Revue DMA – PAROLES ET GESTES DE PROXIMITE (Septembre – Octobre 2014)

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13 Premier Plan 14 Spiritualité missionnaire Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort

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Editorial

L’Esprit et le Droit

Proximité

On ne touche pas aux enfants

Giuseppina Teruggi

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Dossier

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Culture et écologie A l’écoute de la création

Fil d’Ariane

Paroles et gestes de proximité

dma Revue des Filles De Marie Auxiliatrice Via Ateneo Salésiano 81 000139 Roma Tél. 06/87.274.1fax 06/87.13.23.06 e.mail : dmariv2@cgfma.org

Qui rêve encore

Directrice Responsable Mariagrazia Curti

Maria Antonia Chinello Emilia Di Massimo  Dora Eylenstei Rédacteurs Maria Pia Giudici Giuseppina Teruggi Gabriella ImperatorPalma Lionetti Anna Rita Cristiano Anna Mariani Adriana Nepi Maria PerentalerLoli Ruiz Perez Collaboratrices Debbie PonsaraMaria Rossi Tonny Aldana  Julia Arciniegas  Bernadette Sangma Patrizia BertagniniMara Borsi Martha Séide Carla CatellinoPiera Cavaglià .

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27 En recherche 28 SGS Culture Radicalité et Responsabilité

30 Pastoralement Au cœur de la Parole

32 Regard sur le monde Nande Roga. Notre Maison

35 Communiquer 34 On “Fait” pour “Dire” Accueillir

38 Femmes sur le terrain Une vie au service des petits

40 Vidéo Belle et Sébastien

42 Livre Histoire d’un voleur de livre

4 Musique Théâtre éducatif et tradition salésienne

46 Camille Des conseils gratuits

Traductrices France : Anne-Marie Baud EDITION EXTRACOMMERCIALE Japon : Province japonaise Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice Grande Bretagne : Louise Passero Via Ateneo Salesiano 81, 00139 Roma Pologne : Janina Stankiewicz C.C.P.47272000 Portugal : Maria Aparecida Nunes Reg. Trib. Di Roma n.13125 del 16-1-1970 Espagne : Amparo Contreras Alvarez Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c, Allemagne: Prov.Autrichienne et Allemande Legge 662/96 – Filiale di Roma

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N° 9-10 Septembre-Octobre 2014 Tipographia Istituto Salésiano Pio XI Via Umbertide 11,00181 Roma

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Proximité Giuseppina Teruggi

La réflexion proposée cette année par la Revue sur les paroles et gestes du pape François, met en évidence, dans ce numéro, un de ses traits caractéristiques que les gens de toute foi et de toute culture ont perçu immédiatement : la proximité, l’extraordinaire capacité de se faire proche de chaque personne. Un nombre incalculable de personnes ressente chez le pape François cette présence amicale et le considèrent presque comme de leur propre famille : ils désirent l’approcher, l’écouter, le rencontrer, même pour un moment rapide comme le rendez-vous dominical de l’Angélus. C’est une expérience profonde qui touche particulièrement les gens simples, les pauvres, tous ceux qui viennent des “ périphéries “. Le Chapitre général qui se déroulera prochainement invite les participantes convoquées à Rome et tout l’Institut à mettre l’accent sur cette dimension de l’expérience humaine, espace de voisinage et de proximité. Dans l’Instrument de travail (SL) qui guide le parcours capitulaire, un des aspects de fonds proposé part de cette optique : “De la périphérie, l’espérance“. La périphérie, non seulement un lieu géographique mais surtout existentiel, où se vivent les expériences humaines profondes de la douleur, de l’injustice, de l’ignorance et de l’indifférence religieuse, de toute forme de limites et de pensée. Comme dans l’expérience de Don Bosco et de Marie-Dominique, nos commu-

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de joie, de toutes ces personnes, dans les cours de récréation et dans les salles de classe avec les élèves, avec les jeunes des cités ou sur les voies express du monde digital, avec les jeunes femmes, tous ces lieux où se construit la citoyenneté évangélique (cf SL nn 8. 17). Ce sont ces périphéries qui doivent être nos espaces privilégiés d’évangélisation ! Le dossier du DMA reprenant cette même idée, précise que les marginaux, les inutiles, ceux qui ne produisent rien, qui sont mis de côté, mais qui demandent attention, soin et accueil, entre autres les jeunes et les anciens, les migrants et les malades, les minorités et précarités paient chaque jour et au prix fort le droit à leur propre dignité. Ce sont eux les colonnes silencieuses du monde et de l’histoire !”. Quelles sont les voies à parcourir pour être proches des derniers et vivre la proximité dans nos communautés ? Quelles attitudes pour ne pas “nous écarter” ou être indifférents aussi dans nos milieux de vie? Quel chemin pour que notre vie et celle de nos communautés soient un évangile vivant ? Nous sommes toujours appelées à nous interroger sur ces questions et par dessus tout, à mesurer notre cohérence et notre témoignage dans les choix de chaque jour.

gteruggi@cgfma.org

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Paroles et gestes de proximité Maria Antonia Chinello

Le Pape François marque de sa présence intense notre vie, celle de l’Eglise et du monde. On a beaucoup parlé et écrit sur lui. Son message, en même temps simple et exigeant, humble et explosif, a brouillé plus d’un paramètre, a bousculé plus d’une conscience, a démasqué plus d’un bienpensant, beau parleur ou activiste invétéré. Le Pape François a publié une Encyclique, une Exhortation apostolique, il a envoyé beaucoup de lettres, prononcé de nombreux messages et discours; il a présidé des célébrations liturgiques. Mais surtout il écrit jour après jour, une encyclique imprégnée de gestes forts au cours des audiences du mercredi; avec la bénédiction des malades, l’écoute des migrants et les caresses aux enfants, étreignant des mains et embrassant des pauvres, posant pour un selfie avec les plus jeunes ; inaugurant un nouveau style de visite pastorale dans les paroisses… Ce qu’il dit se lit dans ce qu’il fait. Paroles comme miséricorde et pardon, se traduisent en gestes de tendresse et de proximité. Est-ce un anachronisme d’en parler encore maintenant ? Non car François met en marche une Eglise de la tendresse, invitant chacun, indistinctement, à être témoin de la “bonté de Dieu” et de “son amour pour les hommes” (Tt 3,4), pour annoncer la nouveauté explosive de l’Evangile en tout temps et en tout lieu. Un style de vie sobre, qui porte en lui l’empreinte de la main de Dieu, qui s’exprime à travers une relation à l’autre, dans la joie d’être ensemble, la chaleur des gestes quotidiens, la compassion, la patience et surtout dans l’amour inconditionnel, parce que : «La joie de l’Evangile est pour tous les peuples, elle ne peut exclure personne. ...

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C’est ainsi que l’ange l’annonce aux bergers de Bethléem : “Ne craignez pas, je vous annonce une grande joie qui sera pour tous les peuples” (Lc 2,10)» (EG 23) Le premier pas pour vivre l’expérience humaine de la proximité, pour dire des paroles et des gestes de proximité et de rencontre, est de se remettre en question, plus précisément se laisser remettre en question par les événements, les nouvelles qui nous arrivent, par les paroles et les gestes que l’on peut écouter et observer, par les personnes que l’on croise: se laisser toucher, éventuellement blesser, autrement la vie ne consisterait qu’à “vivoter” dans un cocon et ne changerait jamais. Cela demande de la disponibilité, la connaissance de soi et des autres, ne pas croire tout savoir, ne pas présumer d’avoir une idée juste sur tout et d’avoir en poche une solution pour tout.

Construire des moulins à vent Sensibiliser tout un chacun et nous-mêmes aux plus petits d’entre les hommes et aux plus lointains et puis les accueillir sans tenir compte de la couleur de leur peau n’est pas toujours facile. Le risque est celui de faire des catégories, de rechercher des critères qui puissent facilement fournir des voies pour fuir, des clés pour résoudre les complications et mettre en ordre les idées, les propositions, les approches, les processus et projets. L’expérience de la vie, quelque soit notre âge, nous dit clairement ce qui ne fonctionne pas. La vie n’est pas blanche et noire, mais composée de mille nuances de couleurs. Sans amoindrir les valeurs, il est temps d’accompagner avec miséricorde et patience les étapes de la croissance des personnes. Un petit pas, au milieu des grandes limites humaines, peut être plus agréable à

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Dieu qu’une vie formellement correcte, irréprochable, qui passe ses journées sans faire face aux difficultés grandes ou petites, sans s’investir dans des relations, sans vouloir changer ses opinions, sans faire d’efforts pour se mettre “à la place des autres” et s’ouvrir au dialogue, sans laisser de place à la surprise et à la stupeur de la nouveauté. Un proverbe chinois dit : «Quand souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d’autres des moulins à vent».

Plus au sud du Sud Dans le monde 16% de la population mondiale ne sait ni lire ni écrire. On compte 776 millions d’analphabètes, dont 67 millions sont des enfants et surtout des filles entre 5 et 9 ans. 150 millions d’enfants entre 5 et 14 ans ont abandonné aujourd’hui l’école. Une femme sur trois dans le monde est victime de violence de la part de son parte-naire ou de violences sexuelles exercées par d’autres hommes. 58,8% des homicides advien-nent de la main des maris, fiancés ou compagnons. Dans les pays dont les revenus sont élevés on enregistre des taux élevés de meurtres de femmes. Chaque année des centaines de milliers de femmes et filles sont achetées et vendues comme prostituées ou réduites en esclavage sexuel.

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La violence sur les mineurs est un phénomène invisible et impuni : Ils sont 223 millions, dont 2/3 de fillettes et filles sont victimes d’abus sexuels. Chaque année, 133 à 275 millions d’enfants sont témoins d’épisodes de comportement violent des parents entre eux. Des milliers de garçons et de filles sont recrutés pour les forces armées gouvernementales ou les groupes rebelles. 150 millions d’enfants entre 5 et 14 ans travaillent de nombreuses heures dans des ateliers ou des usines. Certains des conflits qui ont lieu aujourd’hui dans le monde, en Afrique, au Moyen Orient ou en Asie révèlent la tentative de donner une justification religieuse à la violence : fondamentalisme et terrorisme contaminent la religion jusqu’à la considérer non pas comme un instrument de paix mais de mort… Et la liste peut encore s’allonger. Il suffit d’écrire un mot sur Google et la recherche est lancée, en quelques secondes des milliers de pages présentent les chiffres concernant les habitants de toutes les parties du monde, les plus petits, les oubliés. Le soi-disant “sud du monde”. Souvent on s’arrête là. Il est plus difficile de franchir le pas suivant, d’aller au-delà de la visibilité des mouvements sociaux et politiques, des mouvements de dénonciation, de sensibilisation qui, autrement risqueraient de rester en marge des discours et des lieux de décisions.

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Combien ces “campagnes” appellent-elles à se retrousser les manches pour agir sur le territoire et venir en aide aux plus pauvres et aux plus démunis? Ne peut-il pas arriver que, en s’asseyant devant son ordinateur pour tweeter, écrire des messages ou répondre à d’autres, nous nous sentions faire partie du monde au sens le plus large du terme que celui de nos simples relations ? Ne fait-on que souligner et réaffirmer les idées qui “sont dans l’air” et puis tout finit là? Les “inutiles”, le Sud du Sud, cette catégorie de personnes qui ne produit rien mais qui requiert toute notre attention, notre soin, notre accueil, notre proximité, dont le nombre grandit toujours plus, et qui est laissée de côté – jeunes et anciens, migrants et malades, minorité et personnes précaires – paie chaque jour, et au prix fort, le droit à leur dignité. Ce sont elles, les colonnes secrètes du monde et de l’histoire : ne pas les écouter, ne pas être proche d’elles, signifie creuser une “tombe dans laquelle se noient la question de l’homme et la réponse de Dieu”. Victimes de la «globalisation de l’indifférence» ou de la «culture de l’exclusion», elles nous secouent pour nous faire repenser concrètement ce qui doit changer dans notre vie personnelle et sociale, pour démasquer nos incohérences et agir, parce que la parole est quelque chose de plus qu’un simple instrument qui met en relation. Freire disait que la parole était action et réflexion : «Il n’existe pas de parole authentique qui ne soit aussi pratique. Alors prononcer une parole authentique signifie transformer le monde». Une invitation pour nous, éducateurs/éducatrices à repenser tout ce qui concerne notre langage souvent fermé, emphatique, rhétorique, autoréférentiel, qui fonctionne en auto-défense, qui éloigne au lieu d’attirer, qui enferme plutôt que d’ouvrir; il nous faut aussi repenser tout ce qui concerne nos gestes qui difficilement arrivent à prendre concrètement soin des autres, à être proches d’eux jusqu’à les “prendre dans nos bras”. Il nous faut réfléchir sur l’importance de se mélanger aux autres, de se rencontrer, de

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s’appuyer sur les autres, de participer pour transformer chaque instant en une vraie expérience de fraternité… En ceci, apparaît une des difficultés à “dire” Dieu aujourd’hui, à être des signes crédibles de son amour : aujourd’hui on écoute et on comprend immédiatement ce qui arrive et réchauffe, ce qui attire l’attention et ouvre la conscience Nous ne devons pas avoir peur de la tendresse, qui est la tendresse même de Dieu, sa miséricorde infinie, son ouverture à tous. Aller à la rencontre des autres n’est pas une question de faiblesse mais plutôt de courage, surtout quand cela est difficile, et requiert attention et respect, vraie ouverture à l’autre et capacité de le protéger, c’est une «force révolutionnaire», qui a sa source dans la volonté de vouloir s’approcher de celui qui nous est proche, quelque soit la condition, même si cela nous complique la vie et si on court le risque de se salir avec la boue du chemin. Madeleine Delbrêl se disait : «Mon Dieu, si tu es partout, comment cela se fait-il que je suis si souvent ailleurs ?».

