L’INNOSCLÉROSE « Diriger l'innovation, l'étrange paradoxe ».

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L’INNOSCLÉROSE Diriger l’innovation, l’étrange paradoxe

Process 1


Paris , 2017 La vision de l’innovation telle qu’on la connait est née à l’aube des révolutions industrielles. J’ai choisi d’orienter mes recherches sur les acteurs et lieux ayant choisi l’innovation comme pierre angulaire de leur pratique. Ce mémoire est le fruit de mes discussions et rencontres, depuis le quartier du Sentier (coeur des startups franciliennes) jusqu’aux grandes entreprises françaises. C’est avec ce regard et dans ce contexte précis que j’ai choisi de décrypter le phénomène « Innovation ».


L’INNOSCLÉROSE Diriger l’innovation, l’étrange paradoxe

2017 — Amory Panné, ENSCI - Les Ateliers sous la direction de Claudio Vandi, Numa


sommainre - [ l’innosclérose ]

L’INNOSCLÉROSE Avant-propos

06

Diriger l’innovation, l’étrange paradoxe

Préambule

12

Le sens du mot « innovation »

1 : L’interface visible de l’innovation Diagnostic 1 : Les espaces

26

Diagnostic 2 : Les outils

52

Diagnostic 3 : Les slogans

68

Diagnostic 4 : Les esthétiques

80

Diagnostic 5 : Les mythologies

92

Diagnostic 6 : Les protagonistes

110

Diagnostic 7 : Les organigrammes

128

Diagnostic 8 : Les méthodes

142

Diagnostic 9 : Les dispositifs

156


sommainre - [ l’innosclérose ]

Transition

168

L’innovation par essence

2 : La libéralisation de l’innovation Principe 1 : L’innovation en/un mouvement

198

Principe 2 : L’auto-gouvernance

212

Principe 3 : La performance par la convivialité

226

Principe 4 : La plénitude

242

Synthèse

252

Design-moi une culture

Sources d’inspiration & ressources

260


6·


AVANT-PROPOS

Diriger l’innovation, l’étrange paradoxe »


avant-propos - [ diriger l’innovation, l’étrange oxymore ]

Depuis quelques années, je me suis investi dans différentes expériences professionnelles dans l’univers de l’innovation. En 2013, j’ai participé à la réflexion qui a précédé l’ouverture du grand lieu d’innovation parisien, le Numa, quelques mois avant son ouverture. En quelques années, il est devenu un lieu incontournable pour les entrepreneurs. Par la suite, j’ai continué mon acculturation au sein d’Accenture, un cabinet de conseil international, où j’ai pu travailler sur différents projets liés au numérique. Dans la même lignée, j’ai développé mes compétences chez Fabernovel Innovate, une agence de conseil en innovation, où j’occupais un rôle d’UX designer. Enfin, plus récemment, j’ai co-fondé la start-up OuiSpoon, dans laquelle nous développons une plateforme web pour faciliter les rencontres entre collaborateurs. Ainsi nous nous attachons à amplifier la convivialité au sein de l’entreprise.

8· Ces expériences m’ont permis d’aborder l’innovation sous plusieurs angles et avec un regard différent à chaque fois. De nombreuses interrogations ont émergé au cours de ces différentes expériences et m’ont amené à me questionner sur la capacité des entreprises à innover. À ce moment là, j’étais plutôt du côté des «#innovateurs#», ces institutions qui ont donc pour vocation à conseiller et à accompagner la transformation dans les grandes entreprises. Je me suis demandé comment l’innovation pouvait s’immiscer dans les entreprises par d’autres voies que par celles que je connaissais déjà.


programmes innovation chez Numa, nous avons identifié un paradoxe entre le rôle de conseiller en innovation et la complexité des entreprises à vouloir innover, sans pour autant interpréter l’innovation d’une manière globale et à l’échelle de l’organisation. Alors, le parallèle entre les démarches de créativité et les manières de s’organiser s’est révélé. L’inno-sclérose en référence à la «#bureau-sclérose#» 1 , phénomène que Gary Hamel, président-fondateur de Strategos (cabinet international de conseil en management), explique par l’ajout de nouvelles surcouches de management dans les entreprises qui ralentissent les cycles de décisions. Toute velléité d’innovation et toute prise d’initiatives sont alors

avant-propos - [ diriger l’innovation, l’étrange oxymore ]

Fruit de discussions avec Claudio Vandi, directeur des

étouffées. Ainsi, nous avons imaginé «#l ’innosclérose#» comme un surplus de dispositifs à vocation de faire innover les salariés d’une entreprise tout en les freinant. · 9 Le phénomène de l’émergence des départements d’innovation et des espaces de créativité en fait partie et m’interpelle autour de leurs rôles et pratiques. J’essaie donc de comprendre comment les entreprises concrétisent ou favorisent les démarches autour de l’innovation. Une tension existe entre une vision de la créativité libérée, débridée, sans cadre et une vision organisationnelle de l’innovation dirigée et encadrée.

1

Surugue Lea, « Gary Hamel : La catégorie des managers va bientôt disparaître », Les Echos Business, 25 février 2017 https://business.lesechos.fr/directions-generales/strategie/idees/0211829287771gary-hamel-la-categorie-des-managers-va-bientot-disparaitre-306526.php


avant-propos - [ diriger l’innovation, l’étrange oxymore ]

Ainsi, je peux résumer mon intention par cette phrase#:

« Diriger l’innovation, l’étrange paradoxe. » Actuellement, nous pouvons voir l’émergence d’un nouveau métier#: «#Directeur de l’innovation#». Ce dernier est un enjeu stratégique pour l’organisation et devient le garant du changement. Dans l’objectif de mieux comprendre ses fonctions et son rôle, la réalisation d’un diagnostic m’a permis de cerner les démarches de construction de l’innovation dans les entreprises#: d’où provient l’innovation ? Est-ce une méthode, une culture ou un phénomène hybride ?

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Pour cela, j’ai décidé d’entreprendre ce vague sujet par une recherche concrète axée sur ce nouveau métier qui symbolise bien l’intérêt des entreprises à vouloir se structurer. Le profil «#Directeur de l’innovation#» me permet d’aborder le sujet par des éléments tangibles et me permet également de comprendre l’architecture et l’idéologie de l’innovation au sein des entreprises. Tout cela afin de me détacher de la vision externe que j’ai pu avoir lors de mes précédentes expériences. Je m’intéresse alors à la sémiotique de l’innovation: quels sont les signes qui permettent d’observer l’innovation dans les entreprises ? Aujourd’hui beaucoup de facettes différentes coexistent et j’ai souhaité illustrer ce panorama. Des visions hétéroclites ont marqué mon exploration terrain. Je retrouve alors cette tension entre une innovation plus souple, naturelle, audacieuse, et une innovation imposée, organisée et éphémère.


tefacts collectés durant mes recherches. L’innovation est souvent communiquée de manière idyllique par des théories ou méthodes. J’ai donc voulu prendre le contre pied en proposant un récit pragmatique et authentique sur l’innovation. Plus simplement#: partir du terrain pour comprendre comment elle s’installe dans le quotidien des entreprises. Sa face visible, comment elle se manifeste aujourd’hui ? Chaque élément dévoile un certain versant de l’entreprise, qui fantasme à pratiquer l’innovation. Des indices essaieront de nous éclairer sur le paradoxe et la controverse qui anime l’innovation#: doit-on la structurer ou au

avant-propos - [ diriger l’innovation, l’étrange oxymore ]

À travers ce catalogue, je présente et commente une série d’ar-

contraire la délaisser ? Dans l’espoir que ces pièces à conviction nous permettront de nous forger un avis à la question initiale que je me suis posée#: innover et diriger s’opposent-ils ? Bonne lecture.

· 11


12 ·


PRÉAMBULE

Le sens du mot innovation ~


préambule - [ le sens du mot innovation ]

Innover, c’est le quelque chose

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La proxemie d’innover Cartographie issu de www.cnrtl.fr


préambule - [ le sens du mot innovation ]

fait de rentrer dans de « nouveau ». · 15


préambule - [ le sens du mot innovation ]

Innovation par ci, innovation par là, un mot devenu « buzzword » au fil du temps, alors qu’il était déjà bien enraciné. Pour donner sens à ce terme il est commode de l’accompagner afin de le caractériser#: innovation technologique, innovation de produit, service, usage, innovation sociale, innovation de procédé et d’organisation, innovation marketing et commerciale, innovation de modèle d’affaires. Des rallonges à l’infini qui finalement aident à galvauder ce terme qui veut tout dire et rien dire à la fois. Tout n’est pas perdu encore. Il faut s’attacher à une autre caractéristique. La mesure de son degré de retentissement#: incrémentale, frugale, en rupture, adjacente, radicale. Ces notions font le parallèle entre des synonymes de l’innovation#: amélioration,

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changement, création, invention, nouveauté, révolution, transformation et découverte. Le terme innovation est assez obscur, il regroupe des réalités différentes en fonction des personnes qui l’emploient. Auparavant, l’innovation était plutôt synonyme de progrès. Tout le monde parle d’innovation aujourd’hui et elle est devenue populaire. Mais est-ce que tout le monde parle de la même chose ? Chacun en fait sa propre interprétation jusqu’à en créer des confusions. Le manuel d’Oslo 1 a émis une définition qui s’est installée comme une référence officielle#:

1 OCDE, Organisation de coopération et de développement économiques, « Manuel d’Olso », Directives concernant la collecte et l’interprétation des données sur l’innovation, 3e édition, Paris, Editions OCDE, 2005


préambule - [ le sens du mot innovation ]

« Une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures. » — OCDE Définition stricte qui s’attache à exprimer l’innovation comme l’amélioration de l’existant ou alors comme une création pure et simple. Est-ce conforme au sens littéraire et originel ?

novō = Renouveler, rafraîchir, changer. — Étymologie latine

L’innovation vient du mot latin « #innovare » qui signifie revenir à, renouveler. Innovare est composé du verbe « novare » de racine « novus », qui veut dire changer, nouveau, et aussi du préfixe « in », qui indique un mouvement vers l’intérieur. 2 L’innovation est avant toute chose un « mouvement », donc un processus.

2

Source wikipédia

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préambule - [ le sens du mot innovation ]

L’étymologie du mot innovation nous apprend que l’innovation est un mouvement que l’on peut qualifier de processus 3, ce qui complète l’intention de l’OCDE : l’innovation possède aussi une dimension exploratoire. C’est un mot qui renvoie à une action, celle d’innover. Ses actions successives produisent un résultat concret et appliqué à un environnement, comme les arts appliqués, fondement du design. L’invention (ou sur le plan scientifique, la découverte d’un phénomène) ne suffit pas, la mise en place avec un résultat économique tangible est essentielle pour parler d’innovation. Plus récemment une intervention de Edwin Mootoosamy a fait écho à mes recherches afin de définir l’innovation autrement#:

«Aujourd’hui, on voit ce concept d’innovation émerger sans vraiment savoir ce qu’on met dedans. C’est encore très flou. Mais il y a un engouement derrière ce terme parce qu’il y a une volonté de penser un futur différent, peut-être plus enviable – c’est en ce sens que l’innovation semble être un concept intéressant»

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— Edwin Mootoosamy, cofondateur de OuiShare 4

3

Chaumartin Patrick, « Note sur l’innovation », Admomen, 19 janvier 2015

4

Mootoosamy Edwin et Deslandes Mathieu, “L’innovation est un mythe”, Rue 89,

http://www.inside-management.com/wp-content/uploads/Note_Patrick_Chaumartin 11 décembre 2016


immiscée comme si, tout d’un coup, l’innovation était devenue une affaire de conviction.

« L’innovation, c’est donc une vision du monde ? Non, c’est ce qui pousse au mouvement, c’est le moyen de parvenir à cette vision. »

préambule - [ le sens du mot innovation ]

Cela m’a interpellé#: une notion du futur souhaitable s’est

— Edwin Mootoosamy, cofondateur de OuiShare 5 L’innovation est également devenue un état d’esprit, une philosophie. Elle propose une notion de surpassement et d’implication de sa raison d’être.

«L’innovation c’est la mise en mouvement, reste à définir vers quoi» — Edwin Mootoosamy, cofondateur de OuiShare 6 Innover c’est agir. Et agir, c’est faire. Faire sans connaître l’issue, inviter à l’exploration et à se risquer.

« Si tu n’échoues pas de temps à autre, c’est le signe que tu ne fais rien de très innovant » — Woody Allen

5

Ibid.

6

Ibid.

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préambule - [ le sens du mot innovation ]

Difficile de définir un sens universel mais pour la suite de mon mémoire je tenais à préciser que l’innovation n’est pas un élément rationnel dicté par des repères. L’innovation est devenue un art de travailler, chacun s’en approprie son potentiel. L’innovation comme une dynamique, l’innovation comme une caractéristique. Ces deux aspects se complètent et interagissent ensemble. Ils sont indissociables et vont être manipulés par différents profils, différentes professions, différents univers, ce qui a amené à traduire l’innovation en deux typologies. D’abord par une innovation du coeur de métier par l’expansion de l’activité actuelle. Puis par une innovation de nouveaux axes de croissance par la recherche de nouveaux segments.

