Depuis 1971
mars 2014 / 3₏20 N°175
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Carbone contre nourriture
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ACTIONS
Lettre ouverte du mouvement armé au préfet de Loire atlantique, Monsieur Christian de Lavernée :
Cher Christian, Vous avez déclaré hier, « L’opposition institutionnelle à l’aéroport de Notre-Damedes-Landes doit cesser d’être la vitrine légale d’un mouvement armé ». Il nous serait facile de vous reprocher, M. Le Préfet, de vouloir à votre tour briser des vitrines. Mais après la manifestation de samedi, autant l’avouer tout net et cesser enfin de nous cacher : nous sommes bel et bien un mouvement armé. Nous sommes un mouvement armé de bon sens remuant et d’idées explosives, de palettes et de vis, de pierres parfois - même s’il y a ici plus de boue et de prairies, de carottes et de poireaux, d’humour et de tracteurs, d’objets hétéroclites prêts à former spontanément des barricades et d’un peu d’essence au cas où, d’aiguilles à coudre et de pieds de biche, de courage et de tendresse, de vélos et caravanes, de fermes et cabanes, de masques à gaz ou pas, de pansements pour nos blessés, de cantines collectives et chansons endiablées, de livres, tracts et journaux, d’éoliennes et de radios pirates, de radeaux et râteaux, de binettes, marteaux, pelles et pioches, de liens indestructibles et d’amitiés féroces, de ruses et de boucliers, d’arcs et de flèches pour faire plaisir à Monsieur Auxiette, de salamandres et tritons géants, de bottes et impers, de bombes de peinture et de lances à purin, de baudriers et de cordes, de grappins et de gratins, et d’un nombre toujours plus important de personnes qui ne vous laisseront pas détruire la zad. Vous ne nous ferez pas rendre ces armes. Et vous, M. Le préfet, quand cesserez-vous d’être la vitrine légale d’un mouvement armé ? Sincèrement, Les Black Ploucs
Déclaration publiée le 24 février, à retrouver en ligne ici : http://zad.nadir.org/spip.php?article2225
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Edito
SOMMAIRE
De l'écologie radicale aux alternatives citoyennes : le débat est lancé Au départ, un constat : la planète va mal et les mouvements écologistes qui la défendent vont tout aussi mal. Les multinationales et les gouvernements font le travail. Un travail de destruction massive de l'intérêt général au profit de quelques intérêts individuels. Le pire, voir tout le monde rentrer dans le rang car il ne faudrait surtout pas bousculer notre sacrosainte croissance. Alors, un bon coup de peinture verte et on lave les consciences. Les mouvements écologistes également ont de quoi décevoir. Instrumentalisés par des « débats» auxquels ils se livrent pour « dialoguer » avec ministres et conseillers, en prise à des querelles de chapelle, livrés à une recherche de fonds publics et privés pour maintenir leur niveau d'activité, leur énergie vitale est gaspillée. Un comble lorsque l'on défend indépendance, simplicité volontaire, convivialité et sobriété ! Et que dire de leurs liens délités avec la base militante qui aboutit à une démobilisation et à un détachement des questions sociétales ? Une telle « écologie » est-elle capable de motiver en tous lieux, de mobiliser largement, d'être diverse et populaire ? À cette écologie molle, nous opposons l'écologie radicale, sans nier notre part de responsabilité et parfois notre absence. Il nous appartient de changer les choses, comme il nous appartient d'évoluer et de porter haut notre leitmotiv « Mobiliser, résister, transformer », C'est pourquoi les Amis de la Terre ont fait le choix de lancer un grand processus de débat sur leur stratégie, leur organisation et leur fonctionnement. Une première réunion a lieu les 5/6 avril à Montreuil. Elle sera animée par Cynthia Sou, notre nouvelle directrice générale choisie pour son indépendance, que vous aurez le plaisir de rencontrer à cette occasion. Ce processus se veut ouvert à des personnes extérieures à notre fédération qui se reconnaissent dans notre position pour des sociétés soutenables. Arrêtons de nous regarder le nombril et faisons un pari fou, celui de faire des Amis de la Terre un mouvement écologiste de masse, radical et pragmatique. Soyons 10 à 20 000 d'ici à la conférence sur le climat à Paris fin 2015 pour porter cette vision. Si nous voulons peser dans les politiques publiques, les instances dans lesquelles nous siégeons et obtenir des transformations, nous devons agir avec ce qui fait notre force, c'est à dire la masse et notre capacité à mobiliser. C'est en rétablissant le rapport de force que nous obtiendrons des changements. Ce renouveau doit permettre à une nouvelle génération de militants ainsi qu'aux militants déçus par nos organisations de se retrouver dans les Amis de la Terre. Mettons en place de nouvelles formes de mobilisation, créons des dynamiques positives, avançons sur les alternatives, les utopies concrètes et la transition citoyenne. C'est comme ça que l'on construira ces sociétés soutenables qui nous rassemblent tous.
2 > ACTIONS Lettre ouverte au préfet de Loire-Atlantique 4-5 > REGIONS Municipales 2014 : les Amis de la Terre s’invitent dans la campagne De nouvelles mines d’or en Limousin Cigéo : ni nucléaire, ni déchets ! 6-7 > FRANCE Quelle agriculture pour demain ? Vingt mille lieues sous la terre : creuser pour mieux s’enterrer ? 8 > INTERNATIONAL Tafta : notre avenir sera-t-il bradé au nom du commerce ? Mobilisation contre les Requins 9-14 > DOSSIER > « CARbONE CONTRE NOuRRITuRE » REDD : Compenser, le choix assumé pour mieux polluer Non au riz REDD ! Entretien : Qui se cache derrière REDD ? REDD+ à Madagascar : le carbone qui cache la forêt Le Kenya, terrain de jeu des institutions financières publiques et privées Vinci : silence, on plante ! 15 > ALTERNATIVES Transition énergétique, les citoyens veillent COIN DES LIVRES Reprendre le pouvoir aux multinationales et aux lobbies 16 > MAuVAIS PLAN La voiture électrique fait mauvaise route Vie associative
FLORENT COMPAIN
Pour le Conseil fédéral des Amis de la Terre France
PS : Afin d'être nombreux à prendre part au débat stratégique, merci, si vous êtes intéressé-es, de nous renvoyer votre bulletin d'inscription, joint à cette Baleine.
Au revoir Yanni Nous avons appris avec tristesse le décès de Yanni Hadjidakis, dans la nuit du 7 février, des suites d'un cancer foudroyant. Yanni était membre fondateur du groupe local des Amis de la Terre Haute-Loire, groupe qu'il animait avec passion. Son engagement aux Amis de la Terre laisse un sillage lumineux.Il venait de l'industrie nucléaire mais sa modestie alliée à un solide sens critique lui ont permis de se retourner contre une formation scientifique trop sûre de ses dogmes. Il faisait grand cas des jugements de sa femme Jenny et de leurs filles. Le CF et tout notre réseau partagent avec elles la douleur de sa disparition et aussi la fierté d'avoir reçu son approbation. Faisons honneur à l'impulsion qu'il nous a donnée depuis la Haute-Loire, haut lieu de la Résistance ! Merci Yanni pour ton courage encourageant !
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LE CONSEIL FÉDÉRAL POUR LES AMIS DE LA TERRE FRANCE
Le Courrier de La Baleine n°175 « Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. »
Mars 2014 • n° CPPAP : 0317 G86222 - ISSN 1969 - 9212 Dans ce numéro, les abonnés retrouveront un bulletin d'adhésion/abonnement aux Amis de la Terre ainsi qu'une invitation au débat stratégique d'avril 2014.