A Mornèse et à Valdocco Soutien et proximité sont deux mots qui à Valdocco et à Mornèse étaient réunis et vécus au quotidien. Marie Dominique n’a jamais rien écrit sur la tendresse mais elle a vécu jour après jour, et intensément le soutien et la proximité auprès de sa communauté. Giampiero Forcesi, Maria Pia Giudici et Mara Borsi écrivent qu’à Mornèse la pauvreté était absolue. Probablement que cela était la cause d’une très grande fragilité de beaucoup d’entre elles, et donc la cause de maladie pouvant aller jusqu’à la mort. Le petit-déjeuner au Collège était seulement composé de polenta et de châtaignes, sans lait ni café. On raconte que dans une discussion communautaire les sœurs se posèrent la question de savoir s’il ne fallait pas améliorer la nourriture et de donner à toutes (sœurs, novices, postulantes et pensionnaires) la possibilité de se nourrir de lait et de café. La décision prise est catégorique : non. «Don

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Pestarino céda – lit-on -, et persuada sœur Maria d’attendre. Mais le cœur de cette femme forte et tendre à une époque, resta sur cette idée». Mère Enrichetta Sorbone raconte qu’un jour «sortant de la chapelle après la Messe, que la bonne odeur de la polenta ou du pain frais ou des châtaignes cuites à l’eau est une vraie tentation […] Quand ensuite on va au réfectoire, surtout s’il y a des châtaignes, on sent presque le besoin de nous en passer pour nous mortifier un peu. Quand nous arrivions à dépasser cette envie, nous sortions quelquefois du réfectoire comme nous y étions entrées. La vicaire cependant observe tout…”. Et alors un matin, elle arrête justement sœur Enrichetta.Richetta et lui demande gentiment «elles étaient bonnes les châtaignes ?” “Bonnes et belles”. “Tu en as mangées ?”. “Quel prix savoureux pour ces petites polissonnes !”. “Mais toi, je dis bien toi, tu les as goûtées ?”. “Non”. “Bien, comme tu es la plus polissonnes de toutes, maintenant tu retournes tout de suite au réfectoire et… bon petit déjeuner!”. Voilà comment était sœur Maria : une manière d’être austère et forte avec elle-même, mais une attitude maternelle vive et délicate vis-à-

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vis de son entourage. Et c’est cette authenticité qui crée autour d’elle un climat pleinement évangélique».Maternité et vigilance, soin et attention, mais sans complaisance : Marie Dominique ne transigeait pas avec celle qui pensait et aurait voulu adapter la vie religieuse à leurs propres faiblesses : «Elle est ainsi. Elle comprenait qu’il valait mieux encourager les personnes à devenir plus fortes, en les aidant avoir plus confiance en elles, et peut-être en attendant et en avançant par paliers…, plutôt que de céder à des comportements peu courageux et peu sûrs de soi qui par la suite n’aident pas à faire sortir le meilleur de soi». A Valdocco la proximité était aussi prégnante même du point de vue physique : il suffit de regarder les photos de don Bosco au milieu de ses garçons, tandis qu’il confesse ou quand il pose pour la photo… Pour la proxémique (discipline de la sémiotique qui étudie la gestuelle, le comportement, l’espace et la distance dans une communication, à la fois verbale et non-verbale) plus l’espace est réduit, plus l’intimité augmente, c'est-à-dire le degré de confidence et d’empathie de l’interaction. On peut bien imaginer la course des garçons pour être le plus près de don Bosco sur la photo.

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Aldo Giraudo, dans son introduction de la publication des “Vies de Jeunes” de Jean Bosco, analyse quelques scènes où la conversation personnelle entre don Bosco et les garçons est décrite et ainsi précise les caractéristiques de la relation éducative. Nous nous laissons guider par le texte. Pour les trois garçons, Dominique Savio, Michel Magone et François Besucco, don Bosco procède par paliers : de la connaissance, objectif d’une première rencontre, à la description d’une crise et, enfin, le dépassement du moment critique qui se résout pour les trois jeunes à travers un passage de croissance humaine et spirituelle. Pour trouver une solution à la crise, dans les trois “vies” est décrit l’itinéraire éducatif entrepris par l’éducateur. Don Bosco adopte le dialogue, ce chemin qui permet d’être proche des garçons et de les accompagner selon un programme formatif qui, même marqué de quelques variantes dues aux caractères différents de Dominique, Michel et François, révèle une profonde syntonie : du soin de soi à l’attention à l’autre. Presque une conclusion du processus formatif : s’éduquer, se laisser éduquer, apprendre à éduquer. Et de la même manière : s’aimer, se laisser aimer et apprendre à aimer. Dans les conversations de don Bosco avec les garçons émerge l’ouverture réciproque et la confiance qui s’instaure entre eux. Après la curiosité de la première rencontre, le dialogue procède à un rythme soutenu jusqu’à la décision d’accueillir les garçons à l’Oratorio. Dans le cas de Dominique, l’hésitation de l’éducateur en raison de la constitution physique frêle du garçon, est vaincue par l’ouverture de ceux-ci à la grâce de Dieu : “Eh! Il me semble qu’il y a de la bonne étoffe en toi”. “A quoi peut servir cette étoffe ?”. “A faire un bel habit à offrir au Seigneur”. “Donc je suis l’étoffe et vous serez le tailleur; vous me prenez avec vous pour faire un bel habit au Seigneur” […]

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Prière pour rester éveillés (Madeleine Delbrêl O Seigneur, toi qui continuellement nous incite à rester éveillés à scruter l’aurore, fais que nous ne nous assoupissions pas dans notre fauteuil dans nos tranchées dans les berceaux où se balance ce monde morcelé, mais que nous soyons toujours attentifs à percevoir le murmure de ta Voix, qui continuellement passe entre les feuillages de la vie pour nous apporter fraîcheur et nouveauté. Fais que notre somnolence ne devienne pas un lit mortuaire et –le cas échéant– donne-nous, Toi, un coup de piedpour rester éveillée et prêts à toujours repartir. Ne sachant pas comment mieux me manifester son contentement et sa reconnaissance -conclut don Bosco– il me prit la main, la serra, l’embrassa plusieurs fois et finalement me dit : “J’espère faire en sorte que vous n’aurez jamais à vous plaindre de ma conduite”» Michel arrive a l’Oratorio en courant à la rencontre de don Bosco : «Me voici, dit-il, je suis ce Michel Magone que vous avez rencontré à la gare de Carmagnola”. “Je sais tout, mon cher; tu es venu avec plein de bonne volonté ?”. “Oui, oui, la bonne volonté ne me manque pas”. “Si tu as de la bonne volonté, je te recommande de ne pas me mettre toute la maison sans dessus dessous”. “Oh soyez vraiment tranquille, je ne vous donnerai aucun déplaisir […] Si un vaurien…”, ceci dit et après il baisse la tête en riant. “Continue donc, qu’est-ce que tu veux; si un vaurien…”. “Si un vaurien pouvait devenir assez bon pour se faire prêtre, moi je me ferais volontiers prêtre».

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Gratitude, attente et désir de bien faire et de faire le bien : la rencontre qui arrive «au moment de l’insertion dans la communauté –écrit don Giraudo- présente les caractéristiques d’un “contrat” éducatif, où à l’accueil généreux de l’éducateur correspond la promesse et l’engagement du garçon». Une responsabilité qui ne faiblira pas, une attention qui ne sera jamais inattentive, un regard qui ne se perdra jamais : don Bosco et les éducateurs surveillent les jeunes, protègent leurs secrets emprunts d’énergie créative, qui bientôt atteindront les sommets de la sainteté.

Dieu apparaît aux carrefours «S’immerger le plus possible dans la densité du monde, sans être séparés de ce monde par une règle, par un vœu, par un habit, par un couvent; pauvres mais semblables aux gens de n’importe quel endroit ; pures, mais semblables aux personnes de n’importe quel milieu ; obéissants, mais semblables aux habitants de n’importe quel pays... Etre missionnaires –avec ou sans bateau– c’est cela». Dans cette synthèse de Madeleine Delbrêl est condensé le message chrétien : s’immerger là où l’on vit, en se laissant habiter toujours plus profondément par la Parole que Dieu prononce sur le monde et pour le monde. C’est aux carrefours que Dieu nous attend. C’est là que nous le rencontrons. L’Evangile nous oblige à un amour inconditionnel envers chaque créature, il nous demande de nous maintenir dans le courant du quotidien sans négliger aucun lieu mais en repérant tout lieu adapté à la rencontre, parce que c’est là que se manifeste la volonté de Dieu. L’obéissance aux événements et aux rencontres de la vie quotidienne rend la foi vérifiable, puisqu’elle s’exprime à travers des actes concrets et non dans des concepts abstraits. De don Bosco et mère Mazzarello nous recevons en héritage le “lieu” où vivre et manifester notre foi : une communauté qui éduque et évangélise, qui se fait maison pour les jeunes et pour toute personne qui a besoin d’un lieu d’accueil.

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C’est seulement en référence aux autres que nous pouvons nous interroger sur la qualité et le degré de notre proximité par rapport aux autres, sur les gestes et les paroles qui font voir notre “être don” les unes pour les autres. Dans l’optique du don réciproque, on brise la logique du profit et on donne à chaque personne de respirer à pleins poumons en l’insérant dans une communion humaine à la hauteur de son propre désir. Alors, quelles voies emprunter pour vivre la proximité dans nos communautés ? Quelles attitudes avoir pour ne pas “repousser” et être “indifférents” même dans nos lieux de vie ? Quel chemin pour que notre vie, et celle de nos communautés, soient un Evangile vivant ? Certains extraits du discours que le Pape François a tenu à l’épiscopat brésilien à l’occasion des JMJ 2013 à Rio de Janeiro peuvent nous aider à réfléchir, à changer de perspective, à reprendre le chemin à partir des “réalités concrètes” et de la “connaissance” du lieu, des situations, des personnes avec lesquelles nous vivons. «Le mystère difficile des personnes qui quittent l’Eglise […] Peut-être que l’Eglise leur apparaît trop faible, peut-être trop loin de leurs besoins, de leurs attentes, peut-être trop pauvre pour répondre à leurs inquiétudes, peut-être trop froide vis à vis d’eux, peut-être trop autoréférentielle, peut-être prisonnière de ses propres langages, peut-être que le monde semble considéré l’Eglise comme un reliquat du passé qui ne peut répondre aux nouvelles questions des hommes; peut-être que l’Eglise a des réponses pour l’homme enfant mais pas pour l’homme adulte». «Face à cette situation que faire ? Une Eglise qui n’a pas peur d’entrer dans la nuit des hommes est utile. Une Eglise capable de les rencontrer sur leur chemin est utile. Une Eglise qui peut s’insérer dans leur conversation est utile. Une Eglise qui sait dialoguer avec ses disciples, lesquels, fuient Jérusalem, errant sans but, seuls, avec leur désenchantement, avec la désillusion d’un Christianisme considéré désormais comme une terre stérile, incapable de générer du sens, et bien cette Eglise est utile […]Une Eglise capable d’entrer

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en relation, d’aller au-delà de la simple écoute est utile ; une Eglise qui accompagne le chemin des gens en se mettant en chemin avec eux est utile; une Eglise capable de déchiffrer la nuit à l’intérieur de la fuite de Jérusalem de tant de frères et sœurs est utile; une Eglise qui se rend compte des raisons pour lesquelles les gens s’éloignent et que ces raisons peuvent déjà être le moteur d’un possible retour, mais pour cela il est nécessaire de savoir lire tout cela avec courage […]. Une Eglise qui veut apporter de la chaleur, qui veut enflammer les cœurs est utile. Une église encore capable de redonner la citoyenneté à tant de ses enfants qui vivent comme sur un chemin d’exode est très utile».Face à cette situation que faire? Une Eglise qui n’a pas peur d’entrer dans la nuit des hommes est utile. Une Eglise capable de les rencontrer sur leur chemin est utile. Une Eglise qui peut s’insérer dans leur conversation est utile. Une Eglise qui sait dialoguer avec ses disciples, lesquels, fuient

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Jérusalem, errant sans but, seuls, avec leur désenchantement, avec la désillusion d’un Christianisme considéré désormais comme une terre stérile, incapable de générer du sens, et bien cette Eglise est utile […] Une Eglise capable d’entrer en relation, d’aller au-delà de la simple écoute est utile ; une Eglise qui accompagne le chemin des gens en se mettant en chemin avec eux est utile; une Eglise capable de déchiffrer la nuit à l’intérieur de la fuite de Jérusalem de tant de frères et sœurs est utile; une Eglise qui se rend compte des raisons pour lesquelles les gens s’éloi-gnent et que ces raisons peuvent déjà être le moteur d’ un possible retour, mais pour cela il est nécessaire de savoir lire tout cela avec courage […]. Une Eglise qui veut apporter de la chaleur, qui veut enflammer les cœurs est utile. Une église encore capable de redonner la citoyenneté à tant de ses enfants qui vivent comme sur un chemin d’exode est très utile». Mac@cgfma.org

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«Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort !» Make Loes

Dans ce Nouveau Monde où la mission lui demandait d’apprendre de nouveaux langages et d’accepter d’être confrontée à des réalités et à des cultures inconnues, Sœur Angela Vallese ne se décourageait pas, même devant les plus grosses difficultés. Elle arrivait à rester elle-même, grâce à la certitude d’être soutenue par l’amour du Père et de l’aimer Lui audessus de tout. Voilà la source de la «résilience» de Sœur Angela Vallese et de toutes les missionnaires de la première heure !

