Depuis 1971 Automne 2011 / 3,20 € N°167
Nucléaire S’en sortir
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Greenpride
Édito 4 INTERNATIONAL > Sobriété énergétique
Un plan européen bien timide
> Hommage à Helen Holder 5 > 7 FRANCE > Après Lézan S’unir, pour amorcer
la transition énergétique
> Algues vertes Traiter au delà de la surface > Marcoule Accident nucléaire grandeur nature > Un rapport accablant Les banques
françaises, si peu citoyennes !
> Prix Pinocchio du développement durable Les entreprises démasquées 8 RÉGIONS > Emissions de gaz à effet de serre
Ils veulent les enfouir dans le sol !
9 TRIBUNE > Procès de Colmar
Le point de vue de Christian Vélot
10 > 21 DOSSIER
Nucléaire S’en sortir
> Adopter une nouvelle stratégie
pour fermer des centrales
> Urgence Remettre l’électricité à sa place > De Tchernobyl à Fukushima
Les germes amers de la désinformation
> Fukushima Le Japon abandonne
sa population
> Sortie du nucléaire et transition écologique Nécessité et limites
des scénarios énergétiques
> Installations dangereuses
Pourquoi il faut arrêter le Tricastin
> Politiques alternatives L’Autriche
vise l’indépendance énergétique
> Etats-Unis Catastrophes en chaîne > Décisions publiques Déni de démocratie > Risques industriels et sanitaires
Un statut pour les travailleurs du nucléaire
23 LE COIN DES LIVRES > Rencontre avec Marine Jobert, co-auteur
de Le vrai scandale des gaz de schiste.
> Bas-Occident Une fiction sur le nucléaire
que l’actualité rend très plausible…
24 PRATIQUES/HUMEURS > Chantiers internationaux > Les casse-houille
Nucléaire : arrêter avant qu’il soit trop tard Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima... bientôt Nogent-sur-Seine et ses douze millions de Franciliens!? Avec Internet, impossible de dissimuler tout à fait l’ampleur des contaminations subies au Japon et ailleurs. Quoi qu’il advienne à présent, le plus gros de la radioactivité ne disparaîtra pas mais, concentrée ou dispersée, perdurera. Dans le sol, les eaux, c’est durant des siècles pour le césium 137, des milliards d’années pour d’autres radioéléments, qu’il faudra la surveiller, comme le savent bien les Amis de la Terre en Limousin maintenant que les mines d’uranium y sont fermées. Condensé antidémocratique de périls écologiques, sanitaires, énergétiques, alimentaires, le nucléaire ne peut subsister que par le mensonge. En dehors même des catastrophes, les centrales atomiques produisent chaque jour plus de radioactivité. Qui sait qu’il y en a bien davantage dans un réacteur électronucléaire que dans une bombe atomique!? Ou que la vie n’a pu se développer sur Terre que quand la radioactivité naturelle avait suffisamment décru!? C’est au nom de la justice sociale et environnementale que nous avons toujours rejeté un système nucléocratique foncièrement inégalitaire et dévastateur, au plan national et international. Technologie intrinsèquement guerrière et centralisatrice, axe structurant des politiques françaises depuis des décennies, le nucléaire doit être combattu en soi, indépendamment de la lutte pour la transition énergétique et climatique. Mais il est vrai, également, que celle-ci restera pour l’essentiel impossible en France tant que le recours au nucléaire persistera – car il s’oppose à toute réelle alternative. Pour les Amis de la Terre, la perspective d’un référendum sérieux sur le bourbier nucléaire n’est pas crédible en l’absence de levée du secret défense, voire du secret commercial et industriel. Nous avons néanmoins cosigné l’appel du 17 mars 2011 “Nucléaire, nous voulons avoir le choix” car son texte – qui engage, espérons-le, les 67 associations, syndicats et partis politiques signataires – pose déjà, en tout état de cause, la nécessité de ne plus dépasser trente ans d’exploitation pour les 58 réacteurs de l’Hexagone, ainsi que de cesser les exportations nucléaires françaises. Nous soutenons aussi la proposition d’un tribunal Russell pour les crimes du nucléaire civil, qui rejoignait l’idée de tribunal mondial que nous avions avancée le 16 mars. Mais vu l’urgence et le nombre de promoteurs de l’atome à juger, la question se pose au fond!: tribunal, ou amnistie générale en échange d’un renoncement immédiat à l’emploi de ces technologies mortifères!? Aujourd’hui, les Amis de la Terre Japon appellent leur gouvernement à prendre la tête du mouvement planétaire de dénucléarisation civile et militaire. La France aussi est l’un des deux ou trois Etats les plus nucléarisés, et les plus nucléarisants. Cessons de laisser faire en notre nom. Il est déjà tard, très > MARTINE LAPLANTE tard. Tâchons de sauver ce qui peut encore l’être. Présidente des Amis de la Terre France
La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents. En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaient les campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale. Nos sites internet • www.amisdelaterre.org • www.renovation-ecologique.org • www.ecolo-bois.org • www.produitspourlavie.org • www.prix-pinocchio.org • www.financeresponsable.org Contactez-nous Les Amis de la Terre - France • 2B, rue Jules-Ferry, 93100 Montreuil • 01 48 51 32 22 • france@amisdelaterre.org
Le Courrier de la Baleine n°167
Depuis 1971
« Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. » Trimestriel • Automne 2011 • n°CCPAP : 0312 G 86222 Direction de la publication Martine Laplante Comité de rédaction Sophie Chapelle, Philippe Collet, Laurent Hutinet, Lucile Pescadère, Caroline Prak Secrétariat de rédaction Caroline Prak Dossier coordonné par Marie-Christine Gamberini et Laurent Hutinet Ont collaboré à ce numéro le Bureau fédéral des Amis de la Terre France, Sylvain Angerand, Stéphanie Cabantous, Maxime Combes, Benjamin Dessus, Alain Dordé, Marine Fabre, Meike Fink, Yves Lenoir, Martine Laplante, Philippe Mühlstein, Stéphane Lhomme, Romain Porcheron, Juliette Renaud, Juliette Rousseau, Thierry Salomon, Julie Solenne, Isabelle Taitt, Annie Thébaud-Mony, Christian Vélot Mise en pages Edwige Benoit Relations presse Caroline Prak (01 48 51 18 96) Impression sur papier recyclé Offset Cyclus 90g avec encres végétales • Stipa (01 48 18 20 50)
INTERNATIONAL
FRANCE
Sobriété énergétique Un timide plan européen pour lutter contre la surconsommation de ressources naturelles
Après Lézan S’unir, pour amorcer la transition énergétique Les 26, 27 et 28 août, les collectifs d’opposants aux gaz de schiste, les représentants de réseaux et d’organisations de la société civile se sont retrouvés à Lézan (Gard) afin d’engager une “convergence citoyenne pour une transition énergétique”.
Un indicateur inadapté Pour autant, l’avancée reste timide. La définition des indicateurs sur ces ressources essentielles est renvoyée à un processus de discussion entre les parties prenantes pour une adoption d’ici fin 2013. Et en attendant, seul un indicateur dit clé est adopté, celui de la “productivité des ressources”,
visant à améliorer la performance économique des produits. N’est-il pas possible d’évaluer dès aujourd’hui la consommation de l’UE en eau, terres, matières premières et carbone ? D’autres le font. Ainsi, le 10 octobre 2011, Les Amis de la Terre Europe, en collaboration avec le Sustainable Europe Research Institute3, ont publié les résultats de leur étude L’Europe, dépendante des terres des autres. Cette enquête révèle l’étendue des besoins européens en terres des autres pays du monde.
Un rassemblement inédit et prometteur ? C’est en tout cas ce qu’ont ressenti les participants à la “convergence citoyenne pour une transition énergétique”, qui s’est tenue les 26, 27, 28 août à Lézan, dans les Cévennes. Au programme de ces trois jours : dialogues et débats sur les enjeux actuels, ateliers, démonstrations d’alternatives et animations festives. Basé sur une réelle mobilisation, à l’écart des logiques politiciennes, étatiques et industrielles, ce rassemblement conçu à l’initiative de collectifs contre les gaz et huiles de schiste, a reçu le renfort de plusieurs organisations et réseaux intervenant dans les domaines du nucléaire, de l’eau, des énergies alternatives, de la santé, contre le pillage du tiers-monde etc. et sur des thématiques plus transversales. On y a noté la présence de représentants du mouvement des Indignés, de collectifs anti-gaz de schiste de plusieurs pays européens et de collectifs de luttes sur d’autres thématiques. Organisée dans un délai très court, cette convergence visait à amplifier le mouvement né autour de deux évènements majeurs qui reposent la question énergétique au niveau national comme mondial, et audelà, celle de l’avenir de l’humanité : le lancement de la mobilisation contre l’exploitation des gaz de schiste en décembre 2010 et le drame de Fukushima en mars dernier.
Il y a de fait une divergence d’objectifs. Car pour l’UE, il s’agit essentiellement d’être plus efficace pour rester compétitive dans un contexte de pression accrue sur les ressources (davantage d’acteurs, des ressources épuisables dont la production, l’extraction, etc., deviennent de plus en plus coûteuses) et, surtout, de sécuriser leur accès. D’où les nouvelles propositions en matière de développement d’instruments financiers innovants, dont on sait qu’ils sont très loin de viser la préservation des ressources et encore moins de remettre en question de nos modes de consommation et de production. Remise en question à laquelle des indicateurs pertinents sur nos empreintes en ressources pourrait, elle, aboutir... Dès lors, même les propositions de la feuille de route concernant le recyclage et le réemploi apparaissent bien faibles. Si l’ossature de la stratégie 2020 ne peut guère évoluer, l’inscription dans la feuille de route du principe de mise en place des indicateurs est un acquis non négligeable qu’il s’agit de voir traduit en actes.
> STÉPHANIE CABANTOUS
Chargée de campagne Relocalisation 1 Voir le site http://ec.europa.eu/environment/ resource_efficiency/pdf/com2011_571_fr.pdf 2 Voir le site http://ec.europa.eu/europe2020/ index_fr.htm 3 SERI : Institut de recherche européen pour un développement soutenable.
Hommage C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de notre amie et collègue Helen Holder, le dimanche 28 août 2011, après une lutte de près de sept ans contre le cancer. Helen était un pilier important à la fois dans nos vies et dans notre travail. Elle était membre des Amis de la Terre Europe depuis août 2005, d’abord en tant que chargée de campagne contre les OGM puis comme coordinatrice du programme sur l’alimentation, l’agriculture et la biodiversité. Elle était une militante écologiste brillante et généreuse. Son expertise sur les OGM et sa maîtrise du français ont beaucoup aidé les Amis de la Terre France. Helen ne voulait pas devenir une “technocrate de l’environnement” et était à l’aise en tant que militante de terrain. Elle avait des liens
très forts avec des paysans français, a été active au rassemblement d’Annecy pour une réforme de la PAC en 2008. Au delà de notre douleur, nous voulons simplement remercier Helen. Nous avons été chanceux de te connaître, de travailler avec toi, de partager de bons moments ensemble. Tu nous manqueras terriblement.
© DR
Pour la première fois, l’Europe s’est penchée sur la question de sa consommation énergétique. Cette communication s’inscrit dans la Stratégie 2020 de l’Union européenne (UE), “stratégie de croissance que l’UE a adoptée pour les dix années à venir”2. Et dès le premier paragraphe, les objectifs sont établis “un double défi : stimuler la croissance […] et veiller à ce que la qualité de cette croissance garantisse un avenir durable”. Intention qui donne une première idée du contenu... On veut bien arrêter de piller les ressources naturelles de la planète mais, surtout, il ne faut pas que cela affecte notre croissance. Au XXe siècle, dans le monde, la consommation de combustibles fossiles a été multipliée par douze ; les extractions de ressources matérielles ont, quant à elles, été multipliées par trente-quatre. L’Europe tient une part importante dans cette ponction croissante de ressources rares, non renouvelables et/ou fragiles – part qu’elle reconnaît. Aussi l’Union européenne se propose-t-elle de mesurer son empreinte en terres, en eau, en matières premières (métaux et minéraux) et en carbone. C’est une avancée. Depuis longtemps, les Amis de la Terre plaident pour que l’UE se dote d’indicateurs de mesure de ses consommations en ressources.
© Airflore
Le 20 septembre 2011, la Commission européenne a publié sa feuille de route “Pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources”1. Un premier pas… qui manque cruellement d’ambition.
Ancienne mine d’or et d’argent de Waihi, en Nouvelle-Zélande.
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Contrôle citoyen Remettant en cause le système économique productiviste dominant, la convergence a établi une feuille de route qui interpelle l’ensemble de la société française : la Déclaration de Lézan. Adoptée le dimanche 28 août en assemblée plénière, elle insiste sur la nécessité de s’engager immédiatement pour une transition énergétique. Elle met en avant la reprise en main des décisions qui concernent la population par l’instauration du contrôle citoyen sur des instances politiques soumises à la logique des multinationales; le refus de la marchandisation des ressources naturelles et du vivant, et leur affirmation comme biens communs inaliénables, accessibles à tous. C’est tout naturellement que les participants ont adossé à cette déclaration l’accord des peuples de Cochabamba, signé en avril 2010 lors du premier sommet alternatif mondial sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère. On peut y lire notamment la volonté de combattre simultanément la course effrénée aux énergies fossiles, le nucléaire, les agrocarburants et autres fausses solutions. Les réductions drastiques d’émissions de gaz à effet de serre
© Olivier Sebart
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La “convergence citoyenne pour une transition énergétique” s’est tenue en août dernier à Lézan, dans les Cévennes, à l’initiative de collectifs contre les gaz et huiles de schiste.
dans les pays industrialisés, l’arrêt du nucléaire doivent aller de pair avec l’arrêt des appropriations de terres qui affament et assassinent des populations entières (ce dernier thème a cependant été trop peu évoqué à Lézan). Ces rencontres auront permis non seulement de faire le point sur les dérives existantes, mais surtout d’élargir le débat à nos choix de société, de poser les bases d’une société sobre en énergie, inventive, autogérée, relocalisée et qui ne repose plus sur le pillage des pays du Sud. La question de l’énergie ne peut être abordée de façon isolée. Ainsi, les opposants aux gaz de schiste avaient fait de ce rassemblement un point de convergence pour ceux qui luttent sur le terrain sur des thématiques proches : OGM, usine d’huile de palme de Port-la-Nouvelle (Aude), projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes… Absence des pays du Sud Les Amis de la Terre ont largement pris part à l’événement, tant par leur participation à l’organisation et à l’animation du rassemblement que par leurs contributions sur les thématiques des luttes inter-
nationales, des agrocarburants, de l’espace écologique. Nous regrettons cependant que le projet initial de donner à cette rencontre une ampleur internationale en invitant des représentants des pays du Sud n’ait pu se concrétiser. Le Sud a été le très grand absent de ce rassemblement trop centré sur les problèmes du Nord. Nous souhaitons que toute future convergence prenne en compte cet aspect, pour nous incontournable. D’autre part, nous désapprouvons la présence imposée de certains «experts» défendant de fausses solutions, en particulier sur le thème des agrocarburants. Des combats importants nous attendent : les industriels n’ont pas renoncé à exploiter les gaz de schiste, le gouvernement français reste arc-bouté sur le nucléaire, les multinationales occidentales amplifient leur politique de confiscation des terres dans le Sud. Le rassemblement de Lézan a permis de programmer des actions à venir. Aujourd’hui plus que jamais, la nécessaire convergence des luttes et des alternatives est cruciale. D’autres convergences sont à imaginer, à construire. A Lézan, un nouveau pas a été fait.