Depuis 1971
Directeur de la publication Florent Compain Rédactrice en chef Caroline Prak Rédacteurs Les Amis de la Terre Drôme et Gironde, Sylvain Angerand, Sophie Chapelle, Florent Compain, Gérard Eripret, Martine Laplante, Hannah Mowat, Jean-François Patingre, Malika Peyraut, Lucie Pinson, Romain Porcheron, Communication, relations presse Caroline Prak • caroline.prak@amisdelaterre.org • 01 48 51 18 96 Image de couverture, crédit : FoEI, Maquette Nismo Carl Pezin • www.nismo.fr Impression sur papier recyclé Offset cyclus 115g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50
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REGIONS
Municipales 2014 Les Amis de la Terre s'invitent dans la campagne ! Evitée, négligée ou carrément exclue des programmes électoraux, l’écologie demeure encore trop souvent le parent pauvre des débats, particulièrement à l’échelle locale. Pour remédier à cela, les groupes locaux des Amis de la Terre se mobilisent. Les élections municipales des 23 et 30 mars 2014 vont désigner les élus qui auront la charge d’administrer nos territoires pour les six années à venir. Cette période s’annonce déjà décisive en matière de lutte contre le changement climatique et de préservation de l’environnement. Bouleversements climatiques, perte de biodiversité, pollution de l’air, de l’eau, des sols, etc. Les menaces et les alertes ne manquent pas et appellent une réaction forte et immédiate des élus municipaux. Les transferts successifs de responsabilités placent en effet les communes et intercommunalités en première ligne en matière d’écologie. Par les compétences qui leurs sont attribuées, par les projets qu’elles initient ou par les changements de comportements et de pratiques qu’elles peuvent influencer, leur capacité d’action est considérable. Face à l’incapacité de la communauté internationale ou des gouvernements successifs à prendre des dispositions à la hauteur des enjeux, c’est essentiellement au niveau des territoires que peuvent s’imaginer et se mettre en place les alternatives concrètes. En ce sens, la transition vers des sociétés soutenables nécessite dès à présent des engagements adaptés, ambitieux et concrets des élus municipaux. C'est pour dessiner ces territoires soutenables de demain que les Amis de la Terre Drôme et Gironde demandent aux candidats de s'engager !
Une campagne inter-associative en Drôme A l'initiative des Amis de la Terre Drôme, quinze organisations ont ainsi interpellé les candidats aux élections municipales de Crest en élaborant collectivement un questionnaire portant sur divers thèmes allant de l'emploi à l'économie, de l'énergie
1/ http://15organisationspour2014.wordpress.com/ 2/ http://amisdelaterregironde.org/municipales2014
campagne. Autant d'outils permettant la mise en œuvre d'une veille citoyenne durant tout le prochain mandat.
En Gironde, 46 demandes d'engagements
aux transports, des déchets à la finance éthique. Faisant écho à l'action déjà menée par ces organisations lors des élections législatives de 2012 (http//12questionspour2012.wordpress.com), ces vingt questions ont pour dénominateur commun les préoccupations environnementales et sociales et visent à ancrer ces dimensions au cœur de toutes les actions de la municipalité. L'opération a été présentée lors d'une conférence de presse le 1er février et une restitution publique qui a eu lieu le 19 mars. Tracts, articles de presse, émissions de radios (notamment lors de l'émission « Soleil Vert » sur radio St Ferréol) et blog spécialement conçu1 permettent à tout/e citoyen/ne de suivre l'évolution de cette
Les Amis de la Terre Gironde ont quant à eux interpellé les candidats des 22 communes girondines de plus de 10 000 habitants, soit au total une soixantaine de listes. Le questionnaire communiqué aux candidats comprenait 46 questions fermées (oui/non) pour autant d'engagements possibles à concrétiser ou du moins à amorcer sur la durée d'un mandat. Neuf thématiques pour lesquelles les élus municipaux ont une réelle capacité d'action, à l'échelle de leur commune ou de l'intercommunalité ont ainsi été couvertes : urbanisme ; transports et mobilité ; énergie et bâtiments ; agriculture et alimentation ; eau ; air ; déchets ; publicité ; exemplarité financière. Bien évidemment, les réponses des candidats sont mises en ligne sur le site internet dédié à cette campagne2. Les Amis de la Terre Gironde assureront le suivi de ces engagements sur les six prochaines années afin de vérifier dans le temps que ces beaux engagements de campagne se transforment véritablement en actions concrètes !
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LES AMIS DE LA TERRE DRÔME ET GIRONDE
Pour en savoir plus : Les Amis de la Terre Côte d'Or ont également interpellé les candidats aux municipales à Arc-sur-Tille. http://www.amisdelaterre.org/Questionsaux-candidats-des.html
REGIONS
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De nouvelles mines d'or en Limousin nouvelles exploitations telles que le gaz Le 18 novembre 2013, Arnaud Montebourg, de schiste. ministre du Redressement productif On sait tous dans quelle impasse et vers accordait un permis exclusif de recherche quel désastre nous conduit cette chimère, de mines d'or, cuivre, argent, zinc, anticette fuite en avant, qui se refuse à moine, étain et substances connexes (dit admettre qu'une diminution drastique permis de Villeranges, en Creuse) à la de nos productions et de nos consommations société Cominor. Celle-ci est une filiale du est aujourd'hui incontournable si l'on groupe minier La Mancha constitué par veut que l'Humanité ait un avenir sur la fusion des actifs miniers du BRGM et notre planète. de certains actifs miniers d'AREVA. 10 % des pays les plus riches Le Limousin a bien connu utilisent 90 % des métaux les effets de l'exploita« La concentration extraits ! 68 % des restion minière, et en paye encore les conséquences, en métaux précieux sources utilisées par l'économie française sont non que ce soit avec l'arsenic est plus importante renouvelables ! lié à l'exploitation de l'or, dans les mines Et même en admettant ou les pollutions contiqu'on ait besoin d'or pour nues des sols et de l'eau urbaines.» nos productions les plus suite à l'exploitation des indispensables, est-il besoin mines d'uranium. de continuer à en extraire ? En effet, il Le ministre du Redressement productif s'avère aujourd'hui que la concentration répète à qui veut l'entendre que la en métaux précieux est plus importante relance de la croissance, objectif dont dans ce qu'on appelle les « mines personne ne peut douter (!), passe par la urbaines » (déchets) que dans les mines sécurisation de nos approvisionnements traditionnelles : il y a en moyenne 5 gr d'or en matières premières, et donc par le par tonne de minerais, mais 200 à 250 gr retour aux exploitations minières (abanpar tonne de cartes mères, et 300 à 350 données tant que le coût était moindre gr par tonne de téléphones portables... en allant exploiter les pays du Sud) et de
Or au niveau mondial seulement 15 % sont recyclés. Avant de continuer à détruire notre environnement et nos écosystèmes, à rendre invivable une partie de notre territoire (sans parler du territoire de celles et ceux qui "reçoivent" nos déchets) ne serait-il pas grand temps de penser réduction puis réutilisation et recyclage ? C'est ce que les Amis de la Terre Limousin, actifs dans le collectif qui s'est créé autour des ces projets inutiles, vont s'employer à démontrer. Il n'y a qu'une réponse à ce délire extractiviste : ni ici ni ailleurs !
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MARTINE LAPLANTE
Les Amis de la Terre Limousin
En savoir plus : Lire la réaction des Amis de la Terre France « Nouvelle compagnie nationale des mines : le gouvernement s’engage sur la voie d’une catastrophe humaine et écologique » : http://www.amisdelaterre.org/Nouvellecompagnie-nationale-des.html Lire l'article page 7, 20 000 lieux sous les terres : creuser pour mieux s'enterrer ?
CIGEO : ni nucléaire, ni déchets ! CIGEO: Centre Industriel de stockage GÉOlogique. Lu comme ça, c'est plutôt rassurant et inoffensif. Si on vous dit que c'est à Bure en Lorraine, vous commencez à comprendre ? Souvenez-vous : à l'époque, il y a 21 ans, il ne devait s'agir que d'un laboratoire. Un laboratoire de l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) destiné à étudier la possibilité d'un enfouissement en grande profondeur des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. Déjà, les opposants avaient compris que ce n'était qu'un leurre, un mirage destiné à préparer les esprits au vrai projet : enfouir ici et pas ailleurs, dans le mépris et le mensonge qui caractérisent depuis toujours ce qui a trait au nucléaire. La démocratie ? Bafouée. En 1993, on aura laissé les Conseils généraux de la Meuse et de la Haute-Marne voter la candidature de leurs départements à l’implantation d’un laboratoire, mais depuis fini. Tout ce décide ailleurs, en haut comme on dit. Pour faire passer la pilule, on organise l'achat des consciences. Du jamais vu, le projet n'est même pas construit qu'on distribue déjà de l'argent à tout va. Maintenant, c'est plus de 30 millions d'euros qui sont distribués chaque année à la Meuse et autant à la Haute-Marne, par les groupements d’intérêt public et toujours pas un déchet.
Mais on y est, le projet se dessine. Plus flou, pas possible. Pourtant le pseudo « Débat public » sur CIGEO vient de se terminer. Un stockage en surface et un stockage en profondeur, des rejets dans le milieu naturel, des risques à profusion. On devrait signer un chèque en blanc. Il y a des problèmes, on ne sait pas encore comment faire, mais l'ANDRA nous le garantit, ils trouveront des solutions et surtout, il faut décider vite. Pourquoi ? Alors qu'on en a pour des millions d'années... Déchets nucléaires, ne surtout pas enfouir. Ni à bure, ni ailleurs !
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FLORENT COMPAIN
Les Amis de la Terre Meurthe-et-Moselle
En savoir plus : Bure Stop : burestop.eu Bure Zone Libre : burezoneblog.over-blog.com
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FRANCE
Quelle agriculture pour demain ?