«Résilience» est la capacité de résister et de réagir face aux difficultés, aux évènements négatifs et douloureux et de pouvoir affronter les crises, les traumatismes, les détachements, les adversités, les ruptures et les défis, en retravaillant à nouveau intérieurement les situations difficiles. On peut parler de résilience, lorsque la personne après avoir affronter une difficulté, arrive à faire exactement comme avant sans perdre sa « concentration ». Résilience ne veut pas dire : résister à …mais bien de pouvoir compter sur de grandes ressources intérieures, c’est réagir positivement aux contrariétés et aux fiascos apparents. Quand la situation est très dure à vivre, la personne a toujours la force de recommencer. Dans nos Constitutions on ne trouve pas le mot «résilience», on parle plutôt de sacrifice,

d’ascèse, de style de vie sobre et austère, d’un esprit de famille qui porte à préférer le bien des propres consœurs au nôtre, qui nous fait choisir ce qui est le plus fatigant. On parle du mystère de la croix Dans les Constitutions de 1885, celles donc pratiquées par Sœur Angela, Don Bosco affirme que la FMA doit être disposée à «souffrir la chaleur, le froid, la soif, la faim, la fatigue et les mépris», en d’autres mots, elle doit «être prête à tout sacrifier quand il s’agit de coopérer avec le Christ au salut des jeunes». (C 22) Sœur Angela Vallese n’a pas connu le mot «résilience», elle ne l’a pas étudié, mais elle l’a vécu dans le quotidien rempli de l’amour de Dieu et de l’Evangile. La «résilience» la portait à voir en tout la présence de Dieu, il lui était donc impossible de ne pas l’aimer dans le concret de ses journées, même lorsque l’on manquait de tout –l’essentiel vital inclus- car elle était convaincue que la Patagonie et la Terre de Feu étaient «la terre promise à nos pères». La nature et les événements se faisaient les maîtres de vie : une terre aride qui ne pouvait recevoir la semence et ne jouissait d’aucune saison favorable. Là on n’entendait rien d’autre que le vent (qui, bien souvent soufflait à 120 km à l’heure), le froid, la pauvreté… et toutes ses conséquences ! Sur une terre éloignée de tout il fallait une bonne dose de patience, pour faire éclore la vie, pour que les bourgeons se développent, pour que les arbres grandissent et que les fleurs se transforment en fruits, et à la fin… pour voir la récolte !

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En chaque saison de vie... sa «résilience» La pauvreté vécue dans son enfance aidera Angela à comprendre les besoins des autres et à surmonter toutes les épreuves. Elle avait en effet, plusieurs fois dû demander de l’aide aux familles les plus riches de Lu, car ce qu’elle gagnait comme couturière ne suffisait pas à équilibrer le maigre budget familial. Lorsqu’elle décide d’entrer dans l’Institut, elle quitte Lu Monferrato et se dirige vers Borgo San Martino. De là, accompagnée par Sœur Felicina Mazzarello, elle prend le train jusqu’à Serravalle. C’est le premier voyage de sa vie ! De la gare jusqu’à Gavi elles prennent la Diligence et poursuivent ensuite leur route à pied vers Mornèse. Lors du départ pour l’Amérique, le détachement de la patrie, de la famille, de Don Bosco et de Mère Mazzarello fut pénible pour toutes. Pendant le voyage, Sœur Angela et toutes les «navigatrices inexpérimentées» souffrirent du mal de mer. Don Costamagna, responsable de l’expédition, encourage et redonne confiance aux missionnaires. Pour Sœur Angela, c’est la «résilience» qui la maintiendra debout pour réconforter ses consœurs et vivre sur le «Savoia», le même rythme de travail et de prière qu’à Mornèse, tout en étant fort attentive aux autres passagers, de la première ou de la dernière classe, sans distinction. Dans ses lettres, on retrouvera bien des fois l’exhortation au courage ; en écrivant à sa famille, elle fait remarquer que pour conquérir le Ciel, «… le meilleur moyen est de supporter nos croix avec patience, en pensant que tout ce qui nous arrive en ce monde, Dieu le permet pour notre bien». Les épidémies létales (mortelles) propres aux indigènes ont aussi marqué la vie de Sœur Angela. Ses consœurs et elle-même, ont dû bien vite s’habituer à ensevelir ceux qui étaient la raison d’être de leur vocation ad gentes. Vers la fin de l’année 1881, une violente épidémie de typhus a placé les sœurs, au premier plan dans l’assistance des malades et des mourants. Sœur Angela ellemême a été obligée de garder le lit, à cause de ses fortes montées de fièvre, mais dès

qu’elle a pu se lever, elle courait soigner les autres malades, aidait les sœurs et se donnait courageusement aux différents travaux de la maison. En 1896, la maison de Candelaria (Cabo de Penas), qui avait été construite au prix de grands sacrifices et de tant de fatigue, fut ravagée par un incendie. Celui qui veut survivre, doit immédiatement reconstruire ce qui a été détruit. Et donc on recommence !! La chronique de ce temps nous raconte : «Et maintenant nous voici de nouveau dans le désert, sans aucun moyen de subsistance, entourées d’une foule d’indigènes affamés qui nous demandent de quoi se nourrir et se vêtir, le pain matériel et la nourriture spirituelle et nous sommes dans l’impossibilité de les satisfaire…et si la Providence ne vient pas à notre secours, tous, cet hiver nous mourrons de faim et de froid».. Après l’incendie, lorsque l’on demanda aux sœurs si elles voulaient retourner à Punta Arenas elles répondirent : «Non, si Dieu le veut, nous sommes prêtes à souffrir tous les désavantages possibles plutôt que d’abandonner notre poste». Et c’est ainsi qu’elles dormirent sur le sol, dans deux petites chambres à moitié brûlées et sans toit, c’était tout ce qui restait après l’incendie. L’automne passa et l’hiver arriva. Les sœurs dormaient sous un abri de tôle tellement réduit, qu’elles pouvaient admirer les étoiles par une température de dix à quinze degrés sous zéro. Bien souvent le matin elles découvraient sur leur couverture une légère couche de glace. Sœur Angela, connaissant la situation, écrit de Punta Arenas : «Courage et confiance ! Le Seigneur ne nous abandonne jamais…Marie Auxiliatrice est notre maman, renforçons en Elle notre confiance, qui sait que de miracles, de grâce elle nous obtiendra, si nous sommes résignées, patientes, généreuses». «Si nous vivons la résilience», diraitelle aujourd’hui.

maike@cgfma.org .

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On ne touche pas aux enfants ! Rosaria Elefante

Quand on parle des enfant tout le monde est prêt à reconnaître l’ensemble des droits qui les concerne y compris ceux qui n'existent pas, pourvu que les petits d'homme soient protégés et, pourquoi pas, aussi gâtés. Mais on sait que philosopher est une chose, être cohérent dans le quotidien et personnellement en est une autre ! L'univers très délicat dans lequel vivent les enfants est un continuel équilibre instable et il suffit d’un rien pour salir de façon indélébile ces pages blanches qui se sont confiées totalement à nous, les adultes. Les Chartes internationales, les Déclarations internationales, et tous les documents, qui circulent dans le monde, cherchent à protéger et à sauvegarder les droits des mineurs. Des principes et des valeurs partagés annoncent la protection à long terme des mineurs de 0 à 16-18 ans. La réalité et la chronique cependant, montrent une réalité toute autre. Or, le droit international est clair : on ne touche pas aux enfants ! Et alors qu’est ce qui se passe ? Violence sans précédent, usages et abus d'enfants sont en augmentation au quotidien et sont présentés dans les journaux de nombreux pays. Les images violentes de petits corps sans vie allongés dans les rues des pays en guerre, plus que dans des quartiers malfamés, coupe le souffle et remplit le cœur de douleur inconsolable. Les nouvelles de la vente d'enfants pour le prélèvement d'organes ou les abus sexuels

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du tourisme d'enfant ne peuvent que provoquer des déchirures. Bien sûr, des larmes. Dégoût et colère ! Est-ce possible que tout cela puisse exister ? Mais ce n’est pas la seule forme de violence indélébile. Il existe bien d’autres formes de violence. Plus silencieuses, peut-être, mais non anodines ou insignifiantes. A côté des violences physiques, bien connues depuis la Grèce antique, il y a les violences psychologiques et verbales, capables de dévier et dévaster pour toujours ceux qui en ont souffert, surtout s’il s'agit des enfants La violence psychologique est certainement la forme la plus fréquente, mais toujours sousestimée, même si elle est aussi grave et dangereuse pour la sécurité du mineur, elle est subtile et difficile à détecter. Comparé à d'autres types d’abus les conséquences sur les aspects structurels de la psyché infantile sont beaucoup plus profondes et, au niveau du processus de développement, sont beaucoup plus destructrices. L’éventail est immense et les exemples peuvent vraiment être disséminés. Dans les méandres d’une société, souvent ignorante d’elle-même ou même bipolaire entre le dire et le faire, des faits tragiques ont lieu quotidiennement au détriment de nos enfants Le milieu familiale, scolaire et les centres de jeunes, sont des lieux d'élection où cela peut arriver. Connaître certaines de ces situations et garder le silence équivaut à en être solidaires ou auteurs. ..

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LVII  MENSUEL / MAI-JUIN 2011

Décharger ses propres névroses sur les enfants ou les utiliser comme un sac de boxe, pour toucher aussi son partenaire semble être une tendance constante, qui malheureusement déterminera fortement non seulement la vie du couple mais aussi celle de leur enfant. La maltraitance psychologique des enfants, y compris et surtout de la part des éducateurs, des enseignants ou des formateurs, est un comportement terrifiant qui vise à les humilier, à les dévaluer et à les soumettre à la cruauté non-stop et durable d’un langage et d’un comportement ignoble: Menacer, isoler, dénigrer, ignorer, pratiquer un chantage, terroriser, insulter et opprimer, sont toutes des armes capables de torturer même les enfants, ceux-ci étant incapables de gérer l’affrontement avec ces adultes insatisfaits ; ces adultes qui, en réalité devraient vraiment s'abstenir d'avoir des contacts avec des enfants qui sont alors susceptibles d'être marqués pour la vie. En outre, le droit international reconnaît maintenant que la plupart des problèmes de notre société, de la criminalité à la toxicomanie,

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ont leur origine dans le comportement violent dont souffrent les enfants au cours de leur enfance, dans l'indifférence de tous. Mais ce n'est pas tout. L'égoïsme est une autre source de violence. La prétention même de parents à avoir des enfants au cours de la période "over sixties" ( à partir des années soixante) doit être condamnée pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'éthique ou la sacralité de la vie, mais tout simplement parce que les pauvres enfants qui naîtront ne seront jamais les enfants de ces mères et/ou pères âgés incapables de procréer, mais d'autres parents inconnus qui ont fait don de leurs gamètes, fécondées in vitro et enfin placés dans l'utérus de soi-disant mères/grand-mères, qui ne sont que des incubateurs. Il en est ainsi du droit à la maternité ! Pas de doute sur la qualité et la quantité d'affection que ces parents sont en mesure de donner, mais le droit de ce pauvre enfant devra être reconnu et protégé en premier lieu et en particulier par les parents, mais cela n'est pas possible depuis l’Au-delà!

rosaria.elefante@virgilio.it

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A l’écoute de la création Martha Séïde

«Le monde n’est pas une lande déserte où, pour survivre, l’homme se choisit un espace sur mesure, mais une musique à écouter qui nous invite à la joie et à la danse». (Baal Shem Tov).

Cette affirmation de la plus grande figure spirituelle de l’hébraïsme polonais du 17ème siècle illustre de manière opportune l’attitude qui doit caractériser l’homme en relation avec la Création. Il s’agit d’avoir un regard positif qui permet de découvrir et d’écouter la symphonie de la Création et par conséquent de s’engager pour qu’elle soit un espace de joie et de vie intense pour tous. Aussi, l’homme n’est pas seulement appelé à écouter la Création, mais il est invité à être la voix de la nature, et à s’associer au chœur des autres créatures pour louer en harmonie le Créateur et Seigneur commun à tous (cf Ko Ha Fong Maria, La création don d’amour : approche biblique, 1).

La Création : comme trace de Dieu Dans cette même optique la Doctrine sociale de l’Eglise rappelle que l’attitude particulière «de l’homme face à la Création est essentiellement celle de la gratitude et de la reconnaissance : le monde créé renvoie, en fait au mystère de Dieu qui l’a créé et le soutient. Si on met entre parenthèse la relation avec Dieu, on vide la nature de son sens profond, en l’appauvrissant. Si, au contraire on arrive à redécouvrir la nature dans sa dimension de créature, on peut établir avec elle une relation, saisir sa signification évocatrice et symbolique, pénétrer ainsi son mystère, qui ouvre à

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l’homme le chemin vers Dieu, Créateur des cieux et de la terre. Le monde se présente au regard de l’homme comme une trace de Dieu, lieu où se révèle sa puissance créatrice, providentielle et rédemptrice» (DSC n. 487). La nature devient donc un évangile qui nous parle de Dieu. Pour cela le croyant ne peut rester indifférent face aux blessures de la terre, il lui faut aussi écouter les gémissements de la Création.

