La Baleine 179 - En route vers les sociétés soutenables !

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En route vers les sociétés soutenables !

mars 2015 / 3€20 N°179


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TEXTES LIBRES

A Luz et Fabrice Nicolino, survivants de Charlie Vos réactions sont opposées : de ton lit d'hôpital, Fabrice, tu brasses des métaphores pleines d'espoir tandis que Luz, sous le coup de l'émotion et peut-être pour t'en défendre, tu as dit : « Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes » Examiner les dogmes, les tabous, les fantasmes qui du coup cessent d'être tels ?Bravo ! La charge d'oppression qu'ils contiennent disparaît comme neige au soleil sous la lumière de la réflexion critique et sous la chaleur du rire : rien de plus salutaire ! Exerçons, notre esprit critique, y compris sous le choc de l'émotion. Par contre, détruire les symboles, c'est jeter le bébé avec l'eau du bain ! D'autres « Charlie », Bernard Maris plaçait la poésie bien au dessus de l'économie et Tignous qui voyait dans le sort réservé aux pandas un raccourci de nos rapports sociaux. Tous les arts ont pour but de RÉVÉLER DES CORRESPONDANCES. Cette force symbolique agit comme un levier qui soulève l'inertie de ce qui nous opprime.

Regardons sur cette page le dessin de Charb qui dénonce par avance les annonces de Ségolène Royal : Comment agit sa caricature ? Elle enfonce son levier sous l'écrasant pouvoir du lobby, révèle la servilité cachée sous le pouvoir, la vulgarité brutale dissimulée sous les ors et la pourpre du ministère, renforce par l'insulte à l'orthographe la laideur du trait... et, à l'autre bout du levier qui traverse notre inconscient collectif, provoque NOTRE RÉVOLTE ! C'est ça le paradoxe du rire : il part de notre faiblesse, en rajoute une couche, et se transforme mystérieusement en une pulsion collective venue des profondeurs de la vie, plus forte que la mort ! A condition de ne pas laisser Hubris détourner le sens des signes à son profit, ce que Camus appelle « ajouter au malheur du monde ». Que révèle, Luz, ton dessin de couverture du Charlie post attentat ? Rien d'autre que ta propre obsession ! Le phallus honoré par les anciens Romains et par les Indiens devient par ton crayon l'insulte ultime qui nie l'existence de l'autre.

Tu as trompé de nombreux acheteurs qui voulaient soutenir la liberté d'expression et tu les rends complices de la haine qui, par ricochet, a embrasé le monde musulman. Il va être difficile de dé-symboliser et re-symboliser tout ça, difficile de faire admettre ta thèse « je ne suis qu'un sale gosse fou de chagrin » ... Il y a trop d'horreur, de haine, de confusion... et tu en rajoutes ! Réveillons-nous de cette hypnose cauchemardesque ! Faisons une place dans notre vision du monde à ceux qui sont différents de nous. Si nous nions leur humanité, leur dignité, leur besoin de spiritualité, si nous coupons tous les ponts de compréhension possible, nous nous rendons co-responsables de leur dérive dans la folie. Nous ne sommes jamais sûrs de notre sagesse mais au moins, choisissons le sens de notre rire : ricanement ? ou rire de FRATERNITÉ ? On lit sur ton blog, Fabrice, que tu as choisis l'amitié et le « Grand Partage » : merci et à bientôt !

Le pouvoir à tout prix

une chaîne où tout se tient, depuis les Au moment où l'attention était fixée sur mines d'uranium dans le Sahel, depuis le terrorisme, Ségolène Royal a déclaré : les réacteurs, jusqu'à la bombe et « De nouvelles centrales nucléaires jusqu'aux déchets radioactifs, en passant devront être construites en France pour par les prises qui nous rendent captifs du assurer le remplacement d'une partie du courant... parc actuel vieillissant... » Tous les pays du monde ont compris Le dessinateur Charb de Charlie Hebdo l'absurdité du pari nucléaire et le crime lui avait répondu d'avance : un ministre envers les générations futures qui ça lèche le lobby nucléaire ou ça ferme sa consiste à briser des atomes pour une gueule. Et cela vaut pour une ministre PROFUSION d'énergie dite... "de l'écologie" ! momentanée... payée par Qu'est-ce qui lui a pris ? « Ainsi, au mépris de la CONTAMINATION milHubris l'a piquée !? lénaire des déchets, plus Hubris c'est le pouvoir à l'écologie, Ségolène radioactifs et plus dantout prix et "Le pouvoir à tout prix", c'est déjà le Royal s'est convertie à gereux que l'uranium de départ. Le monde entier titre du livre qui retrace la chaîne atomique. » s'accommode d'une part l'ascension de la femme infime de nucléaire qui a porté Areva à sa (moins de 4 %). Seule la faillite retentissante ( France s’entête – la FRANCE ? Jamais payée par les contribuables...) Les deux consultée ! – non, ses dirigeants, femmes savent que l'atome est porteur hommes et femmes enivrés par le poude pouvoir absolu : on brasse des milvoir décrit plus haut. liards, on intimide les chefs d'Etats, on La récente Loi de Transition énergétique retient captifs des millions de consompromet de faire passer la part du mateurs, on est couvert par le secret milinucléaire dans la production d'électricité taro-industriel, on a la police et les de 75 % à 50 %. Ce n'est grand-chose par armées à son service. De quoi enivrer les rapport à sa part de 4 % dans le monde Égo ! mais cela semblait mener vers une Ainsi, au mépris de l'écologie dont elle réduction... Eh bien NON ! détient le ministère, Ségolène Royal s'est La ministre annonce un coup de force : convertie à la chaîne atomique. Car c'est

l'argent de tous va être offert sous forme de bonus de 10 000 euros aux acheteurs généralement aisés de voitures électriques. Ces voitures seront rechargées sur le réseau largement alimenté par le nucléaire...! C'est en fait un cadeau au lobby : la consommation va augmenter et pour que le nucléaire assure les 50 % promis par la loi il va falloir... relancer la filière moribonde ! Pure escroquerie !

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LES AMIS DE LA TERRE POITOU

Refusons le fanatisme de la croissance et l'arrogance du pouvoir à tout prix ! Lien : http://www.legrandpan.org


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EDITO

2015 : année stratégique, stratégies d'alliances Deux ans qu'on parle de cette année comme d'une année particulière. Pour sûr, dans nos réseaux tout le monde s'accorde à dire qu'elle est importante. Mais pour quoi ? 2015, année du climat, décrétée grande cause nationale par le gouvernement. La COP 21 est en ligne de mire et décembre va vite arriver. Dès 2013, notre fédération a identifié ce sommet comme un objectif stratégique et acté ce fait en Assemblée fédérale. La COP 21, grande messe onusienne sur le climat se tiendra à Paris en décembre. Les représentants de près de 200 pays se rassembleront pour trouver un accord sur le climat. Doit-on en attendre quelque chose ? Voulons-nous un accord juste, ambitieux et contraignant pour lutter contre le dérèglement climatique ? Bien sûr, mais nous savons pertinemment qu'il ne viendra pas de ce processus qui, par son fonctionnement propre, ne peut aboutir à un accord à la hauteur des enjeux. Alors pourquoi batailler, pourquoi se mobiliser ? L'enjeu est au-delà ce sommet. C'est l'après 2015 qu'il faut construire dès maintenant. Le climat a besoin de forces militantes, structurées et efficaces pour le défendre. L'enjeu est donc là, dans la mobilisation et la capacité de nos mouvements à s'organiser

et à s'allier pour construire un contre-pouvoir qui soit imposant et devienne plus fort que les lobbies qui mènent la danse à l'heure actuelle. Bien sûr, des batailles, il faudra en gagner cette année. À notre portée, quelques victoires offensives et d'autres défensives, pour éviter l'échec total de ces négociations. Mais la réalité est là, c'est une nouvelle génération militante qui doit se mettre en ordre de marche à l'occasion de la COP pour exploser après la COP. Le sommet de Paris n'est qu'un début, une occasion unique de construire le monde de demain. Pour cela, les militants doivent se rassembler, travailler aux convergences, se concentrer sur ce qui nous rassemble et non sur ce qui nous divise. Nos différences sont une force et non une faiblesse. Les multinationales qui dominent le monde se livrent des combats fratricides sur les marchés financiers au quotidien et leurs divergences sont colossales. Pourtant quand il s'agit de défendre leurs intérêts, ils sont main dans la main et utilisent toutes leurs forces pour peser sur les gouvernements et façonner le monde à leur image, guidés par leurs intérêts particuliers.

Leur force ? La stratégie et les alliances. À nous de nous mettre en mouvement et de nous appliquer à nous organiser. Fini les querelles de chapelles, et mettons-y toutes nos forces. Pour ce numéro de la Baleine, des alliances se sont naturellement mises en place. Tout d'abord, notre dossier central sur les sociétés soutenables, seules alternatives réalistes au système capitaliste dominant. Il est construit en partenariat avec l'équipe de Paul Ariès du journal des Z'indigné(e)s, ensuite, c'est avec Daniel Ibanez, opposant au Lyon-Turin, pour la sortie de son livre, reflet d'une lutte au cœur des dérives liées aux projets inutiles et imposés. Les sociétés soutenables, c'est aussi et bien sûr par la mise en place des alternatives locales concrètes, tout de suite et sans attendre. Pour ce faire, l'initiative d'Alain Duez et des amis de l'Age de faire a besoin de vous pour lancer le premier journal de masse dédié à la transition. Sortons du cercle des convaincus, c'est tout un chacun qui doit se mettre en marche et Demain en mains en est un moyen. FLORENT COMPAIN

Président des Amis de la Terre France

On a tout à gagner à s'allier. Les différences qui nous séparent sont bien plus faibles que les leurs.