Une agro-écologie avec ou sans pesticides ? Si pour le ministre de l’Agriculture, l’agroécologie doit produire mieux avec moins d’intrants chimiques, aux Amis de la Terre nous pensons que la seule véritable agroécologie est celle sans pesticides, où la reconnaissance des savoirs et savoir-faire paysans est mise en avant. Quel est l'intérêt d’une agro-écologie, certes sans laboure, qui se pratiquerait avec un emploi massif de glyphosate ? Faut-il rappeler que cet herbicide, le plus vendu dans le monde, est présent dans le corps humain selon une enquête menée par les Amis de le Terre* en juin 2013 ? Quid d'une récente étude indépendante** dénonçant le glyphosate comme principale cause d’une épidémie d’intolérance au gluten entrainant la maladie cœliaque elle-même responsable de nombreux lymphomes non-hodgkiniens (cancer du système lymphatique) ? Mais alors, pourquoi tant d’entêtement à vouloir poursuivre dans cette voie alors que certaines alternatives seraient possibles si elles n’étaient pas constamment bloquées comme par exemple les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).
© Reflets de vert
Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF) a été adopté à l'Assemblée nationale le 14 janvier 2014. Il ambitionne de renforcer la compétitivité des filières agricoles et forestières tout en tenant compte de l'agro-écologie… Vrai ou faux ?
sur ces préparations naturelles alors qu’elles appartiennent au domaine public, c’est-à-dire au bien commun !
PNPP ou pesticides ? Ces extraits végétaux issus de savoirs faire populaires n’intéressent pas les parSemences de fermes ou OGM ? lementaires qui rejettent systématiquement L’action paysanne du 21 janvier dernier, les propositions d’amendement de par l’occupation des bureaux du GNIS l’ASPRO-PNPP (ASsociation pour la (Groupement national interprofessionPROmotion des Préparations Naturelles nel des semences), a permis d’obtenir Peu Préoccupantes) demandant de sortir rapidement une satisfaction simple : ces préparations de la liste des produits faire que les paysans ne soient plus phytopharmaceutiques ; comme si les considérés comme des contrefacteurs purins d’ortie, de prêle… étaient aussi parce qu’ils réutilisent les nocifs que les pesticides issus semences de leur ferme, de l’industrie chimique, non « Des pays tout au moins pour 21 variédégradables, que l’on retrouve partout : dans l’eau, comme l'Allemagne tés existantes. Si certains considèrent qu’il s’agit là dans les aliments et qui ont classé ces d’une petite victoire, elle finissent, on l’a vu plus haut entrouvre cependant les préparations pour le glyphosate, dans nos portes pour la libération à organismes et causent de en « fortifiants venir des semences paynombreux problèmes de sannes. des plantes » santé (cancer, neurologique, Quant aux OGM, que dire congénitaux…). Des pays simplement.» du camouflet des sénateurs comme l’Allemagne ou de l’opposition, soutenu par l’Espagne ont classé ces présept sénateurs du RDSE dont Jean-Pierre parations naturelles dans la catégorie des Chevènement, qui ont rejeté une propofortifiants des plantes tout simplement. sition de loi visant à interdire définitivePourquoi la France ne pourrait-elle pas en ment les OGM en France ? Cela alors que faire de même ? Sans doute le temps de le moratoire sur les OGM de 2012 était mettre en place de nouvelles règles de porté par le gouvernent Fillon ! Cette probio-contrôle qui, parce qu’elles nécessiteposition n’est toutefois pas enterrée ront des règles complexes et onéreuses, puisqu’elle sera soumise aux députés permettront plus aisément aux grandes pour un nouvel examen… firmes de la chimie de faire main basse
Maïs TC1507 : Le manque de majorité qualifiée (73,9 % des votes) des Etats membres de l’Union européenne pour se prononcer pour ou contre (17 contre dont la France et seulement 5 pour dont l’Espagne mais 4 abstentions d'où le blocage de la décision visant l’interdiction) oblige désormais la Commission européenne à se prononcer pour autoriser ce maïs quand bon lui semblera. Bien heureusement, elle ne parait pas pressée de prendre sa décision ! Interdiction des pesticides en 2020 ou interdiction immédiate et en tous lieux ? Nous saluons la loi interdisant les pesticides dans les espaces verts publics et les jardins particuliers mais déplorons qu’elle ne soit pas appliquée immédiatement. En agriculture, il n’est toujours pas envisagé de le faire alors qu'elle concentre 90 % des pesticides utilisés ! Pendant ce temps, la France, championne ès pesticides, au cœur d’un important trafic, plus du quart des produits phytosanitaires en circulation proviennent de réseaux illégaux »***, ne reconnait toujours pas les PNPP !
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GÉRARD ERIPRET
Co-référent sur l'agriculture *http://www.amisdelaterre.org/glyphosate.html **http://nhrighttoknowgmo.org/BreakingNews/ Glyphosate_II_Samsel- Seneff.pdf ***Bastamag – mars 2013
FRANCE
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Vingt mille lieues sous la terre : creuser pour mieux s'enterrer ? L'avenir du sous-sol français était au cœur des débats en ce début d'année. Gaz et huiles de schiste, gaz de couche, mines... Tour d'horizon des derniers effets d'annonces gouvernementaux. Miracle ! L'exploitation propre des gaz et huiles de schiste sera bientôt possible grâce au fluoropropane, un liquide non inflammable ne nécessitant ni eau ni produit chimique pour extraire les hydrocarbures en grande profondeur. Une solution miracle proposée par Total ? Non ! Le dernier argument sorti de la poche d'Arnaud Montebourg pour tenter de contourner la loi et permettre l'exploitation des gaz et huiles de schiste en France. « Mon travail c'est de convaincre » pour avancer vers une exploitation « propre » et « écologique » martèle-t-il dans les médias, n'hésitant pas à qualifier de « terrorisme intellectuelle » le rejet de ces hydrocarbures fossiles. Pourtant Arnaud Montebourg étant encore il y a peu un fervent opposant au recours à ces nouvelles énergies fossiles, les condamnant fermement lors des primaires du Parti Socialiste en 2012 et signant aux côtés de François Hollande, Jean-Marc Ayrault ou Philippe Martin, une proposition de loi interdisant définitivement toute exploitation des gaz et huiles de schiste, quelle que soit la technique d'extraction. Des promesses rapidement passées à la broyeuse de la victoire présidentielle.
Vers la création d'une compagnie nationale des mines « Exploitation écologique des gaz de schiste » : quel bel oxymore ! Pour contenir le réchauffement global moyen en deçà de 2 °C d’ici à la fin du siècle, seul moins du quart des réserves prouvées en combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) peut être utilisé d’ici à 2050. Un rappel nécessaire à moins de deux ans de la 21ème Conférence internationale sur le climat que la France s'apprête à accueillir en grande pompe. Poursuivant sur son élan, Arnaud Montebourg annonçait le 21 février la renaissance d'une compagnie nationale des mines chargée d'explorer les sous-sol français et étrangers, mais « tout en respectant les aspirations environnementales de nos concitoyens ». Cuivre, nickel, uranium, lithium ou encore terres rares sont dans le collimateur de cette nouvelle entreprise publique. Déjà actionnaire d'Areva et d'Eramet, la France se dote ainsi d'un nouveau bras armé dans sa politique d'accaparement des ressources au Sud et d'atteinte à l'environnement.
Militants réunis à la rencontre euro-maghrébine contre les énergies extrêmes et l’extractivisme, Saint-Christol-Lez-Alès, mars 2014.
Le bas-fond de la pensée politique était même atteint lorsque Arnaud Montebourg déclara fièrement : « Nous explorerons aussi le sous-sol d'autres pays. Les pays d'Afrique francophone, notamment, aimeraient travailler avec nous plutôt que d'avoir affaire à des multinationales étrangères ». Il semble apparemment nécessaire de rappeler au ministre du redressement productif que le mouvement anticolonialiste africain a offert à ce continent son indépendance il y a une bonne cinquantaine d'années déjà et que, ne lui en déplaise, une entreprise française agissant en Afrique, qu'elle soit publique ou privée, reste et restera une entreprise étrangère !