Ecouter les gémissements de la Création Les gémissements douloureux de notre planète nous parviennent de toutes les parties du monde. Tous les êtres humains, partagent et subissent les causes de la crise écologique et nous sommes tous profondément interpellés par les choix de stratégies adéquates tournées vers la protection de la nature. A plus forte raison, le croyant qui professe sa foi en Dieu Père, “Créateur du ciel et de la terre”, ne peut ignorer la réalité de la pollution généralisée de la terre, l’appauvrissement des ressources hydriques et énergétiques, l’extinction progressive d’espèces animales et végétales et tant d’autres aspects concernant l’écologie, source de préoccupation pour l’avenir du monde et de l’humanité. Il n’est plus possible de continuer à vivre comme si nous étions la dernière génération de la planète. Ecouter les gémissements de la Création et y répondre n’est pas seulement un problème d’équilibre écologique, mais aussi un problème éthique et spirituel. Nous devons assumer nos responsabilités et oser l’innovation dans l’action quotidienne et dans les choix politiques et stratégiques.

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De bonnes pratiques Ces références offrent quelques exemples de bonnes pratiques en différentes langues et contextes, pour approfondir la question écologique et agir avec efficacité : Escuchar a la tierra. Una Auditoría sobre el Medio Ambiente para las Comunidades Benedictinas, in www.arcworld.org/ ORDRE DES FRERES MINEURS, La sauvegarde de la Création dans la vie quotidienne des Frères Mineurs, Office Justice, Paix et Intégrité de la Création, Rome 2011. La Revue Promotio Iustitiae publiée par le Secrétariat pour la Justice Sociale et l’Ecologie des Jésuites, spécialement les numéros 111, 2013/2, in www.sjweb.info/sjs Pour l’expérience de Pierre Rabhi consulter https://www.colibrislemouvement.org/colibris/ pierre-rabhi

Oser l’innovation D’une part écouter la Création comme trace de Dieu et de l’autre, considérer la défiguration de son visage par le désastre écologique actuel nous pousse à rechercher des solutions alternatives pour assurer un avenir meilleur aux nouvelles générations. A ce sujet, plusieurs congrégations religieuses (franciscains, bénédictins, jésuites) proposent des initiatives intéressantes ainsi que des associations dans la société civile. Par exemple, la révolution bienveillante et agro écologique de Pierre Rabhi est un témoignage éloquent.

La révolution bienveillante et agro écologique de Pierre Rabhi Pierre Rabhi, paysan français d’origine algérienne, est un des pionniers de l’agriculture écologique en France. Expert international pour la lutte contre la désertification, mais aussi écrivain et penseur, il ne professe pas seulement la nécessité de changer de modèle de développement, mais il propose des solutions concrètes, il crée des associations et des mouvements et, surtout, il applique lui-même les principes cherchant à défendre par son engagement de chaque jour le monde dans lequel il vit. Sa conversion écologique est advenue justement à partir de sa propre expérience d’ouvrier spécialisé dans une exploitation agricole. Nous pouvons affirmer qu’il représente un exemple typique de quelqu’un qui vit à l’écoute de la Création. Son témoignage invite chacun de nous à apporter sa propre goutte d’eau pour sauver la symphonie de la Création.

Faire sa part Une légende africaine, à la base du mouvement colibri de Rabhi, raconte qu’un jour il y a eu un immense incendie de forêt. Tous les animaux, terrorisés et consternés, observaient impuissants le désastre. Seul, un petit colibri se mit en action et alla chercher quelques gouttes d’eau pour les jeter sur le feu. Après un moment, le lion irrité par son action insignifiante, lui dit : “Colibri, mais tu es fou ? Tu crois vraiment qu’avec ces quelques gouttes d’eau tu vas éteindre l’incendie ?” Je le sais, répondit le colibri, mais je fais ma part”. La leçon est efficace, la légende nous invite à assumer le devoir d’apporter notre goutte d’eau dans l’édification d’une culture écologique si nécessaire à la survie de notre planète. mseide@yahoo.com

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Qui rêve encore ? Maria Rossi

Autrefois, assez facilement on entendait quelqu’un parler de situations étranges, énigmatiques, parfois angoissantes ou même amusantes qu’il avait vécues en rêve. Et ensuite, les essais d’interprétation, par des personnes qui, sans être du tout formées au langage des rêves, cherchaient à en découvrir le sens. Il est difficile, aujourd’hui, d’entendre raconter un rêve. Les personnes interrogées à ce sujet répondent souvent ne pas rêver ou ne pas se souvenir de leurs rêves. Dans la culture actuelle, très rationaliste et super technologique, on ne s’occupe pas du rêve. Face à la question, certains esquissent un sourire ironique plein de suffisance, en disant ou en faisant comprendre que cela ne les intéresse pas. On marche avec le Smartphone à la main, un portable au cou et un autre en poche et avec son ordinateur portable dans le sac. Certains, surtout en face des personnes âgées qui n’ont pas ces instruments, les utilisent avec une ostentation ridicule. L’accès au Réseau, les social network n’ont rien de mauvais, s’ils sont utilisés de façon adaptée, ils peuvent être une aide pour les jeunes et aussi pour les plus âgés. Il y a la possibilité de s’informer de ce qui arrive sur notre planète et même dans l’Institut, de se cultiver au plan, culturel et professionnel, de communiquer avec parents et amis, mais aussi de se laisser trop prendre par les mille choses intéressantes que l’on y trouve. Ce qui fait problème c’est que l’importance exagérée donnée à la rationalité, à la technique avec la sous-évaluation de l’affectivité, arrivent à étouffer la vie ou l’empêchent de se répandre. Une rationalité qui se borne à contrôler, ‘bureaucratiquer’, ficher, étouffe la vie affective exactement comme l’exploitation de la nature où la production aveugle de déchets plastiques, de substances polluantes, empoisonne la terre et arrête la vie.

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Les lois diverses de la rationalité Le rêve fait partie du subconscient humain, de l’affectivité. Il obéit à des lois différentes de celles de la rationalité. Il échappe aux contrôles. Il s’exprime dans des mythes et des symboles qui proviennent de l’intérieur de l’être, des symboles qui évoquent, montrent et, tout à la fois, cachent et fuient. Il ne ment jamais. Dans ses vastes horizons se déplacent les Anges messagers. L’univers subconscient est une dimension importante de la vie mais un développement exagéré de la rationalité et le fait qu’on le méprise peut l’empêcher de se manifester et de communiquer par les rêves symboliques. Il y a une certaine affinité entre le monde du subconscient humain et celui de la nature. La nature est extrêmement bonne et humble. Face au mépris et à la brutalité, elle se retire timidement et se prépare à disparaître comme cela arrive aux Pandas, petits oursons timides en rapide extinction dans plusieurs endroits de la terre. Quelque chose de semblable arrive au subconscient humain. Si on l’étouffe et si on l’ignore, il se retire et ne s’exprime plus. Il vit de son côté, à l’écart du reste de l’être, causant parfois des problèmes plus ou moins visibles. Le silence absolu du subconscient c’est le mutisme. D’immenses océans, des cieux limpides remplis d’étoiles, des paysages illimités n’ayant pas la permission de s’exprimer, restent muets. L’existence devient froide, rationaliste utilitariste, insatisfaisante et la vie spirituelle un sous produit de raisonnements superficiels, sans racines profondes.

Songes nocturnes Dans le monde biblique, les visions nocturnes sont considérées comme une façon privilégiée de communiquer avec Dieu. Il suffit de penser

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à Abraham, à Jacob et surtout à Joseph. Dans la Grèce antique, à Rome et même en Israël, il y avait des lieux où, à des moments particuliers de la vie, on se rendait pour avoir des songes capables de donner des indications Le jeune Salomon, élu Roi depuis peu, se rend sur les hauteurs de Gabaon pour avoir un songe qui l’éclaire sur sa mission. Là, après avoir offert un sacrifice et prié, au cours de la nuit, il a un songe qu’il ne comprend pas tout de suite mais qui le guidera dans la vie (cf 1er Roi 3,4,15) De même, le jeune François d’Assise découvre sa mission guidé par la compréhension graduelle de quelques songes nocturnes. La vie et la mission de Don Bosco, déjà marquée par le songe des neuf ans est constellée de songes et de visions “révélations” de sa spiritualité, de sa mission éducative et également de ses préoccupations, comme celui des diamants, proposé cette année à la méditation de toute la Famille Salésienne. Le songe particulièrement important pour la spiritualité salésienne et la mission éducative est le songe de la pergola de roses. Le Pape François, lors de la cérémonie de remerciements au départ du Cardinal Bertone, en faisant référence à la tradition et à la spiritualité salésienne, a évoqué ce songe en soulignant comment durant son mandat de Secrétaire d’Etat, les épines et les contrariétés que le Cardinal Bertone a dû affronter ont été nombreuses, mais surmontées avec l’aide de l’Auxiliatrice. Don Bosco propose le songe de la pergola de roses à ses collaborateurs pour bien montrer les difficultés de la vie consacrée et la façon de les dépasser. Dans le cadre de l’Oratoire, régnaient joie et allégresse. Qui le fréquente reste marqué par la sérénité de Don Bosco et la joie explosive des jeunes (les belles roses). Ceux qui désirent le suivre doivent se rendre compte que la beauté, l’harmonie, la joie sont des buts qui attirent, mais sont le fruit de difficultés, de déchirements, (des épines) que l’on peut dépasser avec l’ascèse et l’aide de Marie Auxiliatrice

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Une formation robuste Ce songe est encore d’actualité. Il offre de très importantes pistes à pour qui entreprend la vie religieuse, pour qui la vit, pour qui est presque arrivé, pour qui forme les jeunes à la vie religieuse et aussi matrimoniale. Autrefois, on pensait que seuls les futurs prêtres ou religieuses avaient besoin d’une formation religieuse et ascétique. Pour eux, on a créé des structures avec des temps et des programmes de formation et d’essais, qu’il faudrait peut-être repenser aujourd’hui. Actuellement, à la vue de la facilité avec laquelle les familles se brisent, avec de tristes conséquences sur les plus fragiles, on voit bien la nécessité d’une solide formation pour tous. Une psychologie et une pédagogie de la prévention (ayant pénétré surtout la culture occidentale) méconnaissant la valeur du sacrifice, cachant les difficultés, donnant en tout satisfaction, ne peut aboutir à une formation complète de la personne. Elle crée des adultes vulnérables et incapables de réagir positivement aux inévitables difficultés de la vie. Le songe de la pergola des roses, en autres, suggère que pour former non seulement à la vie consacrée, mais aussi à la vie, il es nécessaire : d’avoir confiance dans les énergies de celui qui grandit, de ne pas enlever les obstacles, ni les cacher et inutilement, mais de les appeler par leur nom (les épines sont des épines) ; habituer à regarder les difficultés pour ce qu’elles sont sans les exager ou les minimiser, stimuler une saine ascèse et à une solide spiritualité qui renforce les ressources humaines ; aider avec une proximité douce et forte à surmonter les épreuves et à goûter ensemble la satisfaction et la joie des résultats obtenus (la beauté des roses). Une ascèse sérieuse et sereine, c'est-à-dire l’entraînement à renoncer à son égoïsme et à son confort, à dépasser les contrariétés et les fatigues quotidiennes, à accepter avec humilité ses propres limites et l’aide des autres avec une forte spiritualité (l’ouverture et la confiance au Trés Haut), sont indispensables pour atteindre la joie d’une vie consacrée ou matrimoniale fidèle et féconde pour une mission éducative efficace ; pour soutenir une œuvre sociale et/ou une entreprise en temps de crise ; pour obtenir

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une victoire sportive et/ou un dix sur dix et des félicitations ; elles sont vraiment indispensables pour aller “aux périphéries existentielles” des marginaux et des personnes âgées pour les aider , leur apporter expérance et joie, comme aussi pour se rendre compte des “périphéries existentielles” présentes aussi dans nos communautés.

Communications importantes Tous les songes n’ont pas la même portée. Des images symboliques ou des expressions révées quelquefois, expriment simplement les préoccupations, les peurs et les désirs non exprimés ou réprimés en l’état de veille ; d’autres fois elles offrent des communications importantes, mais qui ne sont pas comprise sur le moment. Les songes peuvent être voulus, comme celui de Salomon, prophétiques, illuminateurs, prémonitoires d’un danger, rêves d’action, songes éclairants et autres. Le rêve de Joseph, après que Marie lui révéla qu’elle était enceinte (Matt 1, 20-21) contient plusieurs aspects : “En songe un ange du Seigneur lui dit : “Joseph, fils de David, ne craint pas de prendre chez toi Marie, ton épouse”(consolation, action). “Parce que ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint (illumination)” . “Elle enfantera un fils et tu le nomeras Jésus : Il sauvera son peuple de ses péchés” (prophétie). Pour Don Bosco ce sont, en général, des songes

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clairs,d’interprétation facile, parce que avec leurs images le sens apparaît.

