filiale du groupe allemand) a construit en 1967 une usine dans l’Etat de Puebla, où les modèles « nouvelle Coccinelle », « Golf décapotable » et « Jetta » sont aujourd’hui produits. Son niveau de productivité y est un des plus élevé au monde, à travers la sous-traitance à des fournisseurs locaux63. En 2004 Volkswagen Mexique a demandé à la BEI un financement de 70 millions d’euros, destiné à moderniser l’usine afin de produire la Jetta A5 et un nouveau moteur moins polluant. Les négociations se sont achevées le 7 octobre 2004, mais les fonds n’ont pas encore été versés64.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES Selon la BEI, l’agrandissement de l’usine de Puebla permettra la production de la carrosserie et l’assemblage de la Jetta A5, dont 80% des modèles seraient exportés vers les Etats-Unis et le Canada65. Les investissements concernent aussi la mise en place d’une chaîne de production pour un nouveau moteur peu polluant (le R5), ce qui permettrait au Groupe Volkswagen de satisfaire aux normes américaines en matière d’émissions de gaz66. Le financement de la BEI permettrait ainsi de consolider l’activité de production du groupe au Mexique, et de renforcer sa position au sein de la zone de libre-échange nord-américaine (ALENA). Loin de favoriser les relations commerciales entre l’Union européenne et le Mexique, comme stipulé dans l’ « Accord global »67, ce projet bénéficie en fait aux activités d’un groupe européen, et à ses relations commerciales avec le continent Nord- Américain. La BEI a assuré que le projet de Volkswagen permettrait la création de 1600 emplois directs dans l’usine de Puebla, ainsi qu’une hausse significative du nombre d’emplois indirects68. En réalité, seuls les emplois existant déjà seront maintenus. Le projet permettra au groupe de compenser les pertes accumulées suite à l’arrêt de la production de la Coccinelle en 2003, ainsi que les chutes des ventes des autres modèles qui ont conduit Volkswagen Mexique à annoncer 2000 licenciements en juillet 200369. De plus, même si le projet a effectivement des répercussions positives au niveau régional en termes d’emploi du fait de l’appel très important à des sous-traitants locaux,
il est estimé que ces derniers paient généralement leurs employés, pour une grande part non syndiqués, des salaires inférieurs de 40% à 50% à ceux de Volkswagen70. Les emplois indirects sont quant à eux généralement précaires, violant les droits du travail repris à l’article 123 de la Constitution mexicaine ainsi que les conventions et traités internationaux (Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, convention de l’OIT, etc). La BEI a des règles sur l’ « évaluation sociale des projets dans les pays en développement », qui concernent notamment les questions relatives au travail71. Elle n’y a cependant pas fait référence dans le cas du projet Volkswagen. Cela aurait pourtant été particulièrement pertinent, sachant que depuis plusieurs années la direction de l’entreprise a été régulièrement confrontée au Syndicat des Travailleurs Indépendants de Volkswagen (SITIAVW) en raison de sa politique anti-syndicale. En août 2000, face à l’impossibilité de trouver un accord à l’amiable, le syndicat a entamé une grève pour obtenir une hausse des salaires. Durant les négociations les employés ont déclaré que l’entreprise avait tenté d’interférer dans le fonctionnement du syndicat, en pointant du doigt leur opposition à la méthode de consultation72. Concernant les impacts environnementaux du projet, la BEI a déclaré73 que son promoteur préparait une étude d’impact, comme exigé par la loi mexicaine74. Cependant, et comme dans le cas d’autres projets mexicains, la BEI n’a pas réussi à démontrer75 que ces impacts avaient été correctement évalués selon les principes et les normes de l’Union européenne. ACCÈS À L’INFORMATION
Le Syndicat des Travailleurs Indépendants a amorcé une grève à l’usine Volkswagen de Puebla (Etat du Puebla, Mexique, 18 août 2001). © Journal El Universal (Mexique) - Archives photographiques / photographe : Rodolfo Perez.
La BEI a répondu négativement à une demande de documentation sur le projet76 au motif que l’information ne pouvait pas être diffusée tant qu’il n’y avait pas eu de versement des fonds77. Les documents relatifs à l’évaluation des impacts environnementaux et au projet lui-même (y compris une évaluation de ses effets en matière de développement) devraient pourtant être disponibles à toutes les phases de l’accord de financement (avant, pendant et après le versement des fonds), afin de garantir la consultation et l’implication réelle des citoyens.
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AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES
LE PROJET
MEXIGAZ LA DÉRÉGULATION D’UN SERVICE PUBLIC AU BÉNÉFICE D’UNE ENTREPRISE EUROPÉENNE
ETUDE DE CAS PAR DOMITILLE DELAPLACE (EQUIPO PUEBLO)
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A gauche : Des habitants du district d’Izcalli dans la zone centrale d’Ecatapec (Etat de Mexico, Vallée de CuautitlanTexcoco) se sont plaints de la dégradation des routes causée par le réseau de gaz naturel construit par l’entreprise Mexigas. Ci-dessus : Des habitants de la zone résidentielle de Coacalco (Etat de Mexico, Vallée de Cuautitlan - Texcoco) se sont opposés à la construction du réseau de gaz naturel. Ils ont mis en évidence la mauvaise qualité de l’asphalte qui le recouvre. © Journal El Universal (Mexique / Archives photographiques / photographe : Luis Garcia Soto).
LA PRIVATISATION DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE MEXICAIN Le projet Mexigaz entre dans le cadre de la privatisation du gaz naturel au Mexique, débutée en 1995. L’objectif principal et controversé de ces réformes énergétiques était la participation accrue du secteur privé dans le domaine de l’énergie, avec pour résultat la création de groupes, principalement composés de capitaux étrangers et attirés par les profits qu’ils pourraient tirer de la dérégulation. C’est le cas du projet Mexigaz, financé par la BEI. La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a lancé en novembre 1997 un appel d’offre international pour la distribution du gaz naturel dans la zone géographique de la vallée de CuautitlánTexcoco78, une zone urbaine frontalière de Mexico. En juillet 1998, le consortium Mexigaz, alors détenu à 75% par Gaz de France International79, a remporté le marché. Il s’est vu accorder pour une période de 5 ans les droits exclusifs pour la construction et l’extension du réseau de gaz naturel, ainsi que les droits de distribution pour 30 ans. En 1999 et 2000, la BEI a accordé deux prêts au consortium Mexigaz pour un montant total de 74,3 millions d’euros, afin de couvrir une partie des investissements.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES Dans le respect de la loi mexicaine80, le porteur du projet a réalisé une étude d’impact environnemental, qui a été approuvée par le ministère mexicain de l’environnement (SEMANART). La BEI n’a cependant pas exigé d’autre étude sur les impacts environnementaux du projet, basée sur les politiques et les critères de l’Union européenne81. Selon la BEI82, ce projet a pour but la diversification de l’offre énergétique et la mise en valeur du gaz naturel en tant qu’énergie moins polluante que d’autres énergies fossiles, afin de réduire la pollution de l’air dans des zones très densément peuplées. Jusqu’à aujourd’hui le projet Mexigaz n’a cependant eu qu’un effet limité sur le niveau de pollution dans la vallée de Cuautitlán-Texcoco, le réseau de distribution de gaz ne couvrant que 35% de la population totale mentionnée dans l’appel d’offres (à savoir 130 000 personnes sur 340 700 prévues). De plus, il est important de souligner que le gaz naturel est une source d’énergie qui, bien que moins polluante, n’en reste pas moins nonrenouvelable. Plutôt que de promouvoir l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation, le projet Mexigaz repose donc sur la promotion de la consommation de gaz, qui est une ressource naturelle limitée. N’étant pas viable sur le long terme, ce projet ne peut pas être considéré comme une réelle alternative énergétique. La BEI a déclaré qu’elle « n’était pas informée d’un quelconque problème environnemental ou social qui serait apparu durant la mise en place du projet »83. Pourtant, durant la phase de construction, des manifestations ont eu lieu à de multiples occasions. L’ « insécurité » des réseaux de gaz est un thème récurrent dans l’enquête réalisée dans le cadre de la présente étude auprès des usagers, ainsi que durant la mobilisation contre la compagnie Mexigaz. Concernant les tarifs pour l’usage domestique, l’obligation de maintenir un prix fixe a été levée en 2003. Les tarifs n’ont pas cessé d’augmenter depuis, ce qui profite clairement à l’entreprise mais limite l’accès au service pour les foyers les plus modestes. Le projet Mexigaz n’a donc pas eu pour résultat de promouvoir l’accès à l’énergie pour les plus pauvres. Ce sont au contraire les classes moyennes des zones résidentielles, qui peuvent payer ce service, qui ont été privilégiées. L’accès au réseau nécessite pour l’usager un investissement initial d’environ 150 dollars, une somme que beaucoup de familles ne peuvent pas payer.
ACCÈS À L’INFORMATION La BEI a déclaré qu’il était impossible de fournir les documents relatifs au projet Mexigaz sans l’accord de l’emprunteur, en raison des clauses de confidentialité signées entre la BEI et la compagnie84. Bien que ces deux acteurs aient déclaré qu’ils n’avaient pas d’objection à ce que les informations soient mises à disposition85, elles n’ont pas encore été fournies. La BEI a déclaré que les procédures d’accès à l’information et de consultation publique du projet Mexigaz étaient en accord avec la législation environnementale mexicaine86. Cependant, cette dernière n’exige pas de consultation publique complète et de grande ampleur dans le cadre des projets, et reste moins exigeante que les normes européennes en ce qui concerne les études d’impact environnemental. Elle ne satisfait pas non plus aux exigences d’autres institutions financières comme la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui exigent une consultation publique dans le cadre des projets. CONCLUSION Après six années d’activité, le niveau de couverture offert par le réseau Mexigaz est toujours très faible, en comparaison avec les estimations stipulées dans l’appel d’offres et dans la présentation de la BEI. Le projet n’a pas offert d’alternative valable aux énergies fossiles, et n’a pas non plus permis d’amélioration de la qualité de l’air dans la zone. Enfin, il n’a pas permis l’accès au gaz pour les franges les plus pauvres de la population. En mettant le service aux mains d’opérateurs privés, l’extension et la gestion du réseau de distribution de gaz se retrouvent basés sur un critère de profitabilité économique. Cela profite aux usagers qui ont les moyens financiers de payer, mais ne va pas dans le sens d’une meilleure couverture des besoins énergétiques de base de la population.
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AMÉRIQUE LATINE : OUVRIR L’INDUSTRIE ET L’ÉNERGIE AUX ENTREPRISES EUROPÉENNES
L’USINE DE PÂTE À PAPIER VERACEL AU
BRÉSIL
L’IMPACT DES PLANTATIONS FORESTIÈRES INDUSTRIELLES SUR LES DROITS FONCIERS ET LES MOYENS DE SUBSISTANCE
ETUDE DE CAS PAR CHRIS LANG, WORLD RAINFOREST MOVEMENT
Une gigantesque usine de pâte à papier est entrée en activité en juin 2005 près d’Eunápolis, dans l’Etat brésilien de Bahia. Financée grâce à des fonds de la BEI, de la Banque d’investissement nordique et de la Banque brésilienne pour le développement (BNDES), l’usine de Veracel est la plus grande usine de pâte à papier du monde, avec une capacité de production de 900 000 tonnes par an. Le coût total du projet s’est élevé à 1,25 milliard de dollars, en comptant les plantations et les infrastructures87. La BEI a accordé deux prêts à Veracel : un de 30 millions de dollars en 2001 pour des plantations, du matériel d’exploitation forestière, et la construction et la remise en état de routes88, et un autre de 80 millions de dollars en 2003 pour la construction de l’usine89. Veracel est une société en participation qui réunit le plus grand producteur de pâte à papier du monde, Stora Enso (groupe suédofinlandais), et le plus grand producteur de pulpe d’eucalyptus, Aracruz (de nationalité brésilienne). La pâte produite à l’usine est principalement destinée à être exportée vers l’Europe, les Etats-Unis et l’Asie. © onehemisphere
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Le projet Veracel a débouché sur une série de contrats lucratifs pour des compagnies européennes ou leurs filiales, dont Jaakko Pöyry (Finlande), Andritz (Autriche), Eka Chemicals (Suède), Degussa (Allemagne), Aker Kvaerner (Norvège), Metso Corporation (Finlande), Partek Forest (Finlande) et Norsul (qui fait partie du groupe norvégien Lorentzen, détenteur de 28% des parts d’Aracruz). Les critères sur lesquels la BEI s’est basée pour accepter le financement de l’usine ne sont pas clairs. Lors d’une réunion avec l’équipe de la BEI à Bruxelles en 2003, Marcelo Calazans de l’ONG brésilienne FASE a demandé à voir les documents de la BEI concernant l’évaluation du projet Veracel. L’équipe de la BEI a répondu qu’aucun de ces documents n’était accessible au public. Elle a également refusé de divulguer la date à laquelle le Conseil d’administration de la BEI se réunirait pour discuter du prêt90. Si le projet bénéficie de façon évidente aux entreprises européennes ce n’est pas le cas pour les habitants de Bahia.