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Il y a souvent un équilibre à trouver entre les deux et on parle aussi d’innovation disruptive versus incrémentale 7. Les entreprises cherchent à s’emparer de ces approches de l’innovation en agissant sur un curseur entre des créations adjacentes ou de rupture, tout en gardant une harmonie à leurs histoires et métiers. Plus concrètement, au cours des rencontres que j’ai faites, j’ai pu établir trois positionnements complémentaires d’entreprise et non discordants qui permettent de saisir l’innovation plus aisément et de définir un repère#: L’innovation comme un objectif d’image par le biais de «#petites#» innovations servicielles et de divertissement à destination de la clientèle. (innovation ludique)

7

Joseph-Dezaize Gabriel, « Le must de l’innovation. Dix thèses révolutionnaires pour s’adapter à un monde en mutation », Harvard Business Review France (hors-série), Prisma Media, Paris 2016, p. 22 (voir matrice ci-contre)


tés de l’entreprise par l’amélioration de l’existant. (innovation incrémentale) L’innovation comme faculté à s’ouvrir à de nouveaux terrains par l’exploration de nouveaux enjeux. (innovation disruptive) L’innovation pousse beaucoup d’acteurs à l’action, ce qui en fait un phénomène qui s’introduit dans les entreprises. La

préambule - [ le sens du mot innovation ]

L’innovation comme moyen de mieux réaliser les activi-

complexité de l’innovation s’incarne et se diffuse dans les strates des organisations par différents moyens plus ou moins palpables. Des espaces aux protagonistes et aux organigrammes en passant par les mythologies, entre autres, la première partie est consacrée à la formalisation de l’innovation et continuera de définir le sens de l’innovation qui finalement évolue et se construit constamment. · 21


préambule - [ le sens du mot innovation ]

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Notoriété de l’innovation Évolution du nombre d’apparition des termes «coworking», «fablab», «hackathon», «design thinking» utilisés pour incarner l’innovation en France depuis 2004 sur Google. (réalisé avec Google Trends).


prĂŠambule - [ le sens du mot innovation ]

¡ 23

coworking fablab hackathon design thinking


L’interface visible de l’innovation ~


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26 ·


Les espaces 1


diagnostic 1 - [ les espaces ]

Open space, coworking, télécentres, hackerspace, fablab, etc. 28 ·

Ces dernières années, nous avons vu la prolifération des espaces de créativité en tous genres. Dans ce chapitre, nous allons étudier le lien entre les espaces et les manières d’appréhender la création. Les lieux façonnent notre manière de collaborer et de travailler. Ainsi, le cadre qui nous entoure devient un critère dans l’aptitude à innover pour chaque individu. Favoriser, influencer, générer ou à l’inverse, contraindre, conditionner. Les environnements dessinent nos actions et réactions. Les espaces reflètent l’idéologie prônée par les personnes et incarnent les méthodes de travail. Tour d’horizon des typologies d’espace en mutation.

— Pour les graphes ci-après. Formel : Qui est formulé avec précision, excluant toute incertitude, toute ambiguïté. Organisé : S’occuper de chacun des éléments d’un ensemble de façon à constituer un tout cohérent et adapté à sa destination.


diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Noisebridge Hackerspace anarchiste et pédagogique implanté à San Francisco. © blogspot.com

formel

organisé


diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Makerhouse par Seed-up Maison dédiée à la bidouille (hacking) où cohabitent espaces de travail et lieux de vie puisque les résidents y vivent. © Seed-up

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Le Square Ancien garage Renault réhabilité en Living Lab accueillant différentes organisations publiques et privées tel que le collectif OuiShare.

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Numa Tiers-lieux comprenant un accélérateur, un espace coworking, des salles de créativité, un bar. © Sylvain Cambron

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Le Plateau Incubateur de la Société Générale. © www.journaldunet.com

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Open Mind KFE Creative room où sont organisées des séances de créativité#: «##Les espaces qui changent l’entreprise#»# (slogan). © openmindkfe.fr

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Google Office Bureau emblématique d’une entreprise technologique. © Pinterest

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

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iLab par Air Liquide Atelier de prototypage rapide plus connu sous l’anglicisme fablab © Air Liquide iLab

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

GreenHouse par Deloitte Laboratoire d’innovation d’entreprise, parfois dénommé Innovation Center. © Deloitte

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organisé

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Steelcase WorkSpace Futures Schéma du centre d’innovation modulaire imaginé par Steelcase. © Steelcase Inc.

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organisé


diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Flex-office Espace de travail de Knoll similaire à celui de Sanofi. © Knoll

formel

organisé


diagnostic 1 - [ les espaces ]

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TechLab par Accenture Interactive Techlab, centre de R&D (Recherche et Développement) organisé sous forme d’un showroom et présentant un panel d’objets futuristes et diverses technologies. © Accenture Youtube

formel

organisé


«#Numa est le point de ralliement des optimistes qui rêvent de bâtir des nouveaux mondes et osent s’y essayer.#»#, extrait de son livre blanc 1 . Difficile de cerner ce lieu si atypique au vu de son évolution permanente. Finalement, on pourrait le compa-

diagnostic 1 - [ les espaces ]

Numa

rer à un centre de convergence qui permet à une communauté hétéroclite d’exister et de se réaliser. Ce lieu a été conçu comme un carrefour d’échanges, de rencontres, un outil de travail. Rien n’est figé, du mobilier aux personnes, les espaces de coworking 2 se peuplent chaque matin par des travailleurs nomades divers. Cet espace est communément appelé un Tiers-Lieu 3 qui offre une manière très singulière de s’initier à l’innovation et surtout de la pratiquer. Modulable est le maître mot. Les différents espaces absorbent les différentes activités qui animent les journées qui ne se ressemblent jamais. Des espaces de travail collaboratifs permettent la mise en place d’ateliers éphémères. Des bureaux, où se regroupent les entrepreneurs indépendants ou en équipe, sont à leur disposition. Des espaces insolites et de détente s’articulent dans les recoins. Les espaces ne sont jamais dédiés à quelque chose en particulier et peuvent évoluer pendant la journée et même, disparaître momentanément. D’ailleurs, il n’y a pas d’accueil mais bien un bar/café qui fait office d’entrée, tout est fait pour éviter de ressembler à de prosaïques bureaux. Finalement ce lieu s’efface au bénéfice des personnes qui le parcourent, sans pour autant être dépourvu d’identité. C’est la force de son programme qui en fait sa reconnaissance et chaque membre lui en est reconnaissant.

1

Paret Tiffany, Berdot Vincent, « Numa Contagious », Paris, 2014, p. 3

2

https://paris.numa.co

3

Burret Antoine, « Tiers-lieux. Et plus si affinités », FYP Éditions, Paris, 2015

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

Le Plateau par Société Générale À mi-chemin entre un espace de bureau et un Tiers-Lieu, Le Plateau 4 est une enclave installée dans l’immense siège de la Société Générale à Val de Fontenay. À première vue, un énième incubateur au style décontracté qui fait tâche dans l’harmonie neuve des bureaux qui l’entourent. Souvent cantonné à un simple vernis marketing de l’innovation et de l’esprit start-up sans pour autant être utilisé, le syndrôme de «#l ’espace showroom#»# est destiné à prouver que les grands groupes savent encore innover. Lors de sa visite, ce lieu m’a interpellé et m’a invité à me tromper. Il incarne un renouveau en jouant sur l’agrégation de différents profils et générations, sous un format libre et presque en autarcie. Des protagonistes internes et externes cohabitent dans la bonne humeur et se penchent sur leurs occupations respectives. L’espace

42 ·

propose simplement le partage d’un espace ouvert sur des valeurs communes. Finalement, ce lieu sert de prétexte pour faire rencontrer deux mondes, deux univers bien lointains. L’objectif n’est pas de forcer une collaboration ou de définir des enjeux business mais bien d’apprendre à vivre ensemble, s’observer, comprendre ses différences et apprendre les uns des autres. Une simplicité qui reflète l’envie de décloisonner les stéréotypes et de donner un air frais à une bureaucratie gelée.

Le flex-office par Sanofi L’avènement des open space a sonné avec les open desk. Fini les bureaux attitrés et les espaces à soi. Le futur du travail choisi par de nombreuses grandes structures passe par la fin de la sédentarisation des collaborateurs. L’utopie prônée#: un espace ouvert,

4

https://www.societegenerale.com/fr/le-plateau


pour favoriser le partage, la transparence et la mobilité. Cette configuration que connaissent certaines entreprises est un virage d’organisation et bouleverse la manière de travailler. Des atouts et des inconvénients sont pointés comme nous l’explique la visite des locaux de Sanofi par un journaliste de France Inter 5. Oui, pour la

diagnostic 1 - [ les espaces ]

libre et dynamique. Autrement dit, le bureau devient un cluster

création d’une dynamique afin de favoriser les échanges informels. Non, pour les espaces qui perdent leur sens et surtout n’incarnent plus leurs collaborateurs. Le bureau devient anonyme, impersonnel pour le bienfait de la collaboration mais une entreprise n’est-elle pas la somme de ses salariés ? Sens ? L’appropriation des espaces est importante afin que les salariés puissent se sentir bien et puissent se réaliser. Des zones de concentration, des zones d’interaction rythment l’organisation et les tâches de travail collectif et individuel de chacun. Flexibiliser l’entreprise est la ligne de conduite qui peut permettre l’émancipation des salariés. Le décloisonnement des bureaux est utilisé comme un substitut du décloisonnement des organisations. En quelque sorte, les entreprises changent l’architecture des bureaux faute de pouvoir changer leur architecture globale. Une sorte d’utopie qui se voudrait être le reflet d’une organisation qui reste figée et qui présente des anomalies. Ainsi, les limites du système apparaissent comme le retour d’expérience de certains collaborateurs dénonçant un silence plombant, détruisant donc toute spontanéité, étant pourtant l’objectif de départ. Un style qui fait sans doute référence à celui des bureaux excentriques de la Silicon Valley. Bien plus qu’une façade esthétique il en cache une complexité invisible. À l’image de Blablacar 6, une entreprise

5

Duvic Bruno, « Bureaux à la cool. Les nouveaux espace de travail » , France Inter, Mercredi 23 septembre 2015, https://www.franceinter.fr/emissions/un-jour-en-france/ un-jour-en-france-23-septembre-2015

6

https://www.blablacar.fr/blablalife

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

française décomplexée qui propose un modèle souple avec 50% d’espace informel et 50% d’espace de travail. La flexibilité est la capacité à laisser les individus choisir dans la diversité.

Les tiers-lieux historiques L’effigie de l’innovation s’est construite avec une image chaotique, brouillonne, à l’image des entrepreneurs installés dans leur «#garage#». Un anticonformisme assumé qui s’est révélé au travers de Tiers-Lieu, d’hackerspace, de coworking space. Ces lieux, organisés sur un modèle en open space (une pratique apparue dès 1960 pour aplatir la hiérarchie), véhiculent un désir d’émancipation et de révolution. Les espaces d’innovation ont alors été imaginés en opposition aux espaces de bureaux traditionnels et à la bureaucratie. Au lieu de définir un espace par la personne qui l’occupe

44 ·

(exemple#: bureau de direction, bureau de Mr. X ou Mme. Y), les espaces sont définis par l’usage qu’on y fait indépendamment du poste que l’on occupe dans la hiérarchie. L’espace cesse d’être le reflet de l’organigramme pyramidal. Aucune règle n’est exigée, aucun espace n’est figé, un Tiers-Lieu ne se définit pas par ce qu’il est, mais pour ce que l’on en fait. Les personnes qui ont dessiné ces espaces s’intéressent aux interactions de leurs usagers et ne cherchent pas à les contraindre à une utilisation unique et standard du lieu. Offrir une multitude de formes et d’installations permet d’envisager différentes positions et de décupler le champ des possibles. Ainsi, les personnes utilisant ces espaces lors de séances de travail peuvent jongler entre des sessions en autonomie dans des espaces plus confinés propices à la réflexion individuelle#; des sessions collaboratives grâce à des espaces plus vastes équipés de paperboard afin de favoriser les échanges et les contributions ou des sessions de présentation (pitch) par un espace plus formel et scénique.


créer une hygiène de collaboration#»# préconise Erwan Legrand, un facilitateur du Vaisseau, un nouvel espace de travail et le siège de l’alliance R9. Les Tiers-Lieux se sont bâtis autour de ce principe#: construire un lieu de vie et non uniquement de travail pour leur communauté. À première vue, un désordre ambulant caractérise

diagnostic 1 - [ les espaces ]

«#Au lieu d’installer des méthodologies, nous avons cherché à

ces lieux mais, pour tous ses membres, ce désordre n’en est finalement pas un.

