La Baleine 161 : Relocalisation, le virage

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Depuis 1971

mars 2010 / 3€20 N°161

Relocalisation,

www.amisdelaterre.org

le virage


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Edito

SOMMAIRE

Relocalisation et ouverture Le commerce international se développe au rythme de la division internationale du travail. Celle-ci évolue vers une désintégration et une atomisation de la production dopée par l’institution du libre échange, d’une globalisation financière et d’une révolution des techniques et coûts de transports et de communication. L’impulsion de cette politique néolibérale s’appuie sur deux postulats erronés : le commerce serait facteur de pacification des relations internationales et le développement des échanges, source d’enrichissement. Ce fonctionnement aiguise une course à l’accumulation et au profit qui rend les contributeurs à ce processus davantage rivaux que solidaires. Pas étonnant que ce dogme soit à l’origine de conflits et d’inégalités. Ces appétits insatiables ont conduit à développer les échanges de façon inconsidérée dans les domaines de la production industrielle, des services et de l’agriculture. La spécialisation des productions agricoles d’exportation a confisqué des terres nécessaires aux cultures vivrières au détriment des populations locales. Basée sur le dogme « plus je produis, plus je deviens productif et compétitif », cette organisation fait l’impasse sur la dilapidation des ressources et la dégradation des biens publics mondiaux. Les ressources fossiles, les forêts, le climat et les océans en sont les exemples les plus criants. Une remise en cause de ces dogmes et une réorganisation des modes de production et de consommation s’imposent pour pallier les pénuries et ruptures à venir.

« Changer de système » au-delà du climat suppose la mise en œuvre des moyens correspondant à une large autonomie locale des populations, pour satisfaire les besoins essentiels portant tout autant sur l’énergie ou l’agriculture que sur les produits manufacturés. Parallèlement il est essentiel que la libre-circulation des idées, des personnes et l’ouverture aux autres cultures soient la règle de cette relocalisation. Mais ceci n’y suffira pas. L’échec de Copenhague qui a buté sur les égoïsmes nationaux doit conduire à tirer les leçons des faiblesses de cette administration internationale. Pour un partage et un accès équitable de tous aux ressources et biens publics mondiaux et prévenir les conflits, l’ONU ne peut être le garant de cette régulation que dans l’hypothèse d’un fonctionnement plus démocratique et d'une représentation plus équitable des peuples. Les effets d’annonce ne nous trompent pas. Dans le prolongement de Copenhague, nous devons donc contribuer à faire grandir la mobilisation citoyenne pour que s’imposent enfin ces revendications locales et globales, et agir immédiatement en soutenant les luttes locales.

> CLAUDE BASCOMPTE Président des Amis de la Terre • France

3 - 5 > INTERNATIONAL • Le mouvement de la justice climatique est en marche • Le Mouvement des Sans Terre dans la tourmente • Procès crucial aux Pays-Bas • Chantage à la tronçonneuse 6 - 8 > FRANCE • Le Conseil constitutionnel demande une taxe universelle, juste et efficace • Des déchets nucléaires dans nos maisons ! • Qu'attendre de l'instance de concertation sur les OGM ? • Comprendre l’impact de ses finances et agir • Un bel indifférent égaré un instant dans l’écologie 9 - 10 > RÉGIONS • Monocultures d'arbres et imprimés publicitaires • Circuit F1 : Sarcelles toujours dans la course ! • Le projet de JO contestable... et contesté ! • Les candidats interpellés en Rhône-Alpes 11 - 16 > DOSSIER : RELOCALISATION, LE VIRAGE • Le local, meilleur chemin vers l'universel ? • Alter-conso, une démarche différente des AMAP • Le Pr. Émil Émilion • Relocaliser l'économie par les monnaies locales ? • Comment rompre notre dépendance aux importations de bois ? • Des filières courtes d'écomatériaux • Cameroun : « Nous sommes en perpétuelle situation de lutte » • Textile : une filière 100 % locale est-elle possible ? • Paroles de militants 17 > RESEAUX • Les Amis de la Terre en France et dans le monde • Bulletin d’adhésion 18 > COIN DES LIVRES Livres • Publications •

19 > JURIDIQUE, COLLECTIFS • Un département a le droit d’exprimer son opposition aux OGM • Sud-Ouest : une ligne grande vitesse qui divise 20 > PRATIQUE, HUMEURS • Remplir son panier : comment s'y retrouver dans les labels ? • Vive les circuits longs !

Le Courrier de la Baleine n°161 « Se ranger du côté des baleines n'est pas une position aussi légère qu'il peut le sembler de prime abord. »

Trimestriel • Mars 2010 • n°CCPAP : 0312 G 86222 • ISSN 1969-9212

Depuis 1971

Ce numéro se compose d’un cahier principal (20 pages), la brochure du Réseau Action Climat « Des gaz à effet de serre dans ma poubelle » et d’un cahier avec inscription pour l’Assemblée fédérale 2010.

Directeur de la publication Claude Bascompte Rédactrice en chef Sophie Chapelle Secrétaire de rédaction Benjamin Sourice Comité de rédaction Abigail Bourgoin, Mathias Chaplain, Alain Dordé, Cyril Flouard, Caroline Hocquard, Laurent Hutinet, Lucie Lebrun, Lucile Pescadère, Caroline Prak, Agnès Rousseaux Ont collaboré à ce numéro Sylvain Angerand, Françoise Chanial, Khaled Dehgane, Cyrielle den Hartigh, Emeline Eudes, Anne Furet, Marie-Christine Gamberini, Vincent Gayrard, Patrick de Kochko, Yann Louvel, Gwenael Wasse Crédits photos Ivan Escudé, Les Amis de la Terre – Haute-Savoie, Matthew Burpee, David Cochard, LeBoisé Desbois, Cyril Flouard, Pepa Garcia, Sacha Lenormand, Mathias Szablowsky. Maquette Nismo Carl Pezin • 01 48 00 06 94 Impression sur papier recyclé Offset cyclus 90g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50

Les Amis de la Terre est une association de protection de l'Homme et de l'environnement. Créée en 1970, elle a participé à la fondation du mouvement écologiste en France, et à la formation du premier réseau écologiste mondial, Les Amis de la Terre – International, présent dans 77 pays et réunissant deux millions de membres. Les Amis de Terre mènent des actions de plaidoyer auprès des décideurs économiques et politiques et sensibilisent le grand public sur les problématiques environnementales. Elle s’appuie pour cela sur un réseau de 30 groupes locaux.


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INTERNATIONAL

L'après-Copenhague Le mouvement de la justice climatique est en marche La 15e Conférence des Parties marque l'échec des gouvernements, pas celui des mouvements. Pour les collectifs, l'après Copenhague se poursuit dans les mobilisations locales. « Le pire accord de l'histoire » lance un délégué soudanais à la fin des négociations. Plus proche d'une déclaration politique que d'un « accord », la Conférence des Parties s'est contentée de « prendre note ». En bout de course, l'explosion du cadre multilatéral des négociations a révélé les limites démocratiques du processus onusien : alors que Copenhague rassemblait les représentants de 191 Etats-Parties, cette déclaration politique est le fruit de négociations à 26 pays menées essentiellement par les États-Unis, l'Inde, la Chine, le Brésil et l'Afrique du Sud. Les trois pages écrites en catimini dans la nuit du 18 au 19 décembre sont le résultat d'un système basé sur l'égoïsme des grandes puissances. Elles ne comprennent aucun objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre et ne font référence à aucune instance internationale qui vérifierait la mise en œuvre des engagements de chaque pays.

« Crime contre l'humanité » Avec cet « accord », une boite de Pandore s'ouvre qui permet aux Etats de se dégager des contraintes du Protocole de Kyoto en se rabattant sur des engagements volontaires a minima. Les engagements d'émissions transmis le 31 janvier 2010 confirment l'arrêt de mort pour l'Afrique et de nombreux états insulaires. Selon un calcul des Nations unies, l'addition des promesses conduirait à une hausse de la température moyenne de la planète de 3 °C. On est loin des 2 °C affichés dans « l'accord » et des 1,5 °C

réclamés par nombre de pays en développement. Pas étonnant que la société civile ait été brutalement écartée des négociations trois jours avant la fin de la Conférence : sur les 22 000 représentants d'ONG, seuls 90 observateurs ont été autorisés à entrer. Comme l'analyse le journaliste Claude-Marie Vadrot, « il est difficile de convoquer des témoins quand on s'apprête à commettre un crime contre l'humanité ».

Revendications globales, mobilisations locales Cet échec-là est celui Plus d'une centaine de militants des Amis de la Terre France des gouvernements pas des étaient présents à Copenhague. mouvements. Copenhague dessertes de proximité et la défense du aura en effet marqué la convergence inéfret ferroviaire, expériences de plans énerdite des mouvements sociaux, écologie climat territoriaux citoyens, proposigistes et de la solidarité internationale. La tions pour réduire la précarité énergélutte pour la justice climatique a réuni plus tique, actions pour la relocalisation des de 100 000 personnes lors de la manifesactivités économiques... Face à l'incapatation internationale du 12 décembre. Les cité des gouvernements, l'ancrage des 300 initiatives portées par plus de 250 revendications globales – comme le refus organisations au Klimaforum, le sommet des marchés carbone et des mécanismes alternatif, ont favorisé la rencontre et le REDD – dans des mobilisations et alterrenforcement de pratiques militantes natives locales et nationales contribue à la diverses. Les multiples actions de rue ont transition nécessaire vers des sociétés maintenu la pression et l'expression soutenables. citoyenne durant deux semaines malgré la forte répression policière. Aujourd'hui, > SOPHIE CHAPELLE l'après-Copenhague se passe aussi ici. Mobilisations contre les LGV, pour des

Échéances et mobilisations Agenda européen et international C'est la ville de Cancun au Mexique qui devrait accueillir la 16e Conférence des Parties en décembre 2010. Chine, Inde, Afrique du Sud et Brésil réclament au moins cinq réunions préparatoires avant le sommet. La coalition Climate Justice Now ! dont les Amis de la Terre International sont membres font de la réunion intermédiaire à Bonn (Allemagne) en juin 2010 une échéance importante de mobilisation européenne. Le même mois, le G20 se réunit en Ontario (Canada) : pour les mouvements sociaux qui ont rejoint la bataille de la justice cli-

matique, les revendications pour la justice climatique et celles pour une remise à plat du système financier international vont de concert, d’autant plus que les pays les plus puissants semblent vouloir marginaliser l’ONU.

