Revue DMA - Temoins D'Ecoute (Mai - Juin 2011)

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C’est à

13 Premier Plan 14 Pas à pas Cheminer en sécurité Sainte Thérèse d’Avila

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Editorial

Les racines du futur

Nouvelle façon de communiquer

La Mère

de Giuseppina Teruggi

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Amour et Justice «…c’est à moi que vous me l’avez fait»

Dossier Témoins de l’écoute

dma Revue des Filles De Marie Auxiliatrice Via Ateneo Salésiano 81 000139 Roma Tél. 06/87.274.1fax 06/87.13.23.06 e.mail : dmariv2@cgfma.org

20 Fil d’Ariane Autorité

Directrice Responsable Mariagrazia Curti Rédacteurs Giuseppina Teruggi Anna Rita Cristiano Collaboratrices Tonny Aldana  Julia Arciniegas – Mara Borsi  Piera Cavaglià .

Maria Antonia ChinelloAnna Condò Emilia Di Massimo  Dora Eylenstein Laura Gaeta  Bruna Grassini Maria Pia GiudiciPalma Lionetti Anna Mariani Adriana Nepi Louise PasseroMaria Perentaler Paola Pignatelli  Lucia M;Roces Maria Rossi Loli Ruiz Perez

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ANNEE LVII  MENSUEL / MAI-JUIN 2011

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En recherche

Communiquer

Culture

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Encore l’Afrique

Témoins numériques J’ai un peuple nombreux dans cette ville

29 Pastoralement Quelle éducation à l’amour aujourd’hui

37 De personne à personne

31 Femmes sur le terrain

Chiara et les Roms

Femme médiatrices de paix

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Vidéo

Notre Terre

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La déforestation, Une menace pour la planète

Livre

Miral

Transis de froid à Minuit

43 Lettre à un ami

Allemagne: Prov.Autrichienne et Allemande Bernadette SangmaMartha Seïde Traductrices France : Anne-Marie Baud Japon : Province japonaise Grande Bretagne : Louise Passero Pologne : Janina Stankiewicz Portugal : Maria Aparecida Nunes Espagne : Amparo Contreras Alvarez

EDITION EXTRACOMMERCIALE Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice Via Ateneo Salesiano 81, 00139 Roma C.C.P.47272000 Reg. Trib. Di Roma n.13125 del 16-1-1970 Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c, Legge 662/96 – Filiale di Roma

N° 01-02 Janvier-Février 2011 Tipographia Istituto Salésiano Pio XI Via Umbertide 11,00181 Roma

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Nouvelle façon de communiquer Giuseppina Teruggi

Le 5 juin on célèbre la 45 ème Journée Mondiale des Communications Sociales sur le thème :”Vérité, annonce et authenticité de la vie à l‟ère numérique“ Du commentaire de Benoît XVI émerge la vision positive concernant la possibilité offerte par de nouvelles technologies pour communiquer l‟Evangile aujourd‟hui. Le Pape invite à utiliser les émissions sociales et les considère comme “une grande opportunité” pour les croyants, invitant les chrétiens à “s‟unir avec confiance” et responsabilité créative au réseau des rapports que l‟ère numérique a rendus possible. Pas simplement pour satisfaire le désir d‟être présents, mais parce que ce réseau est partie intégrante de la vie humaine. Il conseille donc de “témoigner avec cohérence dans notre propre profil numérique et dans la manière de communiquer des choix, des préférences, des jugements qui soient profondément cohérents avec l‟Evangile.” Le message relève avec lucidité la compréhension des grands changements culturels et sociaux de notre temps, guidés, en grande partie, par la “profonde transformation, en acte, dans le domaine des communications”. “Les nouvelles technologies n‟ont pas changé seulement la façon de communiquer –affirme le Pape– mais la communication en elle-même, pour laquelle on peut affirmer que nous sommes face à une vaste transformation culturelle... Une nouvelle façon d‟apprendre est en train de naître avec l‟opportunité inédite de stabiliser les relations et de construire la communion”.

Les jeunes, les “nouveaux-nés” immergés dans la nouvelle culture de la communication ne ressentent pas profondément les influences. Et ils n‟expérimentent pas “les inquiétudes, les contradictions, la créativité propre de ceux qui s‟ouvrent avec enthousiasme et curiosité aux nouvelles expériences de vie”. Le Pape fait réfléchir sur quelques défis inscrits dans une mutation actuelle qui tend à compromettre l‟équilibre entre les relations médiatiques de la technologie et les relations interpersonnelles, face à face. “Qui est mon “prochain” dans ce nouveau monde ? Le risque n‟existe-t-il pas d‟être moins présents envers ceux qu‟on rencontre dans la vie quotidienne ? Avons-nous le temps de réfléchir de façon critique sur nos choix et d‟alimenter des rapports humains qui sont vraiment profonds et durables ?”. Quelle est la place de la dimension “humaine” dans l‟époque numérique ? Benoît XVI nous a dit qu‟il “est important de se rappeler toujours que le contact virtuel ne peut et ne doit remplacer le contact humain direct avec les personnes à tous les niveaux de notre vie” et que “les relations humaines directes restent toujours fondamentales dans la transmission de la foi!”.

gteruggi@cgfma.org

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Témoins de l’écoute Maria Borsi, Martha Séïde

«Les hommes qui ont quelque chose à dire sont peu nombreux et ceux qui savent écouter encore moins». Cette affirmation, même très ancienne, du théologien suisse Maurice Zundel, est toujours d‟actualité pour nous qui vivons aujourd‟hui à l‟ère de la télématique et de l‟électronique. Et c‟est vrai que de nombreuses personnes vivent dans une très grande solitude, condamnées par la rumeur de nos villes ou par l‟activisme de nos institutions éducatives. En fait à l‟époque actuelle, tout le monde parle mais personne n‟écoute, parce qu‟on est envahi par des milliers de messages qui nous arrivent continuellement dans tous les secteurs de la vie. Le flux des informations provenant des médias est vraiment ininterrompu.

L’écoute de la vie et le fracas médiatique Les médias transforment le monde par une pluie continuelle d‟images, de sons, de paroles qui, par leur vitesse et la quantité de leurs propositions, laissent peu de trace dans nos mémoires. Ceci génère des difficultés dans la manière de prêter attention à la réalité et laisse donc peu de place à l‟écoute de la vie. Selon l‟écrivain anglais Gitlin Todd, les médias constituent un torrent d‟images, de sons, de rythmes et stimulations perpétuelles, un habitat multimédia “naturalisé” qui touche tous nos sens et auquel nous n‟arrivons pas à nous soustraire. Dans une société qui se croit la plus libre de tous les temps, nous passons notre temps envahi par les médias auxquels nous avons inconsciemment voué notre liberté. En effet, la relative facilité avec laquelle on peut manipuler une nouvelle et la perte de points de

repère sûrs, ne favorisent pas une évaluation objective de la réalité et une réaction critique saine. Jean-Paul II relevait déjà en 2005 : «Les moyens de communication sociale ont pris une telle importance jusqu‟à être pour beaucoup de gens le principal guide et la source d‟inspiration des comportements individuels, familiaux et sociaux.» En fait, de multiples moments de l‟existence humaine se déploient à partir de ces processus médiatiques, ou tout au moins ils doivent se confronter à eux. Que faire ? Comment se comporter face à eux ?

Nécessité d’un décodeur Dans ce contexte, que certains qualifient de “fracas médiatique”, où la personne est devenue, pour le dire avec Picard, “un appendice du bruit”, l‟attention à la vie demande un “décodeur “, c‟est à dire, des instruments, des critères qui aident à comprendre les dynamiques sociales, à interpréter et évaluer la réalité de manière objective, pour faire des choix libres et responsables. En ce sens, le Pape Benoît XVI dans son message pour les Journées mondiales de la communication sociale oriente et parle de développer la capacité d‟exploiter les bénéfices potentiels provenant des moyens de communication et en même temps il relève la nécessité de veiller sur leur utilisation. Il invite les opérateurs de la communication sociale à être les promoteurs de la vérité et de la paix et à éviter les déviations qui se vérifient quand l‟industrie des médias devient une fin pour elle-même, tournée seulement vers le profit, perdant ainsi de vue le sens de la responsabilité pour le service du bien commun.


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Il redit donc l‟importance de la formation, pour aider à utiliser les moyens de communication de manière intelligente et appropriée. Il s‟agit pour aujourd‟hui d‟une des plus urgentes nécessités. Les éducateurs et éducatrices ont avant tout besoin d‟acquérir les compétences nécessaires pour développer chez les jeunes générations la capacité personnelle à reconnaître les opportunités et les risques du monde de la télématique, pour savoir choisir parmi les personnes et les expériences, pour faire des choix en connaissance de cause. Eduquer, c‟est enseigner à vivre et aussi à grandir dans le monde virtuel, désormais partie intégrante de notre vie, c‟est donc aujourd‟hui un devoir urgent. Pour développer ces compétences l‟apport des sciences humaines est essentiel, et pour ceux qui se reconnaissent dans la foi chrétienne, les critères de jugement fondés sur la parole de Dieu et la tradition de l‟Eglise sont indispensables. «Pour les croyants et pour les personnes

de bonne volonté le grand défi de notre temps est d‟apporter notre soutien à une communication vraie et libre, qui contribue à renforcer le progrès intégral du monde.» Pour actualiser ce processus de discernement, il est important de développer la capacité de faire silence en lien étroit avec l‟écoute.

Le silence, condition de l’écoute Dans notre monde agressé par un envahissement frénétique de sons, de choses, de paroles, d‟informations, d‟images produites à grande rapidité, émerge le besoin de silence pour préserver une écoute vigilante qui permettra de bien discerner. Le silence amène à se rendre compte de la force de la surprise, il rend capable d‟étonnement, de réflexion, il permet plus d‟attention et donc une meilleurs écoute. De l‟impact du silence sur la communication naît une nouvelle capacité d‟écoute.

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Interview à deux jeunes Directrices Comment vis- tu le ministère de l’écoute? P. L. – Quand je pense à l‟écoute et comment je peux la vivre, j‟aime la penser comme un geste d‟amour délicat, un temps précieux d‟attention à l‟autre, surtout aux sœurs de la communauté ! Dans ma mission d‟animatrice de la communauté, je dois dire que les sœurs m‟aident avec beaucoup de sympathie et grande disponibilité, je peux donc reconnaître que j‟ai beaucoup de chance. Au départ je tremblais quand je pensais par exemple au colloque et à ce qu‟on disait en général sur ce moment assez abandonné. Au contraire, ma petite expérience est en train de m‟apprendre que ce moment “formel” se construit jour après jour, rencontre après rencontre, sourire après sourire “dans le bureau de la directrice”, où les couloirs, quand la rencontre n‟est pas programmée et demande tout de suite ta réaction. C‟est cette préparation qui transforme par la suite le colloque en une expérience relationnelle significative et non désertée, mais recherchée, dans lequel la directrice peut exprimer avec une délicate fraternité son devoir de médiation et de clarification des dynamiques en cours au niveau personnel ou communautaire, du point de vue humain et spirituel. En plus je me suis rendu compte que l‟écoute attentive, honnête et amicale de chaque sœur ne suffit pas, il est nécessaire qu‟une telle écoute devienne la condition pour permettre la communication des sœurs de la communauté entre elles. C‟est cette expérience qui construit la communauté La recherche du silence nous pousse à aller au-delà des limites de nos sens; le silence est la porte ouverte à des mondes nouveaux, et l'attention le moyen avec lequel nous pouvons en être conscients. Le silence, avant d‟être un moyen de réflexion est un espace pour l‟écoute, une capacité d‟accueil, une réceptivité sans préjugés, une disponibilité libre de toute présomption de soi. Le silence, entendu ainsi, peut être comparé à cette bonne terre dont nous parle l‟Evangile (cf Lc 8, 8) qui est capable de recevoir la semence de la parole de Dieu. Le silence éduque aussi et renforce notre vigilance, notre attention aux petites particularités de la vie, capables de révéler –d‟un regard pénétrant– la nouveauté qui se cache même dans la monotonie du quotidien. Pour une personne religieuse cette attitude a un nom : la contemplation. La capacité à percevoir l‟invisible (cf Heb 11, 27).