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ALAIN DORDÉ
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FRANCE
FRANCE
Algues vertes Traiter au-delà de la surface
Un rapport accablant Les banques françaises, si peu citoyennes !
La découverte d’une trentaine de cadavres de sangliers dans le lit du Gouessant (Côtes-d’Armor), en juillet, inaugurait le triste feuilleton de l’été. La mise en cause indéniable des algues vertes, début septembre, transforme finalement ce problème écologique récurrent des vingt-cinq dernières années en une nouvelle question sanitaire. Cependant, si les remèdes proposés ne s’attaquent pas aux causes de cette plaie, les effets perdureront.
Face à la démission du G20, les Amis de la Terre et ATTAC ont lancé en avril 2011 la campagne « A nous les banques ! » pour un contrôle citoyen du système bancaire. Après une analyse à mi-parcours sur la transparence des réponses données au questionnaire envoyé, les deux associations publient leur rapport.
© Cristina Barroca
Dès la macabre découverte, l’hypothèse selon laquelle l’hydrogène sulfuré (H2S) résultant de la décomposition des algues vertes puisse être la cause de la mort des sangliers apparaît comme une évidence aux yeux du plus grand nombre. Les échouages d’algues s’aggravent depuis vingt-cinq ans et la toxicité du gaz est bien connue. Pourtant, le gouvernement explore, en vain, la moindre piste qui pourrait disculper le H2S. Un problème de santé publique Finalement, toutes les analyses, de celles de la Préfecture à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à celles de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), confirment bel et bien la culpabilité des algues. Plus encore, avec l’étude de l’Ineris, la question des algues vertes change de statut et devient un danger sanitaire. Au sol, le H2S atteint des niveaux mortels, conclut l’étude, qui précise que des accidents fatals peuvent survenir même pour de courtes expositions. Ces conclusions renforcent, s’il en était besoin, la nécessité de fermer les plages lorsque les algues ne peuvent être ramassées sous 24 heures. Malheureusement, le ramassage des algues vertes, raclées par des bulldozers au mépris de l’écosystème, et un “Plan algues vertes” poussif restent les deux placebo appliqués tant bien que mal par le gouvernement. Placebo, car le ramassage ne fait que masquer le problème et le plan se limite à une vague réduction des nitrates que l’Etat à bien du mal à faire appliquer. En se limitant à la surface, ces mesures occultent l’aberration agroindustrielle. La maladie est bien là : une situation ubuesque qui fait de la Bretagne la principale étable française. On y élève 60 % des porcs, 45 % des volailles et 30 % des vaches laitières du pays. L’agriculture bretonne est cantonnée à un rôle de produc-
Un four servant à fondre les déchets radioactifs métalliques de faible et très faible intensité a explosé le 12 septembre dernier
ATTAC et les Amis de la Terre montent au créneau et reviennent sur les réponses des banques au questionnaire envoyé en avril dernier. Ce rapport1 analyse les différentes politiques financières, salariales et commerciales des banques, ainsi que l’impact social et environnemental des activités qu’elles financent. Tout cela dans la limite de la transparence de leurs réponses. L’étude révèle que les banques françaises, à l’exception de la Nef et du Crédit Coopératif, sont loin d’être à la hauteur en ce qui concerne le soutien à l’économie sociale et solidaire, le financement des énergies renouvelables, ou encore la prise en compte des besoins des populations et du respect de l’environnement dans leurs politiques de crédits. Si les banques prennent peu à peu conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de la société, les changements concrets peinent à venir, se heurtant toujours aux objectifs de maximisation des profits. Ce rapport est donc une première démarche visant à réaffirmer les devoirs des
banques vis-à-vis des citoyens : transparence, accessibilité, responsabilité sociale et environnementale. Après un été durant lequel les valeurs bancaires européennes ont joué au yo-yo en bourse, pendant que les dirigeants de la zone euro se montraient totalement incapables de réagir de façon censée et coordonnée, la rentrée ne s’est pas annoncée sous de meilleurs auspices. Une recapitalisation annoncée Ici et là, les vannes se sont ouvertes généreusement pour sauver les banques, malades d’une crise de la dette qu’elles avaient largement contribué à créer : prêts de la Banque centrale européenne (BCE), intervention des banques centrales mondiales pour fournir des liquidités en dollars… Et voilà maintenant que le FMI propose de reconvertir le Fonds européen de stabilité financière (FESF) à la recapitalisation des banques, alors que celui-ci avait été initialement créé pour fournir de la dette publique aux États mal en point de la zone euro.
Pourtant, face à cette débâcle, on ne voit pas de politique européenne coordonnée, et la rencontre des ministres des Finances, en Pologne, à la mi-septembre 2011, n’aura permis d’aboutir à aucun accord sur un second plan d’aide à la Grèce, donnant de surcroît l’image d’une vraie division au sein des pays de la zone euro. A l’échelle française, les banques négocient déjà de nouvelles faveurs, arguant du fait que « Bâle 3 » – une réglementation dont les contours ont pourtant largement été dessinés par les banquiers eux-mêmes – exige plus de liquidités que celles dont elles disposent. Elles repartent donc à l’assaut du Livret A, cette épargne solidaire reversée au logement social, dont les encours se sont vus petit à petit rognés au profit des grands > JULIETTE RENAUD groupes bancaires. ET JULIETTE ROUSSEAU
Chargées de campagne “Banques” aux Amis de la Terre et à ATTAC. 1 Le rapport est téléchargeable en ligne : http://www.amisdelaterre.org/Campagne-Anous-les-banques.html
Algues vertes sur la plage de Kervel, en Bretagne, cet été. Les échouages d’algues, dont la décomposition produit de l’hydrogène sulfuré, s’aggravent depuis vingt-cinq ans.
teur alimentaire balloté au gré des marchés internationaux. Elle y perd son âme : ce type de production broie de nombreux exploitants agricoles, produit des aliments de piètre qualité et détruit inlassablement son environnement en y déversant des tombereaux de nitrates. S’il ne faut illustrer qu’un point, constatons simplement que les taux de nitrates ont été multipliés par dix sur le siècle qui a vu l’agrobusiness l’emporter sur la paysannerie locale. Vers une agriculture soutenable Dans ce contexte, l’Etat propose de traiter a minima les symptômes et se détourne des causes profondes du mal. En réalité, le problème n’est pas breton mais national. En parquant un si grand cheptel sur 5% du territoire français, le modèle agro-industriel ne peut aboutir qu’à un tel
résultat. La Bretagne n’est pas en cause – aucune région ne sortirait indemne d’une telle concentration ! –, la responsabilité incombe plutôt à un modèle agricole productiviste et centralisé. Nous sommes aujourd’hui bien loin d’une agriculture soutenable qui, respectant la capacité des écosystèmes, répondrait à des besoins locaux, recréant le lien social délité par une industrie impersonnelle. Il devient urgent d’abandonner ce modèle agricole global qui a fait de la Bretagne ce qu’elle est devenue aujourd’hui : une étable concentrant des animaux nourris au soja sud-américain. La transition vers une société soutenable devient indispensable. Il s’agit de revenir à une échelle humaine afin de retrouver le lien entre l’Homme, le territoire > PHILIPPE COLLET et l’écosystème.
Marcoule Un accident nucléaire grandeur nature Le 12 septembre dernier, l’explosion d’un four sur le site de Marcoule, dans le Gard, a montré la dangerosité de toute installation nucléaire… et l’impéritie des autorités.
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sur le site nucléaire de Marcoule, faisant un mort et quatre blessés, dont un grave. C’est le centre de traitement et de conditionnement des déchets de faible activité (Centraco), exploité par la Socodei, filiale d’EDF installé sur la commune de Codolet, qui a été touché. Cet accident nous rappelle cruellement que toutes les installations nucléaires – et pas seulement les centrales – sont porteuses de risques intrinsèques, et
que les accidents nucléaires n’arrivent pas uniquement dans les pays étrangers. A en juger par le début de panique qui s’est emparé de la population locale, cet accident nous rappelle également que nucléaire et transparence sont et resteront antinomiques, et que les services de l’Etat ne sont pas préparés à faire face à un accident nucléaire, quel qu’il soit. (Voir aussi notre dossier, pages 10 à 21.)
Prix Pinocchio du développement durable Les entreprises démasquées ! Les Amis de la Terre relancent les Prix Pinocchio du développement durable. Le but : dénoncer les entreprises françaises qui se réclament du développement durable… seulement dans leur communication. Les Amis de la Terre relancent les Prix Pinocchio du développement durable et ont ouvert l’appel public au vote le mardi 18 octobre 2011 sur le site des Prix1. Cette édition 2011 est organisée en partenariat avec la campagne “Une seule planète” du CRID. Elle reprend le principe-clé du Prix : dénoncer les abus de certaines entreprises françaises, avec des exemples qui illustrent leurs mauvaises pratiques (en totale contradiction avec le concept de développement durable qu’elles utilisent abondamment dans leur communication), et demander aux internautes de voter parmi les entreprises nominées. Les Prix Pinocchio 2011 s’offrent une légère refonte, avec de nouvelles catégories de vote : “ Plus vert que vert”, qui récompense l’entreprise ayant mené la campagne de communication la plus abusive et trompeuse au regard de ses activités réelles ; “Une pour tous, tout pour moi !”, prix décerné à l’entreprise ayant
mené la politique la plus agressive en terme d’appropriation et de surexploitation des ressources naturelles ; et “Mains sales, poches pleines”, qui revient à l’entreprise ayant mené la politique la plus aboutie en terme d’opacité et de lobbying.2 Les Prix Pinocchio sont organisés chaque année depuis 2008 par les Amis de la Terre dans le cadre de leur campagne sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Pour l’association, les politiques volontaires menées par les entreprises et les engagements juridiquement non-contraignants ont montré leur inefficacité. L’association demande donc un encadrement juridique strict au niveau international afin d’obliger les entreprises à assumer leurs responsabilités. > La cérémonie publique de remise des prix aura lieu le jeudi 17 novembre 2011 à “Mains d’œuvre”, 1 rue Charles-Garnier, 93400 Saint-Ouen. Plus d’infos sur www.prix-pinocchio.org
1 Pour découvrir les entreprises nominées et voter pour vos Pinocchio, rendez-vous sur www.prix-pinocchio.org jusqu’au 15 novembre 2011. 2 Pour plus d’informations, contactez Romain Porcheron, chargé de campagne sur la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises romain.porcheron@ amisdelaterre.org
RÉGIONS
TRIBUNE
Selon la récente feuille de route de l’AIE et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), la séquestration géologique du CO 2 pourrait concerner 4 milliards de tonnes en 2050. Avec des perspectives économiques alléchantes. Les 1 800 installations industrielles espérées d’ici 2050 nécessiteraient un investissement de 900 milliards de dollars dont plus des deux-tiers dans les pays du Sud. Autant d’installations qui engendreraient d’innombrables crédits carbone valorisables sur les marchés du carbone. En France, l’Ademe finance d’ores et déjà à hauteur de 45 millions d’euros quatre projets portés par Alstom, Arcelor-Mittal, EDF et Total. Alstom mènerait actuellement seize projets pilotes dans le monde et vient de signer un accord avec le groupe public chinois Datang pour capter le dioxyde de carbone de deux centrales à charbon. De son côté, Total a converti une partie de ses installations de production de gaz de Lacq (Pyrénées-Atlantiques)
Le 15 août 2010, 60 faucheurs volontaires arrachaient des pieds de vigne OGM près de Colmar, dans un champ appartenant à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Parmi eux, des membres des Amis de la Terre. Cet acte de désobéissance civile voulait dénoncer une expérimentation qui vise à rendre les OGM acceptables par le grand public. Fin septembre, les faucheurs comparaissaient devant le tribunal de Colmar. Christian Vélot, membre du Conseil scientifique du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique, nous livre son point de vue sur ces essais de l’INRA.
© ddfreedl
Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions mondiales de CO2 ont atteint 30,6 milliards de tonnes en 2010, soit 5 % de plus que le précédent record de 2008. Plutôt que de s’engager sur de véritables politiques de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), les industriels, encouragés par de nombreux pays et agences internationales, préfèrent capter le CO2 produit par les raffineries ou les centrales pour l’enfouir dans le sous-sol.