Droits de la Terre La Bolivie appelle également à une Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique à Cochabamba du 20 au 22 avril prochains. Lancée par Evo Morales, cette conférence promeut l'idée d'une reconnaissance des droits

environnementaux. Cette proposition rencontre un réel écho : sans initiative forte permettant de bousculer le rapport de force international, il est peu probable de résoudre en 2010 ce qui n’a pu l’être en 2009, et Cancun pourrait retentir comme un nouvel échec. Forts de la volonté de préserver leur autonomie, les mouvements seront malgré tout attentifs et bien présents à Cochabamba afin que les droits de la Terre Mère l'emportent sur ceux du Père Fric.

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S. C.


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INTERNATIONAL

Brésil Le Mouvement des Sans Terre dans la tourmente Les députés de la droite brésilienne viennent d'accoucher d’une commission d’enquête sur les finances du MST. Les dirigeants du mouvement paysan font l’objet d’une diabolisation à sept mois des élections présidentielles.

Camp d'occupation des Sans Terre.

(17,2 millions d’euros) du gouvernement brésilien via des ONG nationales de développement rural.

Des ONG françaises impliquées

Un vent de tempête politique souffle à nouveau sur les petits paysans du Brésil. Après plusieurs mois de tractations, les dirigeants de droite ont fini par convaincre le tiers de députés nécessaire de lancer une commission d’enquête sur le financement du Mouvement des Sans Terre (MST). Approuvée le 10 février par le Congrès, celleci inclut 167 points d’investigations à l’encontre du parti des Sans Terre, des ONG et responsables politiques du parti de Lula. La commission d’enquête reprend notamment un article du magazine Veja de septembre 2009 accusant le MST d’avoir touché à tort 43 millions de Reais

Dans un discours prononcé devant le Congrès le 2 décembre dernier, le député Ernandes Amorim (PTB, droite) de l’état de Rondônia (Sud de l’Amazonie) accuse le MST d’avoir touché 15,4 millions de Reais (6 millions d’euros) du gouvernement Lula, afin de célébrer les 25 ans du mouvement, dont des événements organisés à Paris en octobre dernier. Selon Amorim, « seule une organisation internationale, comme ces ONG étrangères qui appuient les agro-terroristes ont les moyens de monter ce cirque ». Les ONG parisiennes ayant pris en charge l’événement dont le CRID et les Amis de la Terre, apprécieront. Pour Nathalie Péré-Marzano du CRID, le coût de la manifestation a été totalement pris en charge par les ONG françaises, pour un total d’environ 22 000 €. « Nous avons monté ce projet de façon autonome. On ne peut pas laisser dire que cet événement aurait été financé par le MST via un financement du gouvernement brésilien. » Interrogé sur la validité de l’argument du député Amorim, un dirigeant du MST de l’état de Rondônia estime que « l’enjeu de cette commission d’enquête parlementaire est de maintenir la criminalisation du MST dans les médias et gagner l’opinion publique pour confirmer l’agrobusiness comme modèle agricole au Brésil, à la place de la réforme agraire. »

Casseroles Ernandes Amorim aurait été impliqué en 2004 par la justice fédérale dans des affaires de fraude fiscale et corruption, et détenu pendant 87 jours. Parmi les membres actifs de la commission d’enquête, la sénatrice Katia Abreu (DEM, droite) ferait l’objet d’une action civile du ministère public de la Justice brésilienne pour infraction au Code forestier, irrespect des peuples indigènes et violation de la Constitution. Autre soutien de la commission d’enquête, le député Abelardo Lupion (DEM) aurait bénéficié des largesses des firmes Monsanto (vente de plantes OGM) et Nortox (vente de pesticides) pour le financement de sa campagne électorale de 2002 à hauteur de 20 millions de Reais (50 millions d’euros). Au-delà de l’enjeu des présidentielles du 3 octobre 2010, le colossal arsenal médiatico-juridique levé par le lobby de l’agrobusiness pourrait bien réussir à ébranler le MST, dont des centaines de membres sont déjà entendus par la justice. Malgré la très forte popularité de Lula (80 % d’opinions favorables), les attaques contre la crédibilité du MST pourraient alors s’avérer désastreuses pour les acquis constitutionnels de la réforme agraire et pour le droit d’accession à la terre. Sans compter les risques de nouvelles violences contre les paysans, comme le massacre d’Eldorado dos Carajas, qui avait fait 19 morts en 1996.

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CYRIL FLOUARD

Multinationales Procès crucial aux Pays-Bas Le géant pétrolier Shell, deuxième entreprise privée au monde, est actuellement poursuivi dans un procès à la Hague dont l'enjeu est d'une importance capitale en termes de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Ce procès oppose la multinationale à quatre paysans et pêcheurs nigérians de la région du delta du Niger, victimes de graves dégâts environnementaux causés par l'extraction pétrolière intensive dans cette région. La population locale est particulièrement touchée par le torchage sauvage et illégal du gaz et par ses conséquences sanitaires gravissimes (fuites récurrentes, pollutions atmosphériques sévères, bruit continu, etc.).

Maisons-mères Toutefois, contrairement à d'autres procès contre les filiales locales des multinationales, les plaignants, soutenus par les Amis de la Terre – Pays-Bas, se sont cette fois attaqués directement à la maisonmère Shell dont le siège est à Amsterdam, partant du principe que c'est évidemment elle qui contrôle les activités et politiques de ses filiales. Une première victoire a été obtenue le 30 décembre 2009, avec l'acceptation par le tribunal d'instruire une première plainte ; victoire confirmée le 24 février dernier pour ce qui concerne les deux autres cas, ouvrant ainsi la voie à un début des débats à partir de mars. Cette décision marque

une avancée majeure vers la reconnaissance de la responsabilité juridique des maisons-mères pour les dégâts environnementaux et les abus sociaux commis par leurs filiales dans les pays du Sud. C'est aussi la possibilité de voir les victimes dédommagées. Ces revendications sont également fortement soutenues par les Amis de la Terre en France au sein du Forum citoyen pour la RSEE.

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GWENAEL WASSE

Chargé de campagne • Responsabilité des entreprises

Plus d'infos sur le procès : www.milieudefensie.nl/english/shell/thepeople-of-nigeria-versus-shell


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INTERNATIONAL

Négociations climat Chantage à la tronçonneuse Nicolas Sarkozy a annoncé l’organisation d’une réunion internationale sur les forêts à Paris le 11 mars 2010. Décryptage des enjeux et motivations que cache ce soudain intérêt. Plutôt que de réduire de façon drastique leurs émissions de gaz à effet de serre, les pays développés cherchent à tout prix des échappatoires. C’est parce qu’elles stockent environ 650 gigatonnes de CO21, soit l’équivalent d’environ 25 années d’émissions mondiales de ce gaz, que les forêts sont au cœur des tractations internationales. L’idée est simple : considérer que les émissions de carbone liées à la déforestation constituent un « droit à polluer » ou « crédit carbone », échangeable sur un marché mondial. Les pays qui s’engageraient à réduire leur déforestation pourraient alors vendre leurs « crédits carbone » aux pays industrialisés qui ne souhaitent pas réduire leurs émissions. Ce projet est dénommé Programme de réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD).

confié au cabinet McKinsey le soin d’évaluer son potentiel de réduction des émissions liées à la déforestation. Ce rapport

Crédits fictifs

v

Le problème est qu’il est impossible de prévoir avec rigueur l’évolution du taux de déforestation dans un pays car il faudrait pour cela être capable de prévoir les variations des cours mondiaux des commodités agricoles ou encore les aléas climatiques comme les périodes de sécheresse à l’origine des grands incendies. Ces « crédits carbone » risquent donc d’être fictifs. Les pays possédant des forêts ont tout intérêt à jouer au « chantage à la tronçonneuse » : le Guyana, pays ayant un taux de déforestation très faible, a ainsi annoncé que 90 % de ses forêts auront disparu en 2020… A moins que la communauté internationale ne lui rachète ce « droit à polluer ». La République démocratique du Congo a

explique le plus sérieusement du monde que les exploitants forestiers pourraient prélever bien plus de bois qu’ils ne le font aujourd’hui : il conviendrait donc de leur accorder des « crédits carbone » pour ce manque à gagner !

Fausse route Le débat international sur le climat ne sauvera sans doute pas les forêts, il en accélérera peut-être même la disparition

car il risque de mener à des solutions injustes (expulsion de communautés forestières pour créer des puits de carbone) et inefficaces (crédits carbone fictifs). Si les pays industrialisés veulent vraiment réduire la déforestation, la priorité devrait être d’organiser la transition vers des sociétés qui consomment moins de viande, de soja, d’huile de palme ou encore de papier. Au lieu de cela, l’Union européenne est en train de négocier un accord de libre-échange avec les pays d’Amérique Latine pour que nos entreprises de services (Suez, Veolia) puissent accéder aux marchés publics des grandes villes du Brésil et d’Argentine. En échange, les quotas d’importation de viande bovine seront fortement augmentés, même si l’élevage est, avec la culture du soja, la principale cause de destruction des forêts dans ces pays.

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SYLVAIN ANGERAND

Chargé de campagne • Forêts 1/ Voir le rapport « Global Forest Ressources Assesment » de la FAO (2005) http://www.fao.org/forestry/fra/fra2005/en/

Brèves L’aubergine Bt voit rouge – Le 9 février 2010, le ministre de l’Environnement indien, Jairam Ramesh, a décrété un moratoire d’une durée indéterminée sur la culture et la commercialisation de l’aubergine Bt mise au point par Monsanto et Mahyco. La pollinisation croisée entre aubergine transgénique et conventionnelle, le manque d’évaluation pour la santé humaine, l’absence de contre-expertise indépendante ont motivé sa décision, qui s’oppose à l’avis du comité d’expert sur les OGM et du ministère de la Science et de la Technologie. Les populations indigènes face à un nouveau barrage – Le gouvernement brésilien a donné le 2 février 2010, son feu vert à la construction d’un barrage géant en Amazonie. L'usine hydroélectrique de Belo Monté, située sur la rivière Xingu aura une capacité de production de 11 000 MW et coûtera 11 milliards de dollars : il s’agira du 3e plus gros barrage au monde après Itaipu (Brésil) et les Trois Gorges (Chine). Les Indiens des rives du Xingu et les écologistes se mobilisent contre ce projet qui inondera 500 km² de terres, déplacera 30 000 personnes et dégradera l’environnement de façon irréversible.