SOMMAIRE 2 > TEXTES LIBRES Salut Luz ! Le pouvoir à tout prix 4 > VIE ASSOCIATIVE Les jeux, un outil de mobilisation efficace Lancement d'un groupe de travail « développement de la fédération »

7-8 > INTERNATIONAL 2015, notre année du climat Mon argent finance-t-il les changements climatiques ? La situation difficile des défenseurs de la nature en Equateur Régulation des multinationales : une occasion historique manquée

5-6 > REGIONS 51 artistes face à l’autoroute 51

9-14 > DOSSIER > En route vers

On parle du paysage avec les Amis de la Terre Côte-d’Or

Edito

Ras le bol d’immondices

les sociétés soutenables ! De l'importance d'être indigné-e Viv(r)e la gratuité Champs libres une expérience soutenable réussie !

Les milieux populaires au secours de la planète Equité, sobriété, solidarité, les valeurs à la base des sociétés soutenables Forum national de la désobéissance En chemin vers des sociétés soutenables Traquer l’insoutenable, toujours 15 > PUBLICATIONS Avec nos sabots ! « Trafics en tous genres » 16 > PRATIQUES, HUMEURS Lutte contre l’obsolescence programmée, mode d’emploi L’information indépendante pour tous

Le Courrier de La Baleine n°179

« Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. »

Mars 2015 • n° CPPAP : 0317 G86222 - ISSN 1969 - 9212

Depuis 1971

Dans ce numéro, les adhérents des Amis de la Terre trouveront un courrier de soutien, une plaquette de présentation des projets 2015 et le guide Climat : comment choisir ma banque ? .

Directeur de la publication Florent Compain Rédactrice en chef Caroline Prak Le dossier a été coordonné par Hubert Nadin et rédigé en collaboration avec les Z’indigné(e)s - merci à Paul Ariès et à son équipe pour l’aide apportée Rédacteurs Les Amis de la Terre Côte d’Or, Les Amis de la Terre Isère, Les Amis de la Terre Nord, Les Amis de la Terre Savoie, Sylvain Angerand, Françoise Chanial, Alain Dordé, Alain Duez, Daniel Ibanez, Cressia Jeunet, Jean Jonot, Camille Lecomte, Malika Peyraut, Eduardo Pichilingue, Lucie Pinson, Juliette Renaud, Alain Zolty. Communication, relations presse Caroline Prak • caroline.prak@amisdelaterre.org • 09 72 43 92 65 Maquette Nismo Carl Pezin • www.nismo.fr Impression sur papier recyclé Offset cyclus 115g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50 Les Amis de la Terre France 2B rue Jules Ferry 93100 Montreuil • secretariat@amisdelaterre.org • 01 48 51 32 22 • www.amisdelaterre.org


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VIE ASSOCIATIVE

Actions

Les jeux, un outil de mobilisation efficace Jouer, s’amuser... seul ou à plusieurs. N’est-ce pas là le meilleur moyen d’apprendre? Être mis en situation n’est-il pas idéal pour appréhender une problématique et s’imprégner des solutions ? C’est en partant de ce constat qu’aux Amis de la Terre Nord, nous avons imaginé des jeux de sensibilisation pour les différents événements auxquels nous participons. Nos actions de sensibilisation sur la thématique de l’obsolescence programmée nous ont amené à creuser le sujet de l’épuisement des ressources, et notamment des métaux. Nous avons donc réalisé un jeu sur ce thème, présenté pour la première fois sur le village Alternatiba Lille d’octobre dernier. L’idée est d’inviter les personnes de passage à fabriquer leur appareil préféré (smartphone, tablette, ordinateur portable…) en piochant des ressources dans les réserves du monde. Celles-ci sont matérialisées par des jetons placés sur une carte (1 jeton = 5 ans de réserves estimées). Un jet de dé indique la nationalité du joueur pour ce tour, ce qui détermine son niveau de consommation : par exemple, les Américains du Nord peuvent piocher 3 ressources, tandis que les Africains, non seulement ne peuvent pas piocher, mais se font voler leurs ressources par les autres joueurs. Des matériaux “leurres” sont aussi présents sur la carte afin d’ajouter de la difficulté. Le joueur est également sensibilisé aux conséquences de l’extraction de ces ressources, puisqu’en cas de malchance il doit piocher une carte “Cata”, et lire un petit texte racontant un cas réel d’accident minier, ou de destruction d’écosystème (mines de tantale du Congo, mines de cuivre de Zambie, étain d’Indonésie…), souvent issu d’un rapport des Amis de la Terre. Il est possible de jouer jusqu’à 4, pendant 15-20 minutes. Réalisé principalement à partir de matériaux de récupération, la conception et la fabrication de ce jeu ont nécessité trois soirées de travail.

Un enthousiasme communicatif Les joueurs s'étant succédé sans relâche et avec enthousiasme pendant le village Alternatiba, nous avons donc décidé de poursuivre dans cette voie en constituant un groupe de travail ouvert à tous. Les objectifs sont clairs : • Améliorer notre premier jeu, notamment en intégrant des alternatives, et le diffuser. • Réaliser un autre jeu sur le thème du climat, en prévision de la mobilisation pour la COP21 de décembre 2015. En ce qui concerne ce second objectif, nous avons d’abord recensé les jeux existants, puis nous les avons testés à l’occasion d’une soirée jeux ouverte au public que nous avons organisée le 30 janvier 2015. 25 personnes ont répondu présent. Nous avons également commencé à réfléchir à une première piste : réaliser un jeu de cartes “Action Climat”, dans lequel les joueurs pourraient virtuellement mettre en œuvre des actions individuelles ou collectives en faveur du climat, afin d’atteindre les objectifs climatiques. Une dimension “cartes à collectionner” pourrait également être intégrée si l’on souhaite favoriser un “effet viral”, c’est à dire la diffusion du jeu au-delà de l’animation d’événements. Nous pensons rapidement proposer la transformation du groupe de travail local en groupe national jeux Amis de la Terre, afin d’être plus nombreux à réfléchir à ces sujets et diffuser plus largement les jeux réalisés. Ensemble, faisons-en profiter le plus grand nombre ! Retrouvez l’espace consacré à notre premier jeu sur notre site : http://amisdelaterre-nord.org/consommez-epuisez-detraquez/

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CHRISTOPHER LIENARD

Les Amis de la Terre Nord

Lancement d'un groupe de travail « développement de la fédération » Lors du débat stratégique, de nombreuses idées ont été proposées pour mieux faire connaître le projet des Amis de la Terre et donner à des militant(e)s l’envie de nous rejoindre. Nous avons identifié en particulier le besoin de réfléchir à de nouveaux outils de visibilité (brochures, affiches, drapeaux, kakemonos pour stand) ou à la refonte de nos outils pour mieux faire circuler l'information en interne (notamment le site Intranet). De plus, nous avons réaffirmé la nécessité de renforcer notre autofinancement : cela passe, dans un premier temps, par un

élargissement de notre base d'adhérents et dans un deuxième temps, par des appels à dons spécifiques sur des projets utiles et importants pour les militants. Pour cela, nous avons besoin d'idées et de compétences pour les mettre en œuvre : développer des adhésions croisées avec des associations proches, créer des relais des Amis de la Terre dans des lieux militants, former les militant-e-s au recrutement de nouveaux adhérent-e-s… Le Conseil Fédéral a décidé de lancer un groupe de travail « développement de la fédération », ouvert à tous les adhérent-e-s

pour réfléchir ensemble aux outils à créer et aux méthodes de travail à mettre en place. Notre premier objectif est d'animer un atelier lors de l'Assemblée fédérale sur les outils prioritaires à mettre en place puis de se réunir lors d'un week-end de juin (date à préciser) pour créer du lien et planifier la réalisation de ces outils. Si vous souhaitez candidater pour rejoindre ce groupe, nous vous proposons d'envoyer un email avec vos motivations et vos compétences à l'adresse : presidence@amisdelaterre.org

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LE CONSEIL FÉDÉRAL


REGIONS

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Lutte locale 51 artistes face à l’autoroute 51 Le projet d’autoroute A51 conçu dans les années 1970 est un véritable serpent de mer. Il a buté dès le début sur des questions de tracés, de faisabilité, de coûts et d’opportunité. Puis il a été l’objet d’innombrables rapports et études. Et refait surface aujourd’hui. Inscrit au Schéma directeur national des infrastructures de transports (SNIT) en 1988, le projet d’autoroute A51 a été l’objet de nombreuses controverses et d’enjeux politiques mais aussi de décisions contradictoires entre des options politiques et celles des services de l’Etat. Finalement il a été supprimé du SNIT après le Grenelle de l’environnement en 2007. Malheureusement, il apparaît que dans l’esprit de certains élus et responsables économiques, les arguments d’utilité sociale, d’utilisation raisonnée des finances publiques, de ménagement de l’environnement n’ont pas encore fait leur chemin : les velléités de relance du projet se sont fait jour à nouveau. C’est ainsi qu’André Vallini, ancien président du Conseil général de l’Isère (et candidat à sa succession) a, depuis 18 mois, relancé publiquement le projet et effectué auprès du ministre des Transports des démarches qui ont abouti à la réinscription au SNIT de la poursuite du projet d’autoroute A51 entre le Col du Fau et Gap. La mobilisation reprend forme, notamment par le biais de l’action « 51 Artistes face à l’autoroute A51 ».