Habituons-nous à l’écoute Si, en plus de nous enrichir du patrimoine spirituel et éducatif qui s’exprime dans les songes de Don Bosco, nous réussissons encore à accueillir avec humilité et discrétion le monde de nos rêves, à nous rendre capables d’écouter les messages et ceux des Anges qui s’y trouvent, nous pourrions donner plus de consistance à notre personnalité, intégrer et harmoniser rationalité et affectivité, dépasser cette ambition de l’efficacité et de l’utilitarisme étroit, qui souvent étouffe, et nous ouvrir à des horizons imprévus de liberté et de tendresse où la joie, l’allégresse, la fraternité (les roses) sont chez elles, nous pourrons ainsi entrâiner “nos fils” et “nos filles” à rêver leurs projets d’avenir porteurs des valeurs de l’Evangile, et ensemble, apporter notre petite contributrion afin que l’humanité ressemble davantage à celle que Dieu a révée en la créant. rossi_maria@libero.it

_____________ Pour approfondir le thème de songe, à peine abordé dans ce texte et pour avoir des indications pratiques sur la façon de l’aborder et de le cultiver, il pourrait être utile de lire : Méditer un songe – Dimension spirituelle du monde des songes, de BALLESTER M, Messagers, Padova 2011.

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Radicalité et responsabilité Mara Borsi Don Bosco rend concret son programme de vie - «Donnez-moi les âmes, prenez tout le reste» par le travail et la tempérance. Vraies bases de sa gaçon de témoigner de la radicalité de l’évangile. Mystique et ascèse qui se traduisent visiblement dans le vécu des éducateurs, éducatrices, quand ils se donnent au travail apostolique et sont capables de renoncement. Celui qui vit de la spiritualité salésienne ne peut oublier que le témoignage qui attire est celui de la vie vécue selon l’évangile. Le 31 décembre 1863, en accueillant la nouvelle année Don Bosco offre à la communauté de l’Oratoire du Valdocco cette “Etrenne” : «Le programme de cette maison, il est écrit dans ma chambre : Da mihi animas cetera tolle. Je ne recherche que vos âmes, je désire seulement votre bien spirituel (…) je vous promets et je vous donne tout ce que je suis, tout ce que j’ai. Pour vous j’étudie,pour vous, je travaille, pour vous je vis et je suis disposé, pour vous, à donner ma vie (MB VII 585). Pour les Filles de Marie Auxiliatrice, la devise est la même. De fait l’article 6 des Constitutions l’affirme : «Le “ da mihi animas cetera tolle” qui a conduit Don Bosco et Marie Dominique à se donner totalement aux petits et aux pauvres, reste l’âme de notre mission éducative». Tout cela conduit directement à la source spirituelle du travail éducatif et pastoral des membres de la familloe salésienne : le désir de conduire à Dieu les personnes, les grands, les petits, , le désir de leur donner le Seigneur Jésus comme ami, frère, maître et père. La devise Da mihi cetera tolle peut se comprendre de bien des façons : c’est un

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programme de vie, une déclaration de principe, une prière insistantre, une invitation à partager les projets de Dieu, un désir d’ascèse rigoureux qui aide à distinguer l’essentiel du superflu, un programme de vie apostolique… En fait, de toute façon sans cet esprit on ne comprend rien de ce qui se passe dans une maison salésienne, il manque la substance active, le sel et le levain du travail éducatif et pastoral. Sans lui, nous risquons de faire beaucoup de choses mais sans l’esprit qui doit imprégner toute réalité salésienne digne de ce nom.

L’engagement pour l’éducation L’écart qui grandit toujours entre le bien être et la pauvreté pousse la familole salésienne à apporter des réponses surtout par l’éduction. Là où les jeunes sont le plus marqués par l’exclusion, la marginalisation, la privatgion ; c’est là que celui qui se laisse guider par la spiritualité salésienne est appelé et c’est là qu’il doit aller. Le devoir d’éduquer est aujourd’hui une mission clef ; sans éducation pas de changement culturel, c’est sur elle que peut se greffer l’annonce de l’Evangile. Aujourd’hui la priorité c’est de préparer les jeuines à être capables de transformer la société selon l’esprit de l’Evangile en agissant pour la justice et la paix et aussi à vivre en servant l’Eglise. Dépasser les situations de pauvreté demande un changement de modèles culturels ; il y faut des stratégies à long terme, comme le sont les stratégies en éducation : éducation aux droits de l’homme, à la citoyenneté active, formation au “lead ship” qualification porfessionnelle, proposition de l’Evangile et croissance dans la -

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joie. Il faut pour cela se former et former et former des éducateurs qui soient à la hauteur des personnes qu’ils éduquent et qu’ils sachent annoncer le Christ à une génération en perpétuelle évolution. Les vocations au mariage ou à une consécration particulière se développent à partir de la prise de conscience du fait qu’en donnant sa vie on la retrouve en plénitude. Dans ce but, la Famille Salésienne, avec beaucoup de créativité et d’initiatives entraine les jeunes dans des expériences missionnaires dans la catéchèse. Elle favorise des expériences de prière et de vie communautaire. Elle les invite à la vie mystique dans l’Esprit Saint, à être des prophètes de la fraternité et à se faire les serviteurs des jeunes de leur âge

mara@cgfma.org

Un réseau d’éducation pour les jeunes En tant qu’étudiants du Cours de Spiritualité de l’Institut, les FMA nous avons eu beaucoup d’occasions d’approfondir la signification de la radicalité évangélique dans les vies de Don Bosco et Marie Mazzarello. Nous avons bien conscience que nous ne devons pas aujourd’hui copier matériellement l’expérience du Valdocco et de Mornèse mais ravier l’esprit avec lequel nos fondateurs ont agi dans leur temps. Au Brésil, le charisme salésien est présent depuis 130 ans. Au fil de l’histoire, SDB et FMA ont cherché à répondre aux besoins et exigences des plus pauvres et se sont appliqués à vivre la Parole de Jésus : «Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait.» Dans la deuxième partie du XIXe siècle, au Brésil, les écoles salésiennes SDB et FMA se

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sont organisées et ont constitué un réseau des écoles salésiennes qui est actuellement le réseau catholique national le plus nombreux du continent américain. Il réunit, en fait, environ 5000 éducateurs, 85000 étudiants et plus de 100 instituts d’éducation. Les initiatives et les projets sont nombreux. Parmi les plus récents signalons ce qui a été réalisé à Haïti. En Juillet 2013, un groupe de professeurs d’éducation physique de Réseau des Ecoles Salésiennes a monté le projet Enseignants sans frontières qui a promu une éducation complète à travers le sport : L’initiative concernant les enfants et adolescents entre 5 et 18 ans a été l’occasion de rencontres et d’échanges solidaires entre des personnes de cultures différentes. Nous croyons que la radicalité évangélique est le fruit d’une vraie attitude d’ouverture et d’amour vis-à-vis de Dieu et des besoins de notre monde.

Josefa De Lira, Ana Clébia Lima Palheta, Francisca Rosa da Silva, Brésil

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Au cœur de la parole Interview à sœur Elena Massima Emilia di Massimo

Les jeunes des temps modernes ont de nombreux points de rassemblement. différents des centres de jeunes, des centres sociaux, des bibliothèques et des centres de jeunes. Ces nouveaux points, d’ailleurs, ne sont plus destinés à des activités culturelles ou ludiques. Ils sont nombreux ces nouveaux non-lieux qui deviennent des points de rassemblement pour les jeunes dont la socialisation commence toujours plus tôt dans des espaces virtuels (comme Twitter, F.B., Myspace) où dans des espaces privés (loin de la foule) et toujours de façon indirecte grâce aux moyens interactifs Pour les jeunes et les moins jeunes, Internet est devenu comme une grand “place” où l’on peut se rencontrer, nouer des amitiés, dire son amour, échanger des opinions, des conseils. On peut sereinement y rencontrer les autres sans contrainte, sans embarras, ni peurs. On y parle beaucoup mais que la solitude est grande alors que l’on cherche justement à l’éviter. Beaucoup d’enquêtes sur le milieu virtuel du WEB donnent, en gros, le même résultat. Les jeunes se servent d’Internet pour se connaître, se rencontrer, se socialiser. Et pourtant que de jeunes vivent dans un isolement virtuel derrière la lumière bleutée d’un écran plat. Un jeune affirme : «Même si j’ai 600 amis sur Facebook, qu’est-ce que je fais le samedi soir, seul devant l’écran.» Des courants pédagogiques assurent que l’on pourrait arracher les jeunes à leur solitude si des adultes étaient capables de leu faire à nouveau ouvrir les yeux sur la beauté de la rencontre de l’autre.

oreilles, créant un besoin de silence et de solitude, mais il y a une parole qui s’exprime alors, qu’elle devient silence, qu’elle s’épuise parce qu’elle se donne : c’est la Parole de Dieu. Quand elle elle est lue, pas pour y trouver des réponses toutes prêtes, mais que plein de questions puissent en surgir. Du reste les croyants ne sont-ils pas d’abord des gens qui cherchent ? Les jeunes posent la question de la vie et du bonheur en vue dune qualité authentique de l’existence. La pastorale des jeunes ‘envisage pas l’expérience de l’expérience religieuse comme l’une des si nombreuses expériences qui traversent la vie d’un individu. Elle conteste l’habitude qui se développe, de se donner à recenser des attitudes et comportements formellement eligieux, par contre elle évalue le degré de signification qu’ils ont pour ceux quqi en vivent ou les désirent. Au lieu de partir de la religosité des jeunes pour atteindre la vie, nous pourrions inverser la perspective partant de la religiosité de la de la vie car ilo est toujours difficile de dresser la silhouette du jeune croyant comme le pôint d’arrivée statique d’un engagement, il vaut mieux essayer de tracer un parcours.K C’est le propre des jeunes de se mettre en route, de réfléchir sur ce qu’ils vivent, de se fixer un but élevé, d’écouter la Parole pour connaître Jésus.

La rencntre du Seigneur réssuscité libère le cœur et le transforme, faisant ressortir que l’on marche vers l’Amour. L’Esprit faisant Quand sauront-ils leur dire réaliser le don de l’Amour de Dieu dessine en des paroles de vie ? nous les contous de l’humanité de Jésus et nous donne force et repères pour construire Une parole qui communique. Beaucoup de paroles quelquefois trompeuses ett un nouveau type de personnalitéé basée et fondée sur la personne de Jésus, sa façon de contraignantes envahissent quotidiennement nos

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De vivre, d’être, de penser, d’agir, de s’engager. Nous ne pouvons laisser au gré des occasions o à la socialisation religieuse la tâche d’offrir les fondements de nouvelles façons de vivre et les motifs d’espérance ; et nous ne pouvons pas, non plus, nous contenter pour survivre de la permanence d’une religiosité mal définie. Il faut déterminer, avec courage et lucidité, le minimum de moyens qui renforceront cette nouvelle spiritualité comme, par exemple, la prière, un guide spirituel, un style de vie qui devienne progressivement évangélique.

vie en commun fait partie. L’expérience la vie commune s’organise comme une retraite, modèle symbolique de la vie chrétienne. Ce temps de vie communautaire à organiser au cas par cas, peut faire mûrir la quête d’identité en vue de l’exercice d’une mission, et le souci de l’avenir vers un profil de responsable. Il se peut qu’une vie en commun rénovée soit aujourd’hui un instrument pédagogique formidable comme expérience de liberté et aide face au défaitisme contemporain. La liberté est la communion ouvrent au mystère, cependant le désir d’une communauté est jugé par quelques auteurs comme une alternative à la croissance de la liberté. Zygmunt Bauman soutient que s’opposent les gloires d’un nouvel âge globalisateur et la solitude de l’homme ordinaire. L’organisation sociale est incertaine, confuse, voilée. La vie en commun – et pas seulement pour le jeunes- se décharge en ces explosions sporadiques et spectaculaires pour ensuit se replier épuisée sur ellemême. Pour freiner ce processus, il fut retrouver l’espace où le public et le privé se connectent. Il faut retrouver l’antique agora à la liberté individuelle peut devenir engagement collectif. Pour cela la communauté est nécessaire, elle peut être source de sécurité, élément fondamental d’une vie heureuse.

L’expérience de la vie en communauté La parole de Dieu pour être entendue a besoin d’un contexte communautaire. Il faut offrir la possibilité d’expériences de la vie en commun à des groupes de jeunes pur des temps limités en lien avec les engagements d’étude ou de travail : une vie en commun pendant ce temps appuyée sur un projet éducatif bien réfléchi. Le besoin de radicalité et la recherche du contenu essentiel de la foi peuvent se rencontrer dans un processus éducatif dont l’expérience de

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Dans un monde de non lieux, par delà les multiples espaces virtuels, il faut peut-être de nouvelle demeures accueillantes, des espaces communautaires qui offrent aux jeunes un lieu physique et relationnel dans lequel l’expérience d’humanité épanouie, s’entrouvre à la beauté de l’homme Jésus et à sa divinité

Emiliadimassimo@libero.it

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Ñande Roga. Notre maison Anna Rita Cristiano

Le Chaco au Paraguay est une région qui occupe à peu près la moitié du Paraguay, 80.000 habitants sur les six millions que compte la Nation. C’est ici que les fma ont plusieurs communautés : Nu Apu’a, Fuerte Olimpo, Carmelo Peralta, Puerto la Victoria, où elles travaillent avec les indigènes Maskoy, Ayorei et Chamacoco. Le fleuve Paraguay traverse toute la région et sert de frontière avec le Brésil. Ce fleuve ne possède pas de digues, il est donc ouvert à la navigation et il est parfois l’unique moyen de communication pour atteindre certaines zones du Chaco. En effet, le sol en ces lieux est un sol argileux que la pluie transforme vite en boue, rendant ainsi les routes impraticables.