BNP Paribas se retire du projet « Belene » – Les Amis de la Terre se félicitent du retrait complet de BNP Paribas du projet de centrale nucléaire située en zone sismique à Belene (Bulgarie). La banque avait financé les études préliminaires et le début des travaux de la centrale, puis tenté de coordonner l’ensemble du financement. C’est la fin d’un combat qui oppose BNP Paribas aux Amis de la Terre depuis 2007 et, espérons-le, le début d’une remise en question de la banque sur sa participation à de tels projets.


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FRANCE

La « contribution carbone » annulée Le Conseil constitutionnel demande une taxe universelle, juste et efficace Le Conseil constitutionnel a annulé le projet gouvernemental de taxe carbone, le jugeant inégalitaire et inefficace. Le débat sur les taxes et les droits à polluer est relancé. Le 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a annulé le projet de taxe carbone du Gouvernement. Les sages du Palais Royal ont appuyé leur décision sur la Charte de l’environnement et sur le principe d’égalité devant l’impôt, arguant que moins de 50 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) auraient en réalité été taxées et que 93 % des émissions industrielles auraient été exonérées.

Jurisprudence cohérente Cohérent avec une décision rendue en 2000, le Conseil a pointé que le projet était inefficace au regard de son objectif : réduire les émissions. Il relève qu’il était prévu d’exonérer « les émissions des 1 018 sites industriels les plus polluants, telles les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, [celles] des secteurs de l’industrie chimique utilisant de manière intensive de l’énergie (…), du transport aérien et du transport public routier de voyageurs. En outre, étaient taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime. » Il est implicitement demandé de revoir tout le dispositif, notamment pour assujettir les secteurs industriels soumis au marché européen de droits à polluer (ETS) dont les quotas ne seront vendus

(et non plus attribués gratuitement) qu’entre 2013 en 2027. Le Gouvernement n’est pas au mieux et le Parlement devra, en cas de nouvelle loi, veiller à ne pas multiplier les exonérations. Un nouveau projet pouvant être appliqué au 1er juillet 2010 a été demandé à Jean-Louis Borloo. Ses grandes lignes sont déjà connues.

Un dispositif illisible Pour l’industrie, la taxe serait modulée selon le degré d’exposition à la concurrence internationale et l’efficacité énergétique – autant de critères peu lisibles qui feront sans aucun doute l’objet de tractations en coulisses. L’objectif consiste en somme à inventer une taxe carbone sans porter atteinte aux secteurs qui pourraient réduire leurs activités en conséquence, alors que tel en est le but. Pour les ménages, le projet sera

inchangé. Les critiques et revendications des Amis de la Terre le sont donc aussi : application à tous les GES et à l’électricité, progressivité dans le temps, compensation pour les ménages les plus modestes et surtout, politiques massives en faveur des transports collectifs, de la rénovation des bâtiments et de l’agriculture locale. Le tout dans le cadre d’une refonte globale de la fiscalité visant à réduire les inégalités. Bien que ce soit pratiquement irréalisable, Nicolas Sarkozy réclame la création aux frontières de l’UE d’un « mécanisme d’inclusion carbone » vis-à-vis des pays ne réduisant pas leurs émissions de GES. Or, dans le même temps, l’UE négocie un accord de libreéchange avec l’Inde : les industriels auront donc beau jeu de brandir des menaces de délocalisation vers des pays à bas coûts avec lesquels le pouvoir organise la concurrence. Tout cela montre que la France refuse d’entamer sérieusement la transition vers une économie sobre en énergie en affichant des choix clairs et cohérents. S’il ne fera pas la révolution, le Conseil constitutionnel aura aidé à faire avancer un débat qui, avec la prise de position de Michel Rocard contre l’ETS et le regain d’intérêt pour une taxe carbone européenne, prend un tour nouveau.

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LAURENT HUTINET

Résister Des déchets nucléaires dans nos maisons ! Des déchets radioactifs dans nos murs, nos voitures, nos routes, invraisemblable ? Non, un arrêté interministériel, passé en catimini, autorise depuis mai 2009 l'incorporation de rebuts faiblement radioactifs dans des biens de consommation courante. Cette dérogation au Code de la santé publique s'est faite contre l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire qui craint une dilution des déchets et une banalisation du risque d'exposition aux rayonnements ionisants. « Les métaux, plastiques, gravats... issus du démantèlement d'installations nucléaires pourront servir à la fabrication de ciment ou d'acier. Ces produits conta-

minés seront utilisés pour la construction de maisons, voitures, bateaux, vélos... » avertit Corinne Castanier, directrice de la CRIIRAD.

Risque irréversible Déjà en 2003, une fonderie de la Loire voulait mélanger avec d'autres ferrailles des fûts contaminés pour fabriquer de la robinetterie, et ce avec l'aval du préfet. En effet, il est plus lucratif de vendre ses rebuts à d'autres industriels que de payer pour enfouir ou traiter ses déchets. A l'époque, le tribunal administratif avait mis son veto. Pour Roland Desborde de la CRIIRAD

« si l'on est concerné par un objet radioactif, le risque est assez faible, mais si tout notre environnement est contaminé, le risque n'est plus négligeable, il devient intolérable et irréversible ». Un recours a été déposé auprès du Conseil d'État pour annuler cette décision irresponsable à l'encontre de la santé publique.

> BENJAMIN SOURICE ET MARIE-CHRISTINE GAMBERINI Demandons l'abrogation de l'arrêté du 5 mai 2009 : www.criirad.org/mobilisation/5mai2009.html


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FRANCE

Haut Conseil des biotechnologies Qu'attendre de l'instance de concertation sur les OGM ? Les Amis de la Terre participent aux réunions du Haut Conseil des biotechnologies depuis mai 2009. Retours sur les enjeux de l'implication de la fédération dans cette instance. Le « Grenelle 1 » a accouché de peu de choses si ce n'est d'une instance de concertation sur les organismes génétiquement modifiés. Institué par la loi de juin 2008, le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) peut être saisi par le Gouvernement pour toute question relative aux OGM. Cette instance est constituée de deux comités. Un comité scientifique, dans lequel les avis des 34 membres se sont jusqu'ici toujours révélés unanimes. Faut-il s'en étonner en l'absence de scientifiques contradicteurs comme Christian Vélot, Pierre-Henri Gouyon, Gilles-Eric Séralini ou Isabelle Goldringer ? Les Amis de la Terre participent à l'autre comité dit « Economique, éthique et social » (CEES), aux côtés de 26 autres membres issus d'ONG, de syndicats et de lobbies.

Définir le « sans-OGM » A ce jour, quatre demandes d'autorisations de culture de Monsanto ont été traitées, deux de thérapie génique, et une saisine sur la définition du « sans OGM ». Cette définition a constitué le principal point d'achoppement. Après avoir défendu le seuil de 0,9 %, les pro-OGM ont subitement exigé un seuil à 0,01 %. Ce revirement a une raison bien précise : ce seuil de 0,01 % étant techniquement impossible à garantir, il était le meilleur moyen pour les défenseurs des OGM d'empêcher la mise en place d'une filière sans-OGM. Au final, et après un vote ligne par ligne, c'est le seuil de 0,1 % qui a été retenu par le CEES. Saisi également sur le MON810, le CEES a estimé après vote qu'il y avait plus d'inconvénients que d'avantages à autoriser la mise en culture

de ce maïs génétiquement modifié, justifiant ainsi le maintien du moratoire.

Volonté politique Les débats parfois houleux, le manque d'entrain de membres pro-OGM pour respecter le calendrier et le peu de moyens mis à disposition par l'Etat rendent le fonctionnement du HCB lent et difficile. Face à un calendrier démentiel et aux opérations escargots des lobbies, beaucoup de dossiers d'importation n'ont pas pu être traités. En conséquence, la France risque de s'abstenir à Bruxelles, laissant ainsi le champ libre à la Commission européenne pro-OGM d'autoriser de nouvelles importations. Il est encore tôt pour juger de l'efficacité de cette nouvelle instance et pour évaluer l'intérêt de notre participation aux travaux. Le Gouvernement suivra-t-il les recommandations en votant contre les autorisations de culture à Bruxelles ? Le seuil du sans-OGM sera-t-il fixé par décret à 0,1 % tel que recommandé ? Ce qui est acquis, c'est la défense de nos arguments, qui sont entendus, enregistrés, transmis au Gouvernement désormais alerté sur les problèmes liés aux OGM. Finalement, la crédibilité du HCB reposera en partie sur la volonté politique de lui octroyer les moyens et le temps de travailler, particulièrement au CEES, et sur l'acceptation par les scientifiques du rôle de la société civile dans ce processus d'évaluation.

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PATRICK DE KOCHKO

Commission agriculture des Amis de la Terre

Les Amis de la Terre dans la rue contre les OGM.

Lire les travaux du HCB sur : http://www.ogm.gouv.fr/

www.financeresponsable.org Comprendre l’impact de ses finances et agir Huit mois après la sortie du site « www.secretsbancaires.org », les Amis de la Terre lancent le site « www.financeresponsable.org ». Celui-ci reprend les analyses publiées dans les guides et rapports sur les activités des banques et assurances françaises ces dernières années, mais cette fois sous la forme plus dynamique et didactique d’un site Internet. On retrouve ainsi dans la section « banques » les critères permettant de distinguer les impacts sociaux et environnementaux des différentes banques françaises, et les projets controversés que cer-

taines d’entre elles continuent à financer à travers le monde. De même, les indicateurs évalués pour mesurer l’impact climatique des assurances françaises apparaissent dans la section « assurances ».

« Produits financiers » remarquables La nouveauté de ce site réside dans la troisième section : « produits financiers ». Celle-ci vise à informer le grand public de l’utilisation qui est faite de son argent au travers des produits de placement. Si elle ne comporte que quelques produits aujourd’hui (livret A, livret développement

durable…), cette section vise à s’enrichir avec le temps. Elle permettra ainsi de dénoncer certains produits particulièrement irresponsables, d’en promouvoir d’autres remarquables, ou encore de faire le tri dans les produits financiers dits « éthiques » ou « socialement responsables »… Le site reprend enfin l’invitation à changer de banque, mais avec cette fois des témoignages écrits et même vidéo ! A vous de jouer !