A chaque région son grand projet inutile En Rhône Alpes, la dose a été quadruplée. Au passé, il y eut Superphénix à Malville, en cours de démontage au long cours. Ouf ! Ce n’est plus qu’un dangereux vestige à élire au patrimoine de l’inhumanité. Au présent et au futur compliqué, il y a la ligne Lyon/Turin, dossier très coûteux, à l’issue encore incertaine (voir page 15). En plus modeste, mais teigneux comme un grand, et très symbolique, le projet Pierre et Vacances de Center Parcs dans la forêt des Chambarans, d’une actualité brûlante, car les ressources en eau sont concernées. Et enfin, pour faire bonne mesure, un revenez-y du siècle passé, l’autoroute A51 Grenoble/Gap/Sisteron qu’on croyait enterrée ; c’était sans compter la mégalomanie récidivante de certains « grands élus » qui voient là un marchepied commode pour élargir leur assise de pouvoir.

La beauté d’utilité publique Alors, ce fut un appel aux artistes, car Brassens et Ferrat l’ont dit : « Les artistes ne peuvent pas changer le monde, mais ils peuvent donner la conscience à chacun de la nécessité de le changer ». Un appel pour leur demander de s’exprimer à partir de ces lieux menacés, selon leur inspiration et leur mode de création. Puis de confier leurs œuvres au petit collectif organisateur d’une exposition à Grenoble d’abord (du 11 au 21 mars 2015 – salle de l’Ancien Musée de Peinture de Grenoble), puis en itinérance de bourgs en villages jusque fin octobre 2015, jusqu’à Gap et Sisteron. Des soutiens ? Il en faut, même s’il ne s’agit que de changer les regards sur un monde à préserver. Cette entreprise bénéficie des parQue faire ? Reprendre les dossiers et les rainages de Gilles Clément, le « jardinier moyens d’il y a vingt ans, contre un évenplanétaire », et d’Alain Hervé, l’écrivaintuel redémarrage du chantier à l’entrée du voyageur-journaliste, auteur de L’Homme Trièves ? Arguments techniques et éconosauvage et de Merci la Terre, créateur de la miques contre arguments économiques et revue mythique « Le Sauvage », importateur techniques ? La procédure de débat public en France des Amis de la Terre (nous (2004) est allée jusqu’au bout de ce scénaespérons bien le faire venir à Grenoble rio, se situant sur le plan de pour l’inauguration de la rationalité. Or les défenl’exposition et pour une « Les artistes ne seurs du projet, rencontre avec le groupe aujourd’hui, sont pour la peuvent pas changer des Amis de la Terre de plupart dans le champ de le monde, mais ils l’Isère). la pensée magique et de L’initiative bénéficie depuis peuvent donner la l’origine d’un partenariat l’irrationnel (ex : « l’autoroute est l’outil indispensa- conscience à chacun avec Mountain Wilderness ; ble du désenclavement et et enfin du soutien de la de la nécessité de du développement »). nouvelle municipalité de Donc ne vaut-il pas mieux Grenoble, ce qui n’est pas le changer. » faire un pas de côté et se tout à fait une surprise. placer dans un autre regisLes Amis de la Terre de tre, celui des valeurs nouvelles émergeant l’Isère forment un vœu : que cette initiaici et là et venant sur le devant de la scène tive rencontre l’adhésion des Amis de la : lenteur/tranquillité/harmonie/beauté ? Terre partout en France, pour qu’elle soit Tout ce qui nous est offert dans ces pays reprise sous cette forme ou sous une du Trièves, du Champsaur et de la vallée autre. Il ne s’agit de rien moins que de du Buëch, jusqu’ici largement préservés proclamer la beauté d’utilité publique. de l’action des aménageurs. Tout ce qui > POUR LE COLLECTIF, JEAN JONOT peut nourrir nos imaginaires et dont Les Amis de la Terre Isère nous avons besoin pour faire mieux que Ami de la Terre depuis 1977 survivre. Alors ?

P.S. : en préambule de l’exposition, trois panneaux présenteront les données factuelles d’ordre technique et économique concernant le projet d’autoroute et les alternatives proposées par les opposants. Les gentils organisateurs n’ont pas perdu leur mémoire d’anciens combattants contre le chantier de l’autoroute il y a vingt ans.


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REGIONS

Métropole de Montpellier

Ras le bol d’immondices Voici la petite histoire du « fourrez-moi tout ça dans un trou… » ou comment une pseudo installation de stockage de déchets non-dangereux (ISDND) devient une décharge nauséabonde et polluante dans un terroir villageois et résidentiel au nom de l’intérêt général et …du préfet.

C’est aussi la petite chanson du « produisez plus, consommez plus et jetez plus » au nom de la croissance, du PIB, du retour sur investissement des actionnaires, de la pseudo lutte contre le chômage de masse, et… de la gabegie comme fondement de l’économie de marché. Voici Montpellier Métropole, Eldorado de parpaings où les centres commerciaux poussent dans la garrigue aussi vite que se répand le goudron sur les parkings et les autoroutes. On trie un peu, on mélange beaucoup. Sur les 250 000 tonnes de déchets collectées, 130 000 tonnes de diverse nature sont expédiées chaque année vers Amétyst, la méga usine de méthanisation de la ville située dans un quartier résidentiel. Il en ressort 110 000 tonnes qui sont jetées dans les trous de Castries ou incinérées. Le solde de 120 000 tonnes du total collecté est enfoui, brûlé, recyclé et/ou exporté. Avec les énormes centrifugeuses du tri mécano biologique (TMB) Amétyst arrive,

bon an mal an, à produire 465 tonnes de mauvais compost, lui même bon à jeter. Le gaz produit sert essentiellement à électrifier l’usine. Ca pue, ça brûle parfois, il y a des mouches et une noria de camions, mais ça va marcher, assure sans sourciller Cyril Meunier, vice-président de la Métropole qui reconnaît qu’il est difficile de : faire du biogaz avec des télés, des micro-ondes et des cadres de vélos. (La Gazette de Montpellier). Certes, on fera mieux demain, car les élus et les administrateurs de la bonne ville de Montpellier ne sont jamais parvenus à mettre en place des systèmes efficaces de tri en amont des ordures qui permettrait d’alimenter Amétyst avec des biodéchets. Amétyst est géré par Novergie, filiale de Sita-Suez Environnement, dont le cœur de métier est la valorisation des déchets. Mais voilà : moins de déchets, moins de matière première, moins de turnover, moins de business, moins pour les actionnaires. Suez Environnement, c’est l’écono-

mie verte. Zero Waste, c’est pas pour eux. A l’autre bout de la chaîne, il y a les trous de Castries, six villages impactés, des milliers de résidents incommodés, des risques sanitaires, la nappe phréatique et des cours d’eau pollués, le risque de destruction d’habitat d’espèces protégées comme l’aigle de Bonelli et le busard cendré. La décharge est gérée par la Société montpelliéraine de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) où l’on retrouve notamment des filiales de Véolia Propreté et du Holding Nicollin. « Cette décharge est caractérisée par une très forte teneur en hydrogène sulfuré dans le biogaz qui en sort (plus de 100 fois supérieur aux prévisions) et un taux d’oxyde de souffre avec un pic à plus de 3 000 fois les prévisions). » assure l’Association collectif intercommunal décharge de Castries (ACIDC). Outre un recours déposé au tribunal de Montpellier contre le préfet, ce collectif vient d’adresser une pétition à la Commission des pétitions et demande au Parlement européen, pour manifester son opposition à l’extension de la décharge, car les élus et les administrateurs de la Métropole n’ont d’autre solution, semblet-il, que celle de multiplier les trous au même endroit puisque il y en a déjà deux. De fait, le casier 2 doit fermer en 2019. Mais c’est Nimby* dans tous les villages. Cerise sur le gâteau : les gestionnaires de l ‘ISDND de Castries envisagent l’installation d’une unité de méthanisation pour produire de l’électricité avec les émanations de la décharge. C’est écolo !

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ALAIN ZOLTY

Les Amis de la Terre Hérault *Not in my backyard, pas dans mon arrière cour.

On parle du paysage avec les Amis de la Terre Côte-d’Or

Les Amis de la Terre Côte-d’Or ont organisé le 30 janvier dernier, une conférence sur le thème du paysage. Malgré les conditions météo défavorables, la conférence a réuni une quarantaine de personnes à Latitude21. Jean Cavailhès, Directeur de recherche émérite à l’INRA, présenta tout d'abord une étude scientifique destinée à quantifier l’importance du paysage dans les transactions immobilières. Puis, Pierre-Jean Delahousse, président de l’association Paysages de France, lia le paysage et l’affichage publicitaire. Après de nombreuses questions du public, la soirée s’est terminée par des discussions autour d’un verre. Les Amis de la Terre Côte-d’Or ont saisi l'occasion de cette soirée pour dévoiler au public ses cartes postales de Dijon, cartes postales uniques dans le genre puisque l’on y voit, sans trucage, des paysages de Dijon mêlant « Dijon, ville d’art et de publicité », réalisées par les adhérents. L'après-midi, Les Amis de la Terre Côte-d’Or avaient invité les 24 maires de l’agglomération dijonnaise à une rencontre avec le président de Paysages de France pour discuter des aspects réglementaires de l’affichage publicitaire. Seules les communes de SaintApollinaire et Quetigny ont été représentées par des personnes de leurs services, ainsi qu’une personne représentant la préfecture. Pourtant de plus en plus de citoyens s’inquiètent de la dégradation du paysage dans lequel ils vivent, notamment de l’intrusion des panneaux publicitaires lumineux. Il est important que les élus soient à l’écoute de leurs administrés. Ces deux associations restent disponibles pour discuter du sujet.

