4 Editorial DMA 2015
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Dossier Rencontres
Premier Plan 6 La Paix, c’est la vie La Paix au Moyen Orient
8 Femmes sur le terrain Femmes porteuses de joie
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10 Vers quelque chose de nouveau
En recherche
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Culture écologique
Fil d’Ariane
Don et Culture
Derrière les masques
dma Revue des Filles De Marie Auxiliatrice Via Ateneo Salésiano 81 000139 Roma
Un sens pour la vie
Directrice Responsable Mariagrazia Curti Rédacteurs Maria Helena Moreira Gabriella Imperatore
Collaboratrices Tél. 06/87.274.1fax 06/87.13.23.06 e.mail : dmariv2@cgfma.org
Maria Americo Rolin Julia Arciniegas Patrizia Bertagnini • Mara Borsi Carla Castellino •
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Piera Cavaglià • Maria Antonia Chinello An Anna Rita Cristaino • Emilia Di Massimo Dora Eylenstein • Palma Lionetti Anna Mariani • Adriana Nepi Maria Perentaler • Loli Ruiz Perez Debbie Ponsaran • Maria Rossi• Eleana Salas • Martha Séïde Giuseppina Teruggi
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REVUE DES FILLES DEMARIE AUXILIATRIC
30 La Parole Emmaüs :
40 Vidéo Le sel de la terre
Une spiritualité éducative
32 Charisme et leadership S’accueillir et se pardonner dans la Foi
35 Un regard sur le monde Un voyage long comme un songe
42 Livre Ce que l’enfer n’est pas
44 Musique Green music ou musique écologique : la musique vient en aide à notre planète
46 Camille C’était une fois le colloque
37 Communiquer 38 Vie consacrée Communication et vie fraternelle Traductrices EDITION EXTRACOMMERCIALE France : Anne-Marie Baud Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice Japon : Province japonaise Via Ateneo Salesiano 81, 00139 Roma Grande Bretagne : Louise Passero Pologne : Janina Stankiewicz C.C.P.47272000 Portugal : Maria Aparecida Nunes Reg. Trib. Di Roma n.13125 del 16-1-1970 Espagne : Amparo Contreras Alvarez Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c, Allemagne: Prov.Autrichienne et Allemande Legge 662/96 – Filiale di Roma
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n. 3/4 Mars- Avril 2015 Tip. Istituto Salesiano Pio XI Via Umbertide 11, 00181 Roma
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Le fil rouge de la rencontre Maria Helena Moreira
L’horizon qui s’ouvre avec le thème du dernier CG : «Elargissez votre regard. Avec les jeunes, missionnaires d’espérance et de joie», est en soi porteur d’une invitation à la rencontre ! La rencontre touche la terre sacrée de l’autre et ouvre à sa sensibilité qui se traduit par l’écoute et la réciprocité. La rencontre, intéresse la personne et, donc, est recherché intérieurement et fait aller nos pas vers l’autre, vers l’accueil avec une façon de penser différente, vers les surprises qui surgissent dans le partage de nos vies. Quand nous faisons le choix de cheminer avec les jeunes, ouverts à de nouveaux chemins et à de nouvelles fréquences et syntonies, on découvre un flux de connexions communicatives, qui nous rappelle la chaleur, l’empathie et la force de la parole de Jésus. C’est une proximité expresse dans sa compassion, dans sa bonté, ses gestes d’inclusion, d’accorder l’espérance à chacun. Elle touche la réalité du peuple dans la rencontre de ses anxiétés les plus profondes. La rencontre quotidienne avec Jésus nous rend apte au dialogue qui nous transforme réciproquement, nous donne les capacités pour entreprendre un chemin ensemble, vers les périphéries existentielles et géographiques d’aujourd’hui, comme nous invite le pape François. La rencontre est un fil rouge parce que dense d’espérance, un fil qui tisse nos relations ouvertes et réciproques, capables de conduire et fédérer l’humanité autour d’un
projet de vie fondé sur la justice, l’égalité, l’éthique, la transparence, l’amour. La rencontre est porteuse d’une espérance lucide et féconde qui nous met toujours en mouvement en faveur de la vie. Elle crée des liens de solidarité et de lucidité pour guérir les blessures ouvertes par les conflits de la guerre, de la violence, par le non-respect de la dignité humaine, générant une culture de la paix. La rencontre est une expérience de co-création, alliance avec Dieu Trinité. De là naît quelque chose de neuf construit par plusieurs mains : le créateur et nous, dans sa riche expression d’un Dieu incarné. Incarné dans le visage des enfants et des jeunes avec lesquels nous nous mettons en chemin, fermes dans l’espérance, ancrées dans la joie spontanée de l’Evangile. La rencontre est en même temps horizon, chemin et but. Comme horizon il nous fait voir et embrasser diverses réalités. Comme chemin, il est tissé d’écoute, de dialogue, de recherche, d’entente, de communication, de communion. Comme but il maintient nos pas au rythme des pas de Dieu. Il faut suivre le souffle fécond de son Esprit qui nous porte aux périphéries inattendues. Le Pape François nous invite «à nous laisser conduire par l’Esprit, renonçant à calculer et à tout contrôler, et permettant que Lui nous illumine, nous guide, nous dirige et nous pousse où il veut. L’Esprit Saint sait bien ce dont nous avons besoin à chaque époque et à chaque moment » (cf. Lettre aux consacrés n. 16).
mhmoreira@cgfma.org
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La Paix au Moyen Orient Lina Abou Naoum
Les pays qui aujourd’hui font partie du Moyen Orient, ont été ces dernières années très bouleversés par un terrorisme destructeur, noyés dans un chaos de guerres civiles, de luttes pour divers motifs, persécutés, séparés, désorientés, en recherche de sécurité, de réhabilitation et de paix.
Les raisons d’un conflit Régulièrement les mass médias nous informent de ce qui se passe mais peu souvent sur ce qui en est la cause. Voici un tableau d’ensemble des événements historiques, qui, avec le temps, ont déterminé la situation actuelle au Moyen Orient. L’Irak est une des nations les plus instables. L’Etat Islamique de l’Irak et de la Syrie, (ISIS) – groupe extrémiste de l’Islam – a pris le contrôle de cités entières. L’invasion de l’Irak par les USA en 2003 a provoqué en peu de temps la destruction de tout l’appareil de l’Etat. L’armée, la bureaucratie et la police. Le renforcement de l’ISIS et des autres armées Sunnites, l’augmentation des violences sectaires entre Sunnites et Chiites et la faiblesse des structures de l’Etat Irakien expliquent le chaos général qui a touché les nations arabes l’une après l’autre. La Syrie. La majeure partie de la population Syrienne est Sunnite, mais le pays est gouverné par Bashar al Assad, qui est chiite. Le 15 mars 2011 des milliers de personnes sont descendues sur la place Aleppo à Damas pour demander la démocratie. La guerre civile a commencé avec les premières désertions des forces armées et l’éclosion des premiers groupes de rebelles.
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Le régime a remporté quelques victoires importantes, grâce aussi à l’aide de ses alliés : l’Iran et le mouvement Hezbollah, qui, à partir du Liban a envoyé des troupes bien entraînées et du ravitaillement. L’opposition, au contraire, s’est divisée. La partie la plus modérée dont la force principale est justement l’Armée Syrienne Libre, qui jouit d’un certain appui international. Les modérés ont à combattre contre le gouvernement, mais aussi contre les groupes de rebelles islamistes les plus extrémistes, et en particulier contre l’ISIS devenu une des formations militaires les plus fortes à l’intérieur de l’Opposition. L’Egypte. Le 30 juin 2012, suite à des affrontements violents, et de nombreux blessés, Mohamed Morsi des Frères Musulmans, assume la présidence de l’Egypte. La désillusion et le mécontentement augmentent à cause de la difficile situation économique, tandis qu’au Caire les protestations s’intensifient contre les nouveaux pouvoirs que Morsi s’est attribué comme « gardien de la révolution égyptienne» Le 26 décembre 2012 l’Egypte a une nouvelle Constitution, rédigée par les Frères Musulmans qui est très contestée par les oppositions parce qu’elle ne protège pas suffisamment les droits civils. Le 3 juillet, le chef des forces armées Egyptiennes, Abdul Fatah Khalil Al-Sisi annonce la suspension de la Constitution. Le gouvernement est assuré par le chef de la Cour Constitutionnelle sur lequel l’Egypte compte pour mettre fin au conflit. Israël et la Palestine. Le conflit entre Israël et le Hamas, qui a éclaté en 2014, est le dernier en date après tant d’autres. Le Hamas est l’organisation politique et para militaire palestinienne, créée en 1987 et elle a comme objectif la destruction de l’Etat Hébraïque. .
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Désir de Paix Il est difficile aujourd’hui de parler de PAIX au Moyen Orient, cela semble une chose impossible. Est-ce du pessimisme ? Non c’est la cruelle réalité de nations à la recherche angoissée d’identité et de stabilité. Il est vrai qu’au niveau mondial il y a des intérêts en jeu : la course à l’acquisition de l’énergie, de la matière première, du pétrole, du gaz …. Ainsi que le commerce des armes, l’achat de marchés, le retour de la guerre froide entre les puissances internationales, la recherche fébrile de solutions aux crises économiques au détriment de nombreux pays désireux de paix. L’ignorance et la pauvreté aggravent encore la situation et ne laissent entrevoir aucune amélioration pour l’avenir. On ne peut compter les martyrs innocents, les réfugiés, les sans domicile, les personnes dans la tourmente, les désœuvrés … c’est une situation tragique qui met à genoux les gouvernements fragiles et peu crédibles. La Province FMA Jésus Adolescent du Moyen Orient comprend 6 nations (pas en Irak, mais 2 FMA déjà sont des Irakiennes) Elle vit les complications et les atrocités de ce qui se passe jour après jour dans ces pays. Plusieurs familles de nos sœurs ont perdu leur maison et des parents ont été tués, parmi lesquels Habib Mardo, frère de Sr Jeandark, âgé de 27 ans décédé à Hama ville syrienne. Notre communauté d’Alep est fermée depuis 4 ans. «Le printemps Arabe» s’est transformé en un «tsunami sanglant», un hiver long et froid ; les populations craignent les groupes terroristes qui sèment la terreur, renforcent leurs pouvoirs, se procurent des armes, excitent au Jihad, à une généralisation de l’islam. «Ils vous tueront et croiront rendre un culte à Dieu». C’est la parole qui résonne dans le cœur des chrétiens qui fuient la Terre sainte. Nous voulons construire la paix, être ce signe d’espérance, de proximité, en ces temps si difficiles où le mot d’ordre est la méfiance. En tant que salésiennes, nous croyons que l’éducation est une voie pour la paix car «les bons chrétiens et les honnêtes citoyens» pourront être des «Bienheureux » constructeurs de paix». linabounaoum@yahoo.com
Israël craint une Palestine indépendante qui pourrait se transformer en une nation hostile et s’allier avec les voisins arabes du Moyen Orient. Ce qui préoccupe aussi Tel Aviv c’est le pouvoir que le Hamas pourrait conquérir dans la West Bank ou Cisjordanie, dont les habitants appartiennent à une ethnie Arabe en majorité musulmane, comme cela s’est passé dans le territoire de Gaza. Le Liban. Depuis le début de la crise Syrienne, le Liban a accueilli environ 2 millions de réfugiés en plus des 800.000 Palestiniens déjà présents dans le pays. Les problèmes humanitaires, les tensions sociales et politiques, augmentant avec la situation de la Syrie, mettent le pays dans une situation dramatique avec un risque d’explosion générale dans le pays.
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Le développement de l’ISIS et la menace des «Jihadistes» opérant en Syrie et en Irak sont un danger pour créer un troisième front de guerre au pays des cèdres. La situation au Liban est difficile : crise politique pour l’élection du Président de la République, charge qui selon la Constitution revient à un chrétien maronite ; le rôle du Hezbollah – le mouvement chiite libanais – qui a divisé la communauté libanaise ; la haine d’Israël envers ce parti pro-iranien qui en 2006 a détruit le pays … De tout ceci il ressort clairement qu’il est difficile de comprendre en quel sens évolue la crise actuelle. Le Moyen Orient vit les années les plus tragiques de son histoire et il reste bien peu de choses des rêves de ce qu’on a appelé « le printemps arabe».
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Femmes porteuses de joie Debbie Ponsaran
Le désir du Pape François de donner plus d’espace à la présence féminine au Vatican est de plus en plus clair, grâce aussi à la nomination récente de cinq femmes théologiennes dans la Commission Théologique Internationale. Il a aussi porté une attention toute spéciale aux femmes lors de sa rencontre avec les jeunes à Manille aux Philippines, le 15 janvier 2015, lorsqu’il a dit : «Dans la société d’aujourd’hui, les femmes ont beaucoup à nous dire. Nous sommes parfois trop masochistes et nous ne laissons pas de place à la femme. Mais la femme peut voir les choses d’un œil différent. La femme peut poser des questions que nous, les hommes, nous ne réussissons pas à saisir». L’actrice Emma Watson, ambassadrice des Nations Unies pour les femmes, a lancé officiellement, lors du World Economic Forum 2015, le 23 janvier en Suisse, la suite de la campagne #HeforShe des femmes des Nations Unies (www. HeforShe. org). La campagne #HeforShe est une initiative pour la mobilisation des hommes sur l’égalité des sexes. L’hashtag #HeforShe a été repris par 1,2 milliards de personnes et plus de 200 000 hommes se sont déjà engagés, parmi lesquels l’Archevêque anglican Desmond Tutu, acteur sud africain des droits de l’homme, et le prince de Galles Harry, et le nombre augmentera certainement encore.