Les tiers-lieux d’entreprise Les entreprises ont développé une vision plus nuancée et officieuse des espaces d’innovation en introduisant des labs au sein de leurs structures. Des espaces «#cool »# et plus informels aux showrooms étincelants. Ces espaces d’innovation corporate sont davantage à leur image en abordant un style plus «#professionnel#»#. Toutefois, elles jouent les codes des hackers tout en développant un état d’esprit plus contrôlé et plus raisonnable de l’innovation. Une ambivalence mi-désinvolte, mi-sérieuse qui fait naître un mouvement de la «#bureaucratie de l’innovation#»#. Cette notion montre que les entreprises utilisent des dispositifs ambidextres 7 afin d’instaurer une dynamique créative tout en voulant respecter le cadre de leur structure. Steelcase, une entreprise spécialisée dans le mobilier de bureau et aménagement d’espaces de travail, l’a compris en imaginant un modèle d’innovation par un aménagement et une topologie de l’espace bien réfléchi, avec un style propre. Par cette esthétique contemporaine et une multitude de modules, une unité se dessine pour laisser place au travail des employés.

7

O’Reilly Charles et Tushman Michael, « The Ambidextrous Organization » , Harvard Business Review, avril 2004 https://hbr.org/2004/04/the-ambidextrous-organization

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diagnostic 1 - [ les espaces ]

« Le design intelligent du centre d’innovation évoluera en fonction des employés qui vivront et travailleront dans ce nouvel espace » 1 — Cherie Johnson, responsable du design chez Steelcase.

46 ·

1

Johnson Cherie, « Le nouveaux Q.I. Augmenter votre quotient d’innovation » , 360 Magazine N°7, Steelcase Inc, 2013, p. 53


diagnostic 1 - [ les espaces ]

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Le centre d’innovation idéal Idée de planification et d’organisation d’un centre d’innovation selon Steelcase. © Steelcase Inc.


diagnostic 1 - [ les espaces ]

• L’apogée du tiers-lieu • Des réflexions hybrides naissent et intègrent différentes composantes afin d’obtenir un équilibre. Ce mélange entre culture corporate du bureau comme lieu de travail et bureau comme lieu de vie a permis de créer une symbiose enrichissante avec la sélection de différentes attitudes de part et d’autre. Le lieu n’est pas la seule préconisation mais sa population jouera un rôle majeur permettant de décloisonner l’ordre établi par le poids de l’organisation. Des zones flexibles ont permis d’insuffler un positionnement vertueux à mi-chemin$: les incubateurs pour favoriser des démarches d’initiatives collaboratives et les fablabs pour encourager des démarches d’expérimentation. Des alternatives que l’on pourrait qualifier de modérées par le fait qu’elles jonglent et flirtent avec les codes d’entreprise et les

48 ·

stéréotypes des start-ups. L’aménagement des espaces transmet des signes bien plus larges que ceux d’ordre fonctionnel. Ils sont porteurs de sens par son mobilier, à l’image de l’emblématique table de ping-pong passée d’un élément pratique, ludique, économique par ses capacités multiples, à devenir une icône et un symbole de l’entreprise innovante par excellence. «$L’espace a son importance. C’est lui qui modèle le comportement des individus et sert de tremplin à l’innovation.$»$ 8 disait Sara Armbruster, Vice-présidente de Steelcase WorkSpace Futures et de la stratégie de l’entreprise, ce qu’il fallait démontrer (apparemment).

8

Armbruster Sara, Ibid. p. 33


de ce type d’espace. Ils sont même devenus une norme, une obligation. Ces espaces sont explicites et montrent l’attrait à vouloir construire des espaces plus fluides, plus flexibles moins standardisés, bien que souvent rattrapés par des désirs d’unifier. Ainsi un phénomène de «$corporatisation$»$ des Tiers-Lieux est en marche.

diagnostic 1 - [ les espaces ]

C’est de plus en plus rare de voir des entreprises non dotées

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The Eleven « Rules of the garage » Pancarte affichée à l’entrée du l’incubateur « Le Square ».


52 ·


Les outils 2


diagnostic 2 - [ les outils ]

Chaque métier possède ses outils afin d’exercer plus facile54 ·

ment jour après jour. L’innovation s’est alors construite une boîte à outils afin d’aider chacun d’entre nous à développer son potentiel d’innovateur. Des facilitateurs de créativité, depuis les outils de partage de connaissances jusqu’aux modèles prêts à remplir, une multitude d’instruments permet de se saisir de l’innovation de façon ludique.


diagnostic 2 - [ les outils ]

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Facebook’s Little Red Book Livre d’entreprise remis aux nouveaux salariés © Office de Ben Barry, LLC


diagnostic 2 - [ les outils ]

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Post-it Outil de brainstorming © Silicon Sentier / © 3M


diagnostic 2 - [ les outils ]

Les canevas Tableau permettant de résumer un projet d’innovation sous différents aspects (économique, design, technique). © Strategyzer Références emblématiques : « Business Model Generation: A Handbook for Visionaries, Game Changers, and Challengers » « Value Proposition Design: How to Create Products and Services Customers Want »

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diagnostic 2 - [ les outils ]

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Adobe Kickbox Kit d’innovation autonome et opensource. Quiconque peut l’utiliser pour créer et affiner de nouvelles idées en fonction de ses 6 niveaux distincts. © Adobe


diagnostic 2 - [ les outils ]

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Lego serious play Outil de simplification d’atelier en utilisant les compétences visuelles, auditives et kinesthésiques. © Lego serious play


diagnostic 2 - [ les outils ]

La Box Léonard par la SNCF Boîte à idées numérique qui a vocation à accueillir des idées recentrées sur des enjeux

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locaux et métiers © SNCF

Dream café par Orange Kiosque numérique permettant l’échange et le débat sur des sujets et thématiques divers © Orange https://dreamcafe.orange.fr/


diagnostic 2 - [ les outils ]

Le Neuro par l’alliance R9 Monnaie locale favorisant le partage de compétences © Anuhi Lou

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diagnostic 2 - [ les outils ]

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75 Tools for creative thinking Jeu de carte référençant de nombreuses techniques de créativité © Bispublishers


«#Focus on creative innovators, not innovation#»# (Focus sur les innovateurs créatifs, pas sur l’innovation) 1 résume bien les intentions d’Adobe, organisation créatrice de cette box. Un «#lâcher prise#»# organisé à la perfection. Kickbox est un nouveau proces-

diagnostic 2 - [ les outils ]

Adobe Kickbox

sus d’innovation. Il est conçu pour accroître l’efficacité à innover, accélérer la vitesse de l’innovation et mesurer les résultats de l’innovation. C’est un outil qui est loin de l’obstination à rechercher des idées mais plutôt à mettre en valeur la démarche d’un porteur de projet. Une approche plus sensible et humaine à première vue mais qui détonne dans l’autonomie laissée (volontairement) aux collaborateurs. Faire différemment, engager, motiver et accompagner rythme le parcours pour les plus courageux et audacieux afin d’obtenir le sésame, une secrète Blue Box. Cette initiative reflète un paradoxe entre une innovation légère, exploratrice et non contrôlée mais tout de même liée à un procédé bien ficelé et structuré. Peut-être est-ce cela la clé du succès#: l’innovation en kit et à monter soi-même. Pourquoi pas ?

La box Léonard SNCF propose une nouvelle démarche d’innovation dite participative. Lancée en 2013, cette boîte à idées numérique permet à chaque agent de proposer des idées centrées sur des problématiques locales et des métiers. Cette approche est donc dédiée au périmètre des entités et vise à déployer des innovations incrémentales. La plateforme Léonard a été conçue comme un levier de management qui permet de stimuler l’esprit d’initiative, la collaboration au sein des équipes et l’engagement des collaborateurs.

1

https://kickbox.adobe.com/

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diagnostic 2 - [ les outils ]

Cette démarche n’est pas obligatoire et seules les entités qui le souhaitent sont invitées à s’engager par le biais de leurs managers qui peuvent l’intégrer à leur démarche managériale. Le prétexte d’innovation permet alors d’activer une transformation de l’entreprise petit à petit. Néanmoins le contexte reste encore très bureaucratique avec un processus bien rôdé et précis#: du dépôt de l’idée à la réalisation de celle-ci en passant par un comité de décision. Le cheminement est simple#: un agent déclare une intention, son manager la valide et la soumet aux experts et décideurs. Puis, un chargé de mission se charge de la réalisation, pour finalement la clôturer par un second décideur qui analyse l’impact de l’idée pour décider de la gratification de l’auteur ou des co-auteurs.

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La SNCF incarne une démarche d’innovation bien structurée et promet des gratifications pour encourager l’engagement. Un processus toujours soumis à une hiérarchie et on se demande même si l’aspect «#participatif#» n’est pas qu’un simple mirage. Nous pourrions tout de même nous consoler si l’idée est reprise dans «#La boîte Léonard Collector#»# au niveau national, une belle reconnaissance. Cet outil permet de donner des zones de liberté non négligeables dans une organisation immense qu’est la SNCF. Cela nous démontre une de fois de plus l’intention de rationaliser l’innovation de bout en bout, déraillement proscrit.


Quand la société Facebook a grandi, elle a fait face à de nombreux défis. L’un d’eux était d’expliquer la mission, l’histoire et la culture de l’entreprise aux nouveaux employés. L’importance du partage d’une vision commune comme on a pu le comprendre avec

diagnostic 2 - [ les outils ]

Facebook’s Little Red Book 2

le mission statement, était la motivation à éditer cet outil, permettant d’embrasser l’ensemble des éléments qui avait construit l’entreprise depuis sa création. Chaque nouvel employé reçoit donc cet ouvrage. Étrange pour une société technologique qu’est Facebook d’utiliser ce média old school. Cela prouve un intérêt certain pour transmettre un esprit de travail pas si futile finalement. L’innovation s’efface aux bienfaits d’une approche subtile par la culture d’entreprise et par la transmission des valeurs. · 65

L’ustensilisation de l’innovation

« Creative is not a talent, is the way of operating » — John Cleese Je suis intrigué par cette citation car elle place la créativité comme le résultat d’une procédure et non comme un élément inné et propre à chacun, comme on pourrait le croire initialement.

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http://benbarry.com/project/facebooks-little-red-book


diagnostic 2 - [ les outils ]

Le rôle d’outil prend alors tout son sens et reflète la volonté d’opérer par un cheminement ordonné. Outil après outil, l’innovation en est alors dépendante. Ainsi, leurs utilisations reflètent les aptitudes d’une entreprise à innover et à sortir du cadre. C’est alors que le déferlement des toolbox ou des playbook, ces sortes de livres de recettes à innover, sont apparues. L’innovation s’est construite un corpus à la fois théorique et méthodique. Un raisonnement logique et rassurant pour les entreprises. Les méthodes telles que le design thinking ont donné naissance à d’innombrables ustensiles qui sont devenus indissociables à l’innovation. Cette volonté rime avec notre besoin de prédire, prévoir, contrôler la surprise. Une pseudo-liberté étrange animée par une panoplie d’outils.

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L’âge de l’ustensilisation de notre capacité à innover a sonné.

« You are about to enter the world of creative thinking. A world where you can maximise your skills to reflect, analyse, associate and use your intuition to come up with new ideas. These tools will help you and your team to be creative in any situation or problem you may encounter. Good Luck ! » . — Facebook


l’outil n’est pas une finalité en soi, c’est un moyen de réflexion pour ses utilisateurs. Des outils plus au moins rigides ou flexibles permettent d’encourager la créativité et l’exploration. À l’image de l’emblématique post-it, un outil basique, et pourtant, un art s’est développé autour de lui en définissant des principes universels. Un

diagnostic 2 - [ les outils ]

Bien qu’utile pour rendre l’innovation palpable et pragmatique,

sacré paradoxe qui démontre que c’est bien l’attitude accordée à un outil qui prime avant tout. Alors des outils plus abstraits peuvent se dévoiler au travers de performance. «#Getting out of the building#»# fait écho aux outils plus spontanés et peut-être plus empathiques. Est-ce peut-être cela le but ultime d’un outil ?

• Tout un tas d’outils • Le parallèle au monde de la cuisine est tentant. La recette de cuisine nous donne les indications étape par étape. Avant cela, il a fallu trouver l’inspiration. Alors quoi de plus simple que de piocher dans le dernier bouquin de cuisine tendance «$Simplissime$: le livre de cuisine le + facile du monde$»$ 3. Alors imaginons un livre pour l’innovation$: «$Simplissime$: le livre de l’innovation le + facile du monde$»$. Vous allez rétorquer que tout est dans la cuisson ! Et ce n’est pas faux car tout grand chef qui se respecte maîtrise totalement cette étape$: elle fera de la recette une réussite. Cette analogie est caricaturale bien sûr mais elle démontre bien ce désir de délivrer une innovation par des modes d’emploi et, à défaut, on dira que vous n’avez pas suivi correctement la méthode.