Le vignoble de la Chapelle de Rousse, à Jurançon, sous lequel Total enfouit du CO2 à 4 500 mètres de profondeur, dans un ancien puits d’extraction de gaz naturel.
pour capter du CO2. Il est ensuite transporté par des pipelines de 27 km jusqu’au site de la Chapelle-de-Rousse, à Jurançon, où il est enfoui dans un ancien puits d’extraction de gaz naturel de 4 500 mètres de profondeur. Après avoir obtenu l’autorisation préfectorale en mai 2009, Total projette d’enfouir en deux ans 120 000 tonnes de CO2, pour un coût de 60 millions d’euros. L’enjeu pour Total est de pouvoir se prévaloir de la maîtrise d’une chaîne industrielle complète portant sur le captage, le transport et le stockage. Située en zone habitée et cultivée, le projet industriel de Lacq comporte des risques de fuite, d’acidification du milieu, de remontée gazeuse vers une nappe d’eau potable, voire de dégazage brutal, selon des rapports de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques. Fortement inefficace, coûteuse en énergie, cette technologie est un pari très critiquable sur l’avenir : Total prévoyant de se désengager du site en 2013, qu’en sera-t-il
de la surveillance au cours des prochaines décennies, des prochains siècles ? S’ajoutant à des consultations citoyennes bâclées, ces arguments sont à la base de la lettre que le collectif climat de Pau vient d’envoyer au Parlement européen pour exiger l’arrêt de ce projet industriel. > MAXIME COMBES Pour en savoir plus : > Après les gaz de schiste, Total expérimente l’enfouissement industriel de CO2... : http://www.bastamag.net/article1722.html http://iea.org/Papers/roadmaps/ccs_industry. pdf > http://www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid =96&m=3&id=70192&ref=23980&p1=B > http://www.romandie.com/news/n/_Alstom_ s_associe_a_Datang_pour_des_projets_de_ca ptage_de_CO2_en_Chine210920111109.asp > Institut national de l’environnement industriel et des risques ; rapport de mars et décembre 2010 : http://www.ineris.fr/centredoc/95145-11842bstockage-co2-2.pdf et http://www.ineris.fr/ centredoc/drs-10-100887-12619aeureka&evariste-v4.3def-rapport.pdf > http://climatjustice.org/2011/08/19/non-austockage-du-co2-a-jurancon/
Depuis le 1er octobre, la mairie de Paris et la Région Ile-de-France ont lancé un programme de location de voitures électriques en libre service. 3 000 automobiles seront progressivement mises à la disposition des habitants d’une cinquantaine de communes de la région – dont Paris, Saint-Ouen, La Garenne-Colombes, Créteil, Montrouge, Nanterre, Pantin, Ville-d’Avray, Joinville-lePont. Pour Bertrand Delanoë et son équipe,
Autolib’ doit permettre de répondre aux problèmes de circulation et de pollution urbaine qui entravent la région parisienne. Problème : comment prétendre réduire le trafic lorsque que l’on augmente le nombre de voitures individuelles circulant sur les routes franciliennes ? Il est quasiment certain que les possesseurs d’automobile ne délaisseront jamais leur véhicule pour se mettre au volant d’un des 3 000 véhicules Autolib’. Sans oublier la question des batteries, très polluantes… et de l’origine (nucléaire à 80 %) de l’électricité en France ! Au lieu d’investir dans ce service, la mairie de Paris devrait promouvoir de vraies alternatives à la voiture individuelle. Seuls la mise en place de transports en commun
© FaberNovel2009
Autolib’ La fausse bonne idée Après les vélibs, voici en région parisienne l’autolib’. A partir du 1er octobre, 3 000 voitures électriques seront mises en circulation progressivement.
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Procès de Colmar Vigne transgénique : quand les vilains faucheurs s’attaquent à une recherche innocente...
Emissions de gaz à effet de serre Plutôt que réduire les émissions de C02, ils veulent les enfouir dans le sol !
performants et l’aménagement de voiries facilitant l’utilisation de modes de déplacement doux, comme le vélo, permettront de diminuer sensiblement la circulation automobile et de lutter contre la pollution at> L. P. mosphérique.
Les essais de vigne transgénique de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) de Colmar étaient prétendument réalisés à des seules fins de recherche et non à des fins commerciales – cela reste à être démontrer. Mais, en admettant qu’il s’agisse véritablement de recherche fondamentale, cela donne-t-il le droit de faire tout et n’importe quoi ? Certes, il ne s’agit pas ici de plante-pesticides (ni productrice d’un insecticide, ni tolérante à un herbicide) comme le sont plus de 99 % des OGM agricoles. Eston sûr de l’innocuité de cette vigne au point de se permettre de faire des essais en plein air ? Il faut savoir qu’à l’instar de toutes les plantes transgéniques conçues pour résister à des virus, elle est un véritable réservoir à virus recombinants. Un réservoir à virus Dans ce type de plantes transgéniques, le transgène est un gène viral. La présence de ce transgène protège la plante contre le virus en question et les virus apparentés. Or les virus ont une très grande capacité à échanger spontanément leur matériel génétique (phénomène de recombinaison). Par conséquent, quand cette plante est victime d’une infection virale, il peut se produire très facilement des échanges entre le matériel génétique (ADN ou ARN¹) du virus infectant et le transgène viral (ADN) ou sa version ARN. Cela conduit à l’apparition de virus dits recombinants, dont on ne maîtrise rien et qui vont pouvoir se propager dans la nature. Avec des plantes conventionnelles, une telle situation ne peut se produire que si la plante est infectée simultanément par deux virus. Avec ces plantes transgéniques, un seul virus suffit. De tels essais à ciel ouvert font donc courir des risques considérables. C’est d’ailleurs très drôle de constater la contradiction de l’Inra sur cette question. Dans un article, paru dans Le Monde daté du 16 août 2010, l’institut dit, à propos des faucheurs : “Ils contribuent à répandre la peur en évoquant des risques environnementaux qui n’existent pas sur cet essai, alors que l’Inra essaie de déterminer, en toute indépendance, la pertinence et les risques éventuels de ce type de technologie dans la lutte contre le court noué [maladie de dégénérescence de la vigne].” L’Inra fait des essais pour déterminer les risques mais affirme que les risques n’existent pas !
© Collectif de soutien aux faucheurs
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Encore une fois, la planète n’est pas une paillasse de laboratoire. Pourquoi ne pas faire ces essais au moins sous serre, dans les conditions de confinement appropriées ? Toute demande de manipulation d’organismes génétiquement modifiés en laboratoire faisant courir le moindre risque d’apparition de virus recombinants se verrait exiger un confinement de niveau 2 minimum (il existe essentiellement trois niveaux – 1, 2 et 3 – de confinements pour la manipulation d’OGM). Le plein air, c’est le confinement zéro ! Ce n’est pas une bâche dans le sol pour isoler la terre de la parcelle ni la suppression des inflorescences² qui peuvent garantir la non-propagation d’éventuels virus recombinants. Un essai en plein air doit être une simulation et ne doit pas faire courir de risques. Quand on fait une simulation d’une attaque chimique dans le métro pour entraîner la coordination des secours, on met tous les ingrédients mais on ne met pas l’agent chimique ! Des solutions naturelles Par ailleurs, on nous dit qu’il n’existe pas de solution contre le court noué, si ce n’est de tuer les nématodes (ces vers microscopiques du sol qui transportent le virus et le transmettent au pied de vigne) avec des produits fortement toxiques. Certes, il n’y a pas de solution directement sortie des laboratoires, mais il existe en revanche des pratiques culturales qui permettent de s’affranchir du court noué, telles que la
culture de plantes nématicides (ou nématifuges). Ces plantes secrètent par leurs racines des substances qui affaiblissent ou chassent les nématodes. Par ailleurs, sans même avoir recours à ces plantes, certains viticulteurs ne sont pas ou peu embêtés par le court noué. Il y a donc de véritables pistes à exploiter qui conduiront à des stratégies subtiles, durables et moins invasives que l’artillerie lourde des OGM. Cet exemple soulève une fois de plus la nécessité de développer la recherche participative à laquelle les viticulteurs contribueraient activement. Leur implication ne se réduirait pas à siéger dans un comité de suivi de la mise au point d’une technologie – qui leur sera ensuite servie clés en mains pour qu’ils s’empressent d’oublier leurs bonnes vieilles pratiques paysannes, respectueuses de l’environnement. Faut-il qu’une solution à un problème agronomique sorte d’un labo pour qu’elle mérite d’être qualifiée de progrès ? N’oublions pas que ce ne sont pas les chercheurs, ni même les agronomes, qui ont inventé l’agriculture, mais les paysans – qui sont d’ailleurs les premiers généticiens du monde. Ces essais n’étaient qu’un cheval de Troie pour l’ensemble des essais en plein air et pour l’acceptation des OGM et des biotechnologies en général. Ainsi ce fauchage a le mérite de soulever la question fondamentale du choix des orientations et des stratégies de recherche publique (ou de ce qu’il en reste). Il est urgent de contrebalancer les politiques actuelles de recherche publique, trop exclusivement orientées vers des intérêts mercantiles à court terme, pour remettre la recherche au service du bien commun. Les faucheurs ne sont pas des anti-science mais des alter-science.
> CHRISTIAN VÉLOT
Docteur en biologie, généticien moléculaire à l’université Paris-Sud 11. Auteur de OGM : tout s’explique (éd. Goutte de Sable) et de OGM, un choix de société (éd. de l’Aube). L’intégralité de cette tribune est publiée sur le site des Amis de la Terre : www.amisdelaterre.fr 1 L’acide ribonucléique (ou ARN) est une molécule très proche chimiquement de l’acide désoxyribonucléique (ou ADN). Il est indispensable à la synthèse des protéines. 2 Mode de groupement des fleurs sur une plante (par exemple : grappe, épi…)
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DOSSIER
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NUCLÉAIRE S’en s ortir
Que se passe-t-il vraiment au Japon ? Comment manifester notre solidarité avec les Japonais sans oublier les autres victimes de la radioactivité ? Comment résister à la désinformation, au déni de démocratie ? Et quelle protection pour les travailleurs de l’atome ? Par ailleurs, après Fukushima, la France peut-elle ne pas décider d’arrêter le nucléaire ? Comment font les pays qui s’en passent ? Qu’attendre des scénarios de “sortie” du nucléaire ? Comment remettre l’électricité à sa juste place et obtenir de premières fermetures de réacteurs ? Autant de questions brûlantes que nous tentons d’aborder dans ce dossier. Quelques semaines après le début des fusions de réacteurs à Fukushima, les langues se sont momentanément déliées. Des publications parfois aussi conservatrices que Le Point ont publié des dossiers honnêtes sur la situation du nucléaire au Japon, en Europe, en France. Mais, depuis, la question semble, comme Tchernobyl, passée aux oubliettes... Or sur place, la situation reste incontrôlable et la population d’un des pays les plus technophiles du monde, en principe démocratique, est exposée à des radiations supérieures aux seuils qui avaient, en 1986, déclenché les évacuations en URSS. D’une ampleur sans précédent, cette catastrophe a ouvert un débat sur la probabilité d’accident majeur en Europe, donnant lieu à un débat statistique animé, mais sinistre : les calculs des experts Bernard Laponche et Benjamin Dessus1, publiés par Libération le 3 juin dernier, ont été corrigés par un laboratoire de mathématiques du CNRS, qui évalue tout de même le risque à 72 % au cours des trente prochaines années. L’ordre de grandeur fait frémir, car aucun pays d’Europe ne dispose de plans d’évacuation crédibles, voire de plan tout court, l’accident grave, jugé impossible, n’étant pas prévu. Or la France compte nombre de sites nucléaires proches de grandes agglomérations : Aix-Marseille, LilleRoubaix-Tourcoing, Bordeaux, régions parisiennes et lyonnaises... Le basculement de l’opinion mondiale et française, la détresse que les autorités japonaises ne parviennent pas à dissimuler, mettent l’industrie nucléaire en difficulté. Si l’expert indépendant Mycle Schneider, prix Nobel alternatif 1997, avait démontré depuis longtemps que la prétendue renaissance de l’électronucléaire est un mythe, le lobby atomique ne peut plus dissimuler les coûts humains et financiers exorbitants d’une technologie qui ne peut prospérer que dans le mensonge. Acculé à la fuite en avant pour dissimuler des décennies de turpitudes et éviter à tout prix un vrai bilan, le lobby repasse dès lors à l’offensive, niant ou banalisant
ce qu’il faut bien nommer l’horreur, pour justifier la poursuite de sa politique du fait accompli. Dix ans après la catastrophe d’AZF, nul ne peut ignorer combien laisser perdurer des usines vieillissantes est dangereux et multiplie les probabilités de drames. Nous sommes donc, pour une fois, pleinement d’accord avec Nicolas Sarkozy quand, en visite à la centrale nucléaire de Gravelines le 3 mai 2011, il affirmait : “Soit on croit dans le nucléaire... et dans ce cas-là on continue d’investir... soit on ne croit pas dans le nucléaire et dans ce cas-là on arrête le nucléaire et on ferme le nucléaire.” Au passage, notons l’aveu : il s’agit bien d’une affaire de croyance, pour ainsi dire de religion. Et, en l’occurrence, d’une religion d’Etat. Patrie du précurseur Becquerel et terre d’adoption de sainte Marie Curie, la France, détentrice d’une “force de frappe” destinée à panser la peu glorieuse défaite de 1940, reste un cas à part. Pays le plus nucléarisé du monde, elle tente depuis des décennies, au nom de son “rayonnement”, d’exporter partout des technologies très dangereuses et proliférantes : combustible MOX (mélange d'oxydes d’uranium et de plutonium), retraitement, armes à l’uranium appauvri... Fermer le nucléaire... Chiche ? Alors qu’il ne fait plus de doute que l’EPR2 suivra sur la voie du fiasco industriel le Concorde, le Rafale – et même le TGV, qui devient difficile à exporter –, la technocratie française n’a qu’une réponse : le déni et l’obstination. On rirait, si le choix du nucléaire, sans effet vertueux sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), n’était pas, outre qu’infiniment risqué, préjudiciable à l’exercice des libertés fondamentales et à la démocratie. D’où la responsabilité colossale de l’exemple que notre pays donnera ou non en matière de dénucléarisation y compris militaire. La vétusté des installations nucléaires françaises et l’inéluctable dégradation
A l’usage, hélas, les volontés de sortie du nucléaire affichées par les gouvernements ont tendance à se révéler hypocrites. Les échéances longues relèvent souvent de la temporisation ou du pur effet d’annonce. Ainsi, la Suisse prétend maintenant vouloir sortir du nucléaire d’ici à 2034, alors que le plus jeune de ses cinq réacteurs a déjà 27 ans et que les trois plus vieux ont dépassé 40 ans. A l’inverse, le débat quasi théologique entre pro et anti nucléaires manque parfois de pertinence. De fait, nombre d’organisations qui n’ont pas encore pris position pour une sortie du nucléaire ont quand même signé l’appel du 17 mars 2011, qui exige le renoncement à l’exploitation de tous les réacteurs de trente ans ou plus, alors que d’autres affichent une volonté de sortie toujours différée, sans assumer de réclamer des fermetures immédiates. Sortir un jour... ou amorcer tout de suite l’arrêt ? Car le débat sur les délais de sortie n’est qu’un des aspects du bourbier nucléaire où la France a été plongée. Peut-on réellement sortir des effets d’une technologie qui, en quelques décennies, a déjà accumulé des milliards de tonnes de déchets radioactifs, souvent non répertoriés, à la toxicité parfois extrême et dont la nocivité persistera des centaines de milliers (plutonium 239), des millions (neptunium 237), voire des milliards d’années (uranium 238) ? A raison de 30 à 40 kg de plutonium produits chaque jour par les réacteurs français, le plutonium ne représentant que 1 % du combustible dit usé, le terme de sortie du nucléaire est-il encore approprié ? Peut-on faire mieux que cesser de rajouter de la radioactivité ? Au delà de débats récurrents sur des décisions de sortie, qui n’appartiennent qu’à l’Etat et n’engageraient que ceux qui y croient, les opposants au nucléaire ne devraient-il pas unir leurs forces pour réclamer la fermeture effective de réacteurs, à commencer par les plus vieux et les plus dangereux ? Cela rendrait tangible l’idée qu’il est possible d’arrêter quelque chose, et aiderait les citoyens à se réapproprier des luttes et des objectifs dont des discours d’experts, trop intimidants et techniques, les ont dépossédés – bref, à imaginer autre chose. C’est ce débat que les Amis de la Terre souhaitent ouvrir avec leurs alliés.