CONSÉQUENCES EN TERMES DE DROITS FONCIERS ET DE SUBSISTANCE Les vastes plantations de Veracel exacerbent le problème de la concentration foncière, dans un pays où une grande partie de la population rurale n’a pas, ou trop peu, de terres pour subsister. Veracel possède 147 000 hectares de terres, dont 70 000 sont couverts de plantations. De plus, Veracel a passé des contrats avec des fermiers pour planter des eucalyptus sur une surface totale de 23 000 hectares91, achetés principalement à de propriétaires (principalement des éleveurs). Néanmoins, plus de 800 personnes ont dû quitter leur maison pour faire place aux plantations de Veracel92. Selon José Koopmans, prêtre et militant des droits de l’homme dans le sud de Bahia, au moins 1/8ème des terres achetées par Veracel étaient jusque là utilisé pour l’agriculture de subsistance. En 2003, des chercheurs de SwedWatch, une ONG suédoise, ont interrogé des fermiers vivant à proximité des plantations de Veracel. D’après eux, le niveau des ruisseaux, des étangs et des lacs a baissé de façon significative à partir du moment où les plantations ont débuté. Dans certains cas, les cours d’eau ont même complètement disparu, rendant impossible la pêche ou l’irrigation des cultures93. Après avoir donné son accord pour financer la construction de l’usine de pâte à papier de Veracel, la BEI a déclaré qu’elle « devrait permettre des retombées économiques significatives pour la région, en particulier par le biais des emplois »94. En réalité, l’usine n’emploiera que 400 personnes95. Selon Melquiades Spinola du Centre d’études et de recherche pour le développement du Grand Sud (CEPEDES), une ONG basée à Bahia, le chômage est le principal problème créé par les quatre usines de pâte et de papier dans le sud de Bahia. Si ces usines et les plantations fournissent très peu d’emplois, elles obligent en revanche de très nombreuses personnes à quitter leurs terres, les condamnant au chômage. Alors que de grosses sommes d’argent sont investies dans les usines de pâte à papier, il y a selon Spinola « 12000 familles de paysans (sans terre) qui vivent dans des camps en bordure des routes »96.
Toutes les images ont été prises au Brésil. © Melquíades Spínola/CEPEDES.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX La BEI affirme que le projet Veracel « permettra d’arrêter la destruction des forêts tropicales humides, de réduire la pression de l’exploitation forestière, et de protéger la biodiversité »97. La BEI semble avoir oublié le passé de Veracel. En février 1993 les autorités brésiliennes ont ordonné l’arrêt temporaire de son activité, après que des ONG locales et le Syndicat des Travailleurs Forestiers avaient fourni des informations selon lesquelles la compagnie était en train de raser la forêt littorale atlantique (Mata Atlântica) pour la remplacer par des plantations98. Veracel a reconnu avoir déforesté 64 hectares en 1993. Selon Vitor da Costa, de Veracel « c’est la seule et unique fois de toute son histoire que Veracel a agi de façon contraire aux bonnes pratiques environnementales »99. Mais en 2003, des chercheurs de SwedWatch ont photographié une zone où la forêt avait été rasée pour laisser place à des plantations. En décembre 2003, des officiels du bureau fédéral de l’environnement (IBAMA) ont signalé qu’une grande partie de la forêt atlantique avait déjà subi une déforestation. La zone avait été plantée d’eucalyptus pour Veracel, dans le cadre de contrats entre la compagnie et des fermiers100. Veracel gère une aire forestière protégée appelée Station de Veracruz, qui couvre une surface de 6000 hectares des terrains achetés par Veracel pour ses plantations dans le sud de l’Etat de Bahia. En réalité, Veracel violerait la loi brésilienne si elle initiait quelque activité qui ne consiste pas en une protection de cette zone de forêts101. En avril 2004, environ 2000 familles du Mouvement des Travailleurs Sans Terre du Brésil (MST Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra) ont occupé 25 hectares de terres et coupé quatre hectares de plantations d’eucalyptus de Veracel. « Personne ne mange d’eucalyptus » ont-il crié pendant leur occupation, tout en commençant à planter du maïs, du manioc et des haricots102. Après cinq jours, le MST a pris le parti d’éviter ce qui s’annonçait comme une violente confrontation avec la police et a quitté la zone, en acceptant les promesses du gouvernement fédéral affirmant que les réformes foncières seraient accélérées dans la région. Six mois plus tard, une autre manifestation a eu lieu contre Veracel. Cette fois-ci, 300 indigènes Pataxo bloquèrent l’autoroute BR-101 pendant 19 heures, afin de protester contre les plantations d’eucalyptus par Veracel sur leurs terres ancestrales. En dépit de tous ces problèmes, Veracel a des plans de développement103. Si l’usine est agrandie, les zones de plantations devront être étendues, et les problèmes liés aux droits fonciers ne pourront que s’aggraver. AU BÉNÉFICE DE QUI?|
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© Jannek Bruil
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Durant les 10 dernières années, la BEI a financé neuf projets dans le secteur de l’eau (distribution et assainissement, systèmes d’égouts et grands barrages) dans le cadre des deux premiers mandats donnés par l’UE pour la région AAL (Asie et Amérique latine). Cela représente un total de 335 millions d’euros, dont 240 millions d’euros sous forme de prêts pour cinq projets en Asie (en Chine, à Madagascar, au Laos, en Indonésie et aux Philippines), et 95 millions d’euros pour les projets mentionnés plus haut en Amérique latine (Argentine et Paraguay). Toutefois, si le secteur de l’eau n’a pas été massivement financé en Asie (seulement 14% des prêts entre 1994 et 2004) en comparaison du secteur de l’énergie, il est important de souligner que l’UE y a principalement soutenu la privatisation de l’eau (à travers la garantie des prêts BEI), notamment aux Philippines et en Indonésie104.
ASIE : PRIVATISATION DES SERVICES DE L’EAU ET GRANDS BARRAGES GRAPHIQUE 4: Répartition des prêts entre secteur public et privé en Asie (1994 - 2004)*
public 40%
privé 60%
*Source: l'impact sur le développement des opérations de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du Cotonou et ALA. (Numéro de projet EP/ExPol/B/2004/09/06).).
GRAPHIQUE 5: Financements octroyés par la BEI en Asie et par secteur (1994 - 2004)* télécommunications 4% transports 11%
industrie 12%
energie 45%
eau 14% prêts globaux 14% *Source: l'impact sur le développement des opérations de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du Cotonou et ALA. (Numéro de projet EP/ExPol/B/2004/09/06).
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Bien qu’en principe les financements dans le secteur de l’eau puissent être considérés comme durables, les projets financés par la BEI soulèvent beaucoup de questions. De même qu’en Amérique latine105, tous les projets approuvés dans le domaine de l’eau en Asie l’ont été sous la forme de partenariats public-privé (PPP), par lesquels les gouvernements nationaux ont transféré au secteur privé la charge de la distribution de l’eau et de la construction des infrastructures selon un calendrier défini106, la BEI prêtant à l’investisseur privé. En Indonésie et aux Philippines, les projets financés par la BEI ont failli à remplir leurs objectifs. Des difficultés ont été rencontrées pour assurer leur viabilité, maîtriser leurs impacts macro-économiques, respecter les conditions tarifaires contractuelles, assurer l’accès à l’eau (notamment pour les plus pauvres qui ne peuvent généralement pas payer un prix trop élevé pour les services basiques), et compléter les investissements nécessaires pour pallier les capacités limitées du secteur public. Dans ces pays, les partenariats public-privé n’ont amené aucune amélioration en termes de distribution d’eau potable aux populations pauvres, tout en augmentant le poids de la dette et en impliquant les Etats dans des procédures et litiges judiciaires. Le Conseil de l’UE a récemment statué par une clause légale107 que lorsqu’un projet n’est plus viable sur le plan financier, la responsabilité légale et économique des projets incombe aux autorités gouvernementales locales. De ce fait, dans le cas des partenariats public-privés financés par la BEI dans le secteur de l’eau, les entreprises étrangères n’ont plus de responsabilités légales en matière de distribution d’eau. En Indonésie, les contrats pour la privatisation de l’eau à Djakarta ont été signés sans appel d’offre public, et avant qu’aucune réglementation relative à la privatisation ne soit en place. Aux Philippines, tout comme en Indonésie, la législation mise en place ultérieurement bénéficiait clairement aux partenaires étrangers. Qui plus est, la transparence et l’obligation de rendre des comptes et la participation du public (des éléments primordiaux pour garantir l’intérêt général) ont cruellement fait défaut dès la prise d’effet des processus de privatisation de l’eau.
L’expérience avec Maynilad aux Philippines devrait servir de leçon à la BEI. La série de recours judiciaires déposés par les entreprises contre le gouvernement des Philippines dans ce cas précis est inquiétante, tout particulièrement quand le projet est supposé contribuer à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement dans le domaine de l’eau (diminuer de moitié le nombre de personnes n’ayant pas accès à une eau potable et abordable d’ici à 2015). Il est déconcertant d’assister à cette série de plaintes en justice déposées par les compagnies, quand on voit leur propre incapacité à rendre des comptes. De même que dans le cas de projets financés dans le domaine de l’eau et de l’assainissement en Asie, les grands barrages tels que Nam Theun 2 (cf. l’étude de cas p. 37), projet récemment financé par la BEI (et à ce jour le plus grand projet hydroélectrique au Laos), peuvent difficilement être considérés comme soutenables, bien qu’ils soient dénommés « projets d’énergies renouvelables » par la BEI. Pour défendre sa conception selon laquelle les grands barrages sont viables sur le plan environnemental et produisent une énergie renouvelable, la BEI a déclaré que « tout projet de grand barrage pour lequel le soutien financier de la BEI serait sollicité serait évalué à la lumière des recommandations de la Commission Mondiale des Barrages108 et du rapport Camdessus109 ». Cependant, comme nous le verrons plus loin, la BEI n’a pas respecté cet engagement, et s’est basée uniquement sur les évaluations du barrage de Nam Theun 2 produites par la Banque mondiale. Les impacts sociaux et environnementaux négatifs des grands barrages ont été reconnus à plusieurs reprises, et plus particulièrement dans le rapport de la Commission Mondiale des Barrages (CMB) en 2000. Aujourd’hui, la conformité avec les recommandations de la CMB est considérée comme une condition indispensable pour les projets d’énergies renouvelables qui seront inclus dans le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE110. Cependant, comme nous l’avons déjà vu dans le cas de l’Afrique et en dépit des ces normes internationales, la BEI tend à inclure l’énergie produite par les grands barrages dans la catégorie des énergies renouvelables, malgré les lourds impacts environnementaux et l’absence d’évaluation, notamment dans le cas du barrage de Nam Theun 2 au Laos.
Bien que la BEI déclare dans sa Déclaration sur l’environnement de 2004 qu’elle « finance des projets qui maximisent les avantages pour l’environnement», et qu’elle tend à « une démarche pro-active d’identification des projets environnementaux et le financement de secteursniches à forte valeur ajoutée, tels que la décontamination des sites pollués, la protection de la biodiversité et les nouvelles technologies environnementales », elle n’a financé aucun projet en Asie, en Amérique latine ou en Afrique qui était explicitement axé sur l’environnement naturel et la protection de la biodiversité durant ces 10 dernières années.
Un chef indigène Wana en train de fumer une cigarette dans sa maison (Sulawesi, Indonésie). © Janneke Bruil.
Le Fonds carbone et les initiatives sur le changement climatique En 2005, dans le cadre du système d’échange de quotas d’émissions, le Fonds carbone de la Banque mondiale et de la BEI pour l’Europe et le Fonds multiléral de crédit de carbone de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la BEI ont été créés. La BEI a de plus approuvé des projets dans la cadre de sa nouvelle « Facilité financière liée au changement climatique » (un fonds de 500 millions d’euros) et de la « Facilité pour l’assistance technique liée au changement climatique » (10 millions d’euros). De nombreux acteurs de la société civile craignent que les projets financés dans le cadre de ces processus incluent des projets litigieux tels que des plantations dans les zones tropicales, des grands projets hydroélectriques avec de lourds impacts environnementaux et sociaux, ou encore des projets d’extraction et de transport de gaz naturel. Il doit être souligné que le secteur du gaz a déjà été lourdement financé par la BEI en Asie durant les 10 dernières années, avec plus de 400 millions d’euros pour la production de gaz et les réseaux de transport au Pakistan, en Thaïlande et en Indonésie.
AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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ASIE : PRIVATISATION DES SERVICES DE L’EAU ET GRANDS BARRAGES
LA PRIVATISATION DE L’EAU À
DJAKARTA
ETUDE DE CAS PAR P. RAJA SIREGAR, DU FORUM INDONÉSIEN POUR L’ENVIRONNEMENT (WALHI) / AMIS DE LA TERRE INDONÉSIE
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Ci-dessus et à gauche : un rassemblement d’opposants à la privatisation de l’eau à Djakarta (Indonésie). Des militants des Amis de la Terre Indonésie et des urbains déshérités ont apporté 1000 pétitions à la Cour constitutionelle, demandant l’annulation de la nouvelle loi sur l’eau. © WALHI/Amis de la Terre Indonésie.
Avec 293 millions d’euros et six projets financés depuis 1993, l’Indonésie se situe en seconde position des investissements de la BEI en Asie. Le secteur de l’eau a représenté presque la moitié des investissements nationaux de la BEI, à égalité avec celui du gaz. Cela n’a malheureusement pas favorisé l’accès des plus pauvres à une eau de qualité.
Un rassemblement d’opposants à la privatisation de l’eau à Djakarta (Indonésie). © WALHI / Amis de la Terre Indonésie.
LE FINANCEMENT DE LA COOPÉRATION DES ENTREPRISES FRANÇAISES ET BRITANNIQUES SOUS LE RÉGIME SOHARTO Le service de l’eau de Djakarta a commencé à être privatisé en 1996 par Thames et Suez-Lyonnaise. Toutefois, la privatisation de la compagnie publique gestionnaire de l’eau de Djakarta (PAM Jaya) avait déjà été prévue quelques années auparavant, lorsque Thames a formé en 1993 une alliance avec M. Sigit Harjojudanto, le fils aîné du Président Soharto alors en poste. Thames lui avait offert 20% de ses parts dans une entreprise qu’elle contrôlait et appelée PT Kekar Plastindo, renommée par la suite PT Kekar Thames Airindo. En apprenant cette alliance Suez-Lyonnaise en avait rapidement formé une autre avec M. Anthony Salim111, qui avait été le partenaire de Suez dans l’entreprise de traitement des eaux Garuda Dipta Semesta. C’est en 1994 que le président Suharto et son ministre des travaux publics ont lancé la privatisation du service de l’eau de Djakarta. La gestion de ce dernier était alors divisée entre deux compagnies: ThamesSigit et Suez-Salim, dans le cadre d’une concession de 25 ans accordée en 1997. Les contrats furent signés en 1998, Thames et Suez prenant respectivement le contrôle de 80% et 40% des parts des nouvelles compagnies112. En juin de la même année, la BEI a accordé un prêt de 45 millions d’euros à PT Kekar Thames Airinido, puis un autre de 55 million d’euros à PT Garuda Cipta Semesta en décembre. Il n’existait aucune législation sur la privatisation du secteur de l’eau lorsque les contrats ont été signés, ces derniers n’ayant pas non plus fait l’objet d’un appel d’offres public. La décision finale est revenue directement au président Soharto, par l’intermédiaire de son ministre des travaux publics. Ce n’est que plus tard que la réglementation a été mise en place, servant fortement les intérêts des investisseurs étrangers. L’OPPOSITION ENTRE LES POPULATIONS LOCALES ET LES ENTREPRISES EUROPÉENNES Lorsque des émeutes anti-Soharto eurent lieu fin 1998, les cadres décisionnaires de Thames et de Suez quittèrent l’Indonésie, laissant les employés dans la confusion. Une panique se déclencha parmi les officiels indonésiens, alors que les réserves de produits de traitement des eaux laissées aux compagnies n’étaient suffisantes que pour quelques jours. Le gouverneur tenta de transférer la gestion de la compagnie de traitement au directeur de PAM Jaya (l’entreprise nationale en charge de l’eau à Djakarta), mais cette tentative se révéla vaine en raison de la menace des compagnies étrangères d’intenter une action en justice. Après la chute de Soharto, 2800 employés manifestèrent contre Thames et la Lyonnaise. Les
contrats avec le gouvernement furent plusieurs fois renégociés, avec pour résultat final un contrat fixant à 95% la part détenue conjointement par les deux compagnies. Les nouveaux objectifs (toujours valables actuellement) furent considérablement revus à la baisse. Durant les négociations, l’ambassadeur de Grande-Bretagne proposa une augmentation de 20% du prix afin de garantir le maintien de Thames Water International à Djakarta, tout en brandissant la menace d’une résiliation du contrat par Thames et Suez. UNE PRIVATISATION DANS UN CONTEXTE DE CORRUPTION Selon l’Observatoire indonésien pour la corruption (Indonesian Corruption Watch), la prise de contrôle de PAM Jaya par Thames s’est effectuée de façon non transparente et dans la corruption, et a engendré des pertes énormes pour le gouvernement. Malgré les critiques, ce dernier a prétendu que la privatisation était nécessaire afin d’améliorer la qualité de l’eau, du fait de l’insuffisance des équipements de traitement et du réseau de distribution. Les compagnies privées étrangères Suez Lyonnaise et Thames Water Company prirent le contrôle de la production, de la distribution et de la facturation, sans évaluation préalable précise de la valeur des équipements, alors que leur maintenance était toujours de la responsabilité de PAM Jaya. Il est très clair que cette opération n’était pas un contrat de construction, d’opération et de transfert (BOT), mais plutôt une tentative déguisée de prise de contrôle d’une entreprise publique par une entreprise privée. RÉSULTAT : UN SERVICE DE MAUVAISE QUALITÉ Les résultats de Suez Lyonnaise et de Thames Water Company sont globalement décevants. Certains utilisateurs ont des problèmes de qualité d’eau, en particulier de turbidité et d’odeur. Quasiment un tiers des consommateurs reliés au réseau doivent faire appel à d’autres sources d’approvisionnement pour la boisson et les besoins domestiques, comme l’eau en bouteille et les puits. Dans certains cas, la qualité de l’eau du robinet ne correspond pas aux normes légales de potabilité. La privatisation de l’eau a également entraîné une augmentation du coût du service, favorisant ainsi les communautés les plus aisées, dont les foyers sont plus riches et de taille moindre. Comparativement à la situation de départ, les résultats de Thames sont mauvais. L’entreprise n’a pas réussi à atteindre les objectifs fixés en ce qui concerne les volumes d’eau produits et distribués, son efficacité à distribuer l’eau, les tarifs de connexion et le niveau de couverture du réseau113. AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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ASIE : PRIVATISATION DES SERVICES DE L’EAU ET GRANDS BARRAGES
L’EAU AUX
PHILIPPINES LES LEÇONS À TIRER D’UNE PRIVATISATION RATÉE
ETUDE DE CAS PAR BUBUT D. PALLATAO (FREEDOM FROM DEBT COALITION), PHILIPPINES
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Manifestation devant le bureau de la Metropolitan Waterworks and Sewerage System (MWSS), l’agence de l’eau gouvernementale qui a été privatisée. Le rassemblement a eu lieu le 22 mars 2005, afin de protester contre les hausses tarifaires injustes par les concessionnaires Maynilad et Manila Water. © Bubut Palattao.
En 1998, la BEI a accordé un prêt de 50 millions d’euros à Maynilad Water Services Inc. (un partenariat entre le géant international français Suez, et la compagnie locale Benpres Holdings). Ce financement était destiné à mettre en oeuvre la privatisation du système de distribution d’eau de l’agglomération de Manille (Metro Manila), et à agrandir et améliorer le service de distribution et de d’assainissement dans la partie ouest. A la même époque, le gouvernement des Philippines a donné la priorité au paiement du service de la dette, plutôt qu’à l’accès au réseau d’eau pour la population de Manille. L’agence d’Etat pour l’eau, le Système métropolitain pour les services et l’évacuation des eaux (Metropolitan Waterworks and Sewerage System ou MWSS), n’a pas voulu investir dans un système de distribution capable de fournir une eau potable de qualité et peu onéreuse aux citoyens. Les chiffres des pertes en eau imputables aux fuites ou aux vols étaient vertigineux. Une partie importante des douze millions de personnes théoriquement desservies par ce réseau n’y était pas connectée Le MWSS était également financièrement étouffé par une dette énorme envers les institutions financières internationales. Le secteur privé, généralement considéré comme plus efficace et moins sensible aux manipulations politiques gouvernementales, était alors considéré comme le remède à la crise.
UNE ACTIVITÉ SANS RISQUE, DES INTÉRÊTS PRIVÉS SUBVENTIONNÉS En 1997, Maynilad Water Services Inc. et Manila Water Company (appartenant toutes deux à la multinationale United Utilities et à l’entreprise locale Ayala Corporation) ont obtenu les marchés des zones ouest et est de Manille. Malgré les faiblesses des réponses soumises par les deux entreprises suite à l’appel d’offres, elles furent approuvées par le MWSS et son consultant, la Société Financière Internationale de la Banque mondiale. Les offres ne fournissaient pas d’informations détaillées, et n’incluaient pas de réelle évaluation de la viabilité financière du plan stratégique proposé. La BEI a pourtant accordé un prêt de 50 millions d’euros à Maynilad pour qu’elle puisse entamer sa privatisation. La privatisation prit la forme d’un contrat de concession de 25 ans : des entreprises privées (les concessionnaires) prenant en charge la gestion et l’utilisation des équipements existants pour fournir l’eau et l’assainissement, en échange des charges payées par les usagers de Metro Manila. Le MWSS gardait son rôle de fournisseur d’eau non traitée et se chargeait de la régulation des concessionnaires. Selon l’accord de concession, les entreprises s’engageaient à atteindre certaines performances, dont la baisse du prix de l’eau, la distribution d’eau en continu aux usagers connectés dès l’année 2000, la mise en conformité avec les normes de l’Organisation mondiale de la santé dès 2000, un accès universel à l’eau en 2006, et la réduction des pertes en eau de 56% à 32% durant les dix premières années. Bien que le prix de l’eau ait considérablement baissé suite à la privatisation, Maynilad Water Services Inc. et Manila Water Company ont commencé à augmenter les tarifs après seulement deux ans. En 2001, Maynilad Water Services Inc. annonça que ses services seraient diminués si le gouvernement ne l’autorisait pas à augmenter ses tarifs à travers de nouveaux mécanismes non stipulés dans le contrat. L’entreprise décida également et de façon unilatérale de cesser de payer ses droits de concession au gouvernement. L’administration Arroyo autorisa alors un amendement au contrat de concession afin de satisfaire aux exigences de Maynilad Water Services Inc., en augmentant les prix de plus de 60%. La facturation de tarifs plus élevés devait satisfaire à deux conditions : que l’entreprise ne les prélève plus
après décembre 2003, et qu’elle recommence ensuite à payer ses droits. Les frais supplémentaires ne furent cependant pas temporaires pour tous ; certains citoyens de Manille furent ainsi facturés d’environ 178 millions de dollars durant le premier trimestre de 2004114. En 2003 Maynilad Water Services Inc. a fait une demande de résiliation de son contrat, arguant que le gouvernement avait rendu sa viabilité trop difficile, et en lui demandant un compensation de 303 millions de dollars. Le gouvernement réagit en invoquant les manquements de l’entreprise à tenir ses engagements, notamment le paiement de ses droits. Le conflit fut réglé par un jury d’arbitrage international, qui confirma la validité du contrat et ordonna à Maynilad Water Services Inc. de rembourser le trop perçu pour un montant de sept milliards de pesos philippins (127 millions de dollars en novembre 2003). Une semaine plus tard, l’entreprise esquiva les poursuites judiciaires en déposant un dossier de redressement judiciaire115, une cour de justice locale empêchant tous ses créditeurs (y compris l’agence gouvernementale de l’eau et le MWSS) de tenter de recouvrer leurs dettes. Alors que le gouvernement pouvait prélever à Maynilad Water Services Inc. 120 millions de dollars sur les provisions spécifiquement destinées à protéger les consommateurs contre des violations du contrat ou des manquements des concessionnaires, il ne le fit pas. Depuis 2003, les plans de redressement économique de Maynilad’s Water Services Inc. ont été revus plusieurs fois. La dernière révision a été approuvée par la justice en mai 2005. Cela a entraîné une augmentation tarifaire de 51,6 % par rapport à la moyenne actuelle, soit une augmentation de plus de 500% par rapport à l’appel d’offre initial de 1997. Cette augmentation correspond à un revenu mensuel supplémentaire de 3 milliards de pesos philippins (soit 168 millions de dollars au taux de change actuel), et ce malgré des objectifs de performance revus à la baisse. Ces derniers incluent l’échelonnement du paiement des droits de concessions dus et futurs, un délai supplémentaire de deux ans pour les objectifs d’approvisionnement en eau et d’assainissement, et une baisse des objectifs de pressurisation du réseau. Le refus de l’entreprise de payer les droits de concession, d’un montant de plus de 10 milliards de pesos philippins (environ 179 millions de dollars), a déjà conduit le gouvernement à contracter de nouveaux emprunts (environ 430 millions de dollars entre 2001 et 2004) pour éviter que la MWSS ne manque à ses engagements. AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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ASIE : PRIVATISATION DES SERVICES DE L’EAU ET GRANDS BARRAGES A la mi-2004, le gouvernement a de nouveau concédé aux concessionnaires d’autres avantages, en déclarant que Maynilad Water Services Inc. et Manila Water étaient des agents de la MWSS, et non des contractants indépendants. Cela va à l’encontre de la loi, qui inclue explicitement l’eau et l’assainissement parmi la liste des services publics. Pourtant l’administration Arroyo a choisi de passer outre, en s’appuyant principalement sur l’avis des instigateurs de la privatisation de l’eau de Metro Manila : un ancien administrateur de la MWSS, un ancien ministre des travaux publics et son chef du personnel. En déclarant les concessionnaires agents de la MWSS, le gouvernement Arroyo donna aux opérateurs le droit de considérer leurs taxes professionnelles comme des dépenses susceptibles d’être répercutées sur les usagers. A aucun moment le gouvernement n’a réellement mis en doute les fausses affirmations et prévisions du concessionnaire, ni sa mauvaise gestion et l’inefficacité de son activité. La Banque mondiale et la BEI ont choisi d’ignorer les objectifs irréalistes de la firme en termes de réduction des pertes d’eau et d’augmentation des recettes. Il n’a jamais été reproché à Maynilad Water Services Inc. de surestimer ses recettes ou de sous-estimer ses coûts, ni de ne pas prendre de précautions en cas de chute du taux de change du peso par rapport au dollar (envisageable étant donné le contexte régional de l’époque).