Se faire proche Visiter le Chaco c’est faire une très forte expérience missionnaire. Les fma prennent soin de bien des villages, assurant l’assistance et le soutien aux femmes, aux familles, aux enfants. A Riacho Mosquito, il n’y a pas de communauté fma, mais quelques sœurs de la communauté de Puerto Cassado (Puerto la Victoria), s’occupent de la pastorale de ce petit village, avec les indigènes Maskoy. Il y a ici une école maternelle qui accueille tous les enfants du village, donnant ainsi la possibilité aux mamans de réaliser quelque travail. Les enfants jouent, apprennent quelque chose et reçoivent chaque jour un repas chaud. Le travail des fma est d’être proche des gens, d’écouter les nécessités de ce peuple, de les aider à prendre conscience de leurs droits et à conserver leur identité culturelle.

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L’accès aux services de l’instruction et de la santé est un grave problème, ainsi que l’absence de représentants politiques des populations indigènes du Paraguay. Quelques Maskoy continuent de travailler dans de grands élevages de bétail dans des conditions précaires et sans aucune garantie, d’autres survivent en pratiquant la chasse et la pêche ainsi que la récolte de certaines denrées, mais l’accès aux terrains est contrôlé par les grands propriétaires terriens. C’est ce que nous raconte Ejdio Martines Voron appartenant à l’ethnie Maskoy : «Depuis longtemps je cherche du travail, mais pour nous les indigènes c’est difficile, très difficile. Les gens n’ont pas confiance en nous. Je suis allé chercher du travail plus loin et j’en ai trouvé à 400 km de là dans une ferme, mais le travail était lourd et dangereux, j’étais de garde toutes les nuits… en plus j’étais très peu payé. Tous les indigènes sont payés au rabais ». A Porto Casado, ces dernières années, les fma ont soutenu les populations indigènes dans leur campagne pour la revendication de leurs terres, marchant avec eux des journées entières et ils n’ont obtenu qu’une restitution partielle : 30.000 hectares de leurs terres sur les 600.000 acquis par la secte Moon. Toujours à Porto Casado, nos sœurs se dévouent aussi aux activités éducatives, comme l’oratorio, la catéchèse, les œuvres paroissiales. Le travail avec les jeunes de la cité vise surtout la formation. On les éduque à la foi et on favorise leur croissance humaine. On les aide à prendre conscience de ce qu’ils peuvent apporter au développement de leur propre pays.

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Sœur Rosanna Tomasella, a travaillé au Chaco durant 32 ans, elle est infirmière, et durant toutes ces années passées à Porto Casado elle a enseigné à de nombreuses personnes comment prendre soin des malades.

Besoin de satisfaire Ici les Filles de Marie Auxiliatrice ont appris à écouter quels étaient les besoins les plus pressants : la faim, la santé, le droit à la terre et à la propriété privée. Sœur Rosanna raconte : «Dans le Chaco, je me suis sentie à l’aise parce que les gens sont simples et généreux comme leur fleuve Paraguay. Par eux j’ai appris un tas de choses…et j’ai surtout appris qu’il est possible de vivre dans la simplicité, que le bonheur ne consiste pas à posséder beaucoup de choses ni à profiter de tant de bien-être…Eux, vivent de l’essentiel et sont contents du peu qu’ils ont, et ce peu qu’ils possèdent ils le partagent avec les autres. C’est quelque chose de beau qui m’a appris à être plus généreuse».

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L’autre communauté fma est celle de Carmelo Peralta où les sœurs travaillent avec les indigènes Ayorei. Une sœur de cette communauté enseigne dans leur école et un Ayorei est déjà instituteur. Ceci est vraiment le but que poursuivent les missionnaires : que les gens du lieu deviennent les protagonistes de leur propre avenir. On investi ici très fort sur le sens de la famille qui est de type patriarcal. Tout est mis en commun et tout se vit à l’extérieur devant les huttes, qui ne servent qu’à s’abriter en temps de pluie. Dans le Chaco paraguayen, les indigènes –en général– ne sont sédentaires que depuis 50 ans, mais ils n’ont toujours pas modifié leur style de vie. Fondamentalement ils sont encore cultivateurs et chasseurs et ils ne conçoivent pas la vie en tant qu’éleveurs ou agriculteurs. C’est pour cela qu’ils ne cultivent que de petits lopins de terre –juste ce qu’il faut pour survivre– et ils vendent une grande partie de leurs récoltes aux blancs. Ici à Carmelo Peralta, où la présence indigène est minoritaire, les femmes s’entraident en créant des associations de travail, afin de rassembler les produits de leurs jardins et de les vendre à un meilleur prix … dma damihianimas ANNEE LXI ■ Septembre-Octobre 2014


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Une vie communautaire

La source de la vie

A Forte Olimpo on travaille avec les Chamacoco, une communauté très vivante. Lorsque les sœurs traversent le village, tous sortent de leur habitation pour les accueillir. Les visites sont simples, faites d’informations sur la lutte pour la vie quotidienne : les enfants, la santé, le travail, les conditions de la météo.

La nature est respectée. On souhaite qu’elle soit bienfaisante et donne des fruits en abondance. On souhaite aussi que le fleuve redevienne bénéfique et fécond comme dans le passé…afin d’avoir de quoi vivre. Sœur Rosanna nous explique encore : « Le fleuve est pour ce peuple la source de la vie. Il est tout ! L’eau est l’unique possibilité de vie pour ces gens, c’est pour cela qu’ils s’établissent toujours sur la rive du fleuve.

Les gens possèdent de petites cultures d’arbres fruitiers et l’un ou l’autre s’est mis à l’élevage des moutons. Au centre du village il y a une petite chapelle de forme circulaire où chacun se sent chez soi. La vie du village est «communautaire». A chacun les fma apportent une parole d’espérance, mais aussi une aide concrète. Ici les gens sont très actifs. Ce sont des artisans et ils fabriquent des chapeaux, des éventails, des paniers…Les femmes travaillent la «caraguata», une fibre provenant d’une certaine plante, avec laquelle elles réalisent de typiques petits sacs, des bracelets ou des balais.

De plus il est très généreux. C’est dans le fleuve qu’ils pêchent le poisson et bien d’autres choses pour survivre Quant à moi cela me rappelle quelque chose de très important : C’est un signe de la présence de Dieu dans notre vie, c’est une présence constante, permanente, généreuse et qui donne la vie, une vie qui ne finit jamais». En repensant à sa vie missionnaire, Sœur Rosanna ajoute : «Après tant d’années vécues ici j’ai compris ce que veut dire être missionnaire. Je crois que le missionnaire doit être un frère qui chemine avec son frère, en cherchant à lui communiquer la richesse de la foi ». Après avoir visité le Chaco, nous nous rendons compte qu’il est une terre à trois couleurs : le bleu du ciel et de l’eau, le vert de ses immenses plaines, le rouge de la terre. Au contact de la nature avec ses rythmes et ses lois, il nous fait comprendre que l’on ne peut pas toujours tenir tout sous contrôle. Il faut aussi apprendre à s’abandonner aux événements, à pouvoir assumer les aléas de la vie, à ne pas toujours connaître toutes les réponses, à gérer les insécurités et les faiblesses personnelles. C’est cela que le Chaco nous enseigne : face à l’immensité de cette nature, nous nous sentons tout petits, mais c’est justement dans cette capacité à gérer notre petitesse que nous devenons forts.

arcristaino@cgfma.org

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Héberger Maria Anronia Chinello

Pratiquée comme l'une des formes les plus anciennes de la vertu sociale et fondée sur l'obligation de l'entraide réciproque, l'hospitalité se réfère à la nécessité de faire de la place pour ceux qui -temporairementdemande de rester près de nous. Pour chaque chrétien, offrir l’hospitalité est une action qui trouve son sens dans les racines de son identité; il est d'abord appelé à reconnaître l'icône du voyageur étranger qu’a été Abraham, par nature un étranger qui ne peut vivre que si il est accueilli par d’autres. Comme le patriarche duquel il apprend l'obéissance de la foi, le chrétien ne peut s'empêcher de demander l'hospitalité (à Dieu) et offrent la proximité (aux frères), en adoptant l'attitude d'Abraham aux Chênes de Mambré. Dans cet épisode, sont des caractéristiques cachées que doit cultiver qui veut faire de l'hospitalité le sens d'une existence vouée à la communication et une évangélisation authentiques. Ils peuvent prendre en considération au moins trois points : ne pas demander à l’hôte ses généralités, lui faire de la place dans sa maison, le traiter avec générosité.

Communiquer c’est accueillir La première caractéristique est la garantie d’une approche désintéressée vis-à-vis de qui est devant soi, il projette immédiatement audelà de l’ethnique, du groupe, ou de l'appartenance à un réseau social et éviter la contamination de l'accueil avec des considérations d'un autre genre. La seconde vous permet de surmonter ces théories de la communication qui, tout en parlant de la participation, des relations d’échange

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mutuel, ont tendance à se concentrer sur la capacité du sujet à communiquer; faire de la place à l’'autre signifie consentir que l’interlocuteur se sente dans sa maison et à corriger la vitesse excessive et le manque de réflexion de certaines dynamiques de communication: pour le rencontrer, l'écouter, le comprendre, il faut du temps, de la lenteur, du silence. La troisième, enfin, demande de se rendre accessible, de se rapprocher, de perdre les défenses et les distances qui se développent souvent quand la communication consiste seulement à la promotion de soi; être généreux veut dire -dans ce sens- donner le meilleur soimême et accepter la rencontre comme une opportunité de grandir ensemble

Héberger c’est évangéliser L'hospitalité exige beaucoup plus que simplement permettre l'existence de l'autre; elle ne consiste pas dans le simple fait de permettre à l'autre d'exister dans son altérité et diversité "à côté" de soi. Lui faire un espace et lui donner accès à notre maison connotent la même relation que Dieu veut établir avec l'humanité en son Fils Jésus, Celui qui se tient à la porte et frappe, entre dans la maison et ici il sait qu'il ya quelqu'un qui écoute sa voix et qui ouvre (voir Ap. 3.20). Donc, si relier à Dieu c’est d’abord l’accueillir, le saluer, lui faire de la place, la même attitude est également nécessaire en ce qui concerne d'autres personnes, ainsi que leur capacité à leur reconnaître une certaine divinité: accueillir quelqu'un, c'est accepter Dieu; ne pas accueillir ceux qui frappent à la porte (surtout si c’est un pauvre équivaut à rejeter Dieu Luimême, comme l'a souligné le Pape François

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ANNEE

Blablacar : Une hospitalité qui passe par le réseau. MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2011 La crise a quand même un mérite : celui de rendre possible la propagation des expériences du sharing economy (partage-économie). Retour en vogue avec l'avènement de la récession mondiale, plus qu'un besoin il est devenu un choix de vie. Juste une application sur les téléphones mobiles pour trouver une alternative qui permet de voyager, se déplacer, travailler, faire des acquisitions à moindre frais et favoriser l'ouverture aux autres. Un domaine qui a pris racine dans de nombreux pays et qui semble s’arrêter. Le service le plus connu est Blablacar, qui dispose déjà de huit millions de membres dans 12 pays européens; le concept qui le soutient est élémentaire : qui doit faire un voyage à moyenne ou longue distance peut s'inscrire sur un site dédié à la recherche d'un voyageur qui parcourt le même chemin. Ainsi, vous pouvez réduire jusqu'à 75% des coûts et réduire la pollution de l'environnement. Pourtant, l'augmentation rapide de l’aspect le plus intéressant de cette pratique ne semble pas être tant les économies, mais plutôt l'occasion de faire de nouvelles connaissances, et de fournir (ou trouver) une véritable hospitalité, qui, selon les besoins pourra être réciproque.

à l'Eglise tout entière dans Evangelii Gaudium. Le pauvre quand il est aimé, «est considéré comme de grande valeur», et c'est ce qui distingue l'option authentique pour les pauvres d’une idéologie quelconque, de n’importe quelle intention d'utiliser les pauvres au service des intérêts personnels ou politiques. C’est seulement à partir de ce voisinage vraiment très sympa que nous les accompagnons de manière adéquate dans leur cheminement de libération. Seulement cela rendra possible que "les pauvres se sentent

dans chaque communauté chrétienne, comme "à la maison ". «Ne serait-ce pas le style, le plus grand et le plus efficace de présentation des bonnes nouvelles du royaume ?». Sans l'option préférentielle pour les pauvres, «la proclamation de l'Evangile, qui est la première charité, risque d’être incomprise ou immergée dans un océan de paroles que la société de la communication d’aujourd'hui nous expose quotidiennement. (EG, 199) suorpa@gmail.com

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Une vie au service des plus petits Bernadette Sangma

La vie des plus petits, des marginaux, des oubliés et des exclus, comme ceux des léproseries dans les récits bibliques, est encore une réalité aujourd’hui. Dans de nombreuses parties existent ce qu’on appelle les colonies de lépreux où ils vivent en marge du reste de la population. Telle est la réalité d’une léproserie dans la petite ville de Tura, dans les collines des Garo, de l’Etat de Megalhaya, Inde. Elle a été créée vers 1950 et ce qui la sépare du centre habité est un torrent qui passe au pied de la colline et qui en devient la frontière. Sur cette colline sont disséminées des maisonnettes en bambou et en bois qui abritent 80 familles. Et c’est bien dans ce lieu perdu et méconnu, loin des yeux du monde, que se passe la vie de soeur Guadalupe Velasco.