Dans une belle prière Etty Hillesum écrit : «Tout advient selon un rythme plus profond que l‟on devrait enseigner à écouter : c‟est la chose la plus importante qui peut s‟apprendre en cette vie. Le silence peut ainsi être le chemin qui conduit à la profondeur. Voilà pourquoi les grandes femmes et les grands hommes spirituels ont tant aimé et vécu dans le silence.» (Journal d‟ Etty Hillesum, Milano, Adepti Edizioni 1985). Récemment Enzo Bianchi dans son livre Chaque chose a sa saison écrit : «Le silence noue enseigne à parler, nous aide à discerner le poids de nos paroles, nous porte à nous interroger sur ce que nous avons dit ou entendu : aucun mutisme, mais un silence qui restitue à chaque parole son sens, qui empêche aux sons de devenir des rumeurs, qui transforme l‟ “ouï-dire“ en écoute. Le silence est alors comme le gardien du feu qui

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ANNEE LVII  MENSUEL / MAI-JUIN 2011 C. F. – Ecouter, comme aussi exprimer sa pensée n‟est pas une chose facile. Surtout parce que la sœur que l‟on doit écouter est beaucoup plus âgées et a beaucoup plus d‟expérience de la vie ... Il ne s‟agit pas d‟écouter les paroles mais ce qu‟elles cachent et qui est écouté n‟est pas toujours disposé à faire une lecture plus profonde. Mon expérience d‟écoute est surtout une expérience de silence : certaines fois je ne comprends pas, d‟autres fois je n‟ai même pas les éléments pour comprendre, ou encore les personnes ne veulent pas être comprises : si je m‟arrête aux paroles, la sœur me dit que je n‟ai pas compris, si je pose une question pour aller plus loin, la réaction est la fermeture. C‟est fatigant et, j‟ose le dire, frustrant ... il me semble que le mystère de la personne se révèle dans la contradiction.

Quels sont les points positifs et les difficultés que tu rencontres? P.L. - Du moment que l‟écoute, cet aspect d‟une communication plus ample, se présente comme un “travail” relationnel qui sert à donner sens aux rapports réciproques, à créer un climat émotif dans lequel chacune se sent libre de “se dire”, elle connaît des joies et des difficultés ! Naturellement, pour pouvoir expérimenter quelque chose de “positif” il est nécessaire que les sœurs sentent qu‟elles peuvent avoir confiance en moi, qu‟il n‟y aie pas trop de distance entre parole et comportement, pour créer un climat sympathique qui rend agréable l‟être ensemble, et surtout, plus supportable le poids des difficultés que le travail sur soi et les exigences de la mission demandent. C. F. - La différence d‟âge est un aspect positif et une richesse, car à travers l‟écoute, il est possible d‟approcher et de connaître l‟expérience profonde du don inconditionnel de la vie d‟une sœur au Seigneur. La différence d‟âge est aussi une difficulté. Certaines fois je perçois que justement en raison d‟une telle différence mes sœurs ne se sentent pas comprises dans leur vécu, et moi aussi, je suis sincère, certaines fois, je ne comprends pas, je me rends compte que je n‟ai pas les éléments pour les comprendre ! Dans cette difficulté je cherche de rester tranquille et de montrer ma proximité. brûle dans notre cœur, gardien des motivations les plus profondes, l‟occasion de sortir du tourbillon : avec le silence nous pouvons descendre du carrousel, arrêter de rouler sans jamais avoir en main la direction.»

L’écoute pour gérer le temps Un autre prétexte qui nous permet souvent de justifier notre incapacité d‟écouter est le manque de temps. Nous n‟avons plus le temps de nous arrêter, nous ne sommes plus patrons de notre temps. Pour écouter il faut du temps, et nous avons trop à faire, nous courons, courons. Si nous analysons le

rythme de notre vie quotidienne, ce n‟est pas que le temps manque, en réalité nous sommes incapables de nous arrêter, et surtout nous n‟avons jamais appris à écouter profondément. En outre, en assumant consciemment ou inconsciemment la logique économique, «time is money”, il nous semble de perdre notre temps si nous nous arrêtons pour une écoute gratuite. On dit souvent que seul celui qui est capable de s‟écouter, est capable d‟écouter les autres. Donc, notre incapacité à écouter les autres, d‟écouter la vie provient en grande partie de rentrer en nous-mêmes pour connaître nos émotions, notre corps, nos sentiments.

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Un premier pas pour maîtriser le temps pourrait mais elle doit l‟être en premier vers soi-même, être vraiment celui d‟apprendre à s‟écouter. pour être conscient de ses réactions, des limites de son point de vue et pour accepter de Accueillons l‟invitation de l‟écrivain Michel ne pas savoir et pour accepter aussi la difficulté Quoist : «Arrête-toi un peu, pour réfléchir sur de ne pas comprendre. toi-même et prendre conscience de ce que tu L‟anthropologue Marianella Sclavi, dans son es, pour rassembler toutes tes forces, les œuvre l‟Art d‟écouter et les mondes possibles, réorganiser et les orienter et t‟engager à fond propose sept règles pour exprimer l‟art dans ta vie. Accepter de s‟arrêter c‟est accepter d‟écouter. Il nous semble utile de les rappeler de se regarder, et accepter de se regarder c‟est pour faire une évaluation de notre manière déjà s‟engager, parce que c‟est pour faire entrer d‟écouter : l‟esprit dans sa propre maison.» C‟est mettre en place les conditions pour servir Dieu et les • Ne pas vouloir arriver trop vite à des conclusions. Les conclusions sont la partie plus autres. éphémère de la recherche Dietrich Bonhoeffer le confirme d‟une manière éclairante quand il affirme : «Le premier service • Ce que tu vois dépend de ton point de vue. que l‟on doit au prochain est celui de l‟écouter. Pour réussir à voir ton point de vue, tu dois Comme l‟amour de Dieu commence par l‟écoute changer de point de vue. de sa Parole, l‟amour du frère commence en • Si tu veux comprendre ce que quelqu‟un est apprenant à l‟écouter. Qui ne sait pas écouter en train de te dire, tu dois prendre sur toi ses son frère, bien vite il n‟arrivera plus à écouter raisons et lui demander de t‟aider à voir les Dieu. Alors en face de Dieu ce sera toujours lui choses et les événements selon son point de qui sera en train de parler.» vue. • Les émotions sont des instruments cognitifs Pour remédier à cette situation, il est donc fondamentaux si tu sais comprendre leur nécessaire d‟apprendre l‟art de l‟écoute et langage. Elles ne te renseignent pas sur ce que s‟engager à le vivre dans le quotidien. tu vois, mais sur comment tu regardes. Leur code est relationnel et analogique. • Un bon auditeur est un explorateur des Apprendre l’art d’écouter mondes possibles. Pour lui, les signaux les plus importants sont ceux qui viennent à la consEn partant de notre expérience quotidienne, cience et qui expriment des souffrances, des nous pouvons relever un grand nombre de difficultés, des irritations, ou des omissions, conditions et situations d‟écoute. Certaines parce que ce sont des signaux incongrus par requièrent des compétences spécifiques rapport à ses propres certitudes. comme pas exemple l‟écoute thérapeutique, • Un bon auditeur accueille volontiers les éducative, juridique…Mais ici, quand nous paradoxes de la pensée et de la communication parlons d‟écoute, nous nous référons à l‟écoute interpersonnelle. Il affronte les non-sens comme en général, c'est-à-dire à cette attention à la vie étant des occasions pour s‟exercer dans ce qui se déroule autour de nous qui, pour être domaine qui le passionne : la gestion créative efficace doit devenir une écoute active, des conflits. empathique.

• Pour devenir expert dans l‟art d‟écouter, tu dois L‟écoute active est ouverte et disponible non adopter une méthodologie pleine d‟humour. Mais seulement envers les autres et ce qu‟ils disent, quand tu as appris à écouter, l‟humour vient tout seul.

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Tout cela peut t‟aider à écouter le non-dit parce que chaque parole est une intégration momentanée entre le dit et le non-dit. Il serait intéressant de réfléchir sur ces règles pour vérifier, au quotidien, ce que nous réussissons à expérimenter avec plus de facilité et là où nous avons plus de difficulté. La connaissance est la première arme pour arriver à un quelconque changement. Il est important de comprendre notre manière d‟écouter et d‟être écoutés, pour vivre un chemin de conversion à l‟écoute qui deviendra témoignage.

L’écoute, base de l’évangélisation Le jeune Salomon succède à son père David comme roi de Juda. Salomon est jeune et aucun

signe ne prévoit son succès futur. La nuit précédant son voyage à Gabaon pour offrir un sacrifice, il a un songe. Le Seigneur lui apparaît et lui dit : «Demande-moi ce que tu veux et je te le donnerai.» Un cadeau inattendu et à vrai dire fabuleux, il pourrait demander mille choses : la victoire dans les guerres, un royaume toujours plus grand... mais Salomon demande «un cœur qui écoute».Salomon désire recevoir de Dieu un cœur capable d‟écouter. Une demande que Dieu exhaussa. Les maîtres spirituels sont d‟accord pour soutenir que l‟écoute de Dieu est une activité difficile. Elle demande du silence, une pauvreté intérieure, de l‟attention, une attitude centrée sur la recherche.

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C‟est une force qui transforme le présent, le reconfigure et le pousse vers le futur, une force par laquelle le royaume de Dieu fait son chemin dans le monde, au milieu des angoisses, des persécutions, en apportant la vie, la justice, la liberté et la paix. Evangéliser ce n‟est pas endoctriner, mais témoigner, dans l‟Esprit, au moyen de la parole et de l‟action. C‟est le contraire de l‟autosuffisance et du repli sur soi, de la mentalité du status quo et d‟une conception pastorale qui pense que cela suffit de faire comme on a toujours fait.

Un défi spirituel Le premier pas dans un chemin de foi est un acte d‟abandon confiant : il y a «Quelqu‟un» qui m‟ «accepte», qui m‟affirme que je ne suis pas un produit du hasard et une plaisanterie du destin. La certitude de l‟existence de Quelqu‟un qui est en face de moi, que je peux invoquer, vers lequel je peux crier, et qui écoute mon appel et mon cri quand personne ne m‟écoute, que je peux remercier, pour ma vie et pour la vie des autres, que je peux admirer, louer et exalter donne un sens à la vie, au vécu quotidien. Ce rapport personnel avec Dieu trouve son sommet en Jésus. Pour Jésus la bonne nouvelle libératrice est celle d‟être introduit dans une communion personnelle. C‟est pouvoir dire Tu es Dieu, qui nous libère de la peur d‟être à la merci d‟un destin sans visage et nous permet de nous sentir en sécurité dans la vie et au moment de la mort. Il y a peut-être plus de personnes que nous le croyons qui, ouvertement ou tacitement nous interpellent et nous demandent : «Apprenez-nous à prier» (Lc 11,1).

Aujourd‟hui, la nouvelle évangélisation apparaît surtout comme une école de prière. L‟évangélisation authentique signifie recommencer à partir de Jésus Christ, retourner à son école pour apprendre à travers Lui à connaître Dieu et l‟humanité. L‟introduction dans l‟amitié de Jésus Christ et l‟introduction dans la vie de communauté, de l‟Eglise sont extrêmement liées. Le renouveau missionnaire de la communauté éducative est un impératif pour notre temps. Spécialement dans le contexte actuel, il est nécessaire d‟être éducatrices chrétiennes, éducatrices consacrées tournée vers le monde, il est aussi nécessaire de créer des communautés aux dimensions ecclésiales universelles. La question critique que nous pouvons nous poser est : sommes-nous intéressées à transmettre la foi et à ouvrir à la foi ceux qui ne connaissent pas Dieu ? Avons-nous vraiment à cœur la mission ? L‟envoi en mission parle de témoins remplis de l‟Esprit Saint. Le témoin rempli de l‟Esprit de Dieu ne parle pas seulement avec la bouche mais avec toute sa vie, en risquant même sa vie. C‟est pourquoi la nouvelle évangélisation est surtout un devoir et un défi spirituel ; c‟est un devoir pour celui qui vise la sainteté. Parole peutêtre rhétorique ? Pas si sûr pour don Bosco qui l‟a proposée comme chemin de bonheur aux jeunes de son temps. Il a su démontrer qu‟être saints signifie s‟engager à réaliser sa propre humanité en plénitude. Le défi sera donc de devenir saints, et manifester la valeur de l‟Evangile par des gestes et des faits concrets.

mara@cgfma.org mseide@yahoo.com

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Cheminer avec sincérité Sainte Thérèse d’Avila Marta Bergamasco