> LE BUREAU FÉDÉRAL DES AMIS DE LA TERRE FRANCE
1 Voir pages 14 à 17. 2 EPR : European Pressurized Reactor. Type de réacteur électronucléaire à eau sous pression (REP), plus puissant (1 600 MW) que les 58 actuellement en service en France.
Urgence Remettre l’électricité à sa place, tout de suite L’électricité doit être réservée à ses usages spécifiques : industrie, transports en commun, électroménager, télécommunications, éclairage… Les Amis de la Terre demandent que les mesures suivantes soient prises immédiatement. Arrêt des chantiers ITER (fusion nucléaire) et EPR (réacteurs de génération 3) ✔ Arrêt de tout retraitement à La Hague ✔
© Sacha Lenormand
Adopter une nouvelle stratégie pour fermer des centrales
de leurs conditions d’exploitation avaient amené dès 2007 l’Assemblée fédérale et le Conseil fédéral des Amis de la Terre France, après d’intenses débats, à se prononcer pour un arrêt rapide de l’électronucléaire en un quinquennat ou deux maximum – échéances des scénarios que venait alors de publier le Réseau Sortir du nucléaire, dont des Amis de la Terre sont membres fondateurs. Cette position est cohérente avec les indispensables décroissance du train de vie énergétique et réduction drastique des émissions nationales de GES, ce qui n’exclut évidemment pas une hausse transitoire des émissions dans le secteur de la production électrique, comme le prévoient en pratique tous les scénarios énergétiques alternatifs. Il s’agit désormais d’une position de compromis : après Fukushima, le débat interne des milieux antinucléaires se polarise en effet entre partisans d’un arrêt immédiat et adeptes de sorties à dix ans, vingt ans ou plus, à qui nous donnons aussi la parole dans ce dossier. Partant d’un parti pris moral en faveur de la justice sociale et environnementale, au Nord comme au Sud, nous prenons acte de la possibilité technique et collective d’organiser rapidement une transition énergétique, préalable indispensable à la transition vers des sociétés soutenables. A condition de mener des politiques publiques fortes et coordonnées qui auront d’autant plus de chances d’emporter l’adhésion que leurs échéances seront lisibles, leurs mesures équitables, leurs objectifs conformes à l’intérêt du plus grand nombre. Cela implique de rompre avec la fuite en avant énergétique, et donc avec le consumérisme, pour organiser la solidarité entre citoyens, entre territoires, tout en limitant le risque de nouveaux accidents nucléaires majeurs en arrêtant les réacteurs au plus vite.
Suppression des publicités faisant appel à l’électricité ✔ Suppression des distributeurs de nourriture et de boissons dans le métro et les gares ✔ Restriction de l’éclairage public aux zones indispensables à la sécurité de la circulation, limitation de sa puissance ✔ Limitation du chauffage à 20°C dans les lieux publics ✔ Arrêt des escalators là où existent des ascenseurs pour les personnes moins mobiles ✔ Mise en place de la progressivité des tarifs de vente d’électricité ✔ Stricte limitation de la puissance des serveurs Internet, et instauration d’un service public de l’Internet ✔ Arrêt de l’automatisation des systèmes de surveillance, des portails… ✔ Interdiction des véhicules électriques ✔
individuels, sauf pour les personnes handicapées ✔ Stricte limitation de la climatisation ; interdiction du chauffage des terrasses ✔ Interdiction de la commercialisation d’appareils électroménagers neufs hors classe A et plus ✔ Interdiction immédiate de toute nouvelle installation de chauffage électrique et mise en place très rapide de chaudières en cogénération partout où cela est possible ✔ Distribution d’interrupteurs dans tous les ménages ✔
Rajoutez vos propres mesures… et consultez les positions des Amis de la Terre sur l’énergie, l’électronucléaire, la production et la consommation d’électricité, les sociétés soutenables... www.amisdelaterre.org
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DOSSIER
NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR
De Tchernobyl à Fukushima Les germes amers de la désinformation
Fukushima Le Japon abandonne sa population
Après Tchernobyl, la désinformation officielle couverte par l’OMS a nié les ravages sanitaires de la contamination. L’institution espère répéter le même scénario à Fukushima.
Alors que la catastrophe ne fait que commencer, le gouvernement japonais et les industriels optent pour le déni des conséquences sanitaires des rejets de radioactivité présents et à venir.
En matière de contamination post-accident, il est clair que l’expérience ne vaut rien. Le 18 avril 1989, j’étais à Novozybkov, en Russie, à 180 km de Tchernobyl, à proximité des frontières du Bélarus et de l’Ukraine. La radioactivité ambiante était de 3 à 7 µSv1/h, soit en moyenne 44 mSv/an. J’ai reproduit dans un rapport – dont une version révisée fut présentée à la presse en 1996 avec Les Amis de la Terre, le CEDI et Bulle Bleue – des données fournies par le responsable médical du district. “Sida des radiations”, état d’abrutissement des enfants, tableau lamentable des thyroïdes... tout y était déjà. Mais ces troubles avaient officiellement été mis sur le compte de la radiophobie, pathologie créée ad hoc et citée dans les congrès médicaux à partir de fin 1988 pour se dispenser de chercher des liens réels avec la contamination. Mon rapport n’eut aucun écho. Il a fallu attendre 2006 pour que l’association Les Enfants de Tchernobyl redécouvre Novozybkov. L’incapacité des écologistes a donc conforté la stratégie de dénégation des services de radioprotection nationaux et des agences atomiques.
Un terrifiant gâchis : la gestion des régions contaminées par les effluents radioactifs de Fuku shima ignore les leçons de Tchernobyl, ou plutôt choisit de n’en retenir que le souci de culpabiliser d’éventuels grincheux. “Les radiations n’affectent pas les gens qui sourient, mais ceux qui sont soucieux”, proclamait en mars le Pr Shunichi Yamashita1. Bref, les malades ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes. Quant à la leucémie aiguë qui vient de tuer un homme qui était intervenu sur le site de la centrale sinistrée, TEPCO nie tout rapport avec la radioactivité.
L’OMS sert la soupe nucléaire A défaut de capacité d’évaluation en matière radiologique – elle ne dispose que d’un bureau et d’un salarié, tous deux à Genève –, l’OMS couvre la secte atomique, qui jouit de passe-droits exorbitants. La gestion des “crises radiologiques” a été confiée à l’Agence internationale de l’énergie atomique, en vertu du traité WHA 12-40 de 1959 voté par l’assemblée générale de l’ONU (surtout en qui concerne la communication), puis de la Convention internationale de 1986 sur l’assistance radiologique. Le seul rôle de l’OMS consiste donc de fait à avaliser les rapports officiels des agences nucléaires et des services de radioprotection. Tout se passe comme si l’on avait confié au syndicat des industries chimiques la gestion de la catastrophe de Bhopal – information scientifique de l’OMS comprise. La directive européenne 96/29/Euratom de 1996 va dans le même sens, en considérant qu’un enfant portant une dose de moins de 10 000 Bq (soit entre 200 et 800 Bq/kg selon l’âge) n’est pas contaminé. La machine à mentir semble remise en route après Fuku shima, où les ravages de la prétendue radiophobie ont été évoqués dans un communiqué de l’OMS moins d’une semaine après le 11 mars 2011. Ainsi, aucune recherche particulière ne serait justifiée : seule l’épidémie de radiophobie sera en cause. Les maladies somatiques inconnues chez l’enfant avant Tchernobyl (cataracte, troubles cardio-vasculaires aigus, perte d’immunité, vieillissement précoce, apathie...), si elles se manifestent à Fukushima, ne sauront être imputées à la radioactivité, dont la doctrine officielle restreint l’impact aux cancers et aux atteintes génétiques. Dès lors, la réaction japonaise ayant conduit à la non-évacuation des zones contaminées est à comparer avec celles des autorités américaines lors de la crise de Three Mile Island, ou soviétiques après l’explosion de Tchernobyl. Dans les trois cas, l’évacuation est apparue comme une mesure de dernière extrémité, car elle coûte fort cher et suppose des mesures autoritaires, voire coercitives – dans un contexte d’information incomplète et fluctuante, influencée par une image gentillette de l’énergie atomique et des radiations (dites tellement utiles en médecine… les atomes pour la paix, la santé et le progrès !) –, et aussi par crainte de ne pouvoir a posteriori la justifier face aux pontifes atomiques.
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YVES LENOIR
http://enfants-tchernobyl-belarus.org 1 Microsievert = 1 millionième de sievert. En France, la limite supposée admissible d’exposition de la population hors radioactivité naturelle et médecine est de 1 millisievert (mSv) par an. Voir aussi p. 21.
© David Cochard
2 Voir encadré p. 16. 3 Mégabecquerel = 1 million de becquerels, soit 1 million de désintégrations radioactives par seconde. La dangerosité dépend aussi du type de radioélément et du mode d’irradiation. Pour aller plus loin, voir les stages de la CRIIRAD sur la radioactivité : www.criirad.org. 4 Voir note p. 21.
stratégie du Sapeur Camember : creuser un trou pour faire disparaître un tas de terre gênant dans la cour de la caserne. Une campagne de grattage de la couche superficielle des lieux les plus fréquentés est en effet en cours, sans que l’on sache où ira cette terre contaminée.
Décisions scandaleuses Les Amis de la Terre Japon se battent depuis longtemps pour une société à basse consommation d’énergie, affranchie du nucléaire. En décembre 2010 encore, ils diffusaient une pétition contre l’utilisation de fonds publics pour promouvoir l’exportation de centrales nucléaires aux Etats-Unis, en Situation non maîtrisée Thaïlande, au Kazakhstan et A Tchernobyl, où les masses de en Jordanie – déplorant en parcombustible en fusion étaient ticulier le versement à Japan quatre à cinq fois moindres, la Atomic Power Company de situation, au prix du sacrifice de près de 2 milliards de yens de dizaines de milliers de premiers subventions pour l’étude de “liquidateurs”, avait été à peu faisabilité de deux réacteurs près stabilisée en dix jours, nucléaires au Vietnam. Car Tomême s’il avait ensuite fallu des shiba-Westinghouse et Hitamois pour refroidir vraiment ce chi-General Electric sont deux corium2. Mais, à Fukushima, six des cinq grands constructeurs mois après le séisme (qui, avant de centrales nucléaires, dermême le tsunami, avait fait perrière le français Areva et dedre le contrôle d’au moins un vant le russe Atomstroyexport réacteur), on ignore toujours et le coréen KEPCO. jusqu’où la lave radioactive s’est Suite à la décision scandaleuse enfoncée. Pourtant peu suspect de ne pas évacuer des zones d’alarmisme, l’Institut de radiooù la radioactivité ne dépasse protection et de sûreté nucléaire pas 20 mSv/an – seuil maximal Le réacteur 4 de la centrale de Fukushima Daiichi. Comme les 5 et 6, il était heureusement à l’arrêt lors du séisme. notait le 25 août dernier : “Pour en principe prévu par les insce qui concerne l’évacuation tances de radioprotection indes cœurs des réacteurs 1, 2 et 3, une des premières difficultés ternationales pour les travailleurs du nucléaire –, les Amis de la à résoudre sera le noyage complet du combustible, rendu auTerre Japon luttent aussi avec d’autres ONG japonaises pour le jourd’hui impossible du fait des fuites des cuves et des enceintes. respect du droit des enfants de Fukushima et des alentours à ne Cette évacuation nécessitera des développements technolopas être exposés à une radioactivité supérieure à 1 mSv par an, giques spécifiques et pourra nécessiter une dizaine d’années3”. dose maximale partout admise pour la population générale. Et, Or sans noyage complet, pas de refroidissement suffisant, d’où le 31 août dernier, ils demandaient solennellement à leur gouverun risque permanent de reprise des réactions en chaîne. Outre la nement de prendre la tête d’une dénucléarisation planétaire. menace de nouveaux séismes et typhons pouvant provoquer un Pour le physicien David Boilley, président de l’Association pour le effondrement des piscines suspendues bourrées de combustible, contrôle de la radioactivité dans l’Ouest2, le gouvernement japonais n’a certes pas été à la hauteur, mais, selon lui, aucun goula proximité de l’océan exacerbe les risques de diffusion massive vernement n’aurait fait mieux. A méditer et prolongée de radioéléments durablement toxiques. > M.-C. GAMBERINI ET Y. LENOIR . A plus de 200 km de la centrale accidentée, les faubourgs Est de Tokyo sont atteints. La ville de Fukushima est sévèrement Signez les pétitions des Amis de la Terre Japon sur le site www.foejapan.org. touchée, comme nombre de villes et villages de la région. Des di1 Ce professeur de l’université de Nagasaki a été nommé le 19 mars dernier zaines de milliers de km2 de sols sont déjà aussi contaminés que conseiller en gestion du risque radioactif à Fukushima. Les Amis de la Terre ceux de régions du Bélarus, d’Ukraine et de Russie où plus de Japon réclament sa démission. 80 % des enfants sont perpétuellement malades depuis un quart 2 Magma ultraradioactif résultant de la fusion, entre 2 500 et 3 000 °C, du de siècle. Et ce n’est qu’un début. Les mesures prises – ou non – combustible nucléaire et des métaux (gaines, cuve...) censés le contenir. par les autorités et les déclarations incohérentes ou mensonVoir : http://fukushima.over-blog.fr/article-le-corium-de-fukushima-1description-et-donnees-81378535.html gères ont lâché une sournoise bombe à retardement sanitaire sur 3 Voir la page “Situation au Japon” sur www.irsn.fr. de vastes territoires et dans l’organisme de centaines de milliers 2 Voir le site http://www.acro.eu.org d’êtres humains. On prétend régler le problème en recourant à la © TEPCO
Etudes scientifiques interdites Publiés en 1996, les travaux de Youri Bandazhevsky2 sur l’accumulation sélective du césium 137 dans les organes essentiels (cerveau, cœur, rate, thyroïde, pancréas, foie, muscles des yeux) ont exaspéré la communauté radioprotectrice officielle – dont la bible reste le modèle dérivé Hiroshima-Nagasaki, fondé sur l’hypothèse injustifiée d’une répartition homogène du césium dans l’organisme. Bandazhevsky a aussi démontré que la dose sous laquelle aucune atteinte somatique déterministe n’est observée est, en fait, ridiculement basse (20 Bq/kg chez l’enfant). A Novozybkov, vingtcinq ans après Tchernobyl et malgré de nombreuses opérations de décontamination des sols, le dépôt moyen est passé de 2,5 à 0,2 MBq/m2 3 : les enfants y sont donc toujours aussi malades. La seule pathologie imputable aux radiations reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est le cancer de la thyroïde. Dans les régions touchées, l’incidence de ce cancer a augmenté après quelques années de latence, puis a marqué un pic et engagé une régression, sans retomber au niveau d’avant 1986. Seul le choc initial de l’iode est incriminé, jamais le césium 137. L’affaire est donc officiellement bouclée – tout comme on avait bouclé Bandazhevsky pour faire cesser le scandale de la réalité radiologique
qu’il avait décrite. L’OMS avait d’ailleurs pris les devants en missionnant trois experts au printemps 1989 (MM. Pellerin4, Waight et Beninson) pour plaider la non-évacuation des zones contaminées, dont Novozybkov. Il m’a été rapporté qu’ils avaient visité la ville quelques semaines avant moi, eux-mêmes précédés par des agents du Commissariat français à l’énergie atomique et de son Institut de protection et de sûreté nucléaire.