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STÉPHANE DUPAS

Les Amis de la Terre Côte d’Or


INTERNATIONAL

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Mobilisation

2015, notre année du climat notamment ses soutiens publics aux énergies fossiles. Déstabilisé, le gouvernement est d'ailleurs en train de reculer sur le charbon avec quelques premières annonces vers la fin des soutiens financiers à cette énergie fossile climaticide.

Dénoncer les responsables des changements climatiques En 2015, nous poursuivrons sans relâche et dénoncerons les responsaAction des Amis de la Terre International à Lima (Pérou) en décembre 2014. bles des changements clil'équité Nord-Sud au cœur de ses actions, matiques et leurs fausses solutions nous ferons également en sorte d'ame(nucléaire, agrocarburants, capture et ner à Paris la voix des communautés stockage de carbone et tant d'autres). Car les affectées, pour rappeler aux décideurs et responsables, nous les connaissons : ce sont à ces entreprises que les changements les entreprises (dont l’État est pour certaines climatiques et leurs agissements ont des actionnaire), les banques privées et conséquences dramatiques sur les plus publiques, les gouvernements inconscients vulnérables. Avec l'ensemble de la fédéraet les lobbyistes qui les accompagnent. Nous tion, nous organiserons pendant la COP21 aurons ainsi l'occasion de leur rappeler lors à Paris une action symbolique mettant des Assemblées générales des entreprises justement en exergue la diversité de nos dès avril, du Business and Climate Summit luttes et solutions au travers le monde. de mai, du G7 qui se tiendra en Allemagne en Et c'est ainsi qu'après avoir organisé des juin ou du week-end national de mobilisaactions locales tout au long de l'année, tion des 30 et 31 mai, la primauté de la voix lorsque nous joindrons nos forces à Paris citoyenne. Les 26 et 27 septembre, nous en décembre, nous prouverons que nous démontrerons la richesse et la pertinence sommes la solution et que le mouvement des alternatives et solutions proposées par qui croît pour la justice climatique ne s'inles citoyens à l'occasion d'Alternatiba Paris et terrompra plus et ira bien au-delà de 2015. de la journée pour une transition citoyenne organisée partout en France. > MALIKA PEYRAUT Et parce que les Amis de la Terre est une Chargée de campagne fédération internationale qui met Institutions financières internationales et Energie

Alternatives

Mon argent finance-t-il les changements climatiques ? Déjà bien connues pour leur présence dans les paradis fiscaux, leur spéculation sur les marchés financiers agricoles, les banques françaises financent aussi massivement les énergies fossiles. Les clients ne sont pas les mieux informés de ce que font les banques de leur argent. L’opacité règne et hormis la Nef, aucune banque ne publie l’intégralité des activités et entreprises qu’elle soutient. Elles communiquent en revanche allégrement sur leurs soutiens aux énergies renouvelables pour gagner la confiance de leurs clients. A les écouter, elles ne participent pas seulement à la transition énergétique mais ont fait de la lutte contre les changements climatiques leur priorité. Mais, sous le vernis des discours écologiques se cachent une augmentation de 218 % de leur soutien au secteur du charbon – l’énergie fossile la plus émettrice de CO2 – entre 2005 et 2013. Les Amis de la Terre dénoncent ce greenwashing et appellent les clients des grandes banques à s’assurer que leur argent ne finance pas les changements climatiques en s’informant sur le site financeresponsable.org sur les activités de leurs banques, et en faisant jouer la concurrence. Car heureusement les alternatives aux banques climaticides existent, comme la Nef ! Changer de banque est une manière de mettre notre argent au service de la construction d’une société qui correspond à nos valeurs. Mais c’est aussi un moyen pour signaler aux grands groupes bancaires que nous ne cautionnons pas que notre argent mette en péril les futures générations et qu’il est temps de tourner l’ère des énergies fossile.

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LUCIE PINSON

Chargée de campagne Finance privée/Coface

© Luka Tomac

Voilà, l'année du climat, « grande cause nationale 2015 » selon notre gouvernement, vient de s'ouvrir. C'est sans doute pour cela qu'en France la loi sur la transition énergétique s'enlise, que l'Amérique latine est en proie à une sécheresse destructrice, ou que l'Algérie est mutilée par de nouveaux forages de gaz de schiste. Que l'on déclare le climat grande cause nationale ne semble donc rien changer à cette schizophrénie cynique qui oscille entre annonces vertes et bonnes intentions d'une part sans que de l'autre ne soient prises les véritables décisions requises : arrêt des énergies fossiles, refus des fausses solutions et rejet d'un système capturé par les intérêts privés et leurs lobbies. Les Amis de la Terre, eux, n'ont pas attendu 2015 : depuis des années l'ensemble de nos luttes locales contre les projets énergétiques polluants, contre les grands projets inutiles et imposés, pour l'adoption de mesures publiques sur la réduction de la consommation, la responsablité des entreprises ou la reconnaissance des amap ont contribué à rappeler que le climat est un enjeu social systémique. Et c'est bien pour faire comprendre que l'on n'atteindra les sociétés soutenables qu'en changeant radicalement de paradigme que nous nous mobiliserons en 2015 et au-delà. Cette année marquée par la tenue au Bourget de la 21e Conférence des Parties des Nations-Unies sur le climat (COP21) sera pour nous l'occasion de gagner des batailles nationales. En se targuant à l'international de son exemplarité environnementale, le gouvernement nous offre sur un plateau la possibilité de lui rappeler l'ensemble de ses incohérences,


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INTERNATIONAL

Droits de l’Homme

La situation difficile des défenseurs de la nature en Equateur Malgré une nouvelle constitution prometteuse, respectueuse des droits de la nature et des communautés, celles-ci se trouvent menacées par l'exploitation minière et pétrolière.

Des militants du collectif Yasunidos en compagnie de Vandana Shiva indian philosopher, writer and Right Livelihood Award Winner.

Le 15 janvier 2007, le président Rafael Correa arrive au pouvoir, soutenu par les mouvements sociaux : organisations autochtones, défenseurs de l'environnement, étudiants et travailleurs. En 2008, la nouvelle constitution de l'Equateur reconnaît des droits à la nature et de nouveaux droits aux communautés, notamment en matière de consultation. Cette reconnaissance est en partie l'initiative des peuples autochtones. Toutefois, bien que Rafael Correa ait souvent mis en avant la notion de « sumak kawsay », mots quechuas qui signifient « bien vivre », les belles perspectives inscrites dans la constitution n'ont pas été appliquées.

Les faits sont bien différents du discours de la « révolution citoyenne ».

Une situation de plus en plus conflictuelle En effet, la société civile équatorienne avait proposé de laisser le pétrole sous terre dans le cadre de l'initiative Yasuni-ITT. Le parc national Yasuni, zone de la forêt amazonienne, où vivent des peuples autochtones en isolement volontaire, renferme une grande diversité biologique. Le président qui était porteur du projet dès le début, et qui demandait aux pays développés de financer la sauvegarde de l'Amazonie, a décidé finalement

de l'abandonner le 15 août 2013. Pour défendre la zone de l'exploitation pétrolière, le collectif Yasunidos se crée dans le but de faire reculer le gouvernement. Il a recueilli des signatures dans tout le pays afin de demander une consultation populaire, conformément à la constitution équatorienne. En plus du discrédit de la part du gouvernement, Yasunidos a subi le refus frauduleux d'une partie des signatures par le CNE (Conseil national électoral) qui a refusé la consultation. Actuellement, en Equateur, les mouvements de défense de l'environnement sont réprimés. Dans le sud du pays, dans la Cordillère du Condor, plusieurs leaders Shuars ont été assassinés car ils s'opposaient à l'exploitation minière de la zone. Dans la province d'Imbabura, vallée d'Intag, les communautés s'opposent aux compagnies minières depuis presque vingt ans : le représentant de la communauté de Junin, Javier Ramirez a été emprisonné car il s'oppose à l'exploitation du cuivre dans la région. Suite à la conférence sur le climat, COP 20, au Pérou, le gouvernement a encore durci sa position contre les autochtones et des défenseurs de l'environnement. Les Yasunidos qui voulaient se rendre à Lima ont été harcelés. Au mois de décembre, le gouvernement a exigé l'expulsion de la CONAIE (coordination des organisations autochtones) de son siège où elle était présente depuis 30 ans. En janvier, des Waoranis ont été arrêtés. Malgré tout, les défenseurs de la nature ne se laissent pas impressionner et poursuivent leur lutte.