La complémentarité Plusieurs études démontrent que les hommes et les femmes partagent seulement 10 % des caractéristiques de leurs personnalités
(Manchester University, 2012). La structure cérébrale de l’homme et de la femme présente des différences mais dans une complémentarité surprenante. (National Academy of Sciences of USA, 2013). Plutôt que de supériorité des hommes sur les femmes ou des femmes sur les hommes, leurs différences sont faites pour se compléter réciproquement dans un rapport de synergie. Sœur Benedicte de la Croix (Edith Stein), brillante phénoménologue a dit que les femmes sont plus portées à prêter attention à toute la personne insérée dans son propre milieu, tandis que les hommes sont plus détachés et ce qu’ils créent sont des projets de travail. Elle souligne que cette complémentarité devient une source d’enrichissement. N’y a-t-il jamais existé une époque où les femmes et les hommes auraient vécu une véritable complémentarité ? Marija Gimbutas, anthropologue renommée de la UCLA (University of California Los Angeles), a étonné le monde par ses découvertes qui révèlent une culture antique, née en Europe entre 6500 et 3500 avant JC. Elle raconte : «C’est une longue période, riche en créativité et en stabilité, une époque sans conflits. Les femmes étaient des êtres vivants, égales aux hommes, sans doute plus honorées, puisque la gestion du Temple était confiée à des femmes. C’était une société équilibrée, les femmes n’étaient pas si puissantes au point d’usurper tout ce qui était masculin. Les hommes étaient dans leur juste position, faisant le travail qui leur était propre et ils possédaient eux aussi un pouvoir juste» Dans une existence complémentaire, la vie serait appauvrit sans la contribution de l’autre.
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de s’en servir librement, sans peur d’être étiquetée comme faible et vulnérable. Ce «don de la relation» s’exprime dans les rapports interpersonnels et, pour une religieuse cela signifie une vie avec Jésus qui s’explique dans le don aux autres. Dans la lettre «Réjouissez-vous» on remarque que la première question posée par le Pape François est sur la joie : «Là où se trouvent les consacrés, les séminaristes, les religieuses et les religieux, les jeunes…il y a de la joie ! C’est la joie de la fraîcheur, la joie de suivre Jésus. Mais où la joie prend-elle sa source ?».
Dans notre monde où les femmes luttent encore pour exprimer leur authentique féminité, il est difficile d’ignorer le fait que beaucoup de capacités féminines sont peu appréciées. Par exemple, dans le «don de relation» les rapports avec les autres sont plus importants que l’individualisme. La valeur de la communauté est supérieure à celle de l’entreprise qui recherche des intérêts individuels. L’«être» précède le «faire». De nombreux chercheurs affirment que «le don de la relation» est étroitement lié à la réceptivité de la femme, par sa morphologie. Les femmes ont été créées, munies d’un espace vide : le giron maternel qui est destiné à recevoir un autre être. Et si une femme ne devient pas mère physiquement, elle le devient spirituellement, grâce à sa richesse psychologique. La femme est donc orientée vers l’accueil et la croissance de la vie, l’ouverture à l’autre, l’empathie et elle possède un besoin profond de partager sa propre vie avec les autres. Ce «don de relation» est source de pure joie pour une femme !
Réjouissez-vous ! La joie d’une personne consacrée naît de sa relation avec Dieu. A la suite des archétypes de l’antiquité, «la relation» est le don de la femme à l’humanité. C’est inné ! C’est sa plus précieuse contribution, si la société lui permet
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Voici ce qu’ont répondu quelques fma : «La motivation de ma joie, c’est ma vocation. Plus j’avance en âge, plus je ressens en moi la vie et la joie. La vitalité intérieure et la fidélité créative font naître la vie dans les autres». Sœur Jurga Jagminaité. (Lituanie). «La joie d’une personne consacrée naît de sa rencontre quotidienne avec Dieu, avec toutes ses surprises». Sœur Lupe Erazo (Ecuador) : «Le motif de ma joie est Dieu lui-même. Il m’enseigne que la vraie joie vient de ma consécration, ma vie donnée à Dieu et aux autres». Sœur Zrinka Majstrorovic :(Croatie). «Appartenir à Dieu est la source de ma joie. Ceci me renforce dans le choix que j’ai fait de donner ma vie aux jeunes dans l’Institut des FMA». Sœur Nuha Aboud (Israël) :«Les motifs de ma joie comme consacrée : Jésus est le motif le plus profond ; savoir que Dieu m’aime ; appartenir à une famille, toute de Marie». Sœur Teresa Kamsuan (Indes) La source de ma joie est ‘l’appel’ à appartenir totalement à Jésus. Un autre motif est d’accompagner les personnes dans leur cheminement à la rencontre de Dieu». Sœur Marian Canseco (Mexique). Il y a une façon toute féminine d’exprimer la joie, elle est présente dans la tendresse, dans la cordialité, dans le dynamisme et l’accueil des autres ! debbieponsaran@cgfma.org
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Vers quelque chose de nouveau Martha Seïde
«Nous ne voulons pas laisser derrière nous un monde où la faim et le gaspillage cohabite, où la production de biocarburant et de nourriture pour animaux ne tient pas compte de la rareté de l’eau et de l’alimentation, où l’obésité, dans un Pays, contraste avec la malnutrition dans un autre.» (Riccardo Valentini). Cette affirmation tirée du protocole de Milan et proposée par la Fondation Barilla Center for Food and Nutrition, confirme, d’une part, la réalité des insoutenables paradoxes de notre époque concernant la nourriture et la nutrition, et d’autre part, la demande aux citoyens de créer quelque chose de nouveau pour changer de direction, et pour construire un modèle de consommation et de production durable, capable de réconcilier le respect pour la planète avec le bien-être physique et économique de ses habitants.
Paradoxes de notre temps Parmi les Objectifs du Millénaire, établis par les Nations Unies pour le XXIème siècle, nous trouvons à la première place la diminution par moitié du pourcentage de personnes qui souffrent de la faim. Un regard sur la situation actuelle, au niveau mondial, nous permet de constater un certain progrès et une baisse réelle de la faim dans le monde ces dernières années. C’est ce qu’explique le rapport de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture de l’ONU (FAO) : 63 Pays en voie de développement ont rejoint cet objectif et 6 autres sont en bonne voie. Cependant, dans l’ensemble, si les données sont en baisse, il y a encore 805 millions de personnes chroniquement sousalimentées, c'est-à-dire qu’environ 1 personne sur 9 souffre de la faim, selon le nouveau rapport des Nations Unies. D’un autre côté, il y a des personnes qui meurent à cause de problèmes de santé liés à une alimentation incorrecte ou trop riche (environ 2,8 millions de décès causés par des maladies liées à l’obésité
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ou au surpoids). En plus chaque année, environ 1,3 milliards de tonnes de nourritures sont gaspillées. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver un équilibre entre disponibilité et consommation des ressources (cf http://www.expo2015.org/it).
Expo Milan 2015, qu’est-ce que c’est? C’est l’exposition universelle que l’Italie accueillera du 1° mai au 31 octobre 2015 à Milan. Il s’agit du plus grand évènement qu’on n’est jamais organisé sur l’alimentation et la nutrition. C’est une occasion pour les Pays de présenter ce qui ce fait de mieux au niveau technologie pour donner une réponse concrète à une exigence vitale : réussir à garantir de la nourriture saine, sûre et suffisante pour tous les peuples, dans le respect de la Planète et de son équilibre. C’est pourquoi cet évènement sera un carrefour de confrontations sur le thème de l’alimentation où l’on va proposer à tous les Pays qui seront présents de faire preuve de créativité pour promouvoir des innovations pour un avenir durable.
Les chiffres de l’Expo Milan 2015 De portée mondiale, cet événement est important car il est fédère de nombreux Pays autour d’un projet vital. Voici quelques chiffres pour s’en faire une idée. Surface d’exposition : 1,1 millions de mètres carrés. Participants : 143 Pays. 3 organisations internationales présentes. 13 organisations de la société civile. 5 Pavillons "corporatifs" c’est à dire, entreprises privées, interlocutrices essentielles du débat mondial sur les défis liés à l’alimentation et à la nourriture. Plus de 20 millions de visiteurs sont attendus."
Expo Milan 2015, qu’est-ce que c’est? C’est l’exposition universelle que l’Italie accueillera du 1° mai au 31 octobre 2015 à Milan. Il s’agit du plus grand évènement qu’on n’est jamais organisé sur l’alimentation et la
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nutrition. C’est une occasion pour les Pays de présenter ce qui ce fait de mieux au niveau technologie pour donner une réponse concrète à une exigence vitale : réussir à garantir de la nourriture saine, sûre et suffisante pour tous les peuples, dans le respect de la Planète et de son équilibre. C’est pourquoi cet événement sera un carrefour de confrontations sur le thème de l’alimentation où l’on va proposer à tous les Pays qui seront présents de faire preuve de créativité pour promouvoir des innovations pour un avenir durable.
Les chiffres de l’Expo Milan 2015 De portée mondiale, cet évènement est important car il fédère de nombreux Pays autour d’un projet vital. Voici quelques chiffres pour s’en faire une idée. Surface d’exposition : 1,1 millions de mètres carrés. Participants : 143 Pays. 3 organisations internationales présentes. 13 organisations de la société civile. 5 Pavillons "corporatifs" c’est à dire, entreprises privées, interlocutrices essentielles du débat mondial sur les défis liés à l’alimentation et à la nourriture. Plus de 20 millions de visiteurs sont attendus
Signe d’espérance Dans notre monde si contrasté, l’Expo Milan 2015 constitue un signe d’espérance. Le thème choisi semble donner de l’importance au désir urgent de changement : “Nourrir la Planète, une Energie pour la Vie”. choisi semble donner de l’importance au désir urgent de changement : “Nourrir la Planète, une Energie pour la Vie”. Le thème affronte le problème de l’alimentation
Selon DBN la faim et la malnutrition sont loin d’être seulement une question de production alimentaire ou de réserve de nourriture. Il est surtout question du droit à la vie, à l’accès à une instruction de qualité, à l’eau et à la santé, à des conditions économiques équitables. Dans cette vision, le droit à une alimentation adéquate peut être garanti seulement à travers une approche holistique (du particulier à l’ensemble) des droits humains reliés entre eux.
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de l’homme dans le respect de la Terre sur laquelle il vit : “Après nous avoir nourri durant des millénaires, la planète Terre a besoin pour continuer de nous nourrir, de respect, de comportement durable, d’application de technologies avancées et de vision politiques nouvelles, pour trouver un équilibre différent entre ressources et consommations”. Le thème comprend quatre thématiques déclinées à travers des principes de connaissance et d’interaction, actualisables grâce à l’apport des nouvelles technologies Celles-ci se présentent comme un réseau particulier et opérationnel qui est en lien avec les réalités du monde, nous aidant à comprendre qu’il est important de connaître et perfectionner chaque phase de la chaîne alimentaire parce que, de chacune d’entre elle, dépend la bonne réussite du processus entier.
L’éducation alimentaire L’éducation alimentaire se présente dans cette optique comme un devoir urgent à réaliser. D’un côté elle est vue comme un instrument pour une prise de conscience de soi, de notre physiologie et de l’ensemble de nos exigences; de l’autre elle ouvre à la conscience des dimensions sociales, économiques et culturelles de l’expérience de la nourriture, de son manque, de ses significations et de ses traditions.
La Famille salésienne à l’Expo Milan 2015 La Famille salésienne fait partie des 13 organisations de la société civile qui participent à cet événement. Elle sera représentée par Don Bosco Network (DBN), fédération mondiale constituée par huit ONG salésiennes, fondée en 2010, dont la vision, mission et action se basent sur des valeurs et des principes exprimés dans la tradition salésienne : solidarité avec les pauvres. Elle entend donner une contribution significative à l’éducation des jeunes pour tout ce qui concerne les problématiques relatives à la pauvreté et à l’alimentation. Toutes les communautés salésiennes du monde sont invitées à participer à l’effort commun éducatif et formatif qui caractérise depuis toujours leur mission et qui sera présenté par DBN, pour créer un réel impact sur le public présent. L’action éducative de DBN à l’intérieur de l’Expo Milan 2015 sera présentée à partir d’atelier participatifs, de thématiques, tables rondes, expositions thématiques et séminaires, avec en point de mire, les jeunes. (http://www.expo2015.org/it). mseide@yahoo.com Dma damihianimas
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Derrière les masques Giuseppina Terruggi
Elise m’a montré avec satisfaction un cadeau de ses collègues à l’occasion de son anniversaire : un sac qui, sur un côté, porte bien visible: «Ce qui compte ce n’est pas d’être GRANDS, mais d’être à la HAUTEUR». Un cadeau, m’a-t-elle dit parmi les plus appréciés qui l’accompagne toujours. Elise authentique, brillante dans ses relations avec les autres et au travail, elle a une bonne estime d’elle-même. Cependant à l’adolescence elle a eu des problèmes pour s’accepter à cause de sa petite taille. Maintenant, elle est une femme heureuse, compétente, donnée aux autres, très aimée parce qu’elle se charge de leurs problèmes, par son enthousiasme et son optimisme.