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Mallet Jean-François, « Simplissime : le livre de cuisine le plus facile du monde » , Hachette Pratique, Paris, 2015

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Les slogans 3


diagnostic 3 - [ les slogans ]

Depuis une dizaine d’années, l’innovation a été mise sur le 70 ·

devant de la scène. Cette mise en avant nous permet de comprendre comment les entreprises et le public s’en emparent. Un vocabulaire souvent constitué d’anglicismes qui illustre la construction de l’innovation avec une inspiration plutôt américaine. Nous allons voir comment des phrases se sont installées au fil de temps comme un langage autour d’une créativité démesurée et utopique qui contraste avec les intentions des organisations à vouloir processer les méthodes innovantes. À travers des citations, des images et des buzzword, une propagande s’est immiscée au coeur des entreprises. L’innovation s’est industrialisée et elle s’est dotée de représentations métaphoriques. Bullshit ou vérité ? A vous de voir ! Voici une rétrospective des phrases et images cultes qui racontent l’innovation d’aujourd’hui.


— MIT Tic tac, tic tac… Deux semaines est le temps laissé pour faire vivre un projet selon le MIT. Pas de place aux parleurs

diagnostic 3 - [ les slogans ]

Demo or die

l’instantanéité est mise à l’épreuve. Le voir de ses propres yeux est l’unique loi. Solution sinequanone, bonne chance.

Quick & dirty Solution imparfaite qui prône la rapidité et la grossièreté afin d’oser et apprendre au fur et à mesure. Il ne faut pas l’opposer à l’exigence et au perfectionnisme, c’est avant tout une manière de se réaliser par des itérations concrètes pour en aboutir à une finalité intelligible.

Out-of-the-box La pensée créative est donc là. S’éparpiller, se perdre, sortir des sentiers battus est maintenant reconnu par la société. S’échapper du cadre est devenu une activité commune pour lutter contre les idées reçues. Un sacré soulagement.

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diagnostic 3 - [ les slogans ]

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Ouvrages emblématiques Sélection de couvertures © Amazon


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diagnostic 3 - [ les slogans ]

Fail fast and cheap. Fail often. Fail in the way that doesn’t kill you. — Seth Godin « L’échec et mat » est obsolète. Chaque erreur ouvre à un rebond inimaginable, alors qui ne tente rien n’a rien, pas vrai ?

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Sharing is having more La vertu de la collaboration. Ajouter des collaborateurs n’additionne pas leur potentiel mais le décuple tel un super pouvoir. 1+1=3

Bad is good C’est le monde à l’envers, la nullité n’est pas un critère discriminant mais positif. Toute erreur est un nouveau point de départ.


Depuis des décennies, les entreprises ont défini leur stratégie par leur coeur de métier. Des phrases pragmatiques et claires illustrent leur vision et leurs objectifs d’une manière bien délimitée. Pourtant, aujourd’hui, le phénomène de disruption qui

diagnostic 3 - [ les slogans ]

La boussole stratégique

peut surgir sans prévenir, a amené à réfléchir autrement et plus sensiblement. Toutes les grandes entreprises se sont dotées d’une punchline, une sorte de devise spirituelle permettant de communiquer cet horizon lointain qui représente le but ultime. Le mission statement est un élément important qui permet d’incarner la vision, l’ambition et la raison d’être de l’entreprise. L’appropriation de ce fil conducteur en devient essentiel. D’auprès Louis Moullard, analyste chez Fabernovel Innovate, «#le mission statement est la boussole stratégique dans un monde en changement permanent#»# 1 . Projeter l’entreprise dans un futur souhaitable. S’affranchir d’une logique fondée sur une vision sectorielle et sur ses compétences pour se réinventer en continu ; tel est le rôle de cette phrase pas si anodine. Manager prend alors un tout autre sens et devient une affaire presque humaniste. « To give people the power to share and make the world more open and connected. » — Facebook « To organize the world’s information and make it universally accessible and useful. » — Google « We seek to be Earth’s most customer-centric company for four primary customer sets : consumers, sellers, enterprises, and content creators. » — Amazon

1

https://www.fabernovel.com/insights/economie/le-mission-statement-la-boussolestrategique-dans-un-monde-en-changement-permanent

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diagnostic 3 - [ les slogans ]

« To refresh the world; to inspire moments of optimism and happiness; to create value and make a difference. » — Coca-Cola « To bring inspiration and innovation to every athlete in the world. If you have a body you’re an athlete. » — Nike « Provide branded products and services of superior quality and value that improve the lives of the world’s consumers, now and for generations to come. » — P&G « To inspire and nurture the human spirit – one person, one cup and one neighborhood at a time. » — Starbucks « To give everyone the power to create and share ideas and information instantly, without barriers. » — Twitter « To provide the best customer service possible. » — Zappos « A world where you can Belong Anywhere. » — Airbnb

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Le cas Bouygues Construction Lorsqu’une multinationale du bâtiment change son slogan «#Bâtir une ville meilleure#» pour «##L’innovation partagée#»# 2 cela peut paraître intriguant et cela reflète également une forte volonté de changement. Le lien avec le coeur de métier a d’ailleurs disparu et laisse place, volontairement, à une notion plus vague. La stratégie de l’entreprise essaie de faire passer un message d’ouverture, sortir d’un rôle de simple constructeur et trouver de nouvelles routes adjacentes. Un changement de posture est marquant avec le passage de «#une ville meilleure#»# à «#partagée#»#. Cette transformation dévoile l’intention de l’entreprise de passer d’une réflexion pyramidale à une réflexion collective. Cela peut paraître banal mais l’intention

2 http://www.bouygues-construction.com/


la manière de travailler et dans le management. Bouygues est une entreprise historique qui s’est fondée sur une structure traditionnelle et possède une image d’entreprise administrative. Ce nouveau mission statement dévoile une nouvelle approche par la diversification des activités et par la collaboration avec l’éco-

diagnostic 3 - [ les slogans ]

de l’entreprise change et provoque forcément des impacts dans

système. Bouygues ne se considère plus comme une enseigne de construction classique avec des sous-traitants mais comme une plate-forme permettant à tous les protagonistes de chantiers d’opérer ensemble. Cette analyse montre comment l’innovation est communiquée en interne#: chaque mot a son importance. L’innovation est souvent une question d’action concrète mais pouvoir bénéficier d’une ré-interprétation à un niveau stratégique et global permet la réinvention de l’organisation dans un monde en changement · 77

perpétuel.

• L’innovation washing • Le mot «$innovation$» est de plus en plus présent dans la communication officielle des entreprises. Cette volonté de voir loin s’est alors développée, l’innovation est devenue un objectif, une destination à relier pour aller vers un futur plaisant, croissant. L’innovation est adossée à une image d’intérêt général mais l’objectif reste de faire des profits par cet impératif de renouvellement à satisfaire. Un dilemme s’installe entre l’instauration d’un climat bienveillant, créatif au service des employés à une spiritualité biaisée, déconnectée d’une véritable culture dans l’entreprise, mais ô combien vendeuse. Cette communication audacieuse vers l’extérieur peut être un simple mirage mais cela démontre bien que les entreprises se tournent vers le futur…


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Dolorean Voiture volante issue de la science-fiction « Retour vers le futur » © www.wallpapersxl.com


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Les esthĂŠtiques 4


diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

Différentes représentations de l’innovation cohabitent. Ainsi, 82 ·

les manières de communiquer sur l’innovation sont différentes selon que l’on se place du côté de l’entreprise, de la marque, du produit, ou, pour finir, du côté des tiers-lieux qui ont pour vocation de favoriser l’innovation sur un territoire. De la caricature à l’extravagance, les idéologies de l’innovation s’incarnent par une multitude d’esthétiques, tour d’horizon visuel de l’innovation corporate, industrielle et «#sauvage#»#.


diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

Images associées au mot « innovation » sur Google Capture d’écran d’une recherche image via google.fr

PowerPoint par Microsoft Logiciel informatique de mise en page proposant des templates et des cliparts

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diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

Accenture Digital, entreprise internationale de conseil 84 ·

Site internet, capture d’écran


diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

Numa, réseau mondial de l’innovation qui accompagne startups, entreprises, et communautés, dans leur développement Site internet, capture d’écran

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diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

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The Family, entreprise dont le but est de promouvoir l’émergence d’un écosystème de startups dans le domaine des nouvelles technologies Site internet, capture d’écran


diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

Liberté Living Lab, espace de travail collaboratif pour l’innovation technologique, citoyenne et sociale Site internet, capture d’écran

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diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

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Homogénéisation des dessins typographiques de logos de grandes marques et entreprises. Transformation de 8 logos (de gauche à droitre : du plus ancien au plus récent) © www.grapheine.com


Les clichés de l’innovation corporate en disent long sur son image. Quand un salarié souhaite parler d’innovation, il utilise généralement un corpus d’image avec des symboles très représentatifs. Un nouveau répertoire de vanités s’est alors construit#: l’ampoule exprime l’idée que l’innovation provient d’une intuition,

diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

L’innovation clichée

d’un éclair de génie, d’une inspiration soudaine. Le mécanisme signifie l’ingéniosité, montre que l’innovation est un ensemble d’actions tel un processus rodé et qu’il suffit alors d’activer les rouages pour transformer l’idée en une innovation. Les représentations d’un cerveau se retrouve aussi régulièrement et consolide ces deux représentations, synonyme de créativité par référence à cet organe qui symbolise le raisonnement humain (la tête pensante). Le style «##Craft#»#, souvent représenté, reprend les codes du «#quick and dirty#»#, cet esprit «#brouillon#»# véhicule une intention de réflexion continue et d’expérimentation. Les graphes apparaissent souvent en arrière plan exprimant un côté mathématique par ses courbes et ses effets «#statistiques#» qui dévoilent ce désir de garder le contrôle, d’anticiper l’avenir, mais, également, fait résonance avec la notion économique de l’innovation. Finalement, toutes ces images utilisées ont pour vocation de faire vivre cet esprit «#innovateur#»# au sein des entreprises. Ces symboles créent un imaginaire et une perception très répétitive soutenue par des outils de visualisation tel que PowerPoint 1 , un logiciel de présentation qui propose des «#cliparts » permettant d’illustrer ces propos. Ainsi, une représentation visuelle préconçue et stéréotypée de l’innovation persiste dans le monde des entreprises.

1

https://products.office.com/

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diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

L’innovation est alors vite rattrapée par les codes formels de l’entreprise et son esthétique s’inscrit dans l’univers procédural cher au fonctionnement de l’organisation. L’innovation communique aussi cet esprit futuriste et se limite à son côté prospectif et avant-gardiste. Pourtant, elle est de base vouée à être liée à une réalité donc à une temporalité actuelle. Cela reflète une croyance à l’innovation axée sur la technologie, un spectre de l’innovation parmi d’autres.

L’uniformisation en marche Les applications mobiles ayant été force d’innovation au cours de ces dernières années en termes de fonctionnalités et d’usages émergents, ont néanmoins subi la volonté des concepteurs de créer une ressemblance entre les produits. Cette tendance ne fait 90 ·

pas forcément sens avec cet esprit d’innover et de repousser les limites. Apple et Google, les grands distributeurs d’applications, ont développé un univers graphique fort afin de l’imposer à l’industrie numérique. L’apparition du flat design, représenté par Google Material et iOS, marque ce phénomène de création d’un langage commun et universel. Quant aux smartphones, une innovation majeure du début du siècle, il suit cette tendance à uniformiser le style formel des produits. Ainsi, les téléphones portables possédaient un style propre par la forme, la couleur, la manipulation qui les différenciaient. Depuis l’avènement des smartphones, nous pouvons constater que le pavé tactile a uniformisé la production. Cette convergence esthétique interroge sur la capacité à rompre avec les prédispositions du marché et par conséquent à être innovant.


À contre pied de la tendance, les espaces d’innovation indépendant , les tiers-lieux, abordent une esthétique presque déroutante et dans un esprit totalement opposé. Ces trois institutions parisiennes, Numa, The family et Liberty Living Lab, toutes précurseuses, revendiquent une image exotique, loufoque, hippie, under-

diagnostic 4 - [ les esthétiques ]

(Dé)construction d’un mythe

ground et utilisent des codes d’univers différents empruntés au design graphique contemporain, à la musique, à la culture hacker, aux contre-cultures, finalement, se contrefichent des conventions de leur secteur et annoncent la couleur#: un écrin mystérieux, ayant pour objectif d’attirer les aventuriers et de brouiller les pistes pour les esprits plus conventionnels. On retrouve alors les fondamentaux de l’esprit hacker qui invitent aux interprétations diverses de chacun. Un style alternatif qui assume la nature créatrice de l’entité car les arts ne sont que le début vers une innovation fertile.