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NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR
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Sortie du nucléaire et transition écologique Nécessité et limites des scénarios énergétiques
❱ La sortie du nucléaire, on le sait, n’est pas une question fondamentalement technique, mais de choix politiques. Ainsi, en 1986, une sortie quasi immédiate du nucléaire en France eût été possible, en remettant en service les centrales thermiques alors fermées pour cause de surcapacité. La situation, depuis, a changé. Quel peut être aujourd’hui le rôle de scénarios énergétiques ? Ces scénarios peuvent-ils être politiquement neutres ? ❰
Meike Fink Les scénarios montrent les évolutions possibles de la demande des différents secteurs (transport, habitat, industrie…) et des différents acteurs (particuliers, administration, secteur privé). Ils cherchent à équilibrer la demande et la production énergétique, globalement sur l’année ou en temps réel, et permettent de tester l’effet de mesures politiques ou d’hypothèses géopolitiques, démographiques et macroéconomiques. L’intégration de la sortie du nucléaire dans un scénario ne relève pas uniquement de choix sur l’offre. En réalité, offre et demande sont étroitement liées : le choix politique du “tout nucléaire” en France a façonné un réseau électrique très centralisé, une quasi-absence de réseaux de chaleur, et la promotion du chauffage électrique. Il est indispensable de comparer plusieurs scénarios de sortie avec différentes solutions de transition, en intégrant leurs coûts et en évaluant les émissions associées de gaz à effet de serre (GES) par rapport à un scénario tendanciel. Ces scénarios multiples, y compris en matière de choix technologiques, devraient ensuite être une des bases du débat public. Aucun scénario n’est véritablement neutre. Les perspectives de pénétration des diverses technologies se fondent sur des justifications très variées : technologiques, économiques, politiques, voire idéologiques ou méthodologiques... Un scénario prétendument technique porte donc toujours les traces de son commanditaire ou de son créateur. C’est pourquoi il est impératif de respecter le principe de transparence sur les hypothèses technologiques et économiques utilisées, pour permettre aux lecteurs de comprendre les choix sous-jacents. Benjamin Dessus Les scénarios de sortie du nucléaire, qu’ils tablent sur cinq, dix ou vingt ans, n’ont pas d’autre but que de montrer que, techniquement et économiquement, il est possible de faire autrement. Les choix à opérer, ensuite, restent entièrement politiques. Thierry Salomon Pour négaWatt, la sortie du nucléaire ne peut être abordée uniquement sous l’angle de la production et de la consommation d’électricité, mais dans la perspective d’une très large transition énergétique. Il faut jouer sur les grands vecteurs énergétiques – réseaux d’électricité, de gaz, de chaleur – pour optimiser la réponse à l’ensemble des besoins. La priorité est la réduction de la demande électrique, notamment grâce à l’abandon du chauffage électrique et à l’isolation des bâtiments. Ensuite, il faut bannir le charbon et le pétrole pour produire l’électricité, le gaz étant de loin le plus efficace. Notre scénario 2011 montre que le gaz permet de suppléer transitoirement une partie des capacités nucléaires grâce aux centrales en cogénération en attendant la montée en charge des énergies renouvelables (ENR). Le méthane est essentiel,
parce que l’approvisionnement en gaz naturel peut progressivement être relayé par la production de biogaz et par celle provenant du processus de méthanation. Cette dernière permet de recombiner du CO2 (qui serait capté en sortie de centrale électrique thermique, de cimenterie, etc.) avec de l’hydrogène produit par hydrolyse en utilisant la production électrique renouvelable, qui sera, à certaines heures et selon la météo, excédentaire. Le gaz peut ensuite être utilisé localement en cogénération et servir de carburant aux véhicules GNV. Notre scénario, présenté le 29 septembre 2011, est compatible avec la limitation à 2° C de la hausse moyenne de température en 2050 en émissions de GES cumulées, et donc avec les exigences du GIEC3, ce qui est tout à fait nouveau. Très exigeant, il va au-delà du facteur 54. Nous souhaiterions que les autres scénarios se positionnent sur ce point. Il s’agit d’un scénario très technique et industriel, ce que nous assumons totalement. ❱ En 2007, le Réseau Sortir du nucléaire avait publié une Etude sur des sorties du nucléaire en cinq et dix ans, que les Amis de la Terre ont soutenue en tant qu’étape crédible d’une transition vers le tout renouvelable. Après le séisme du 11 mars 2011 au Japon, les Amis de la Terre, le RAC-F, Attac, l’Union syndicale Solidaires, etc. ont cosigné, avec nombre de partis politiques, l’appel solennel Nucléaire, nous voulons avoir le choix qui exige la fermeture des réacteurs français ayant atteint trente ans. Or c’est déjà le cas de 21 réacteurs sur 58, auxquels s’en ajouteront 21 autres lors du prochain quinquennat. Comment intégrer cette exigence aux scénarios existants ? ❰ Thierry Salomon Les promoteurs du nucléaire ont focalisé leur discours sur les émissions de GES, omettant volontairement les deux autres risques environnementaux et énergétiques. Mais après Fukushima, le temps du débat “monocarboné” est révolu. A l’inverse, les partisans d’une sortie rapide omettent d’autres aspects. Notre travail permettra de montrer que l’hypothèse d’une sortie en cinq ans n’est pas tenable, notamment du point de vue économique et financier. NégaWatt a effectué une modélisation très précise de la durée d’exploitation des réacteurs afin d’établir des plannings concrets de fermetures de tranches. Entre six et huit réacteurs doivent être fermés immédiatement. Nous avons aussi tenu compte de la proximité des grandes agglomérations, de la sismicité et du vieillissement. Mais fermer les réacteurs français au bout de trente ans est un objectif très difficile à tenir. Ensuite, ils devront être fermés les uns après les autres avant d’arrêter le dernier en 2033, soit une sortie en 22 ans.
1 Voir La Baleine n° 163, p. 14. 2 L’intégralité des entretiens est disponible sur www.amisdelaterre.org ou par courrier sur simple demande. Voir aussi les sites www.rac-f.org, www.globalchance.org, www.negawatt.org et http://observ.nucleaire.free.fr. 3 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Cet organisme international, créé en 1988, a pour membres des Etats. 4 Division par 5 des émissions nationales de GES d'ici à 2050.
© Les Amis de la Terre
Depuis le premier scénario Alter1 du groupe de Bellevue en 1978, les scénarios énergétiques alternatifs semblent s’être mués en référence obligée pour nombre d’antinucléaires. La Baleine a demandé à deux auteurs de scénarios récents – Benjamin Dessus, de l’association Global Chance, et Thierry Salomon, de négaWatt – ainsi qu’à Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire, et à Meike Fink, du Réseau Action Climat France (RAC-F), ce que l’on peut ou non attendre de ce type d’exercice. Cela a donné lieu à des entretiens très riches, dont nous vous proposons ici quelques extraits2.
L’état du parc nucléaire français ■ En
France, 32 réacteurs sur les 58 en service sont situés en zone sismique. Et, selon Bella Belbéoch, membre du Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN) et cofondatrice du Comité Stop Nogent pour la fermeture de la centrale de Nogent-sur-Seine, 16 des 19 centrales nucléaires françaises sont vulnérables aux inondations. De surcroît, les réacteurs vieillissent : 48 sur 58 auront plus de trente ans avant fin 2018... Sans préjuger des risques de catastrophes sur des réacteurs récents, comme à Tchernobyl et à Three Mile Island. ■ En
pratique 21 réacteurs ont déjà dépassé 30 ans : Fessenheim (2) Bugey (4) Tricastin (4) Dampierre (4) Saint-Laurent (2) Gravelines (4 sur 6) Blayais (1 sur 4) Nous demandons leur fermeture immédiate. ■ 21 autres auront plus de trente ans avant mi-2017, fin du prochain quinquennat, et sont donc à fermer d’ici-là : Blayais (3 derniers sur 4) Gravelines (2 derniers sur 6) Cruas (4) Paluel (4) Cattenom (1 sur 4) Chinon (3 sur 4) Flamanville (2) Saint-Alban (2) ■
Voir l’appel “Nucléaire, nous voulons avoir le choix” http://groupes.sortirdunucleaire.org/Appel-solennelsigne-par-67
Pour négaWatt, il n’existe que deux types de sorties. Celle que nous présentons, meilleur arbitrage possible entre des risques multiples, tient pleinement compte des aspects industriels, économiques, et du temps de montée en puissance des ENR. L’autre sortie du nucléaire aurait lieu, elle, dès demain matin. Les partisans d’une sortie rapide devraient plutôt demander au gouvernement s’il a prévu ce “bouton rouge” permettant d’arrêter du jour au lendemain tous les réacteurs d’un même modèle si un accident majeur l’exigeait. Quel serait le coût, en vies humaines, de la panique qui s’emparerait de l’Ile-de-France en cas d’accident majeur à Nogent-sur-Seine ? Stéphane Lhomme En proposant une échéance lointaine, négaWatt est très en retrait par rapport à l’urgence qu’illustre Fukushima. Il faut prendre exemple sur le Japon. Et avant tout déconstruire la désinformation pronucléaire qui nous accuse de vouloir que la France utilise du pétrole, du gaz et du charbon. En effet, ce trio couvre déjà 75 % de la consommation française d’énergie ! Le nucléaire, lui, plafonne à 15 %. Ce n’est donc pas parce que la France sortirait du nucléaire qu’elle se mettrait subitement à utiliser ces énergies carbonées, déjà majoritaires. Au niveau mondial, le nucléaire couvre 2 % de la consommation totale d’énergie, les renouvelables 13 % et le trio carboné 85 %. Le nucléaire français couvre à peine 0,3 % de la consommation d’énergie sur Terre. Même si la France remplaçait stupidement tout son nucléaire par du charbon (sans faire aucune économie d’énergie et sans développer les renouvelables !), cela n’augmenterait que de façon infinitésimale les émissions mondiales de CO2. Il faut savoir mettre les risques en balance au niveau planétaire. Il faut aussi prendre acte de l’étonnante “expérience” menée par les Japonais. Depuis plus de six mois, une quarantaine de réacteurs (43 aux dernières nouvelles) sont arrêtés sur 55. Le Japon a réduit d’un coup sa production nucléaire de près de 80 % ! Le gouvernement japonais lance continuellement des messages révolutionnaires incitant la population, les collectivités, les entreprises à... économiser l’électricité ! Il a fallu une catastrophe pour imposer cette démarche de bon sens : éliminer les gaspillages, déconnecter les appareils et installations non indispensables comme les escalators, ne pas utiliser les climatiseurs, éteindre les enseignes lumineuses, etc. Finalement, les Japonais vivent très bien avec 43 réacteurs arrêtés. Ce sont les quatre réacteurs accidentés qui tuent. Après Fukushima, les arguments éculés de l’industrie nucléaire sont devenus dérisoires, tout comme les scénarios très élaborés pour sortir du nucléaire : il faut décréter la sortie du nucléaire, fermer immédiatement les réacteurs ayant atteint trente ans d’âge, et programmer la fermeture rapide des autres, si possible en moins de cinq ans. Ce délai peut sembler excessivement court, mais laisse pourtant encore cinq ans à l’industrie nucléaire pour causer un Fukushima français. On doit tout de même pouvoir trouver en France des ministres aptes à délivrer les mêmes messages “subversifs” qu’au Japon ! Benjamin Dessus Les scénarios de prospective indiquent tous clairement que les économies d’électricité sont le premier levier d’action, et de loin. Surtout en France, où aucune politique en ce sens n’a jamais été menée. Depuis 1986, notre consommation d’électricité a dérapé sous prétexte de production nucléaire surabondante : 27 % de plus par tête depuis 1991. A l’inverse, l’Allemagne, ayant décidé de sortir du nucléaire, a adopté en 1998 une politique privilégiant les économies. Douze ans plus tard, les Allemands dépensent en moyenne 28 % d’électricité en moins au niveau domestique que les Français sur une base comparable (hors chauffage électrique par effet joule, spécialité française). L’Allemagne n’est pas pour autant retournée à la bougie et a diversifié
16 DOSSIER
NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR
❱ Vu la hausse inévitable des prix de l’énergie, comment conjuguer réduction drastique des consommations et diminution des inégalités sociales tout en maintenant les libertés fondamentales ? Comment défendre, comme l’a fait Benjamin Dessus le 23 septembre 2010 devant le corps des Mines, l’indispensable baisse du train de vie énergétique des plus riches et la relocalisation des activités ? Quels outils fiscaux et tarifaires ? ❰
Benjamin Dessus Cette déclaration a provoqué quelques remous… Pourtant, on ne sortira de la crise écologique et de la hausse croissante des inégalités entre riches et plus pauvres au sein des sociétés et entre les sociétés qu’en mettant en place des régulations nouvelles. Elles pourraient porter sur les revenus – en instaurant le cas échéant un revenu maximum grâce à une imposition très élevée des tranches supérieures. Mais les populations l’accepteraient peut-être 1 Gigawatt, soit 1 milliard de watts. La puissance moyenne des réacteurs français en service est de 1 GW, ou 1 000 MW (1 million de kW). La production d’électricité se mesure en multiples du wattheure (quantité d’énergie produite en 1 h par une source d’énergie d’une puissance de 1 W). En 2009, la production électrique de la France a été de 521 térawattheures (521 milliards de kWh), pour une consommation de 7 600 kWh par habitant. En 2007, les Africains avaient consommé en moyenne 578 kWh par habitant.