Une mobilisation constante, un message réaffirmé Outre Atlantique également, la mobilisation continue de croître, avec un renfort de choix en la personne de Rex Tillerson, PDG d'Exxon, compagnie pétrolière américaine ayant investi plus de 22 milliard d'euros dans l'extraction des gaz de schiste ces dernières années. Non content de l'implantation future à proximité de son ranch texan d'un château d'eau et d'infrastructures routières nécessaires à l'installation de nouveaux puits d'extraction,
1/ Voir: http://www.amisdelaterre.org/Hydrocarbures-non-conventionnels.html
M. Tillerson et ses riches voisins mènent la fronde pour interdire le projet. Principal argument de ce « collectif citoyen » des plus atypiques : le risque de perte de valeur de son ranch, aujourd'hui estimé à plus de cinq millions de dollars. Un grand mouvement de solidarité a ainsi vu le jour notamment sur internet pour manifester ironiquement un soutien à cette cause. Aux Etats-Unis, plus de 15 millions de personnes vivent aujourd'hui à moins de 1,5 kilomètre d'un puits d'extraction. En janvier, plus de 250 organisations et collectifs citoyens européens signaient une lettre ouverte adressée aux dirigeants européens pour signifier leur refus de voir se développer l'industrie des gaz de schiste au profit des industriels et des financiers et au détriment des droits des peuples, et de la protection de l’environnement et du climat1. Début mars, des militants d'Europe et du Maghreb se rencontraient dans le Gard pour renforcer le réseau et donc la lutte. Messieurs Tillerson et Montebourg, entendez-le bien : pour les VRAIS collectifs citoyens, les gaz et huiles de schiste c'est ni ici, ni ailleurs ; ni aujourd'hui, ni demain !
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ROMAIN PORCHERON
Co-référent sur les gaz de schiste
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INTERNATIONAL
PTCI - TAFTA Notre avenir sera-t-il bradé au nom du commerce ? Le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement en cours de négociations, en pleine opacité, fait peser des menaces lourdes sur notre santé, notre environnement, nos droits sociaux... La résistance s'organise.
© Pamela Tam
nations sera donc remis en Dans les années 1995 à question. Les produits et ser1997, un projet d’accord vices importés seraient traités multilatéral sur l’investisde la même façon que les prosement (AMI) négocié duits et services locaux. Ainsi, secrètement par les Etats si nous subventionnons une membres de l'OCDE avait école française, il faut subvenété remisé suite à de fortes tionner de la même manière protestations lors de sa l’école américaine qui vient publication. s’installer en France. Certaines Depuis juillet 2013 mandaté collectivité territoriale ce sont par le Conseil des ministres déclarées « hors GMT » et de du Commerce (28 gouvernenombreux élus ont déjà ments), la Commission disexprimé leur opposition à cet cute un nouvel accord de accord qui est aussi très éloilibre échange (ALE) entre gné des sociétés soutenables l'Union européenne et les souhaitées par les Amis de la Etats-Unis, le Pacte transatTerre. Lorsque les négociations lantique pour le commerce seront terminées, il restera à et l’investissement (PTCI) ou la société civile trois moments Grand marché transatlanimportants pour agir : lorsque tique (GMT). Cet accord Action des Engraineurs devant France Télévisions le 10 mars 2014 pour réclamer un débat la Commission européenne souconcerne à lui seul la moitié démocratique et une information juste à propos du traité TAFTA. mettra le projet de traité aux 28 des échanges mondiaux. Ses dans lesquels les lobbies commerciaux et gouvernements qui lui donnent ou non le objectifs : abaisser les barrières tarifaires en industriels sont représentés. Leurs droit de signer au nom de l’UE, lorsque les réduisant ou supprimant les droits de influences transpirent largement dans le gouvernements soumettront le traité à la douane et les taxes sur les importations, projet d'accord qui comporte 46 articles, ratification de leur Parlement, et enfin abaisser les barrières non tarifaires ou les répartis en 18 sections. au Parlement européen qui a le pouvoir éliminer des législations, des réglementad’accepter ou de refuser le traité. Compte tions, des normes sociales, sanitaires, phytotenu de la mobilisation en Europe nous sanitaires, environnementales ou techLe bien-être social, obstacle au pourrions également envisager un réféniques qui sont jugées par les entreprises commerce rendum d'Initiative citoyenne européenne transnationales comme des mesures visant Sous le prétexte discutable de relancer la (ICE). à protéger le marché intérieur contre la croissance et l'emploi, le projet de traité concurrence extérieure. Ces cibles étaient confie le contenu des normes aux firmes > ERIC FAÏSSE ET PATRICIA JARNO déjà celles de l'AMI... de quoi contourner les privées et limite le droit des gouvernepour le Conseil fédéral des Amis de la Terre France contraintes de l'OMC mais malgré le secret ments et des parlements à légiférer. Les voulu par les initiateurs et participants aux firmes s'estimant spoliées par des normes Pour en savoir plus, lisez la position négociations, certains documents ont fuité. nationales gênant leurs investissements à des Amis de la Terre Europe : La Commission est depuis le début assistée l'étranger pourront attaquer en leur nom Notre avenir sera-t-il bradé au nom du commerce ? par le « Comité 207 » et le Comité des répréles Etats devant des instances d'arbitrage http://www.amisdelaterre.org/Notre-avenirsentants permanents à l'UE (COREPER) privées. Le pouvoir souverain des Etatssera-t-il-brade-au.html
Mobilisation anti-Requins Reprenons le contrôle des multinationales prédatrices ! Malgré la crise, les multinationales, y compris les banques, sont plus puissantes que jamais. Agissant comme des pieuvres omniprésentes, elles violent toujours les droits des populations, s'accaparent les ressources de la planète, et dictent les politiques publiques via leur lobby agressif. Oubliant leurs promesses, les politiques de tout bord n'ont rien fait pour circonscrire le pouvoir de prédation des multinationales et brider un système économique et financier ultra libéralisé, financiarisé et déconnecté des besoins des populations
et de l'économie réelle. En France, François Hollande a bien vite oublié son ardeur du discours du Bourget au cours duquel il vilipendait la finance. Que nous renouons ou non avec la sacrosainte croissance, les gagnants de demain seront les mêmes qu'hier, c'est-à-dire pas les populations !. Si nos politiques nous trahissent, c'est donc à nous d'arrêter les multinationales qui exploitent les peuples et la planète ! Les Amis de la Terre se joignent à la campagne d’Attac Les Requins1 et ciblent la Société Générale et son projet Alpha Coal
en Australie– un projet de mine de charbon qui menace les communautés, l'environnement, la biodiversité et le climat. Basée sur des exigences concrètes, avec des cibles spécifiques, par exemple le retrait de la Société Générale d'Alpha Coal, l’objectif des Requins est d'obtenir des victoires qui seront autant de premiers pas vers la mise sous contrôle citoyen des banques et multinationales prédatrices !
1/ La campagne Requins 2014 cible la Société Générale, la BNP Paribas et Unilever. Plus d'informations sur : www.lesrequins.org
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LUCIE PINSON
Chargée de campagne Finance privée et Coface
DOSSIER - Carbone contre nourriture
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Carbone contre nourriture L’expression «accaparement des terres» (de l’anglais land grabbing – «to grab» : saisir, empoigner) a ré-émergé sur la scène internationale dans le contexte de la flambée mondiale des prix alimentaires en 2007-2008. Les critiques se sont alors cristallisées sur le rôle de nouveaux acteurs comme l'Arabie Saoudite ou la Corée du Sud, pointés du doigt pour l'acquisition de vastes superficies de terres dans des pays où existent de profonds conflits fonciers (Madagascar) ou peinant à être auto-suffisants en nourriture (Ethiopie). Ce coup de projecteur a sans doute permis de freiner ce phénomène d'acquisition directe de terres, sans toutefois réussir à le supprimer, mais a aussi simplifié un problème beaucoup plus complexe : le dépassement de l'espace écologique par quelques-uns au prix de la restriction des droits fondamentaux, comme celui de se nourrir, de la majorité des habitant-e-s de cette planète. L’accaparement de l'espace écologique – c'est à dire des terres mais aussi des forêts, de l'eau, des minerais, de l'atmosphère et de l'ensemble des biens naturels – doit être analysé dans un contexte d'accélération de la concentration économique et d'extension du capitalisme. Plutôt que de remettre en cause, et de réduire, ses haut niveaux de consommation, l'Union européenne continue d'opter pour des stratégies de sécurisation de l'accès aux ressources naturelles et à l'énergie des pays du Sud. Il ne s'agit pas ici d'une forme aussi visible d'accaparement, car elle indirecte, mais les conséquences pour les écosystèmes et les communautés sont tout aussi catastrophiques. En 2012, John Vidal, journaliste au Guardian a été l'un des premiers à tirer la sonnette d'alarme1 pour alerter sur l'une des facettes moins connues de ces phénomènes d'accaparement : l' « accaparement vert ». Il s'agit par exemple de la compensation carbone qui permet aux entreprises de continuer à extraire des énergies fossiles du sol, de les brûler … et de planter quelques arbres dans un pays du Sud pour « neutraliser » cette pollution. Mais, comme l'indique la Coalition Internationale pour l'accès à la Terre : « Le marché de la compensation carbone est un facteur émergent qui a d'ores et déjà entraîné des acquisitions de terres à grande échelle »2. Ce dossier se propose d'examiner cette question.