• Stéréotypes multiples • D’un esprit «$hacktiviste$»$ 2ou professionnel jusqu’à une image technologique ou bien à un art de vivre, l’innovation s’est construite autour d’images bien dissemblables. Ces choix de communication sont équivoques et permettent à chaque institution de choisir le langage et le style qu’elle souhaite véhiculer autour de ses communautés et publics. Ces styles connotent plusieurs volontés. Pour certains réformistes, ils prônent l’esprit créatif sans limites. Pour d’autres, ils préfèrent une innovation standardisée et domestiquée plus rassurant. Deux univers qui cohabitent et qui font de l’innovation un objet à la fois rebelle et inoffensif.

2

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hacktivisme

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Les mythologies 5


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

De nombreux mythes constituent l’innovation et en renvoient 94 ·

une image parfois caricaturale, en empruntant des références et des connotations à l’âge de la découverte du nouveau monde, ou bien par le biais de film de science-fiction tel que Minority Report 1 . Ces imaginaires dessinent une innovation altruiste qui ne correspond pas entièrement à son spectre complet. Une sympathie s’est construite autour d’elle, un gage de modernité et un air de nouveauté pour les entreprises.

1 Spielberg Steven, « Minority Report », 2002


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

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Big Bang Disruption Affiche de promotion publiée par Accenture © slideshare.com


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

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Le symbole du dinosaure représentant les vieilles entreprises Couverture magazine © 500 startups © INSEAD


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

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La licorne est le symbole des startups ayant dépassé 1 milliard de dollars de valorisation boursière, preuve de réussite Couverture livre « Discrupted » de Dan Lyons


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

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Premier appareil photo numérique par Kodak Kodak a inventé le premier appareil photo numérique au monde. Le prototype était de la taille d’un grille-pain et des images en noir et blanc étaient capturées à une résolution de 10 000 pixels (0,01 mégapixels). © Eastman Kodak Company


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

Voiture / Cheval Une voiture ne possèdant pas encore de moteur utilisait alors un cheval, maintenant, le cheval a disparu, nous avons conservé la dénomination « chevaux » en guise d’unité de puissance. Image d’archive

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diagnostic 5 - [ les mythologies ]

Métaphore associée à « Blue Ocean strategy » 100 ·

Poisson sautant danc un bocal vide représentant le nouveau monde

Mixte de logo par Jason Yotopoulos Détournement de logo d’entreprises anciennes avec ceux de nouvelles entreprises


D’ailleurs, les mythes restent des croyances. Après la participation à de nombreux ateliers d’innovation, on s’aperçoit de l’absurdité des entreprises à vouloir coûte que coûte inculper l’esprit d’innovateur dans les gênes de leurs collaborateurs. Ces ateliers ludiques sont souvent déconnectés et servent davantage à du

diagnostic 5 - [ les mythologies ]

S’instruire à l’innovation ou mourir ?

team-building qu’à un véritable apprentissage, une sensibilisation sérieuse à l’innovation et sans réelles retombées pour les pratiques quotidiennes de l’entreprise. Cette volonté d’instruire un renouveau et prescrire des facultés à innover répond à la crainte des entreprises de se faire disrupter. L’effet Big Bang 1 hante tous les esprits afin de survivre à une potentielle innovation foudroyante venue de nulle part. Certains exemples sont encore tièdes. Il en résulte un syndrome et un malaise. Des mythes qui font vivre la peur du changement, des légendes qui vont continuer à se perpétuer pour les bienfaits de l’innovation et de ses consultants. Voici une sélection réduite des principales histoires qui incarnent l’innovation.

Le syndrome « Kodak » L’innovation est devenue une priorité stratégique. Le syndrome Kodak a marqué les esprits. Se rendre compte de la faillite d’une entreprise de ce niveau peut rendre perplexe. Kodak a connu une croissance fulgurante, due à l’accessibilité de la photographie au grand public. Les chimistes avaient mis au point de meilleurs composants et repoussé les limites du domaine,

1

Joseph-Dezaize Gabriel, « Le must de l’innovation. Dix thèses révolutionnaires pour s’adapter à un monde en mutation » , Harvard Business Review France (hors-série), Prisma Media, Paris 2016, p. 106-117

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diagnostic 5 - [ les mythologies ]

la photographie est devenue plus compacte, plus pratique, moins chère. Kodak était un leader mondial incontesté et incontestable. Cette histoire met vraiment en lumière le fait que l’innovation n’est pas technologique et bien au contraire. Kodak a excellé dans la photographie analogique mais n’a pas été en mesure de faire le saut vers les appareils photos numériques. Lorsqu’un jour, un ingénieur propose un projet d’appareil photo instantané, il s’oppose au slogan mythique «#You press the button, we do the rest »# 2 (vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste). Son inventeur a vu son projet refoulé par l’entreprise. Il démissionna pour créer Polaroïd. Kodak réagira avec une copie conforme et s’acquittera d’une amende de 3 milliards de dollars pour contrefaçon quelques temps après.

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Kodak continue son expansion mais voit l’apparition d’un compétiteur, Fujifilm, qui réussit à prendre 10% du marché américain. Dès 1992, l’entreprise comprend qu’elle doit amorcer une transformation et passer au numérique. Quatre ans plus tard, elle lance plusieurs produits considérés comme les premiers appareils photo numériques grand public. Prouesse technique mais «#ils avaient imaginé un produit numérique consommable car c’est ce qui faisait vivre la société#»# 3 . Ils ont été obnubilés par leur modèle technique et économique. Incapable de tuer le marché de la pellicule qu’il domine et qui reste très lucratif, Kodak se fait doubler par Canon, Sony, Nikon, Panasonic dans les années à venir, puis en 2012 dépose le bilan, fin tragique.

2 https://en.wikipedia.org/wiki/You_Press_the_Button,_We_Do_the_Rest 3

http://www.capital.fr/enquetes/documents/ kodak-splendeur-et-decadence-d-un-empire-913548


avait déjà imaginé la photo numérique avec le cas de Polaroïd des décennies précédentes. Le Polaroïd permet d’obtenir instantanément une photo, donc Kodak a conçu l’usage de la photographie numérique#: pouvoir visualiser une prise de vue après quelques secondes, le précurseur à l’écran LCD. Malheureusement, une entreprise en bonne santé peut-être

diagnostic 5 - [ les mythologies ]

Pourtant, si on conceptualise avec un peu de recul, Kodak

aveuglée par les chiffres, n’a pas réussi à dépasser son modèle d’affaire centré sur les pellicules. Cette histoire, encore incontournable aujourd’hui, prend tout son sens car elle démontre que l’innovation est à portée de main. Pour Kodak, la résolution technique y était, l’usage identifié aussi. Mais le discours, la culture et le «#super management »# 4 n’ont pas laissé d’espace à ces signaux faibles. · 103 Les entreprises en tirent de nombreux apprentissages, comme, d’abord, favoriser la transdisciplinarité. Kodak était une entreprise de chimistes. Ensuite, connecter les silos, techniques (R&D) et marketing ensemble afin d’élaborer des activités synchrones. Puis, clarifier la vision de l’entreprise afin de la partager pour que chaque collaborateur puisse se l’approprier et créer une dynamique.

De « Licorne vs. Dinosaure » à « David avec Goliath » Un vocabulaire très imagé illustre le combat entre les startups libres, rapides, magiques telle une licorne et les grandes entreprises vieillissantes, lourdes, d’âge «#préhistorique#»# telles un dinosaure. Cette idéologie est très influencée par la Silicon Valley

4

Ibid.


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

mais une idéologie plus européenne se construit avec une idée de partenariat vertueux entre startups et grandes entreprises. À l’image de la nouvelle alliance française nommée «#David avec Goliath#»# 5, David l’insouciante start-up et Goliath la gigantesque entreprise. Cela montre un alignement de la perception de l’innovation où chaque protagoniste à un quotient d’innovation propre. Parfois, ce n’est pas la start-up la plus innovante car elle doit faire face à une problématique opérationnelle qui verrouille les opportunités. Alors qu’une grande structure peut aisément répondre à un besoin puisqu’elle possède d’importantes ressources humaines pour développer les opportunités identifiées.

Le Blue Ocean La recherche d’un espace libre, d’un marché délaissé, inex104 ·

ploité ou bien même inexistant, est l’origine de cette stratégie. Elle est comparée à l’image de l’horizon invisible où il est difficile de s’orienter. L’océan bleu est une analogie pour décrire l’immensité du potentiel non exploré. La pierre angulaire de la stratégie Océan Bleu 6 est l’innovation utile, une forme d’innovation qui crée de la valeur pour le client ainsi que pour l’entreprise. C’est un contre-courant par rapport à la stratégie générique qui prône des indicateurs à domination économique. Être dans une dynamique perpétuelle de recherche d’un avenir et ne jamais entrer en concurrence avec d’autres structures similaires permet d’acquérir une faculté d’innovation en phase avec une culture d’entreprise qui repousse sans cesse les limites.

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http://www.davidavecgoliath.com/

6

https://fr.wikipedia.org/wiki/Stratégie_océan_bleu


de l’innovation ont eu cet idéal en ligne de mire: rechercher de nouveaux marchés, de nouvelles activités. Une utopie compliquée à concilier dans une entreprise où sortir d’une zone de confort et débobiner un modèle économique paraît insurmontable. C’est tout le challenge de cette navigation tumultueuse.

diagnostic 5 - [ les mythologies ]

Lors de mes entretiens, de nombreux interlocuteurs en charge

L’instinct innovant Henry Ford, l’emblématique figure de Ford Company, a fait naître un des plus anciens mythes de l’innovation#: «#Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides.#»# 7. Il faisait entièrement confiance en son génie, cette philosophie est souvent incarnée par les profils d’innovateur à l’image de Steve Jobs. Il était persuadé que les clients ne savent pas toujours ce qu’ils veulent. Il refusait alors parfois de réaliser une vaste étude de marché. Cela fait écho aux propos de Tim Brown, président d’IDEO, qui explique l’intuition que prône la méthodologie de design thinking. «#Il consiste plutôt à aider les gens à formuler des besoins latents dont ils ne sont peut-être même pas conscients.#»# 8 et mentionne les trois composantes indissociables d’un projet de design#: «#L’intuition, l’observation et l’empathie#»# 9. L’innovation est alors un don de la nature ce qui contraste avec cette volonté de la structurer. Un paradoxe existe entre cette croissance qui place l’innovation comme une action spontanée et l’innovation maniaque incarnée par les indénombrables outils.

7

https://www.qapa.fr/news/14-lecons-de-management-selon-henry-ford/

8

Brown Tim, « L’esprit design - Le design thinking change l’entreprise et la stratégie » , traduit de la version originale « Change by design. How design thinking transforms organizations and inspires innovation » , Pearson Education France, Paris, 2010, p. 41

9

Ibid.

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diagnostic 5 - [ les mythologies ]

L’effet « Big Bang » de la disruption La notion de disruption s’explique par la manière de bousculer les conventions. Si ce phénomène peut sembler abstrait pour la plupart d’entre nous, il est le reflet d’une innovation vu comme un élément incontrôlable, imprévisible, impalpable. Par conséquent, il dégage une silhouette craintive, délicate à cerner et à saisir pour les organisations habituées à la structuration des procédés. À l’image des capacités informatiques qui doublent tous les deux ans, selon la loi de Moore (1965), la transformation numérique que subit les sociétés accélère la fréquence des ruptures. Le cycles se sont alors réduits et les chances d’être touché par une innovation de ce type augmentent. D’autant que l’image véhiculée par ces disrupteurs auprès du public est positive et celui-ci attend l’avènement d’un produit grandiose. Ce nouveau changement de

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paradigme démontre l’attrait pour les expérimentations qu’elles réussissent ou qu’elles soient un échec. La société s’est maintenant construite un réel désir à soutenir ces démarches d’innovation. Ces fameux «#adeptes#»# poussent donc à innover sans limite. Quelques exemples montrent que la disruption ne concerne pas uniquement les activités anciennes, comme le révèle le cas des ventes records du Flippers en 1993 10 un an avant l’innovation foudroyante avec la sortie de la PlayStation de Sony qui a scellé le sort des salles de jeux. Personne n’est à l’abri d’une rupture d’usage si importante dans la société. Airbnb, un autre cas plus récent, a également bouleversé le monde de l’hôtellerie et continue avec l’univers du voyage. Pour illustrer ce phénomène, cette disruption a eu des retentissements jusqu’à la remise en question

10

Joseph-Dezaize Gabriel, « Le must de l’innovation. Dix thèses révolutionnaires pour s’adapter à un monde en mutation » , Harvard Business Review France (hors-série), Prisma Media, Paris 2016, p.113


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

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Adoption traditionnelle versus innovation froudroyante Segmentation du marchĂŠ selon Everett Rogers


diagnostic 5 - [ les mythologies ]

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Les dynamiques en entreprise Les alignements entre collaborateurs permettent de crĂŠer le changement, Ă contrario, si les dynamiques divergent, le changement se bloque.


notre système est verrouillé par défaut. Des indicateurs permettent de se prémunir d’un potentiel séisme disruptif en observant les environnements d’expérimentations autour de nos activités plus ou moins lointaines, qu’elles aient portées leurs fruits ou qu’elles aient échouées. Comme le

diagnostic 5 - [ les mythologies ]

de certaines législations dans des pays/régions et prouve bien que

montre le cas de la société Napster qui a conçu la toute première plateforme de streaming musical, après un procès perdu contre les maisons de disques, celles-ci pensaient avoir du répit et pouvoir se transformer paisiblement. Tout au contraire iTunes (service de téléchargement de musique en ligne d’Apple) fut lancé quelques temps après et bouleversa définitivement le marché de la musique. Ainsi, de nombreux signaux faibles permettent d’apercevoir l’émergence d’une innovation foudroyante. Finalement ce n’est pas une avance technique ou technologique qui permet de limiter ce phénomène mais le fait d’établir un état d’esprit qui permet de raisonner différemment avec curiosité et audace. La culture d’entreprise prend alors tout son sens pour qu’elle soit en posture d’agir avec agilité, ce qui permettra de réagir et de se secourir lorsque le signal d’alarme retentira.