d’un subterfuge pour préserver le système actuel, au lieu de construire un système plus écologique, plus social, et protecteur des libertés. ❱ Agir sur les systèmes énergétiques et techniques n’implique-t-il pas le passage à un nouveau type de société, en rupture avec le mythe de la croissance ? Comment mener une transition globale, qui nécessite des politiques publiques fortes et coordonnées ? Le système technocratique reposant sur la toute-puissance des grands corps d’Etat peut-il porter une politique fondamentalement différente de celle qu’il a menée depuis une quarantaine d’années (TGV, nucléaire, autoroutes...) ? ❰ Dans les années 1970, les Amis de la Terre faisaient déjà campagne pour l’arrêt du nucléaire (détail d’une affiche coéditée à l’époque avec le CRIN-Breizh).
plus facilement si cela portait sur les consommations. Les consommations de base seraient alors quasi gratuites, puis les prix de l’énergie seraient croissants par tranches. Cette régulation peut aussi porter sur les achats d’appareils électriques, par une politique de bonus/malus. Meike Fink La façon de conjuguer une réduction drastique des consommations d’électricité avec la réduction des inégalités dépend beaucoup des situations nationales. En France, 32 % des logements sont équipés en chauffage électrique, contre moins de 3 % en Allemagne. Mais le kWh en Allemagne coûte en moyenne 130 % de plus qu’en France. Réduire la consommation électrique en France en fixant un budget de kWh par logement au-delà duquel la consommation deviendrait très chère pèserait davantage sur des personnes vivant dans des passoires énergétiques, dont les factures sont déjà importantes à cause du chauffage électrique, et qui sont souvent les plus pauvres. Stéphane Lhomme Une baisse de la consommation d’énergie peut être imposée par un gouvernement totalitaire ou émaner d’un régime démocratique. Diminuer la consommation d’énergie des plus riches et relocaliser les activités ne serait pas suffisant, mais apparaît effectivement indispensable pour réduire les inégalités sociales sur la planète. Il faut en revanche se méfier d’options techniques comme les compteurs électriques dits intelligents, tels le fameux Linky (ce boîtier censé permettre des économies d’énergie transmet aux opérateurs des données sur la vie privée des consommateurs). Il ne s’agit que
Benjamin Dessus Je pense que non. Ces mesures supposent une réforme politique pour mettre en place des institutions partant du citoyen, et non d’une oligarchie technico-politique. Il est clair que les actions à mener ne peuvent partir que du niveau local. Une politique de chauffe-eau solaires ne peut pas être gérée depuis le ministère de l’Industrie ! La logique est la même pour l’agriculture relocalisée ou les économies d’énergie dans le bâtiment. Il importe de redistribuer le pouvoir au niveau local, dans le cadre d’une coordination nationale des politiques. Thierry Salomon Il faut que soient débattus très rapidement les grands principes qui déboucheraient sur un plan de transition énergétique. A partir de la loi-cadre qui en découlerait, la représentation nationale en discuterait aussi les modalités techniques. NégaWatt propose la création d’une Haute Autorité de la Transition Energétique, composée de personnes qualifiées – dont des représentants d’ONG – nommées par l’Assemblée nationale, et qui disposerait de pouvoirs de police. Cela suppose que le peuple se soit exprimé en faveur d’une forte transition énergétique en 2012. Sa planification porterait sur les objectifs nationaux déclinés au niveau régional et aurait pour rôle d’éviter que le pouvoir politique se saisisse des enjeux techniques. La consultation des citoyens aurait © Mouvement citoyen lotois pour la Sortie du nucléaire
sa production. En douze ans, la France peut au moins faire aussi bien. C’est le point de départ de notre étude, qui montre qu’en appliquant uniquement les objectifs du Grenelle de l’Environnement, peu ambitieux en production d’électricité renouvelable, on peut arrêter tous les réacteurs atteignant l’âge de trente ans en moyenne (27 à 33 ans selon leur état) sans même agir sur les modes de vie. Meike Fink Le RAC-F est évidemment en faveur d’une sortie programmée du nucléaire et, en particulier, de la fermeture la plus rapide possible des réacteurs les plus anciens. Cependant, si les 21 réacteurs nucléaires qui on atteint trente ans en 2011 étaient fermés immédiatement, cela diminuerait de 16 % la capacité électrique française (18,94 GW1 sur 120 GW au total). On pourrait croire que cela ne poserait pas de problème, puisque la puissance appelée a été de 96,7 GW au maximum en 2010. Mais les capacités de production d’électricité ne sont pas toujours disponibles, étant souvent arrêtées pour entretien, chargement du combustible ou arrêts non programmés. Pour fermer la totalité des réacteurs trentenaires dès cette année, la mise en route de centrales thermiques à court terme pourrait techniquement être nécessaire pour éviter des difficultés d’approvisionnement.
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lieu par le biais des élections, car ouvrir un référendum sur la transition énergétique peut être dangereux. Il faut prendre les lobbies de vitesse. Meike Fink La gouvernance énergétique actuelle, très centralisée, représente en effet un obstacle à la mise en place de solutions locales de maîtrise de la consommation et au développement des ENR, donc à la sortie du nucléaire. La nécessaire décentralisation du système énergétique français devra s’accompagner d’une nouvelle répartition des compétences de l’Etat et des collectivités en matière de production et de distribution. La transition énergétique ne peut être qu’un projet sociétal impliquant tous les acteurs de la société. Stéphane Lhomme L’arrêt du nucléaire doit être mis en œuvre sans attendre que les pays soient devenus des démocraties totales. L’Allemagne est encore loin d’être parfaite, mais il est quand même salutaire que le nucléaire s’y arrête bientôt. ❱ Et s’il n’y a pas de décision de sortie du nucléaire ? Comment obtenir la fermeture des sites les plus dangereux ? ❰
Thierry Salomon Le gouvernement va sans doute créer un effet d’annonce fort en annonçant la fermeture de Fessenheim début 2012. NégaWatt n’a pas à prendre parti pour la fermeture de telle ou telle tranche. Benjamin Dessus La seule stratégie valable est celle qui a été menée contre les gaz de schiste ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : à un moment donné, les gens sortent les fourches... A condition de ne pas dire n’importe quoi sur les dangers réels des installations, les prises de conscience et les luttes locales peuvent pousser les populations dans la rue – et, dans une certaine mesure, cela fonctionne. Meike Fink En parallèle, l’Europe jouera un rôle essentiel. Même si l’abandon du nucléaire relève des Etats, la radioactivité ignore les frontières. Les Etats membres ayant décidé d’en sortir devraient s’organiser pour faire pression sur les autres.
> PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT HUTINET
Pour en savoir plus Cahiers de Global Chance : Nucléaire : le déclin de l’empire français, 2011 ; Nucléaire : la grande illusion, 2008. Aussi sur www.global-chance.org La consommation d’énergie en France et en Allemagne, une comparaison instructive, B. Laponche, mai 2011. Nucléaire : comment en sortir ? Etude sur des sorties du nucléaire en 5 ou 10 ans, RSDN, 2007. http://www.sortirdunucleaire.org
M. Schneider, A. Frogatt, S. Thomas, The World Nuclear Energy Status, Report 2011. Nuclear Power in a Post-Fukushima World, WorldWatch Institute 2011, téléchargeable sur : http://www.rue89.com/planete89/2011/04/
29/apres-fukushima-sans-doute-la-fin-dudeveloppement-nucleaire-201561
Un entretien avec le Pr Bandazhevsky
http://www.yvesmichel.org/yvesmichel/espace-ecologie/entretien-avec-yuribandajevski-apres-laccident-de-fukushimaet-25-ans-apres-tchernobyl
Ecologie et service public de l’énergie, in Le Courrier de la Baleine n° 157. Positions des AT France sur l’énergie, l’électronucléaire, la production et la consommation d’électricité, les sociétés soutenables... http://www. amisdelaterre.org/-Nos-positions-.html ; voir aussi, sur les fausses solutions http://www.amisdelaterre.org/-Nanotechno logies-climat-et-energie,691-.html
Sur le coût énergétique du Cloud computing, (“informatique en nuage”, espace de sauvegarde proposé aux particuliers sur les gros serveurs Internet) http://www.greenpeace.org/international/en/ publications/reports/make-it-green-cloudcomputing/
Sur les probabilités de catastrophes
http://images.math.cnrs.fr/Accidentnucleaire-une-certitude.html
Le point de vue d’un philosophe paru dans les pages “Rebonds” de Libération http://www.liberation. fr/terre/01012353455-sortir-du-nucleaire-ouy-rester-une-meme-illusion
Sur le suivi de la catastrophe de Fukushima Daiichi, voir http://fukushima.
over-blog.fr (qui donne également des liens vers d’autres sites importants) Voir aussi, très complet sur le nucléaire en général, www.dissident-media.org/ infonucleaire ; sur les sites et matières nucléaires, www.francenuc.org ; sur le travail en centrales, www.ledecontamineur.com
Le coin des livres (extraits de la
bibliographie détaillée de la rubrique “énergie nucléaire” du site des ATF) De Roulet Daniel : Tu n’as rien vu à Fukushima, Buchet Chastel, 2011 Lepage Corinne : La Vérité sur le nucléaire. Le choix interdit, Albin Michel, 2011 Nesterenko V.B. et A.V., Yablokov A.V.,
Chernobyl: Consequences of the Catastrophe for People and the Environment, New York Academy of Sciences, 2010 Langewiesche William: Atomic Bazaar, Allia, 2010 Lemieux Julie : Avez-vous peur du nucléaire ? Vous devriez peut-être, MultiMondes (Québec), 2009 Scheer Hermann : L’autonomie énergétique, Actes Sud, 2007 Lhomme Stéphane : L’insécurité nucléaire. Bientôt un Tchernobyl en France ? Yves Michel, 2006 Barrillot Bruno : Le complexe nucléaire : des liens entre l’atome civil et l’atome militaire, Obsarm/RSDN, 2005
Hecht Gabrielle : Le rayonnement de la France. Energie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, La Découverte, 2004 Morichaud Jean-Pierre : La filière nucléaire du plutonium – menace sur le vivant, Yves Michel, 2002 Belbéoch Roger : Tchernoblues. De la servitude volontaire à la nécessité de la servitude, L’Esprit frappeur 2001 Thébaud-Mony Annie : L’industrie nucléaire, sous-traitance et servitude, Inserm/EDK 2000 Puiseux Louis : La Babel nucléaire, Galilée 1977-1981 Simonnot Philippe : Les nucléocrates, P. U. de Grenoble, 1978
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DOSSIER
Installations dangereuses Pourquoi il faut arrêter le Tricastin Au Tricastin, les défaillances graves s’accumulent. Une catastrophe serait humainement et moralement inacceptable. Seule solution responsable : la fermeture immédiate des quatre vieux réacteurs. Les quatre réacteurs de 900 MW de la centrale du Tricastin ont été connectés au réseau électrique il y a plus de 30 ans : en 1980 pour les n°1 et n°2, et au premier semestre 1981 pour les n°3 et n°4. En 2010, son réacteur n°1 – le premier en France, avant même ceux de la doyenne Fessenheim – a reçu de l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN) une autorisation de prolongation de dix ans. Le n°2 a récemment subi sa troisième visite décennale. Il ne fait guère de doute que la même autorisation lui sera accordée. Graves défauts de conception, vétusté... De fait, l’ASN avait préalablement donné son accord générique pour la prolongation de tous les réacteurs du même type que Tricastin, bien qu’en dénonçant, paradoxalement, de nombreux problèmes communs. En février 2011, l’ASN révèle un défaut sur les groupes électrogènes de secours à moteur diesel, qui vaudra au site de Tricastin un classement en incident de niveau 2 et une mention spéciale pour cumul d’anomalies. Le même mois, une anomalie générique est relevée sur le système d’injection de sécurité d’eau borée dans le circuit primaire, qui assure le refroidissement du cœur en cas de fuite. Autre facteur commun à tous les réacteurs de 900 MW : le vieillissement de leurs principales composantes – générateurs de vapeur, enceinte en béton, soudures, et surtout cuve du réacteur, le seul élément qu’il n’est pas concevable de remplacer malgré son rôle crucial dans la sécurité de l’installation. En 2008, l’ASN déclarait : “La rupture de la cuve est un accident inenvisageable dont les conséquences ne sont donc pas prises en compte dans l’évaluation de la sûreté du réacteur.” Dans la même veine, nous avions appris avec stupéfaction que “les accidents avec fusion du cœur n’ont pas été considérés lors de la conception des réacteurs de 900 MW”. Outre
NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR
Politiques alternatives L’Autriche vise l’indépendance énergétique sans nucléaire
ces problèmes génériques, les réacteurs du Tricastin présentent des spécificités qui font frémir. On se souvient des deux barres de combustibles restées accrochées en 2008 au couvercle de la cuve du réacteur 2 pendant deux mois, menaçant de tomber sur les 155 barres restantes. Depuis, les dysfonctionnements majeurs se succèdent, témoignant de la vétusté du site. En 2011 ont déjà eu lieu pas moins de dix inspections de l’ASN, dont les rapports égrènent des successions de défaillances graves : béton des murs éclaté, mauvaise coordination entre intervenants, défauts dans les procédures, etc. De plus, le site du Tricastin accueille la plus importante concentration d’industries nucléaires et chimiques de France : l’ASN a récemment demandé à EDF-Tricastin de réévaluer les risques liés à son environnement industriel. Enfin, tous les réacteurs du Tricastin utilisent du combustible MOX, dont le point de fusion est nettement plus bas que celui des combustibles à l’uranium classiques, ce qui accroît considérablement le risque de réaction en chaîne incontrôlable en cas d’accident.
Les citoyens d’Autriche ont refusé le nucléaire chez eux et le pays milite pour son abandon en Europe. Il a mis en œuvre une politique ambitieuse d’autonomie énergétique.