Manifestation devant le bureau de la Metropolitan Waterworks and Sewerage System (MWSS), l’agence de l’eau gouvernementale qui a été privatisée. Le rassemblement a eu lieu le 22 mars 2005, afin de protester contre les hausses tarifaires injustes par les concessionnaires Maynilad et Manila Water. © Bubut Palattao
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UN MANQUE D’EFFICACITÉ AFFECTANT LE PRIX ET LA QUALITÉ DE L’EAU, AINSI QUE L’EXTENSION ET L’ACCÈS AU SERVICE Avec des entreprises privées à la tête des infrastructures de l’eau de Metro Manila, les mesures de réduction des coûts ont pris le pas sur les questions sanitaires et de désinfection. En octobre 2003, 831 résidents de communautés pauvres situées sur la concession de Maynilad sont tombés malades d’infections gastro-intestinales, et six en sont mortes. Dans le même temps, les frais de connexion d’un montant de plus de 4000 pesos philippins (environ 71 dollars) restent prohibitifs pour beaucoup de foyers pauvres. En plus de ces questions financières, les problèmes de mauvaise qualité de l’eau et des services subis par les clients de Maynilad n’ont toujours pas été résolus. En 2001, il était estimé que jusqu’à 30% de Metro Manila dépendait toujours de petits fournisseurs plus chers pour l’eau potable. La couverture du réseau est toujours inférieure aux objectifs des concessionnaires pour 2001. Une étude menée en 2000 par le bureau de régulation du MWSS et la Banque mondiale, intitulée « Evaluation publique du projet relatif aux services d’eau », a révélé que 67% des 10 000 foyers qui avaient répondu n’avaient pas noté d’amélioration du service depuis la privatisation, voire même avaient constaté une dégradation. Selon la même étude, plus de la moitié des communautés étudiées ont évalué le service de façon négative. La privatisation du service de l’eau à Manille, soutenue par la BEI, s’est révélée un échec dont plusieurs millions de consommateurs ont fait les frais. Lorsqu’ils ont remporté les contrats, Maynilad et Manila Water avaient promis une baisse des tarifs, une amélioration de la qualité de l’eau et un service non-interrompu. Ils ont cependant manqué à leurs engagements, ainsi qu’à celui d’augmenter les investissements de modernisation des infrastructures. Au lieu de cela, les efforts ont été injustement supportés par les consommateurs et les contribuables qui doivent faire face à une hausse continue du prix de l’eau, une baisse de sa qualité, et une dette publique accrue.
L
Le projet Nam Theun 2, actuellement en construction sur le plateau de Nakai (province de Khammouane), est le projet hydroélectrique le plus grand et le plus controversé au Laos. D’un montant de 1,25 milliard de dollars et d’une capacité de 1070 mégawatts, basé sur la dérivation trans-bassin, il consiste en un barrage de 48 mètres de haut sur la rivière Nam Theun (un affluent du Mékong). L’eau du réservoir sera évacuée depuis la centrale électrique vers un autre affluent, la rivière Xe Bang Fai. La mise en service (prévue pour début 2009) permettra d’exporter 90% de l’électricité vers la Thaïlande, faisant de Nam Theun 2 le plus grand projet énergétique transfrontalier en Asie.
LE BARRAGE DE NAM THEUN 2 AU
DES POSTULATS ERRONÉS EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT ET DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ
ETUDE DE CAS PAR GARY LEE, TERRA (THAÏLANDE)
© sebastian godinot
LAOS
Ci-dessus et à gauche : Laos. © Sebastian Godinot.
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ASIE : PRIVATISATION DES SERVICES DE L’EAU ET GRANDS BARRAGES Le 31 mars 2005, la Banque mondiale (qui depuis la fin des années 1980 a fourni une aide financière et technique pour les études et la planification, et a soutenu politiquement le projet) a accordé un don de 20 millions de dollars, ainsi que des garanties pour un montant de 250 millions de dollars. Cela a permis à la compagnie Nam Theun 2 Power Company (NTPC) de s’assurer du soutien financier d’autres bailleurs commerciaux et d’institutions publiques, dont la BEI116, et de boucler le financement du projet avant la date du 8 mai 2005 prévue dans la convention d’achat d’énergie. L’évaluation du projet par la BEI, qui a débouché sur un prêt de 40 millions d’euros en avril 2005, s’est basée sur l’évaluation faite par la Banque mondiale. La BEI a déclaré que le projet serait l’objet d’un ensemble d’études relatives aux impacts environnementaux, sociaux et économiques, en accord avec les politiques de l’Union européenne et du Laos. Le projet est basé sur un schéma « Build-OwnOperate-Transfer » (BOOT), selon lequel la Nam Theun 2 Power Company (NTPC) transférera la propriété du barrage au gouvernement après une concession de 25 ans. Créée en août 2002, la NTPC est composée d’Electricité de France International (35% des parts), de l’entreprise thaïlandaise Thai Electricity Generating Public Company Limited (25% des parts), de l’entreprise italo-thaïlandaise Development Public Company Limited (15% des parts); et de l’entreprise Lao Holding State Enterprises, entièrement contrôlée par le gouvernement du Laos (25%). LES PRINCIPALES QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES Les documents de sauvegarde de l’entreprise ont servi de base à la légitimation environnementale et sociale du projet. Le passage en revue des aspects techniques de ces documents117 met cependant en lumière de sérieux problèmes en ce qui concerne les impacts environnementaux et sociaux du projet. Si ce dernier aboutit, Nam Theun 2 entraînera l’inondation de 40% de la surface du plateau de Nakai, et la dégradation supplémentaire de 40% de ce même plateau. Ce plateau abrite une grande diversité d’habitats, dont des savanes herbeuses, des forêts de pins, des forêts semicaduques, des forêts sempervirentes mixtes, et des zones humides saisonnières. Il héberge également un certain nombre d’espèces d’un grand intérêt en termes de conservation, au premier rang desquelles l’éléphant d’Asie (une espèce menacée) pour les
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mammifères. Selon le dernier rapport du comité consultatif indépendant pour le projet, « les impacts de l’inondation sur la biodiversité terrestre seront considérables, du fait de la destruction ou de la dégradation des habitats qui en résultera »118. La rivière Xe Bang Fai est l’une des zones de pêche les plus productives du bassin du Mekong. Une étude dans le cadre du plan d’évaluation et de gestion de l’environnement note que Nam Theun 2 « aura sans doute des impacts négatifs sérieux sur les ressources aquatiques de la Xe Bang Fai, du Nam Phit, et d’autres rivières en aval du bassin »119. La migration saisonnière des poissons entre le Mékong, la Xe Bang Fai et ses affluents deviendrait impossible. Les potagers des rives seraient inondés ou détruits par l’érosion. Cela pourrait affecter de façon irréversible entre « 100 000 et 120 000 personnes (qui) profitent actuellement de façon significative des possibilités offertes par la rivière Xe Bang Fai »120. DES REVENUS POUR RÉDUIRE LA PAUVRETÉ ? La BEI certifie que NT2 « permettra un développement économique et social durable… (et) est actuellement la meilleure solution pour générer des revenus »121 au Laos . Cette déclaration suppose que les revenus du projet (estimés à 250 millions de dollars en valeur actuelle pour la durée de concession de 25 ans) seraient investis dans des programmes sociaux au bénéfice des plus pauvres. Cependant, les mauvaises expériences relatives à d’autres projets de barrages au Laos, ainsi que l’incapacité du gouvernement à gérer de façon transparente les revenus et à respecter les droits du peuple, laissent fortement supposer que les coûts de Nam Theun 2 dépasseront largement les avantages potentiels. La Banque mondiale ellemême fait d’ailleurs remarquer que sans amélioration significative de la gouvernance, les revenus des ressources naturelles n’auront pas d’impact positif en termes de développement122. Les promoteurs du projet prétextent que NT2 améliorera le niveau de vie de plus de 6200 personnes du plateau de Nakai qui seront déplacées, et qui verraient leurs revenus multipliés par trois en sept ans123. L’objectif est de faire passer tous les villageois déplacés du statut de petits paysans à celui d’agriculteurs productifs, intégrés à l’économie de marché. Cela signifie que les fermiers devront cultiver des espèces économiquement rentables, afin de pouvoir les échanger contre du riz. Cependant, les villageois ont exprimé leurs inquiétudes quant au manque de terres cultivables
pour la riziculture, et quant à leur dépendance visà-vis de marchés encore inexistants. Le plan de relocalisation des déplacés n’est donc pas viable sur le long terme, et pourrait conduire à un sérieux problème de sécurité alimentaire pour les communautés locales. DISCUSSIONS AUTOUR DE L’ÉNERGIE THAÏLANDAISE Comme expliqué plus haut, plus de 90% de l’électricité produite à NT2 sera vendue à son voisin thaïlandais. Contrairement aux déclarations de la Banque mondiale selon lesquelles Nam Theun 2 représente la solution la moins coûteuse pour la Thaïlande, des ONG thaïlandaises et des universitaires pensent au contraire qu’il y a des sources d’électricité moins chères au niveau local, comme par exemple des centrales alimentées au gaz, ou encore la possibilité de jouer sur la demande énergétique. Un groupe d’experts indépendants en économie de l’énergie basé en Thaïlande, qui a passé en revue la version finale de l’analyse économique, en a conclu que beaucoup de suppositions irréalistes avaient été faites dans le cadre de ce projet124. FAIBLESSE DES CONSULTATIONS ET VIOLATIONS DES POLITIQUES DE LA BANQUE MONDIALE Une étude125 des documents utilisés durant les consultations locales a permis de conclure que ces dernières n’étaient pas en accord avec les politiques de la Banque asiatique de développement (et de la Banque mondiale) concernant les déplacements forcés de populations. Il est en effet requis que les populations déplacées du fait d’un projet de développement soient « consultées de façon adéquate», et ne voient pas leurs conditions de vie se dégrader par rapport à leur situation initiale. Bien que de très nombreuses discussions aient eu lieu avec les communautés vivant sur le plateau de Nakai, les démarches de consultation ont plutôt eu pour thème l’amélioration des conditions de relogement, plutôt que de débattre de la pertinence ou non du projet et du déplacement en tant que tel. De plus, alors que plus de 100 000 personnes qui vivent le long de la rivière Xe Bang Fai seront affectées par l’élévation du niveau de l’eau, les discussions n’ont débuté qu’à la mi-2004, et de nombreuses personnes n’ont toujours pas été consultées126. Enfin et bien que les politiques de la Banque mondiale stipulent que les déplacements ne peuvent avoir lieu avant l’accord du plan de déplacement involontaire (Involuntary
Resettlement Plan) par le Conseil d’administration de la Banque, des familles avaient déjà été déplacées dès décembre 2003, plus d’un an avant l’accord de la Banque pour le prêt et le plan en question127. Il est intéressant de noter que la BEI ne dispose pas de politique propre en la matière, et se base donc encore une fois sur celle de la Banque mondiale, sans évaluation sur le terrain. En 2004, plusieurs ONG internationales ont déposé une plainte contre Electricité de France pour avoir enfreint les normes de l’Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) sur les entreprises multinationales. Entre autres choses, cette plainte a mis en relief les manquements d’EDF à se conformer aux normes de l’OCDE en matière de passation des marchés, ainsi que pour identifier, prendre en compte et résoudre les éventuels impacts négatifs, et se conformer aux obligations et aux engagements internationaux du gouvernement du Laos.