• Mythe ou réalité ? • Aujourd’hui, beaucoup de légendes animent le phénomène de l’innovation en utilisant des parallèles à l’antiquité, aux conquêtes du nouveau monde au temps des navigateurs. Tout cela contribue à la construction d’un mythe puissant qui fait écho dans les entreprises à la fois positivement en donnant l’espoir à certains, mais, à contrario, peut créer un environnement angoissant pour d’autres. N’ayez aucune crainte, l’innovation est à portée de chacun de nous. Et comme le dit le célèbre dicton$: «$Quand on veut on peut !$»$.

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Les protagonistes 6


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

L’innovation se caractérise par une culture en réseau et son 112 ·

écosystème est animé par de nombreux personnages ayant des profils divers. L’innovation telle qu’on la connait aujourd’hui s’est developpée autour de nouveaux rôles, lesquels se sont transformés en nouveaux métiers. Cette communauté a fait naître des vocations plurielles à la fois avec du relationnel, de la stratégie, de la gestion et même de la pédagogie. Voici les principaux protagonistes qui font et animent l’innovation au quotidien.


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Le connecteur Le chef d’orchestre de l’écosystème. Le rôle du connecteur est d’aider à la mise en relation entre les laboratoires, les start-up, les chercheurs, les étudiants ou les experts. Il consiste à accélérer les interactions entre acteurs d’un écosystème car il est impératif de déployer des liaisons entre les communautés pour libérer la créativité.

Connecteur Acteur de la communauté


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Le facilitateur L’évangéliste de l’intelligence collective. La posture de facilitateur serait donc de rendre facile, de mettre du liant, de relier, d’inclure, de poser le cadre pour que cela puisse se passer tout en laissant les choses se faire. Il se met au service d’une équipe pour faire émerger des questionnements, des signaux faibles sans s’engager, laissant la responsabilité des membres de l’équipe d’agir ou non.

Facilitateur Membre de l’équipe


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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L’innovation program manager Accompagner un projet d’innovation de l’extérieur, sous forme de conseiller, ou de l’intérieur sous forme de coéquipier possédant des capacités de gestion de projet à l’exécution d’expérimentations. Son profil est à mi-chemin entre un thinker et un maker.

Manager Collaborateur Chef de projet interne


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Le scrum master Le Scrum Master est avant tout un membre de l’équipe projet. Il n’a pas vocation à la diriger mais à la guider. Son rôle est d’aider l’équipe à avancer de manière autonome et en cherchant en permanence à s’améliorer. Pour y arriver, il sert d’interface entre l’équipe et le monde extérieur, la protégeant de tout élément susceptible de perturber son fonctionnement et sa concentration. En quelque sorte, c’est le coach.

Scrum master Membre de l’équipe Perturbation diverses


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Le fab manager Le responsable du fablab. Ce profil technique a pour objectif de faire découvrir et d’organiser le partage des connaissances et des pratiques liées à la fabrication digitale. Coordonner les expérimentations, conseiller les «#bidouilleurs«# dans l’élaboration de leurs projets et faire de la pédagogie autour de l’esprit open source et de la charte officielle du FabLab éditée par le MIT.

Manager Expérimentation Pédagogie


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Le CDO, Chief Digital Officer Le terme anglais de Chief Digital Officer (CDO) peut être traduit par celui de Directeur du Digital ou de Responsable de la Digitalisation. Le CDO est en général intégré au comité de direction de l’entreprise. Il définit la stratégie digitale à adopter en identifiant les priorités et met en place un plan d’actions. Il incarne ainsi la transformation digitale et participe à l’apport de la «#culture digitale#» au sein de l’entreprise. Toutefois, ce poste est par essence «#transitoire#»# et tend à disparaître lorsque le digital devient une projet global d’entreprise.

CDO CTO & CIO COO


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Le directeur de l’innovation Le Directeur Innovation occupe un poste privilégié#: à la fois tour de contrôle des projets internes porteurs d’innovation mais aussi tour de guet lui donnant une vision globale sur ce qui se passe dans l’environnement de son entreprise. Son rôle quotidien est de mettre en place des dispositifs d’innovation participative, à organiser des challenges de créativité, à identifier des partenaires potentiels, à coordonner des projets transversaux, à suivre les portefeuilles de projets innovants. Ayant une posture stratégique, il peut agir à moyen et long terme en adoptant une attitude prospective et travailler sur des modèles de rupture par l’émergence des nouvelles tendances et de futurs usages. Un côté manager de «#think tank »# (laboratoire d’idées).

Directeur

Vision

Projet


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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Écosystème de l’innovation Cartographie représentant les échanges entre acteurs


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diagnostic 6 - [ les protagonistes ]


diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

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La nouvelle économie Comparaison des valeurs et procédés entre l’ancienne et la nouvelle économie


L’innovation s’est construite au travers de différentes institutions, souvent à l’échelle locale. Un microcosme s’est donc constitué autour d’elle afin de la développer en réseau. L’écosystème de la Silicon Valley retrace cette organisation. Dans cet écosystème, chacun a son rôle#: les écoles, les laboratoires et les entreprises permettent d’instaurer un climat de recherche (R&D) pour que les

diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

Le microcosme

startups et investisseurs puissent débrider l’innovation vers la réalité du marché. L’innovation s’est développée telle une industrie, une sorte d’agriculture intensive des jeunes pousses.

« Nous entrons dans l’ère de l’innovation intensive comme on peut parler d’agriculture intensive. Une ère dans laquelle les compétiteurs innovants débarquent de façon surprenante. L’innovation intensive rend fausses les lois de l’économie "standard". Elle permet de sortir des normes d’un marché et de surprendre avec des propositions de valeurs inattendues. » 1 — Armand Hatchuel, Professeur à Mines ParisTech

1

Hatchuel Armand, BPI France, « Innovation nouvelle génération », Paris, 2015, p. 35

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diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

Dans cet écosystème, l’échange des valeurs est mis en avant mais se confronte à la propriété intellectuelle, héritage des moeurs du capitalisme verrouillé. Par ailleurs, la course au rachat de ses multiples start-ups montre bien cette mentalité de vouloir contrôler le savoir et d’en être propriétaire. Finalement, ce phénomène s’est estompé au fil du temps au vu de la difficulté à intégrer ses jeunes pousses à leur processus qui finissait par les faire fâner. Les grandes entreprises ont très vite compris qu’il fallait cesser d’acquérir à tout va ces start-ups si elles n’arrivaient pas à intégrer leur culture bien différente. L’open innovation est alors apparue. L’innovation ouverte consiste à créer des liens privilégiés afin de travailler sur des enjeux et périmètres communs. «#Se faire rencontrer les cravates et les casquettes#»# comme on dit dans le jargon, un vrai choc culturel,

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qui ouvre cependant de nouvelles perspectives par ce mélange d’univers et de profils variés. Des métiers se sont alors développés au fur et à mesure que l’innovation est devenue un enjeu primordial. L’apport d’autres professions telles que les sciences cognitives et l’anthropologie ont engendré de nouvelles compétences et ont permis de cadrer l’innovation plus subtilement qu’elle ne l’était auparavant. Ces professions montrent les différentes facettes de la pratique de l’innovation.

Externalisation de l’innovation Les entreprises se sont dotées de directions pour organiser et déployer leur stratégie tout en étant épaulées par des experts issus de cabinet de conseil en tout genre. Ce phénomène d’externalisation est devenu un fléau tant qu’il destitue le pouvoir d’innovation de l’entreprise. Effectivement, l’entreprise peaufine son image de


entreprises externes, projets alors floqués à l’effigie de sa marque. Mais cela nous interroge sur sa véritable capacité à innover d’elle même. Est-ce l’entreprise qui innove ou est-ce une façade ? Cela exprime que certains seraient prédestinés et détiendraient les recettes de l’innovation en proposant des prestations aux entreprises. A l’image des grands cabinets de conseil qui ont défini les standards d’offres d’accompagnement à l’innovation bien qu’ils ne

diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

marque innovante en commandant des projets d’innovation à des

soient eux-mêmes pas dans une dynamique d’innovation pour leur structure.

De nouveaux profils dédiés à une innovation plus humaine Cette présomption à l’innovation a fait émerger de nouveaux types de métiers qui sont davantage en phase avec l’esprit d’exploration, esprit que prône l’innovation. Un profil travaillant sur le spectre d’animation est apparu sous forme de facilitateur, connecteur, évangéliste ou encore scrum master. L’objectif affiché de ces métiers est de favoriser la collaboration pour sublimer les projets, se dédier à l’équipe du projet pour les aider à travailler ensemble, tel un médiateur. Une sorte de chef d’orchestre qui n’a pas vocation à imposer, à décider mais plutôt à aiguiller ou à nuancer pour les bienfaits de l’équipe à laquelle il est associé. Ce positionnement met en avant des relations humaines et démontre que l’innovation se construit autour de valeurs plus subtiles qu’une simple expertise.

Un profil hybride Les profils «#direction#»# et «#facilitation#»# sont opposables et ils amènent à un entre-deux, un profil hybride#: le métier de manager de l’innovation qui permet d’intégrer des sujets avec un regard

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diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

extérieur, une indépendance vis-à-vis de la structure bénéfique, pour éviter d’être absorbé par les entrailles d’une organisation. A contrario, cette position d’outsider peut paraître délicate à gérer car la légitimité n’est pas encore instaurée, ni la confiance qu’on lui porte. Dans ce cas précis, les équipes collaborant avec lui peuvent à tout moment se recroqueviller sur leurs expertises métiers. Ainsi la résistance au changement pourrait interrompre la démarche d’innovation de l’entreprise. La clé est donc d’instaurer un périmètre de respect et un climat intime afin d’assurer une transparence favorable au bon déroulement de la collaboration.

Les compétences de la nouvelle économie Finalement, outre les compétences et les connaissances, ce sont surtout des postures et des approches psycholo126 ·

giques qui dotent une personne d’un profil d’innovateur. Des caractéristiques pas si anodines, qui sont souvent en rupture avec les moeurs établies par les codes du travail. le portrait du pionnier 2 - L’innovateur idéal est quelqu’un de fondamentalement curieux - Il se pose constamment de nouvelles questions - Il est capable de formuler des problématiques complexes - Il est habile à combiner des ressources hétérogènes et diverses lui permettant d’apporter une réponse appropriée à ses questions

2 http://www.inside-management.com/wp-content/uploads/Note_Patrick_ Chaumartin .pdf


matériaux (tangibles ou immatériels) pour leur donner une utilité nouvelle et originale - Un haut niveau d’éducation n’est pas un prérequis à la créativité - C’est un intelligent sensible, pédagogue ayant des intérêts très variés.

diagnostic 6 - [ les protagonistes ]

- Il est également un bricoleur qui manipule des

Au fil des générations, une nouvelle économie s’est instaurée et promeut une approche différente de la collaboration dans le travail. Cela permet d’envisager différents repères et d’autres circonstances qui pourront impacter nos actions d’innovation et nos modes de travail.

• Sortir du paradigme « chef de projet » • · 127 La pluralité des intervenants dans le domaine de l’innovation permet de construire différentes approches. Certaines par un mode opératoire top/down qui fait écho à une volonté de diriger et de cadrer les champs d’exploration. D’autres en utilisant l’intelligence collective au service d’un projet accompagné de médiateurs. Et enfin, certaines par l’apport d’une expertise du manager de l’innovation qui a pour vocation d’accompagner et de guider par son expérience. Ces approches sont complémentaires mais montrent les différents sens de l’innovation selon les profils et comment s’en saisir.