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YANN LOUVEL

Chargé de campagne • Finance privée


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FRANCE

Claude Levi-Strauss (1908-2009) Un bel indifférent égaré un instant dans l’écologie Malgré sa sensibilité, l’œuvre de Claude Levi-Strauss, si elle marque une avancée scientifique considérable, n’a pas débouché sur des prises de position publiques. un des premiers cris d’alarme écologiques, je me sens fort peu d’affinités avec les mouvements écologistes actuels. » Dénonçant cette attitude qu’il interprète par le goût des honneurs auquel aurait succombé l’académicien, Alain Hervé a publié dans L’Ecologiste un portrait très dur de Claude Levi-Strauss. Mais il est à craindre que cette attitude ne soit pas tant celle de l’homme que celle d’une science qui répugne de plus en plus à la politique, c’est-à-dire à la croyance que quelque chose peut changer – et de cela, l’histoire témoigne – mais que des hommes peuvent, en y investissant une part de leur désir, prendre le risque d’orienter un peu – et parfois beaucoup – cette histoire.

Un structuralisme explicatif Claude Levi-Strauss (1908-2009).

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Claude Levi-Strauss est mort le 30 octobre 2009. Il avait accepté en 1970, à la demande d’Alain Hervé, de parrainer la naissance des Amis de la Terre - France. Alors que son œuvre a largement témoigné de la destruction par la monoculture occidentale des mondes civilisés et florissants des peuples sauvages, c’est-à-dire vivant dans des milieux essentiellement naturels, il ne prit par la suite aucun engagement. Il déclara ainsi : « si l'on excepte le fait que Tristes Tropiques a lancé (…)

En effet, « le structuralisme (…) prélève les faits sociaux dans l’expérience et les transporte au laboratoire. Là, il s’efforce de les représenter sous forme de modèles, prenant en considération non les termes, mais les relations avec les termes. » Selon ce modèle à forte portée explicative, les relations s’effectuent forcément dans le temps, mais leur trajectoire est réglée par des lois propres aux systèmes linguistiques et de parenté des peuples. Cette conception statique de la structure, négligeant sa dynamique, est cohérente avec son rejet marqué des trois

monothéismes, qui affirment la possibilité de la décision et la responsabilité de l’homme, donc celle de la prise de risque éthique et politique. Rien d’étonnant, alors, à ce qu’il affirme : « J’ai été pacifiste dans les années qui ont précédé la guerre. Puis j’ai vécu la drôle de guerre et la débâcle, et j’ai perdu toute confiance dans mes jugements politiques. »

Repli Ce repli a été définitif. Claude LeviStrauss regrettait le rythme d’avancée de la néo-colonisation, qui détruit les restes d’une humanité sauvage qui ne peut (et qui ne souhaite sans doute pas) être conservée dans le formol pour être étudiée par l’ethnologie. Mais il n’aurait pas pris le risque de participer à une action qui s’y serait opposée. Dans ces conditions, on imagine bien que la fin de sa vie dut ne pas être gaie. Mais il faut espérer, alors que l’humanité se trouve dans une situation écologique critique, qu’une grande partie de la science osera sortir de la position de bel indifférent affectionnée par l’un des monstres sacrés de notre plus grande littérature.

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LAURENT HUTINET

Aller plus loin : On lira avec plaisir le hors-série consacré par le Nouvel Observateur à Claude Levi-Strauss (les citations ci-dessus en sont issues), le « Quesais-je » n° 3651, et, bien entendu, ses œuvres.

Brèves Les Amis de la Terre se retirent du débat « public » sur les nanotechnologies. – A mi-parcours, le débat public sur les nanotechnologies s’est enlisé dans des rencontres d’experts partisans, évitant d'aborder les enjeux globaux, les risques et les finalités des « nanotechs » avec les citoyens. Face à cette caricature de consultation citoyenne, les Amis de la Terre ne participeront plus à ces réunions qui n’ont plus de « publiques » que le nom. Les Amis de la Terre avaient décidé d’y participer pour faire connaître leur opposition au développement des nanotechnologies et faire entendre leur demande de moratoire. Victoire du MDRGF contre les producteurs de raisin. – En juin 2009, la Fédération nationale des producteurs de raisins de table attaquait le MDRGF en justice pour « dénigrement » de ses produits. En cause : une enquête publiée par l'association sur la présence abusive de résidus de pesticides dans les raisins. Finalement, la FNPRT a été déboutée, mais également condamnée pour procédure abusive. Une fois n'est pas coutume, le tribunal a reconnu le rôle de lanceur d'alerte joué par le MDRGF, dont la cible n'était pas le raisin mais les résidus de pesticides dans nos aliments.

Fin de la consultation citoyenne sur l'incinérateur d'Ivry. – Les Amis de la Terre participaient depuis 4 mois à des réunions consultatives sur le projet estimé à 1 milliard d'euros de reconstruction de l'incinérateur de déchets d'Ivry-sur-Seine, le plus gros et le plus vieux de France, construit en 1969. Le débat sans surprise, ficelé par le Syctom (syndicat de traitement des ordures ménagères de l'agglomération parisienne) aura au moins permis aux associations de constituer un Collectif « Réduire, réutiliser, recycler » en vue de poursuivre la mobilisation pour obtenir le rejet du projet par la préfecture lors de la phase d'enquête publique.


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Portrait

Art et écologie Monocultures d'arbres et imprimés publicitaires Le groupe local de Paris se mobilise contre l'immense gaspillage de papier que constituent tous ces prospectus envahissant nos boites aux lettres. À l’occasion de la 6ème semaine internationale contre les monocultures d’arbres, en septembre dernier, le groupe « Forêts » des Amis de la Terre - Paris et le RAP (Résistance à l’agression publicitaire) ont mis en place l’exposition « D’art en arbres ». En conciliant de manière originale art et écologie, ce projet avait pour objectif de dénoncer la consommation excessive de papier par la publicité, responsable de la déforestation et de l’extension des monocultures d’arbres. Cette exposition, hébergée à l’Espace Krajcberg du Musée du Montparnasse, réunissait deux artistes. Barbara Hashimoto, artiste américaine, a composé une œuvre avec les imprimés publicitaires récoltés, entre autres, par les élèves d’une école primaire du quartier au cours des mois précédant la manifestation. Le broyage a permis à Barbara d’élaborer des montagnes de papier, métaphore du surplus invasif que connaissent nos boîtes aux lettres, et ce sans aucune sollicitation des destinataires. De son côté, Andrew Chartier, artiste québécois, a présenté sa distributrice d’arbres : en échange d’un morceau de papier introduit dans la machine, le public recevait une pousse d’arbre à planter.

Vies menacées Le vernissage de l’exposition a donné lieu à une table ronde sur le coût financier et environnemental du traitement des déchets papier, la déforestation et les monocultures d’arbres, en présence notamment d’Emmanuelle Grundmann, primatologue. Chaque année, une boîte aux lettres française reçoit 40 kg de papier publici-

taire. Si 5 % des gens faisaient le choix de ne plus recevoir d’imprimés publicitaires, ce seraient entre autres 400 000 arbres épargnés. La destruction de ces forêts menace la vie de 350 millions de personnes et entraîne une érosion irréversible de la biodiversité. Elle génère par ailleurs 20 % des gaz à effet de serre au niveau mondial, soit autant que les émissions produites par les transports.

Pistes d'actions La consommation L’œuvre de Barbara Hashimoto exposée à Paris. irraisonnée de papier est aussi à l’origine de l’extension des monoen conflit avec l’agriculture vivrière locale. cultures, notamment d’eucalyptus, qui Que peut-on faire pour limiter ce fléau ? remplacent peu à peu les forêts priRéduisons l’usage du papier, refusons la maires. Parfois définies comme des publicité en apposant un autocollant « forêts plantées », elles n’ont pourtant stop-pub sur sa boîte aux lettres, inscririen en commun avec les vraies forêts. vons-nous sur la liste « Stop publicité » Tandis que ces dernières nourrissent les auprès de l’Union française du marketing habitants de la région (les personnes et la direct (UFDM), et plus largement dénonfaune), ces plantations les font fuir ; tançons l’omniprésence de la publicité. dis que les premières régulent le cycle hydrologique, les deuxièmes épuisent > EMELINE EUDES l’eau et polluent les sources ; tandis que Les Amis de la Terre • Paris les forêts protègent et enrichissent le sol, les plantations l’épuisent et l’érodent ; Vous pouvez écrire un courrier à l’UFDM, Liste tandis que les forêts contiennent une Robinson Stop Publicité, 60 rue La Boétie énorme diversité d’êtres vivants, les plan75008 Paris. tations sont des déserts verts qui entrent

Abandon à Flins Circuit F1 : Sarcelles toujours dans la course ! Après une année de lutte des associations, des agriculteurs et de la population, le Conseil général des Yvelines a finalement abandonné son projet de circuit F1 à Flins en décembre 2009. Les terres sauvées devraient être rendues aux agriculteurs pour développer des cultures biologiques. C'est une nouvelle victoire, après l'abandon il y a un an d'un projet identique à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne). Pourtant l'idée d'une piste de F1 en Ilede-France n'a pas été complètement enterrée. François Pupponi, député-maire

de Sarcelles (Val d’Oise), s’est remis à espérer un circuit non sur sa commune mais sur celle voisine de Villiers-le-Bel.

Agir ensemble Ce circuit, combiné à d’autres infrastructures dédiées aux sports mécaniques, rayerait non seulement de la carte des terres agricoles d’une grande qualité, mais serait aussi la porte ouverte à une urbanisation massive de la Plaine de France. Dans sa lutte contre ce projet aberrant, le collectif Val d’Oise sans F1 auquel appar-

tiennent les Amis de la Terre – Val d’Oise peut compter sur le soutien des autres collectifs Court-circuit Val d’Europe et Flins sans F1 qui ont décidé d’agir ensemble jusqu’à l’abandon par le Gouvernement de tout projet de circuit F1 en Ile-de-France. De nouvelles actions sont d’ores et déjà programmées pour barrer la route à la F1 dans le Val d’Oise !

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VINCENT GAYRARD

Les Amis de la Terre • Val d’Oise


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RÉGIONS

Annecy 2018 Le projet de JO contestable... et contesté ! Mal perçu au début, le Comité anti-Olympique d'Annecy est de plus en plus soutenu face à des jeux non compensables où l'argent est roi et l'amitié entre les peuples mise en scène. Décembre 2008. La ville d'Annecy se déclare candidate à l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver de 2018, à grand renfort d'affiches publicitaires et d'encarts dans la presse locale. Alors que ces JO étaient dès le départ annoncés « écolos », les Amis de la Terre – Haute-Savoie ne pouvaient qu'en vérifier les promesses. Très vite, nous avons compris le piège qu'ils représentaient, et les risques qu'ils faisaient courir à l'équilibre d'une région qui connaît un développement et un urbanisme frénétique depuis plusieurs décennies, accélérés depuis près de dix ans par une forte croissance démographique et une promotion immobilière vorace. Février 2010. Le département appelle à être « Tous derrière la candidature ». La mobilisation est forte face à un projet politique controversé. Les vérités qui nous dérangeaient se confirment, les projets liés ou annexes se multiplient, et les promesses se dégonflent !