Ci-dessus: Laos. © Sebastian Godinot.
LE NON–RESPECT DES ENGAGEMENTS La BEI a déclaré que « tout grand projet de barrage pour lequel le financement de la BEI est demandé sera évalué dans le respect des recommandations de la Commission Mondiale des Barrages (CMB) et le rapport Camdessus »128. Cela n’a cependant pas été le cas dans la mesure où la BEI n’a pas fait ses propres évaluations, mais s’est au contraire basée sur celles de la Banque mondiale. De plus, la BEI ne s’est pas conformée aux politiques de l’Union européenne sur le changement climatique décrites en 2004 dans la directive-cadre du Parlement européen sur le Protocole de Kyoto, qui exige l’évaluation de chaque grand projet de barrage financé par l’UE en dehors de son territoire selon les recommandations de la CMB. La Banque mondiale, la BEI et la NTPC n'ont pas évalué Nam Theun 2 selon ces critères. Au contraire, une étude indépendante a révélé que le projet NT2 violait en fait six des sept stratégies prioritaires de la CMB129.
Les populations et l’environnement qui seront affectés par le barrage de Nam Theun 2. © Sebastian Godinot.
CONCLUSION Ce qui est décrit ci-dessus montre que, sous couvert de l’ « intérêt mutuel », la participation de la BEI permettra en fait aux compagnies impliquées d’accroître leurs profits. Et ce, au détriment de milliers de personnes dont les moyens de subsistance, la sécurité et l’économie reposent sur des ressources naturelles qui seront inévitablement détruites par NT2.
Travaux en cours. © FIVAS et Proyecto Gato.
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39
© Jannek Bruil
5
Deux femmes du village de Bimbagu, au nord du Ghana. © Janneke Bruil.
Ce rapport montre les impacts négatifs résultant des pratiques de la BEI dans le Sud. Des analyses régionales et huit études de cas montrent une indifférence flagrante aux droits environnementaux et sociaux des populations concernées, ainsi que des défaillances systématiques en matière d’approbation, de suivi et d’évaluation des projets.
CONCLUSION Bien que la BEI soit obligée de respecter la stratégie de développement de l’Union européenne, cela n’a en réalité pas été le cas durant les dix dernières années en ce qui concerne les financements en Afrique, en Amérique latine et en Asie. De nombreux prêts ont été accordés à de grands projets nonsoutenables dans les domaines des énergies fossiles (pétrole et gaz), de l’extraction minière, des barrages ou de projets industriels. Il s’agit donc de secteurs pouvant être considérés comme économiquement viables par la BEI, mais qui bénéficient surtout aux filiales des entreprises européennes, et non aux populations locales ou à l’environnement. Ce rapport n’a pas identifié d’éléments prouvant que la BEI avait respecté la politique de développement de l’Union européenne en ce qui concerne les domaines prioritaires, notamment la réduction de la pauvreté. Bien que la BEI déclare dans son rapport environnemental 2004 qu’elle « finance des projets qui ont des effets bénéfiques sur l’environnement », aucun projet n’a été financé durant les dix dernières années en Amérique latine, en Asie ou en Afrique, qui aurait réellement bénéficié à la conservation de l’environnement et à la protection de la biodiversité. Si la BEI est souvent présentée comme la « banque de développement de l’Union européenne », elle reste dans les faits éloignée des principaux objectifs de l’UE en matière de réduction de la pauvreté et de développement social, énoncés dans les documents d’orientations stratégiques pays. Ces derniers sont les principaux outils de planification et de financement de l’aide aux pays situés en dehors de l’Europe Si le traité constitutionnel européen suggère que les activités de financement de la BEI soient au service des objectifs de l’UE en matière de développement et de coopération, un mandat institutionnel officiel reste encore à définir quant aux activités de la banque en matière de développement dans les régions extérieures à l’UE (mis à part les pays du groupe ACP). La définition de critères clairs pour les financements de la BEI n’en est que plus urgente. Le manque de participation et de consultation réelle des populations concernées et de la société civile sur la conception du projet, les compensations et l’approbation du projet est un problème-clé. Tous les cas étudiés pour ce rapport montrent un manque d’implication de la société civile dans les processus de décision. Cela va à l’encontre des meilleures pratiques internationales reprises par les directives de l’UE, et des normes de beaucoup d’autres institutions financières internationales. Dans les cas du barrage de Nam Theun 2 au Laos, des projets de privatisation
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de l’eau aux Philippines et en Indonésie, de l’oléoduc Tchad-Cameroun et du gazoduc Bolivie-Brésil, la BEI n'a appliqué aucune règle en matière de transparence. Les communautés locales et les populations indigènes n’ont été informées et consultées que tardivement quant aux conséquences potentielles (lorsqu’elles l’ont été), et n’ont eu aucune place dans les décisions. Lorsqu’elles ont été informées, cela a souvent été fait de manière inappropriée ou dans un langage inadapté. La BEI renvoie souvent les demandes d’information du public vers les sites internet de ses clients, au lieu de publier l’évaluation environnementale qui pourrait être commentée par le public au niveau local, comme l’exige la politique de l’UE en la matière. Dans les cas où la BEI était le seul bailleur, aucune information n’a été mise à disposition au long du cycle de projet, ni aux populations concernées, ni aux ONG locales ou internationales, ni au Parlement européen. Qui plus est, étant donné que la BEI a sollicité de façon croissante les fonds budgétaires européens pour l’Afrique, les Caraïbes et la zone Pacifique, le transfert des financements vers le secteur privé est extrêmement préoccupant. Les études de cas en Indonésie ou aux Philippines ont montré que les investisseurs privés ont souvent failli à satisfaire le droit légitime des plus pauvres à un approvisionnement en eau de qualité, et ont plutôt augmenté les prix. Enfin, la BEI tend généralement à privilégier les entreprises européennes plutôt que les entreprises locales. Un des principaux constats suite à l’évaluation des activités extra-européennes de la BEI est la liberté dont elle jouit au niveau local, particulièrement en ce qui concerne la mise en ?uvre du mandat du Conseil européen et le contrôle de la Commission européenne. L’absence de stratégie de développement de la BEI facilite une approche centrée sur le client, plutôt qu’une approche basée sur les principes du développement durable. Comme nous l’avons vu, l’approbation des projets repose sur les aspects économiques, financiers et techniques, plutôt que sociaux ou environnementaux. Ce risque est aggravé par le fait que la BEI ne dispose pas des ses propres politiques et stratégies en matière de garanties ou de développement sectoriel pour guider ses activités (contrairement à la Banque mondiale et à d’autres banques de développement multilatérales). Alors que la BEI s’apprête à revoir ses mandats en matière d’investissements extra-européens, le Conseil européen et la Commission européenne doivent agir rapidement et de façon coordonnée afin de s’assurer que les populations et l’environnement sont les principaux bénéficiaires de la BEI.
6
© Jannek Bruil
6
RECOMMANDATIONS
DANS LE CAS DE FINANCEMENTS EXTRAEUROPÉENS, LA BEI DEVRAIT : 1. Assumer la pleine responsabilité de l’impact des projets financés (y compris la réparation des dommages créés par ses projets actuels et passés), et s’assurer que les projets futurs n’ont pas de conséquences négatives pour les populations locales et l’environnement ; 2. Obtenir l’accord des communautés locales et des populations indigènes avant de démarrer un nouveau projet, et établir des procédures transparentes de consultation publique des populations concernées, en accord avec les meilleures pratiques internationales ; 3. Respecter les droits de l’homme, les principes de la sécurité alimentaire, et les droits du travail et des peuples indigènes dans le cadre des conventions et législations internationales en vigueur, tout en s’assurant que tous les projets sont basés sur les meilleures normes et procédures internationales en matière d’environnement. La BEI devrait également mettre en place des procédures de suivi et d’évaluation lui permettant de s'assurer que les entreprises qui reçoivent son soutien respectent les lois et politiques en vigueur dans le pays hôte, dans leur pays d’origine et dans l’Union européenne, y compris les droits de l’homme et la législation du travail et de l’environnement ;
4. S’assurer que tous les futurs projets financés contribuent à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement des Nations-Unies130, et interdire le soutien à des projets incohérents en termes de réduction de la pauvreté et de développement durable, y compris :
5. Rendre publiques, de manière pro-active et dans les délais adéquats, toutes les informations importantes131, dans les langues appropriées et sous une forme compréhensible par les populations concernées ; 6. Adopter les meilleures pratiques en matière de politiques de sauvegarde, y compris concernant les peuples indigènes, les déplacements et les droits humains, par le biais d’un processus de consultation de la société civile internationale et des populations affectées; 7. Adopter un mécanisme indépendant de plainte et de vérification du respect des normes, qui soit accessible aux populations de tous les pays dans lesquels la BEI opère ; 8. Adopter une stratégie de développement par le biais d’un processus de consultation de la société civile internationale et des populations concernées, dans toutes les régions où la BEI opère; Qui plus est, dans la mesure où la BEI opère dans le cadre des accords de développement et de coopération de l’Union européenne, la Commission européenne devrait procéder à une évaluation annuelle de la cohérence des activités de financement extra-européens de la BEI avec les principes énoncés ci-dessus. La Commission devrait exiger une suspension des activités de la BEI lorsque ces dernières sont incompatibles avec les mandats et politiques de l’UE en matière d’aide au développement. La BEI devrait également rendre compte au Parlement européen et aux citoyens des pays concernés.
> Les projets qui impliquent la transformation ou la dégradation d’habitats naturels prioritaires, une exploitation abusive des ressources naturelles, ou encore la production de substances interdites ou dont la production tend à être interdite ; > Les grands barrages qui ne remplissent pas les critères de la Commission Mondiale des Barrages ; > Les projets d’industrie extractive et les centrales nucléaires ;
Un homme indigène en train de descendre une rivière sur son canöe, en Indonésie. © Janneke Bruil.
> Les plantations d’arbres industrielles à grande échelle.
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© Jannek Bruil
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8
Une femme dans la zone de pêche de Djakarta, en Indonésie. © Janneke Bruil.
GLOSSAIRE ACP : Afrique, Caraïbes et Pacifique AAL : Asie et Amérique latine ALENA : Accord de libre-échange nord-américain BAD : Banque asiatique de développement BEI : Banque européenne d’investissement BID : Banque interaméricaine de développement CAEM : Comité pour les affaires économiques et monétaires du Parlement européen CAFTA : Central American Free Trade Agreement ou Accord de libre-échange en Amérique centrale CE : Commission européenne CEE Bankwatch : Central and Eastern Europe Bankwatch Network (Réseau de surveillance des banques de l’Europe centrale et de l’Est) CRBM : Campagna per la Riforma della Banca Mondiale ou Campagne pour la réforme de la Banque mondiale EIE : Etude d’impact environnemental E.U. : Etats-Unis FED : Fond européen de développement FI : Facilité d’investissement de la BEI GAO : Gazoduc d’Afrique occidentale GIE : Groupe international d’évaluation MWSS : Metropolitan Waterworks and Sewerage System ou Système métropolitain pour les services et l’évacuation des eaux (à Manille, Philippines) NT2 : barrage de Nam Theun 2 au Laos NU : Nations-Unies OCDE : Organisation pour la coopération et le développement économique OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement ONG : Organisation non-gouvernementale PAM Jaya : Entreprise publique en charge de la gestion de l’eau à Djakarta PE : Parlement européen PME : Petites et moyennes entreprises PPP : Partenariat public-privé SIEPAC : Système d’interconnection électrique des pays d’Amérique centrale WALHI : Forum indonésien pour l’environnement (Amis de la Terre Indonésie) WEED : World Ecology, Economy and Development (Ecologie, économie et développement mondial)
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Brésil. © Melquíades Spínola/CEPEDES
© Jannek Bruil
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Un enfant ghanéen passe en courant devant son école. © Janneke Bruil.