Interactions L’évolution des personnes ne suit pas des chemins tracés d’avance. Chacun, au cours de sa croissance, se trouve souvent face à une issue non prévue et constate l’écart entre les rêves et la réalité et il doit donc continuellement se mesurer avec l‘écart entre ce qu’il aurait voulu être et ce qu’il est réellement. C’est un défi que de s’accueillir et de savoir se mettre en valeur de façon authentique ! Sigmund Freud a élaboré une théorie sur la structure de la personnalité globalement acceptée par les psychologues et les chercheurs mais avec diverses nuances. Il soutient que la psyché humaine est constituée de trois composantes fondamentales qui interagissent entre elles continuellement et qui sont à l’origine du comportement et du style d’une personne : l’Etre, l’Ego et le Super Ego. L’Être, avec sa réserve de pulsions et d’énergie psychique, c’est l’instance non
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consciente qui favorise le déchargement des tensions. Elle ne possède aucune organisation : son premier rôle est de satisfaire ses pulsions. L’Ego (le moi) : zone de la conscience, oriente le comportement humain pour qu’il s’adapte avec des modalités socialement acceptables. Le Super Ego exprime les besoins de la réalité sociale et se compose de représentations intérieures des valeurs et des idéaux traditionnels de la société, le résultat de ce que chaque personne a reçu dans l’enfance grâce à l’éducation de personnes marquantes.
L’estime de soi Le rôle propre de l’Ego est la constitution de l’estime de soi qui, si elle est positive aide à évoluer dans un sens favorable. Au contraire elle peut limiter l’équilibre de la croissance et la personne peut se construire une image alternative acceptable. L’estime de soi correspond à l’image que la personne a/ou ressent d’elle-même. On se structure grâce à l’interaction du moi idéal et du moi actuel, grâce aussi aux relations avec le monde extérieur. Des aspects mûrs et immatures amènent à l’estime de soi. Quand on juge le monde de soi-même, si l’émotion est plus forte que la réflexion, alors l’estime de soi risque d’être immature : «Je sens ainsi donc c’est ainsi». Dans ce cas, on tient compte d’un seul aspect de la personnalité : les sentiments disent la vérité mais souvent c’est une vérité partielle. Si, au contraire, l’estime se base sur le choix d’un jugement rationnelle, elle sera équilibrée, mûrie et progressive. Dans le cas où l’on ne parvient pas à bien intégrer sa propre image apparait peu d’estime pour soi-même. De là peuvent venir divers symptômes comme les sautes d’humeur, de l’instabilité, de la difficulté à concilier le moi
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idéal et le moi actuel, un sentiment de vide avec l’incapacité de se ressentir avec réalisme comme un tout, un manque d’empathie. Quand le moi est jugé émotivement, de façon rigide, il se crée une répercussion négative jusque dans les réactions avec les autres. On sait, en fait, que si quelqu’un apprend à accepter ses limites, il sait aussi accepter celle des autres. On ne peut pas vivre sans estime de soi, ni sans face à face avec autrui. Mais comment faire face aux autres de façon réaliste. Quelquefois l’échappatoire fera assumer des façons non authentiques parce que moins pesantes ou parce qu’elles sauvegardent en quelque sorte notre image. On agit ainsi quand on est incapable d’une vraie rencontre, mûrie, souple. L’estime de soi se construit alors sous des formes défensives qui empêchent de voir de façon objective la réalité. C’est une estime de soi défensive, sorte de “mécanismes de défense”, les stratégies qui doivent sauvegarder l’estime de soi face aux menaces qui pourraient l’amoindrir.
Origine des styles de défense Les psychologues nomment “mécanisme de défense” les fonctions du Moi qui ont pour but de protéger les personnes des requêtes excessives de l’Etre. Ils s’élaborent au cours de l’enfance quand se présente une menace venant du monde intérieur ou de la réalité extérieure. Ils se précisent à l’intérieur d’une relation donc ils sont inter subjectifs et ils impliquent toujours une communication à l’autre. Ils deviennent inadaptés quand ils compromettent la capacité de relations équilibrées et l’évaluation objective de la réalité. De là une déformation : la réalité que perçoit l’individu n’est pas la réalité que tous les autres partagent. Les mécanismes de défense constituent, de toute façon, une stratégie de protection utilisée par l’Ego pour se protéger, pour éviter l’angoisse et garder son intégrité psychologique. Ayant un rôle important d’adaptation, ils entrent en jeu, souvent dans des conditions normales et tendent à influencer le caractère et le comportement de chacun.
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Déjà dès les premiers mois de sa vie, le bébé met en œuvre des défenses pour se protéger de la douleur. N’ayant pas le moyen de maîtriser, de supporter la réalité, il se l’invente, la transforme ou la “refuse” par son imagination. Les adultes l’aident en cela. Pour lui, ils inventent les plus belles histoires. Ils le font entrer dans un monde où les prés sont plus verts que nature, là où les fleurs le plus bariolées… Un monde où prévaut la justice, le courage, la fin heureuse “où tous vécurent heureux et contents”. De telles inventions servent à protéger tant qu’elles fonctionnent et permettent l’adaptation.
Quelles sortes de défenses ? On admet, en général que sans moyens de défense la personne serait en proie à des pulsions et des dangers et que son unique issue serait de s’anéantir. Il n’y a pas de tableau partagé par tous sur leur nature. Mais nous pouvons toutefois faire l’hypothèse de quelques “défenses responsables” qui favorisent l’équilibre de la personne quant à l’estime de soi, sans compromettre la vérité. Les autres sont des expressions défensives plus ou moins négatives qui peuvent devenir contestables jusqu’à déboucher sur des pathologies névrotiques ou psychotiques. L’anticipation sert à l’adaptation : on s’imagine dans une situation angoissante et l’on cherche les différents moyens de s’en sortir. C’est anticiper par l’imagination, un événement réel (par exemple de passer un examen) et en réduire l’intensité. L’humour est une attitude efficace de défense, car si l’on s’amuse de ses propres limites on les rend plus légères. La sublimation permet que les désirs et les pulsions inconscientes non souhaitables se trouvent canalisés de manière acceptable. Par une répression équilibrée on arrive à annuler consciemment des pensées et des sentiments inacceptables. On utilise l’auto-observation quand, dans une situation angoissante la personne l’étudie directement et cherche à mettre en évidence tous ses aspects sans rien dissimuler. L’identification est un processus mental inconscient par lequel une personne se donne les caractéristiques propres à une autre
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personne, qu’elle assume les traits, les qualités, les comportements Parmi les formes d’inadaptation, je signale particulièrement le refoulement qui met hors de la conscience les désirs, les rêves inaccessibles comme s’ils n’existaient pas. La formation réactive c’est la transformation d’un désir ou d’une impulsion négative en son contraire. Avec le sentiment de toute puissance et l’idéalisation, la personne fait face aux situations, comme si elle possédait des pouvoirs spéciaux et qu’elle était supérieure aux autres. La projection fait attribuer à d’autres un aspect de soi que l’on trouve négatif, ainsi la personne protège en blâment les autres. Le mécanisme de la rationalisation est bien répandu, quand on se donne une justification rationnelle et plausible pour réduire l’angoisse d’un insuccès : c’est un mensonge inconscient destiné à dévaloriser quelque chose d’extérieur à soi.
Du principe à la réalité Chez l’adulte, les défenses du Moi servent à réduire le mal de vivre et à fuir les sensations désagréables et douloureuses. Quelques fois elles peuvent vraiment cacher la réalité, un masque qu’on se donne pour rendre plus tolérable la vie. Souvent les formes de défense sont jugées négatives on se sauverait ainsi au détriment
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des relations avec les autres. Elles sont cependant structurantes pour la personnalité et nécessaires pour un bon développement. Quelques unes d’entre elles deviennent pathologiques seulement quand elle se durcissent et compromettent la flexibilité, l’harmonie et l’adaptation de la personne. C’est le cas surtout quand elles empêchent des relations interpersonnelles authentiques. En vérité, des mécanismes de défense risquent de fausser la vérité. C’est exactement ce qui se passe, à l’enfance, avec les fables. Mais, dans ce cas, la falsification reste sous le contrôle conscient de l’adulte qui, graduellement, aide l’enfant à comprendre que ce qu’on lui a raconté c’est de l’imagination.. Mais qui dira à l’adulte que la réalité falsifiée n’est pas la réalité ? C’est l’adulte lui-même qui doit le reconnaître, en faisant face honnêtement à la vérité, à ses propres illusions, à ses mensonges. Et il se juge bien quand il décide de remplacer le principe du plaisir par le principe de réalité. Le premier vise la satisfaction de ses propres goûts à n’importe quel prix et tout de suite, le second connaît l’attente et permet de satisfaire des besoins réalistes. Le principe de réalité, c’est la capacité d’affronter, en vérité, sans masque, la situation que l’on doit assumer. Et cela amène à l’affronter en responsable et structure sainement la personnalité.
gteruggi@cgfma.org
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Rencontre Mara Borsi, Gabriella Imperatore
La rencontre entre nous, la rencontre avec don Bosco et mère Mazzarello et avec d’autres témoins de la foi et du service au prochain, la rencontre avec des jeunes qui partagent nos valeurs, la rencontre avec Dieu, se réalise seulement quand existe une réelle attention à l’autre, ainsi la vie suit son cours et se transmet d’une personne à l’autre
Une rencontre surprenante qui change la vie La rencontre avec Dieu est toujours quelque chose de mystérieux et de bouleversant. Des pages inoubliables comme celles de Moïse devant le buisson ardent ou de saint Paul sur la route de Damas nous le rappellent. C’est la rencontre décisive avec Dieu qui transforme l’existence, la change, la remplit et donne du courage pour réaliser un projet de vie fondé sur son amour et orienté vers lui. Mais chacun d’entre nous vit cette rencontre de manière absolument personnelle. Il n’y a pas de règle préétablie. Dieu, en fait, vient à notre rencontre de manière différente. Et nous avons choisi de vous présenter sous forme de témoignages ces différentes possibilités. Voici donc les témoignages de Giorgia, Elisabetta et Maria Laura. Giorgia :«Ma vie a changé du tout au tout, quand il y a sept ans je suis devenue animatrice à l’oratorio Don Bosco, entrant en contact avec les enfants et aussi certaines fois avec les plus pauvres. Cependant, depuis quelque temps, la seule dimension de service, ne suffisait pas à me faire être vraiment en chemin et je sentais au contraire, combien l’écoute de la Parole de Dieu, le dimanche ou
durant les récollections, avec la prière m’aidait à être bien mieux. Je sentais que ces rayons de lumière qui, par intermittence, inondaient ma vie, pouvaient devenir plus conséquents, je fréquentais plus régulièrement les sacrements (confession et eucharistie) et si je me laissais modeler quotidiennement par la Parole de Dieu. J’ai commencé ainsi à demander dans la prière cette grâce au Seigneur, et Celui-ci n’a pas tardé à se faire présent à travers les médiations qu’Il aime utiliser pour se manifester à nous, quand librement nous consentons qu’il entre en contact avec notre cœur. Cela s’est passé ainsi pour moi et je me suis laissé rencontrer par Lui à travers tant de consacrés/ées ou laïcs engagés, qui m’ont aidés à grandir dans la foi. Ce chemin progressif de discernement m’a libérée de tant de peurs et m’a fait croire un peu plus en moi jusqu’à arriver à me considérer comme un Don de Dieu. L’amélioration progressive de ma manière de vivre avec les autres, surtout en famille et à l’université est une des manifestations de mon changement intérieur. Accueillir Dieu dans ma vie m’a conduit nécessairement à la racine de mes désirs, me purifiant de tant de besoins superflus qui appesantissaient et ralentissaient ma vie. C’est tout naturellement qu’après avoir partagé avec la personne qui m’a guidée durant ces années, j’ai fait le choix de m’engager dans la vie religieuse. J’ai commencé la période de vérification et d’orientation dans l’institut des Filles de Marie Auxiliatrice. Je considère ce choix comme une simple réponse à un grand don que le Seigneur a voulu me faire, un premier pas sur le chemin où seul Lui sait où il veut me
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conduire. Cela m’importe peu de le savoir, car pour moi, ce qui compte vraiment c’est de réussir à garder les yeux du cœur ouverts, pour Aimer et reconnaître à chaque pas et à chaque instant de ma vie, longue ou brève, celui que j’Aime …le Seigneur Jésus. Sur ce chemin de discernement, je me sens bien aidée par la communauté des Filles de Marie Auxiliatrice où je vis comme aspirante depuis presque deux mois. L’esprit de famille, propre à toutes les maisons salésiennes, a fait que je me suis tout de suite sentie dans 'ma maison'. Il y règne un climat de sérénité et de simplicité qui a sa source dans la prière et qui rejaillit ensuite naturellement dans la mission, pour un service chaleureux de tous et des plus petits en particulier. Je partage cette très belle expérience avec deux autres jeunes aspirantes en compagnie de sœur Gabrielle qui nous aide sur notre chemin de réflexion humaine et spirituelle. Les conditions pour vivre cette période de discernement sont les meilleures possible, maintenant c’est à moi de m’abandonner pour écouter la voix de Dieu à travers ses médiations humaines».