“Il ne me manque ni l‟amour, ni le désir de faire tout ce qui est, en mon pouvoir pour que les âmes de mes sœurs progressent dans le service de Dieu. Comme je l‟ai prié, que le Seigneur daigne s‟y intéresser et diriger toute chose pour sa plus grande gloire”. C‟est ce qu‟écrivait Ste Thérèse de Jésus dans le prologue du Chemin de la Perfection, livre où elle espose son enseignement spirituel à ses “filles” d‟hier -qui lui avaient instamment demandé- et,à celle d‟aujourd‟hui. De cet ouvrage rssort toute son extraordinaire capacité pédagogique. Thérèse veut, avec tout ce qu‟elle est, accompagner ses sœurs dans leur cheminement vers l‟union à Dieu et les aider à être “ce qu‟elles doivent être” selon leur vocation, parce que de la qualité humaine et spirituelle de la personne qui s‟est consacrée entièrement au Seigneur dépend aussi l‟efficacité de sa mission au Service du Royaume. Et elle le fait dans un comportement constant d‟ouverture au dialogue, mêlant des enseignements qu‟elle puise dans son expérience humaine et mystique, des réflexions et des prières, en se plaçant ellemême parmi les destinataires de son message. La force de sa parole découle de son expérience concrète et de la prière qui la façonne continuellement. Thérèse est vraiment un guide parce qu‟elle est avant tout un témoin vivant, une formatrice authentique, car elle est mère selon l‟Esprit. C'est ,ce qu‟elle

désire pour les prieures de ses communautés : elles doivent favoriser la responsabilité et la maternité de toutes les sœurs “avec un amour maternel” cherchant à “se faire aimer pour être obéies”. Avec beaucoup de pédagogie, la sainte accompagne ses filles sur le chemin de la prière et dans la vie, au plan personnel et communautaire, en insistant sans cesse pour que grandissent d‟abord les vertus humaines, telles que l‟affabilité et la générosité, ensuite celles qui sont essentielles pour les “vrais amis de Dieu” : l‟amour réciproque, le détachement des créatures et l‟humilité. Elle pense aussi fondamental de faire preuve d‟une “détermination ferme” condition indispensable pour une véritable croissance spirituelle. Les vertus prennent racine dans l‟humus mystique de la grâce et de l‟amour divin, mais elles ont un besoin absolu du soutien de la volonté humaine déterminée avec force à entreprendre la marche et à ne plus s‟arrêter, coûte que coûte. C‟est là que se fonde l‟ascèse de Ste Thérèse, mais aussi et surtout la certitude que le chemin spirituel de chacun le portera à l‟entière communion avec Dieu. Il ne fera jamais défaut et Lui seul suffit à celui qui prend la route avec cette certitude absolue, en se donnant totalement, car “Dieu ne se donne tout à fait qu‟à celui qui se donne à Lui tout à fait”. C‟est dans le don de soi que d‟incarne le pur amour pour Dieu et pour les autres ; amour qui pour croître et s‟approfondir à besoin de deux valeurs indispensables : la “saine liberté” et la “science”

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Thérèse a été quelquefois contrainte au silence par les structures sociales et ecclésiastiques de son temps, limitée parce qu‟on ne comprenait pas son esprit et son humaine liberté et capacité de voir des horizons cachés aux autres, mais elle a exigé catégoriquement pour ses sœurs la “sainte liberté” aussi bien personnelle que communautaire. C‟est la liberté dans la sphère de la conscience, dans la direction spirituelle, dans la formation, dans la façon de vivre sa propre identité charismatique. Elle demande, avec force, à Dieu de ne pas permettre qu‟aucune de ses filles se sente forcée, ni dans son âme, ni dans son corps, car cela empêcherait son amour de grandir. Veiller à la liberté de sa propre communauté est l‟une des consignes les plus fortes qu‟elle laisse à celles qui seront les responsables de ses communautés. Thérèse insiste aussi sur l‟importance de lectures substantielles pour nourrir la prière, approfondir la formation et éclairer toute la vie. Ce qu‟elle recommande, avec beaucoup

de passion, c‟est de toujours marcher dans la vérité, de la chercher sans trêve, qu‟il s‟agisse de soi-même ou de la réalité que l‟on vit. Pour la même raison, elle invite ses sœurs au dialogue, à la confrontation avec des personnes cultivées : théologiens, biblistes, capables d‟éclairer pour leurs connaissances celles qui veulent suivre la voie de la vérité. “Le chemin de la vérité” est une règle constante dans sa charge d‟éducatrice. Cette femme “andariega”, “cette bonne marcheuse” dans les voies spirituelles a fait si fortement l‟expérience mystique de Dieu comme vérité, qu‟elle écrit : «Pour nous rendre conforme à notre Epoux, notre Dieu, nous devons toujours et fortement chercher à marcher dans la vérité». Ce chemin, c‟est au fond le véritable prophétisme de la vie consacrée. Il demande un discernement constant, possible seulement si l‟on a cette qualité fondamentale, un “bon jugement”. Selon Thérèse c‟est une condition essentielle pour qui désire partager le genre de vie qu‟elle a voulu dans ses monastères. Elle affirme avec force qu‟on ne doit absolument pas admettre une jeune qui n‟aurait pas un bon jugement, cette intelligence indispensable pour discerner ; car pour vivre en vérité la vocation reçue, en plus de la grâce divine et avec elle, il faut un esprit ouvert et qui s‟adapte, qui permette d„accomplir le voyage intérieur vers la plénitude sans risquer de naufrage. Ste Thérèse veut que les sœurs aient une grande ouverture d‟esprit, de cœur, d‟intelligence. Dieu n‟est pas “étroit” comme quelquefois nous l‟imaginons. Aussi quand nous approchons de Lui, quand nous nous enfonçons dans la communion avec Lui, alors tout notre être, humain et spirituel, s‟ouvre, se dilate “Ayez de grands désirs, nous dit-elle encore, et vos œuvres aussi seront grandes”. Et sûrement la vie sera de même. “Moniale carmélitaine du Monastère des Trois Horloges” à Rome

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La Mère Piera Cavaglià

Cette année rappelle le 130ème anniversaire de la mort de Marie-Dominique Mazzarello. Dès le début de l‟Institut (1872) elle est appelée “Mère” par les sœurs et les jeunes. Au long du chemin de l‟institut des FMA, fondé par don Bosco avec l‟active collaboration de Marie-Dominique, de génération en génération revient sans cesse la demande : “ Comment était Mère Mazzarello ? Les biographes s‟efforcent de tracer son parcours historique, sa spiritualité, son œuvre. Les études, à partir des documents de base, aident à pénétrer en profondeur quelques aspects de son physique et de son style éducatif. Les témoignages au Procès de canonisation –commencé il y a 100 ans, le 23 juin 1911laissent percevoir la réputation de sainteté que cette Mère a eue durant ses 44 ans de vie. Ce sont surtout ses 68 lettres qui nous permettent de rencontrer la proximité de la Mère et presque de sentir la palpitation de son cœur et la fraîcheur de ses relations. Jamais on aurait pu imaginer, qu‟après un temps si long, quelqu‟un lise ses écrits aux destinataires auxquels elle s‟adressait en toute familiarité. Etonnement surtout par sa signature et l‟appellation avec lesquelles elle terminait ses lettres aux FMA : Affectueusement la Mère ; Affectueusement en Jésus la mère Soeur Marie Mazzarello, ou bien Affectueusement Mère la pauvre soeur Maria Mazzarello.

Mère était le titre familier qui la distinguait des autres supérieures du Conseil général, comme le note sœur Ana Maria Fernandez dans son document étudié sur ces Lettres. De sa part, c‟était la conscience d‟une identité à laquelle elle ne pouvait renoncer, elle d‟ailleurs dit et répété de ne pas se sentir en mesure d‟être le guide de la communauté et de l‟Institut en continuelle croissance. Elle était persuadée d‟être sœur parmi les sœurs, mais pour son rôle de gouvernement et d‟animation elle s‟auto-définissait “La Mère”, la Mère qui vous aime tant dans le Seigneur”. On saisit dans cette expression la prégnance d‟un appel : celle qui accompagne la vie, si elle en prend soin, la fait croître, mais toujours dans l‟optique d‟un amour qui transcende l‟affection humaine si intense soit-elle, l‟amour du Seigneur. De son être et de se sentir Mère dérivent quelques attitudes qui émergent à contre jour de ses expressions utilisées dans ses lettres et qui tracent les traits d‟un visage inimitable : compréhension et intérêt attentif pour les situations concrètes de chaque personne, affection profonde démontrée d‟une façon perceptible, encouragement confiant, exhortation ferme et décidée à marcher sur les chemins de la sainteté, joie de la rencontre et de la communication. Dans ses lettres elle raconte elle-même avec une franche lucidité qu‟elle entrait de suite en relation avec facilité : tantôt malicieuse, tantôt encourageante, toujours prête à discerner et à corriger.

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Exigente et en même temps respectueuse, compréhensive, toujours optimiste et pleine d‟espérance. Dans chaque personne elle découvre -dirait Simone Weil– ce “dépôt d‟or pur” à valoriser, à potentialiser et concevoir sa vocation comme un chemin que l‟on a trouvé pour le mettre en évidence et le faire croître. On peut dire que la maternité de MarieDominique Mazzarello s‟exprime avec le caractère de l‟accompagnement spirituel aux profondes résonances éducatives. Dans son style d‟animation, elle ne commande pas, préfère exhorter, encourager, conforter, laisser percevoir que comprendre, deviner les personnes et les situations, et partir de là pour aller au but. Dans sa sagesse pratique, s‟ajoute une Sagesse plus haute qui ne passe pas à travers les notions, les langues, les titres d‟études, mais à travers l‟humble adhésion au mystère de Dieu qui seul peut rendre sages.. Dans se faire sentir “compagne de chemin” elle n‟hésite pas à reconnaître ses limites, à appeler par leurs noms ses propres fragilités et faiblesses se faisant ainsi encore plus proche.

Elle était d‟une compagnie très agréable” se souvient son directeur spirituel, don Giovanni Battista Lemoyne. Et de l‟Argentine don Giacono Costamagna, recevant le faire-part du décès de de sœur Marie Mazzarello survenu à Nizza Monferrato le 14 mai 1881, écrivait : ” j‟ai trois Mères très chères : ma mère là à Caramagna qui me disait toujours : Souvienstoi, Giacomo, que je suis ta Mère que pour te garder, ta Mère est au Ciel. Mais j‟ai trouvé sur cette terre une autre Mère pour me garder et c‟était la Mère Mazzarello ! Ah,combien j‟aimais cette âme du Seigneur ! Je ne peux trouver la paix ddepuis cette mort “ (Lettre du 4 juillet 1881) Ils furent nombreux à raconter la profondeur de son “prendre soin” de chaque personne. Une missionnaire, qui, dans sa jeunesse, fut accueillie à Mornèse, se souvenait : “ Seul celui qui l‟a vécu peut s‟en faire une idée !...Il semblait que je sois la seule dans cette maison pour me faire du bien ! “(Maccono, SantaII 243) Son comportement affectueux et en même temps ferme et exigeant donnait un visage à la tendresse de Dieu qui aime ses créatures et désire qu‟elles soient toujours plus ses Fils et ses Filles. Sans exagérer on peut appliquer aussi à Soeur Marie Mazzarello ce qu‟écrivait St Paul,aux Thessaloniciens : “Nous vous avons entourés comme une mère qui a soin de ses propres enfants. Ainsi aimés de vous, nous aurions désiré vous transmettre non seulement l‟Evangile de Dieu, mais notre vie ellemême, parce que vous nous êtes devenus très chers” . (2Ts 7,8).

pcavaglia@cgfma.org

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“...C’est à moi que vous l’avez fait...” Martha Séïde

Le second des 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement consiste en l‟engament à garantir à tous une instruction élémentaire, c‟est à dire “agir de telle manière que tous les enfants garçons et filles aient les moyens d‟achever un cycle complet d‟études primaires”. Le rappeler est plus qu‟une obligation, à une époque où l‟analphabétisme est encore très étendu. En fait, les institutions, tenues de faire respecter les droits de l‟homme, affirment que l‟éducation est le seul véritable recours pour un développement durable. En ce sens, l‟analphabétisme est l‟une des causes principales d‟une telle misère dans le monde. C‟est la vocation de chaque chrétien, de découvrir ces misères dans le cours de l‟histoire, parce qu‟il sait percevoir en elles le visage du divin Maître. En fait, Jésus lui même s‟identifie aux pauvres et aux nécessiteux : “Chaque fois que vous ne l‟avez pas fait à l‟un de ces petits, à Moi non plus vous ne l‟avez pas fait...”