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SYLVAIN ANGERAND
Coordinateur des campagnes Les Amis de la Terre France 1/ Voir l'article du Guardian: The Great Green Grabbing http://www.theguardian.com/environment/2008/feb/13/conservation 2/ Voir l'article de Novethic : Accaparement des terres : un processus opaque et complexe
Ce document a été réalisé avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contanu ne reflète en aucun cas les positions de l'Union européenne.
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http://www.novethic.fr/novethic/ecologie,mondialisation,commerce_international,accaparement_terres_processus_opaque_et_complexe,136270.jsp
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REDD Compenser, le choix assumé pour mieux polluer Les mécanismes de compensation carbone reposent sur l’idée d’une « neutralité carbone » qui par des actions volontaires annuleraient les émissions de CO2 issue de la combustion des énergies fossiles. Le controversé mécanisme REDD compte parmi eux. Dangereux et inefficace selon nous. On estime qu'environ 12 à 15 % des émissions annuelles anthropiques de CO2 sont liées à la déforestation et à la dégradation des forêts. La lutte contre la déforestation constitue donc un enjeu majeur pour stabiliser le climat. C'est partant de ce principe, qu'en 2005, a été mis sur la table des négociations la création d'un nouveau mécanisme de Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD). Si l'idée a paru dans un premier temps séduisante, les discussions se sont très vite orientées non pas sur des actions à mettre en œuvre pour s'attaquer aux causes profondes de la déforestation (notamment la surconsommation) mais sur la possibilité pour les pays développés – et leurs entreprises – de compenser leurs émissions de carbone en plantant des arbres ou en finançant des programmes de conservation des forêts dans les pays du Sud. Les promoteurs de REDD affirment être capable de prévoir comment va évoluer la déforestation dans un pays – et donc d'élaborer un scénario de déforestation – et d'influencer ce scénario à travers un programme d'actions (renforcement de la surveillance des forêts, promotion d'alternatives à l'agriculture sur brûlis, etc.). De sérieuses critiques ont rapidement souligné l'absence d'opérationnalité et les failles d'un tel mécanisme1. D'une part, il est impossible de prévoir avec certitude l'évolution de la déforestation car ce phénomène dépend d'un grand nombre de paramètres – allant des aléas climatiques pari que les crédits carbone générés aux variations du cours mondial du soja pourront un jour être échangés sur un – et d'autre part, il est impossible d'avoir marché obligatoire. La stratégie adoptée l'assurance que limiter la déforestation à est celle du fait-accompli : court-circuiter un endroit ne vas pas simplement déplacer les négociations sur le le problème ailleurs. climat avec des processus Aujourd'hui, aucune « La compensation parallèles, mobiliser les réponse solide n'a été carbone volontaire institutions et les finanapportée à ces critiques et cements publics pour un relatif consensus est bien souvent un créer les conditions émerge pour reconnaître que l'intégration de crédits cheval de Troie utilisé favorables à l'intégration de REDD dans le carbone REDD au marché par les entreprises marché du carbone et du carbone n'est pas soupour anticiper et multiplier les projets haitable. Ainsi, en 2011, pilotes. l'Union européenne a influencer des Pour ces entreprises, la annoncé que les crédits contraintes réglecompensation volonREDD ne serait pas acceptaire ne constituerait tés dans le cadre du sysmentaires. » qu'un effort additionnel tème européen d'échanges aux contraintes réglede quotas au moins mentaires et n'aurait que peu d'impacts jusqu'en 2020. sur les négociations officielles. Mais les Pourtant, beaucoup de projets REDD passerelles entre compensation carbone continuent d'être développés de façon volontaire et création d'un marché du volontaire par des entreprises, des carbone obligatoire sont très étroites. acteurs financiers et des ONG qui font le
Ainsi, de nombreux développeurs de projets de compensation carbone volontaire viennent présenter leurs projets lors d'événements parallèles dans le cadre des négociations officielles sur le climat. Parfois, le projet n'est même pas présenté comme un projet de compensation volontaire mais simplement comme un projet visant à mesurer le stockage de carbone. C'est le cas du projet d'Air France/WWF/Good Planet à Madagascar d'abord présenté comme « un pur projet de mécénat visant à ... » et qui a désormais pour objectif de délivrer des crédits carbone. Cette évolution d'un projet soidisant scientifique de mesure du carbone à un projet délivrant des crédits carbone, n'est pas un cas isolé. En 1998, le premier projet de « puits de carbone » initié par Peugeot et l'ONF International au Brésil était présenté comme un projet à visée scientifique. Face aux critiques, Peugeot et l'ONF International se sont toujours défendus de vouloir générer des crédits carbone2. Or, en 2011, l'ONF
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DOSSIER - Carbone contre nourriture
International et Peugeot ont annoncé l'émission des premiers crédits carbone issus de ce projet3.
Greenwashing La compensation carbone volontaire est bien souvent un cheval de Troie utilisé par les entreprises pour anticiper et influencer des contraintes réglementaires. Conscientes des nombreux conflits que provoquent l’extraction de pétrole, les compagnies veulent à tout prix démontrer qu’elles souhaitent compenser les dommages qu’elles causent. La stratégie REDD tombe à point : elle leur permet de se faire une image écologiste et même d’en tirer profit, tout en continuant d’élargir leurs frontières d’exploration et d’exploitation du pétrole. BP, par exemple, extrait du pétrole dans le département de Casanare, en Colombie, depuis les années 1990, détruisant les forêts et d’importantes réserves d’eau. Il s’agit là d’un des nombreux projets pétroliers mis en œuvre
dans des communautés ancestrales et des territoires riches en biodiversité. Plutôt que d'arrêter cette exploitation, BP finance le projet REDD de Noel Kempff Mercado, en Bolivie pour se donner bonne image. Le géant pétrolier Shell, poursuivi en justice par les Amis de la Terre pour la destruction environnementale du delta du Niger et la pollution des terres du peuple Ogoni, s'est rué sur REDD. Shell, la société gazière russe Gazprom et la Fondation Clinton sont ainsi en train d’investir dans le projet REDD de Rimba Raya qui couvre 100 000 ha de forêt tropicale en Indonésie. Aux Etats-Unis, des entreprises comme General Motors ou Chevron, qui ont financé d'une main de puissants lobbies pour éviter une loi sur le climat, ont de l'autre financé de nombreux projets de compensation volontaires portés par des ONG – comme le projet REDD de Guaraquecaba au Brésil. Une façon d'éviter de mettre ses œufs dans le même panier et d'influencer cette loi si elles ne parviennent pas à la bloquer. Une stratégie payante car si, au niveau fédéral, les discussions sont dans l'impasse, en Californie – seul Etat en voie d'adopter une législation sur le climat – cette loi pourrait être largement édulcorée par la reconnaissance de ces mécanismes de compensation. Les investissements qui sont réalisés aujourd'hui par ces entreprises pour « améliorer les connaissances sur le carbone » ou « compenser de façon volontaire » prendraient alors tout leur sens car ils permettraient de pouvoir continuer à compenser, mais cette fois-ci, officiellement... pour mieux polluer sauvagement.
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SYLVAIN ANGERAND
Coordinateur des campagnes Les Amis de la Terre France
1/ Voir par exemple l'artcile d'Alain Karsenty du CIRAD : Ce que le marché (carbone) ne peut faire http://www.cirad.fr/media/documents/publicationset-ressources-doc/perspective/deforestation-et-changement-climatique-agir-sur-les-causes 2/ « La société Peugeot a précisé qu'elle avait fait le choix de ne pas inclure ce projet dans les Mécanismes de développement propre mis en place par le protocole de Kyoto. » http://www.actuenvironnement.com/ae/news/1377.php 3/ Voir le communique de presse de l'ONF International : http://www.onf.fr/presse_medias/++oid++15b4/@@display_press.html
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Non au riz REDD ! Le 6 décembre 2013, de nombreuses organisations – dont les Amis de la Terre Indonésie – ont manifesté lors d’un sommet de l'OMC pour protester contre les projets de développer le riz OGM... au prétexte qu'il serait une solution pour le climat ! Dans le manifeste rendu public à cette occasion1, les organisations dénoncent ce qu'elles appellent le « Riz REDD » : « De nombreux signaux montrent que les entreprises les plus polluantes du monde veulent utiliser la culture du riz comme un moyen de compenser leurs émissions de carbone plutôt que de les réduire » explique Tom BK Goldtooth, directeur de Indigenous Environmental Network. De plus en plus exposée et critiquée, l'industrie des biotechnologies essaye de contourner les oppositions en adaptant ses messages : les semences ne sont plus « Round-Up Ready » (« résistantes au Round-Up ») mais « Climate-Ready » (« résistantes au climat »). Derrière cette nouvelle campagne de promotion, les semenciers détournent le débat scientifique sur l'intérêt des cultures sans labour à leur profit. En effet, le labourage excessif des sols diminuerait sa capacité à stocker le carbone. Avec les semences OGM, résistantes aux herbicides : plus de labour ! Pour limiter la concurrence avec d'autres plantes, un bon coup de Round-Up suffit et en plus c'est bon pour le climat. Sous la pression de ces entreprises, les négociations autour de la création d'un mécanisme de lutte contre la déforestation ont ainsi progressivement dérivé vers l'agriculture et les sols. Au cœur des enjeux, la promotion des semences « Climate-Ready » mais aussi les « biocharbons », en plein développement en Afrique. Inspiré d'une technique traditionnelle d'Amérique centrale (la « Terra Preta »), il s'agit cette fois d'enrichir artificiellement les sols en carbone, en y mélangeant par exemple de grande quantité de charbon de bois. Peu importe que les effets à grande échelle de cette technique soit controversée et que le risque d'accaparement des terres soit réel du moment que cela permet de générer des crédits carbone.