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Les organigrammes 7


diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

La structure a un impact fort sur le potentiel et le comportement des collaborateurs d’une entreprise. Durant mon enquête, j’ai pu échanger avec différents interlocuteurs de plusieurs cellules d’innovation. Chacun était positionné d’une manière propre à l’organisation de l’entreprise concernée. En effet, certaines configurations permettent de nourrir l’innovation, d’autres de la délivrer. Chaque entreprise dessine sa propre logique mais cette dernière 130 ·

est souvent reliée au caractère et à l’ambition de la structure. Pendant des décennies, les chercheurs ont théorisé des configurations d’organisation de façon à rendre une entreprise innovante. Certains ont fait valoir qu’il n’y avait pas de moyen de sortir de l’énigme des entreprises qui manquent de souplesse, nécessaire pour explorer de nouveaux territoires. D’autres ont suggéré que les grandes entreprises devraient adopter un modèle de capital-risque par un financement des programmes de recherches et des explorations thématiques hors de leur chemin et spectre traditionnels. Enfin, d’autres ont fait des équipes inter-fonctionnelles, vues comme la clé pour créer des innovations de rupture. D’autres encore ont affirmé que l’entreprise peut être en mesure de se déplacer entre les différents modèles d’organisation, en mettant l’accent sur l’exploitation pendant une période, puis de passer en mode exploratoire. C’est alors que les subtilités de l’organisation sont devenues un champ de bataille. Le management de l’innovation s’est alors établi.


diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

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Modèle d’innovation décentralisée Schéma #1


diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

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Mouvement d’innovation décentralisée vers l’innovation intégrée Schéma #2


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diagnostic 7 - [ les organigrammes ]


diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

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Modèle d’innovation intégrée & inter-fonctionnelle Schéma #3


Une fonction support manoeuvre de manière indépendante tout en agissant avec l’ensemble des composantes de la structure et des unités commerciales#: les ressources humaines, la finance, la communication, le juridique, les systèmes informatiques et les achats pour les principales. Les unités commerciales sont souvent sources de conflits

diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

L’innovation support (schéma 1)

internes car elles ne génèrent pas l’activité mais la cadre et l’accompagne. Elles se mettent au service des unités commerciales. L’innovation positionnée avec un pôle dédié, fait référence à ces fonctions support. L’innovation se place en périphérie et interagit au travers des différents métiers mais sans y être intégrée. L’innovation décentralisée peut-être à la fois un atout et une faiblesse. Son indépendance peut la pousser sur des thématiques et sujets exploratoires déconnectés du coeur de métier initial et explorer des pistes disruptives en toute autonomie. La difficulté réside à appliquer les nouveautés et les usages émergents aux activités commerciales déjà existantes qui font fonctionner l’équilibre économique de l’entreprise. Dans cette configuration, l’innovation peut être vue comme superficielle par l’opérationnel ou tout simplement mal ou non reconnue à cause d’un manque de synergies communes. Un danger pour l’entreprise. Prenons l’exemple d’une entreprise française du secteur de l’assurance et de près de 7000 salariés que j’ai visitée. La haute sphère dirigeante ainsi que la direction de l’innovation sont conscientes qu’en 2025 leur modèle économique peut ne plus fonctionner car leur activité commerciale repose sur un produit qui peut devenir obsolète alors qu’il génère plus de la moitié du chiffre d’affaires. Il serait alors impossible de combler le retard.

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diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

L’innovation a donc un rôle pédagogique crucial à jouer au sein des diverses équipes pour participer au pivot progressif de l’entreprise, un pivot étant la modification de son activité. Cette

position

permet

d’accompagner

l’innovation

et

d’être son garant à défaut de la diffuser au sein de la structure. L’innovation débroussaille des sujets et c’est alors ce statut d’outsider qui peut aider l’entreprise à innover ce qui est, finalement, la mission initiale. Qui sait ? Un jour, l’innovation fera surface et transformera l’entreprise tel un volcan endormi qui se réveille brutalement.

L’innovation distribuée (schéma 3) D’autres organisations optent pour un système différent et moins centralisé que le schéma précédent. Lui aussi possède des 136 ·

avantages et des inconvénients. Il est souvent le fruit d’un travail de long terme et d’une démarche d’innovation bien structurée. Ce sont souvent des petites cellules réparties dans l’organisation et surtout implantées directement dans les unités commerciales principales et secondaires. Une toute autre logique qui offre un accès direct au coeur de l’activité. Cette posture permet d’engendrer une réflexion portée sur l’innovation d’une manière plus incrémentale et permet surtout d’intégrer l’innovation comme une activité à part entière faisant fonctionner l’entreprise. Ce modèle est généralement orchestré par une entité de direction transverse permettant de créer un référentiel commun et de coordonner les efforts d’innovation entre chaque sous-direction d’innovation pour créer des synergies. L’intégration

d’une

équipe

d’innovation

à

une

unité

commerciale est un atout et cela conditionne les conditions de transformation.


alors de développer un schéma différent pour ne pas cantonner l’innovation aux métiers traditionnels. Le défi de cette configuration est de passer à une segmentation différente, par client par exemple, pour mieux aborder les projets avec une logique centrée sur l’usage, plutôt que sur les processus métiers. Alors la possibilité d’ouvrir une innovation de rupture se dessinera#: un sacré dilemme.

diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

Les structures sont cloisonnées par métier. Leur objectif est

L’innovation ambidextre (schéma 2) Finalement, les deux modèles présentés sont très complémentaires et se répondent par leurs limites qu’elles s’imposent respectivement. Un modèle hybride pourrait voir le jour. Les mastodontes industriels sont impactés par leur transformation digitale et surtout celle de leur économie. Certaines ont entrepris une mutation en constituant une branche entière dédiée à l’innovation par le numérique. Incapables de se transformer de l’intérieur par crainte de perturber leurs activités existantes et vitales, elles préfèrent expérimenter à côté de leurs commerces initiaux pour s’auto-disrupter et se reconstruire sur une autre base en tout sécurité et sérénité. L’étape d’après consiste à se positionner comme nous avons pu le mentionner, avec l’entité de direction transverse (organisation inter-fonctionnelle) permettant d’aligner l’ensemble des métiers. Cette étape intermédiaire permet d’ajuster la stratégie globale et créer une cohésion par une subordination hiérarchique. Puis, petit à petit, permettre la descente de cette entité au centre de l’organisation pour qu’elle en devienne le maillon principal. À ce stade, la disruption aura opéré et l’organisation sera transformée.

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diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

La délicatesse de la diversification L’ambiguïté de l’entreprise réside dans le manque d’ouverture vers de nouveaux horizons. L’entreprise résonne dans une généralité absolue et l’empêche d’ouvrir ses chakras. À tout niveau hiérarchique, toute initiative déstabilisante est tuée sur le champ afin de répondre aux procédés à la lettre, malheur à celui qui en sortira ! Toute une éducation est à revoir pour lutter contre ce phénomène rigide tel que le décrit le Harvard Business Review#:

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« Il est avéré que les managers spécialisés dans l’exécution de stratégies clairement définies ne sont pas armés pour réfléchir de manière innovante. En outre, lorsque de bonnes idées émergent, elles sont souvent vouées à disparaître, car l’entreprise est organisée pour diriger son activité d’une seule façon; elle ne dispose pas de procédés ou de paramètres qui permettraient d’en adopter une nouvelle. » 1 — Harvard Business Review

1 Joseph-Dezaize Gabriel, « Le must de l’innovation. Dix thèses révolutionnaires pour s’adapter à un monde en mutation », Harvard Business Review France (hors-série), Prisma Media, Paris 2016, p. 38


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diagnostic 7 - [ les organigrammes ]


140 ¡ diagnostic 7 - [ les organigrammes ]


Actuellement, toute entreprise a intégré un pôle, un département, une équipe transverse dédiée à l’innovation. Peu importe le dispositif, l’innovation est bien présente dans l’organigramme par ses garants. L’équipe en charge de l’innovation est d’ailleurs de plus en plus représenté dans les hautes sphères dirigeantes, preuve que l’innovation est devenu un enjeu majeur. Bien que cela

diagnostic 7 - [ les organigrammes ]

• L’innovation n’est pas une option •

rend tangible et concrète l’innovation, une bonne chose, la structure de l’organigramme montre la séparation entre l’innovation et le reste de l’activité. On pourrait croire que l’innovation est une activité à part entière et comme une autre, sans pour autant être intégrée au quotidien de la majorité des salariés. C’est pourquoi l’efficacité d’une politique d’innovation est corrélée à la manière dont elle encourage et accompagne la créativité partout dans l’entreprise sans restrictions, ni clôtures.

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Les mĂŠthodes 8


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

Dans la culture industrielle où nous vivons, notre attrait vers la 144 ·

standardisation des procédures est devenue une norme. D’ailleurs, de nombreuses normes rythment nos tâches quotidiennes afin que nous soyons plus efficients. L’innovation n’échappe pas à la règle, les entreprises se sont dotées de méthodes afin de décrire le fonctionnement de l’innovation en leur sein. Nous allons voir que les manières de schématiser l’innovation s’inspirent de nos modes de fonctionnement et de pensée. Ainsi, différentes approches permettent d’instaurer un rythme et une identité spécifique dans notre démarche d’innover.


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

Lean startup roadmap Cheminement de la méthode © Digital Agency

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Luma Institut Catalogue des méthodes et architecture de trajectoire © Harvard Business Review France


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

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L’itération Le cycle de développement itératif, incrémental et adaptatif issu des méthodes agiles.


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

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L’entonnoir Le processus de génération des idées, de sélection et d’élimination progressive tout au long du cycle de décision et des projets de développement, est généralement décrit et comparé à un entonnoir.


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

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Le Double Diamant « The Double Diamond » décris par le British Design Council et divisé en quatre phases distinctes - Découvrez, définissez, développez et distribuez - le Double Diamond est une carte visuelle simple du processus de conception.


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

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Le Design Thinking « The Squiggle » par Damien Newman, Central Inc. est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive.


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

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Paysage des méthodes agiles par la société Deloitte Carte synthétisant l’ensemble des méthodes agiles existantes © Deloitte


diagnostic 8 - [ les méthodes ]

« ISO 10006 — Un projet est un processus unique qui consiste en un ensemble d’activités coordonnées et maîtrisées comportant des dates de début et de fin, entrepris dans le but d’atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques telles que des contraintes de délais, de coûts et de ressources. » 1 — Organisation internationale de normalisation Les entreprises ont besoin d’établir un cadre comme pour tout projet. L’innovation ne faisant pas cas à part, elle se plie aux exigences de la norme ISO établie pour un «#projet#»#. Cela peut paraître paradoxal car l’innovation est loin d’être un phénomène linéaire et prévisible, bien au contraire. Malgré cela, la volonté de se structurer se ressent et se traduit par le besoin d’outils divers. Organiser, organum en grec, signifie «#outil#»#, et son verbe outiller signifie «#doter de levier#». L’homme apprécie créer des méthodes selon ses besoins et selon ses mentalités. Plusieurs cheminements sont nés à partir des différents points de vue et ils sont vecteurs d’une pensée et, surtout, d’un état d’esprit souvent associés à leur profession. «#L’entonnoir#»# (voir schéma) véhicule ce besoin de filtrer vers une solution concrète et viable pour des profils plus économiques. «#L’itération#»# (voir schéma) est plutôt destinée à des profils ingénieux où le besoin de

1

http://www.gestion-projet-informatique.vivre-aujourdhui.fr/projet-definition-gene rale.html

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diagnostic 8 - [ les méthodes ]

peaufiner, d’améliorer la solution se fait ressentir. «#Out-of-the-box »# (voir schéma) est plutôt destiné au créatif souhaitant explorer les possibles pour arriver à la conceptualisation d’une solution. «#Le double diamant#»# 2 (voir schéma) est quant à lui ambivalent et propose une réflexion par des cycles de divergence et convergence successifs qui permettent ainsi de tendre vers un consensus. Outre la manière d’approcher un sujet d’innovation, plusieurs processus incarnent ces principes en utilisant une panoplie d’outils commune, chaque cheminement s’inscrivant dans une manière d’innover plus ou moins flexible.

L’innovation comme un fil conducteur La cartographie des méthodes innovantes permet de détail152 ·

ler l’ensemble d’une frise qui doit permettre la fabrication d’une innovation. Un cheminement qui dévoile toutes les boucles nécessaires. Ce schéma exprime l’architecture holistique des méthodes, une sorte de méta-méthode dont raffolent les entreprises qui ne souhaitent pas avancer dans l’inconnu ou l’incertitude.

L’innovation comme une trajectoire Le Luma Institute 3 a retenu 36 des méthodes les plus efficaces pour développer un projet d’innovation. Au lieu d’en définir une feuille de route, il a décidé de les répertorier en trois catégories (regarder, comprendre et faire). Ce cadre permet d’aider à choisir l’outil le plus pertinent à chaque étape du processus d’innovation.