Les faits parlent d’eux-mêmes Selon les derniers rapports de l‟Organisation des Nations Unies sur l‟éducation et la culture, il y a dans le monde près de 900 millions d‟analphabètes dont 100 millions d‟enfants parmi lesquels on compte 60% de fillettes. A l‟occasion de la Journée internationale de l‟alphabétisation 2010, le Secrétaire général de l‟ONU, Ban Ki-moon, demande avec force un

engagement plus large des gouvernements dans l‟éradication de cette plaie, laquelle engendre pauvreté et exclusion. En fait, la négation du droit fondamental à l‟éducation, c‟est à dire l‟analphabétisation, a de graves conséquences qui peuvent être même mortelles pour les personnes. Sans instruction, il est difficile de fournir un travail efficace, de prendre soin de sa santé, d‟entretenir et de protéger sa famille, soimême, de profiter d‟une vie culturellement satisfaisante. L‟analphabétisme compromet la capacité à avoir des relations sociales empreintes de compréhension, de paix, de tolérance, d‟égalité des sexes, chez les peuples et au sein des groupes. L‟éducation est à la base de la citoyenneté démocratique et du progrès social et ne pas en tenir compte nuit à ces opportunités vitales. Les expériences vécues par tant d‟êtres, adultes et enfants, illustrent bien cette situation dramatique. Les histoires qui suivent en sont la preuve à travers maints exemples : «Je m‟appelle Christopher, j‟ai 10 ans et je suis l‟aîné de 4 frères. Depuis le tremblement de terre du 12 janvier, nous vivons dans une tente. Je ne suis jamais allé à l‟école. Ma mère ne m‟y a pas envoyé parce qu‟elle n‟a pas d‟argent. Pendant la journée, je donne un coup de main à maman pour les travaux dans la maison. Comme j‟aimerais aller à l‟école comme les autres enfants ! Je ne sais pas quand ce jour viendra pour moi ».

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…TOUCHE MOI...TOUCHE NOUS... La parole de Jésus et l‟orientation de l‟Eglise nous interpellent et exigent que chacun sorte de lui même pour s‟intéresser aux frères qui se trouvent en situation de dénuement, en particulier, ceux qui sont privés de leur droit à la culture et à l‟éducation. r Aux racines de la pauvreté de tant de populations, on trouve aussi des formes variées de privation culturelle et de manque de reconnaissance des droits à la culture. * Comment notre communauté éducative devient-t-elle attentive à la situation culturelle des enfants et des jeunes sur notre territoire ? L‟engagement pour l‟éducation et la formation de chacun sollicite depuis toujours, et en priorité, l‟action sociale des chrétiens. Comment associer les jeunes et les enfants de nos centres éducatifs de telle manière qu‟ils s‟ouvrent à un engagement plus large de solidarité envers ceux de leur âge ? Soutenir la scolarisation, surtout celle des femmes, signifie rendre chaque personne acteur du développement au sein de sa propre famille, avec des retombées importantes pour l‟avenir de leur Pays, un moyen de préserver ses propres droits et sa propre existence. Comment ces mots interrogent-t-ils nos consciences et nous incitent-t-ils à promouvoir, dans la réalité, la scolarisation de tous ?

«Je m‟appelle Siliana, je dois avoir dans les 48 ans, je ne sais ni lire ni écrire. J‟ai perdu ma mère quand j‟avais 1 ans et j‟ai perdu mon père quand j‟en avais 2. Mon oncle m‟avait accueillie chez lui. Il m‟a gardée chez lui pour lui servir de domestique pendant que ses propres enfants allaient à l‟école. Quand j‟ai eu 18 ans, il m‟a mise dehors avec un peu d‟argent en me disant que j‟étais capable de gagner ma vie toute seule. J‟ai commencé à vendre des bonbons dans la rue. Etre vendeuse ambulante c‟est une vie très dure, exposée à beaucoup d‟humiliations. A force d‟énergie, j‟ai réussi à aller de l‟avant. C‟est vrai que si j‟avais eu la chance d‟aller à l‟école, je pense que ma vie se serait déroulée autrement. Grâce à mon travail, j‟ai pu faire faire des études à mon fils, en espérant qu‟il aura une vie différente de la mienne». «Je m‟appelle Kevin, en ce moment j‟ai presque 9 ans, j‟aime bien jouer aux billes, aux cartes, au foot, courir. J‟étais petit quand mon père est mort à la guerre, j‟aime lire, écrire et dessiner. Après la seconde élémentaire, je ne suis plus allé à l‟école, mais je veux vraiment y retourner.

Aux Sources de l’Amour Le plus grand des commandements de la loi, c‟est aimer Dieu de tout notre cœur et aimer notre prochain comme nous mêmes (cf Mt 22, 37-40). Le Christ a fait sien ce précepte et l‟a enrichi d‟une nouvelle signification, s‟étant Lui même identifié à ses frères, en disant “...c‟est à Moi que vous l‟avez fait.” ou “...c‟est à moi que vous ne l‟avez pas fait” (cf Mt 25, 40-41). Lui, Fils de Dieu, qui a voulu naître, vivre et surtout mourir dans une extrême pauvreté, s‟identifie à tous les pauvres, à tous les petits. L‟attention aux derniers, aux petits est donc un moment essentiel du parcours de croissance chrétienne.. La doctrine sociale de l‟Eglise encourage l‟engagement social et politique dans un cadre culturel avec quelques orientations précises. La première est celle qui cherche à garantir à chacun le droit à une culture humaine et laïque conforme à la dignité de la personne. Un tel droit implique le droit des familles et des personnes à une école libre et ouverte (Cf Compendio DSC 557). mseide@yahoo.com

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Autorité Giuseppina Teruggi

Il y a des mots que l‟on préférerait supprimer du dictionnaire. Et ils se prononcent le moins possible. L'un d'eux, dont on prend facilement de la distance, est «autorité». Peut-être parce, que lié à une expérience problématique, il a des références négatives. On l'aime ou pas, cependant, toute société humaine ne peut pas échapper à la présence ou à la confrontation avec une «autorité »..

Autorité et coresponsabilité Octobre 1880. A St Cyr sur Mer, en France, une communauté vit de façon problématique le changement de la directrice tant aimée, Caterina Daghero, élue vicaire générale de l‟Institut. Les sœurs n‟acceptent pas la nouvelle directrice. Mère Mazzarello se rend compte de la situation, elle écoute, attend et demande à nouveau à sœur Caterina qu‟elle les aide à retrouver le moral. Au bout d‟un mois, elle leur écrit une lettre (L 49) : «J‟aurai besoin que vous me fassiez un plaisir, c‟est que vous laissiez venir ma vicaire Sœur Caterina…».Aucun ton de reproche, aucun moralisme, mais une demande convaincante de collaboration dans une situation critique. Mère Mazzarello aurait pu “exercer son autorité” par une solution rapide. Elle ne l‟a pas fait. Elle choisit la voie du dialogue, de la raison, de l‟“amorevolezza”. Mais aussi de la fermeté. Elle donne des motivations de foi. Elle invite les sœurs à élargir leurs horizons et à tenir compte

des conséquences de leur comportement. Elle demande de croire dans les personnes, dans leurs capacités de réalisme et de leur capacité à surmonter leur émotion blessée. Elle les fait réfléchir sur le fait que toutes sont responsables de la vie de la communauté : chacune peut contribuer à la communion, les sœurs et les jeunes, avec la directrice. La lettre 49 exprime, en termes clairs, comment la Mère entend et vit le service d‟autorité, un rôle vécu dans la logique évangélique de porter les fardeaux les uns des autres, de “se laver les pieds” réciproquement, de la coresponsabilité, de l‟accompagnement réciproque. Chacune est appelée à se charger de l‟harmonie de la vie commune, dans l‟optique d‟une communauté éducative : les jeunes, à St Cyr vivaient avec les Sœurs.

Autorité et maternité La mot latin “auctoritas” dérive du verbe “augere”, et signifie “accroître”, “féconder”. Par conséquent, l‟autorité se caractérise par la fécondité. En ce sens, elle se réfère à l‟expérience de base, à la relation primaire avec la mère, la première autorité avec laquelle l‟enfant est confronté. C‟est elle qui a la fonction de soutenir, orienter, enseigner, offrir les apprentissages fondamentaux pour affronter la vie. C‟est justement à la mère de se faire espace d‟accueil, de prévoir ce qui est nécessaire à la croissance de ses enfants, de

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donner et recevoir confiance, d‟éduquer à l‟autonomie et, graduellement au don de soi. Nous savons combien l‟absence de la mère ou du père ou leur ingérence inopportune provoquent, dans la personne, l‟insécurité et la peur. Dans l‟autorité est inscrite une fonction “maïeutique”, selon l‟acception socratique bien connue dans le langage éducatif. Comme la sage-femme ; en effet, qui a un rôle d‟autorité privilégié favorise l‟attraction d‟autres valeurs et pensées personnelles, par opposition à ceux qui veulent imposer leurs propres vues. C‟est un rôle qui met en évidence le développement et la croissance de la capacité d‟une personne, privilégiant la réciprocité et la relation. Si elle n‟est pas vécue ainsi, facilement l‟autorité peut devenir pouvoir et contrôle, préoccupation prioritaire de garantir le respect de normes et de règles, en sorte que tout fonctionne selon un plan préétabli. Très belle, à cet égard, l'expression biblique du livre des Juges: «Des villages étaient abandonnés, ils étaient abandonnés en Israël jusqu‟à ce que tu te sois levée Débora, jusqu‟à ce que tu te sois levée mère en Israël,» (Juges 5:7).

Mettre en valeur et attendre Il n'est pas évident d'exprimer de cette manière l'autorité, la vivre comme une aide qui permet de développer les qualités de chacun pour le bien de tous, sans tomber dans le maternalisme ou le paternalisme ; ni dans le pouvoir et le contrôle, en prétendant être omniprésent et "avoir tout en main" pour un meilleur service. Il est peut-être nécessaire de récupérer la “force maïeutique” de l‟autorité, sa capacité à permettre l‟expression, la vie et la croissance des potentialités de la personne, l‟art d‟attendre les temps qui sont propres à chacun, en mettant l‟accent sur son autonomie. C‟est un grand don de ne pas se laisser prendre par l‟urgence d‟agir immédiatement. Et savoir se mettre avec respect en face de l‟autre mystère insondable, irréductible à tout schéma ou projet. L‟impatience, générée par le besoin de voir des

changements rapides dans le vécu de la communauté et de chaque sœur en particulier, est opposée à la logique de la gradualité dans dans l‟amélioration progressive, propre de la structure humaine et de l‟agir de Dieu. Rien de passif dans ceci, mais une attitude de confiance qui sait parfois être exigeante. Le laissez-faire, en effet, en se taisant face à des situations ambiguës pour "ne pas se compliquer la vie”, peut porter lentement à la confusion et à l'infidélité dans ce service spécifique. Pour une autre personne, l‟autorité signifiera aussi lui faire connaître sa route, l‟aider à focaliser, à affronter les problèmes qui se trouvent sur cette route. À certains moments, parce que la liberté est fragile, il convient de donner quelques indications pour suggérer des pistes, pour que l'autre puisse reconnaître ce qui ne lui est pas encore évident.

Croître dans la relation Un aspect indéniable de l'autorité est sa connotation relationnelle, de l'interdépendance. Il est difficile de penser à une utilisation saine de l'autorité sans tenir compte des réalités, des besoins de la singularité des personnes qui sont confiées, avec ce qu‟elles vivent. En 2008, a été publié un document de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, intitulé “Le service de l'autorité et l'obéissance". Ce sont de belles pages aux amples horizons. «L‟autorité –lit-on page 20- promeut la croissance de la vie fraternelle à travers le service de l'écoute et du dialogue, la création d'un climat propice au partage et à la coresponsabilité, la participation de toutes aux besoins de l‟ensemble, le service équilibré entre l'individu et la communauté, le discernement et la promotion de l'obéissance fraternelle. .