Risques d’inondation et de séisme sous-évalués Pour clore cet inventaire non exhaustif, signalons que l’ASN demande à EDF de prendre en compte avant le 15 septembre 2011 les risques conjugués d’un “tsunami” (dû par exemple à la rupture des digues du Canal de Donzère qui borde la centrale) et d’un séisme. Or les séismes dans la zone se caractérisent par une configuration “en essaims” qui rend quasiment impossible de prévoir leur magnitude ou la profondeur des foyers. A ce jour, trois des quatre réacteurs du Tricastin servent à produire l’électricité pour alimenter l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif. Celle-ci sera bientôt remplacée par l’usine GeorgesBesse II, qui requiert considérablement moins d’électricité (50 MW au lieu de 3 000 MW aujourd’hui). Comment, au vu des risques décrits, envisager la prolongation de ces réacteurs à seule fin de produire de l’électricité excédentaire ? En cas de catastrophe nucléaire au Tricastin un jour de mistral, il suffirait de deux heures pour que les rejets atmosphériques atteignent Marseille et son million d’habitants. Ces rejets auraient déjà survolé le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Gard... soit quelque trois millions de personnes. Les axes de circulation routière et les voies ferrées qui longent le fleuve seraient fermées, rendant impossible l’évacuation en urgence de la population et transformant la basse vallée du Rhône en un redoutable piège. > ISABELLE TAITT
S’il y a un pays où l’opposition au nucléaire ne fait pas débat, c’est l’Autriche. Au lendemain de la catastrophe de Fukushima, le chancelier Werner Faymann du SPÖ, le parti social-démocrate, insiste pour que soit déclenchée “une large discussion sur l’utilisation de l’énergie nucléaire, pas seulement en Europe mais dans le monde”. La présence dans les pays voisins – Suisse, Allemagne et République tchèque en particulier – de centrales jugées dangereuses à proximité de la frontière provoque d’intenses remous dans la société autrichienne. Le gouvernement lance alors l’initiative Get out of nuclear (Sortons du nucléaire) exigeant le démantèlement des 150 centrales nucléaires de l’Union européenne (UE). Il demande également à ce que les Vingt-Sept de l’UE réaffectent les fonds d’Euratom, l’organisme public européen chargé de coordonner les programmes de recherche sur l’énergie nucléaire, vers les modalités d’un abandon progressif de cette dernière au profit des énergies renouvelables.
construction a coûté 380 millions d’euros. Mais, à l’occasion du référendum populaire du 5 novembre de cette même année, les Autrichiens, à une courte majorité de 50,5 %, se prononcent contre l’utilisation de l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité. La centrale ne démarrera jamais. Dans la foulée, le Parlement autrichien vote une loi de non-utilisation de l’énergie nucléaire (la loi Atomsperrgesetz). Après des années de débats houleux, c’est finalement la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, qui permet à la classe politique autrichienne de s’entendre sur la fin de l’utilisation du nucléaire civil. L’interdiction d’exploiter cette forme d’énergie est élevée au rang de clause constitutionnelle le 13 août 1999. Symbole de cette hostilité résolue, le site de la centrale de Zwentendorf a été racheté en 2005 par EVN, le producteur et distributeur d’électricité de Basse-Autriche, pour le transformer en site de production d’énergie solaire.
Déjà, en 1978, un référendum populaire… Cette méfiance envers l’atome remonte à plus de trente ans. En 1978, l’Autriche s’apprête à inaugurer sa première centrale nucléaire à Zwentendorf – à 60 km à l’ouest de Vienne – dont la
Descente énergétique Si l’Autriche ne produit pas d’électricité par le nucléaire, elle en importe une petite quantité, estimée à 6 % du total de la consommation électrique nationale. De nombreuses voix s’élèvent pour envisager l’indépendance énergétique, mais le défi est immense : 70 % de l’énergie actuellement consommée dans le pays est produite à partir de sources importées. “L’autosuffisance énergétique d’ici 2050 est un objectif réalisable”, a déclaré le ministre de l’environnement Nikolaus Berlakovitch en janvier dernier. Conscient que “ces changements requièrent de gros efforts et une refonte à long terme de nos systèmes économiques et énergétiques”, le ministre met la priorité sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Depuis cette annonce, les scénarios de descente énergétique se multiplient avec des mesures fortes dans le déploiement de la mobilité douce et de la rénovation thermique des logements. La biomasse et l’hydroélectricité pourraient couvrir plus de la moitié de la demande en énergie d’ici 2050. En 2009, la part de marché des énergies renouvelables en Autriche représentait 27 % de la consommation totale intérieure brute d’énergie. Plusieurs communes autrichiennes ont d’ores et déjà gagné leur autosuffisance énergétique, à l’instar de Schenkenfelden, en Haute-Autriche, ou > SOPHIE CHAPELLE de Güssing, dans le sud-est du pays.
http://collectifantinucleaire13.wordpress.com
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Le site du Tricastin Le long du couloir rhodanien, entre Montélimar et Orange, le site du Tricastin accueille nombre d’entreprises de l’atome. Parmi elles, la Socatri, condamnée le 30 septembre 2011 à verser 530 000 euros à divers plaignants, dont les Amis de la Terre, pour pollution radioactive des eaux en juillet 2008.
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“Sortez maintenant !” Manifestation antinucléaire co-organisée par les Amis de la Terre Autriche (Global 2000) en juillet 2011.
Source : Wikipedia
Etats-Unis Nucléaire : catastrophes en chaîne Les situations catastrophes se sont enchaînées durant l’été 2011 pour plusieurs installations nucléaires américaines. Fin juin, les centrales nucléaires de Fort Calhoun et Cooper, dans le Nebraska, sont encerclées par les eaux, suite à la crue du Missouri. Au même moment, un incendie ravage les forêts entourant le Laboratoire national de Los Alamos, au NouveauMexique, où sont stockés 30 000 barils de déchets radioactifs contaminés au plutonium. Le 23 août, un séisme de magnitude 5,8 secoue la côte Est des Etats-Unis, entraînant l’arrêt
de six réacteurs nucléaires situés dans un rayon de 240 kilomètres autour de l’épicentre. Deux de ces réacteurs appartiennent à la centrale North Anna, en Virginie, construite selon des normes lui permettant de résister à un séisme de magnitude 6,2. Vingt-sept containers en béton renfermant des déchets radioactifs sont également déplacés de plusieurs centimètres. Le 28 août, toujours le long de la côte Est, plus d’une douzaine de centrales nucléaires sont sur le passage de l’ouragan Irene. Deux réacteurs sont mis à l’arrêt,
l’un dans le New Jersey, “à titre de précaution”, et l’autre dans le Maryland, après qu’une grosse pièce de revêtement d’aluminium se soit engouffrée dans le transformateur principal du site. Alors que les Etats-Unis sont la première puissance atomique du monde avec 104 réacteurs (pour 20 % de la production électrique nationale) l’administration Obama n’a toujours pas tiré un trait sur son ambition de relancer le programme nucléaire, à l’arrêt depuis l’accident de Three Mile Island, en 1979.
> S. C.
20 DOSSIER
NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR 21
Décisions publiques Un déni permanent de démocratie
Souvenons-nous que, par la grâce de sur terre – ne résiste cependant pas à l’Autorité nationale de protection contre l’examen, comme l’ont démontré Benles rayonnements ionisants, le nuage jamin Dessus et Philippe Girard dans radioactif de Tchernobyl s’est arrêté en “Le scénario SUNBURN de relance 1986 à la frontière française, ou que du nucléaire” (in Cahiers de Global c’est après la décision de construire Chance n° 21, mai 2006). l’EPR de Flamanville que le gouvernement a annoncé, en 2008, l’organisaCentralisme technocratique tion d’un “débat public” (sic). En outre, La confiance aveugle dans le progrès les antinucléaires actifs savent qu’ils technique, qui caractérise nos sociépeuvent être surveillés, voire que la potés industrielles, est amplifiée en France lice peut perquisitionner chez eux et les par une organisation centralisée et par garder à vue s’ils dévoilent les faiblesses le pouvoir qu’elle confère à des féodadu parc nucléaire français qu’EDF enlités technocratiques – comme le Contend garder secrètes. seil général des Mines en matière énerL’électronucléaire civil s’est appuyé gétique – qui préemptent la définition sur des technologies issues des applide l’intérêt général au profit des lobcations militaires à l’origine des tragébies industriels. Or, les choix énergédies d’Hiroshima et de Nagasaki ; il n’a tiques mettent en jeu toute l’organisajamais perdu les réflexes de ses orition de la société et les décisions affégines. De fait, la gravité d’un accident rentes débordent de tous côtés les possible et la crainte des réactions d’une compétences de l’économiste et du population écartée des choix énergétechnicien. Le personnel politique – tiques rendent plus autoritaires les sogauche et droite confondues – abdique ciétés nucléarisées : cette source d’énerpourtant sa responsabilité et ânonne le gie n’apparaît guère compatible avec la credo de ses “experts”, témoignant du démocratie. C’est ainsi que, après 1945, degré élevé de fusion entre l’économie pour faciliter le lancement de la fabricaet l’Etat sous l’emprise du capitalisme. tion des bombes H et du nucléaire civil, Le nucléaire illustre le mieux l’inadaple discours médical officiel a introduit tation des mécanismes politiques traune notion de limite inférieure de dose ditionnels face à la toute-puissance de radiation nocive pour la santé – alors technicienne, du fait de l’extrême disque son existence ne repose sur aucun symétrie entre, d’un côté, une technoAffiche des Amis de la Terre, 1975. fondement scientifique, comme l’a exlogie qu’un nombre très réduit de perpliqué Jean-Philippe Desbordes1 – et c’est pourquoi l’Organisation sonnes peut comprendre et maîtriser et, de l’autre, l’ampleur consimondiale de la santé (OMS) doit soumettre toutes ses publications dérable des impacts sociaux de son emploi à grande échelle. sur les effets sanitaires des radiations nucléaires à la censure de Puisque le congédiement de la démocratie a permis à un l’Agence internationale de l’énergie atomique (voir p. 12). dogme technocratique d’établir son empire, c’est du débat public que jailliront les transformations énergétiques nécessaires – dont La très discrète commission Péon la sortie progressive du nucléaire. La démocratie est la clé de la Les décisions sur le programme électronucléaire français ont été définition et de la réussite de la transition à opérer, car les quespréparées par une sorte de discret parlement interne des diritions d’énergie sont beaucoup moins techniques que politiques. geants du secteur nucléaire : la commission “Péon” (Commission Les décisions prises jusqu’ici portent la marque d’intérêts puisconsultative pour la production d’électricité d’origine nucléaire). sants, auxquels ne peut s’opposer que l’expression d’un intérêt Elle s’est réunie régulièrement entre 1955 et 1980 pour concocter général forgé par la délibération. Il appartient donc aux forces du > PHILIPPE MÜHLSTEIN en vase clos les programmes nucléaires français, appliqués enmouvement social d’imposer ce débat. Fédération SUD-Rail – Union syndicale Solidaires suite sans débat public ni vote parlementaire. Péon a orchestré en 1974 un véritable coup de force en profitant du choc pétrolier de 1 In Atomic Park. A la recherche des victimes du nucléaire, Actes Sud, 2006. 1973 et de la panique entretenue à son sujet. Pour obtenir du gouvernement le lancement du programme délirant qui a conduit à construire les 58 réacteurs actuellement en service, les nucléocrates ont affirmé, à “dire d’experts”, que la consommation d’électricité française doublerait tous les dix ans de 1974 à 2000. Or la Le conseil municipal de Latour (Haute-Garonne) lance un croissance observée a été deux fois moindre, et ce malgré l’actiappel à tous les conseils municipaux pour qu’ils demandent visme d’EDF dans la promotion du chauffage électrique. avec lui aux autorités concernées la sortie rapide du nucléaire, L’objectif de Péon était moins de répondre aux besoins natio“l’arrêt immédiat des réacteurs les plus vétustes, l’arrêt des naux que de mettre en place, grâce aux commandes publiques, autres avant cinq ans, l’abandon immédiat des travaux de un capitalisme nucléaire apte à participer à la course aux contrats nouvelles installations nucléaires (…). Il restera bien assez de internationaux, sans se soucier de prolifération. Les nucléocrates problèmes à régler (et d’emplois…) avec la dénucléarisation instrumentalisent aujourd’hui le changement climatique pour nourdes déchets et des sites. Investissons dans les énergies rir une rhétorique selon laquelle leurs centrales, peu émettrices de renouvelables, génératrices d’emplois, y compris localement.” gaz à effet de serre, seraient indispensables. Cet argument de > Voir l’intégralité de l’appel sur http://latourcontreatome.free.fr pure opportunité – car ces braves gens ne montrent pas une telle sensibilité pour les effets de l’accumulation de déchets radioactifs
Initiative Délibération à suivre
© Eric Constantineau
L’histoire française montre que le nucléaire n’a pu proliférer que contre la démocratie. C’est n’est donc que par le débat démocratique qu’il pourra être rejeté.
Pour sa maintenance, hautement dangereuse, l’industrie nucléaire a créé une classe d’esclaves.
Risques industriels et sanitaires Travailleurs du nucléaire : l’urgence d’un statut décent
organismes : ce sont désormais trois générations qui ont subi les conséquences des irradiations, puisque les malformations se transmettent. Or les travailleurs du nucléaire encourent exactement les mêmes risques. Le nucléaire ne peut donc fonctionner qu’en créant une classe d’esclaves. La France n’a réduit leur dose individuelle maximale annuelle à 20 mSv que sous la contrainte de la directive européenne de 1996 et n’y est parvenue qu’en 2003, sous la menace d’une sanction financière. Mais cela a accéléré la précarisation d’une partie des sous-traitants. Un de ces salariés, que j’ai récemment rencontré, a ainsi cumulé une dose de 316 mSv sur vingt ans avant de se retrouver avec un cancer broncho-pulmonaire (reconnu radio-induit) à l’âge de 52 ans. Un autre a effectué la décontamination radioactive en centrales pendant un an. Il est atteint d’un cancer de la thyroïde, d’une leucémie et d’un lymphome – trois pathologies typiques de l’irradiation. Pour un cas connu, combien demeurent invisibles ? Aucun suivi médical ne permet de les identifier.