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S.A.
1/ http://no-redd.com/no-redd-rice-manifesto-no-wtono-redd-no-to-using-rice-for-carbon-markets-2/
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Entretien Qui se cache derrière REDD ?
© FERN.
Hannah Mowat, chargée de campagne Compensation carbone et biodiversité pour FERN, a répondu à nos questions sur les acteurs-clés du mécanisme REDD.
Action le 21 novembre 2013 à Edinbourg (Ecosse) lors du Forum "La nature n'est pas à vendre !".
Peux-tu nous expliquer pourquoi il n'est pas possible scientifiquement de planter des arbres ou de protéger des forêts pour compenser nos émissions de carbone ? Pour croître, un arbre absorbe du dioxyde de carbone (CO2) et le transforme en molécules organiques – c'est la photosynthèse. La compensation carbone forestière détourne ce principe en prétendant qu'il est possible de compenser l'émission de CO2 fossile dans l'atmosphère par ce phénomène. Un mensonge pour plusieurs raisons… D'abord, il n’y a pas assez d’arbres sur terre, ni de place pour en planter, pour absorber tout le carbone fossile encore sous terre1. Ensuite, les promoteurs de cette compensation expliquent qu'il faut 100 ans pour absorber une unité de CO2. Or, la science a montré qu'après 100 ans, une grande partie de ce CO2 ne pouvait pas être absorbé par la végétation car ce phénomène est en équilibre dynamique avec la dissolution du carbone des sédiments des océans... qui prend entre 5000 et 10 000 ans. Enfin, et c'est sans doute l'argument le plus important, le stockage de carbone dans un arbre n'est que temporaire : lors des sécheresses, ou pire d'incendies, les arbres libèrent ce carbone dans l'atmopshère. Or, si nous ne ralentissons pas les changements climatiques (en arrêtant de brûler du pétrole ou du charbon, la fréquence de ces incendies ne fera qu'augmenter). Ces arguments sont développés dans notre nouveau rapport 2.
Qui fait la promotion de ce type de compensation et pourquoi? La compensation carbone est un élément central de l' « économie verte ». Il est facile de comprendre pourquoi les entreprises aiment la compensation : le mécanisme est bien pratique pour elles ! Il leur permet de continuer à polluer sans ruiner leur image. Alors que les opinions publiques sont de plus en plus sensibilisées aux changements climatiques, il est mal vu de polluer « sans modération ». Avec la compensation, on crée une sorte de « droit de polluer » : il est possible de continuer à polluer tant que l'on plante des arbres. C’est pour cela que la compensation carbone est aussi dangereuse : il faut bien sûr protéger les forêts mais aussi arrêter de brûler des énergies fossiles, et non pas choisir entre l'un ou l'autre. Certains gouvernements (surtout l’Union européenne, la Norvège, la Suisse et les Etats Unis) sont favorables à la compensation parce que c’est une politique climatique pragmatique, bon marché, soutenue par les entreprises et donc plus facile à faire accepter. La compensation ne remet pas en cause le système, ni le mode de vie de leurs électeurs, contrairement à ce qu'il conviendrait de mettre en place : un changement radical. Qu’en est-il des associations ? Les grandes associations de conservation comme Conservation International ou le WWF International soutiennent la com-
1/ http://cci.anu.edu.au/storage/nclimate1804.pdf 2/ http://www.fern.org/sites/fern.org/files/misleadingnumbers_full%20report.pdf 3/http://www.fern.org/sites/fern.org/files/Nhambita_FR_internet.pdf
pensation carbone forestière car c'est une source de revenu pour financer leurs actions. Mais, c'est une stratégie de court terme car avec les changements climatiques, les grandes forêts tropicales, telles que nous les connaissons, disparaîtront. Pour sauver les forêts, il faut réduire la consommation de carbone fossile, et non pas faire la promotion de solutions qui permettent de la poursuivre. Enfin, certaines associations de solidarité internationale considèrent que la compensation carbone peut-être une source potentielle de revenus pour les communautés des pays en voie de développement. L’argent créé par des projets de compensation serait censé apporter des améliorations durables de la qualité de vie. Mais très peu d’argent arrive en réalité aux communautés – comme le montre notre étude de cas au Mozambique3 – et surtout ces financements impliquent des restrictions de droits comme l'interdiction de cultiver les terres ou de récolter du bois énergie. Quel est la position de l'Union européenne, où en est le sujet dans le cadre des négociations sur le climat ? Quel est l'enjeu pour la COP 2015 ? L'union européenne est l’un des premiers promoteurs des mécanismes de marché et de compensation. A Varsovie, l'Europe a soutenu, heureusement sans succès, le Framework for Various Approches dont l'objectif est de créer des passerelles entre les initiatives de compensation volontaires et les obligations réglementaires des entreprises. C'est un enjeu-clé pour la conférence de Paris en 2015.
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PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN ANGERAND
L'histoire de REDD Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, FERN, en partenariat avec les Amis de la Terre France et d'autres organisations, a réalisé une vidéo pédagogique de 6 minutes intitulée « L'histoire de REDD ». A voir ici : www.amisdelaterre.org/histoireREDD
DOSSIER - Carbone contre nourriture
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REDD+ à Madagascar : le carbone qui cache la forêt
© Sophie Chapelle
Les Amis de la Terre France et Basta! ont, à l’issue d’une mission, rédigé un rapport qui révèle les risques sociaux et environnementaux associés à la compensation carbone.
Les crédits carbone n’attirent pas seulement les grandes entreprises. Les ONG de conservation misent aussi sur la vente de cette « monnaie climatique » pour financer leurs actions de lutte contre la déforestation. C'est le cas avec le projet holistique de conservation des forêts (PHCF) mis en œuvre par WWF Madagascar et ETC Terra, aux côtés de la fondation GoodPlanet, et financé par Air France (5 millions d'euros entre 2008 et 2012). L'enjeu, préserver « plus de 32 millions de tonnes de carbone stockées ». Mise en place d'aires protégées (470 000 hectares), reboisement, restauration de forêts dégradées, tout en formant les communautés locales à la gestion durable de ce patrimoine vivant, sont autant d'objectifs affirmés par les promoteurs du projet. Ils prévoient de délivrer des crédits carbone dans la deuxième phase du projet, et en sont au stade de la certification. Une mission de terrain organisée en mai 2013, dans le cadre d'un partenariat entre le site d'informations Basta! (www.bastamag.net) et les Amis de la Terre, a permis de constater les impacts de ce projet sur les habitants d'une forêt épineuse. Dans la nouvelle aire protégée d’Ifotaka, au sud-est de l’île, l'accès aux ressources naturelles a été restreint pour les paysans. Ils doivent désormais demander un permis
de coupe payant. La forêt dans laquelle ils vivent a été délimitée en plusieurs zones avec des droits d’usage extrêmement variables. La pratique agricole traditionnelle qui consiste à brûler la végétation pour cultiver (« hatsaky ») est désormais interdite car elle est considérée par le WWF comme l’un des principaux moteurs de la déforestation. Les autres activités dont dépendent les villageois – pâturage des zébus, coupe de bois, collecte de bois de chauffe, de plantes médicinales et de miel – sont désormais encadrées par le « COBA », l’association locale en charge de la gestion de la forêt. Une personne prise en flagrant délit de coupe risque une amende de 60 000 Ariary (21 euros) et un zébu, ce qui constitue une somme exorbitante pour les malgaches1. Si la personne n’est pas en mesure de payer, la sanction peut aussi être pénale, de 6 mois à un an d’emprisonnement, confirme un représentant de l’administration.
zones protégées, tout en diffusant des « techniques alternatives » à l’ensemble des habitants, est « tout simplement impossible compte tenu du grand nombre de ménages à accompagner vers des pratiques plus durables. » Les porteurs de projet ont annoncé vouloir concentrer leurs activités sur les forêts humides qui captent plus de carbone. Les populations vivant à l’intérieur des forêts épineuses comme à Ifotaka ne savent pas encore que leur lieu de vie n’est plus considéré comme prioritaire. La restriction de leurs droits à la terre risque donc de n'être jamais suivie par les compensations promises. L'association des Amis de la Terre préconise d' « abandonner cette trop grande attention au carbone en se concentrant d’abord sur les besoins des communautés ».