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Une fécondité, inhérente à une animation, tente de créer une ambiance de confiance, qui a reconnu les capacités et les sensibilités de chaque personne, et qui alimente, en paroles et en actes, “la conviction que la communauté exige participation et, en conséquence informations” Nous savons que l'harmonie des relations interpersonnelles est garantie par la capacité de dialogue. Ce qui implique de savoir écouter pour entrer dans une authentique relation avec les personnes, comprendre leurs besoins, leurs attentes, leurs chemins. Le thème de l'écoute est bien développée dans le document et considéré comme l'une des tâches requises des personnes en situation d'autorité qui “devraient être toujours disponibles, en particulier avec qui se sent isolé et a besoin d'attention. Ecouter, en fait, signifie accueillir l'autre inconditionnellement, en lui donnant une place dans son cœur. Par cette écoute se transmettent affection et compréhension, indique que l'autre est apprécié, que sa présence et son opinion sont pris en compte. Celui qui est en charge doit se rappeler que celui qui ne sait pas écouter son frère ou sa sœur ne sait pas écouter Dieu, qu'une écoute attentive permet une meilleure coordination de l'énergie et des dons que l'Esprit donne à la communauté, et aussi de tenir présents dans les décisions, les limites et les difficultés de chaque membre. Le temps passé dans l‟écourte n‟ est jamais du temps perdu, et l'écoute peut souvent prévenir les crises et les moments difficiles "(n.20 ).

nourriture, plus ils absorbent Dans l'enseignement, le résultat naturel est souvent l‟oubli. Dans le second, la démonstration est motivée, née d'une croyance ou d‟une expérience de l'enseignant, qui a une incidence et convainc le disciple qui se souviendra du message reçu Mais il y a un niveau plus efficace, le troisième : celui du témoignage. Non seulement l'enseignant démontre, mais il révèle la vérité qui a guidé ses choix, l'a aidé dans le parcours de sa vie : alors ses paroles seront non seulement des souvenirs, mais deviendront exemple à imiter et impliqueront vraiment l'élève. Cette situation s'applique à tout processus éducatif. Surtout dans l'animation et dans les contacts quotidiens avec les personnes Mgr Gianfranco Ravasi, dans un article paru dans "Mattutino" – Rubrique du journalAvvenir- il ya quelques années a fait remarquer ces trois étapes et en a fait un résumé: «Dis-moi et j'oublie, montre-moi et je me souviens, Implique-moi et j'apprends» . C‟est l'un des cadeaux les plus importants et délicats qu'une personne peut donner à une autre. Chaque autorité est efficace dans la mesure où elle est exprimée d'une manière influente. Autorrevolezza est une expression de témoignages et d‟expérience cohérentes entre ce qui se dit et ce qui se fait, outre que d'exprimer la compétence dans le domaine spécifique de son service. Comme l'écrivait Paul VI: "L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et s'il écoute les maîtres, c‟est parce qu'ils sont des témoins" (Evangelii Nuntiandi, IV, 41). (

Autorité et autorevolezza L‟Auteur et homme politique américain Benjamin Franklin, qui a vécu en 1700, distingue trois degrés dans l'éducation. Le premier est celui de tout «scolaire» de dire les choses aux autres parce qu'ils apprennent, selon la méthode de l‟élevage des poulets: plus vous leur donnez de la

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Encore l’Afrique Mara Borsi

Interwiev à : Sr. Elsabeth Gezahegn Asregdew (AES), Sr. Liliane Kaputo Matinko(AFC), Sr. Marie Thérèse Kamanayo (RMG).

Quelle a été pour toi l’expérience la plus significative ? Sr. Elsabeth - L'expérience la plus significative pour moi est l‟oratoire : lieu privilégié dans lequel on assimile, on vit et on partage le style salésien et où se transmettent les valeurs évangéliques, soit dans la communauté éducative, soit entre les jeunes qui fréquentent l‟œuvre des FMA. Quelques moments ont marqué très fort mon expérience pastorale ce sont : les fêtes de Don Bosco, de Marie Auxiliatrice, de Marie Mazzarello et autres fêtes salésiennes, le chemin de préparation à la Pâque. Pour moi et pour les jeunes, ce sont des moments d‟évangélisation, d‟expérience de l‟amour de Dieu pour nous. J‟ai toujours été saisie par la participation des enfants, des jeunes, des adultes et des anciens aux propositions formatives de la communauté ; ceci a suscité en moi une sensation d‟étonnement et la conscience que nous appartenons à une réalité plus grande et que nous faisons partie d‟une grande famille qui est l‟Eglise. Sr Marie-Thérèse – J‟ai eu peu d‟occasions de rester ou travailler avec les jeunes, mais les expériences qui ont le plus touché ma vie ont été celles que j‟ai vécues à l‟oratoire de Sakania et dans la maison familiale Laura

Vicuna, qui accueille les enfants abandonnés et en difficultés. Au Mozambique j‟ai pu travailler avec des jeunes en difficultés. Des expériences très diverses, mais qui m‟ont aidée à comprendre les défis et les difficultés de la croissance des nouvelles générations. Sr Liliane - J‟ai eu la possibilité de vivre des expériences pastorales très fortes près de la jeunesse. En tant que FMA la plus belle expérience a été celle de réaliser des initiatives avec les jeunes en formation.. Nous sommes partis de rien ou presque avec le groupe des animateurs et sommes arrivés à des réalisations significatives élargissant toujours plus la participation aux autres jeunes. J‟ai expérimenté la créativité, la solidarité, le désir des jeunes avec lesquels j‟ai travaillé, d‟aller à la rencontre des moins fortunés, avec peu de ressources. Pour aider les jeunes des villages ruraux qui sont empêchés par la distance, la pauvreté et ont moins de possibilités de participer aux rencontres de formation, de prière, de réflexion ont été réalisés des moments en diverses zones des diocèses.

■ Quels défis, besoins, attentes as-tu dû affronter dans la mission entre les jeunes ? Sr. Elsabeth Les défis, les besoins et les attentes des jeunes dans la mission en Ethiopie se placent dans un contexte sociopolitique et complexe, caractérisé par la pauvreté. Les systèmes éducatif, politique et économique tendent à augmenter l‟écart entre les riches et les pauvres.

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Dans une telle situation beaucoup de jeunes n‟ont pas la possibilité d‟instruction, d‟éducation et de formation et par conséquent la qualité de la vie est compromise dans ses aspects les plus profonds. Nos jeunes, pour s‟émanciper émigrent du Pays et vont à l‟extérieur pour trouver une vie meilleure, d‟autres restent et travaillent à la culture des fleurs, qui aujourd‟hui est la réalité la plus rentable sur le marché externe et interne, cependant, ils travaillent dans des conditions difficiles et déshumanisantes. Un défi auquel se confrontent les FMA avec une très grande fréquence est celui d‟un nombre croissant de sectes religieuses. Les plus jeunes sont indécis, vulnérables et se dirigent parfois d‟une secte à l‟autre. Sr. Marie Thérèse – Dans ma brève expérience pastorale, j‟ai constaté que les jeunes veulent vivre une vie remplie, pour cela ils cherchent des adultes qui soient en mesure de les orienter vers des choix de qualité, d‟engagement et de valeurs pour une vie meilleure. Ils attendent de nous, adultes, un encouragement sincère. J‟ai pu aussi accueillir parmi les plus jeunes le désir de connaître Dieu. Sr. Liliane – Les besoins avec lesquels nous nous affrontons dans la pastorale des jeunes sont multiples. Les jeunes ont soif de culture, de découvrir le visage de Dieu, de rencontrer des personnes qui mènent à Dieu. Un des défis le plus fort est surtout la présence éducative entre les jeunes et dans l‟Eglise locale qui ressent la nécessité de la contribution des FMA, considérée comme expertes dans le champ de l‟éducation et de la pastorale.

■ Quels signes d’espérance entrevois-tu dans la réalité des jeunes dans ton contexte ? Sr. Elsabeth –Pour moi l‟unique espérance est l‟éducation vue comme promotion de ce potentiel qui est le propre de la personne humaine et de toutes ses ressources de façon

intégrale et globale. J‟ai touché avec la main que les anciens élèves, c‟est-à-dire ceux qui sont formés dans les écoles des FMA sont signes d‟espérance aussi bien dans l‟Eglise que dans la société civile. L‟expérience m‟a fait comprendre que l‟éducation est la voie juste pour l‟avenir de ma Nation. L‟autre signe d‟espérance ce sont les jeunes euxmêmes. J‟ai rencontré des jeunes qui aiment la vie et sont disposés à faire quelque chose pour bien la vivre et améliorer les conditions de l‟existence pour eux-mêmes et pour la communauté. Sr. Marie Thérèse – Je crois que les jeunes sont un peu les mêmes dans chaque Pays et toujours, et donc nous lancent des messages d‟espérance, de joie, de solidarité, de justice, de désir d‟une vie digne. C‟est à nous adultes d‟être à côté d‟eux pour les orienter vers le Christ. Les jeunes ont besoin de voir Jésus en nous. Sr. Liliane – Le signe le plus grand d‟espérance ce sont les jeunes eux-mêmes avec leur manière d‟être caractérisée par la foi, la vivacité et la générosité. Les jeunes avancent malgré tout. Avec créativité, ils trouvent la façon de surpasser le manque des adultes qui indiquent le chemin. Ceci incite les FMA à être de bons guides parce que le danger d‟abandonner la jeunesse aux autres “pasteurs” est fort. Les sectes sont très actives et aguerries et cherchent à détourner les jeunes de la vie chrétienne. Les autres signes d‟espérance sont la liberté de proposer le système préventif, non seulement dans nos œuvres mais dans le travail pastoral de l‟Eglise locale et de la Nation.

mara@cgfma.org

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Aujourd’hui, quelle éducation à l’amour ? Palma Lionetti

Valeur et beauté de la coorporéité Le respect d’autrui “Demander à un jeune d‟aimer ?...Il aime comme il respire, comme il rêve” écrivait Don Mazzolari, en 1943. En fait, aujourd‟hui comme hier, les jeunes agissent avec amour et charité. Parlant d‟éducation à l‟amour nous pourrions faire référence à nombre d‟auteurs contemporains, mais le fait de la Béatification de Jean Paul II nous offre l‟occasion de remettre sous nos yeux d‟éducateurs les observations sur ce thème du jeune archevêque de Cracovie dan “Amour et Responsabilité” édité pour la première, fois en 1960 et traduit immédiatement en de nombreuses langues dans le cours de quelques années Dans ce texte, il a écrit de très belles pages, partant de quelques questions importantes : «Que veut dire l‟expression “éducation à l‟amour ?” Peut-on “cultiver l‟amour ?”. N‟estce pas une réalité préexistante, donnée à l‟homme ou plus exactement à deux personnes, une sorte d‟aventure du cœur, si l‟on peut dire ? Il répondit : «L‟amour n‟est jamais tout à fait réalisé ni tout simplement “offert” à la femme et à l‟homme. Il doit être construit. Voici comment il faut l‟envisager : dans un certains sens, l‟amour “n‟existe” jamais mais il “devient” à chaque instant ce qu‟en fait l‟apport de chaque personne et la profondeur de leur engagement»..

L‟engagement de la personne dans l‟éducation de l‟amour est indispensable et cependant, il ne suffit pas grand “ami de l‟homme” mais aussi grand “expert et pasteur des âmes”, il trace à ce propos une très intéressante analyse de l‟amour et de toutes ses formes qu‟il prend, de la convoitise -amor concupiscentiae- à la bienveillance -amor benevolentiae- avec une finesse de trait spectaculaire. «L‟amour est la réalisation le plus complète des possibilités de l‟homme. […] De toute évidence, pour en être ainsi, il faut que l‟amour soit authentique […]} l‟amour d‟une personne pour une autre doit vouloir son bien pour être vrai, autrement ce n‟est pas de l‟amour mais seulement de l‟égoïsme […] C‟est là que l‟on touche au problème du rapport entre le “je” et le “nous”. C‟est la réciprocité qui, dans l‟amour fait apparaître ce “nous”. Elle montre que l‟amour a muri qu‟il est devenu quelque chose entre les personnes, qu‟il a créé une communauté et c‟est ainsi que se […] réalise pleinement sa nature. La réciprocité crée une synthèse, si l‟on peut dire, entre l‟attirance et la bienveillance Ce qui conduit notre histoire -pour chacun de nous- c‟est notre capacité d‟aimer et d‟être aimé. Concrètement, en fait, nous nous trouvons affrontés à un besoin d‟aimer et d‟être aimés parfois plus ou moins blessé, démenti, désavoué, ignoré, crié et ces blessures peuvent engendrer des façon d‟agir ‫׆‬

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ANNEE LVII  MENSUEL / MAI-JUIN 2011 ANNEE LVII  MENSUEL / SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010

ANNEE LVII  MENSUEL / JUILLET-AOÛT 201 et de vivre déformés que l‟on va adopter pour survivre. Alors peut-on éduquer à aimer ? Comment progresser sur la voie de la maturation affective ? Comment exprimer et aider à exprimer son amour d‟une façon valable pour l‟autre ? Corps il y a des gestes qui sont comme une annonce de décision. Exprimer son amour, trouver un langage qui fasse comprendre à l‟autre qu‟ion l‟aime, exige que mes paroles, mes gestes soient authentiques et en harmonie avec mon état de vie. Basé sur mon choix de vie, le registre de mes expressions sera approprié. L‟ambigüité ne nous construit jamais. Naturellement, cela demande une certaine capacité de «compréhension empathique». Ce qui demande d‟abord que l‟on sache dépasser ses propres principes, ses façons de faire, non pour adopter ceux des autres, mais pour s‟accorder comme au diapason. Cela exige d‟être perpétuellement en croissance pour réaliser que, dans l‟amour,

il y a toujours une responsabilité, que “la grandeur morale du véritable amour réside dans le désir du bonheur , du bien véritable pour une autre personne Comme le dit Martin Buber :«L‟Amour c‟est quand “je me sens responsable de toi». C‟est prendre à cœur le destin d‟un autre en respectant ses rythmes, ses tendances, son mystère. Jusqu‟à lui reconnaître le droit à l‟erreur, dans un respect qui n‟est pas une élégante indifférence, mais l‟espace où il peut respirer et se sentir libre d‟être luimême dans ce qu‟il a de meilleur. Un respect fait d‟attention et de silence, de présence discrète, d‟initiative et d‟attente… parce qu‟aimer, c‟est vouloir que l‟autre soit vraiment lui-même !