Ode à l'argent-roi Un petit avant-goût pour vous donner envie d'en savoir plus. Un tunnel routier sous la montagne du Semnoz, deux patinoires olympiques ainsi qu'un anneau de vitesse sur des terres agricoles sont à l'étude. Alors que près de 100 000 ha de terres agricoles disparaissent chaque année au profit de l'urbain, ce sont là 40 ha qui disparaitraient, hors parkings et voies d'accès. Les cérémonies d'ouverture et de clôture entraîneront la privatisation ad-vitam eternaem d'un espace public – Le Pâquier, seul espace vert de la cité. Un doublement de ligne SNCF remisé aux calendes grecques, un budget de candidature pharaonique (20 millions d'euros) qui déjà ne suffit plus, une

compensation carbone qui exclut les vols internationaux, sans parler de la dissémination des sites de compétition obligeant à des déplacements multiples et insensés. Rajoutez l'illusion consistant à proposer des gobelets réutilisables et des boissons bio – reste à convaincre Coca-Cola ! –, et vous aurez compris que ce projet de JO, qui désormais engage la France, n'est rien d'autre que ce que les Jeux ont toujours été : une ode à l'argent-roi où la loi du plus fort est toujours la meilleure, et l'amitié entre les peuples une simple mise en scène.

« Non aux JO » Vancouver qui voulait être un exemple en matière environnemental a échoué lamentablement, et la noria de camions qui ont fait transiter la neige d'un site à l'autre devrait constituer un signal alarmant et obliger à une reconversion rapide du tourisme de montagne... ce qui tarde à venir.

Les Amis de la Terre – Haute-Savoie, soutenus par ceux du Rhône, de l'Isère et de la Savoie, resteront mobilisés pour dire « NON aux JO » au sein du Comité antiOlympique. S'attaquer au sport et au mythe olympique réinventé par le baron Pierre de Coubertin est un défi difficile, dénoncer un projet qui ne parle que de fête et d'emplois est une gageure, mais nous relèverons ce challenge. Nombreux sont les HautSavoyards à ouvrir les yeux et à changer d'avis sur un projet inepte : 3 500 personnes ont déjà signé la pétition du CAO. Pensez à faire de même et à la diffuser autour de vous, si ce n'est pas encore fait.

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KHALED DEHGANE

Les Amis de la Terre • Haute-Savoie

Appel à signature http://sites.google.com/site/comiteantiolympiquedannecy/

Régionales Les candidats interpellés en Rhône-Alpes Dans le cadre des élections régionales, le groupe local des Amis de la Terre - Rhône a adressé une lettre/questionnaire aux différentes formations politiques du département et têtes de listes candidates en Rhône-Alpes. Différents thèmes sont abordés tels que la politique d’urbanisme, de transport, d’éducation et d’agriculture. Pour chacun de ces thèmes, un bref exposé récapitule les enjeux, et indique clairement les préconisations et les attentes vis-à-vis de la gestion de la région, dans une optique de développement durable

et écologique. Au travers de questions ciblées, les candidats sont invités à se positionner en faveur de points d’actions précis, en lien direct avec les activités et missions de la région.

Réflexion globale En cas de réponse positive aux demandes, les candidats sont priés de préciser leurs engagements, notamment en termes de délais ou de moyens. Les réponses ainsi collectées (ou l’absence de réponse) seront synthétisées sur le site internet des Amis de la Terre, en vue

d'aider les citoyens à faire leur choix dans l'isoloir. En plus d’interpeller les candidats aux régionales sur les enjeux majeurs touchant à l'écologie et au développement durable, cette lettre incite également à une réflexion plus globale sur un aménagement harmonieux du territoire, de manière à faire converger les différentes politiques territoriales vers une stratégie commune de développement économique et humain, prenant en compte les aspects environnementaux.

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LES AMIS DE LA TERRE • RHÔNE


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DOSSIER

Relocalisation, le virage La mondialisation révèle sa démesure, son absurdité et ses mensonges. Face à cette idéologie, la relocalisation de l’essentiel de la production et de la consommation s'impose. Les implications de ce changement de système sont nombreuses, les initiatives en sa faveur aussi. Aux côtés des AMAP, d'autres types de structures se développent pour proposer une alternative à la production agricole intensive et aux modes de distribution imposés par les multinationales. Les filières du bois, des écomatériaux et du textile montrent que la structuration locale est possible ou en cours. Et quand le système nous rattrape et s'adapte, le Cameroun révèle comment la créativité collective peut favoriser la (re)mobilisation. Ici et ailleurs, un autre monde se construit déjà.

Altermonde Le local, meilleur chemin vers l'universel ? Alors que la mondialisation participe de la déstructuration des espaces, il est fondamental de rendre plus justes les échanges, en commençant par le local. La « mondialisation » est devenue une réalité et ses effets, vus de près, dévoilent son caractère démesuré, absurde et mensonger. Démesuré. Des milliers de kilomètres bien réels sont parcourus par la crevette, le poulet et la tomate en toutes saisons, entraînant gaspillage d’énergie, dumping social et environnemental, Absurde. Nous surconsommons des produits artificiels pour répondre à des « besoins » artificiellement créés et la masse de ces produits finit par nous submerger en une marée de déchets. Mensonger. Les frontières sont ouvertes pour les flux de marchandises et d’argent qui ont pour effet d'enrichir les uns et appauvrir les autres. Ces derniers restent sans ressources, contraints à l'exil, mais les frontières alors se ferment devant eux : cette politique déshonore la France et l’Europe.

L’ancrage en un lieu Le coin de terre que nous habitons nous relie à la planète et la qualité de nos liens de proximité nous relie aux autres peuples. L’idéologie de la mobilité et de la mondialisation écrase les différences culturelles : le qualitatif est nié, seul compte le quantitatif monnayable tout au long de la chaîne qui relie le producteur au consommateur. Les différences de lieu ne servent plus qu'à générer du profit : pays à bas salaires, zones franches, paradis fiscaux, lieux de pouvoir, zones de combats, marchés à conquérir...

Pour recréer un tissu social, nous devons revivifier les liens de proximité : la satisfaction des besoins vitaux doit être une occasion d'échange. Sur le marché où viennent les petits producteurs, comme sur l'agora ou le forum, on échange des fromages, des légumes... et des projets !

« Ni ici, ni ailleurs » Ecologistes et altermondialistes réclament à la fois l’ouverture des frontières aux hommes et la relocalisation de l’essentiel de la production et de la consommation. Cela implique de restreindre les échanges de biens agricoles et industriels, donc de refondre le droit du commerce international. Mais avant cela, notre dossier propose quelques pistes locales, car les initiatives ne manquent pas. En refusant une idéologie qui sacrifie les territoires et les populations, nous pouvons construire un monde où l’ailleurs ne soit pas synonyme de poubelle industrielle. Nous refusons l’incinérateur, la centrale nucléaire, l’usine d’engrais ou l’élevage intensif, qu'ils soient en Chine, au Cameroun ou en France. A Toulouse comme à Ivry-sur-Seine. Ni ici, ni ailleurs. Car le local, c’est l’universel.

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LE CONSEIL FÉDÉRAL DES AMIS DE LA TERRE • FRANCE


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Alimentation Alter-conso, une démarche différente des AMAP A Lyon, Alter-conso a fait sien le principe de relocalisation et propose une alternative concrète aux modes de production agricole et de distribution imposés par quelques grands groupes. Reportage. Il est près de 9h et Marc Divry engage son camion sur les routes enneigées de la campagne lyonnaise. « De tournée », il doit rejoindre la commune de Saint-Martin-en-Haut (Rhône) pour récupérer la production du maraîcher Cyrille Moulin. Le chargement se fait sur le bord de la voie à l’intersection d’un chemin conduisant à la ferme de l’agriculteur. Des caisses de blettes, pommes de terre, panais, carottes et autres légumes de saison s’entassent à l’arrière du véhicule. Fraîchement récoltés, ces produits seront distribués le soir même aux adhérents d’Alter-conso. « Alter-conso a été créée en 2006 afin de proposer une alternative à la production agricole intensive et aux modes de distribution imposés par des grands groupes ancrés dans une logique de profit, raconte Marc, salarié d’Alter-conso. La structure a été pensée comme un outil de développement au service de petits exploitants locaux dont les pratiques se rapprochent de celles mises en place en agriculture paysanne ou biologique ».

Un système de cogérance Société coopérative d’intérêt collectif (Scic), Alter-conso est en fait une sorte de plateforme qui met en contact producteurs et consommateurs en proposant des paniers de fruits, légumes et produits laitiers. Au centre du dispositif : la notion de proximité et l’investissement de chacun des acteurs. « Nous avons adopté le principe de la cogérance avec un système de collèges : collèges des salariés, des agriculteurs et des adhérents. Il faut ajouter qu’il n’y a ni chef ni hiérarchie. Les huit salariés sont impliqués de la même manière dans le fonctionnement de la société », explique Marc. Au moment de préparer les paniers, tout le monde se met au travail. Dans l’entrepôt situé à Vaulxen-Velin, commune de la banlieue lyonnaise, les quatre salariés présents ce jour-là trient les cagettes en fonction de leur destination et chargent le tout dans deux camions. Aux alentours de 16h, les véhicules démarrent. Le premier se dirige vers Villeurbanne, le second doit desservir deux lieux de distribution dans le 5e arrondissement de Lyon.

« Faire travailler les gens du coin » A la MJC Ménival, les distributions sont assurées par un salarié accompagné d’un des 40 exploitants affilié à Alterconso. Ce jour-là, Clément Pons – salarié – et Jean-François Chosson – producteur – installent les marchandises. Très vite, les adhérents affluent. Ici, tout le monde semble trouver un intérêt à cette forme de distribution alternative. Pierre-Yves Jallud témoigne : « Je suis adhérent à Alter-conso depuis un an et demi et j’en suis très satisfait. Alter-conso, c’est une garantie de qualité et je sais d’où viennent les aliments. C’est bien de faire travailler les gens du coin. Pourquoi faire venir des produits cultivés à l’autre bout du monde quand on peut trouver tout aussi bien voire mieux juste à côté ? Sans compter les bénéfices en termes d’émissions de CO2 ».