Le lieu de vie des populations, pas prioritaire
Voir le rapport : « REDD+ à Madagascar : le carbone qui cache la forêt » : http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/rap p_madagascar_web_ok_10_7_13.pdf Lire sur le site de Basta ! : http://www.bastamag.net/Avec-Air-France-compenser-les et http://www.bastamag.net/Quand-des-ONGenvironnementales
Une partie des villageois, dont les zones disponibles pour l’agriculture et la collecte de bois ont été restreintes, attendent toujours des compensations. Selon GoodPlanet/ETC Terra, arriver à « un arrêt intégral de la déforestation » dans les
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SOPHIE CHAPELLE
En savoir plus :
1/ Le revenu mensuel moyen malgache est de 100 000 AR (35 euros) et la valeur d’un zébu peut aller de 400 000 Ar (140 euros) à 1 000 000 Ar (350 euros) !
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REDD+ Le Kenya, terrain de jeu des institutions financières publiques et privées Des milliers de maisons en feu, détruites avec l'ensemble des biens de ceux qui y habitaient.... En janvier 2013, les forces de sécurité kényanes, armées de mitrailleuses AK-47, commençaient à raser les quelques 15 000 maisons des populations Sengwer, accusées de squatter, afin de les chasser des collines de Cherangany1. Le gouvernement kényan accuse la communauté Sengwer de détruire la forêt et de contribuer à l'assèchement des rivières qui alimentent en eau les villages et villes environnants. Au nom de la conservation des écosystèmes et plus particulièrement des forêts, il mène, depuis 2007, une politique d'expulsion que les Sengwer n'hésitent pas à qualifier de tentative de génocide. La communauté autochtone des Sengwer occupe ces terres ancestrales mais leurs droits d'usage ne sont pas reconnus par le gouvernement. Sa politique de mise sous cloche des forêts menace aujourd'hui la survie de ces populations. Car en perdant leur droit d'accéder aux forêts, les Sengwer ne peuvent plus satisfaire leurs besoins en bois de chauffe, eau, matériaux de construction, etc. La politique du gouvernement kényan est impulsée par les bailleurs internationaux, à commencer par la Banque mondiale
qui finance les programmes de préparation à REDD+ dans plusieurs pays. Le Kenya figure parmi les premiers pays à avoir signé l’un de ces programmes2, et est devenu un gigantesque laboratoire REDD+. Depuis 20083, la Banque mondiale y modifie les pratiques et met en place de nouvelles institutions4 afin de préparer le futur terrain de jeu sur lequel se pressent déjà un nombre croissant d'investisseurs privés.
Un marché juteux Christian del Valle, l'ancien « Monsieur Forêts et Marchés environnementaux » de BNP Paribas est un pionnier de la financiarisation des forêts. En 2010, il convainc la banque de participer à un projet REDD+
au Kenya5, le premier à avoir généré des crédits carbones forestiers. Christian del Valle a ensuite quitté la banque restée en marge de ce nouveau marché pour créer Althelia Climate Fund – un fonds de gestion d'actifs spécialisé dans la génération de crédits carbone forestiers et autres crédits éco-systémiques. Et pour réunir les fonds nécessaires au financement de projets REDD+, cet ancien de BNP a mobilisé l'ensemble de ses réseaux privés et publics. En 2013, il sécurise ainsi 65 millions d'euros, dont 25 millions d'euros auprès de la Banque européenne d'investissement qui fait ainsi son entrée dans ce secteur6. Un projet REDD+ destiné à générer un million de crédits carbone forestiers chaque année est déjà programmé au Kenya. Mais, tout comme les autres, ce projet ne résoudra ni la crise climatique ni les problèmes développement des populations du Sud. Si la stratégie de la BEI n'est pas encore lisible, les Amis de la Terre disent dès à présent non aux programmes REDD+ et non au greenwashing de la BEI qui soutiendrait d'une main des projets dits verts et continuerait de l'autre à financer des projets fossiles.
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LUCIE PINSON
Chargée de campagne Coface et finance privée
1/ http://newint.org/features/web-exclusive/2014/01/23/sengwer-forest-evictions/
2/ http://wbi.worldbank.org/wbi/Data/wbi/wbicms/files/drupal-acquia/wbi/2%20-%20REDD%20Readiness%20and%20FCPF%20-%20A.Lotsch.pdf 3/ http://vh-gfc.dpi.nl/img/userpics/File/REDD/REDD-in-Kenya.pdf 4/ http://www.forestcarbonpartnership.org/sites/fcp/files/Documents/tagged/Kenya%20Progress%20Sheet_October%202012.pdf 5/ http://www.coderedd.org/redd-project-devs/wildlife-works-carbon-kasigau-corridor/ 6/ http://europa.eu/rapid/press-release_BEI-13-86_fr.htm
Vinci : silence, on plante ! Alors qu'à Notre-Dame-des-Landes ou à Khimki (Russie), les luttes contre les projets de Vinci ne faiblissent pas, à 10 000 km de là, l'entreprise prépare le futur... en plantant des arbres. Oui, la compensation fait partie des stratégies de plus en plus utilisées par les entreprises pour étouffer les contestations et imposer leurs projets. En partenariat avec Pure Projet, une entreprise qui accompagne les démarches de compensation, Vinci s'est engagé à replanter un arbre pour chacun des 180 000 employés du groupe, dans la région de San Martin au Pérou. Lors d'une émission de radio sur France Inter, Tristan Lecomte, fondateur de Pure projet, explique ses motivations : « [Lorsque Vinci construit une autoroute, l'entreprise doit parfois traverser des forêts]... Comment est-ce qu'ils peuvent intégrer l'impact qu'ils ont eu sur les forêts ? En intégrant un projet forestier qui va réparer ce qui a pu être dégradé. Comme ça quand Vinci va voir un gouvernement […], ils peuvent dire : nous on peut faire le tracé, construire [l'autoroute], l'exploiter pendant 40 ans mais aussi compenser l'intégralité des dommages sociaux et environnementaux que l'on va créer [...] et ils font appel à nous pour monter ce Pure projet »1. Les Amis de la Terre France ont voulu savoir à quoi ressemblait ce « Pure projet ». En juin 2013, nous avons financé un premier atelier d'information et de renforcement des communautés. Diego Cardona des Amis de la Terre Colombie est venu présenter les conséquences de nombreux projets REDD en Amérique du Sud et ce que signifient les clauses de nombreux contrats proposés par les entreprises. Puis, en novembre 2013, nous sommes allés constater sur le terrain le décalage entre la réalité et la campagne de promotion en France de cette initiative. Un rapport et une vidéo sont prévus pour avril 2014.
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SYLVAIN ANGERAND
1/ Extrait de l'émission « Ils changent le Monde » de France Inter le 12 juillet 2012. http://www.franceinter.fr/emission-ils-changent-le-monde-tristan-lecomte
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Alternatives Transition énergétique : les citoyens veillent La transition énergétique est, après un simulacre de débat citoyen, prise en étau entre des représentants du patronat indifférents et un gouvernement de mauvaise volonté. Un marasme qui n’atteint pas les actions citoyennes. La loi sur la Transition énergétique, dont on attendait les premiers éléments pour janvier 2014, n’est toujours pas sur la table de la Commission spécialisée au sein de laquelle des associations pourront émettre leurs premiers commentaires. En parallèle, le ministère de l’Ecologie résonne de l’absence de son ministre, reléguant aux services techniques le soin de rédiger le projet de loi. Comme si l’environnement et le climat n’étaient pas des sujets transversaux conditionnant l’ensemble des enjeux sociétaux (emplois, précarité énergétique, modes de consommation et de production, transports, etc.) et ne méritaient pas, à ce titre, de pilotage politique ! Et pour finir, au nez et à la barbe des citoyens qui s’étaient bravement démenés lors du débat public pour tenter de donner du corps à cette transition énergétique, voilà qu’apparaissent dans le plan proposé par le gouvernement des éléments qui, eux, n’ont jamais été discutés, comme le site d’enfouissement de déchets nucléaire Bure (Meuse). Tenterait-on de se servir de la loi sur la transition énergétique pour faire passer, tel un cheval de Troie législatif, le projet controversé Cigéo ?