palmalionetti@gmail.com

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Femmes médiatrices de paix Paola Pignateli, Bernadette Sangma

L'une des grandes réalisations du mouvement féministe des femmes, ces dernières années, est la résolution 1325 du Conseil de Sécurité - 2000 Femmes environ, à Paix et Sécurité. C'est le premier document mondial qui reconnaît la contribution femmes dans la construction et la médiation de la paix et la prévention du conflit. Le texte de la Résolution été traduit à près de 100 langues différentes et vous pouvez le trouver sur le site www.peacewomen.org. Certes, le passage des paroles aux actes n'est pas satisfaisante. En 2010, l‟UNIFEM dit que les femmes représentent moins de 10% dans les négociations et moins de 3% des signataires des accords de paix. L'ONU n'a jamais nommé une femme comme chef médiateur de paix ! Pourtant, elle stipule que l'une des raisons qui ont conduit l'échec de plus de 50% des accords de paix est le manque de femmes à la table de la paix. Tandis que les mécanismes de prise de décision ont du mal à reconnaître la participation active des femmes dans la médiation de la paix, de fait, la contribution positive de la femme dans la résolution des conflits et la reconstruction post-conflit devient Toujours plus visible et significative aujour-d'hui. "Pourquoi cette hésitation" est le nom d'une fondation, créé pour donner une nouvelle vie aux orphelins du génocide au Rwanda en 1994. L'auteur de cette initiative est Marie Claudine Mukamabano, chanteuse et danseuse. Elle a survécu au génocide. Témoins oculaires

de crimes horribles, elle raconte que cela a créé en elle un choix irrévocable pour la vie : "Je vois toujours tuer les enfants en face de moi, j'ai décidé que si je pouvais survivre à la tragédie, j‟aiderais les orphelins. Je l'aurais fait de mon mieux pour aider les survivants". Après avoir perdu parents, sœurs, cousins, tantes, oncles, grands-parents et autres proches, des amis et des compagnes, Marie Claudine s'est agrippée à sa foi pour essayer d'obtenir des réponses à sa question: "Pourquoi est-ce que j‟existe?". Lors du quinzième anniversaire du génocide, le 7 avril 2009, Marie Claudine chante à la cérémonie commémorative parrainée par l'Organisation des Nations Unies, en présence du Secrétaire général Ban Ki Moon. En Septembre de cette année, elle décide de fonder la Convention de la paix au Rwanda, le premier du genre dans l‟'histoire du Rwanda. Elle a dit: "J'ai trouvé un espace dans mon cœur pour pardonner à tous ceux qui ont commis des crimes contre moi et je demande à mes compatriotes de se pardonner les uns aux autres afin que nous puissions expérimenter la vraie paix dans notre vie". En mai 2010, Marie Claudine a reçu des Nations Unies, le Prix d‟“Ambassatrice pour la Paix. Comme Marie Claudine, Flora Brovina, Présidente du Mouvement des Femmes a aussi expérimenté, au Kosovo, les tragiques conséquences de la haine et de la violence. Elle s‟est aussi montrée une femme de grand courage, capable, outre ses expériences personnelles de

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violence, de se faire médiatrice de la paix. Ses considérations sont fondées son être de femme. Elle dit: "En toute chose, nous devons d'abord démontrer que nous sommes des mères, des sœurs et des femmes. Nous devons affronter et surmonter les causes de douleur et de souffrance avec la puissance de la raison insistante. Lorsque nous nous trouvons face à des actes d'intimidation, arrêtons-nous et demandons-nous comment nous agirions si nous étions à la place de la victime? [...] Les femmes sont en mesure de construire des ponts dans toutes les régions du monde. Nous aussi, nous devons et nous pouvons les construire. [...] Si nous réussissons à nous libérer des problèmes politiques et si nous nous fixons sur les affaires de la vie quotidienne nous voyons que nous partageons la même langue et les mêmes intérêts. [...] Nous devons nous rendre compte que la violence en Ex-Yougoslavie a atteint davantage les femmes. Nous avons une responsabilité envers nous-mêmes, nos enfants et aussi envers les personnes qui menacent notre sécurité. Pour cela, nous ne devons pas et ne pouvons pas être mises de côté dans les processus qui sont vitaux pour notre avenir. Aussi de l'Amérique latine nous arrivent des voies de profonde d'intensité comme celle de Norma Berti, écrivain et protagoniste du livre de la vie en Argentine à “Les femmes en temps d'obscurité». «Le coup d'Etat du 24 Mars 76 de l'armée argentine assumé sur un "modus operandi" effectif, prétendant agir dans une guerre non déclarée, décidant d‟oublier d'être les défenseurs de la loi, en plaçant tous les forces armées de l‟Etat au service de la répression menée avec des méthodes totalement illégales. Les Camps Clandestins engloutissaient des milliers des gens parmi lesquels il y avait,

entre autres figures sociales comme des prêtres, des mineurs, des femmes enceintes, des intellectuels, etc. sans perturber la conscience du pays, qui n'était pas préparé pour une peine de mort aveugle. Durant ces années, dans la société civile, les femmes mettaient l'armée au défi, en cherchant à connaître le sort de leurs enfants disparus. Pendant de nombreuses années la seule opposition visible au régime sera leurs marches silencieuses et pacifiques autour de la Plaza Mayo, leurs mouchoirs blancs, leurs pancartes portant les noms des répresseurs, de leur diplôme, leur armée d'appartenance l'emplacement des installations clandestins de détention, afin de rendre manifeste la vérité que le régime tentait de cacher et de nier. Leur manière de rechercher la vérité a été pendant des années, la seule façon discordante et stridente de controverser une société enchaînée, résignée et craintive, de la terreur imposée d'en haut. Mais ces femmes ont fait plus : avec le retour de la démocratie lorsque s‟est clairement manifestée l'impossibilité de la réapparition de leurs enfants elles ne se sont pas à démobiliser et ont transformer leur lutte pour le retour des leurs enfants dans une guerre civile pour la vérité et la justice. Justice, qui après 30ans d‟une longue route de lutte, a pu être obtenue, parce, qu‟actuellement l‟Argentine est le seul pays où il a été possible de juger le génocide». Marie Claudine, Flora Brovina, Norma Berti et bien d‟autres encore... témoignent que par le courage, la force et l'engagement des femmes à tisser des relations et on peut faire ressurgir la convivialité humaine de ses cendres!

paolapignatelli@hotmail.com b.sangma@cgfma.org

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Déforestation, Une menace pour la planète Anna Rita Cristaino

La déforestation menace la subsistance de plus d‟un milliard et demi de personnes qui, des arbres et de la nature autour d‟elles, tirent directement de quoi vivre : Tel est l‟avertissement lancé par les Nations Unies pour 2011, “année internationale des forêts” ; une initiative qui vise à protéger les poumons verts de la planète –plus de 31 % de la surface de la terre, environ quatre milliards d‟hectares- et ces habitants Selon l‟ONU, de plus de 1,6 milliards de personnes, qui dépendent directement des forêts, environ 60 millions appartiennent à des communautés autochtones et locales, sans ressources économiques. Toujours selon les données de L‟ONU, environ 13 millions d‟hectares de bois sont abattus chaque année à cause du développement des villes ou pour des exigences agricoles. L‟Année Internationale des Forêts veut en faire prendre davantage conscience et promouvoir une action globale pour la gestion, la conservation et un développement raisonnable de tous les types de forêts. La déforestation n‟est autre chose que la réduction des espaces verts naturels de la Terre. C‟est un des principaux problèmes concernant les climats dans notre monde contemporain. La présence des forêts joue un rôle de grande importance pour le maintien des équilibres de l‟écosystème. Par le processus de photosynthèse, les plantes absorbent le gaz carbonique de l‟air (effet de serre) et dégagent à la place de l‟oxygène. Les

forêts servent à filtrer et retenir les eaux, réduisant les risques hydrogéologiques dans leur territoire : comme la destruction de l‟habitat de milliers d‟espèces végétales et animales (biodiversité). Elles augmentent l‟humidité du climat, freinent l‟érosion du sol, etc… La déforestation est le résultat d‟une action irrationnelle de l‟homme. Quand la coupe des arbres dépasse les taux de reproduction, alors le nombre des arbres se réduit (déforestation). Avec le temps qui passe se réduiront également les effets positifs qu‟apportent les arbres à l‟écosystème dans son ensemble. Dans les forêts tropicales, par exemple, vivent la moitié de toutes les espèces animales existant sur la terre. Ce véritable écrin de la biodiversité est aussi le “poumon vert” de notre planète qui joue un rôle décisif dans l‟ensemble des équilibres climatiques. Mais sur un total de 2 milliards d‟hectares de forêts tropicales, chaque année on en perd entre 11 et 15 millions d‟hectares. Cela revient à dire que toutes les trois secondes disparaît l‟équivalent d‟un terrain de football ! La terre est malade et essaie vraiment de le faire savoir. Si nous continuons à ignorer ses exigences, l’organisme-Terre sera contraint de réagir et nous serons les premiers à y perdre.

ancristaino@cgfma.org

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Quelle annonce pour l’époque de l’internet ?

J’ai un peuple nombreux dans cette ville… Maria Antonia Chinello

La question est de toujours : «De quelle galaxie d‟images et de sons [Internet, ndr.], émerge le visage du Christ ? Entendra-t-on sa voix ?». Benoît XVI, dans son Message pour la 45e journée Mondiale de la Communication Sociale (5 juin 2011) situe les croyants au cœur du problème de la Missionde l‟Eglise dans le Monde Contemporain : Vérité, annonce et authenticité de vie à l‟époque de l‟Internet. Encore une fois, son regartd, sa pensée ont la marque, les nuances de l‟ouverture à la “nouveauté” même si c‟est avec une visée plus large : le devoir de témoigner de l‟évangile dans le monde digital. Il y a place pour tous, personne n‟est exclus. Nous savons qu‟être en Réseau «c‟est une partie constitutive de la vie humaine». En même temps cependant, nous sommes conscients que notre époque nécessite une «pressente et sérieuse réflexion sur le sens de la communication» ; qu‟il est urgent d‟avoir un style de présence également dans le monde digital» ; qu‟il faut nécessairement des chrétiens adultes et jeunes, assurés dans leur foi, connaissant la vie selon l‟Esprit, prêts à rendre compte de leur espérance, en témoins de l‟amour sans limite de Dieu, pour que la Bonne Nouvelle réjoigne et réveille le “peuple” nombreux du Web. C‟est l‟époque d‟une mission renouvelée pour l‟annonce et le témoignage de la Bonne Nouvelle. Comme au commencement les témoins de l‟évangile ne se sont pas dérobés

face à la nouveauté et aux difficultés, pas plus, nous, les disciples du nouveau millénaire, ne devons nous retirer, ni avoir peur. L‟avertissement der Saint Paul résonne encore : «Malheur à moi si je n‟annonce pas l‟Evangile !» Le défi est donc de rendre Dieu vivant et actuel dans la multiplicité des canaux, des formes de communication vers lesquels nous orientent les nouveaux médias, dans les milieux, les espaces qu‟ouvre la technologie informatique sans perdre le patrimoine de la sagesse religieuse du passé. C‟est une “histoire nouvelle” caractérisée par la pertinence d‟une transformation qu‟on ne peut arrêter. Actuellement la notion d‟“universalité” change et c‟est le concept de “catholicité” qui s‟étend. Dans le monde digital, tous sont désormais connecter à tous (au moins virtuellement). Le problème n‟est pas tant de joindre les personnes à qui annoncer l‟Evangile que de se rendre compte des pensées, de saisir les mots, les émotions, de comprendre les représentations et le virtuel dans un contexte de “tropplein de communication” où il y a beaucoup de confusion. Là où des hommes et des femmes se rencontrent, s‟interrogent, souvent sans espoir, les chrétiens se doivent d‟être présents. Comme Paul à l‟Aéropage d‟Athènes, le WEB est la place où l‟on peut réagir, se confronter avec d‟autres. Car le besoin de Dieu qui agite le cœur humain sous toutes les latitudes, de tout temps –c‟est celui de trouver “Quelqu‟un” qui l‟écoute et lui réponde.