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CRESSIA JEUNET ET EDUARDO PICHILINGUE

Régulation des multinationales : une occasion manquée Le 29 janvier, une proposition de loi sur le « devoir de vigilance » des entreprises était examinée à l'Assemblée nationale. Elle aurait pu représenter une avancée historique en termes de protection des droits humains et de l'environnement, mais les débats ont tourné court : les députés socialistes, ont voté, sous pression du gouvernement, pour le renvoi en commission de ce texte dont ils étaient pourtant co-auteurs. Cette loi ambitieuse aurait permis de reconnaître la responsabilité légale des maisons-mères des multinationales et des donneurs d'ordre sur les activités de leurs filiales et sous-traitants, un combat de longue date des Amis de la Terre et de leurs partenaires pour mettre fin à l'impunité des entreprises. Éviter des drames tels que Bhopal, l'Erika et le Rana Plaza, et donner un accès à la justice aux victimes : deux objectifs qui étaient soutenus par tous les groupes politiques... mais tous n'étaient pas prêts à affronter les lobbies des entreprises, qui ont vite fait d'invoquer la sacro-sainte compétitivité entre autres arguments fallacieux. Le ministère de l'Economie, ouvrant grand ses oreilles aux demandes patronales, a donc fait obstacle à ce texte, en en promettant un autre « plus solide »... en réalité, une version édulcorée écrite sous la dictée des entreprises. Si cette nouvelle proposition consacre une « obligation de vigilance », celle-ci ne s'appliquerait qu'aux grandes entreprises, et aucune sanction n'est prévue en cas d'absence de mise en œuvre. Elle ne constitue pas non plus d'avancée réelle en termes d'accès des victimes à la réparation. Rendez-vous le 30 mars 2015 pour l'examen à l'Assemblée nationale, en espérant que les députés renforceront ce texte par voie d'amendements.

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JULIETTE RENAUD

Chargée de campagne Responsabilité sociale et environnementale des entreprises


DOSSIER

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DOSSIER - En route vers les sociétés soutenables !

Edito

C'est à l'occasion des journées citoyennes de Dieulefit, organisées depuis 12 ans dans ce petit village de la Drôme, que j'ai proposé à Paul Ariès de partager nos réflexions sur les « sociétés soutenables » dans nos deux revues, La Baleine et les Z’indigné(e)s. Nous connaissons Paul Ariès par les essais qu'il publie, la place qu'il occupe dans le monde de la « décroissance » et les Amis de la Terre retrouvent les idées qui leur sont chères dans la toute jeune revue qu'il dirige. L'idée d'un dossier commun, où nous retrouverions dans les deux revues des échanges d'articles, m'est donc apparue comme tout à fait naturelle et enrichissante. Le concept de « sociétés soutenables » qui fonde les valeurs défendues par les Amis de la Terre peut sembler relever de l'utopie tant le chemin à parcourir pour y parvenir nous parait long et difficile. Les travaux de Paul Ariès et les articles publiés dans les Z’indigné(e)s1 nous confortent dans l'idée que c'est le bon chemin et que déjà beaucoup d'expériences de terrain, en France comme ailleurs, empruntent ce chemin. Je suis persuadé que ce dossier partagé nous permettra d'enrichir notre réflexion et en élargissant le public des lecteurs de chacune des deux revues permettra une plus grande diffusion des idées que nous partageons. Bonne lecture à tous, > HUBERT NADIN Membre du Conseil Fédéral des Amis de la Terre France 1/ Mensuel diffusé uniquement par abonnement via www.les-indignes-revue.fr (10 n° /an 40 €)


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De l'importance d'être indigné-e Les Z’indigné(e)s se définissent comme un mensuel des objecteurs de croissance amoureux du bien vivre. Son engagement est fondé sur une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle : nous sommes face à une crise systémique, économique, sociale, écologique, politique, anthropologique. Parler de crise systémique c’est sous-entendre que quelque chose fait lien. Ce qui fait lien c’est que la société a totalement sombré dans la démesure : nous avons perdu la capacité à nous donner des limites, nous « naturalisons » la façon de produire qui nous conduit dans le mur et les modes de consommation qui ne sont, en réalité, que ceux du capitalisme et du productivisme. La bonne nouvelle a un fondement matériel et idéel. Fondement matériel : la planète est déjà bien assez-riche pour permettre à bientôt huit milliards d’humains de vivre bien. L’ONU ne cesse de le répéter : il suffirait de mobiliser, chaque année, pendant 25 ans, 40 milliards de dollars pour régler la faim dans le monde, 80 milliards permettraient de résoudre le problème de la grande pauvreté. Ces 40 milliards sont introuvables mais le budget militaire mondial est de 1 500 milliards de dollars, le marché publicitaire de 800 milliards, les gaspillages alimentaires nord-américains 100 milliards. Fondement idéel : nous sommes très à l’écoute de tous ces « gros mots » qui fleurissent à l’échelle mondiale pour dire les nouveaux chemins de l’émancipation : le « buen vivir » sud-américain, le « plus vivre » de la philosophie négroafricaine de l’existence, la « vie pleine » en Inde. Ce n’est pas par hasard que les principaux concepts pour rêver/penser/organiser la transition vers une société de justice sociale, écologique ou politique viennent principalement des pays du Sud. L’anti-extractivisme qui a déjà sa traduction africaine : le refus des « éléphants blancs », ces mégas projets profitables à une minorité et sa traduction européenne, le refus des grands projets inutiles imposés. Le « pachamamisme » qui n’est pas le retour à l’occultisme mais la volonté d’opposer à l’économisme qui soumet le vivant à la loi du profit, le désir de soumettre l’économie aux lois du vivant. Etre indigné, c’est ne plus croire aux « lendemains qui chantent » pour pouvoir simplement commencer à chanter au présent. Le mensuel les Z’indigné(e)s apporte sa modeste pierre en travaillant à la convergence de toutes les forces émancipatrices d’ici et d’ailleurs.

Viv(r)e la gratuité !

service débarrassé du coût mais du prix. L’école publique est gratuite mais financée par l’impôt. Il ne s’agit donc pas de tout Les Zindign(é )s sont le mensuel de la grarendre gratuit mais de choisir et de bien tuité. Comme nous n’avons pas le fétichoisir. Ici, c’est la gratuité de chisme du vocabulaire, libre à l’eau vitale, ailleurs celle des chacun de parler de « gra« La gratuité est transports en commun tuité », de « don », de urbains, de la restauration « liberté d’accès » (free à la une réponse à scolaire, des services cultufaçon d’Internet)… La quesl’urgence sociale, rels, du logement social, des tion est simple : voulonsservices funéraires… nous donner à chacun de écologique, Rien n’est plus dangereux quoi vivre dignement même politique, que de dire : ceux qui peusans emploi ? Voulons-nous commencer à desserrer anthropologique. » vent payer doivent payer, car si on accepte ce disl’étau de l’économie ? cours pour les transports Nous relayons toutes les inien commun, pourquoi ne pas l’accepter tiatives de l’Observatoire International de pour l’école ou la santé… Il existe en fait la Gratuité du service public et des biens deux conceptions de la gratuité : une communs (OIG), fondé en septembre gratuité d’accompagnement du système, 2014, après le succès de plusieurs conféla gratuité pour le naufragés, mais elle ne rences internationales. La gratuité est une va jamais sans condescendance (« Etesréponse à l’urgence sociale, écologique, vous un pauvre méritant ? ») ni flicage politique, anthropologique. La gratuité, (« Etes-vous un vrai demandeur d’emploi tout d’abord, ce n’est pas le produit ou le


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© Mo ̂sieurJ

Ludo, maraîcher à Salettes dans la Drôme nous présente Champs libres, une expérience soutenable réussie !

ou un salaud de fainéant ? ») ; une gratuité d’émancipation : ce qui est beau avec l’école publique c’est qu’on ne demande pas aux enfants s’ils sont gosses de riches ou de pauvres, pourquoi ce qui est vrai pour l’école ne pourrait-il ne pas l’être pour les quatre autres piliers qui permettent de vivre : le logement, la santé, l’alimentation… Attention, il ne s’agit surtout pas de rendre gratuits les produits et services existants (ceux de la malbouffe par exemple), la gratuité c’est l’occasion de repenser le contenu écolo, social des produits. Nous sommes pour la gratuité du bon usage face au renchérissement du mésusage : pourquoi payer son eau le même prix pour faire son ménage ou remplir sa piscine privée ? Ce qui vaut pour l’eau vaut pour l’ensemble des biens communs et des services publics. Aux citoyens d’en décider !