« Une vraie solidarité » Jean-François Chosson renchérit : « Tout me plaît dans cette démarche ! D’abord, parce que contrairement aux AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, ndlr), ce sont des salariés qui gèrent tout le côté administratif et logistique permettant aux producteurs de se concentrer sur le travail agricole. En plus, avec son réseau d’adhérents de près de 700 personnes, Alter-conso nous assure d’importants débouchés. Enfin, il y a une vraie solidarité qui lie chacun des

Chez Alter-conso, la distribution est assurée par les salariés et les producteurs.

acteurs. Il y a quelques mois, j’ai eu quelques difficultés financières. Tout le monde a fait en sorte, les producteurs en se restreignant, les salariés en me promettant de prendre ma production, que je puisse écouler ma marchandise et conserver un revenu ». Arrivée au terme de son développement et pour ne pas rentrer dans les travers qu’elle dénonce, Alter-conso ne devrait pas grossir davantage. Mais le concept a déjà fait des émules. Deux structures du même acabit, Arbralégumes et Croc’Ethic, ont récemment vu le jour. Et à Saint-Etienne, un réseau citoyen a décidé de se lancer dans l’aventure avec pour objectif d’intéresser les populations les plus défavorisées, un public qu’Alter-conso a pour l’instant du mal à attirer.

> Aller plus loin : www.alter-conso.org

LUCILE PESCADÈRE


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RELOCALISATION, LE VIRAGE

Le Pr. Émil Émilion ÉÉ, spécialiste ès idées reçues, prône l’import-export et la grande distribution, la Baleine voit plus près... et plus loin ! Pas de fête plus sympathique que la St Valentin ! Je vais offrir des bouquets à la mesure de ma passion ! Offrez plutôt votre attention ! Les roses sont cultivées en Équateur à coup de pesticides, au mépris de la santé des horticulteurs, sur des terres détournées des cultures vivrières, transportées par avions entiers, regroupées et vendues en Hollande puis acheminées de nuit par camions à travers l'Europe. Mépriser la terre et notre avenir commun, est-ce une preuve d’amour ?

La grande distribution défend le pouvoir d'achat de ses clients. La centralisation des plateformes d'achat permet des économies d'échelle : les grandes quantités brassées permettent de baisser les prix. Les "économies" sont faites sur le dos des producteurs, prisonniers de contrats (les petits disparaissent). Le transport ne coûte guère car les infrastructures et les conséquences de la pollution sont à la charge de toute la collectivité. Le consommateur, attiré par des coûts anormalement bas (les prix d'appel), ne s'aperçoit pas qu'il achète des produits carencés qu'il devra compenser tôt ou tard. Il fait des kilomètres pour venir acheter… « les yeux fermés » !

Si les Français veulent rester compétitifs, ils n'ont qu'à travailler comme les Chinois. Voilà un peuple qui sait commercer ! C'est bien connu : quand on achète un produit, on achète aussi ce qu'il y a autour. La pub joue là-dessus en faisant croire que prestige, séduction, modernité sont compris dans la vente. Mais ce qui fait partie, secrètement mais réellement, de la transaction, c'est le système de production : pollution, épuisement des ressources, exploitation des travailleurs, invasion des déchets… c’est ce que nous cautionnons par nos achats.

Le Professeur frotte les siens - … rrocaliser le glocal ?? Et la Baleine de se gondoler...

Pratiques Relocaliser l'économie par les monnaies locales ? Favoriser les échanges de proximité constitue une nécessité écologique à laquelle les différentes expériences de monnaies locales apportent une première réponse. Expérimenter une relocalisation de l'économie : c'est l'objectif du projet Sol, lancé en 1999. Animé par le philosophe Patrick Viveret, ce projet est expérimenté dans cinq régions (Nord-Pas de Calais, Bretagne, Ile-de-France, Rhône-Alpes et Alsace). Le fonctionnement rappelle celui des cartes de fidélité : les adhérents créditent leur compte « Sol » par des achats dans les 100 magasins membres du réseau (commerçants bios et équitables). C'est une monnaie dématérialisée : pas de pièces ni de billets. Mais des cartes à puces, détenues aujourd'hui par 4 000 personnes. Un usage un peu trop « technique» pour une application de proximité.

« L'Abeille » Autre exemple : la ville de Villeneuve-sur-Lot lance en janvier 2010 une « vraie » monnaie locale, « L’Abeille ». En circulation, des coupures de 1, 2, 5, ou 10 Abeilles, valant respectivement 1, 2, 5 ou 10 euros. Le principe est simple : on échange ses euros contre des abeilles, et celles-ci sont utilisables auprès des producteurs et commerçants locaux adhérents, signataires d'un contrat d’engagement concernant l'achat de matières premières locales ou bio. Pour encourager les échanges, cette monnaie est fondante : elle se dévalue de

2 % tous les 6 mois. Actuellement, l’association compte seulement une quinzaine d’adhérents professionnels (maraîchers, boulangers, éleveurs, commerçants bio...), ce qui limite un peu le projet.

Pas de spéculation Pour qu'une telle monnaie fonctionne, quelques conditions essentielles : la gestion de la monnaie locale doit être confiée à une instance démocratique, sorte de « banque centrale » locale. La monnaie doit aussi s'appuyer sur un fonds de garantie : dans le cas des Abeilles, il est constitué par la totalité des euros reçus par l’association pour l’achat des Abeilles. Il faut aussi que les usagers y voient un intérêt : par exemple un « taux de change » plus intéressant, qui encourage les gens à utiliser la monnaie locale plutôt que la monnaie traditionnelle. Ou des rabais par les commerçants locaux, qui savent que la monnaie sera réutilisée localement. Bien sûr, l'attrait de la monnaie est aussi liée aux principes de ces monnaies complémentaires. Ces monnaies « fondantes » ne créent pas d'inégalités : aucun intérêt à accumuler ou spéculer puisque la monnaie perd de la valeur au fil du temps.

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AGNÈS ROUSSEAUX


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Structuration locale Comment rompre notre dépendance aux importations de bois ? L'alternative à l'importation de bois existe et les propositions ne manquent pas. Suivez le guide... Après le pétrole, les importations de bois constituent le second poste de déficit commercial de la France. Pourtant, les forêts françaises sont globalement sous-exploitées alors serait-il possible de se passer des bois importés en récoltant plus de bois local ? Les forêts françaises risqueraient-elles la surexploitation ? Ces questions sont au cœur du rapport des Amis de la Terre « Construire une société soutenable : quelle production pour quels usages du bois des forêts françaises ? »

Maison à ossature bois.

Restaurer un état écologique des forêts Avec la déprise agricole, les forêts françaises sont globalement en extension depuis plusieurs décennies. La récolte de bois reste très inférieure à la production biologique ce qui laisse penser que l’on pourrait prélever plus de bois sans dommage pour l’environnement. Mais entre le global et local, la réalité est beaucoup plus nuancée : la récolte tend, en effet, à se concentrer dans les massifs les plus facilement exploitables avec des risques locaux de surexploitation et de dégradation écologique. Les forêts exploitées sont pauvres en vieux bois et en bois mort, pourtant indispensables au maintien de la biodiversité. La priorité serait donc de restaurer un état écologique satisfaisant des forêts et de mieux répartir l’exploitation sur l’ensemble des forêts avant d’imaginer une augmentation globale de la récolte.

Equipements communs Les entreprises de la filière bois sont caractérisées par un besoin en fonds de roulement important ( pour acheter et stocker du bois ) et des capitaux propres très faibles, d’où une faible capacité d’investissement et de croissance externe (rachat de concurrents). Il en résulte une filière très atomisée puisque deux entreprises sur trois emploient moins de 50 salariés . L’autre conséquence indirecte est que ces entreprises sont très dispersées et maillent de façon remarquable les territoires créant ainsi de nombreux emplois en milieu rural. Pour pallier la faible capacité d’investissement individuelle des entreprises, des solutions existent comme la structuration d’équipements communs. Par exemple, le Parc naturel régional des Chartreuses a financé la création d’un séchoir collectif pour les scieries.

Rôle des pouvoirs publics

traitements propres ou l’utilisation de bois local dans la construction. En effet, les procédés de construction bois actuels s’appuient sur des techniques importées qui ne sont pas adaptées aux caractéristiques de nos bois locaux. C’est pour cela que nous importons autant de résineux en provenance d’Europe du Nord où la construction bois est ancienne et reconnue. Les techniques permettant de mieux valoriser les bois de feuillus, qui représentent l’essentiel de la production française, sont connues mais les normes n’existent pas faute d’investissement public !

Créer de véritables instruments D'un point de vue énergétique, la transformation locale des bois permettrait indirectement d’alimenter une filière bois énergie sans exercer de pression supplémentaire sur les forêts. En effet, une scierie produit en moyenne 40 % de déchets de bois qui pourraient être valorisés sous forme de plaquettes ou de granulés servant de combustible. La concentration des entreprises pour créer des « géants », comme le propose le président de la République, est une solution dangereuse. Elle risquerait de renforcer la concentration de la récolte autour de quelques grosses scieries avec un risque pour la biodiversité et de conduire à la disparition de nombreuses petites entreprises en milieu rural. A l’inverse, créer de véritables instruments permettant de structurer localement la filière bois, de répartir la récolte de bois de façon plus homogène sur les massifs et renforcer la loi pour, par exemple, obliger les propriétaires à laisser du bois mort en forêt, permettrait de rompre nos dépendances aux importations de façon bien plus intelligente et soutenable.

Les pouvoirs publics pourraient également jouer un rôle moteur en finançant des projets de recherche sur les

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SYLVAIN ANGERAND

Chargé de campagne • Forêts

Initiatives Des filières courtes d'écomatériaux L'utilisation des écomatériaux dans les constructions/réhabilitations se développe, mais qui dit écomatériaux dit provenance locale et minimum d'intermédiaires, entraînant la multiplication des initiatives de filières courtes et locales. On trouve de plus en plus de « cluster » ou systèmes productifs locaux : des regroupements de professionnels de l'écoconstruction qui organisent la filière sur un territoire, de la production à la distribution des écomatériaux. Selon les cas, ils peuvent être initiés ou soutenus par la collectivité locale, la Chambre des métiers ou encore le Conseil d'architecture,

d'urbanisme et d'environnement. Des consommateurs s'organisent localement pour se fournir en écomatériaux à moindre coût en organisant des achats groupés. L'unique expérience relevée à ce jour est la coopérative Anjou Habitat Sain (www.anjouhabitatsain.org). Les objectifs de ce regroupement de particuliers est de promouvoir des solutions d'habitat écologique en impliquant le consommateur et les professionnels du territoire.