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La vérité de l‟Evangile, l‟annonce de la Bonne Nouvelle et l‟authenticité du témoignage apparaissent toujours quand “Quelqu‟un” nous rejoint, atteint notre vie et lui donne du sens, la faisant aventure inimaginable d‟offrande et de don réciproques. C‟est dans les interconnexions, les espaces changeants des “social network” que “mon prochain”, surtout celui qui est “né avec l‟ordinateur” va être écouté, accepté dans sa façon de communiquer quelques fois si difficile à saisir dans ses expressions et dans leur signification La tendance à la mondialisation de Google ne peut laisser indifférent. De plus en plus souvent, pour obtenir une information on interroge le Réseau pour avoir une réponse. Les réponses d‟Internet, ne sont qu‟un ensemble de Link (connexions) qui renvoient à des textes, des images, des vidéos. Sur ce Réseau, l‟homme va à la recherche de Dieu

par sa navigation. Avec quelles conséquences ? Peut-être l‟illusion que le sacré, le religieux sont à portée de souris, à notre disposition au moment où l‟on en a besoin. Le chrétien aujourd‟hui, selon une métaphore utilisée par Antonio Sparado, doit être un décodeur il doit arriver à pouvoir décoder les demandes, à repérer le sens du massage, le reconnaître parmi les nombreuses réponses qui sont continuellement proposées. Le témoignage sur le WEB est de rendre compte de son expérience dans un contexte où les arguments s‟affrontent rapidement. Une attitude fondamentale est le discernement car la réponse révèle le sens de la question. L‟Evangile n‟est pas une information parmi les autres, mais la clé, un message de nature totalement différente des nombreuses autres informations qui nous submergent jour après jour. C‟est encore percevoir le désir silencieux de trouver quelqu‟un (et même l‟Autre) qui garde le contact, qui révèle et donne un sens plénier à l‟humanité et à l‟Altérité ; qui montre la route en se faisant compagnon de voyage, reconnaitre les appels et l‟Appel, être “épiphanie” de l‟amour, en consentant à faire halte ensemble de la part de Dieu et de son Peuple. A l‟intérieur de ce monde digital comme à l‟extérieur. mac@cgfma.org

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Chiara et les Roms Anna Rita Christiano

Nous avons toutes une vie intérieure. Tous nous ressentons de faire partie du monde et en même temps d’en être exilé. Tous nous brûlons dans le feu de notre existence. Nous avons besoin de mots pour exprimer ce que nous avons à l’intérieur. Paul Auster Chiara ce soir n'est plus la même. Elle pense à ce qu'elle vient de vivre. Elle a été témoins d‟une rencontre d'humanité. Ces dernières semaines, avec le groupe des jeunes de l‟oratoire, ils ont beaucoup réfléchi sur leur avenir et leur engagement envers les autres. Avec eux se trouve Mena et Franck de la communauté de Sant'Egidio. Ils racontent d'une manière très simple et naturelle ce qu‟ils ont vécu en ces jours : Chiara et les autres, ont été invités à faire un tour avec eux. Certains rejoignent des sans-abri à une station de métro, d'autres des alcooliques qui vivent dans la rue à côté d'une station d'essence. Chiara va dans un camp de Roms. C‟est un grand quartier de sa ville. Elle reçoit un sac rempli de sandwiches, certains ont des fruits, quelques-uns ont des fruits, d‟autres une boisson chaude à offrir. Ils se sont arrêtés dans une rue animée, il y a beaucoup de voitures et de bâtiments éclairés. Sur le trottoir d'un coup, surgit une porte métallique. C‟est l'entrée du camp. La porte s'ouvre sur une cour où des enfants qui attendent

la visite. Ils sont heureux, amusés, ils jouent avec ces amis qui leur apportent, chaque semaine, le dîner. Les enfants sont des enfants», dit Rita, une ancienne de la communauté Sant‟Edigio, qui fréquente le camp depuis plus de 10 ans. “Les enfants sont des enfants”, car tous ont le même désir de courir et jouer. Ils sont malins, ils ont des yeux intelligents. Les petits savent comment attirer leur attention. Ils font des Clin d'œil et sourient, ils courent, ils jouent. Chiara regarde avec étonnement comment tous ceux de la communauté Sant‟Egidio sont toujours là, tranquilles. Il n'y a pas de hâte à vouloir donner les sandwiches et les fruits. Ils sont là. D‟abord, ils leur demandent comment a été vécue la semaine. Ils s‟informent sur l'école, le reste de la famille. Petit à petit les mères s‟approchent et derrière eux quelques grandpères ou grand-mères. Alors ils reprennent le récit de leur de vie. On reprend la conversation arrêtée la semaine précédente. Une communication faite d'échange et de réciprocité. Maintenant, je suis dans une grande baraque. Dans la grande chambre partagée par toutes les familles, il ya plusieurs fourneaux et ustensiles de cuisine. Plusieurs tables pour manger ensemble. Ensuite, il ya de nombreuses petites portes qui donnent accès à de petites pièces. C'est leur maison à tous. Ils vivent ainsi à 10 dans ces pièces. Mais Chiara, note un sens de dignité. Vouloir garder le côté privé de leur vie. C‟est en eux une recherche de normalité.

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ANNEE LVII  MENSUEL / MAI-JUIN 2011 ANNEE LVII  MENSUEL / SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 Certains dans le camp sont un peu méfiants. Chiara le note et demande pourquoi. On lui dit que ce sont ceux qui viennent tout juste d'arriver. Ils ont besoin de temps et les gens de S. Egidio ne sont pas pressés. Ils attendent aussi longtemps que nécessaire et ne forcent personne, tôt ou tard les nouveaux leur accorderont leur confiance.

Combien de fois Chiara a entendu parler des Roms. Mais maintenant, elle pense qu'elle en a toujours entendu parler en général. Quand le journal télévisé parle de quelques problèmes dans les camps de Roms, ou de quelque accident causé par eux, ou quelqu'un qui se plaint de leur «proximité», ils en parlent comme d‟une catégorie : les Roms, les Tsiganes, etc. Personne ne les appelle par leur nom. Comme s'ils n'étaient pas des personnes, mais seulement «quelque chose» à tenir à distance. Mais ce soir elle a rencontré Florian, Malvina, Adrian et tant d‟autres. Rhiana a16 ans Elle a épousé Maiek. Depuis quelques jours. Maiek aura19 ans et Rhiana veut lui faire une fête surprise. Elle demande alors à ses amis de S. Egidio un gâteau. Elle ne veut rien d‟autre, juste un gâteau. Elle veut donner un moment de joie à son mari. Un petit moment mais plein de joie, d'amour. Sienae n‟est pas là ce soir. Elle a du repartir en Roumanie parce que sa tante est décédée. Elle est l'une des rares a avoir trouvé du travail avec une famille. Elle fait du nettoyage. Dans le quartier on ne leur fait pas confiance. “Nous savons que les Tsiganes volent" - disent-ils. Mais elle a gagné la confiance de ces personnes. Cependant, avec ce qu'elle gagne, elle ne peut toujours pas quitter le terrain. La famille est grande et les frais dans une grande ville sont nombreux.,

Chiara observe, regarde, cherche surtout de comprendre et de se comprendre. Mais les enfants attirent toute son attention. Elle commence à jouer avec eux. Elle se penche et les regarde dans les yeux. Elle commence à sourire. Ils ne veulent plus de leurs sandwichs, ils la veulent. Le plus petit la présente aux nouveaux arrivants: «Elle, c‟est Chiara, une de mes amies». Chiara sourit et continue à se laisser prendre par tous ces enfants. Mais il est temps de partir. Alors tous les enfants l‟escortent jusqu'à la sortie. Elle s‟arrête encore quelques minutes sur le trottoir. Nous échangeons des “au revoir”. Puis chacun retourne dans sa maison. Chiara est dans sa chambre. Un lieu chaleureux et protégé. Elle n‟avait jamais pensé qu‟à si peu de distance d‟elle, il y avait des gens qui vivaient dans des cabanes. Elle le savait, les journaux télévisés en parlent, mais elle n'avait jamais voulu croire qu'ils étaient si près d'elle. Connaître leur histoire les avait rendus encore plus proches. Et elle maintenant, entendant la pluie qui tombait avec puissance, pensait que sûrement ils n‟étaient pas correctement protégés ni du froid, ni de l‟ humidité. Elle n'est plus la même. Si elle continuait à se mentir à elle-même tout resterait pareille, mais elle ne veut pas mentir. Elle ne réussit pas à oublier les yeux de ces enfants, ouverts et prêts à entrer en communication avec elle. Elle ne sait que faire. Mais elle a décidé d‟y retourner..

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Analyse de Mariolina Perentaler

MIRAL Grande Bretagne, France, Israel – 2010

Pourquoi voir ce film et le proposer ? Nombreuses ont été les raisons exprimées par la critique et le public : pour s’immerger dans un récit d’une grande force, qui parle de l’amour, de l’instruction, des gens et de l’espérance ; parce qu’il conte les événements vécus par quatre femmes arabo-israëliennes avec en arrière-plan la réalité politique inextricable de l’état d’Israêl, de sa naissance en 1948 aux Accords de Paix d’Oslo en 1994. Enfin, il s’agit du parcours initiatique complexe vécu par l’héroïne du roman “la rue des fleurs de Miral”, écrit par Rula Jebreal, où l’héroïne parvient à se sortir d’un environnement de vie qui la prend au piège et à s’engager en se consacrant à la paix. Présenté parmi d’autres films en compétition à la Mostra cinématographique de Venise 2010, il a été récompensé par l’Unicef qui dans son appréciation générale, rappelle explicitement que : “les enfants n’appartiennent à aucune faction. Avant tout ils ont des droits, encore plus dans une situation de conflit (...)”.Le film

Le charme des classes de filles à Jérusalem Tout est venu de “la rue des fleurs de Miral” de Rula Jebreal. Miral et Rula sont une même personne : cette journaliste –aujourd‟hui très active et surtout connue en Italie- que Miral s‟apprête à devenir à la fin du film. “Chacune des histoires racontées dans mon livre et qui figure dans ce film est véridique, affirme l‟auteure. J‟ai changé les noms, j‟ai recueilli les événements, j‟ai mélangé personnalités et personnages mais tout est vrai. Il n‟existe pas d‟espace pour l‟imagination au Moyen Orient. Tu peux uniquement raconter ce que tu as vu de tes propres yeux. Chaque jour, cette région t‟oblige à décider de ce que tu dois être et de

Le film raconte l’entreprise extraordinai-re d’Hind Husseini, la grande Palestinien-ne qui, en s’oppo-sant à la dure réalité politique de sa région, réussit à contrer ce qui pour une génération entière, semblait voué à la fatalité. Son dévouement à l’éducation et à l’enseignement prend corps (...) en donnant les moyens de s’émanciper à des milliers de fillettes, qu’au fond d’elle-même elle considère comme ses enfants. C’est pour cette raison, mais surtout pour le grand mérite d’avoir réaffirmé l’importance du droit à l’instruction -comme unique voie pour que tous les peuples vivent côte à côte dans la paix-, que nous sommes heureux de pouvoir marquer notre reconnaissance à “Miral”, le noble film de Julian Schnabel”. Au début du scenario, nous lisons : ”Miral est une fleur rouge qui pousse au bord du chemin. Vous en avez sans doute vu des milliers”, ce qui veut dire : les avez-vous vraiment rencontrées et comprises ? C’est avec sensibilité et émotion, grâce aussi à la magnifique interprétation des actrices-, que ce beau film nous accompagne dans notre recherche.

ce que tu dois faire.Miral n‟est qu‟une jeune fille parmi des millions, qui a cependant reçu en héritage toutes les pressions, les angoisses et les espoirs que le peuple palestinien a accumulés pendant quatre décennies. A travers le portrait intime et semi biographique de quatre femmes prises dans cette situation dramatique et complexe, le film réussit à montrer la réalité de la vie quotidienne des réfugiés palestiniens. Il commence en 1948, à Jérusalem : Hind Husseini (Hiam Abbass) rencontre, dans la rue, 55 orphelins qu‟elle ne peut abandonner. Elle les prend avec elle, les soigne et les nourrit, jusques vers l‟an 2000. Sa cause débouche sur la création de l‟Institut Al-Tifli AlArabi : une école qui éduque les orphelins et rend espoir aux victimes du conflit.

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Ensuite, avec un bond en avant, l‟histoire se déroule dans les années 60. l‟histoire d‟Hind se trouve confrontée à celle de deux autres femmes qui ont derrière elles un parcours de vie complètement différents et se rencontrent dans une prison israëlienne. Il s‟agit de Fatima, une infirmière, que la colère contre ce qu‟elle a vu pousse à la révolte et à la violence, et Nadia, -un personnage inspiré de la vie de la propre mère de Jebreal –une adolescente qui fuit les abus, et qui commence à montrer une grande admiration pour Fatima dont elle épousera le frère. C‟est à leur fille Miral qu‟il reviendra de refermer la boucle de toute l‟histoire. A 7 ans, l‟enfant échoue dans l‟école de Hind, où elle a l‟occasion de mener une nouvelle vie, mais à 17 ans, au plus fort de l‟Intifada, elle s‟enfuit dans un camp de réfugiés où elle change complètement. Elle tombe amoureuse d‟un activiste politique et, plus encore, prend conscience de la guerre qui fait rage et qu‟aucun accord international ne semble pouvoir stopper. “J‟ai senti que je devais prendre la responsabilité de faire ce film, comme metteur en scène, et comme être humain, déclare Schnabel. Je pensais à un film comme La Bataille d‟Alger et El Savaldor –dont j‟ai repris les thèmes essentiels évoqués dans celui-ci-. Et je voulais qu‟il arrive la même chose dans cette histoirei. Le mérite d‟avoir rejoint en bonne partie l‟objectif revient aussi à la contribution efficace de l‟actrice Hiam Abbass, qui a apporté un soutien plein et entier par sa puissante interprétation du rôle d‟Hind”.