Penser la transition à tous les niveaux Ce marasme politique n’enterrera pas la transition énergétique ! Les citoyens veillent et, partout, se mobilisent, en mettant sur
pied leurs propres alternatives de consommation, de production et de maîtrise locales de l’énergie, de modes de transport... Autant d’initiatives qui contribuent à une transition non seulement énergétique, mais aussi sociale, politique et humaniste. Ils se mobilisent également en alliant leurs voix et leurs idées. L'expansion du mouvement Alternatiba en est l’une des illustrations, avec sa vingtaine de villages des alternatives en préparation en France et en Europe (et jusqu’à Tahiti !) et la création d’une coordination internationale en février 2014 à Nantes. Cette coordination est d’ailleurs venue grossir les rangs du Collectif pour une Transition Citoyenne, autre exemple réussi d’un élan commun en vue d’un changement de société. Ainsi, le 1er février, cette énergie collective a jailli dans 85 lieux de France où les citoyens ont organisé des conférences sur la transition, des ateliers pratiques et créatifs, des échanges d’expérience, des moments conviviaux… sans manquer de rappeler aux futurs élus municipaux leur responsabilité face à la prise en compte de ces alternatives. Si les Amis de la Terre continuent à pousser pour des mesures législatives ambitieuses, ils œuvrent également sur le terrain, aux cotés de nombreux autres citoyens et citoyennes, pour mettre en place et promouvoir cette transition, bel et bien déjà en marche.
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MALIKA PEYRAUT
Chargée de campagne Les Amis de la Terre France
En savoir plus : « Prenons notre avenir en mains ! » - L’appel du Collectif pour une Transition citoyenne : http://www.amisdelaterre.org/Prenonsnotre-avenir-en-main.html « 10, 100, 1000 villages des Alternatiba en France » : http://alternatiba.eu/
Reprendre le pouvoir aux multinationales et aux lobbies A l’ère du néolibéralisme sauvage et de la concentration financière, l’opacité des multinationales se traduit, outre leur pouvoir économique, par leur poids écrasant dans la société. Les liaisons entre les grandes firmes, les « experts » et les Etats sont telles que la force des lobbies leur permet d’orienter, à leur seul avantage, des choix technologiques et politiques, et de prendre en otage les citoyens, les peuples, l’environnement. Les Amis de la Terre militent dans le cadre de leurs campagnes pour un encadrement plus strict de la responsabilité des acteurs financiers et des entreprises et pour la défense des principes de transparence et d’indépendance de la décision publique. Dans son livre Plaidoyer pour un contre-lobbying citoyen Benjamin Sourice (ancien salarié de l’association) étudie en détail les méthodes de lobbying moderne et les mécanismes conduisant à la capture de la prise de décision publique par des intérêts privés. Il s’appuie sur l’étude de divers scandales – amiante, Mediator, OGM – et illustre son propos d’exemples récents pour éclairer les rouages opaques d’un système évoluant aux marges du lobbying et de la corruption. Ces manquements graves finissant par jeter indistinctement l’opprobre sur l’action publique et ses représentants, ils nourrissent in fine la démagogie populiste au détriment du projet démocratique. Développant une analyse des alternatives, cet ouvrage est aussi un appel aux citoyens pour ériger de nouveaux contre-pouvoirs afin de penser la démocratie de demain, entre ouverture et participation citoyenne. Plaidoyer pour un contre-lobbying citoyen, Benjamin Sourice, éditions Charles Leopold Mayer, février 2014. Cet ouvrage est paru en partenariat avec la Fondation Sciences Citoyennes et le CEO.
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Mauvais plan L’ADEME dit enfin la vérité sur les véhicules électriques L'ADEME a publié son bilan sur les impacts environnementaux des véhicules électriques1.La voiture électrique réduit très peu les émissions de CO2 - à moins d'être alimentée en électricité nucléaire ; elle consomme beaucoup de ressources rares : le résultat est loin du miracle annoncé. Un véhicule électrique et un diesel consomment au total autant d'énergie primaire l'un que l'autre (un peu plus pour une voiture à essence) : ainsi, pas d'économie d'énergie à attendre de la voiture électrique. La fabrication du véhicule représente 20 % du total dans le cas du diesel, et 37 % pour l'électrique.
Et l'impact sur le climat ? Tout dépend de la source d'électricité.
Pas de gaz d'échappement toxiques pour le véhicule électrique certes, mais sa fabrication consomme beaucoup plus de ressources fossiles et rares que celle d’un véhicule essence ou diesel. A elle seule, la batterie consomme le plus de ressources minérales et représente la moitié de l'énergie consommée. Les progrès techniques ne devraient guère changer ce bilan à l'horizon 2020…
Avec l'électricité allemande, issue à plus de 40 % du charbon, un véhicule électrique émet à peu près autant de CO2 qu'un véhicule diesel sur 100 000 km, ou 10 % de moins s'il roule 150 000km, en admettant qu'il n'y ait pas besoin de changer de batterie entre-temps (ce qui reste douteux). Le bilan est un peu meilleur pour le véhicule électrique dans d'autres pays d'Europe, vu la nature de leur électricité. Mais pour trouver une vraie différence, il faut venir en France. Avec 76,5 % d'électricité nucléaire en 2012 (74 % en 2020, selon le scénario de l'ADEME), le véhicule électrique émettra 55 % de CO2 en moins sur 150 000 km. Le véhicule électrique ne vaut donc que par le nucléaire. Mais pourquoi pas les énergies renouvelables ? Parce qu'il est déjà très difficile de remplacer l'électricité existante par des renouvelables, comme le montre l'exemple allemand, sans avoir en sus de nouveaux usages à couvrir.
Pour les Amis de la Terre, la voiture électrique appuyée sur le nucléaire n'est pas une solution acceptable. Les risques du nucléaire, le problème de ses déchets, l'impact sur les pays producteurs d'uranium sont absents de l'étude de l'ADEME. De plus, la "solution de mobilité" offerte par le véhicule électrique ne tient pas la route. Selon le scénario de base de l'ADEME, une voiture électrique est un véhicule urbain (compte tenu de l'autonomie limitée des batteries), qui roule 150 000 km en 10 ans de vie, soit 40 km par jour parcourus en voiture en ville. Ce n'est pas un usage efficace et cela relève en soi du gaspillage.
La vraie solution existe : les transports en commun et les circulations actives. D'un côté, il doit y avoir des véhicules partagés, auxquels chacun peut recourir de façon épisodique quand une voiture est vraiment utile : taxis, autopartage. Pour un usage urbain quotidien, les transports en commun et le vélo sont la seule solution soutenable. Ils permettent, sans innovation technologique majeure, sans prise de risque sur l'environnement et la santé, de réduire les impacts de nos déplacements d'un facteur 4 dans les délais rapides exigés par la transition écologique.
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JEAN-FRANÇOIS PATINGRE
1/ Analyse du cycle de vie comparative véhicule électrique, véhicule thermique http://www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=90511&p1=00&p2=12&ref=17597 . L'étude a été réalisée en 2011 et 2012, mais publiée seulement en novembre 2013, peut être parce qu'elle ne va pas dans le sens souhaité par certains.
Vie associative Renforcer le réseau
Afin de renforcer les liens dans la fédération, des réunions téléphoniques de réseau sont régulièremment organisées. Ces réunions sont organisées le lundi soir de 18h30 à 19h30 avec un rythme mensuel, alternant une réunion thématique et une réunion de circulation de l'information. C'est à chaque groupe local de s'organiser pour être représenté par un bénévole actif pour les réunions d'informations. Les réunions thématiques, plus ouvertes, sont ouvertes à tous les militant/e/s, y compris celles et ceux qui sont en dehors d'un groupe local. Nous rappelons également que des listes d'informations et de débats thématiques existent et sont ouvertes à tous les adhérent(e)s. Ces listes d'échanges sont la base de notre fonctionnement démocratique car elles permettent d'élaborer nos positions, de discuter de nos projets et de renforcer notre cohésion. Plusieurs listes sont aujourd'hui ouvertes et actives: agriculture, climat-énergie, justice économique, transition... et d'autres sont pour l'instant en sommeil et n'attendent que l'investissement des militant/e/s pour se réveiller (santé, risque...). RDV - Prochaine réunion téléphonique d'information: le lundi 14 avril 2014. Pour s'inscrire sur les listes d'échanges, visitez la page www.amisdelaterre.org/commissions