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CYRIELLE DEN HARTIGH

Chargée de campagne • Changements climatiques


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RELOCALISATION, LE VIRAGE

Cameroun « Nous sommes en perpétuelle situation de lutte » Après avoir mené la bataille contre l’importation massive de poulets congelés d’Europe, Bernard Njonga poursuit la mobilisation. Car la relance de la filière avicole locale a aussi relancé les importations de maïs... La Baleine : Quand avez-vous compris qu’il fallait se battre pour défendre les produits locaux ?

Bernard Njonga est surnommé « le José Bové camerounais ».

Bernard Njonga : En 1996, avec le Service d’appui aux initiatives locales de développement (Saild), nous avions lancé un programme pour aider les petits paysans à se lancer dans l’élevage. Ça marchait fort, mais à partir de 1999, l’apparition des poulets congelés importés, vendus à bas prix, a mis à mal la commercialisation de la production locale. Nous avons d’abord alerté l’opinion par la publication d’articles, mais le poulet congelé a continué à envahir le marché. En 2003, nous avons décidé de mobiliser largement la population pour constituer une vraie force sociale contre les acteurs de ces importations. Le problème des poulets congelés était sensible pour tous, et cela a permis une large adhésion. Nous avons créé une structure pour piloter ce mouvement, l'Association citoyenne pour la défense des intérêts collectifs. LB : En gagnant cette bataille, avez-vous gagné la bataille de la relocalisation ? BN : Cette mobilisation a permis d’arrêter les importations de poulet. Mais nous sommes en perpétuelle situation de lutte car un obstacle en cache un autre… Depuis que la filière avicole locale a été relancée, la demande en maïs – qui entre à 70 % dans l’alimentation du poulet – a aussi décollé. Mais comme la filière maïs n’a pas été soutenue, on recourt aujourd’hui à des importations, c’est absurde ! Au lieu de faire ce qu’il faut pour dynamiser l’agriculture locale afin de suivre la croissance de la population, les politiques se tournent vers les importations. Au Cameroun, entre 2004 et 2009, les importations de riz sont passées de 330 000 tonnes à 490 000 tonnes par an ! Et c’est la même chose pour le poisson, le lait, le blé, les huiles… La souveraineté alimentaire est en état de déliquescence. Environ 40 % des produits alimentaires sont importés. Cela touche surtout les villes, car en milieu rural, les paysans tirent 95 % de leur alimentation de l’agriculture familiale.

LB : Comment espérez-vous inverser la tendance ? BN : Il faut pousser les décideurs à mettre en place une politique cohérente et ambitieuse. Et pour ça, il ne faut pas cesser de parler du problème. Nous saisissons toutes les occasions. Pour le comice agro-pastoral prévu en décembre 2010 à Ebolowa, qui va réunir à la fois les politiques, les opérateurs économiques, les consommateurs et les producteurs, nous lançons la campagne « Zéro produits importés Ebolowa ». Toute la nourriture consommée pendant cette période sur tout le département devra être intégralement produite au Cameroun. Nous avons fait des calculs prouvant que c’est possible. C’est une opération symbolique qui nous permet de lancer une réflexion d’envergure et de mettre en lumière l’important potentiel de production du pays. Nous avons réussi à constituer une coalition de 45 organisations de la société civile camerounaise. Et nous avons réalisé un grand sondage : 81 % des Camerounais sont favorables à cette opération. De plus en plus, les gens sont prêts à se battre pour changer leurs conditions de vie.

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PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE HOCQUARD

Textile Une filière 100 % locale est-elle possible? S'il y a une filière ultra-mondialisée, c'est bien celle du textile ! Coton cultivé en Afrique, étoffes tissées en Inde, confection en Chine, finition dans les ateliers du Maghreb, la plupart des vêtements parcourent plusieurs fois le tour du monde avant de finir dans les boutiques. Il est devenu difficile d'avoir un contrôle intégral sur la filière textile. Pour assurer une traçabilité, les labels ont bien entendu un rôle à jouer. Pour le « textile équitable » , réalisé dans les conditions du commerce équitable, les certificateurs valident le stade initial de la production de matières premières (coton, lin, chanvre). Le « textile éthique » est issu de matières biologiques ou recyclées et assure le respect des droits fondamentaux de l’Organisation internationale du travail.

L'artisanat textile encore marginal Dans une autre veine, le Relais, société coopérative inscrite dans l’économie sociale et solidaire, s'est donné pour objectif de créer des emplois locaux en France et en Afrique en valorisant des vêtements et du linge usagés, les remettant au goût de la mode. Ils ont ainsi créé 1 500 emplois nationaux et évité le gaspillage de 50 000 tonnes de vêtements/déchets. Même s'il reste marginal, l’artisanat du textile se (re)met en place et revendique le 100 % local, tel Rev’Mohair dans l'Isère qui propose à la vente des pulls et autres accessoires hivernaux réalisés à partir des toisons de leurs chèvres Angora. Malgré l’absence d'un label, il suffit de visiter leur ferme de production pour réaliser que tout est fabriqué localement. Vous ne les trouverez pas sur internet, ni à Paris, mais sur les marchés et les foires.

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ABIGAÏL BOURGOIN


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RELOCALISATION, LE VIRAGE

Paroles de militants Relocaliser le high-tech par le réemploi, Annelaure Wittmann, Les Amis de la Terre - Montreuil : « Les appareils high-tech sont des produits ultra-mondialisés : matières premières issues du riche sous-sol africain (étain, tantale, tungstène, coltan, pétrole), assemblage en Chine, logiciels américains ou indiens, consommateurs planétaires. Mais j'ai trouvé comment acquérir des ordinateurs made in France : il suffit de choisir du matériel d'occasion ! En prolongeant la vie des équipements électriques et électroniques, on économise des ressources, et on évite que de dangereux composants soient incinérés, mis en décharge, ou envoyés dans les pays du Sud. Exemples : à Paris, une boutique de réparation-vente propose des PC professionnels d'occasion. La mairie d'Issy-les-Moulineaux a fait reconditionner et a cédé 50 ordinateurs à 42 euros à des habitants précaires. Ecolos et solidaires, les Ateliers du Bocage sont une entreprise d'insertion (170 salariés) liée à Emmaüs, qui collecte, reconditionne et revend cartouches, téléphones portables et ordinateurs. » Aller plus loin : www.ateliers-du-bocage.com

Témoignage de Roland Legros, Les Amis de la Terre - Landes et fondateur d'une AMAP : « Ma réflexion sur les circuits courts est née au sein d'ATTAC où je militais contre les OGM avec des camarades agriculteurs. A l'époque, nous souhaitions doubler notre action de résistance avec une démarche constructive vers des alternatives concrètes et locales. En 2006, la première Association de maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) voyait le jour dans les Landes sur la commune de Labenne. Nous avons décidé avec un petit noyau de militants locaux d'emboiter le pas en fondant deux nouvelles AMAP à St Vincent de Tyrosse en 2007 et à Dax en 2008. Il s'agit avant tout d'une démarche de solidarité entre consommateurs et producteurs. Nous avons par ailleurs accompagné notre maraîcher dans sa reconversion Bio. Pour moi, les circuits courts, c'est une relation humaine faite de confiance et d'entraide, une assurance qualité. Aujourd'hui les agriculteurs qui nous ont suivis dans cette aventure sont pleinement satisfaits des débouchés pour leurs produits et sont assurés de la pérennité de leur exploitation. Malheureusement dans les Landes, nous manquons d’agriculteurs qui ont la volonté d’abandonner la monoculture du maïs. »

La réalité de l'habitat doux, Martine Laplante, Les Amis de la Terre - Limousin : « Deux combats m'ont amenée aux Amis de la Terre : la lutte contre le changement climatique et le gaspillage des ressources de notre planète, deux sujets au centre de la démarche d'« l'habitat doux ». Ma région connaît un cas exemplaire : l'écohameau du Busseix (87). Quatre amis, pas très riches, décident d'acheter ensemble un vieux moulin sur 4 ha, et de construire eux-mêmes leurs 4 maisons passives. Le projet comporte aussi une maison commune en paille et bois local de 100 m2 abritant des équipements communs (buanderie…). Tous les matériaux sont écologiques, locaux, parfois fabriqués sur place (briques en terre crue). Un forage a permis de s'alimenter en eau et les eaux grises ménagères sont traitées par phytoépuration commune. L'écohameau se veut pédagogique et ouvert à l'artisanat local : durant des journées portes ouvertes. Les habitants donnent des conseils, proposent des ateliers de formation à l'utilisation des matériaux. Des artisans travaillant les matériaux locaux sont aussi invités : meubles, jouets en bois, vêtement et tissus… Le tout autour de plats et boissons bio et locaux ! »


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RÉSEAU

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L'après pétrole « Imaginer à quoi pourrait ressembler ce nouveau monde » La main verte est un road movie écologique, bourré d'humour et très attachant où le lecteur suit les péripéties d'Herbert, évoluant dans un pays privé de pétrole. Rencontre avec l'auteur, Hervé Bourhis. La Baleine : Comment vous est venue l'idée du sujet ? Hervé Bourhis : Ça fait quelques années, depuis la hausse du prix du pétrole, que je me prépare mentalement à ce qu'un jour prochain notre société change brutalement, globalement, à cause des questions d'énergie. Il y a surtout le fait que, fils des Trente Glorieuses et de la société de consommation, je ne sais pas faire grand chose de mes dix doigts à part raconter des histoires avec des dessins. Il y a la préoccupation de devoir changer d'activité, de vie, du jour au lendemain, et ce sera rude. Mais je m'y prépare. LB : Vous êtes-vous documenté et si oui quelles ont été vos références ?

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HB : Très peu documenté, je lis les journaux comme tout le monde. Je n'ai pas cherché une forme de réalité scientifique, je me suis contenté d'imaginer à quoi pourrait ressembler ce nouveau monde, au bout de 6 mois de pénurie de tout. De toute façon, on a beau étudier le problème, on aurait forcément des surprises...

LB : Y a t-il une part d'autobiographie et quelle est-elle ? On pense notamment à la relation père-fils... HB : Plus qu'un livre d'anticipation ou un pensum sur les problèmes écologiques, c'est avant tout un livre sur les relations filiales. La part d'autobiographie est très importante et les rapports entre les différents personnages sont assez réalistes, ça a d'ailleurs rendu le livre épuisant à faire.. LB : A titre personnel êtes-vous inquiet pour l'avenir de la planète ? HB : De la planète, pas vraiment, de l'humanité plutôt. Mais je suis inquiet de toute façon, globalement. Politiquement, socialement, culturellement, tout m'inquiète actuellement. LB : Etes-vous attentif au quotidien à votre façon de consommer par exemple ?

et la rigueur imposée à raison par ma femme. Ce n'est pas naturel, si vous voulez. Je le fais pour ne pas me faire engueuler. Bon, j'exagère un peu...