TABLEAU 1
ANNEXES DOCUMENTATION STATISTIQUE
CONVENTIONS ET DÉCISIONS EN VIGUEUR RELATIVES AUX ACTIVITÉS EXTRA-EUROPÉENNES DE LA BEI
EN MILLIONS D’EUROS
RESSOURCES PROPRES DE LA BEI
RÉGION OU PAYS
BASE LÉGALE
ANNÉE RESSOURCES D’EXPIRATION PROPRES
FONDS BUDGÉTAIRES EUROPÉENS CAPITAL- INDEMNITÉS RISQUE132 DE FRAIS D’INTÉRÊT133
Afrique Caraïbes Pacifique (ACP)
Accord de Cotonou
2005
1700
2200
Yes134
Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM)
Accord de Cotonou
2005
20
20
Yes135
République Sud-Africaine
Décision du Conseil
2007
825
No
No
Pays méditerranéens
Décision du Conseil
2007
6425
Yes
Yes136
Turquie
Décision du Conseil
2007
450
No
No
Europe Centrale et Orientale
Décision du Conseil
2007
9280
No
No
Russie/WNIS
Décision du Conseil
2007
600
No
No
Asie et Amérique latine (AAL)
Décision du Conseil
2007
2480
No
No
FACILITÉS D’INVESTISSEMENT SUR FONDS PROPRES DE LA BEI (COMPLÉMENTAIRES DES INVESTISSEMENTS SOUS MAND) Pays méditerranéens Pays candidats à l’adhésion
Facilité euroméditerranéen ne d'investissement et de partenariat FEMIP137
2004 2007 2004
1000
No
No
200
20-40
No
12000
No
No
Facilité de préadhésion Source: compilation par l’auteur
TABLEAU 2
FONDS GÉRÉS ACTUELLEMENT PAR LA BEI DANS LE CADRE DE L’ACCORD DE PARTENARIAT DE COTONOU
PROTOCOLE FINANCIER DE L’ACCORD DE PARTENARIAT DE COTONOU (5 PREMIÈRES ANNÉES) MONTANT (M€)
%
MONTANT (M€)
11,300
74.3
155
2,200
14.5
20
Aide financière du FED Facilité d’investissement (fond renouvelable) Prêts sur ressources propres de la BEI Total
FINANCEMENTS POUR LES PTOM138
1,700
11.2
20
15,200
100.0
195
Source: AConférence de presse annuelle 2005, Briefing Note N°10 Luxembourg, 3 février 2005
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ANNEXES DOCUMENTATION STATISTIQUE
TABLEAU 3
RÉPARTITION PAR SECTEUR DES FINANCEMENTS DE LA BEI AUX PAYS ACP (1994-2004) 139
SECTEURS
MONTANT (M€)
% DU MONTANT TOTAL ACP
Industries extractives
722,5
16%
(Mines)
316,6
7%
(Gaz)
230,0
5%
(Pétrole)
175,9
4%
Electricité
392,2
9%
Hydroélectricité /barrages
339,0
8%
Thermique
57,3
1%
Télécommunications
215
5%
Aéroports
232,2
5%
Ports
120,4
3%
Transports /routes
50,0
1%
Rail
36%
0,7%
Industrie/alimentaire
117,1
3,5%
Industrie/métallurgie
169
4,5%
130,1
4%
Distribution de l’eau et assainissement Eau potable
39,0
1%
Tourisme
56,0
1,5%
8,0
0,1%
Plantations Agriculture industrielle
43,0
1%
Agriculture
20,0
0,5%
Source: Données annuelles sur les projets, extraites des rapports annuels de la BEI et reclassées par l’auteur d’après la description des projets.
TABLEAU 4
PAYS
FINANCEMENTS AUX PRINCIPAUX PAYS ACP (1994-2004)
MONTANT (M€)
% DU TOTAL ACP
Mozambique
317,1
7%
Kenya
218,9
4,8%
Zambie
196,2
4,3%
Namibie
170,7
3,8%
Maurice
164,2
3,6%
République Dominicaine
161,9
3,6%
Jamaïque
151,0
3,3%
Ouganda
147,0
3,2%
Tanzanie
147,1
3,2%
Sénégal
145,0
3,2%
Ethiopie
145,0
3,2%
Mauritanie
112,2
2,5%
Cameroun
99,9
2,2%
D’après une analyse par l’auteur des données annuelles 1994-2004 sur les financements de projets.
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TABLEAU 5
FINANCEMENTS AUX PAYS D’AMÉRIQUE LATINE COMPARÉS AU TOTAL DES FINANCEMENTS AAL (1994-2004)
PAYS
MONTANT (M€)
NOMBRE DE PROJETS
% DU TOTAL AAL
Brésil
1039,2
22
30%
Argentine
468,7
11
13%
Mexique
210
5
6%
Panama
145
3
4%
Rép. Dominicaine
115
14
3,2%
Amérique Centrale
106
3
4%
Pérou
77
2
2,1%
Chili
75
1
2%
Zone Caraïbe
42
4
1,1%
Pays du Pacte andin
40
1
1%
20,5
2
0,5%
Paraguay
17
1
0,4%
Uruguay
10
1
0,2%
2.360,2
70
65,5%
Guyana
TOTAL
Mère pygmée avec son enfant (Cameroun). © frédéric castell
D’après une analyse par l’auteur des données annuelles 1994-2004 sur les financements de projets.
TABLEAU 6
PAYS
FINANCEMENTS AUX PAYS ASIATIQUES COMPARÉS AU TOTAL DES FINANCEMENTS AAL (1994-2004) MONTANT (M€)
NOMBRE DE PROJETS
% DU TOTAL AAL
Philippines
353,6
8
9,8%
Indonésie
293,6
6
8,2%
Thaïlande
160,4
4
4,4%
Chine
135,8
3
3,7%
Pakistan
134,6
4
3,7%
Vietnam
55
1
1,5%
Inde
50
1
1,4%
Bangladesh
36
1
1%
Sri Lanka Total
30
1
0,8%
1229,2
29
34,5%
D’après une analyse par l’auteur des données annuelles 1994-2004 sur les financements de projets.
AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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8
ANNEXES DOCUMENTATION STATISTIQUE
TABLEAU 7
RÉPARTITION PAR SECTEUR DES FINANCEMENTS DE LA BEI AUX PAYS D’AMÉRIQUE LATINE 140 (1994-2004)
SECTEURS
MONTANT (M€)
% DU TOTAL AMÉRIQUE LATINE
Télécommunications
400,4
17%
Industries extractives
397,7
17%
Industrie automobile
356,0
15%
Industrie (autres)
321,0
14%
Electricité
152,8
7%
Distribution et traitement de l’eau
144,2
6%
Transports / routes
72,0
3%
Infrastructures
75,8
3%
Agriculture/exploitation forestière
42,7
2%
Thermique
10,0
0,8%
Données annuelles sur les projets, extraites des rapports annuels de la BEI et reclassées par l’auteur d’après la description des projets.
TABLEAU 8
DÉTAIL PAR SECTEUR DES FINANCEMENTS DE LA BEI AUX PAYS D’ASIE141(1994-2004)
SECTEURS
MONTANT (M€)
% DU TOTAL ASIE
Industries extractives / gaz
403
33%
Distribution et traitement de l’eau
144
14%
Industries extractives / pétrole
98,6
8%
Industrie (autres)
93
7%
76,4
6,5%
Industrie/ciment
59
5%
Transports / routes
56
4,5%
Hydroélectricité / barrages
45
4%
49,6
4%
Transports / aéroports
Télécommunications
Données annuelles sur les projets, extraites des rapports annuels de la BEI et reclassées par l’auteur d’après la description des projets.
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© ced/foe cameroon
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RESSOURCES UTILES
RESSOURCES GENERALES SUR LA BANQUE EUROPEENNE D’INVESTISSEMENT Base de données sur les projets de la BEI Ce site internet est géré par la société civile, et fournit une liste des projets financés par la BEI en Asie, dans le Pacifique, en Afrique, en Amérique latine, aux Caraïbes et dans les pays du sudméditerranéens. www.eibprojects.org Résumés factuels de la Banque européenne d’investissement (en anglais, français et espagnol) CEE Bankwatch Network / Amis de la Terre International, 2003 www.bankwatch.org Pages internet de CEE Bankwatch au sujet de la BEI http://bankwatch.ecn.cz/project.shtml?w=147578 Etudes du Parlement européen The Development Impact of European Investment Bank (EIB) lending operations in the Cotonou and ALA framework, mars 2005, par CRBM pour le Parlement européen (EP/ExPol/B/2004/09/06). www.aa.ecn.cz/img_upload/2a47e698cb07569dfd 0ebe077b6aad99/eib_study12_05_jaro.pdf Rapport sur les financements de l’Union européenne dans les pays en voie de développement (Impact of the lending activities of the European Community in developing countries), juin 2004 , Comité pour le développement, Gabriele Zimmer http://bankwatch.ecn.cz/newsroom/documents.sh tml?x=330478 Site internet de la BEI www.eib.org RESSOURCES SUR LES ETUDES DE CAS Les financements de la Banque européenne d’investissement (BEI) au Mexique – Qui en tire profit ? Analyse des activités de financement de la BEI au Mexique, en regard des priorités de l’Union européenne pour la coopération, DECA Equipo Pueblo, A.C. Mimeo, Mexique, avril 2005
RESSOURCES SUR LES ETUDES DE CAS Promesses d’emplois et destruction du travail : le cas d’Aracruz Cellulose au Brésil (Promises of jobs and destruction of work: The case of Aracruz Cellulose in Brazil) 2005, De’Nadai, Alacir, Winifridus Overbeek, Luiz Alberto Soares (World Rainforest Movement, Uruguay) www.wrm.org.uy Nam Theun II: No Time for Another Mistake Octobre 2004, TERRA www.terraper.org/watershed/pdf/vol10no1.pdf La privatisation de l’eau en Indonésie : pages internet des Amis de la Terre Indonésie www.eng.walhi.or.id/kampanye/air/privatisasi/05 0729_waterpriv_cu/
The harbour in Jakarta. © Janneke Bruil.
Water in the Philippines: People’s Resistance and Alternatives to Privatisation of Water and Power Services Sept 2004, Freedom from Debt Coalition www.freedomfromdebtcoalition.org/main/pages/ 000360.php Taking Stock of Water Privatisation in the Philippines: The Case of the Metropolitan Waterworks and Sewerage System (MWSS) 2005, Freedom from Debt Coalition www.freedomfromdebtcoalition.org/pubs/pages/0 00381.php The Chad-Cameroon Oil & Pipeline Project: A Call for Accountability June 2002, Association Tchadienne pour la Promotion et la Defense des Droits de l’Homme, Centre pour L’Enviornment et le Developpement, and Environmental Defense www.environmentaldefense.org/documents/2134 _Chad-Cameroon.pdf Traversing People’s Lives ; How the World Bank is financing community disruption in Cameroon Report and DVD. 2002, CED/Friends of the Earth Cameroon www.foei.org/publications/pdfs/traversing.pdf Pulp Mills: from Monocultures to Industrial Pollution World Rainforest Movement, April 2005 www.wrm.org.uy
Information sur la situation des droits syndicaux au Mexique (Informe sobre la situación del derecho a la libertad sindical en México) 3 mars 2004, Centro de Reflexión y Acción Laboral (CEREAL), présentée à l’audience thématique de la 119ème session de la Commission interaméricaine pour les Droits de l’homme.