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PAUL ARIÈS

Fondé en 2011, Champs Libres est un point de vente collectif, tenu et géré par des producteurs locaux qui vendent directement les produits de leurs fermes. Notre magasin, situé à Dieulefit (Drôme) propose une gamme alimentaire très variée, puisqu’il réunit les savoir-faire de 23 fermes. Plutôt qu’être rivaux, nous avons fait le choix d’unir nos forces au service de nos clients. Cette solidarité est la condition essentielle à notre réussite. Celle-ci s’appuie sur l’implication de chacun et sur des valeurs communes qui nous fédèrent, la promotion d’une agriculture locale, biologique et paysanne, conduite sur des fermes à taille humaine. Notre défi consiste à inventer une agriculture durable et responsable, loin des modèles de l'agriculture intensive. En établissant une relation directe entre les producteurs et les consommateurs, nous pouvons proposer des produits de qualité à des prix abordables, tout en vivant décemment de notre travail. De plus, le dynamisme de Champs Libres rejaillit sur nos fermes qui créent de l’emploi. Au delà de cet aspect économique non négligeable, notre point de vente collectif est également un lieu d’échange convivial. Consommateurs et producteurs s’y retrouvent pour discuter ensemble de savoir-faire et de techniques, de saveurs et de cuisine… Champs Libres, avec une majorité de jeunes agriculteurs, a pour vocation d’aider les futurs paysans et d’être un outil transmissible pour nos enfants. Il est également reproductible dans tous les endroits où il y a de la terre, de l’eau, de la bonne volonté et l’envie de bien vivre ensemble

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TEXTE RECUEILLI PAR HUBERT NADIN

***Ludovic Girard produit sur 2,5 hectares des fruits et légumes. Son exploitation certifiée bio apporte un revenu à 3 personnes à temps plein et 3 saisonniers. Un calcul simple permet d'estimer que chaque année ce sont 90 à 100 familles (4 personnes) qui sont approvisionnées en paniers hebdomadaires de fruits et légumes***


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Entretien avec Paul Ariès

Les milieux populaires au secours de la planète La Baleine - Paul Ariès, vous venez de publier aux éditions Utopia un livre iconoclaste. Son sous-titre « Les modes de vie populaires au secours de la planète » est plus précis que le titre « Ecologie et milieux populaires »

Paul Ariès - Ce livre est déjà un coup de gueule contre l’idée qu’il n’y aurait rien de bon à attendre des milieux populaires au regard de la situation écologique. C’est à qui dénoncera en effet le plus vertement leur rêve de grand écran de télévision, leurs vieilles voitures polluantes, leurs logements mal isolés, leurs achats dans les hypermarchés, leur goût pour la viande rouge et les boissons sucrées, leurs rêves de zones pavillonnaires et de vacances bon marché, etc. Les élites auraient donc raison : « salauds de pauvres qui consommez si mal ! ». Le pire c’est que ce discours d’enrichis finit par contaminer ceux qui à gauche se disent le plus conscients des enjeux planétaires et sociaux. Au moins, les riches achèteraient des produits bio, auraient des voitures électriques, des maisons bien isolées et lorsqu’ils prennent l’avion pour leurs vacances, ils achèteraient des compensations carbone auprès d’organismes certifiés, etc. Je démontre donc, chiffres officiels à

les « gens de peu » ont une autre l’appui, que tous les indicateurs prouvent richesse, un autre rapport au temps, à que les milieux populaires ont un bien l’espace, au travail, à la consommation, à meilleur « budget carbone », une bien la jouissance, à la maladie, à la mort, à la meilleure « empreinte écologique », un science, à la politique, etc. bien plus faible écart par rapport à la « bio-capacité disponible », un bien meilVous choisissez pour cette raison Michel leur indice « planète vivante » (concernant Verret contre Thorstein Veblen l’impact des activités sur la biodiversité), un « jour de dépassement de la capacité Thorstein Veblen est un personnage émirégénératrice de la planète » plus tardif, nemment sympathique mais son retour une moindre emprise sur la « déplation en vogue dans les milieux écolos n’est des stocks non renouvelables » en raison pas une bonne chose. Veblen a bien d’une moindre utilisation de repéré chez les enrichis ce la voiture/avion mais aussi besoin de rivalité. Il explique « Les « gens parce qu’ils font durer plus avec sa théorie de la classe longtemps leurs biens de peu » ont une de loisir : « Toute classe est d’équipements. Bref, par autre richesse, un mue par l’envie et rivalise rapport à l’objectif d’émetavec la classe qui lui est tre quatre fois moins de autre rapport au immédiatement supérieure GES (Gaz à effet de serre) dans l’échelle sociale, alors temps, à la par rapport à 1990, si les qu’elle ne songe guère à se riches ont « tout faux », les consommation... » comparer à ses inférieures, ni milieux populaires font à celles qui la surpassent de déjà bien mieux. très loin. ». Je ne m’arrêterai pas sur le choix du vocabulaire pourtant L’essentiel du livre est cependant ailleurs : déjà grandement révélateur (« classe vous démontrez que ce n’est pas parce inférieure » et « classe supérieure ») pour qu’ils sont pauvres que les milieux popualler à l’essentiel. Le choix de considérer laires polluent beaucoup moins mais les rapports de classes sont l’angle de la parce qu’ils sont populaires, c’est-à-dire « rivalité ostentatoire » fait que les rapports parce qu’ils ont d’autres modes de vie, de classes se révèlent mus par l’envie plutôt une autre conception de la « vie bonne » que par le conflit. Je suis convaincu que Veblen a foncièrement tort : ce qui caractère Un pauvre ce n’est pas un riche auquel il les milieux populaires ce n’est pas ne manquerait que l’argent. Nous acceptons d’abord de vouloir imiter les enrichis ! La trop, y compris dans les milieux écolos, conséquence de cette bévue est grave : comme allant de soi la définition que les Veblen ne voyait d’issue que dans une enrichis se font des gens ordinaires, des prise de conscience des ingénieurs et gens du commun, une définition toujours technicien, bref une sorte de socialisme en termes de manque. En économie, la des ingénieurs. Je fais au contraire le pari manque de pouvoir d’achat ; en culture, que c’est au sein des milieux populaires le manque d’éducation ; en politique, le que la justice écologique, sociale et polimanque de participation. Tout cela est tique s’invente. sans doute en partie vrai mais masque cependant l’essentiel. J’ai donc consacré l’essentiel de mon ouvrage à montrer que

En chemin vers des sociétés soutenables Les Amis de la Terre France ont publié en 2011, une position pour des Sociétés soutenables qui constitue le cadre général dans lequel se situent les actions de la fédération. Pour les Amis de la Terre la convergence des crises écologiques et sociales appelle à la nécessité d'engager une transition vers des sociétés soutenables qui permettent d'articuler la satisfaction des besoins fondamentaux et la préservation des écosystèmes. Ces sociétés, fondées sur la sobriété et sur l'équité, sont aussi celles de la dignité humaine et de l'accomplissement de soi, la vraie richesse de l'être humain résidant dans sa dimension sociale et spirituelle plutôt que dans l'accumulation de biens. Dans cette perspective, les Amis de la Terre, en s'appuyant sur le concept d'espace écologique, proposent des alternatives : relocalisation, renouvellement de la démocratie, de l'entreprise et de l'économie, et soutiennent les multiples initiatives qui préfigurent les sociétés soutenables.

Découvrez la position pour des Sociétés soutenables ici : http://www.amisdelaterre.org/notrevision.html


DOSSIER - En route vers les sociétés soutenables !

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La vision des Amis de la Terre

Equité, sobriété, solidarité, les valeurs à la base des sociétés soutenables Là où les partisans du développement durable insistent fortement sur l'impact de nos modes de vie sur les générations futures, nous insistons aussi sur les impacts pour les générations actuelles. Parce que nous n'avons pas deux planètes, la surconsommation des uns se traduit par l’accaparement de l'espace écologique des autres et, par ricochet, par l'impossibilité de répondre à des besoins fondamentaux. Reprenons l'exemple du papier : la surconsommation de papier en France implique la plantation de vastes monocultures d'arbres à croissance rapide – comme l'eucalyptus - dans de nombreux pays, notamment en Amérique Latine. Or, un eucalyptus peut pomper jusqu'à 300l d'eau par jour : multiplier ce chiffre, par plusieurs millions d'arbres et vous comprendrez pourquoi les communautés riveraines des monocultures le surnomment l'arbre de la soif. Les Z'indigné(e)s - Les Amis de la Terre avancent la notion d’espace écologique. Pouvez-vous nous en dire plus ? Seriezvous d’accord pour dire que cette notion concerne aussi le social ? Qu’elle impose par exemple une forte réduction des inégalités de revenus et de patrimoine ? Les Amis de la Terre - La question des droits sociaux est à l'origine même de la notion d'espace écologique : l'empreinte écologique est un indicateur qui permet de se rendre compte que si tous les habitants de la planète vivaient comme un Français, il faudrait 2 ou 3 planètes mais ce constat est insuffisant pour bâtir un projet de sociétés soutenables. Il est tout a fait possible d'imaginer vivre sur une seule planète et de respecter certains grands équilibres écologiques à condition que la surconsommation des uns soit compensée par le maintien dans la misère des autres. C'est d'ailleurs le projet, plus ou moins assumé de certains : avant chaque grande messe internationale sur le développement durable ou le climat, on voit fleurir les rapports expliquant que le problème est qu'il y a trop de pauvres. L'engagement des Amis de la Terre est très clair à ce sujet : l'accès et la promotion des droits fondamentaux de tous passe par l'interdiction des excès des plus riches. Un exemple : on estime qu'avec 30 ou 40kg de papier/personne/an, on pourrait avoir un fonctionnement

Comment faire entendre cette voix lors démocratique minimum et répondre à du prochain Sommet sur le climat à Paris des besoins fondamentaux (presse, en 2015 ? Comment avancer vers une livres, tracts…). En France, on consomme société soutenable ? en moyenne 160kg de papier/personne/an, Nous pensons qu'il n'y a pas une mais des dont une large majorité pour des embalsociétés soutenables : à partir du moment lages et des prospectus, quand en où l'on fixe des seuils planOuganda, la moyenne est à cher et plafond clairs, entre moins de 10kg. Cet exemple « L'accès et la les deux tout est à inventer est intéressant car il montre bien que la question des promotion des droits en fonction des cultures et « riches » est toute relative, fondamentaux de de l'environnement local. Respecter ces seuils, ça n'est et que dans de nombreux tous passe par pas sombrer dans la dictapays, pour faire un clin d'oeil au mouvement l'interdiction des ture verte mais au contraire s'engager vers plus d'huOccupy, les « riches » d'un point de vue écologique, excès des plus riches » manité. Face aux crises actuelles, et constituent bien plus qu'1 % à leur convergence pour reprendre votre de la population. terme, il nous semble indispensable de Sur la question des revenus, nous avons mieux s'organiser pour soutenir les luttes constaté avec (bonne) surprise que le et, en même temps, de soutenir les alternaconcept d'espace écologique pouvait être tives c'est à dire la diffusion de pratiques un cadre fécond pour celles et ceux qui aujourd'hui marginales mais qui demain réfléchissent au revenu minimum d'exispourront être des normes. tence et au plafonnement des revenus et Et tout cela n'est possible que par un du patrimoine. renouvellement des pratiques militantes car aujourd'hui nous manquons d'un Les Amis de la Terre sont implantés mongrand mouvement d'écologie radical mais dialement. Pensez-vous qu’existent pragmatique. En trois mots : « Mobiliser, aujourd’hui des convergences fortes Résister, Transformer ». entre les populations du Nord et celles du Sud ? Le terme de convergence – très à la mode – n'est peut-être pas le plus pertinent, pourquoi ne pas garder celui de solidarité ?