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Elisabetta: «Tout a commencé en 2013 quand, inscrite en première année d’université, je me suis trouvée confrontée à une nouvelle ambiance, à une nouvelle autonomie didactique, à un grand nombre d’examens à passer, à tant de temps libres à occuper le mieux possible ; et puis je souhaitais participer aux 10 jours de camp d’été suivant avec les jeunes du collège organisé par ma paroisse. Je décidais donc de mettre toutes mes énergies pour passer mes examens et pouvoir vivre après une expérience unique avec des jeunes. J’ai réussi mes examens et au mois de juillet 2013 je partis heureuse et désireuse de rendre participant chacun des jeunes de ce camp. Durant ces jours, en parlant avec une maman animatrice, une saine question m’est venu en tête, qui ne m’a plus quittée de tout l’été : “Est-ce possible que tu sois appelée à autre chose que le mariage ?». La question me remua, c’était l’unique chose dont je ne voulais pas entendre parler et maintenant qu’elle venait à la surface, elle m’obligeait à réfléchir, à répondre, à chercher en profondeur une réponse vraie, pas seulement pour répondre à la maman qui m’avait posé cette question et à qui j’avais répondu tout de suite non, mais pour me le dire à moi-même. Qui est Jésus pour moi? Qui est- il,
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Lui et qui suis-je, moi? A partir de ce moment, j’ai commencé un chemin extraordinaire de recherche fondé sur la confiance en Dieu, alimenté par le désir de découvrir le projet que Lui a pour moi. Me voici en train d’ouvrir un cadeau : je suis immensément aimée. Les réponses m’arrivent au fur et à mesure que je me laisse aimer et toucher par l’amour de Dieu; je comprends que Lui est vraiment important et que toute le reste est bien peu face à sa plénitude, qui pour nous est vivante et se manifeste au milieu et à travers les jeunes. Maintenant, grâce à la communauté de Bologne, je comprends l'importance de l'éducation, de la formation intégrale de la personne : choisir, vouloir et désirer le bonheur des jeunes pour leur réalisation future. Si au début je considérais un éducateur comme une personne distante et peu aimable, aujourd’hui je pense bien différemment car la rencontre avec Don Bosco et Mère Mazzarello m’a transformée. L'éducation est une affaire de cœur. Cela demande d’apprendre à vivre, à partager, à rechercher le beau et le vrai. Je ne connaissais pas la réalité salésienne, et j’ai été vraiment surprise par la beauté de la mission éducative, par le soin avec lequel tous les éducateurs cherchent à accomplir une telle mission avec l’unique intention d’aimer les jeunes et de les accompagner sur leur chemin de vie, dans la joie, l’esprit de famille et un vrai désir du paradis. Ce style de vie ne peut qu’attirer me faisant dire : “moi aussi je veux faire comme eux”»
Maria Laura: «Ma première rencontre avec Jésus a eu lieu au cours d’une confession, dans l’été qui a suivi mon examen de troisième du collège : à la différence d’autres confessions vécues, cette fois-ci j’ai pris conscience de la Présence réelle de Jésus dans le sacrement que je venais de vivre et, sans bien comprendre le comment et le pourquoi, est né en moi le désir de connaître un peu mieux Jésus. Au début j’ai cherché de le vivre le plus possible “caché”, mais après un an et demi c’était devenu tellement
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fort que je ne pouvais plus ne pas suivre cette Voix qui me demandait de faire partie de ma vie de tous les jours. A partir du moment où j’ai vraiment laissé entrer Jésus dans mon cœur, beaucoup de choses ont changé petit à petit dans ma vie, comme mon engagement dans mes études, mon comportement avec mes amis et en famille. Et depuis peu avec l’aide de ma guide spirituelle, j’ai décidé de participer tous les jours à la célébration Eucharistique et à vivre régulièrement la confession, sacrement qui soigne et guérit continuellement. La rencontre avec Jésus m’a fait découvrir, avec le temps le rêve que Dieu a mis dans mon coeur, c’est à dire pouvoir témoigner aux jeunes, surtout les plus pauvres, du grand Amour reçu et, aujourd’hui, poursuivre ce rêve est en train de changer radicalement ma vie. Depuis le mois de septembre j’ai commencé la période de discernement et d’orientation dans la communauté fma de Bologne afin de chercher à comprendre si le Seigneur m’appelle à le suivre de plus près, dans la vie salésienne. La vie communautaire n’est pas toujours simple, mais je suis bien aidée à vivre joie et difficulté avec plus de sérénité, parce que j’ai la certitude de ne pas être seule sur mon chemin, et je me sens bien soutenue par la communauté. En vivant au coude à coude avec les deux autres jeunes en recherche comme moi, Giorgia et Elisabetta, et avec sœur Gabriella, je découvre la beauté du partage des petites (ou grandes) choses du quotidien, consciente de partager aussi avec elles le même amour pour Jésus et le même désir profond de lui donner ma vie ainsi qu’à tous les jeunes que nous rencontrerons».
Une rencontre qui devient un lieu ouvert pour les autres La rencontre avec Dieu est inséparable de la rencontre avec les personnes, vers lesquelles Dieu nous envoie. L’amour nous met sur pieds, nous envoie, il veut se communiquer. Soeur Gabriella Savoia nous partage ce qu’elle vit avec les jeunes en recherche et privilégie le don d’une vie transformée par la rencontre avec Jésus et avec les jeunes.
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Sœur Gabriella : «Ma vie a grandi en qualité et intensité du fait que le partage avec ces jeunes en recherche est pour moi un appel à être “instrument” et “médiation” de l’amour de Dieu. Au départ je me suis sentie bien petite et dépourvue face à ce que le Seigneur était en train d’opérer dans leur vie, je me demandais ce que je devais dire et faire ; étant avec elles et vivant simplement les moments de prière et de partage fraternel chaque jour, j’ai vraiment compris que l’esprit de famille est la valeur ajoutée que les jeunes désirent trouver dans les communautés. Par conséquent, pour moi il s’agit de “demeurer et d’être présente” avec le regard et le cœur attentifs pour les aider à percevoir les signes de la présence de Dieu dans leur vie et en même temps dans la mienne ; il s’agit donc aussi pour moi d’approfondir et de consolider toujours plus profondément ma vocation...même, j’oserais dire que grâce à cette expérience je suis en train d’apprendre à mieux me connaître et aussi à mieux connaître la finalité de notre mission!».
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La force d’une rencontre Les jeunes, dans nos ambiances éducatives, vivent des rencontres qui sont d’authentiques en parcours de transformation, certaines fois réhabilitant les valeurs reçues en famille, d’autres fois en accomplissant un difficile chemin de redécouverte personnelle. Beaucoup de jeunes arrivent chez nous, non seulement cassés mais vraiment 'pulvérisés' par les échecs; ils n’ont plus de motivations et grâce à la proposition et à l’ambiance de la maison, ils retrouvent la force de changer, ils retrouvent un sens à leur vie, ils reprennent confiance en eux pour construire un avenir différent. Voici les témoignages de quelques adolescents qui fréquentent le centre de Formation Professionnel (Ciofs-FP) à Bologne.
«Je m’appelle Paul, en ce moment je me porte assez bien, et passe une période tranquille, j’habite à Bologne depuis trois ans; j’ai dû abandonner mon pays d’origine parce que là- bas
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bas, il y a beaucoup de criminalité organisée et il n’y a d’avenir pour personne. Maintenant je suis un cours de rattrapage au Ciofs-FP de Bologne. Quand j’ai été recalé à l’école, je vivais un moment difficile, j’étais un peu perdu, car mes parents vivaient un temps de crise, ils étaient en train de se séparés et moi j’étais triste et en colère. S’il n’y avait pas eu l’école à ce moment, je crois bien que j’aurais mal tourné l’ambiance à l’école m’a aidé, même dans un pays comme le mien, marqué par la corruption et la criminalité. A un certain moment, au lieu de me corrompre comme les autres jeunes, je suis parti, pour échapper à cette situation dangereuse. Arrivé à Bologne j’ai entendu parlé du CiofsFP par les assistants sociaux, cela m’a semblé quelque chose d’intéressant, alors je me suis inscrit. Le centre de formation professionnel aide beaucoup de garçons, il y règne une ambiance de travail paisible et les professeurs te valorisent en t’aidant à avoir plus confiance en toi. Durant ces deux années j’ai appris à être plus responsable et à savoir collaborer soit à l’école soit au cours des stages. Dans le premier stage j’ai eu des problèmes avec des clients mal éduqués, arrogants et présomptueux, et moi-même j’ai été peu “accueillant” mais après tout s’est bien passé. Quelquefois je pense que certaines rencontres vécues dans des situations difficiles réussissent à transformer ta vie et t’ouvrent de nouveaux horizons de bonheur».
avec elle à Medicina, une ville dans la Province de Bologne. Là, je me souviens que nous partagions l’appartement avec une autre famille, mais cela ne m’intéressait pas de savoir qui elle était, l’important pour moi était d’être finalement de nouveau avec ma mère. Elle a beaucoup souffert dans sa vie, mais elle a été une femme forte et courageuse, pour moi elle a toujours été une grande référence. Et je pense que je lui dois beaucoup et je dois lui rendre tout ce que j’ai reçu. Maintenant je suis un cours de formation professionnelle au Ciofs et grâce à cette expérience j’ai retrouvé ma passion : l’art que j’ai toujours aimé. Depuis toute petite j’aimais dessiner et chaque fois que je le faisais, j’avais l’impression d’entrer dans un monde complètement différent du mien. Je crois que cette formation est en train de me transformer et m’aide à cicatriser toutes mes blessures, surtout es plus profondes qui m’ont rendue triste à certains moments de ma vie».
«Je m’appelle Bruna, depuis toute petite j’ai beaucoup souffert; j’avais un père très violent qui me battait ainsi que ma mère et mon frère. Ma mère, après un peu de temps, a eu le courage de dénoncer mon père à la police, pour ses violences, ainsi il a été arrêté sous nos yeux. Cependant, malheureusement le juge a déclaré que ma mère n’était apte de prendre soin de ses deux enfants, parce qu’elle n’avait ni maison ni travail. Ainsi nous avons été confiés à une famille et puis aux sœurs d’un Institut à Viareggio. Après deux années ma mère a finalement trouvé un logement et nous sommes retournés vivre
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Dans toute rencontre vraie on expérimente le mystère de la vie, le mystère de l’autre et le mystère de Dieu, parce que ce qui se passe dans la rencontre est essentiellement don et liberté. La rencontre est un lieu où nous nous trouvons et retrouvons dans les échanges quotidiens et dans notre histoire de vie personnelle. Souvent, il suffit de tenir ouvert la porte de notre cœur, pour que l’autre puisse entrer. Si Dieu y entre avec la vie de chacun, alors, chacun y entre avec la vie des autres. Chaque rencontre que nous vivons laisse une trace en nous et dans l’autre, pourvu que nous souhaitions entrer en contact et vivre la rencontre. Une rencontre peut transformer ta vie. Suis-je disposée à m’engager dans une relation réciproque avec les jeunes? Comment je gère et soigne cette relation? Au niveau communautaire, comment nous laissons-nous interpeller par les transformations des jeunes? Est-ce que nous nous en rendons compte ou sommes-nous tellement concentrées sur nos difficultés de gestions de nos œuvres, sur les conflits relationnels que nous avons du mal à nous laisser interpeller par leurs petits progrès ou victoires? «Je me présente, je m’appelle Glori Jubaida, j’ai dix-huit ans et je viens du Bangladesh. J’ai un frère qui a cinq ans de plus que moi, il étudie en Faculté de Pharmacie, ma maman travaille dans un hôpital et mon papa dans une pâtisserie. Ma famille, pour moi, est un point de référence important, ce sont des personnes qui m’ont appris tant de choses et m’ont
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aidée à atteindre mes objectifs. Je me souviens quand j’étais petite, mon problème était la couleur sombre de ma peau. Au Bangladesh une femme est considérée comme belle si elle a la peau claire et les cheveux lisses, moi j’étais à l’opposé et donc presque toutes les bengalaises se moquaient de moi à cause de la couleur de ma peau. Je pleurais beaucoup, je me sentais moche et j’étais très insécurisée. Je pensais que la beauté était la chose la plus importante, mais mes parents m’ont appris que la beauté comptait peu, qu’elle ne durerait pas toujours, parce que tous nous vieillissons et ce qui restera c’est ce que tu es, comment tu te comportes avec les autres, ta gentillesse, ta manière de parler et surtout ton respect envers les autres. Seulement maintenant je comprends ce qu’ils voulaient me dire : être une femme ne veut pas dire seulement être belle extérieurement, mais être une personne qui a des valeurs, ceci fait la différence dans notre monde. Quand je pense au mot "école" la première chose qui me vient à l’esprit c’est le réveil du matin. Je ne pouvais m’imaginer qu’un jour je suivrais un cours de formation professionnelle, cela était loin de mon esprit. L'ambiance que je fréquente me donne l’opportunité de faire une expérience positive et m’offre tant de possibilités de croire en moi et de m’améliorer. Par exemple, l’expérience du stage m’a fait comprendre comment fonctionne le monde du travail. Durant le stage j’ai rencontré des personnes qui m’ont encouragée et valorisée. Je pense que j’ai toujours donné le meilleur de moi-même au cours de ce stage et aussi à l’école, parce que ces deux lieux de formation se complètent et sont deux choses fondamentales. A la fin de ce cours, après avoir passé la qualification, je pense continuer à étudier pour obtenir un diplôme et en même temps je travaillerai à mi-temps, travail que j’ai trouvé grâce à mon stage».