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RESSOURCES UTILES AUTRES RESSOURCES Pourquoi les institutions financières internationales doivent se retirer du forage, des oléoducs et des mines Amis de la Terre International, 2003 http://www.foei.org/fr/publications/link/mining/i ndex.html ou http://www.foei.org/fr/publications/pdfs/handsoff.pdf IFIwatchnet Coordination d’organisations de surveillance des institutions financières internationales www.ifiwatchnet.org Eyes on IFIs Centre de ressources sur les vidéos et les films relatifs aux institutions financières internationales www.ifiwatch.tv Pumping Poverty Speakers Tour DVD, Amis de la Terre International, 2005 www.ifiwatchnet.org/eyes/item.shtml?x=44730 Twelve Reasons to Exclude Large Hydro from Renewables Initiatives http://www.foei.org/publications/pdfs/12Reasonseng.pdf Commission Mondiale des Barrages www.dams.org Rapport sur les industries extractives http://ifcln1.ifc.org/ifcext/eir.nsf/Content/Home CONTACTS DES ETUDES DE CAS Centre pour l’environnement et le développement (CED) / Amis de la Terre Cameroun B.P. 3430 Yaoundé, Cameroun Tel: +237 222 38 57 Fax: +237 222 38 59 E-mail: infos@cedcam.org www.africa-environment.org/ced/ Cepedes Rua Paulino Mendes Lima, 53 - 2º andar, 45820-440 - Eunápolis - BA Brésil Tel: +55 73 3281-2768 Email: cepedes@cepedes.org.br Citizens for a Better Environment Obote Avenue, PO Box 23202, KITWE, Zambie Tel: +260 (97) 797514 Fax +260 (2) 223221
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Environmental Defense 1875 Connecticut Ave, NW, Suite 600, Washington, DC 20009, USA Tel: +1800-684-3322 Email: members@environmentaldefense.org www.environmentaldefense.org
Equipo Pueblo Francisco Field Jurado 51, Col. Independencia, Deleg. Benito Juárezm, Mexico DF, CP 03630, MMexiqueexico Tel.: +52 (5) 5390055/5390015 Fax: +52 (5) 6727453 E-mail: pueblodip@equipopueblo.org.mx www.equipopueblo.org.mx FASE/Espírito Santo Rua Graciano Neves, 377 - 2o. Pav. – Centro, 29015-330 - Vitória – ES, Brésil Tel: +55 27 33226330 or 32237436(fax) Email: fasees@terra.com.br FOCARFE 3494 Yaounde Messa, Cameroun Tel: +237 998.41.58 / +237 728 71 16 e-mail : focarfe@yahoo.com www.aedev.org/focarfe/ Freedom from Debt Coalition 11 Matimpiin St., Central District, Quezon City, Philippines 1100 Telefax: +63 (2) 9246399 Email: mail@freedomfromdebtcoaliton.org www.freedomfromdebtcoalition.org Towards Ecological Recovery & Regional Alliance 409 Soi Rohitsuk Praharajbampen Road, Huay Kwang, Bangkok 10320, Thaïlande Tel : +66-2-6910718-20 Fax : +66-2-6910714 Email: fer@terraper.org www.terraper.org WALHI Wahana lingkungan hidup Indonesia (Forum indonésien pour l’environment / Amis de la Terre Indonésie) JI. Tegal Parang Utara No. 14, Jakarta Selatan 12790, Indonésie Tel: +62 (21) 79193363 Fax: +62 (21) 7941673 email: walhi@walhi.or.id www.walhi.or.id World Rainforest Movement (Mouvement Mondial pour les Forêts Tropicales) International Secretariat, Ricardo Carrere, Maldonado 1858, Montevideo 11200, Uruguay Tel: +598 2 413 2989 Fax: +598 2 410 0985 E-mail: wrm@wrm.org.uy wwwwrm.org.uy
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© elaine gilligan
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NOTES
1. Parlement européen, The Development Impact of European Investment Bank (EIB) lending operations in the Cotonou and ALA framework (Projet n°) EP/ExPol/B/2004/09/06), par Jaroslava Colajacomo, CRBM, mars 2005, téléchargeable à : http://aa.ecn.cz/img_upload/2a47e698cb07569dfd0ebe077b6aa d99/eib_study12_05_jaro.pdf L’étude a été utilisée comme base pour le rapport du Parlement européen Report on the impact of the lending activities of the European Community in developing countries (2004/2213(INI)) FINAL A6-0183/2005 9.6.2005, Comité pour le développement, rapporteur Gabriele Zimmer, télécheargeable à l’adresse: http://bankwatch.ecn.cz/newsroom/documents.shtml?x=330478
19. Comme stipulé dans la Décision du Conseil européen 200/24/EC, la Commission doit informer tous les ans le Parlement et le Conseil des financements accordés, ainsi que de l’avancement des opérations dans le cadre de la garantie de l’UE, et doit également, dans le même temps, soumettre une évaluation des projets et de la coordination entre les différentes institutions financières opérant dans la région. L’article 2 de la même décision stipule : “Les informations soumises par la Commission au Parlement européen et au Conseil doivent inclure une évaluation de la contribution du financement en vertu de cette décision à atteindre les objectifs de la Communauté en termes de politique extérieure”.
2. Pour une évaluation et un suivi des activités de la BEI par le Parlement européen et la Commission européenne, cf. chapitre 1.
20. Banque européenne d’investissement, Environment Statement, 2004 (www.eib.org). Le même principe est répété dans l’Accord de partenariat ACP-UE de Cotonou, 2000.
3. Ces priorités (à l’exception de l’accès aux services sociaux) ont été réaffirmées en novembre 2005 dans la Déclaration sur la politique de développement de l’UE “Le consensus européen”
21. Par exemple “L’aide doit être orientée à fin de promouvoir les droits de l’individu… et le développement social” (Titre 1, l’Accord de partenariat ACP-UE de Cotonou, 2000).
4. Basée sur l’étude du Parlement européen par la CRBM (voir note 1).
22. Les politiques opérationnelles des institutions financières, jusqu’ici confidentielles, ont été fournies par le Parlement à l’auteur le 24 février 2005.
5. Le groupe Banque mondiale a évalué le rôle futur de la banque dans le secteur des industries extractives. La Revue des Industries Extractives de décembre 2003 “Vers un meilleur équilibre” est accessible sur le site de la Banque mondiale : http://ifcln1.ifc.org/ifcext/eir.nsf/Content/Home 6. La CMB est une organisation indépendante, soutenue par la Banque mondiale et l’Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN), qui aborde les problèmes associés aux grands barrages. Le rapport de la CMB “ Barrages et développement : un nouveau cadre pour la prise de décision” (2000) a identifié les valeurs de base et un cadre pour la prise de décision, afin de s’assurer que les barrages n’engendrent pas de coûts environnementaux excessifs. Pour plus d’information sur la CMB, voir www.dams.org. 7. Les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), qui vont de la division par deux du nombre d’individus en situation de pauvreté extrême à l’arrêt de l’extension de l’épidémie du VIH/sida et une offre universelle à l’éducation primaire pour l’année 2015, font partie d’un plan d’action validé par tous les pays du monde et les principales institutions financières internationales (cf. http://www.un.org/millenniumgoals). 8. www.eib.org/publications/publication.asp?publ=14 9. Cela consistait à l’origine en une évaluation annuelle de la conformité des activités de la BEI avec les politiques et normes de l’UE. 10. Pour plus d’informations, cf. The League of Gentlemen: An investigative report on the legal and operational relationships tying the European Investment Bank to the European Institutions, par Kim Bizzarri pour les Amis de la Terre International, CEE Bankwatch Network, FERN, CRBM, (http://www.bankwatch.org/publications/ studies/2004/league_gentlemen_11-04.pdfm). 11. Le mandat institutionnel de la BEI est défini dans la Constitution européenne. 12. Partie III, Art. 317, Paragraphes 3 et 1. 13. Conseil européen, décisions 97/256/EC et 2000/24/EC. 14. Conférence de presse annuelle 2005 de la BEI, Briefing Note N°11, Luxembourg, 3 février 2005. 15. La couverture des risques est large, incluant par exemple l’impossibilité d’achever le projet pour cause de guerre ou de coup d’état, les risques commerciaux liés à une crise financière imprévue, ou une dépréciation monétaire. 16. Les garanties de l’UE peuvent couvrir jusqu’à 70% des prêts de la BEI à des entreprises, des institutions financières ou des Etats non membres, leur permettant ainsi d’accéder à des financements à long terme dont ils ne pourraient pas bénéficier autrement. 17. Banque européenne d’investissement : The Social Assessment of Projects in Developing Countries: The Approach of the European Investment Bank, juillet 2004. 18. Banque européenne d’investissement, Environmental and Social Statements, 2004.
Scènes de rues à Accra (Ghana). © Janneke Bruil.
23. En plus d’être financièrement viables, les projets financés par la Facilité d’investissement doivent également être compatibles avec les trois dimensions (économique, sociale et environnementale) des objectifs généraux de Cotonou. 24. Pour une analyse du rôle et du mandat de la BEI pour les pays ACP, voir l’étude du Parlement européen réalisée par CRBM (voir note 1). 25. Dans certains cas et comme stipulé dans l’Accord de Cotonou, les taux d’intérêts des prêts sur les ressources propres de la Banque ou de la Facilité d’investissement doivent être subventionnés (en principe jusqu’à 3%) par l’Union européenne, dans le cadre des “projets avec des bénéfices sociaux et environnementaux substantiels”. 26. Le contenu de cet encart est résumé d’après l’étude du Parlement européen réalisée par CRBM, (voir note 1). 27. Commission européenne, EU Country Strategy Paper and Indicative Programme 2001-2007. Lusaka, 11 juillet 2002. 28. Conférence de presse annuelle 2005 de la BEI, Briefing Note N°11, Luxembourg, 3 février 2005 29. ibid 30. Résolution du Parlement européen, Resolution on the World Bankcommissioned Extractive Industries Review (B5 0171/2004} RC1). 31. Pour plus d’information sur le GAO voir Environmental Rights Action / Friends of the Earth Nigeria (Amis de la Terre Nigeria) : www.eraction.org. 32. Voir tableau 3 en annexe. 33. Banque européenne d’investissement, rapport d’évaluation des projets financés par la BEI dans le cadre des mandats pour l’Asie et l’Amérique latine (AAL), janvier 2004. 34. Voir note 5. 35. Banque européenne d’investissement, The Social Assessment of Projects in Developing Countries: The Approach of the European Investment Bank, juillet 2004. 36. Conférence intergouvernementale sur les énergies renouvelables à Bonn, Allemagne, 2004. 37. Banque européenne d’investissement, European Investment Bank and Renewable Energy, 2004. 38. La définition des énergies renouvelables est controversée, mais celle de la CURES (Declaration on Renewable Energy, 2004) sert de référence (www.cures-network.org/cures_declaration.htm). Les grands barrages en sont exclus. 39. Incluse dans le rapport The Development Impact of European Investment Bank (EIB) lending operations in the Cotonou and ALA framework (Project no EP/ExPol/B/2004/09/06), mars 2005. 40. Tel que l’ « Acte sur la protection de l’environnement et la pollution » en Zambie. AU BÉNÉFICE DE QUI? |
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NOTES
41. Le Groupe international d’évaluation (GIE) et le Groupe externe de contrôle de la conformité (External Compliance Monitoring Group - ECMG).
2005, (p. 54). Ce rapport a été écrit dans le cadre d’une étude réalisée par Equipo Pueblo pour l’étude de cas sur le Mexique incluse dans l’étude du Parlement européen réalisée par CRBM, (cf. note 1).
42. 42. Banque mondiale, “Chad-Cameroon: Petroleum development and Pipeline Project,” Project Appraisal Document, Washington, D.C., 20 avril, 2000.
61. Agreement on Economic Partnership, Political Co-ordination and Cooperation between Mexico and the European Community, signé à Bruxelles le 8 décembre 1997 (en vigueur depuis le 1er octobre 2000), titre VI “Cooperation”. Commission européenne, Document Stratégique National, Mexique (2002-2006).
43. Le Vice-président de la BEI, Michael Tutty, a déclaré que “le projet représente une opportunité de développement exceptionnelle pour le Tchad, et une chance de tirer son peuple hors de la pauvreté extrême (…)”. Communiqué de presse de la BEI, 22 juin 2001. http://www.eib.org/news/press/press.asp?press=116&Years=200 1&Months=6&go=Gowww.eib.org/news/press/index.asp. 44. Voir par exemple les Indices 2005 de perception de la corruption (Corruption Perception Index 2005), Transparency International, Londres–Berlin, novembre 2005. 45. Banque mondiale, “Chad-Cameroon: Petroleum Development and Pipeline Project,” Project Appraisal Document, Washington, D.C., 20 avril, 2000.
46. Reuters , Aid Groups Press World Bank on Chad Oil Profits, Washington, D.C., 17 novembre 2005. 47. Groupe d’inspection de la Banque mondiale, Report Cameroon: Petroleum Development and Pipeline Project (Loan No.7020-CM) and Petroleum Environment Capacity Enhancement (CAPECE) Project. http://siteresources.worldbank.org/ EXTINSPECTIONPANEL/Resources/CAMInvestigationRptEnglish.pdf 48. Amnesty International, Extrajudicial Executions/ Fear for Safety: At Least 80 People Killed in Moundou, Others Arrested, AI Index, novembre 1997.
63. Paul Hampton. Mexico Briefing: car workers’ union organization, Puebla, septembre 2003. 64. Les fonds n’ont pas été versés, le Sénat de la République n’ayant pas encore ratifié l’accord-cadre de coopération financière signé en novembre 2003 entre le gouvernement mexicain et la BEI. 65. Réponse de la BEI (Direction de l’Amérique latine) à un questionnaire envoyé par la consultante Domitille Delaplace, dans le cadre de l’étude de cas sur le Mexique pour l’Union européenne référencé en note 1 (dénommé ci-après“le questionnaire”). 66. Banque européenne d’investissement. “Mexique: la BEI prête 70 millions d’euros à Volkswagen Mexique”. Communiqué de presse, Réf. 2004-093, 8 octobre 2004. 67. “Convention de partenariat économique, de coordination politique et de coopération”; Op. cit. ibid. CF. note 57. 68. Réponse de la BEI (Direction Amérique latine) au “questionnaire” ibid.
49. BEI, communiqué de presse, 27 juin 2001 (http://www.eib.org/news/News.asp?news=24&cat=10).
69. Paul Hampton. Mexico Briefing: car workers’union organisation, Puebla, Sept. 2003.
50. Résolution du Conseil 2000/24/EC.
70. Ibid.
51. Voir l’étude du Parlement européen par CRBM (cf. note 1).
71. Banque européenne d’investissement. The Social Assessment of Projects in Developing Countries: the approach of the European Investment Bank. EIB-Projects Directorate-Environmental Unit / 28 juillet 2004.