POUR FAIRE PENSER SUR LA CONCEPTION DU FILM

SUR LES ASPIRATIONS DU FILM

Raconter Jérusalem aujourd’hui, en utilisant “sur le vif” Rula, la scénariste, héroïne et témoin de l’histoire.

Accompagner le public pour qu’il comprenne par lui même que l’instruction peut multi-plier la victoire de Miral au profit des autres innombra-bles Miral qui vivent toujours dans les “Jérusalem” du monde.

Le metteur en scène a confié qu‟il était Juif américain né à New York : avant de se lancer dans ce film sur la Palestine, il en ignorait à peu près tout. C‟est par amour qu‟il a été entrainé dans l‟aventure de “Miral”, film complexe et controversé, sans craindre de se tromper ou de prendre position. Concentré presqu‟entièrement sur le roman autobiographique de la nouvelle compagne de sa vie, il déclare : “Je n‟aurai jamais pu faire ce film sans elle”. Il aurait été impossible de le tourner à Jérusalem, à Ramallah, Haïfa ou tant d‟autres lieux. Rula avait passé là bas son enfance et son adolescence, et beaucoup de portes se sont ouvertes. D‟habitude, les scénaristes ne le font pas, “mais je voulais savoir par eux ce qu‟avaient vu exactement les yeux d‟une adolescente de 15 ans dans un camp de réfugiés.

L‟un des plus grands espoirs des deux auteurs est que le film parvienne à réveiller cette même passion qui a permis à une femme comme “„mamma Hind‟ d‟aider de cette manière tant d‟enfants à aller de l‟avant dans leurs vies et à aller au-delà de la violence et l‟oppression de leur monde. . Rula le déclare ouvertement au cours de l‟interview où elle présente le film : “Comme cela arrive à Miral, ditelle, aujourd‟hui, je ne peux que répéter que l‟amour et les valeurs que j‟ai reçues d‟Hind Husseini – qui croyait fermement dans la vertu de l‟instruction– m‟ont sauvée. Plus récemment dans ma vie, lorsque j‟étais en tenue de journaliste, j‟ai eu l‟occasion d‟être témoin des conflits en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. Cela m‟a renforcée dans l‟idée que l‟instruction est sans doute la meilleure arme pour dépasser ce stade”. Et c‟est ce que le film et la vie de Miral nous racontent. Aujourd‟hui, très souvent, c‟est la solution militaire qui semble l‟unique solution possible, alors que l‟unique véritable espérance pour le commun des hommes qui cherchent à vivre de vraies vies, c‟est la diplomatie et la paix.

Le scénariste a agi toujours sur son conseil, nous avons pu décrire cette réalité uniquement grâce à elle, elle décidait de ce qu‟il fallait mettre dans le film et ce qu‟il fallait enlever”.

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Une glace à minuit Adriana Nepi

Le titre surprenant, lié à une sorte de leit motiv sensé donner une unité au récit, semble fait pour attirer les très jeunes, naturellement attirés par tout ce qui est étrange et hors norme. Celle qui a écrit ce livre aime forcément ces jeunes : rien ne lui fait peur, ni leurs contradictions, ni leurs frasques, ni leurs insultes. Et elle réussit à nous fournir un roman intelligent, allant jusqu‟à s‟identifier avec empathie au monde des adolescents : c‟est l‟âge des premiers coups de coeur, des désillusions cuisantes mais passagères, c‟est l‟âge du goût de la transgression et dans le même temps, d‟un besoin angoissé de sécurité ; c‟est aussi l‟âge de l‟intransigeance qui ne pardonne pas, surtout quand ce sont les adultes, notamment les parents, qui trahissent la confiance des enfants. Le message moral n‟est jamais perçu comme tel, mais il émerge de lui même au gré du dénouement de chaque situation. Le langage a le caractère instantané et affranchi propre aux adolescents et l‟auteure n‟hésite pas à utiliser leur jargon candide. Lequel suit presque, hélas, l‟exemple linguistique que notre société brutale propose, prêt à l‟emploi. Daniela, Tati, Mara, Fabio, Andrea, Monica, Sergio : tout un petit monde vibrant de vie, de petites aventures, et où l‟on entrevoit déjà le profil d‟un caractère et d‟un destin. Barbara, la maman de Tati et de Mara, est, pour ainsi dire, le coeur du récit. Parce que à travers d‟amples parenthèses, (le lecteur le note facilement au fil des pages) son passé s‟inscrit au coeur des événements quotidiens, tant les points communs sont nombreux d‟une génération d‟adolescents à l‟autre, quelque soit le temps qui les sépare. Comme on l‟a déjà fait remarquer, les appréciations d‟ordre moral ne paraissent

pas dans le récit explicite, mais le bien s‟impose comme hygiène du corps et de l‟âme. Ce qui arrive par exemple, d‟une manière particulièrement éloquente, dans ce que nous pourrions appeler la “révélation” du pardon, non plus ressenti comme un devoir ardu et hypocrite, mais comme une libération et une purification intérieure, un équilibre et une joie de vivre retrouvés. Quand Barbara était jeune lycéenne, elle s‟est laissée un jour entraîner par Monica, son amie de coeur, à faire un geste grave et inexcusable : cette dernière avait eu une note assez médiocre lors d‟une épreuve de l‟examen d‟Etat et elle en avait rejeté la responsabilité sur la bonne et indulgente professeur de mathématiques; dans un élan de rage folle, elle l‟avait agressée violemment, provoquant une chute aux conséquences sévères. Barbara a été entraînée dans ce geste absurde commis contre son gré, mais sans réagir comme elle aurait dû le faire. A tant d‟années de distance, désormais adulte et mère de famille, elle ne se pardonne pas ni à elle même ni à l‟amie d‟un moment. Des circonstances imprévues la mettront en présence de leur ancien professeur de lycée : cette dernière, par contre, a pardonné et elle explique simplement à son élève d‟un moment, embarrassée et bouleversée : “Tu sais, faire la paix avec soi même, mais aussi avec les autres, bien sûr, cela a un pouvoir...comment dire ?....cela te fait sentir propre, te rend légère... pardonner, c‟est un peu comme se débarrasser d‟une chaussure trop étroite, tu n‟as jamais essayé ? le pied au début reste tout recroquevillé, douloureux, mais si tu attends un peu, si tu le masses avec délicatesse, alors il finit par se détandre et le sang recommence à circuler.”

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ANNEE LVII  MENSUEL / MAI-JUIN 2011

Quelque chose a disparu d‟elle-même après le contact avec la bonté et la sagesse d‟une vieille femme, qui ne l‟a ni exhortée ni réprimandée. Elle a fait plus : elle l‟a contaminée. Et l‟histoire se termine avec la scène très douce du retour de Barbara dans la maison de son enfance. Elle a apporté une glace, comme si la tendre familiarité d‟un moment n‟avait pas été interrompue. “elle prit son père par la main et le conduisit lentement vers la cuisine... ”Dépêchons nous ou elle va fondre...” a-t-elle chuchoté d‟une voix rauque. Il a approché le dos de la main de sa fille de ses lèvres et y a déposé un baiser. “Merci petite... ”C‟est ainsi que se termine le roman. Ce n‟est pas directement adressé aux jeunes, mais cela peut sans doute leur rendre joie et leur être bénéfique. En réalité, c‟est une désillusion bien plus profonde qui, des années plus tôt, avait blessé l‟adolescente qu‟était alors Barbara. Une faiblesse passagère de son père, qu‟elle a jugée impardonnable, avait refroidi puis anéanti toutes les relations qu‟elle avait eues avec lui, jusqu‟alors tendrement aimé. Elle avait été plus proche de lui que de sa mère artiste peintre, toujours absorbée et comme aspirée par son art. Quand elle était petite, père et fille se rencontraient dans la cuisine, dans une sorte d‟affectueuse complicité, tandis que la maman, qui aimait travailler dès les premières lueurs du jour, s‟était déjà retirée pour dormir. Le père apportait une glace et ils la consom-maient ensemble, bavardant parfois jusque très tard. C‟est peut être seulement mainte-nant que Barbara acompris que son père trouvait en sa fillette l‟unique réconfort à sa douloureuse solitude.

Nous signalons, du même auteur, “Seulement une parenthèse” et “Rumore di mamma”, à caractère autobiographique, puiblié aux éditions Mondadori au cours des dix dernières années. Laura Tangorra, jeune écrivain, diplômée en sciences biologiques et professeur, mariée, heureuse et mère de trois enfants, a vécu l‟expérience dramatique d‟une maladie handicapante (sclérose latérale amyotrophique) venue s‟abattre sur une famille heureuse, sans lui enlever espérance ni joie de vivre. On reste admiratif, presque stupéfait face à la joie et à l‟humour de cette femme, qui, pourtant, connaît le supplice de ne pouvoir serrer dans ses bras inerte son Alice : c‟est la dernière née, une enfant merveilleuse qu‟elle désirait quand, déjà frappée par le mal, les médecins lui avaient conseillé de ne pas poursuivre sa grossesse jusqu‟au bout.

Adriana Nepi

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dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE

Je vous ai appelé mes amis Il est un point sur lequel on insiste ces dernières années, dans nos Chapitres généraux, nos assemblées, nos inspections, dans notre manière de penser, en somme, sur le thème de la relation, de l‟accompagnement. C‟est comme si on en reconnaissait la priorité, l‟urgence, la nécessité. Nous la nommons relation, accompagnement, direction spirituelle, confiance. Nous pourrions également la désigner sous un autre nom : AMITIE. Etrange de se le dire, mais ce terme, consacré par la Bible, “Je vous appelle mes amis”‟, comme s‟il était le plus sublime pour décrire le rapport homme-Dieu et les relations humaines, suscite souvent des réactions dans nos communautés religieuses. Certaines parmi nous s‟en font même un motif de gloire : “Ah, moi je ne suis l‟amie de personne” ! Et dire de deux sœurs ou plus qu‟elles sont amies ne signifie pas que l‟on parle d‟elles de manière positive. Et c‟est souvent, que l‟on peut constater le bien fondé de ce que m‟écrit cette FMA : “les laïcs, les parents, les jeunes m‟aiment bien et vont jusqu‟à instaurer une profonde relation humaine avec tous les risques que cela comporte pour eux. Pourquoi n‟estce pas ainsi en communauté ? Pourquoi dois-je souvent reconnaître que les rapports que je vis avec mes sœurs ne sont pas amicaux, spontanés, mais plutôt froids, détachés ou en fonction du rôle que j‟assume ?” Il serait important de réfléchir au fait que si la vie consacrée ne crée pas une affinité de sentiments et d’affections, une amitié décuplée, c’est un signe de faiblesse. L‟autre nom de la virginité est “Un grand cœur”. Ce qui caractérise une âme, grande et pure, c‟est d‟aimer avec passion, sans cette avarice de sentiments, sans cette parcimonie d‟émotions qui d‟ordinaire dans le milieu religieux gèrent les relations. Bonhoeffer le disait : “la sainteté ne consiste pas à imposer une retenue aux sentiments. Car en réalité, où avons-nous jamais trouvé cette réserve dans la Bible ? “ Thérèse d‟Avila soutenait même dans l‟une de ses plus célèbres déclarations que “Dieu seul suffit”, priait : “Mon Dieu, accordez moi d‟être aimée par beaucoup ”, parce que “le moyen par excellence de réjouir Dieu, c‟est précisément d‟entretenir l‟amitié avec ses amis...”. C‟est une vision lumineuse de l‟amitié que celle de sainte Thérèse, dictée non par la peur mais par une belle franchise“. Je sais par expérience que l‟on en tire un grand avantage. Si je ne me retrouve pas en enfer, après Dieu, je le devrai aux amis”. Voici ce qu’est l’ami pour l’ami : “une sauvegarde qui les accompagne tout au long du chemin”. “Il n‟y a rien de supérieur à l‟affection. Une goutte d‟affection vaut mieux qu‟un océan de spiritualité”. Nous sommes une communauté affamée de relations amicales et la dette essentielle que nous contractons quand nous vivons ensemble, c‟est une dette d‟amour et d‟amitié.

Ton amie

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