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Paolo, Bruna et Glori Jubaida ont raconté leurs expériences vécues dans différents milieux et ambiances, de l’école au monde du travail, de la famille à la société, aux amis, tissant des relations
et vivant des rencontres vraies, authentiques. La famille reste le lieu sûr où se réfugier, malgré les problèmes, les blessures; les amis sont là pour accueillir et soutenir, l’école accompagne et oriente vers de nouveaux horizons. A partir de leurs choix, apparaissent leurs caractères, leurs attentes : la bonté, le courage, l’optimisme, la liberté, la capacité de se mettre au travail et non de baisser les bras, le besoin d’être reconnus, la confiance… Les jeunes recherchent la personne qui est capable d’être à côté d’eux, qui est plus attentive à leur personne qu’aux exigences génériques de l’éducation. Don Domenico Ricca, salésien et aumônier de la prison pour mineur Ferrante Aporti à Turin, affirme : «L'éducateur est cet homme “normal” qui sans actions spectaculaires sait "être au milieu" des jeunes mettant en acte deux gestes importants : l’urgence de l’intervention et le projet de solidarité à longs termes». «N’ayez pas “peur des jeunes”, ils ont confiance en vous, ils se trouvent bien parmi vous, ils se sentent dans leur maison. Soyez, comme ils l’attendent, sœurs et mères remplies de compassion; riches de sagesse pour montrer le chemin, responsabiliser; comblées d’espérance pour encourager, nourrir la vision d’un avenir plus positif pour tous», cela est l’appel des laïcs au CG XXIII. mara@fmails.it gimperatore@cgfma.org
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Un sens pour la vie …
Mara Borsi
Aider les jeunes à prendre conscience de l’importance de poser des actes gratuits signifie tout d’abord les aider à découvrir les racines de l’insatisfaction. Vivre dans la logique existentielle de l’avoir, de la possession, du repliement égocentrique n’est pas des plus satisfaisant. Dans notre vie deux attitudes créent un malaise : l'attitude de qui se sent dépassé par l'absurdité et ne va dans aucune direction, et celle qui se laisse posséder compulsivement pour ne pas faire les comptes avec ses limites et la pensée de la fin de la vie. Contre ce sentiment de malaise et de désenchantement qui génère un comportement possessif ou schizophrène, la gratuité permet de donner un sens à la vie. L’exigence de gratuité est une exigence de sens, c'est-à-dire pouvoir donner sa vie pour quelque chose ou pour quelqu’un, c’est une option de fond qui ouvre à une espérance qui ne déçoit pas. Pour cela il est important de rendre les jeunes conscients qu’il existe une philosophie de la vie qui est plus «don» que conquête. Le "oui à la vie" ne peut être une attitude naïve, ni un défi à l'absurde sans que se perçoive une possibilité de victoire. Pour un chrétien, le "oui à la vie" est l’acceptation de la limite mais aussi la victoire radicale sur le mal, sur la souffrance et sur la mort, gratuitement offerte dans la résurrection de Jésus
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.Une nouvelle échelle de besoins La gratuité rappelle d'abord la nécessité de vivre l’existence d’une façon différente en restructurant l’échelle des besoins. Gratuité signifie attention à la dimension personnelle de la relation, au-delà des rôles, dans la famille, à l'école, dans le milieu de travail. La gratuité affirme la priorité des besoins qualitatifs (reconnaissance mutuelle, accueil, bien-être intérieur) le respect des besoins quantiatifs (carrière, objets, bien-être économique). Il est nécessaire de cheminer avec les jeunes pour surmonter l'attitude de l'homo economicus qui ne satisfait personne, car on ne voit que ses intérêts. Guider les jeunes à apprendre qu'exister ne signifie pas conquérir, exclure, accumuler, mais c’est recevoir, jouir, partager pour la liberté et pour le bien des autres. Ceci est la véritable priorité. Les ambiances éducatives, dans lesquels nous vivons avec et pour les nouvelles générations, sont les endroits où il est possible d’éduquer et de s’éduquer à la gratuité, à la culture de l'être plus que de celui de l'avoir. Dans ces ambiances, on peut apprendre à des enfants et des adolescents à exprimer des faits où la personne humaine vaut plus pour ce qu'elle est que ce qu'elle possède. Les enfants et les jeunes progressivement éduqués à la fraternité, au partage, à la générosité, au sacrifice, à travers des gestes concrets ; petits, quotidiens seront des jeunes et des adultes capables de sens critique et de s’opposer à une société qui a mis au centre le profit et l'efficacité comme des modèles d'interprétation de l'existence..
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La parole aux jeunes Ariana Olivares appartient au Vides USA. Voilà ce qu’elle nous partage de son expérience : «J’ai fait du bénévolat en Équateur, où j’ai passé beaucoup de temps auprès de religieuses âgées, aidant l'infirmière FMA, mais j’ai vécu aussi d'autres expériences. L'Equateur est un très beau pays, mais il est également touché par la pauvreté et l'injustice. Je pense pouvoir dire que j’ai essayé de faire de mon mieux chaque jour. Quand j’ai vu qu’il y avait un besoin, j’ai essayé d’y répondre. Lorsque j’ai été tentée d'éviter de petites choses, je me suis efforcée d'être attentive aux moindres détails. Le Vides USA, avec sa proposition de formation m'a appris à prendre des initiatives, à être créative dans la mission, en essayant de répondre aux besoins réels de la communauté. Quand j’ai vu qu’à l'infirmerie, manquaient certain matériel médical indispensable, j’ai cherché des aides, j’ai reçu un don et ainsi nous avons pu acheter ce qui était nécessaire. L'infirmière a appris l’usage de ce matériel qu’elle ne connaissait pas auparavant. Comme groupe de volontaires, nous avons pu changer un peu les choses. Les sœurs anciennes étaient heureuses, elles ont senti que je les aimais. J’ai essayé tous les jours de faire sentir aux personnes avec qui je vivais qu'elles étaient aimées-
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Passer du temps avec d'autres bénévoles m'a permis d’échanger, de tisser simplement mon histoire avec celle des autres et de constater que le lien qui nous unissait était le désir de partager. Les sœurs âgées m’ont donné une belle leçon sur ce qu’est l'amour inconditionnel. J’ai partagé leurs besoins, leurs fatigues et elles m‘ont laissé entrer dans leur vie, dans leur chagrin. Les sœurs âgées m’ont montré qu'il n'y a pas de limites à ce que l'amour peut faire. Quand Jésus nous demande de prendre soin des nécessiteux, des oubliés et marginalisés, c’est sans condition. J’ai appris à me connaître. C’est un merveilleux cadeau. Chaque jour, j’ai grandi un peu plus. Je comprends mieux mes limites. J’ai été surprise de voir les décisions que j’ai prises pour les surmonter. Le volontariat Vides m'a préparée à affronter la vie quotidienne avec courage et confiance. Surmonter ses limites, les difficultés de la vie quotidienne, est un défi auquel nous sommes confrontés tous les jours. Ce que j’ai appris de cette expérience c’est de croire que ce défi est un cadeau pour soi et pour le monde».
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Emmaüs : des traces de découragement Eleana Salas
Préparation Une grande bible, près de la Bible un crucifix et à côté le cierge pascal. Sur le sol, autour de la Bible, des coupures de journaux avec des nouvelles d’événements tristes.
Invocation à l’Esprit-Saint Esprit Saint viens, viens, au nom de Jésus. Seul Luc raconte ce fait et met sur les lèvres des disciples une plainte intense, qui permet de nous approcher des “crises” des premières communautés chrétiennes : ils ont tué Jésus sur la croix comme un criminel, alors qu’il était innocent ; comme un révolutionnaire, alors qu’il était un homme de paix. Comment, cependant, annoncer qu’un Crucifié est le Sauveur attendu ?. De plus, Jésus était le Maître-Rabbi : la rencontre avec lui, la vie avec lui, l’attention à sa parole, avait apporté un rayon de lumière dans leur vie. Mais maintenant il n’est plus là : tout s’est écroulé. Essayons de nous faire proche du coeur profondément attristé des deux disciples. Un inconnu chemine avec eux et l’écoute en silence.
Luc 24,19-24 Le texte est proclamé avec clarté par un lecteur ou une lectrice. Chaque participant relit le texte. Après on peut faire ressortir des phrases plus significatives Il leur dit : “ Lesquels ?”. Ils lui répondent : “L’histoire de Jésus de Nazareth qui était un prophète puissant en oeuvre et en parole devant Dieu et tout le peuple, comment les chefs des prêtres l’ont fait condamner à mort et l’ont crucifié. Nous espérions qu’il aurait libéré Israël ; au contraire, avec tout cela, voici trois
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jours que cela est arrivé. C’est vrai que certaines femmes d’entre nous ont été étonnées ; elles sont allées de bonne heure au sépulcre, elles n’ont pas trouvé son corps et sont retournées en disant avoir vu des anges qui leur ont dit qu’il était vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre et ont trouvé tout comme le leur avait dit les femmes ; mais ils ne l’ont pas vu”.
Lecture : le texte en lui-même L’attitude de Jésus n’est pas évasive. Il affronte le problème : interroge, invite à l’exprimer objectivement (quels sont les faits?). Ceci permettra aux disciples de dire ce qu’ils ont sur le cœur et d’exprimer leurs sentiments. Les disciples : se laissent interroger, se laissent aider.. Comment ils voyaient Jésus , quelle image ils s’en faisaient (cf Mc 8, 27-28). Comment ils avaient vu la passion et la rucifixion de Jésus ( cf avec Actes 3,14-15 ; 4, 10-14). Quelle attitude/sentiment ils éprouvaient et maintenant (commentaire du verset 21). Comment ils ont perçu les premières annonces de la résurrection (cf les versets 22-24 avec Mc 16, 9-13). Commenter la phrase finale : verset 24b, en tenant compte du verset 15 : “Jésus luimême s’approcha d’eux
Méditation : que nous dit le texte aujourd’hui Jésus pose le problème : il “le met sur le tapis”, comme il l’avait fait précédemment (cf. Mc 3, 1-3). Quelle attitude avons-nous
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face aux problèmes ? Il y a des personnes qui préfèrent s’évader : ne veulent pas en entendre parler, ne se sentent pas d’en parler; d’autres se laissent envahir par la peur ou prendre par la violence; d‘autres trouvent la force pour l’assumer avec courage. Quelle est notre attitude ?
Je demande le don d’unir la clairvoyance et la paix, la force et la douceur. On peut partager ensemble quelques réflexions issues de ce temps de prière
Quels sont en ce moment mes peurs, mes problèmes, mes souffrances, mes préoccupations ? Je réfléchis et j’essaie de verbaliser intérieurement. Je peux aussi me demander ce qui me paralyse , m’angoisse ? Est-ce que dans ma mission pastorale je me laisse contaminer par le découragement ou tout ce qui peut être négatif?
Il ne suffit pas d’étudier et de prier la Parole de Dieu, il est important qu’elle germe dans notre vie. Quelles attitudes me suggèrent ce passage pour affronter les difficultés ? Comment pouvons-nous mieux exprimer en communauté la force et l’espérance pour faire face aux défis et aux difficultés de la pastorale ?
Oraison En silence je dialogue avec le Seigneur à partir du texte lu. J’exprime au Seigneur mes peines, mes souffrances, mes peurs; Je demande la force de la foi et de l’espérance pour assumer ma vie en communion avec la croix du Christ ressuscité.