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Forum national de la désobéissance Les Amis de la Terre ont participé, le 28 février 2015, au Forum national de la désobéissance. Le mensuel les Zindigné (e)s, prenant la suite du bimestriel le Sarkophage, organise, chaque année, depuis 2011, le Forum national de la désobéissance citoyenne. Le premier Forum, organisé avec la ville de Grigny (69) et son Maire René Balme avait permis de faire converger toutes les formes de désobéissance, individuelle, collective, professionnelle, institutionnelle. Désobéissance individuelle : ceux qui refusent la dictature des marques, ceux qui n’ont pas de télévision, ceux qui font leurs courses ailleurs que dans des hypermarchés ; désobéissance collective avec les faucheurs volontaires, avec le planning familial, avec les collectifs antiGPII ; désobéissance professionnelle avec les lanceurs d’alerte, avec les postiers qui refusent de devenir des VRP au service de l’entreprise Poste, avec les électriciens désobéissants qui rebranchent le courant de ceux qui n’ont pas pu payer leurs factures, avec les médecins solidaires, etc ; villes désobéissantes prenant des arrêtés anti-expulsion, anti-OGM, qui pavoissent l’hôtel de ville avec le drapeau palestinien, qui organisent la gratuité, etc.

Le deuxième Forum s’est tenu en septembre 2012 dans un contexte politique particulier : celui de l’arrivée au pouvoir de François Hollande et de son gouvernement écolo-socialiste. Les participants au 2e Forum avaient appelé à « désobéir aussi sous la gauche » en mobilisant autour de trois grands thèmes : désobéir à la dette en organisant l’audit des dettes publiques, désobéir au traité « merkozy » en exigeant un référendum d’initiative citoyenne et « former les élus et les citoyens à la désobéissance », seule chemin pour une démocratie réelle. Nous disions que la gauche, qui avait su, en 1981, libérer de nouveaux territoires (radios libres, lois Auroux sur la démocratie dans les entreprises) devait libérer des espaces de créativité.

sance s’est tenu, toujours à Grigny, en octobre 2013. Nous y invitions la population et les élus à désobéir pas seulement pour dire Non mais pour dire Oui, c'est-à-dire pour multiplier les pas de côté, pour expérimenter, pour faire du neuf. Nous sommes du côté des « semis désobéissants », des « monnaies locales » ciblées, des maisons municipales de la santé garantissant un véritable pluralisme thérapeutique, organisant les patients par pathologie pour ne « plus jamais » être seul avec/face à sa maladie. La perte de la ville de Grigny, malgré le bilan extrêmement positif de son équipe, lors des municipales de 2014, aurait pu signifier la fin des Forums nationaux de la désobéissance, car les villes ne se bousculent pas pour co-organiser des initiatives citoyennes de désobéissance.

Passer des passions tristes aux passions joyeuses

Ce IVe Forum n’a donc été possible qu’avec la décision de la ville de Fontaine (38) et de son maire, Jean-Paul Trovero, de pérenniser ce lieu ce débat, de convergence, d’expérimentation. Nous nous sommes donc retrouvés le samedi 28 février 2015 pour affirmer qu’une partie des réponses aux questions de l’époque se trouve déjà au sein des milieux populaires.

Désobéir ce n’est pas seulement changer de politique mais faire de la politique autrement. C’est tout faire pour passer des passions tristes aux passions joyeuses, c’est renoncer définitivement aux lendemains qui chantent pour chanter, dès maintenant, au présent ! Le troisième Forum national de la désobéis-

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LES Z’INDIGNÉ(E)S

Humeurs

Traquer l’insoutenable, toujours Puisque le dossier de ce numéro de La Baleine est consacré aux sociétés soutenables, faisons, pour nous convaincre définitivement de la nécessité de changer d'ère, une revue de l'insoutenable en ces temps, du plus dérisoire au plus désastreux. A l'automne dernier, Pékin accueillait un sommet des chefs d’État de la zone AsiePacifique (APEC). Le gouvernement se demanda comment offrir à ses invités un air moins pourri qu'à l'ordinaire. Il ordonna une fermeture temporaire de 2 000 usines de l’agglomération, traquant les contrevenants. Mais pour pouvoir cesser leur activité pendant une dizaine de jours, les industriels ont mis les bouchées doubles, faisant des semaines qui précédèrent et de celles qui suivirent un épisode des plus sombres en termes de qualité de l’air. En réaction, un nouveau qualificatif est apparu sur la blogosphère chinoise : le bleu APEC, désignant toute chose superficielle et éphémère. Un médicament pour les troupeaux risque de faire disparaître les vautours d’Europe. Tout a commencé en Inde. À la fin des années quatre-vingt dix, 99 % de ces rapaces y sont morts, avec pour conséquences la prolifération des chiens

errants, débarrassés de la concurrence, suivie d’une propagation de la rage. Le coupable de ce massacre est le diclofénac, un anti-inflammatoire destiné au bétail, que les vautours, indispensables fossoyeurs, ingurgitent et qui leur bousille les reins. L'Inde a finit par interdire certains usages de ce produit, mais il a réapparu en Europe sous le nom de Voltarène. L’Italie et surtout l’Espagne, le grand territoire européen des vautours, ont accordé une autorisation de mise sur le marché. Ce poison risque d'être distribué dans toute l’Union européenne, à commencer par la France, où les petites mains de Novartis ont commencé leur travail de sape. Et il ne s’agit pas seulement des vautours d’Europe, mais aussi de ceux d’Afrique, où le diclofénac/voltarène se répand à la vitesse des bakchichs. Ces dernières années, le lac d’Oroumiyeh, situé en Iran, qui fut le plus vaste du Moyen-Orient, s’est asséché à 95 %. L’été dernier, trois des cinq barrages qui alimentent Téhéran se sont taris, obligeant les autorités à mettre en place des programmes de rationnement. La principale cause de ces sécheresses est le développement de l’agriculture productiviste. 92 %

de l’eau consommée est utilisée dans l’agriculture. Des milliers de barrages et de digues ont été construits sans aucune précaution, 70 % de l'eau est perdue du fait des fuites. Le développement des industries, exigeant un important approvisionnement en eau a aggravé la situation. Enfin, les précipitations ont diminué de 16 % en quarante ans, créant de grandes zones désertiques. Pour les plus alarmistes, l’Iran serait de ce fait “la prochaine Somalie”. Suite à un article paru dans Le Monde, cette information a été publiée le 7 décembre 2014 sur blog de Fabrice Nicolino Planète sans visa. Tout comme les deux précédentes, parues elles aussi l'année dernière. Fabrice Nicolino tenait une rubrique régulière dans Charlie. Victime de l'attentat du 7 janvier, il était toujours à l'hopital, dans un état préoccupant, au moment où j'ai écrit ce billet. Je le salue ici en mon nom et au nom de tous les Amis de la Terre, en lui souhaitant de revenir au plus vite parmi nous pour continuer à débusquer et combattre l'insoutenable.

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ALAIN DORDÉ


PUBLICATION

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Erri de Luca

Avec nos sabots !

Comment résister ? En tissant des liens porteurs de changement par-dessus toutes les frontières. La lutte de chacun devient la lutte de tous et les Amis de la Terre sont sollicités comme catalyseurs. Avec quels moyens ? • localement la présence physique, mains nues et pieds dans les sabots • les études : environnement, économie, droit... • sans oublier de sublimer notre engagement dans la dimension qualitative afin de mieux le partager. C'est le conseil que Dante donne aux envieux : orientons nos désirs vers les biens spirituels qui s'accroissent dans le partage : le courage, la compréhension et tous les plaisirs inventés par les arts...