De L’Espagne à l’Inde Guadalupe Velasco est née à Villafranca – Navarra (Espagne) le 15 février 1924. Membre de la Congrégation des Missionnaires du Christ, elle est envoyée comme missionnaire au nordest de l’Inde en 1948, âgée seulement de 24 ans. Qui l’a connue alors dit qu’elle était jeune, pure, vive et belle, aux yeux d’azur. Deux ans après son arrivée, elle aboutit sur la terre qu’elle considère la patrie de son coeur : Tura . Là elle s’occupe des jeunes de l’internat. On compte de nombreuses générations de femmes encadrées par elle qui aujourd’hui occupent des postes de responsabilité dans la société. Cependant à la fin des premières années alors que les jeunes sont à l’école, soeur Guadalupe, avec d’autres soeurs de sa communauté, parcourt quotidiennement la distance d’un kilomètre et demi, habituellement à pieds, sous la pluie torrentielle ou le soleil brûlant pour atteindre la léproserie. Cela fait 64 ans que les Missionnaires du Christ ont débuté cette mission. Aujourd’hui l’aspect de la léproserie est visiblement transformée,

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la lèpre est désormais vaincue, bien que ses victimes portent des signes visibles de la maladie sur leur corps. En collaboration avec quelques Salésiens, la Congrégation a aussi promu l’éducation des enfants des lépreux apportant un changement effectif socioéconomique et culturel des familles. Actuellement ils sont 200 enfants sains, qualifiés et compétents dans diverses disciplines et engagés comme enseignants, professeurs et parmi eux il y a aussi un médecin. Soeur Guadalupe a eu 90 ans le 15 février 2014. Malgré l’âge et l’usure d’une vie dure dans une zone très infectée par la malaria, son esprit n’a pas ralenti. Une de ses consoeurs, soeur Marline Pinto raconte qu’il y a quelques années, quand elle était rentrée en Espagne, pour un emps de repos, soeur Guadalupe a découvert l’existence d’une tumeur sous l’aisselle, mais elle n’a rien dit à personne par peur qu’on la garde en Espagne et qu’on ne lui permette plus de retourner en Inde. Au retour, elle a fait un contrôle et a subi une intervention dans la ville de Shillong, à huit heures de distance de Tura. Et à peine remis, soeur Guadalupe n’était pas en paix tant qu’elle n’était pas retournée à Tura et surtout à la léproserie. Sous forme d’interview, j’ai parlé avec elle et malgré son âge, elle affirme : “Je ne cesserais jamais d’aller à la léproserie et ceci jusqu’à mon dernier souffle. J’irai jusqu’à la mort... parce que c’est ma maison “. Ce sont les plus petits qu’elle considère comme sa maison. “

Les trois moyens pour l’appeler Les noms qui lui ont été attribués par les personnes qui la connaissent sont variés.On l’appelle “ l’apôtre des lépreux “, “ l’ange des.

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... criptible, les larmes coulaient sur son visage, mais l’homme n’émettait aucun cri. Sous la main tendre de soeur Guadalupe, il parvenait à sourire, même entre les larmes, que de toute façon, il ne réussissait pas à retenir tant la douleur qu’il ressentait était grande. Ses mains douces sont capables d’adoucir les maux les plus aigus. D’autres personnes ont surnommée soeur Guadalupe, “ Mère Teresa de Tura : ce qui indique son choix radical des plus pauvres, comme Mère Teresa de Calcutta. Son choix n’est pas seulement d’être avec les plus défavorisés mais aussi, elle se considère la dernière parmi eux. En fait, ce n’est pas dans ses habitudes face au mass media, elle préfère rester dans les coulisses, cachée et ignorée. Elle apparaît beaucoup plus naturelle au contraire, quand elle embrasse son patient ou s’asseoit avec lui sur le seuil de sa hutte. lépreux“, “Mère Teresa de Tura“. Ce ne sont pas des noms donnés par hasard ; ils indiquent avec éloquence son authentique témoignage de vie “. Elle est “l’apôtre“ parce que son apostolat est une continuelle proclamation de l’Evangile aux pauvres et aux déshérités. Ce n’était pas un acte naturel pour soeur Guadalupe d’aborder les lépreux avec désinvolture comme elle le fait maintenant. En parlant des débuts elle dit :”J’étais impressionnée de voir tant de personnes aux corps blessés, défigurés, manchots,... etc. Nous avons utilisé des médicaments et de la nourriture fournis par le gouvernement pour soigner corps, âme et esprit“. Soeur Guadalupe est réservée, on n’arrive pas à la faire parler d’elle-même, mais en la regardant avec un Rosaire à la main et avec les lèvres murmurant imperceptiblement la profonde communion avec Dieu, c’est ce moteur qui l’aide à maintenir son choix tenace pour les plus pauvres. On la considère comme “l’ange des lépreux”, une définition qui correspond bien à son apparence si délicate et si tendre. Dans les années 90, je l’ai accompagnée à la léproserie dans une de ses tournées quotidiennes, elle soignait un monsieur qui avait une plaie indes-

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Une vie qui inspire On pourrait synthétiser la vie de soeur Guadalupe en trois paroles : femme, disciple et missionnaire. Une femme de toutes les saisons, qui, à l'âge de 90 ans vit la fécondité féminine dans sa donation inconditionnellle. Une disciple dont la fécondité ne connaît pas de demi-mesure, sinon la radicalité. Une missionnaire qui, depuis plus de 60 ans met en pratique les paroles du pape François : “Il vaut mieux affirmer sans détour des paroles qui démontrent un lien inséparable entre notre foi et les pauvres. Ne les laissons jamais seuls”. (EG, n.48) La vie de soeur Guadalupe est une vie qui inspire et fascine parce qu’elle naît du reflet transparent de l’Evangile du Christ. Rendons-nous compte que seul dans la mesure où nous nous laissons attirer de cette manière nous serons capables d’aller vers les plus démunis, vers les “exclus” de nos communautés éducatives

sangmabs@gmail.com

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Belle et Sébastien de Nicolas Vanier Francia – 2013

Mariolina Perentaler

Présenté hors compétition lors de la 8è édition du Festival International du FILM de Rome, au cours de la session “Alice dans la ville”, il a suscité l’enthousiasme et donné lieu aux applaudissements d’un public en délire. La critique a proclamé : “c’est un enchantement ! Et les destinataires du film ? Pour tous, sans distinction, il représente une belle occasion de réunir au cinéma petits et grands. Et il faut le recommander également aux écoles !” Le box office lui-même le confirme : “ en France (mais pas uniquement !) le film a encaissé plus de 30 millions de dollars et conquis 2,6 millions de spectateurs”. Tiré du roman, un best seller de Cécile Aubry, le film bénéficie de la présence de l’excellent Nicolas Vanier derrière la caméra, un metteur en scène français connu depuis bon nombre d’années parce qu’il s’est consacré dans ses documentaires, à la relation entre l’homme et la nature, la beauté intacte de la montagne et au respect de l’environnement. En s’inspirant de la série télévisée homonyme des années 60 et des dessins animés qui ont suivi, et passionné les enfants, Vanier réalise cette production ultérieure adaptée aux enfants, mais aussi chargée d’éthique, de beauté et de pureté au point qu’elle est considérée comme du grand cinéma pour tous. “un film chaleureux, qui se voit volontiers et rassure par ses passions fortes, par des dangers auxquels on échappe, par des élans édifiants”.

Une histoire d’amitié, qui fait rêver depuis cinquante ans Exactement : “Belle et Sébastien”, inpiré du célèbre roman de Cécile Aubry sur l’histoire mémorable de l’amitié entre un enfant et un chien, arrive sur le grand écran presque cinquante ans

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plus tard que la série télévisée française, et trente ans après le dessin animé japonais. C’est à juste titre par conséquent que la publicité écrit de la manière la plus convaincante que le film : “plaira à celui qui était petit garçon dans les années soixante (parmi les premiers qui ont grandi avec la série télévisée) et aux enfants de ces petits garçons, qui seront heureux de retrouver ces anciens héros de la version cinématographique la plus étonnante et la plus riche”. Sa beauté se fonde sur un tryptique : le chien, l’étonnante Belle, un berger des Pyrénées ; l’enfant, le petit orphelin Sébastien interprété de la manière la plus touchante par l’inoubliable Félix Bossuet, âgé de seulement 7 ans, -débutant, choisi parmi 2400 candidatures– un vrai coup de foudre ; enfin, la montagne elle-même, la haute Maurienne, une vallée française superbement reprise par l’habileté spectaculaire de Vanier, reliée à l’Italie par le Col du Montcenis. L’histoire se déroule durant la seconde guerre mondiale, dans une France occupée par les nazis et elle se mêle à celle des partisans qui s’emploient à aider les juifs à fuir par la montagne vers la Suisse. Une histoire où la sensibilité d’un enfant transcende l’agressivité des adultes et perçoit l’innocence d’un beau molosse blanc injustement traqué tandis qu’au gré des vents de la guerre et de la neige, les déportations et les fusils nazis menacent les montagnes du petit village alpin. C’est presque une fable avec la victime à quatre pattes et le héros aux jambes courtes, dont le même metteur en scène résume le sens : “c’est l’odyssée d’un bambin parti à la recherche de sa mère, d’un vieil homme en quête de son passé, d’un dur, en quête d’amour, d’une jeune femme en quête d’aventures et d’un lieutenant allemand en quête de pardon. C’est l’histoire de “Belle et

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POUR FAIRE PENSER L’IDEE DU FILM

LE REVE DU FILM

“Répéter : ne pas cesser de redire au gré de versions créatives renouvelées, le message de la beauté, du pouvoir de l’innocence et de l’amitié par tous les temps”.

Donner une “bouffée d’air”, physique et morale en nous faisant vivre en mouvement la beauté des paysages alpins et celle d’une histoire d’amour, de courage et de solidarité.

Le metteur en scène, héraut de la montagne par le biais de spectacles, de romans et de documentaires, a fait délibérément l’effort de revisiter cette histoire en suivant avec poésie, les mouvements du chien et de l’enfant, tournant les prises dans trois stations différentes et caractéristiques sur le plan de l’environnement. Fidèle à la description des personnages du récit d’origine, (à part le chien et l’enfant, il y a l’oncle adoptif, le berger César, la “tante” Angelina, le médecin du pays, Guillaume), l’auteur ajoute une dimension autre et forte : l’occupation nazie du village français, avec la recherche fusil au poing, de celui qui parvient à aider le passage des Juifs en Suisse. La modification a été acceptée par le fils même de Cécile Aubry (morte en 2010), Mehdi El Glaoui qui dans la série des années 60 interprétait Félix et dans le film d’aujourd’hui a un petit rôle, celui du berger André. “La transposition de l’histoire durant la seconde guerre mondiale m’a beaucoup plu parce qu’elle ajoute une dimension humaine et dramatique au récit – explique-t-il – il est clair qu’aujourd’hui on ne raconte plus les histoires comme on le faisait dans les années 60. Pour impliquer le public et l’intéresser, il fallait renforcer l’intrigue en racontant quelque chose de fort”.

Vanier a déclaré qu’il voulait célébrer avec ce film sa propre enfance mais aussi son amour pour la nature, et au-delà, pour les enfants et les animaux. Il a triomphé dans son entreprise, bouleversant une salle remplie d’adultes et d’enfants. Quel est le secret ? C’est la simplicité avec laquelle ont été mis en scène émotions, sentiments, aventure et conflits intérieurs du jeune héros. Et il est vraiment difficile de dire qui est le plus irrésistible, de Sébastien avec son visage doux, ses yeux écarquillés ou du chien Belle qui, en salle, recueille soupirs de tendresse et applaudissements des enfants. Même si l’amitié qui les rend inséparables prend à parti le cauchemar de la seconde guerre mondiale et la fuite des Juifs vers la Suisse, “le dénouement émouvant réside vraiment dans une idée de l’aventure et de la nature authentique, mentalement et visuellement étrangers à l’imaginaire contemporain marqué par l’emprise de la science fiction et de la “techno-fiction”. Pour cela, en ligne avec les convictions du metteur en scène, nous souhaitons nous aussi de la part des éducateurs que –symboliquement– cette œuvre marque le retour d’un cinéma destiné à l’enfance vivante et active, cinéma vivant authentique alors que désormais l’imaginaire enfantin dans son intégralité semble voué à l’animation numérique.

Sébastien”. S’il est un thème cher à Vanier, c’est bien la nature, dans toute sa majesté et sa puissance en relation avec l’homme : ils composent un seul ensemble. Et ici il ne fait rien d’autre qu’approfondir sa recherche dans cette direction, tantôt en grand, à travers le spectacle rendu de la montagne et les glaciers qui trompent les pauvres immigrants quand ils les traversent, tantôt en petit, avec la simple histoire d’une profonde amitié qui soude ensemble un petit garçon et un chien. Du cinéma sur la relation entre hommes et chiens, il est déjà sorti des produits : tels un classique du cinéma et de la TV – il suffit de penser à Lassie et à Rin Tin tin – mais il s’agit presque toujours de réalisations qui se défient du sentimentalisme. Le résultat, selon Agis Scuola, est dû à une capacité à utiliser les stéréotypes du genre sans en abuser : on n’insiste jamais sur le registre des larmes et l’on voit

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émerger un tableau d’une grande authenticité uniquement par le talent du metteur en scène, par la grâce du visage de Felix Bossuet, qui interprète Sébastien. Sur le fond se croisent de grands thèmes comme la responsabilité morale confrontée aux lois, le respect du caractère sacré de la nature et la recherche de la vérité au-delà des hommes et des choses. Et aussi l’épisode de la fuite dans la montagne et du grand père qui cache à l’enfant la mort de sa mère sont vus par le regard chargé d’émotion, rêveur, courageux et un peu effrayé du garçonnet, qui de manière étonnante “grandit à toute vitesse”. Educatif et tourné vers l’environnement, le film est vivement conseillé aux familles et aux écoles. m.perentaler@fmaitalia.it dma damihianimas ANNEE LX ■ Juillet-Août 2014


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Histoire d’une voleuse de livres De Markus Zusak Anna Rita Cristaino

Le roman de Markus Zusak est l’une des histoires propre à marquer les cœurs. Dans les premières pages, on peut être quelque peu déconcerté en découvrant que la voix du narrateur est en réalité celle d’une morte, mais c’est peut-être aussi le seul vrai “témoignage” neutre d’un moment atroce de l’histoire.