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Contemplation - Enseignement
Prière finale Sur le chemin d’Emmaüs, un pèlerin vient à ma rencontre ; je ne l’ai pas reconnu sur le chemin, maintenant je le reconnais au partage du pain. esalas@iglesiacatolica.org.pe
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S’accueillir et se pardonner dans la foi Maria Américo Rolim
Le CG XXIIIe a fortement souligné la nécessité de «se former à un leardships adapté à notre temps», capable de réaliser «un style d’animation et de gouvernement qui, par une lecture dans la foi de la réalité, sache orienter avec clarté le projet de rendre plus signifiantes la vie consacrée, la présence et les œuvres à la lumière du charisme salésien en fidélité à notre Règle de vie»
Des communautés témoins de la miséricorde Notre spiritualité est caractérisée par des relations interpersonnelles humanisantes, prophétie qui, aujourd’hui, devient la seule alternative face à la situation d’intolérance de notre société manquant de paix et de réconciliation. Dans ce contexte, l’accueil réciproque et le pardon font partie des piliers qui soutiennent la maison qui évangélise. La vie consacrée est appelée à vivre en état de réconciliation, témoignage vivant de la miséricorde de Dieu. C’est un devoir pour chaque FMA et pour toute la communauté d’approfondir sa propre humanité et celle des autres, de revoir ses critères de jugement des personnes et de la vie, e étant conscientes de notre propre fragilité et avec l’humilité de ceux qui savent toujours recommencer (Actes CG XXIII, 33). Une relation d’accueil dans la foi demande un cœur libéré de ressentiments qui empêchent de s’aimer et d’aimer les autres avec les sentiments de Jésus. Un chemin d’intériorité nous aide à
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relire avec lucidité et courage notre histoire en cherchant à connaître la main de Dieu qui soigne les blessures, afin que nous puissions être effectivement dans notre mission éducative «transparence de l’amour de Dieu et reflet de la bonté maternelle de Marie».(C.14) C’est là que se joue l’engagement de conversion de chacune, la disposition à sortir de soi et à porter le regard des périphéries qui habitent le cœur et qui sont présentes même dans les communautés, vers celles du monde des jeunes. C’est une têche d’importance fondamentale pour l’animatrice de la communauté. Elle est appelée à créer dans la maison le climat évangélique qui aide à se sentir en famille» (C.164) et à «promouvoir de solides rapports fraternels» (C, 52) qui favorisent le dépassememnt dans la charité, des inivitables conflits inhérents à la condition humaine. Nous risqu’ons parfois d’engager des énergies personnelles et communautaires pour gérer des conflits alors qu’ils auraient pu être affrontés avec réalisme, humilité, dialogue et par un accueil sans condtiion de la diversité. Le Pape François prévient : «Si nous nous laissons piéger par eux, nous perdons de vue l’ensemble , les horizons se rétrécissent et la réalité elle-même est divisée. Quand nous nous arrêtons dans une conjoncture de conflit, nous perdons le sens de l’unité profonde du réel.» (Exhortation apostolisue Evangélii gaudium n°226)
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L’amour : le secret de Mornèse Mère Mazzarelllo nous offre effectivememnt la clef pour dépasser les conflits dans le pardon et dans un esprit d’accueil réciproque : «Celle qui aime Jésus s’éccorde avec toutes» (L 49-6). Mornèse est devenue la maison de l’amour de Dieu parce que la première communauté, par l’animation d’une mère sage et humble, a fait de ce principe son projet de vie. Si Jésus est bien effectivement «le cœur de la maison» (C. 40) Alors seulement nous sommes capables de dépasser, dans la foi, les difficultés provenant de la vie et du travail en commun. La Mère demande à ses filles d’être conscientes de leur propre fragilité : «vous devez vous vaincre , sinon tout devient insupportable et les médisances comme des pustulles réapparaissent dans le cœur» (L 64, 5) ; elle demande la vraie charité à la mesure du cœur de Jésus-Christ : «Aimez-vous les unes les autres avec une vraie charité…W (49,. «Cette charité propre à Jésus, qui jamais ne se lasse de souffrir pour nous et voulut souffrir jusqu’où ? (L 26,4) ; elle exhorte à la communion dans les différences enracinée en Jésus : «Mettons-nous donc sérieusement toutes à nous exercer à la véritable humilité et à la
charité, supportant réciproquement nos défauts» (L 52,3) «Nous voir et nous rapprocher à chaque instant dans le Sacré Cœur de Jésus» fait jaillir la prière les unes pour les autres «ainsi nos cœurs seront toujours unis» (L.22,1). A celle qui anime la Communauté , elle propose la connaissance et l’accompagnement de chaque sœur avec sa personnalité «Il me semble que si vous savez la prendre elle réussira bien. C’est pareil pour les autres, chacune a ses défauts, il faut les corriger avec charité mais ne pas prétendre qu’elles soient sans défauts, ni qu’elles s’améliorent en tout, en une seule fois ; ceci non, mais avec la prière, la patience, la vigilance et la persévérance, une peu à la fois, on arrive à tout. Certaines fois parce que l’on accorde de l’importance à de petites choses , on en laisse passer de grandes. Il faut, voyez-vous étudiez les caractères et savoir les prendre pour bien réussis, ils faut inspirer confiance ( L25, 2-3) Le moment par excellence pour exprimer l’accueil réciproque et le pardon, c’est la rencontre personnelle. (C.34). Comme Mère Mazzarello, dialoguant avec les sœurs assise sur l’escalier ou à côté du puits, l’animatrice trouvera la façon de rejoindre chaque sœur en cherchant à l’aider dans le processus d’évangélisation avant tout de son cœur, à elle, pour la rendre capable d’être missionnaire avec les jeunes «marchant avec eux sur la voie de la sainteté» (C 5). Accueillions le souhait du Pape François : «Que cette année de la vie consacrée soit une occasion pour crier au monde, avec force et pour témoigner avec joie de la sainteté et de la vitalité présentes chez un grand nombre de ceux qui ont été appelés à suivre le Christ dans la vie consacrée». (Lettre apostolique du Pape François à tous les consacrés à l’occasion de l’année de la vie consacrée. (N° 1)
m.americo@portalimm.com.br
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Un voyage aussi long qu’un on rêve Anna Rita Cristaino
En laissant sa maison, sa famille, sa propre histoire, ses racines en somme tout ce qu’il a de plus cher et dont il s’est nourri jusqu’à ce jour, le migrant parie sur un avenir meilleur et mise sur une nouvelle existence possible ; Il est aussi prêt à risquer sa vie pour réaliser ce rêve. Son voyage est un concentré de sentiments, de drames, d’espoirs ; avec courage il affronte les risques à courir pour tenter de redresser son propre sort et sa vie. Ils sont nombreux ceux qui rêvent d’un avenir meilleur, d’un endroit dans le monde où pouvoir grandir, trouver leur voie, se libérer de la pauvreté et de la guerre. Les Etats Unis, depuis toujours sont le but convoité par ceux qui rêvent de liberté, par ceux qui espèrent qu’avec de l’audace et de la volonté, ils pourront reconstruire leur vie. Les Etats Unis sont la nation qui, plus que les autres, s’est formée grâce au peuple et aux cultures qui s’y sont intégrés. Beaucoup ont réussi, beaucoup sont arrivés sans rien, par leur travail et leur ténacité, ils ont réussi à se tailler une place dans le monde. Voici pourquoi beaucoup de ceux qui vivent en situation de pauvreté, sans liberté ou en guerre, décident de tout risquer pour se rendre dans une nation qui peut leur offrir de nouvelles possibilités.
En réseau L’Ecole Corpus Christi – Saint Rosaire est un établissement des FMA qui collabore avec deux paroisses animées par des salésiens. FMA et SDB sont de façon différentes, au service de nombreuses familles immigrées qui vivent à Port Chester. Les deux paroisses salésiennes, celle du St Rosaire et Corpus Christi partagent le travail en faveur de ceux qui arrivent.
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La Paroisse du St Rosaire s’occupe surtout des aspects concernant les papiers et le travail. La Paroisse Corps Christi, en offrant un soutien culturel dans le domaine de l’éducation, non seulement des enfants, mais aussi des parents, grâce à l’école des FMA. Et cela grâce à un réseau de collaboration qui voit travailler ensemble beaucoup de mamans désormais intégrées dans le quartier. C’est ce que nous raconte Sr Karen Dunn, FMA, Responsable de la Province St Philippe Apôtre (SUA) : Nous appelons «madrinas» ce groupe de mamans. Avec nous, elles ont été capables de rejoindre, d’identifier de nombreuses familles en situation difficile et à travers des rencontres familières, en les faisant se sentir à l’aise, elles ont pu les présenter à l’école pour faciliter l’inscription
Dans un climat de famille L’école des FMA est un endroit où s’offre aux enfants la possibilité de d’intégrer, d’étudier, de se trouver dans une ambiance de famille. Et pas seulement les enfants mais c’est la famille dans son ensemble qui est suivie et accompagnée. C’est encore Sr Karen qui le dit : «Les sœurs de la communauté travaillent ensemble pour coordonner les diverses ressources pour faire face aux engagements financiers, pour soutenir l’école qui travaille pour éduquer tous ces jeunes. L’Université Notre Dame de l’Indiana nous aide et nous soutient en faisant connaître l’école et elle recherche des aides pour la population des migrants du secteur. L’Archidiocèse de New York nous aide financièrement, les amis des sœurs
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salésiennes et les FMA, elles-mêmes, qui avec la famille salésienne de tout Port Chester nous mettons en commun les ressources en faveur des jeunes. Dans la Paroisse du Saint Rosaire et celle du Corps du Christ nous participons selon les besoins spirituels des enfants et de leurs famille.» Le travail des FMA ne touche pas seulement les études. ll est important pour eux de créer un climat de famille qui fasse correspondre, à celui qui arrive, qu’il est accueilli. Cela facilite l’intégration et crée la confiance. Il y a beaucoup d’histoires d’enfants qui, encore très jeunes, ont dû affronter risques et souffrances. Histoires de ceux qui ont eu une enfance compliquée, pendant laquelle ils ont dû souffrir de l’éloignement de leurs parents, partis justement pour trouver la voie qui puisse leur permettre de trouver un avenir meilleur. Comme l’histoire de Paul de Luis
Histoire de Paul et Luis Voici ce dont Paul se souvient : «J’étais en Equateur et mes parents me téléphonaient
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souvent pour me demander comment j’étais et si tout allais bien. J’habitais chez mon grandpère et, une année au moment des vacances, ils m’ont dit qu’ils voulaient me faire faire un voyage. Ainsi, avec un cousin de papa, nous sommes allés à l’aéroport prendre l’avion. En réalité, ils ne m’ont pas dit où nous allions. Alors quand nous avons pris l’avion et débarqué au Pérou, j’ai commencé à me poser des questions et j’étais un peu nerveux parce que je ne savais pas ce que nous faisions au Pérou.». Les étapes suivantes ont été le Honduras, le Guatemala et le Mexique. Toutes fatigantes et pleines de danger. Avec des changements imprévus de destinations. Et notre groupe qui se réduisait. La dernière étape a été le Texas. Nous sommes venus avec un autobus – raconte Paul- mais après trois jours, ils nous tous pris ; Ils ont appelé mes parents et il leur ont dit que j’étais là et eux, ils ont commencé à crier parce qu’ils pensaient que j’allais être refoulé, mais le jour suivant ils sont arrivés ; Je dois le dire pour être honnête… quand ils sont arrivés, je ne les ai pas reconnus tout de suite, c’étaient comme des étrangers Je ne les ai pas reconnus, mais quand ma mère m’a dit qu’elle était ma mère, j’ai commencé à pleurer. Dix ans avaient passé sans que je la voie. Ce fut le plus beau jour de ma vie».
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Ainsi Luis a vécu ses premières années sans ses parents, auprès de ses grands parents : «A mon arrivée je ne savais pas parler anglais, mais là Sr Karen et les enseignants m’ont beaucoup aidé. Cette année là, je suivais le 3e niveau. Au début je ne comprenais pas les enseignants, mais des amis m’ont dit : «Tu t’y habitueras, avance ! J’ai eu un ami, un vrai, arrivé lui aussi d’un autre pays. Sr Karen nous a donné un programme adapté pour apprendre à parler, à écrire et le reste… Quand je suis arrivé ici, je ne connaissais pas beaucoup de gens, je me sentais seul. Au début, je souffrais d’avoir perdu mes amis, mon Pays, ma grand’mère avec laquelle j’avais vécu pendant presque 13 ans. J’ai tout perdu… Maintenant je suis pris par l’école sur place et j’ai de nouveaux amis qui m’ont aidé à dépasser les moments difficiles. Je suis vraiment reconnaissant pour tout ce que l’école et mes amis ont fait pour moi». Beatrix, la maman de Luis, a vécu 13 ans sans avoir la possibilité de prendre son fils avec elle, elle partageait dans son cœur la souffrance de cet enfant si loin : «Mon mari est arrivé le premier quand j’étais à mon sixième mois de grossesse. Il est venu à la recherche d’un meilleur avenir pour nous. Quand à Luis, il n’avait que quinze mois, quand moi aussi j’ai dû partir en laissant mon fils avec ma mère. Le temps et nous, ne pouvions retourner parce que ni moi ni mon mari, nous n’avions de papiers et si nous étions sortis des Etats Unis nous n’aurions plus réussi à y rentrer. Dix ans
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ont passé avant de les avoir et nous sommes retournés au pays quand il avait onze ans. Nous nous sommes retrouvés et mon mari a vu son fils Luis pour la première fois. Trois autres années ont passé avant de pouvoir amener Luis aux Etats Unis. Mon fils maintenant cherche à comprendre et moi je demande seulement à Dieu qu’un jour Luis puisse comprendre pourquoi nous vivons ici. Pour lui, la relation avec nous est difficile. Donc, je me suis dit : «Je l’inscrit là où il pourra écouter la Parole de Dieu, là où il pourra apprendre à garder toujours le Seigneur dans son cœur, pour qu’un jour, il puisse comprendre ce que j’ai fait pour lui comme maman».
Des histoires comme celle-ci, il y en a beaucoup, mais toutes n’ont pas une fin heureuse. Celui qui arrive à Port Chester et a la chance de connaître les FMA et les autres membres de la Famille Salésienne qui travaille ensemble, trouve là une chance de s’en tirer. Ils sont aidés pour les choses de première nécessité et on leur offre la possibilité d’apprendre, de grandir et de s’intégrer sans oublier la richesse de leur culture d’origine. Parfois, surtout pour les jeunes, les adolescents, il devient difficile de sentir clairement qui ils sont. Ils ne sont plus Brésiliens, Péruviens, Coréens… Mais ils ne sont pas encore des Etats -Unis. Ils sont des deux à la fois. Ils sont Uniques arcristaino@cgfma.org
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Communication et vie fraternelle Maria Antonia Chinello
À une époque où se connecter/déconnecter, dans et à travers des ambiances de communication numérique, est facile, nous sommes appelés à surmonter la tentation de régler les relations fraternelles, même sur le paramètre de la connexion/déconnexion. Les communautés religieuses sont théophanie de la présence du Seigneur ressuscité: vivre une vie totalement donnée à lui et respirer, le réseau de communication que sont, les relations entre nous, avec nos frères et sœurs
Fausses équivalences Les appareils numériques promettent une sorte de «communion technologique», pour reprendre une expression de Sherry Turkle, car ils offrent des espaces de rencontres accessibles, ouverts, où même les «contrôles» sont facilement contournés, où vous pouvez «ne jamais vous sentir seul». Ils consistent en un rempart, un moyen de médiation, qui doivent toujours tenir compte du pourcentage d’inconnu qui existe par rapport aux réactions, à la fatigue, aux limites, au contexte, aux paroles et gestes de la personne à qui nous nous adressons. Il est facile de se connecter et d'accéder, de confirmer ou sélectionnez : il suffit d’un click ou une touche sur un écran tactile. Mais il est tout aussi facile, de se déconnecter. Zygmunt Bauman appelle cela «le mode relationnel connexion / déconnexion". De cette façon, la présence physique risque de ne plus être une garantie suffisante pour communiquer, si chacun se déconnecte de la. situation de proximité, en se diluant dans une ambiance relationnelle dématérialisée.