Atteintes fondamentales à la sûreté EDF s’est abrité derrière des prétextes industriels et économiques pour justifier la sous-traitance, mais L’industrie nucléaire ne peut fonctionner qu’en sacrifiant cette organisation du travail porte aussi fondamentaune partie de ses travailleurs. Mais la prévention sanitaire, lement atteinte à la sûreté. En effet, la mémoire du la sûreté industrielle et la nécessité du démantèlement travail et des interventions se dilue dans une populaobligent dès à présent à définir un statut spécifique tion qui circule très rapidement d’un réacteur à l’auet très rigoureux. tre. Les sous-traitants ne sont pas rattachés aux sites de production, tandis que le personnel EDF part à la En France comme ailleurs, les travailleurs du nucléaire sont masretraite. Les pratiques actuelles, de “retour d’expérience” sur dossivement exposés à des radiations importantes, ce qui est peu siers, transforment donc les actes de prévention en une “sûreté de connu, puisqu’une chape de plomb pèse sur le sujet. Leur rôle papier”. Il n’existe plus de mémoire collective du travail réel effectué est essentiel, car l’exploitation des réacteurs nucléaires exige une sur les installations, car la connaissance du travail réel suppose la maintenance constante et extrêmement soigneuse, notamment parole sur le travail dans le cadre d’un échange. Mais la parole des durant les opérations de renouvellement du combustible. Au détravailleurs extérieurs n’est jamais sollicitée. Or les travaux d’analyse part, les travailleurs qui pénétraient dans les zones les plus rades catastrophes industrielles pointent le rôle capital de l’anticipadioactives étaient salariés d’EDF et des constructeurs. Mais, très tion des conditions de possibilité de l’accident pour le prévenir. Cela vite, il est apparu impossible de respecter les limites réglemensuppose que les installations soient parfaitement connues des extaires d’exposition aux rayonnements ionisants sans immobiliser ploitants. La logique d’ignorance à l’œuvre chez AZF, où il a été imtrès souvent les nombreux salariés qui les atteignaient très rapipossible de retracer les opérations effectuées dans les jours ayant dement. A partir des années 1970, le plus grand désordre a précédé l’accident du 21 septembre 2001, est quotidiennement rerégné dans la radioprotection des travailleurs extérieurs. Ce produite dans la maintenance des centrales nucléaires. n’était pas alors la préoccupation dominante de Pierre Pellerin1, Il faut donc revenir au plus tôt à une exploitation industrielle ripourtant directeur à l’époque du Service central de protection goureuse pour réduire au maximum les risques d’accident, avant contre les rayonnements ionisants (SCPRI)2. En 1987, la Comd’arrêter le nucléaire. Et, alors que le démantèlement est le seul mission européenne a exigé que la France y mette de l’ordre, avenir souhaitable pour la filière, l’expérience montre que les trapuisque de nombreuses informations provenant d’EDF contredivailleurs chargés du désamiantage sont infiniment mieux protégés saient les données du SCPRI sur ces travailleurs. que les anciens travailleurs ayant manipulé l’amiante – même si le respect de la réglementation reste insuffisant. Il faudra s’en inspiSacrifice des travailleurs rer pour exclure toute sous-traitance, mettre en œuvre des temps EDF a alors décidé, après avoir dressé un rapport sur la mainted’intervention très réduits, créer des procédures et des matériels nance, de transférer toute la décontamination et les opérations excluant tout contact avec les matériels contaminés. Enfin, tenir sur les structures radioactives à des sous-traitants effectuant, compte de l’extrême pénibilité et dangerosité des métiers du nupour certains, des missions très courtes. Ces personnes sont tout cléaire en accordant à tous un droit à la retraite anticipée. > ANNIE THEBAUD-MONY simplement sacrifiées. Des chercheurs et plusieurs collectifs de Sociologue, directrice de recherche médecins du travail l’ont fait savoir à partir du tournant des anà l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) nées 1990 – y compris auprès du député Claude Birraux, qui, dans son rapport de juin 2011, demande une nouvelle fois l’arrêt 1 Sur le non-lieu prononcé à l’égard du Pr Pellerin le 7 septembre 2011 et le pourvoi en cassation de l’AFMT, voir www.asso-malades-thyroide.org de la sous-traitance en cascade. Leurs enfants sont aussi sacrifiés, puisque ces salariés peuvent être atteints de troubles repro2 Dirigé par Pierre Pellerin de 1957 à 1993, le SCPRI a été renommé ductifs. L’expérience de Tchernobyl démontre maintenant à très OPRI en 1994, puis a fusionné avec l’IPSN (voir p. 12) pour former en 2002 l’actuel IRSN (voir p. 13). grande échelle les impacts cumulatifs de la contamination sur les
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Rencontre “Nous avons décortiqué les liens entre les mondes industriel et politique” Après plusieurs mois d’une lutte intense, les citoyens et organisations écologistes ont finalement eu raison des gaz de schiste. Le 2 octobre dernier, le ministère de l’Ecologie a en effet annoncé l’abrogation des trois permis de recherche d’exploitation de ces hydrocarbures. Dans Le vrai scandale des gaz de schiste*, Marine Jobert, journaliste, et François Veillerette, président de l’association de protection de l’environnement Générations futures, reviennent sur l’histoire de l’exploitation de ces gaz. Explications avec Marine Jobert. dans le cadre plus global de l’avenir énergétique de notre société. L’impact climatique des gaz et huiles de schiste est aussi largement traité, illustrant la toxicomanie énergétique de notre société. Nous faisons également un tour d’horizon de la situation des gaz et huiles de schiste à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, en décortiquant les liens entre les mondes industriels et politiques. Nous décryptons ainsi les activités de Dick Cheney et de George W. Bush pour mettre hors d’état de “nuire” l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis.
> Contacts dans le monde Les Amis de la Terre International PO Box 19199 / 1000 GD Amsterdam / PAYS-BAS / Tél. 31 20 622 1369 / Fax. 31 20 639 2181 / info@foei.org / www.foei.org Les Amis de la Terre Europe Mundo-B Building - Rue d’Edimbourg 26 / 1050 Bruxelles / Belgique / Tél. 32 2 542 0180 / Fax. 32 2 537 55 96 / info@foeeurope.org / www.foeeurope.org
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Le nombre d’études techniques et scientifiques sur les gaz et huiles de schiste se multiplient. Pourquoi, dans ce contexte, publier un document supplémentaire sur ce thème ? Quelle a été votre approche ?
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Marine Jobert Ce livre s’adresse aussi bien au militant chevronné qu’au citoyen novice sur la question. Nous avons essayé avant tout de présenter les aspects scientifiques et techniques du débat, pour ensuite le resituer
Que pensez-vous de la loi, promulguée le 13 juillet dernier par le président de la République, qui “interdit” l’utilisation de la fracturation hydraulique ?
Cette loi est évidemment insatisfaisante, puisqu’elle se contente d’apporter une solution technique à un problème de société. Quelle est la volonté des parlementaires sur ce dossier ? Si vous considérez que le danger des gaz et huiles de schiste est réel, vous interdisez définitivement leur exploitation. Les parlementaires
ont fait un choix bien différent en laissant une opportunité aux détenteurs de permis de conserver leurs droits en misant sur une acceptabilité future de leur activité par la population. Vous avez reçu des pressions de la part de Julien Balkany, ex vice-président de la société Toreador (qui détient des permis d’exploration d’huiles de schiste dans le Bassin parisien) et demi-frère de l’homme politique Patrick Balkany.
Il est clair que ce livre a l’air de le déranger ! Dans une lettre qu’il nous a adressée avant la sortie du livre, l’avocat de Monsieur Balkany nous informe que notre livre comporterait des éléments diffamatoires, ce pourquoi il a souhaité nous “mettre en garde”. Il nous menace aujourd’hui de porter plainte pour diffamation. S’il espérait que l’on cèderait aux pressions et que l’on modifierait le contenu du livre, > PROPOS il se trompait lourdement ! RECUEILLIS PAR ROMAIN PORCHERON
chargé de campagne Responsabilité sociale et environnementale des entreprises * Editions Les Liens qui Libèrent.
Roman Nucléaire Quand la fiction s’approche de la réalité 2040. Au Japon, l’accident tant redouté a eu lieu. Le blackout a été aussitôt décrété ; il est impossible d’obtenir la moindre information. Vols, échanges commerciaux, tout a été annulé ; aucun Japonais ne peut quitter le pays. “Ce n’est plus une énième récession qui nous attend, commente un écologiste japonais, c’est la faillite du pays et la mort.” Au cœur d’une révolution mondiale en marche, regroupés à Kumquat, village d’Écharde (France), des êtres avides de liberté, d’art et d’amour, vont travailler à constituer une nouvelle forme de société. Parmi leurs ennemis réputés invincibles : le nucléaire. Henry Wall, venu s’isoler pour fuir un passé trouble, devient malgré lui le mentor de la communauté. Cette recherche d’une reconstruction possible de la vie sur terre, face à l’œuvre irréversible des accidents nucléaires, résonne particulièrement en cette période qui suit le 11 mars 2011. Roman d’anticipation, Bas-Occident est aussi un réquisitoire. Pour l’auteur, l’industrie nucléaire
figure parmi les pires monstruosités que l’humanité et la Terre aient jamais connues. Si Bas-Occident est captivant, c’est parce que l’on y découvre une vision de notre monde dans trente ans, et que cette fresque humaine, chaleureuse et drôle, est également pleine d’espoir.
> Bas-Occident – Civilisation nucléaire, dernières années,
Frédéric Gobert, éditions Les deux encres, 2011, 440 pages, à commander auprès de l'éditeur au prix de 25 € franco de port (02 41 56 57 30, www.les2encres.net). > Bénéficiez d’une offre spéciale jusqu’à la mi-décembre en vous recommandant de La Baleine lors de votre commande : un autre livre des éditions Les deux encres vous sera offert.
Le Courrier de la Baleine
Depuis 1971
Le journal des Amis de la Terre
Chantiers internationaux Rejoindre un projet local et convivial pour la solidarité internationale Les vacances responsables ont du succès. Les chantiers internationaux, dont le principe est de participer à un projet culturel, social ou environnemental contre nourriture et logement, sont l’occasion de conjuguer simplicité du mode de vie et épanouissement. Témoignage depuis Cupramontana, en Italie.
Réflexion et pratiques soutenables Dans le jardin de Franz, nous avons été initiés aux principes de la permaculture1 et sensibilisés par exemple à l’importance de certaines “mauvaises” herbes qui aident les plantes à fixer l’azote et font barrière (grâce à leurs feuilles piquantes) aux escargots qui raffolent des épinards. Nous avons également découvert comment entortiller des haricots autour du maïs pour fabriquer un piège solaire… qui aidera les melons à grossir. Toutes ces astuces stimulent les cultures. Cela s’accompagne d’une réflexion sur la consommation énergétique du lieu (récupération de l’eau de pluie et de celle de la douche pour arroser le jardin, de celle du lavabo pour les toilettes, etc.). Mais adopter des pratiques soutenables et remettre en question nos habitudes
© DR
Août 2011. Une équipe de dix volontaires, venant des quatre coins de l’Europe, atterrit dans une ferme au milieu de la charmante région vallonnée des Marches, à Cupramontana, petite ville située à une heure d’Ancône. Sa mission : épauler l’hôte des lieux, “Franz le fermier”, dans ses tâches quotidiennes. Soit cueillir de maigres fruits hauts perchés pour concocter de la confiture, s’arracher les cheveux pour monter une douche solaire au beau milieu du jardin, entretenir ce fameux jardin et y récolter les légumes… La tâche la plus réjouissante : la consolidation des murs des toilettes sèches en utilisant une méthode traditionnelle africaine consistant à mélanger de la glaise, de l’eau et de la paille, soigneusement malaxées par nos pieds.
Construction de douches solaires. “Nos camarades italiens nous ont appris l’art de bidouiller et de récupérer…”
de vie est plus difficile qu’il ne semble. Lorsqu’il s’est agit de monter la structure de la douche solaire, par exemple, le premier réflexe a été d’imaginer une structure complexe, avec différentes portes, en recourant à l’achat des matériaux qui manquaient. Heureusement, nos camarades italiens nous ont appris l’art de bidouiller et de récupérer. En plus de ses vertus écologiques (voir notamment la campagne Produits pour la Vie2 des Amis de la Terre), cette façon de faire nous a permis d’es-
sayer de nous défaire de nos habitudes consuméristes et de nos réflexes ancrés dans une vie faite de confort. Participer à un chantier international, c’est vivre une expérience humaine unique, découvrir et partager les cultures de tous les participants. Chacun s’exprimant dans une langue qui n’est souvent pas la sienne – la plupart du temps, l’anglais –, il s’établit un mode de communication forçant la tolérance, et aussi, il faut bien le dire, parfois la patience. Car cette expérience est aussi celle de l’apprentissage de la vie en communauté. Chaque volontaire a dû mettre la main à la pâte et alterner travaux pratiques, nettoyage de l’espace collectif et cuisine. Nous nous sommes ainsi régalés des boulettes liégeoises, des feuilles de vignes turques et du verdicchio local. Ce que nous avons réellement apprécié dans notre petite communauté coupée du monde fût de revenir à des choses simples, d’être comblé par des rencontres enrichissantes et par le résultat direct de travaux manuels et de pratiques harmonieuses avec la nature. En résumé, ce chantier a été un avant-goût de ce que peut être une vie sobre mais heureuse.
>JULIE SOLENNE ET MARINE FABRE
1 Selon le réseau français de permaculture : “science de conception de cultures, de lieux de vie et de systèmes agricoles humains utilisant des principes d'écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.” 2 www.produitspourlavie.org
Humeurs
Les casse-houille Après le pétrole extrait des sables bitumineux, les gaz et huiles de schiste tirés de la roche-mère, voici le gaz de houille, plus connu dans nos contrées sous le nom de grisou. Composé de méthane emprisonné dans les veines de charbon, il présente, comme pour les précédentes sources d’énergies citées, les plus grands risques – liés aux énormes quantités d’eaux utilisées et polluées lors des extractions, à l’empoisonnement des sols, à la destruction de la végétation – et, par conséquent, de grands dangers pour la santé humaine ; et, cerise sur le gâteau, d’importantes fuites dans l’atmosphère de méthane, gaz vingt-cinq fois plus nocif que le CO2. En France, des permis de prospection ont été octroyés depuis des années, bien entendu dans le secret le plus total, à des compagnies nord-américaines et australiennes, en particulier dans la région de Saint-Etienne, ce qui ne pourra que rappeler de bons souvenirs aux descendants de mineurs victimes du fameux coup de grisou. Là aussi, une mobilisation est en cours. Mais ne nous y trompons pas : quel que soit l’avenir de ces projets, il restera toujours aux plus riches, comme ultime recours pour le maintien de leur niveau de vie, l’exploitation de la bonne vieille huile de coude : une valeur sûre et éprouvée, qui ne se démode pas malgré les plus brillantes innovations technologiques. > ALAIN DORDÉ Il suffit de demander aux mineurs d’Afrique du Sud, du Pérou et de partout ailleurs.