Le mot « sabot » n'est pas venu ici par hasard : c'est la première protection des paysans les plus pauvres mais un coup de sabot bien placé peut aussi être redoutable. Les Allemands confrontés à la Résistance ont vite appris le mot « sabotage ! » C'est justement ce mot qui a motivé la comparution d'Erri De Luca devant le tribunal de Turin. Le procès est en cours... Erri De Luca, grand écrivain italien, voix rocailleuse, sensibilité généreuse et forte pensée paradoxale, a repris ce mot venu du français pour déclarer légitime la lutte contre un projet destructeur de la vallée. Il a dit « la TAV va sabotata », la LGV mérite d'être sabotée et la Société LTV a vu dans ce mot un préjudice qui méritait la prison. Eh oui ! Par ce verbe, Erri met la base – zoccolo en italien signifie à la fois sabot et socle – en prise avec son pouvoir de renverser l'échaffaudage d'Hubris. Un simple mot serait donc capable d'arrêter les engins éventreurs de montagne ? les infiltrations de la mafia ? les abus de pouvoir des administrations ? les violences de la police ? le culte même de la croissance ? Cela paraît inconcevable et pourtant, si la Société Lyon-Turin Ferroviaire porte plainte contre ce mot,

c'est qu'elle y voit une menace pour tout l'édifice laborieusement mis en place ! Se préparer à tuer pour une fleur qu'un jeune botaniste veut protéger (Rémi Fraisse), à emprisonner pour un mot (Erri), c'est la réaction disproportionnée d'une société gravement déséquilibrée, en proie à la folie du pouvoir sans limite, terrorisée et désarmée face au contre-pouvoir de nos symboles. Elle regarde sans comprendre « le poids d'un papillon »*, d'une fleur ou d'un dessin contrebalancer et finalement renverser une armée de blindés... Le désarroi des drogués d'Hubris montre ce qu'ils craignent : ils craignent la fulgurance de nos métaphores qui rabaissent le plus arrogant des pouvoirs et transfigurent la réalité la plus humble. Ils craignent le lien organique qui s'établit entre nous, la contagion de la prise de conscience, la synergie de nos résistances. Le procès est reporté au 18 mars. Erri est passible de prison mais il nous montre le chemin : partout où on nous impose des projets et des travaux destructeurs de nos valeurs, défendons le droit à une parole libre et contraire*, prenons nos sabots... RÉSISTONS ! © Niccolo Caranti sous licence Creative Commons

Pour relancer la croissance, le pouvoir, de mèche avec de grosses entreprises, impose partout ses projets calamiteux : on éventre les campagnes et les montagnes, on saccage les zones humides, on extermine la diversité sauvage et domestique. Des résistances se lèvent, NDDL, Sivens et celle de NO TAV que raconte Daniel Ibanez (voir ci-dessous). La nouveauté réside dans la prise de conscience trans-locale : nous nous heurtons tous aux mêmes abus de pouvoir, à la même surdité. La pub nous gave, l'idéologie de la croissance nous gave, les traités de commerce nous gavent, comme des oies de basse-cour. Tout nous pousse à orienter nos désirs vers la marchandise.

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FRANÇOISE CHANIAL

* Le poids d'un papillon et La parole contraire deux livres d'Erri De Luca, éditions Gallimard.

Lyon-Turin

« Trafics en tous genres » Le dossier Lyon-Turin, Daniel Ibanez s'y est plongé plus de deux ans. Cette expérience l’a amené à disséquer de nombreux domaine, les mécanismes, les canaux, l’organisation et les méthodes qui permettent de lancer les grands projets et bien souvent de les imposer. Ce qu'il a découvert dans ce « voyage » au centre du projet Lyon-Turin, le plus cher (20 fois Notre-Dame-des-Landes) actuellement, ce sont les rouages qui se retrouvent dans de nombreux autres projets, ce sont des pratiques et des proximités douteuses, ce sont des spécialistes de la chirurgie esthétique et de la cosmétique des projets. Les états des lieux pour définir les besoins, les constats « indépendants » sont adaptés pour justifier les projets dont le maître mot pour les promoteurs est « acceptabilité » . L'utilité publique n'est dans ces dossiers qu'une formule creuse destinée à faire taire les contestations. Découvrant la gabegie, les prévisions fantaisistes, les réseaux, les achats d’études, les discours en contradiction totale avec les faits, les chiffres et les statistiques, Daniel Ibanez s'est trouvé happé par ce dossier. Le résultat est là, un livre détaillé, précis dans lequel il raconte une histoire scandaleuse et nous donne les clés pour comprendre « l'abus de conscience » : la ligne ferroviaire existante permettant de transporter les marchandises, de et vers l'Italie, qui présente les mêmes caractéristiques que les lignes ferroviaires suisses et autrichiennes, et qui a été rénovée et mise aux normes, n'est utilisée qu'à 17 % de sa capacité. Ecrire s'est donc imposé, comme un devoir civique. Daniel Ibanez ne pouvait se résoudre, à voir gaspiller des dizaines de milliards d’euros sans utilité publique, à constater des abus et des conflits d'intérêts sans les révéler, à assister à un désastre économique et écologique national sans réagir. « Se taire, serait une complicité. » C'est l'une des conclusions de ce livre qui permet d'être légitime à s'opposer à un projet ferroviaire inutile et sans intérêt général. Après l'avoir lu chacun sait de quoi on parle ! Trafics en Tous Genres, Daniel Ibanez, 216 pages, 12 € Tim Buctu Editions Disponible en ligne : http://timbuctueditions.fr/index.php?post/17/Trafics-en-tout-genre%2C-le-projet-Lyon-Turin%2C-par-Daniel-Ibanez


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Pratiques Lutte contre l’obsolescence programmée, mode d’emploi Vous aussi, vous possédez des appareils électriques qui tombent très vite en panne ? Vous n’êtes pas seuls, un appareil sur deux tombe en panne 5 ans après sa fabrication. Heureusement, des solutions existent ! rience de l’obsolescence programmée, en achetant un objet bas de gamme, en cédant aux sirènes de la publicité ou à la pression sociale. Souvent simples et économiques, les alternatives consistent à privilégier les biens non soumis à l’obsolescence programmée (une cafetière à piston plutôt qu'une cafetière électrique), des biens avec une garantie constructeur longue, et surtout les biens de seconde main ! Acheter dans une recyclerie ou auprès d’une communauté Emmaüs permet de concilier geste écologique et solidaire. En vogue également, les plateformes de l’économie collaborative qui permettent de louer ou d’échanger des biens comme un appareil à raclette ou une tente de camping. Des groupes locaux des Amis de la Terre se mobilisent pour faire connaitre et vivre différentes alternatives. Après avoir organisé deux journées de la réparation, les militants de LoireAtlantique ont organisé leur premier « Café dépanne » pour apprendre à réparer soi-même ses biens. A Paris, L’obsolescence programmée, des bénévoles enregistrent depuis une fatalité ? plus de 2 ans les adresses pour faire L’obsolescence programmée est mulPour connaitre les astuces et conseils pour allonger la durée réparer, échanger, acheter ou vendre tiforme, c’est une des raisons pour lesde vie de vos biens, suivez le guide Comment sortir de l’obsolesd’occasion en région Ile-de-France et quelles elle est difficile à combattre. cence programmée ?. ailleurs, (re)découvrez toutes les L’obsolescence peut être technique, adresses sur : c’est le cas du réveil Philips Eveil www.produitspourlavie.org/annuaire gique ou esthétique, c’est notre souhait lumière irréparable une fois que la lampe en tant que consommateur de changer aura cassé [1] ; iPhone rendu obsolète par > CAMILLE LECOMTE alors même que le bien est encore en bon les mises à jour logicielles obligatoires [2] ; Chargée de campagne Modes de production état : les téléphones portables sont ainsi des cafetières entières jetées une fois la et de consommation responsablesce renouvelés bien avant qu’ils cassent. verseuse en verre cassée faute de pièce Nous avons ainsi tous déjà fait l’expédétachée. Elle peut aussi être psycholoLa lutte contre l’obsolescence programmée avance : il y a quelques années, ce concept, peu connu du grand public en France, était considéré comme un mythe par les fabricants. Aujourd’hui, le fait de réduire volontairement la durée de vie des produits et le terme « obsolescence programmée » sont sur le point d’être inscrits dans la loi. Mais, nous possédons toujours plus de biens, entre 500 et 750 par personne, des biens jetables et peu recyclables. A un moment où le concept d’économie circulaire est dans toutes les bouches, à peine 20 % des déchets électriques et électroniques sont recyclés, et les plastiques d’emballages le sont guère plus, 25 % ! Le reste est incinéré ou mis en décharge et pour produire de nouveaux biens, ce sont de nouvelles ressources qu’il faut prélever toujours plus loin et avec des techniques de plus en plus invasives et destructrices.

Demain en mains… L’information indépendante pour tous Lectrices, lecteurs de la Baleine, vous savez ce qui justifie nos mobilisations et connaissez les solutions aux problèmes soulevés par les crises écologiques et sociales. Un enjeu majeur est de promouvoir le développement de ces solutions et alternatives à grande échelle. Pour cela, produire de l’information et surtout en faciliter l’accès au plus grand nombre, agir en sorte que, petit à petit, parents, amis, voisins, collègues de travail découvrent que nous ne sommes pas prisonniers d’un système est une démarche indispensable, généreuse et conviviale. Pour aller de l’avant dans cette voie prometteuse, vous êtes invité-e-s à participer au lancement du premier magazine alternatif pour tous. Soutenu par le Collectif pour une transition citoyenne et de nombreuses associations, Demain en mains sortira en septembre 2015 à 300 000 exemplaires vendus 20 centimes ! Pour le diffuser largement, nous reprenons le principe de la coopération citoyenne qui a fait le succès du journal l’âge de faire. Pour compter parmi les 10 000 pionniers qui réussiront ensemble cette première, il vous suffira de consacrer 6 € et un peu de votre temps pour diffuser 30 magazines par mois à votre entourage non militant. Gageons que cette initiative fera école et que la presse alternative indépendante tiendra enfin la place qui lui revient dans le champ médiatique grand public. Le changement d’échelle des transitions indispensables est à ce prix. Très abordable, non ?

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ALAIN DUEZ

www.demain-en-mains.org


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