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La «connexion/déconnexion facile» court le risque de devenir le paradigme des liens humains : on est à la fois seul et ensemble. Les interactions avec un interlocuteur sont souvent interrompues et "mises en pause" par l'arrivée d'appels et de messages, nous désapprenons à tolérer le silence, la solitude avec nous-mêmes ou tout simplement l'absence temporaire de la couverture du réseau. Et, surtout, le danger très réel est que «nous succombions au «despotisme du système, en devenant ainsi des serviteurs des machines que nous avons construites et que nous tombions sous le charme de la technologie qui "est séduisante quand ce qu'elle offre répond à nos vulnérabilités humaines."
La fraternité: espace du mystère et lieu de la Présence Saint Paul écrit aux Romains : «L'espérance ne déçoit pas, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné» (Rm 5,5). Mais il y a toujours un écart entre le mystère que nous vivons et notre vie quotidienne, le défi de passer de la «vie commune» à la «grâce de la fraternité», parce que l'amour de Dieu vit en nous et nous rend tels. Le Pape François le répète souvent : "Cela fait très mal de voir certaines communautés chrétiennes, et même certaines personnes consacrées, s’adonner à différentes formes de haine, division, calomnie, diffamation, vengeance, jalousie, désir d'imposer leurs propres idées à n’importe quel prix, jusqu'à
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une persécution implacable qui ressemble à une chasse aux sorcières. Qui voulons-nous évangéliser avec ces comportements? [...] Nul ne se sauve tout seul, ni comme individu isolé ni avec ses propres forces. Dieu nous attire en tenant compte du réseau complexe des relations qu’impliquent la vie dans une communauté humaine» (E.G. 100, 113). Nous accueillons avec enthousiasme et joie les paroles de notre pape et ceci ne peut pas ne pas nous bousculer et nous pousser à aller de l’avant, au-delà de la simplicité du langage.
Témoins vivants d’un amour sans limite
Nos communautés sont un réseau de femmes ou de femmes en réseau, c'est-à-dire en communication avec des caractéristiques féminines. C’est là que nous nous reconnaissons, dans la trame de la fraternité : ouverture à la rencontre, au partage de nos différences, dans un climat de dialogue où est présent l’amitié et le service, réunies dans une mission commune.
Fraternité : terrain pour préserver et guérir «Ce monde, aujourd'hui plus que jamais, a besoin de voir en vous, hommes et femmes qui ont cru en la parole du Seigneur, en Sa résurrection et en la vie éternelle, au point de consacrer leur vie à témoigner de la réalité de cet amour, qui est offert à tous les hommes. [...] Cette grâce n’est-elle pas pour l'homme d'aujourd'hui, comme un souffle vivifiant, venu de l’infini, comme une libération de soi, dans la perspective d'une joie éternelle et absolue ? Ouverte à cette joie divine, en renouvelant l'affirmation de la réalité de la foi, et en l’interprétant chrétiennement pour les besoins du monde, vivez généreusement les exigences de votre vocation. C’est maintenant le moment d'effectuer avec sérénité un ajustement, si besoin est, de vos consciences et aussi de revoir l'ensemble de votre vie pour une plus grande fidélité " (Paul VI, Exhortation apostolique Evangelica testificatio, 53).
Vivre notre mission dans un réseau de fraternité nous aide à garder la joie, et l’espérance, à guérir des fatigues et des souffrances, les nôtres et celles des autres : l’attention aux autres, la qualité de nos rencontres, de notre écoute, dialogue, générosité, hospitalité, les soins pour le bien commun, le partage, la coresponsabilité sont les ingrédients essentiels d’une vie communautaire, partie intégrante de son style de vie. C’est la force humanisante de l'Evangile qui soutient et aide à vivre la fraternité au sein de la communauté. Une force qui demande de se mettre à l'école de la Parole, de s’asseoir à la Table et de reconnaître le Christ dans la fraction du pain, de transfigurer le quotidien, parfois sombre, en y mettant un plus d’amour, et puis de s’engager sur un chemin sérieux de formation, qui comprend aussi un aggiornamento en sciences humaines, ce qui peut nous aider dans notre mission.
mac@cgfma.org
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Le sel de la terre de Wim Wenders, J. Ribeiro Salgado Stati Uniti, 2014
Mariolina Parenter
“Le chef d’œuvre de Wenders pour “représenter avec la lumière” les chefd’œuvres de Sébastiao Salgado. De Cannes à Rome, à ne pas manquer “– telle est en résumé l’appréciation experte de V. Sammarco. Une œuvre “écrite” avec la lumière et qu’il faut admirer en silence. Magnifiquement inspiré par la puissance de photographie du plus grand photographe contemporain, à la fois écologiste et humaniste, “le sel de la terre” est un document fort. Il retrace l’itinéraire artistique et humaniste du photographe brésilien et il est codirigé par Wim Wenders et Juliano Ribeira Salgado, le fils de Sebastião : une expérience esthétique inoubliable. Alternant l’histoire personnelle de l’artiste avec des réflexions sur son métier, le docu-film – primé en mai dernier dans “Un Certain regard” à Cannes – a un souffle intime et cosmique tout à la fois, une prière en dialogue avec l’âme de l’homme, son histoire, la nature et Dieu. Regarder les photographies de Salgado, qui, au cours des 40 dernières années a voyagé dans plus de 100 pays, en montrant les mille visages des Amériques, les mines d’or au Brésil, la famine au Sahel, le génocide du Rwanda, des hommes et des femmes au travail, et enfin la beauté spectaculaire de la nature non polluée, signifie non seulement connaître les peuples et les pays, d’autres hommes et d’autres femmes assez différents de nous, mais surtout se rencontrer soimême.
Une vie “d’images” : un film unique et passionnant Document” plus que documentaire, “le sel de la terre” transmet une vaste expérience émouvante, témoignage d’amour et de beauté destiné à laisser
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une marque profonde dans le cœur du spectateur. Le réalisateur en raconte ainsi la genèse : “je connais le travail de Sebastião depuis près de 25 ans, à partir de deux photographies incroyables que j’avais achetées et admirées sans savoir de qui elles étaient. Mais je le ne connais personnellement que depuis 5 ans. Il nous a donné rendez-vous à son bureau parisien et, ensuite, en commençant à parler de photos, nous avons découvert notre “passion commune”. Ensuite, un jour, il m’a demandé de réfléchir à l’idée de m’associer avec lui-même et avec son fils Juliano, pour raconter l’aventure extraordinaire que nous avons partagée. Plus nous parlions et plus je me rendais compte que je devais disparaître et laisser entièrement le devant de la scène à Sebastião lui-même et plus encore à ses photos. Son œuvre devait parler d’elle-même”. Le film est donc né de cette rencontre, mais il est codirigé par son fils qui, ayant accompagné son père dans tous ses voyages, a mis à notre disposition toute une vie d’images, d’entretiens, de conversations, d’arrière-plans d’Amazonie, d’Afrique, et d’Arctique de son père. Voyageur irréductible, celui-ci a exploré 26 pays et concentré le monde dans des images blanches et noires d’une simplicité sublime et d’une sobriété magistrale. Photographe humaniste, Salgado a raconté l’avidité de millions de chercheurs d’or au Brésil, enfoncés dans la plus vaste mine à ciel ouvert du monde Il a dénoncé les génocides africains, immortalisé les puits de pétrole incendiés au MoyenOrient, témoigné sur les métiers et l’univers industriel, perdu sa foi en l’homme devant les cadavres empilés au Rwanda. Il s’est ainsi immergé dans la réalité qu’il raconte et dont il reste profondément bouleversé. L’attention de Sebastião est consacrée aux gens, à leurs conditions de vie et de travail. Il les saisit dans
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POUR FAIRE PENSER L’IDEE DU FILM
LE REVE DU FILM
Le rapport cinéma-reportage: de la puissance lyrique, historique, humaniste de la photo de Salgado métrage au documentaire.
Si tu photographies la vie, tu dois donner de la dignité à tes sujets et tu dois t’abstenir d’entrer dans le cadre d’un certain voyeurisme (W.Wenders)
En suivant le photographe dans ses derniers voyages, et en l’écoutant de sa propre voix nous commenter ses clichés les plus importants, le réalisateur allemand, (palme d’or 1984 avec “Paris, Texas”), donne vie à une création qui alimente le cinéma comme le ferait une nourriture primaire : l’image. Mieux, comme “une image vraie”, la photo. Par l’œil de Salgado, il a su raconter les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation. Oui, photographier; Ecrire avec la lumière. Représenter. Bien peu ont su le faire, ou savent le faire comme lui, l’un des plus grands photographes parmi nos contemporains. Wim Wenders choisit de raconter à travers les reportages infinis qu’il a construits : il réalise un docu-film exceptionnel, une rencontre entre la photo et le cinéma. Un regard véritablement “moral”, sans illusions sur le monde et l’histoire; à travers la richesse inédite d’une production à la fois lyrique et documentée, recueillie et mise à la disposition de son fils Juliano, autour de tout ce que Sebastião a accompli. En revoyant ces clichés, on a l’impression de revivre toute l’horreur d’une humanité blessée, souvent à l’agonie, et cependant magnifique. Toujours capable de renaître et de se racheter.
Seul réussit celui qui travaille avec un sentiment profond de solidarité dans la confrontation avec les choses et les gens qui se tiennent devant toi. Peu de photographes y parviennent : ils ont tendance à déclencher rapidement l’image, dès leur arrivée, après quoi ils s’en vont. Sebastião ne travaille pas ainsi. Son œuvre témoigne qu’il a investi du temps dans chacune des situations où il a photographié, et vécu avec les gens qu’il met/ dans l’objectif. Il est2011 devenu MENSUEL JUILLET-AOÛT leur ami, partageant carrément leur vie. “Il travaille pour eux, pour leur donner une voix, affirme le réalisateur Wenders. Nous avons exécuté une bonne partie des prises en blanc et en noir afin véritablement de mieux intégrer ses photographies. On peut dire que le travail de reforestation au Brésil, c’est le résultat quasi miraculeux qu’il a réellement obtenu, qui a représenté une vraie joie pour Sebastião, après toutes les choses affreuses auxquelles il a assisté. Derrière chaque cliché de l’artiste il y a une histoire, une émotion et le film devient ainsi un document monumental et bouleversant où l’obscurité poursuit la lumière et vice-versa, dans une gamme de gris à travers la vie et la mort, le calvaire et l’espérance. Une œuvre vraiment fascinante. Inoubliable. ”.
des images en blanc et noir, qui semblent vraiment donner corps à ce que signifie la photo, dessiner avec la lumière. Ses photos sont des dessins “explosant” littéralement, submergeant d’émotion celui qui les observe. Le film cependant est construit comme un film politique, il offre au spectateur plusieurs perspectives ; il n’évoque pas seulement le talent extraordinaire d’un photographe très spécialisé, mais également sa relation touchante avec son fils et son histoire d’amour avec sa femme Leila. C’est grâce à elle qu’il s’est retrouvé avec entre les mains son premier appareil photo, découvrant ainsi sa propre vocation. Il construit une famille et partage tous les évènements, y compris sa dépression après avoir vu les horreurs causées par les hommes. Pour sa femme, il se reprend en réalisant son œuvre dernière et monumentale, “fonde l’agence “Amazonas Images” ; tout en
Genesi”. Il redécouvre l’écologie sur le plan artistique et avec les dernières tribus non contaminées par notre civilisation, il rétablit patiemment la reforestation de l’espace occupé par l’ancienne usine familiale. Il la transforme en un parc naturel, créant l’Institut Terre, le projet environnemental auquel il se consacre complètement. Un homme, en somme et un talent vraiment uniques; Wenders le sent : peut-être est-ce pour cela que son admiration fascinée pour son ami a pu se concrétiser en un film splendide. Un hommage fort à un chef d’œuvre non moins fort. Il aborde “l’homme” et sa “vie en images” avec respect et émotion, disparaissant littéralement derrière la caméra pour laisser parler les images. m.perentaler@fmaitalia.it dma damihianimas ANNEE LXII ■ Mars-Avril 2015
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AlessadroD’Avenie
Ce que l’enfer n’est pas Emilia Di Massimo . Le dernier roman d’Alessandro d’Avena, “ce que l’enfer n’est pas”, s’ouvre sur la description de Palerme à l’aube, vue du ciel avec les couleurs du premier réveil : alors, la lumière, encore floue, estompe les couleurs. et la rend encore plus éclatante. Face à ce spectacle en clair-obscur des toits et du reflet lumineux qui va jusqu’à la mer, Federico, le jeune héros du roman, songe à l’art du Caravage. Et le clair-obscur sera effectivement l’élément dominant du récit, introduisant tour à tour dans la vie des personnages des paysages d’espoir et de désespoir. Ici, dans cette ville pleine de richesses artistiques, gardienne de la tradition et de la culture antique, l’exploitation, les abus, les exactions, la violence ont pris racine
Une aide précieuse pour les éducateurs L’œuvre courageuse du père Pino Puglisi est consacrée à la prise en charge des jeunes les plus déshérités, enfants abandonnés et adolescents voués au vol et à la prostitution. Le père est possédé par la volonté, le désir, l’ambition ardente d’éteindre les flammes de l’enfer autour de ses garçons. Le roman cependant constitue une aide précieuse pour les éducateurs, en particulier parce que si le personnage de don Puglisi ne peut faire abstraction de sa profession de foi, cette foi est perçue par les yeux d’un adolescent laïc, Federico, qui porte le nom d’un souverain antique, et qui, comme le père, aime la littérature et la terre. Il a dix-sept ans et le cœur lourd de questions auxquelles la vie n’a pas encore répondu : peut-être est-ce à cause d’une telle réalité que la mission du père Pino est plus convaincante, et plus irrésistible son engagement à aider les plus faibles. Le père Pino voulait avant tout rendre à l’homme la dignité dont il était privé et à la mort la dimension tragique dont on la spoliait. Comme
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prêtre, il ne se perd pas en prédications vaines mais il fait adhérer les sacrements à la réalité ; c’est avec cette spiritualité qu’il accueille la confession de Francisco, laquelle se révèle une vraie catharsis, mettant fin à l’enfer que le garçon vit intérieurement.