52. Banque européenne d’investissement, Financing in Asia and Latin America, 2003. 53. En l’absence d’un mandat du Conseil qui définisse les critères d’attribution de financements par la BEI pour les pays AAL, le règlement du Conseil 443/1992/EC peut être considéré comme le cadre de référence qui régule les flux financiers de l’UE vers ces pays. Cela inclue ceux du plan de garantie de l’UE qui met l’accent sur les secteurs prioritaires pour la coopération, dont le développement humain et la réduction de la pauvreté. 54. Les pays éligibles au mandat AAL III sont : le Brunei, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, le Vietnam, le Bangladesh, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, Macao, la Mongolie, le Népal, le Pakistan, le Sri Lanka, le Yémen, le Costa Rica, Le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Pérou, le Venezuela, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay, le Chili, le Mexique, le Panama. 55. Les pays qui n’ont reçu aucun financement sont : le Brunei, le Laos, la Malaisie, Singapour, la Corée du Sud, Macao, la Mongolie, le Népal, le Yémen, le Costa Rica, Le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Venezuela. 56. Convention entre la BEI et la Banque interaméricaine de développement (www.eib.eu.int/Attachments/thematic/mou_eib_idb_en.pdf). 57. Commission européenne, COM(2003)603 final 2003/0232 (CNS), Report from the Commission to the European Parliament and the Council, Mid-term review of EIB external lending mandate pursuant to Council Decision 2000/24/EC, 13 octobre 2003. 58. Cf. World Rainforest Movement, Plantations are not forests, 2003 (http://www.wrm.org.uy/). 59. Banque européenne d’investissement, EIB Environmental Statement 2004 (www.eib.org). 60. Les informations contenues dans ce chapitre au sujet du Mexique sont tirées du rapport de Domitille Delaplace (DECA Equipo Pueblo, A.C.) : European Investment Bank (EIB) Lending in Mexico – In whose interest ? An analysis of EIB lending activities in Mexico with regard to European Union Cooperation Priorities, mimeo, Mexico, avril
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62. Convention entre la Commission européenne et la BEI, Working procedures between the EIB and the Commission services (DG ENV and DG ECFIN) in the consultation of the Commission under Article 21 of the EIB Statute.
72. Informations relatives au conflits du travail tirées d’un rapport du Centre de réflexion et d’action sur le travail (Centre for Reflection and Action on Labour Issues - CEREAL), présenté à une conférence thématique de la Commission interaméricaine pour les droits humains (Interamerican Commission on Human Rights - CIDH), 3 mars 2004. 73. Réponse de la BEI (Direction Amérique latine) au “questionnaire” (cf. note 49). 74. “Réglementations de la loi générale pour l’équilibre écologique et la protection de l’environnement en matière d’études d’impacts environnementaux”, publié au Journal officiel du 30 mai 2000. 75. Commission européenne, Working procedures between the EIB and the Commission services (DG ENV and DG ECFIN) in the consultation of the Commission under Article 21 of the EIB Statute. 76. Message électronique de la CRBM à la Direction Amérique latine de la BEI, 25 janvier 2005. 77. Message électronique de la Direction Amérique latine de la BEI à la CRBM, 25 janvier 2005. 78. Commission pour la régulation de l’énergie, Resolución por la que se expide la convocatoria para participar en la licitación Pública Internacional LIC-GAS-009-1997 (RES/179/97), 14 novembre 1997. 79. Le consortium Mexigaz comprenait initialement Bufete Internacional, mais seule la compagnie française est restée lorsque Bufete a déclaré faillite. 80. “Réglementations de la loi générale pour l’équilibre écologique et la protection de l’environnement en matière d’études d’impacts environnementaux”, publié au Journal officiel du 30 mai 2000. 81. Conseil de l’Europe, Directive 97/11/EC du 3 mars 1997 amendant la Directive 85/337/EEC Journal Officiel n° L 073, 14 mars 1997, p 5.
84. Message électronique de la Direction Amérique latine de la BEI à la CRBM, 11 février 2005.
113. Thames n’a réalisé que 69% en ce qui concerne le volume d’eau facturée alors que son objectif était de 88%; a produit 15% d’eau en moins par rapport PAM Jaya; a diminué les pertes d’eau de 58% à 48%, mais a échoué a atteindre son objectif de 35%; le taux de connection au réseau a augmenté de 54% par rapport au niveau de 1997, soit 7% sous l’objectif; et le taux de couverture a augmenté de 62%, soit moins que l’objectif de 70%.
85. Interview avec Nicolas Vergés, Directeur financier et administrative du consortium Mexigaz, 4 avril 2005.
114. Dans la zone ouest de Manilla, où l’opérateur a continué à prélever les charges temporaires après la période autorisée.
86. Réponse de la BEI (Direction Amérique latine) au “questionnaire” ibid.
115. Pour une analyse des redressements d’entreprise aux Philippines, cf. Insolvency Systems in Asia: An Efficiency Perspective par Danilo L. Concepcion, Corporate Rehabilitation: the Philippine Experience, 1999.
82. Réponse de la BEI (Direction Amérique latine) au “questionnaire” ibid. 83. ibid.
87. Andersson & Bartholdson , Swedish Pulp in Brazil: The case of Veracel, Swedwatch, 2004, page 5. 88. Banque européenne d’investissement, EIB loan for reforestation in Brazil, communiqué de presse, 18 octobre 2001. 89. Banque européenne d’investissement, Veracel Pulp Mill Project, Brazil, communiqué de presse, 30 mars 2004. 90. Chris Lang, auteur de cette section concernant Veracel, était présent à la réunion qui s’est déroulée dans les bureaux de la BEI à Bruxelles. 91. Plantations, site internet de Veracel (http://www.veracel.com.br/en/perfil_hoje_plantios.htm) 92. De’Nadai, Alacir, Winifridus Overbeek, Luiz Alberto Soares (2005), Promises of jobs and destruction of work: The case of Aracruz Cellulose in Brazil, World Rainforest Movement, Uruguay, pp 37. 93. Andersson & Bartholdson Swedish Pulp in Brazil: The case of Veracel, Swedwatch, 2004, pp 22. Andersson 94. Banque européenne d’investissement, Veracel Pulp Mill Project, Brazil, communiqué de presse du 30 mars 2004. 95. Veracel 10 years, document de l’entreprise Veracel, 2002. 96. Gustavo Gonzales, South America: Profitable Pulp Mills Also Pollute, Inter Press Service, 13 avril 2005. 97. Banque européenne d’investissement, EIB loan for reforestation in Brazil, communiqué de presse du 18 octobre 2001. 98. Brazil: The short memory of Veracel and the power of Aracruz, World Rainforest Movement, bulletin n° 39, octobre 2000.
116. Pour la liste des agences de financement, voir : Update on the Lao PDR: Nam Theun 2 (NT2) Hydroelectric Project, 22 juin, 2005, p.8 (http://www.wds.worldbank.org/servlet/ WDSContentServer/WDSP/IB/2005/06/29/000160016_2005062 9124146/Rendered/PDF/32790a.pdf). 117. International Rivers Network et Environmental Defense, novembre 2004 (cf. www.irn.org). 118. IAG, 5ème rapport du Groupe international d’évaluation de la Banque mondiale, (Fifth report of the International Advisory Group to the World Bank), février 2005, p.12. 119. David J.H. Blake, A Review of the Nam Theun 2 Environmental Assessment and Management Plan (EAMP) as it pertains to Xe Bang Fai fisheries, janvier 2005, publié par International Rivers Network, p.1. 120. The People and Their River: A Survey of River-Based Livelihoods in the Xe Bang Fai River Basin in Central Lao PDR, par Bruce Shoemaker, Ian G. Baird, et Ms Monsiri Baird, novembre 2001. 121. Banque européenne d’investissement, USD 55 million for hydropower plant in Laos, communiqué de presse du 26 avril 2005 122. Banque mondiale, Lao PDR Country Economic Memorandum: Realizing the Development Potential of Lao PDR, décembre 2004, p.72. 123. Cité dans Agriculture and Livestock Development Plan for the Nam Theun 2 Hydropower Project: An Independent Analysis, janvier 2005, publié par International Rivers Network.
99. Hannu Pesonen Right as rain forests, Tempus, Stora Enso Quarterly Magazine, 1, 2004.
124. Robert Vernstorm, Nam Theun 2 Hydro Power Project Regional Economic Least-Cost Analysis: Final Report, mars 2005 (cf. www.palangthai.org/docs/NT2EconMalfeas.xls)
100. Andersson & Bartholdson, Swedish Pulp in Brazil: The case of Veracel, Swedwatch, 2004, pp 33.
125. NGO Forum on ADB Briefing, Nam Theun 2: Perspectives on Local Consultation, novembre 2004.
101. Brazil: The short memory of Veracel and the power of Aracruz, World Rainforest Movement, bulletin n° 39, octobre 2000.
126. Nam Theun 2 Social Development Plan, novembre 2004, vol. 1, ch. 4, p. 26.
102. Brazils landless in widespread protests, Financial Times, 7 avril 2004.
127. Les Amis de la Terre, Campagna per la Riforma della Banca Mondiale, Bank Information Center, et Environmental Defense, NGO Visit to Nam Theun 2 Hydroelectric Project in Laos, décembre 2003.
103. Stora Enso is exploring the possibility of building a new fibre line at Veracel, communiqué de presse de Stora Enso, 28 septembre 2005 (http://www.storaenso.com/CDAvgn/main/ 0,,1_-6479-14271-en,00.html) 104. L’Indonésie et les Philippines étaient en tête de liste des pays asiatiques emprunteurs de la BEI, avec respectivement 353 M? (soit 9,8% du total des financements AAL) et 293 M? (soit 8,2% du total AAL); cf. tableau 6 en annexe. 105. En Argentine et au Brésil le groupe français Suez est lié avec Agua Argentina, Agua de Misiones et Agua Corbobesas dans le cadre d’entreprises en partenariats. 106. Signifie que l’entreprise s’occupera de la mise en place et de la gestion du service en échange de la collecte des charges d’eau par les utilisateurs, avant de passer le relais à l’Etat après une période définie au préalable. 107. Réglementation de janvier 2005, qui étend le risque politique à la “rupture de contrat combinée à une dénégation en justice”. 108. Cf. note 6. 109. Lettre de la BEI à Petr Hlobil de CEE Bankwatch Network, datée du 30 juin 2004.
128. Lettre de la BEI à Petr Hlobil de CEE Bankwatch Network, datée du 30 juin 2004. 129. An Analysis of Nam Theun 2 Compliance with World Commission on Dams Strategic Priorities par Aviva Imhof et Shannon Lawrence, février 2005, (cf. www.irn.org) 130. En particulier l’objectif 1 : “Eradiquer la pauvreté extrême et la faim”, et l’objectif 7 : “Assurer la durabilité environnementale”. 131. Toutes les informations et les contrats relatifs aux projets financés, y compris les prêts globaux, et tous les rapports et études d’approbation, de suivi et d’évaluation tout au long des projets. 132. De la Facilité d’investissement établie dans le cadre de l’Accord de partenariat de Cotonou ^pour les pays ACP et PTOM ; du budget de l’UE pour les pays méditerranéens. 133. ibid. 134. Cela peut également prendre la forme d’une assistance technique. 135. ibid. 136. Pour les activités dans le secteur environnemental.
110. Commission européenne : directive cadre de la Commission européenne sur le système d’échanges de quotas d’émissions, 2004.
137. Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP).
111. Fils de l’homme d’affaires le plus riche d’Indonésie et communément considéré comme l’ami intime de Soharto en affaires, Liem Soi Liong (également connu sous le nom de Soedono Salim).
138. La BEI a également soutenu des investissements dans 20 Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM) liés à certains Etats membres de l’UE, principalement dans les Caraïbes et la zone Pacifique.
112. La privatisation du service d’eau de Djakarta est divisée entre une partie est et une partie ouest. Thames et son partenaire local (Pt.Kekar Airindo, détenu par Sigit Harjojudanto) gèrent la zone est sous le nom de “PT. Thames PAM Jaya (TPJ)”; Thames Water Company détient 40% des parts de TPJ. La Lyonnaise des Eaux et son partenaire local (PT. Garuda Cipta Semesta, détenue par Anthnoy Salim) gèrent la zone ouest sous le nom de “Pam Lyonnaise Jaya (Palyja)” (la Lyonnaise des Eaux détient 80% des parts de Palyja).
Station essence au Nigéria. © Elaine Gilligan.
139. N’inclue pas la catégorie “Prêts globaux” de la BEI, ce qui explique la différence par rapport à 100% dans le total des pourcentages des financements. 140. Idem. 141. Idem.
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LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT DANS LES PAYS DU
SUD
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