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PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIAS CHAPLAIN

LB : Oui, mais parce que ma femme est pointue là-dessus. Moi, je suis le mouvement, tiraillé entre la facilité du gaspillage

Publication

Le Lobby Planet Paris Parmi tous les guides touristiques existants sur Paris, il en manquait un : celui du lobbying. Lobby Planet Paris met un coup de projecteur sur la « main invisible » du marché qui contraint la décision politique à l’abri du contrôle démocratique. Il propose un aperçu pratique, ludique et documenté de l’influence des grandes entreprises sur les décisions à travers 52 adresses et 5 exemples thématiques où vous rencontrerez les lobbyistes et comprendrez leurs imbrications avec les décideurs. Le livre de 106 pages comprend également des initiatives à rejoindre pour plus de démocratie et de transparence. Lobby Planet Paris - Les mains invisibles de la décision politique Disponible par correspondance à l’AITEC (5 euros + 2 euros de port). Distribué en librairie par Dif’pop. ISBN 978-2-9535296-0-9

Nos sites internet www.renovation-ecologique.org I www.ecolo-bois.org I www.justice-climatique.org I www.dubruitpourleclimat.org www.produitspourlavie.org I www.prix-pinocchio.org I www.financeresponsable.org


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JURIDIQUE

Un département a le droit d’exprimer son opposition aux OGM La réparation du préjudice écologique pose les questions du « prix » de la nature et de l’attribution des indemnités : associations, collectivités territoriales, Etat ? La bataille juridique aura duré plus de cinq ans. En juin 2004, le département du Gers adopte une délibération en forme de vœu, par laquelle il se déclare « opposé (...) à toutes cultures de plantes génétiquement modifiées en plein champ sur le territoire du Gers » et souhaite que « dans chaque commune concernée, le maire mette en œuvre ses prérogatives pour interdire de telles cultures ». Le préfet attaque immédiatement la décision devant le tribunal administratif de Pau, qui annule le vœu au motif que le Gers délibère sur « un objet étranger à ses attributions ». Convaincue de son bon droit, la collectivité forme alors un recours contre le jugement. Mais en juin 2007, la cour administrative d’appel de Bordeaux nie de nouveau au département la possibilité d'exprimer son positionnement.

L'intérêt départemental de la question des OGM Par cet arrêt du 30 décembre 2009, le Conseil d’État annule donc les décisions de justice de première et deuxième instance, et consacre le droit d’expression des collectivités locales sur la question des OGM. « Il est loisible aux conseils généraux de prendre des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de positions ou des déclarations d’intention » dès lors que ces décisions présentent un « intérêt départemental ». Pour caractériser cet intérêt, le Conseil d’État note la place significative de l’activité agricole dans le Gers. Il condamne par ailleurs l’État à verser 3 000 euros de dommages et intérêts au département. Le président du Conseil général, Philippe Martin, a annoncé que cette somme servira à la création d’un support pédagogique

consacré « aux avantages alimentaires liés à une agriculture biologique et localisée pour les collégiens du Gers ». Philippe Martin s’était déjà illustré dans la bataille contre les OGM en tentant d’initier en 2004 un référendum local sur les OGM. Le Gers n'est pas la seule collectivité à s'être positionnée sur les OGM : de nombreuses régions, et d'autres départements (les Pyrénées-Orientales ou le Vaucluse) ont adopté de tels vœux sans pour autant être inquiétés sur la légalité de leur position. Pour les communes, le tribunal administratif de Nîmes a reconnu en décembre 2008 le droit de la municipalité du Thor d’émettre un vœu, jugeant que la culture des OGM est une question d’intérêt local pour la ville, qui est « à vocation essentiellement agricole ».

> ANNE FURET Inf'OGM

Aller plus loin : www.ogm-et-collectivites-locales.org

COLLECTIFS

Sud-Ouest : une ligne grande vitesse qui divise Ce samedi 23 janvier 2010, entre 15 000 et 20 000 personnes se sont mobilisées à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) contre les projets de ligne grande vitesse (LGV) Bordeaux-Espagne et BordeauxToulouse. Les Amis de la Terre étaient de la partie. Le TGV c’est le « Concorde du rail » : produit de luxe pour une « élite circulatoire européenne », comme le dit la SNCF. C’est un produit ruineux qui détruit l’environnement naturel et social des communes traversées et n’a aucune utilité sociale localement. La priorité sociale, c’est la mise en place d’un réseau de proximité dense, fiable, confortable et bon marché. La modernisation et l’aménagement – voire la réouverture de voies ferrées existantes, c’est plus économique, social et écologique. De plus, cette alternative aux LGV est compatible avec le développement du fret ferroviaire et la circulation de trains à 220 km/h. Mais il n’y aura pas assez d’argent pour financer et des LGV, et le développement du réseau ferré et des TER. C’est l’un ou c’est l’autre !

« Les dés ne sont pas jetés : la LGV doit être arrêtée » Signataires de la pétition lancée par la Coordination vigilance LGV de Gironde, les Amis de la Terre – Landes et Limousin ont manifesté à Hendaye aux côtés d’élus et de militants issus de collectifs anti-LGV de France, d’Espagne ou d’Italie. Cette mobilisation collective a fait de la manifestation un véritable succès, confirmant celui du rassemblement de Bayonne en octobre et de Langon en novembre 2009, et a donné naissance à un mouvement fédérant au niveau européen, les opposants à la construction de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse. Réunis autour d’un texte, La charte d’Hendaye, les associations anti-LGV et les collectifs écologistes dénoncent des projets qui constituent « un désastre écologique, socio-économique et

humain pour les zones traversées » et lutte pour un développement durable du rail et un autre type d'aménagement du territoire pour les citoyens européens. La mobilisation se renforce avec l’interpellation d’élus ou l’organisation de référendums symboliques à l’occasion des élections régionales.

> CHRISTIAN BERDOT ET CAROLINE PRAK


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Le Courrier de la Baleine

Depuis 1971

Le journal des Amis de la Terre

Pratiques Remplir son panier : comment s'y retrouver dans les labels ? L'heure est à la « consommation responsable ». Mais comment s'y retrouver et savoir ce que garantissent réellement tous ces labels ?

L'attribution d'un label relève d'une démarche volontaire du producteur qui sollicite un organisme certificateur. L'octroi porte sur une durée limitée, selon le respect de normes spécifiques dans l’intérêt du consommateur final.

Label et label... Il existe plusieurs formes de labels : les labels dits officiels (AOC, AB, etc.)

sont reconnus par les pouvoirs publics et contrôlés par des organismes indépendants. Cependant un label peut aussi émaner d’un circuit privé qui établit son système de contrôle à partir de son propre cahier des charges, comme Demeter pour l'agriculture en biodynamie ou Max Havelaar pour le commerce équitable. Enfin, il existe des appellations type « Nature » ou « Protège l'environnement », fondées sur des auto-déclarations invérifiables de marques, et qui bien souvent ne font que respecter la réglementation en vigueur, ni plus, ni moins. Reconnu ou non, un label ne garantit le respect de normes que sur une partie de la filière et sur un aspect précis du produit : le goût pour le Label rouge, un savoir-faire traditionnel pour les AOC, le respect de l'environnement pour le label AB, etc. Aux labels français, reconnus par

le ministère de l'Agriculture, s'ajoutent également les labels européens (AOP, IGP et Agriculture Biologique). Cette accumulation entretient une confusion pour le consommateur qui peine à s'y retrouver.

La confiance : nouvelle garantie ? Des producteurs, associés à des consommateurs font la démarche de remplacer cet intermédiaire que constitue le label – sans doute indispensable en grande distribution – par la confiance mutuelle. C'est le cas de l'agriculture paysanne par exemple : un diagnostic de production est établi, allant du respect de l'environnement à celui du tissu social, jusqu'à la qualité des produits. Cette manière d'échanger suppose un lien direct avec le consommateur – par exemple via les AMAP. La mention Nature & Progrès inclut aussi une notion d'amélioration, sans se borner aux aspects environnementaux. Dépasser les limites posées par les labels suggère finalement une implication plus forte du consommateur.

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LUCIE LEBRUN

Gros plan sur les oeufs L'information donnée au consommateur sur les œufs est assez transparente lorsqu'on sait la déchiffrer. Si tous les emballages diffèrent, le marquage de l'œuf lui-même ne ment pas. Un numéro de série commençant par le chiffre 3 désigne un œuf produit de façon très intensive : les poules pondent en cage. Cela représente 80 % des poules pondeuses et les emballages de ces produits proposent souvent des expressions visant à cacher ce mode de production : « œufs frais », « œufs datés du jour », etc. Le marquage 2 désigne les œufs produits de manière intensive également, mais les poules sont élevées au sol. Le marquage 1 est réservé aux œufs des poules élevées en plein air et le 0 aux œufs produits dans les conditions de l'agriculture biologique. Il est donc possible d'acheter en connaissance de cause et de déceler les « œufs cachés » : ces beaux œufs « fermiers » déposés dans un panier garni de paille sur les marchés, et qui ne résistent pas à un examen attentif de leur marquage…

Humeurs Vive les circuits longs ! - Après le jean et le yaourt, voici le marmot mondialisé ! Vous pouvez désormais obtenir dans notre catalogue l'enfant sur commande dont vous avez toujours rêvé. Ovules de la meilleure qualité originaire d'Afrique du Sud, mères porteuses indiennes, ce sont les plus souriantes et les moins chères, et elles sont très bien suivies et convenablement nourries dans nos établissements spécialisés. Aucun défaut de fabrication à craindre, et dans les cas bien improbables où cela se produirait, nous possédons tout un stock de pièces de rechanges : yeux colombiens, cœurs ivoiriens, foies pakistanais, tous garantis d'origine et de la meilleure qualité. La livraison est bien-sûr assurée dans la plus grande discrétion. Et si par hasard, l'opération produisait des jumeaux, ce qui n'est pas rare, l'un des deux pourra être retourné sans frais à l'envoyeur, qui se chargera de son placement dans une famille nécessiteuse à un tarif défiant toute concurrence. Et enfin, n'oubliez pas notre cadeau de bienvenue, le kit gratuit Elisabeth Badinter : couches Pampers, biberons et petits pots Nestlé. > ALAIN DORDÉ


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