Une vie nouvelle Réparer est bien plus héroïque que construire” affirme le père Puglisi à Serena, qu’il persuade de ne pas abandonner. Telle a toujours été sa mission, portée en avant avec ténacité et persévérance. Chaque éducateur peut se retrouver dans la passion pour les enfants laquelle transparait dans les mots et en particulier dans le témoignage de Don Pino. Le roman a une bonne part de vérité historique, et pas seulement en ce qui concerne le personnage du père Puglisi. En fait, le récit évoque la journée du le 23 mai 1992 (ndt : date de l’attentat à la bombe perpétré par la Mafia contre le juge Falcone). L’école se termine : un groupe de lycéens de Palerme font la fête dans la piscine, quand ils voient à la télévision les images du massacre de Capaci . Federico est l’un de ces garçons. Des mois plus tard, à la fin d’une nouvelle année scolaire, au moment où il se prépare à partir pour un mois d’études à Oxford, Federico rencontre “3P”, le professeur de religion. On l’appelle ainsi parce que son nom tout entier est père Pino Puglisi, lequel prend cela avec le sourire. “3P” lance au garçon une invitation à aller au Brancaccio pour lui donner un coup de main avec les enfants du centre. Quand Federico traverse le passage à niveau, il ne sait pas encore qu’à ce moment précis commence sa nouvelle vie, la vraie.
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.... Dans le coeur de Federico monte la sensation d’avoir découvert une réalité totalement étrangère, mais il se rend compte qu’elle le concerne de près. Le roman est aussi un texte formateur pour la croissance intérieure d’un adolescent. 15 septembre 1993, c’est le jour du cinquante sixième anniversaire du Père Pino.
C’est ce jour-là que le Père est assassiné.
Le père Pino voulait avant tout rendre à l’homme la dignité dont il était privé et à la mort la dimension tragique dont on l’a spoliait. Comme prêtre, il ne se perd pas en prédications vaines mais il fait adhérer les sacrements à la réalité ; c’est dans cet esprit qu’il accueille la confesison de Francisco, laquelle se révèle une vraie catharsis, mettant fin à l’enfer que le garçon vit intérieurement.
Une réalité complètement différente Ce soir là, il reviendra à la maison sans bicyclette, la lèvre fendue d’un coup de poing et avec la sensation de devoir recommencer à zéro : ce sera à partir de l’obscurité des ruelles, de la vie souvent désespérée et toujours dure de Francesco, de Maria, de Dario et de tant d’autres. C’est un enchevêtrement de liens contrôlés par des hommes pour qui le seul ordre à suivre est celui de ”Cosa Nostra”. Mais ce sont également des rues habitées par tant d’autres qui ne renoncent pas à croire en une vie différente qui les emmènerait loin comme le ballon, quand on l’envoie très fort sur le terrain de terre battue. Ce sont des rues où évolue Lucia, une fille aux yeux pleins de courage et de limpidité, qui a la hardiesse de regarder le monde et de ne pas vouloir fuir parce que le seul levain, pour un changement possible, est caché entre les mains de tout être qui ouvre d’autres horizons que la violence et la désolation.
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C’est aussi le jour où la beauté et l’espérance pour Palerme resteront entre les mains d’un jeune garçon. L’écrivain d’Avenia, étudiant au lycée où le Père Puglisi enseignait, a relevé le défi que la vie lui avait lancé : raconter les années terribles. Le portrait d’une ville pleine de contradictions et aussi merveilleuse, d’une société étouffée par le silence mais capable d’incomparables témoignages de courage. Avec l’émotion du témoin, Alessandro d’Avenia évoque le long été où tout semble immobile, même si tout se transforme, et il donne de nouveau vie à un homme extraordinaire, qui dialogue avec nous, la voix calme et jamais défaite, avec ce sourire qui ne s’est pas éteint même devant son assassin, avec le courage de celui qui, au moment même où il meurt, apprend comment vivre à celui qui reste, continuant à témoigner que “nous apprenons tout”.
Un roman courageux “Il nous enseigne tout. Par contre, l’amour, qui est la chose la plus importante et la plus difficile, personne ne l’enseigne. Et cependant si on ne l’apprend pas, on reste un “analphabète de la vie”. Un roman courageux, par lequel l’auteur rend hommage non seulement à la personne de don Puglisi, mais rappelle encore son amour pour le quartier Brancacico. Unissant le souffle antique d’une narration lyrique et l’intensité d’une invocation, le roman parle de nous et de la possibilité, si nous nous nous retournons, de regarder la vie avec les yeux des enfants, de reconnaître aussi au milieu de la poussière “ce que l’enfer n’est pas”. emiliadimassimo@libero.it
dma damihianimas ANNEE LX ■ JANVIER FEVRIER 2013
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Green music ou musique écologique : la musique vient en aide à notre planète Mariano Diotto
Durant ces dernières décennies une plus rande sensibilité concernant le respect de la planète a vu le jour et l’écodéveloppement durable de notre style de vie fondé sur la consommation. La « green economy » est née, elle s’occupe en particulier de l'impact sur l’environnement de l’extraction industrielle des matières premières, des produits manufacturés, de l’utilisation des éléments naturels comme l'eau. Des chaînes alimentaires Bio ont été créées et elles s’occupent de la production en milieux protégés de la pollution et avec l’utilisation d’énergies recyclables. Dans le monde de la musique existe aussi la «green music».
Qu’est-ce que la Green Music ? Le Music Group est un projet né de la onlus américana Reverb. C’est au niveau mondial l’union des musiciens, leaders du secteur et fans de musique qui utilisent le pouvoir collectif pour parvenir à un changement environnemental dans le monde en le diffusant à travers la musique. Pour le Green Music Group, donner le bon exemple signifie : intensifier le travail d'organisations afin de construire à l’échelle internationale une communauté vivante, engagée dans l'action de la sauvegarde de la Planète ; créer une communauté online qui rassemble des musiciens, leaders du secteur musique et passionnés de musique, tous engagés pour faire face aux grandes préoccupations écologiques; aider le public à avoir une conscience plus «green», grâce aux tournées d'artistes inter-nationaux, grâce à la production de vidéos virales (vidéos sur internet proposées
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par you tube, par exemple) ou la création de campagne publicitaire par les services publics. C'était le 1 février 2010 à Hollywood - Los Angeles, des artistes comme Dave Matthews Band, Linkin Park, Maroon 5, The Roots, Willie Nelson, Sheryl Crow se sont retrouvés pour le lancement officiel du « Green Music Group». Ce soir nous avons célébré un moment historique. Les leaders du secteur de la musique et les amateurs se sont unis pour participer à un changement significatif. L'association Reverb a aidé, chaque artiste, dans les derniers six ans, à rendre leurs spectacles green (écologiques). Nous voulions faire encore plus. Nos artistes, les salles de spectacles, les maisons de disques ont voulu aller de l’avant en nous invitant à prendre l'initiative et à continuer le chemin avec le Green Music Group", a précisé le chanteur Adam Gardner des Guster qui a fondé l'onlus Reverb avec sa femme, l’écologiste Lauren Sullivan. "Green Music Group répond à l'appel en utilisant la force collective de la communauté musicale pour apporter un vrai changement sur le plan du développement durable." Depuis 2004 Reverb a déjà sponsorisé 80 importantes tournées musicales, sensibilisant plus de 10 millions de fans de musique. Le groupe qui ne cherche pas à faire des profits a aussi collaboré avec des entités variées, à l'intérieur du monde de la musique, depuis les maisons de disques jusqu’aux stations de radio. "Green Music Group continue à partir de ce que l’Onlus Reverb a déjà accomplit : la création et la réalisation de projets standards écologiques précis dans des secteurs particuliers, constituant une communauté online dynamique dans laquelle les fans peuvent intervenir."
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Que veut dire rendre green la musique? Peut-être que nous ne nous en rendons pas compte mais, par exemple, la réalisation d'une tournée d'un chanteur crée une pollution ambiante énorme: la préparation de la scène, les infrastructures, les places assises, les déplacements avec les moyens de transport, (habituellement 4 ou 5 TIR) sont hautement polluants. Le rangement du matériel à la fin de la tournée demeure aussi un problème conséquent. Green Music Group, à la fin de la tournée, s’efforce de gérer au mieux le gaspillage énergétique, de recycler le matériel, de ramasser et centraliser les ordures accumulées devant les stades ou les places publiques et aussi il veut vraiment sensibiliser les jeunes aux problèmes de la sauvegarde de la planète
. Pour d’ultérieures informations et pour découvrir les initiatives de Grenn Music Group : www.greenmusicgroup.org
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Pour réduire les gaspillages et optimiser les ressources naturelles. A cette cause se sont joints des acteurs de renom comme Ellen Page, l'héroïne du célèbre film Juno ou des champions de basket du National Basketball Association (NBA) comme Jordan Farmar Les chansons qui parlent de la protection de l’environnement sont nombreuses : "Oceans, rivers, lakes and streams have all been touched by man.The poison floating out to sea now threatens life on land. Don't go near the water (Océans, fleuves, lacs et torrents ont tous été touchés par l'homme. Maintenant le poison flottant dans la mer menace la vie sur la Terre. N’allez pas près de l'eau"), chantaient les Beach Boys au début des années 70 dans la chanson Don't go near the water (N’allez pas près de l’eau) abordant le thème de la pollution de l'eau; mais aussi A Hard Rain's A Gonna Fall de Bob Dylan en 1963 qui parle de la pluie des déchets radioactifs à Cuba à la suite d'une explosion atomique; ou Michael Jackson avec sa Earth song en1995.
m.diotto@iusve.it
dma damihianimas ANNEE LXII ■ Mars-Avril 2015
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C’était une fois… le colloque
Mes très chères sœurs, le thème dont je veux vous entretenir cette fois-ci me tient à cœur autant qu’à vous parce que c’est un sujet brûlant ; je dois vous confier que si je n’en parle pas c’est parce qu’il me procure un malaise chaque fois qu’on me demande mon avis. Bien entendu nos Constitutions sont claires sur ce point, mais durant ce mois il m’est arrivé de recueillir deux confidences d’amies de vieille date et.... jugez vousmêmes si c’est permis ou non d’être embarrassé comme quelqu’un qui ne sait pas quels poissons choisir. Confidence de sœurs Orsola, directrice : Eh ! Chère Camille, le temps passe trop vite et la vie religieuse n’est plus ce qu’elle était. Prends le colloque, par exemple... il y a 15 ans j’avais une communauté de 40 sœurs et en un mois je réussissais à rencontrer toutes les sœurs, maintenant je suis dans une communauté de dix sœurs, je dis 10, les semaines passent sans qu’aucune ne se présente !....Il me semble sentir ton reproche : oui, c’est sûr, je ne reste pas seulement à les attendre dans mon bureau ! Je m’approche d’elles dans les moments les plus informels, et elles s’écartent de moi en plaisantant ; je vais les voir dans leur lieu de mission, mais elles sont trop prises par ce qu’elles font. Je laisse la porte de mon bureau ouverte, et tu peux être sûre que plutôt que de passer devant mon bureau, elles font le tour de la maison ; comme ultime recours je leur rappelle que c’est un point de notre règle
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mais elles me répondent qu’il y a des moyens plus modernes pour communiquer... Le problème, c’est qu’il n’y a plus le désir de dialoguer. Confidence de sœur Carlotta, responsable du patronage : “Allo, Camille... comment va la vie ? Tout irait bien s’il n’y avait cette femme bénie et sainte qu’est la Supérieure. Comme toujours elle a mille choses à faire (elle ...) et elle ne réussit pas à trouver un peu de temps pour ses sœurs ; quand il y a des laïcs à rencontrer, quand il y a quelqu’un à remplacer, quand il y a un congrès auquel il faut représenter l’Institut, elle est toujours prête ! Et puis, le jour où tu réussis à l’avoir près de toi une demiheure, soit elle fait du crochet, soit elle feuillette une revue ou elle dort à moitié, fatiguée de ses mille engagements...Le problème c’est qu’il n’y a plus le désir d’écouter. Comprenez bien, mes chères sœurs, je reste sur un dilemme : est-ce qu’il manque le dialogue ou l’écoute ? Ont-elles raison les directrices toujours “boycottées par les sœurs ou les sœurs à peine supportées par leurs supérieures? Peut-être la réponse est-elle dans un peu d’équilibre, qui ne gâcherait rien ! Soit d’un côté soit de l’autre ! Parola di C.
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