Leslie a dix ans quand commence le récit. L’Allemagne subit la propagande nazie et Hitler commence à éliminer ceux qui n’acceptent pas. Le père de Liesel était communiste et c’est ainsi qu’il a disparu ; elle ne se souvient plus de lui. La mère est constamment menacée et contrainte de confier ses enfants. Ils entreprennent un voyage vers Munich et Liesel, après avoir assisté à l’enterrement du petit frère, est séparée de sa mère. La petite fille est emmenée dans un nouveau foyer. Elle aura un autre père et une autre mère. L’arrivée est difficile. La fillette a avec elle une valise unique et le livre qu’elle vient de voler. Sa nouvelle mère a des manières brusques, c’est une femme qui ne prend pas de précautions particulières,, qui jure souvent mais qui tout de suite se révèle pleine d’humanité. Son nouveau père sait s’y prendre avec la petite fille. C’est lui qui l’entend crier quand elle a des cauchemars et qui vient s’asseoir à côté d’elle jusqu’à ce qu’elle se rendorme. C’est lui qui garde le secret de la voleuse de livres et qui décide, au cours de ces longues nuits d’insomnie, de lui apprendre à lire.

Le roman est situé à Molching, près de Munich, dans une rue, la Himmel-strasse, “Himmel” signifiant paradis. C’est la petite histoire qui se mêle à ce qui fut la grande Histoire des puissants, mais c’est aussi une grande histoire parce qu’elle met en lumière les fragments d’un ordinaire riche en humanité sincère, franche, sans ambiguités. Les héros de cette histoire sont une petite fille, Liesel, au seuil de l’adolescence, les hommes et les femmes qui remplissent sa vie et les mots qui composent les livres qu’elle volait. Si la voix narratrice est celle de la morte, la première scène racontée est celle de la première perte à laquelle Liesel est confrontée. La fillette est dans le train, par une froide matinée et son frère, plus jeune, passe du sommeil à la mort par suite d’une quinte de toux. Cet épisode douloureux se transformera en un cauchemar qui accompagnera longtemps Liesel, mais ce sera aussi pour elle le prélude à sa réputation de “voleuse de livres”.

Des événements dramatiques Sa nouvelle mère, Rosa, lave et repasse pour les familles les plus aisées de la ville. Son nouveau père, Hans, est un peintre en bâtiment confirmé. Et c’est véritablement par la peinture qu’il apprend de nouveaux mots à la petite fille. Le récit des évènements vécus par Liesel se mêle à des évènements plus dramatiques de la seconde guerre mondiale, le tout rythmé par les livres volés, écrits ou reçus en cadeaux.

Oui, car le premier livre à être volé, ce sera le livre d’un jeune homme qui enterrait son frère dans un cimetière recouvert de neige, dans un pays inconnu et éloigné. Ce livre sera l’unique objet qui la réconfortera et la fera se sentir encore liée à son petit frère et à sa mère. .

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Alors commence une histoire pleine de profondeur, franche et loyale entre Liesel et Rudy; le petit garçon blond aux cheveux couleur citron, prêt à tout pour vaincre tout le mal auquel il est contraint d’assister. Ensemble, ils partagent leurs après-midi en jouant au ballon, ensemble ils apprennent à voler parce qu’ils ont faim, tous deux luttent et se sauvent la vie à tour de rôle Puis vient l’histoire de Max, boxeur juif hébergé dans la maison et qui verra le père et la mère engagés dans une entreprise de solidarité et de courage, soutenus uniquement par leur sens de la justice et du respect de la dignité humaine. C’est l’histoire du père, qui ne peut s’inscrire au parti nazi, qui par la grande humanité qui transparaît dans son regard clair, est plongé dans les ennuis, un homme qui tient ses promesses, dont la vie est épargnée à plusieurs reprises parce que sa mission

consiste à offrir de la musique avec son accordéon. C’est l’histoire de Rosa qui jure, qui livre son linge lavé et repassé, qui a des mots durs pour tous, prête à se servir de sa cuillère en bois quand la petite fille fait des bêtises mais qui est capable de gestes tendres et qui peut passer toute une nuit serrée contre l’accordéon de son mari quand ce dernier est demandé par l’armée. L’histoire de la femme du maire, de ses silences, de sa bibliothèque pleine de livres et de la fenêtre qu’elle laisse toujours ouverte pour permettre à la petite fille de dérober quelques livres. Liesel apprend à lire et à écrire et deviendra la “secoueuse de mots”. Quand la guerre atteint Himmel-strasse, et que les sirènes rappellent que c’est le moment de chercher un abri, la famille de Liesel se retrouve réunie dans l’un des soussols du voisinage. Mais au-dessus, le temps ne s’écoule pas, les enfants commencent à s’impatienter et à pleurer. Alors c’est à Liesel de trouver une stratégie. Elle commence à lire l’un des livres qu’elle porte toujours sur elle au cours de ses fugues. Tous l’écoutent et pendant un moment sont distraits de ce qui se passe au dehors, dans la rue. Le roman raconte une histoire qui souligne comment la force de l’humanité est plus puissante que tous les maux qui cherchent à la dominer. Comme quand Max le Juif dit à la petite voleuse de livres : “Parfois, je voudrais que tout cela finisse, mais c’est là que toi, tu descends dans la cave avec un pantin de neige dans les mains”. Raconté par la Morte –curieuse, aimable, actrice, bavarde – “histoire d’une voleuse de livres” est aussi un roman sur le pouvoir des mots et la capacité des livres à nourrir l’esprit. arcristaino@cgfma.org.

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Théâtre éducatif et tradition salésienne Aux soins de la Rédaction

Le théâtre est le moyen par excellence de parler aux adolescents et aux jeunes et il constitue un outil intéressant pour “se relire” et se remettre en chemin”. Pour celui qui utilise le théâtre comme outil éducatif, les représentations théâtrales sont seulement le sommet de l’iceberg, la partie la plus visible, dont l’impact est primordial. Mais la partie la plus importante c’est ce qu’il y a derrière, qui souvent est un travail en laboratoire, un parcours éducatif qui porte les “acteurs” qui viennent sur scène non seulement à interpréter des rôles mais à parler de soi, de leur vécu, de l’effort de vivre, du désir de trouver un sens profond à ce qui se passe autour d’eux et en eux.

Deux bonnes raisons Il y a au moins deux bonnes raisons de choisir d’éduquer par le théâtre : Parce que le théâtre se travaille avec les émotions et avec la capacité d’entrer en communication avec soi même et avec les autres. Parce que le théâtre peut se pratiquer à tout âge et dans tout contexte éducatif. Le théâtre et l’éducation sont deux réalités tournées vers les mêmes fins : d’un côté, la pédagogie place au centre de l’action éducative la personne avec tout son potentiel à développer ; de l’autre côté, le théâtre poursuit le même objectif à travers des actions qui encouragent le développement de la créativité et de la communication. Le théâtre est un moyen efficace de formation parce qu’il engage l’individu tout entier

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physiquement et mentalement, avec ses sentiments, son mode de pensée, mais aussi avec son humanité profonde, sa conscience des valeurs, sa spontanéité sociale la plus immédiate. L’éducation au théâtre porte le sujet à se former à travers son expérience personnelle et la découverte de soi, de ses propres possibilités et de ses propres limites, afin de s’exprimer et de communiquer. Il faut par conséquent une conscience globale de son propre corps au niveau moteur, par sa manière propre de se mouvoir et au niveau affectif, par l’ensemble des sentiments exprimés. Le théâtre rejoint l’éducation dans la mesure où il place au centre l’homme et la femme, par la voix, et dès qu’ il permet à chaque individu de se retrouver dans sa singularité, avec sa personnalité propre et une expression qui lui est personnelle et qui le fait grandir au coeur d’un parcours individuel, tout en restant intégré au projet du groupe. L’un des principes fondamentaux de cette théorie c’est la formation de l’acteur-personne : l’objectif principal est le développement de la créativité et de la fantaisie par un travail conduit sur des bases scientifiques, par l’acteur-personne sur lui-même à travers la méthodologie du laboratoire, donc de la recherche. L’activité théâtrale devient un processus éducatif dès le moment où elle implique un travail du sujet sur lui-même, qui le mène à la découverte du fondement même de la personne humaine.

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Théâtre éducatif salésien L’expérience théâtrale intervient dans la relation, elle est une opportunité pour se conquérir, mais aussi un espace de construction de rapports qui ont leur signification et qui sont destinés à renforcer l’identité du groupe, à stimuler la connaissance réciproque, le partage, la coopération, la valorisation de l’hétérogénéité, c’est un parcours individuel dans un travail de groupe. Déjà, Don Bosco avait perçu la force éducative du théâtre. L’expérience typiquement salésienne du théâtre éducatif est populaire. L’intention en est de célébrer la vie, de représenter la vie. Partir de la vie (en particulier de celle que vivent les jeunes) et après l’expérience de la mise en scène, retourner à la vie avec un rêve en plus, une espérance en plus, une opportunité en plus. C’est un théâtre fait par des jeunes pour les jeunes. Le théâtre éducatif voit comme acteurs les jeunes qui deviennent les artisans de

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leur éducation et de leur croissance et non des bénéficiaires passifs. Il s’adresse à des jeunes parce qu’ensemble avec les autres, ils partagent, ils font une communauté. Ils grandissent en se mettant au service des autres. En outre, le groupe jeune est le lieu par excellence de l’éducation et de la croissance des jeunes. Dans le groupe éducatif, il n’y a pas d’acteurs définis qui se distinguent par ce qu’ils savent faire, mais c’est la personne qui reste au centre avec sa valeur propre, et les personnes qui sont appelées à assumer un rôle dans une mise en scène ne sont pas choisies pour ce qu’elles savent faire mais en fonction de l’objectif éducatif à atteindre au profit de la personne, ou du moins en faisant interagir les deux instances. En étant acteurs, les jeunes se choisissent toutes les formes d’art, formes d’expression voisine du langage jeune, “aimez ce qu’aiment les jeunes pourqu’ils aiment ce que vous aimez”. (Don Bosco)

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Des conseils gratuits

Que nous les sœurs, nous naissions avec un bagage de vertu respectable est un fait indéniable. L’esprit-Saint nous comble de ses richesses et parmi elles “le conseil” ou bien l’attitude radicale à dispenser à gauche et à droite des suggestions opportunes ou importunes comme le recommande St Paul. A bien y réfléchir, offrir nos précieux conseils est un véritable art qui doit être cultivé de manière ponctuelle afin d’éviter d’être prises pour de vulgaires curieuses, sinon carrément pour des pipelettes invétérées. Pour cela j’ai pensé faire une chose qui plaira à tout le monde en proposant ce petit vadémécum de la bonne suggestion, ainsi, juste pour ne pas oublier nos bonnes et sages habitudes. Règle n°1 : Il est recommandé d’étudier attentivement toutes les circonstances, recueillir des informations, se tenir au courant de toutes les nouveautés en circulation, creuser avec discrétion dans la vie, les activités, les problèmes, les aspirations des personnes, autrement nous courons le risque de diffuser des informations erronées quand nous, nous ressentons beaucoup de joie pour le soin apporté à nos enquêtes. Règle n°2 : Il est opportun de consacrer beaucoup de temps (aussi au prix de sacrifier celui que nous prenons pour nos tâches habituelles ...) à la réflexion sur les données récoltées, à la tentative patiente d’obtenir des solutions et même au libre vol de la fantaisie nécessaire à entretenir tous les scénarios

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possibles, voire même à individualiser des propositions à considérer comme illuminées et avec des perspectives éclairantes. Règle n°3 : Il est nécessaire d’approcher la personne près de laquelle nous voulons élargir nos points de vue avec une certaine prudence, en lui montrant avec respect son vécu, la convainquant que si nous osons employer une parole en sa faveur c’est seulement pour son bien, pour qu’elle puisse bénéficier d’un appui désintéressé ; ce moment doit être préparé dans les détails pour éviter que, dans la personne qui a besoin de nous (parce que évidemment notre parole est un acte de pure charité chrétienne) surgisse le doute que nous avons un double but ou que nous agissons par présomption et vanité. Règle n°4 : Il est indispensable, quand nous avons décidé de faire don de notre précieux point de vue sur les choses et sur les personnes, d’employer des tons soumis, des expressions paisibles et des gestes amicaux, pour renforcer chez le destinataire la conviction que de nous ne peut venir autre chose qu’un grand bienfait pour lui. Et si, chère amie, parfois il suffit de peu pour faire venir un sourire et si après l’engagement scrupuleux, n’arrivent pas les résultats espérés... alors, que dire ? Peut-être est-ce l’Esprit qui a fait une erreur !!

Parole de C.

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