2 http://www.designcouncil.org.uk/news-opinion/design-process-what-double-diamond 3

https://www.luma-institute.com/


trajectoire inédite propre au contexte et à un projet afin d’enrichir la réflexion.

L’innovation comme un programme Créer une bulle de réflexion éphémère est le principe du

diagnostic 8 - [ les méthodes ]

Ainsi, il ne dessine pas un cheminement rectiligne mais plutôt une

« Design Sprint Method »# adapté de la méthode Design Thinking 4 conçue par IDEO et la d.school de Stanford. Utiliser un temps dédié à l’innovation durant 2 à 5 jours permet de créer un environnement propice à la réflexion sans entraver l’activité et sans être perturbé par les contraintes. The 6 sprint stages 5#: Understand: What are the user needs, business need and technology capacities? Define: What is the key strategy and focus? Diverge: How might we explore as many ideas as possible? Decide: Select the best ideas so far. Prototype: Create an artifact that allows to test the ideas with users. Validate: Test the ideas with users, business stakeholders and technical experts.

4

Brown Tim, « L’esprit design - Le design thinking change l’entreprise et la stratégie », traduit de la version originale « Change by design. How design thinking transforms organizations and inspires innovation » , Pearson Education France, Paris, 2010

5

https://developers.google.com/design-sprint/downloads/DesignSprintMethods.pdf

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diagnostic 8 - [ les méthodes ]

L’innovation comme un mode de gouvernance L’holacratie 6 est un système d’organisation de la gouvernance, fondé sur la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective. Opérationnellement, elle permet de disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d’une organisation fractale d’équipes auto-organisées. Le président de Zappos, Tony Hsieh compare la structure holacratique à celle d’une ville#: lorsque la taille d’une ville double, les recherches montrent que l’innovation et la productivité par habitant augmentent de 15% 7. En comparaison, lorsqu’une entreprise croît, l’innovation et la productivité par salarié ont tendance à baisser ou à stagner. L’idée de l’holacratie, c’est de gérer une entreprise comme une cité. Dans une ville, les personnes et les commerces s’auto-gèrent. Le but est de produire un système semblable où les employés agissent comme des entrepreneurs. Ils

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prennent des décisions en autonomie tout en respectant l’alignement stratégique de l’entreprise. Ainsi ce procédé, plutôt expérimental actuellement, offre la possibilité de laisser agir chaque employé comme bon lui semble et l’innovation s’immisce dans les tâches quotidiennes de l’entreprise en toute transparence.

• L’industrialisation de l’innovation • Les entreprises possèdent une culture du processus forte et l’appliquent à l’innovation. Certaines s’emparent de l’innovation comme un projet et ainsi structurent leur cheminement étape par étape. D’autres comprennent qu’il est difficile d’établir un sens et que l’innovation à un comportement cyclique et itératif. Alors ces entreprises essaient de sélectionner le bon outil pour construire

6

Holacracy® en anglais

7

https://www.zapposinsights.com/about/holacracy


programmes adjacents afin de privilégier la liberté d’action et l’exploration. Différents fonctionnements se sont instaurés$: des démarches flexibles aux démarches plus strictes, le spectre est large et interroge sur les capacités d’une entreprise à saisir des opportunités imprévues et insoupçonnées. Les organisations ont pour habi-

diagnostic 8 - [ les méthodes ]

leurs routes au fur et à mesure. Enfin, certaines, développent des

tude de fonctionner avec des objectifs à atteindre ou bâtir des plannings stratégiques. Mais l’innovation ne s’atteint pas, elle se vit !

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156 ·


Les dispositifs 9


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

L’innovation semble souvent impalpable, mais une des 158 ·

facettes les plus révélatrices du fonctionnement de l’innovation «#in vitro#»# des entreprises s’interprète dans les dispositifs qu’elles instaurent pour donner le goût d’innover à ses collaborateurs#: Concours, boîtes à idées, intrapreneuriat, hackathon, workshop, etc. Des intentions plurielles sont alors significatives et dévoilent une structuration pour contrôler l’idée, le potentiel et la propriété. Alors que l’innovation est plus souvent une question de dynamique et d’appropriation. Les entreprises organisent des programmes qui cadrent les initiatives au lieu de les débrider. Voici cinq dispositifs courants que j’ai rencontrés lors de mes recherches. Aucun n’est parfait et cela amène à réfléchir à des alternatives qui n’entravent pas la démarche d’innovation.


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

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L’avortement de l’idée Au moment où le porteur de projet principal s’échappe pensant avoir terminé sa mission, la fin d’un projet n’en est qu’un début. Persévérez dans le projet !


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

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L’usine à idées Lorsque les idées se multiplient et sont dissociées de leur créateur alors la recherche d’un parent adoptif se complique, l’idée n’est d’aucune valeur, au contraire de l’équipe qui l’a imaginée. Approfondissez les idées !


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

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Le dysfonctionnement de la bureaucratie Une idée doit être partagée entre l’ensemble des parties prenantes identifiées. A défaut, un court-circuit d’une entité peut compromettre le reste de la mission. Collaborez entre services !


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

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L’attrait de la stratégie Lorsque le dispositif est conçu d’une façon hiérarchique (top/down), alors l’entreprise s’installe dans un climat de compétition et non de coopération. À vos risques et périls mais une rigueur qui peut porter ses fruits. Gérez les déceptions !


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

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Le/la mode startup L’intrapreneuriat s’installe comme la pierre angulaire des programmes d’innovation sous forme de concours de pitch (présentation rapide de projet), Tel un concours musical télévisé, le projet s’inscrit dans le temps et passe par des sélections de plus en plus ardues. Investir de sa personne !


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

« Trouver des idées est un jeu, la penser jusqu’au bout est un travail » — Warburg Aby 1

L’innovation, une histoire d’hackers ? L’innovation est très vite associée à l’esprit des hackers avec une idéologie anarchiste qui tente de reconfigurer le monde par une éthique libre et équitable en s’affranchissant des règles du capitalisme. Les entreprises se sont emparées du phénomène des hackathon, l’abréviation de «#hack#» et «#marathon#»#, pour mettre en place de la pédagogie et de l’évangélisation au sein de leur organisation,

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avec comme message clair#: «#Révolutionnons le monde#»#. Ainsi, la mode des hackathon corporate a déferlé jusqu’à exagération comme le met en exergue la création d’un «#hackacon#»#, tout droit inspiré des Stupid Hackathon 2 américains. Une parade humoristique pour revenir au fondamentaux comme l’expliquent les créateurs du concept en France#:

« Le Hackacon est aussi une critique bienvenue de ces innovations faussement révolutionnaires et une satire d’une certaine scène startup.

1 Warburg Aby, « Fragments sur l’expression » éditions L’écarquillé, Paris, 2015 2

http://www.stupidhackathon.com


diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

Passée à la moulinette de la Silicon Valley, la dénonciation par l’absurde devient l’innovation par l’absurde en nous invitant à réfléchir à deux fois avant de changer le monde avec notre prochain bracelet connecté. » 3 — Bastien Kerspern et Camille Azam, organisateurs Une revendication qui appelle à une innovation vertueuse, tournée vers des valeurs humaines et sociétales. Peut-être ce qui a été oublié dans la ruée vers l’or à l’innovation technologique.

Les carottes de l’innovation La face la plus visible de l’innovation s’incarne dans les dispositifs mis en place par l’entreprise pour faire vivre et naître une vocation à innover auprès de ses salariés. De nombreuses façons d’instaurer un climat favorable à l’innovation coexistent et communiquent les volontés diverses des organisations. Des promesses sont souvent la clé pour motiver les troupes à s’engager dans le processus mis en place. Celles-ci peuvent aller d’une simple reconnaissance à des récompenses matérielles honorifiques, à une promotion ou encore à des primes. Chaque entreprise a sa politique pour rétribuer les collaborateurs exemplaires.

3

https://www.maddyness.com/innovation/2016/11/03/ nantes-hackacon-anti-hackathon

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diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

Contrôler, mesurer, c’est pesé Au delà des promesses, l’entreprise organise son dispositif d’innovation comme le reste de ses activités. Alors elle se doit d’évaluer le processus et de chercher les indicateurs pertinents à mesurer pour démontrer sa réussite. Certaines misent sur la valorisation de la participation, d’autres se louent de la quantité d’idées générées. Quantifier est alors l’obligation première pour assurer la crédibilité des actions d’innovation. Des KPI (Key Performance Indicator) sont déconnectés de la pratique de l’innovation qui est plutôt vouée à être une démarche empirique et imprévisible et montre toute l’absurdité d’en tirer des chiffres. «#60% des employés doivent participer à une démarche d’innovation#»# est un exemple typique d’objectif stratégique d’une entreprise que j’ai pu récolter durant mon enquête, cela montre bien tout le paradoxe de cette

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évaluation approximative. Ces indicateurs montrent aussi le degré d’approfondissement de l’entreprise dans une démarche d’innovation. De la prise de conscience au devoir d’innover, les actions des salariés sont quantifiées#: nombre d’idées créées, nombre de veilles technologiques identifiées, nombre d’expérimentations ou de tests effectués. Cela dévoile la tendance à mesurer l’impact de l’innovation sur l’organisation pour intégrer la démarche au centre du processus. Être poussé à innover au lieu d’être encouragé, cela démontre bien que l’innovation n’est pas au coeur de l’ADN de l’entreprise sinon elle serait plus naturellement acceptée.

L’innovation universelle Cette volonté à vouloir formater et construire un socle universel par une démarche d’innovation est étonnante et n’envisage pas l’intégration d’initiatives adjacentes qui ne répondraient pas aux critères établis. En faire un processus sans faille est la priorité des


pité 4. À défaut d’ouvrir le processus, les entreprises se confrontent aux idées communes et à un formatage qui empêche toute créativité et spontanéité. Se questionner sur la véritable envie d’innover pour les collaborateurs devient alors une urgence.

• L’équipe avant tout •

diagnostic 9 - [ les dispositifs ]

entreprises et cela amène à détruire toute particularité et sérendi-

Les programmes d’innovation se sont alors dotés de divers indicateurs permettant de mesurer leurs utilités, leurs bienfaits et leurs impacts afin de pointer les retours sur investissement (ROI). Dans le monde des start-ups, même si les chiffres sont un des principaux facteurs aujourd’hui pour y investir, une autre composante devient alors primordiale$: l’équipe. Bien que fidèle aux entreprises, le ROI peut ne pas correspondre au projet d’innovation, une notion plus subtile peut apparaître pour établir un nouveau référentiel par la participation d’où l’intérêt de parler plutôt de retour sur engagement (ROE). La réussite se porte alors sur les leviers plus abstraits et notamment humains que sur l’exécutions de méthodes éprouvées. L’élaboration d’un processus d’innovation est bien évidemment délicate. Chaque dispositif met en exergue des atouts et des faiblesses mais apporte sûrement des clés de réponse pour arriver à se saisir de l’innovation avec légèreté et bienveillance selon le contexte et l’environnement des entreprises.

4

Définition : « La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d’un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d’une recherche concernant un autre sujet. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Sérendipité

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TRANSITION

L’innovation par essence ~


170 ¡

Et si on changeait

transition - [ l’innovation par essence ]


de paradigme ? ¡ 171

transition - [ l’innovation par essence ]


transition - [ l’innovation par essence ]

Le panorama de l’innovation d’aujourd’hui dans cette première partie est une mise en lumière des manières qu’ont les entreprises de s’approprier l’innovation. Ce diagnostic m’a ainsi permis de voir et comprendre comment les entreprises s’organisent pour innover. Au fur et à mesure de mon exploration, je me suis rendu compte que la question du «#pourquoi innover#» s’estompait au profit de l’innovation washing, sans âme et sens. Tout un ensemble de méthodes, de playbooks, de guidelines est proposé aux entreprises pour les accompagner à innover. Notre besoin de s’accaparer les méthodes s’incarne, notamment, par l’essor du design thinking 1 . Les entreprises s’emparent simplement des outils et des méthodologies du designer sans pour autant se saisir de la culture de son métier. Notre société est focalisée sur «#penser l’innovation#», sans «#penser l’innovateur#».

172 · Or, par notre culture sociale, tout projet innovant commence par aller interroger ses proches comme l’indique Jacque-François Marchandise, directeur de la recherche et de la prospective de la Fing 2 . Le point clé est donc la confiance. Alors l’outil ne sera qu’un moyen d’y parvenir mais, en aucun cas, il ne sera une recette à suivre. Ainsi, le problème n’est pas l’innovation mais la forme que prend le travail.

« il faut passer du "system thinking" au "cultural thinking". » 3 — Milan Guenther

1 Brown Tim, « L’esprit design - Le design thinking change l’entreprise et la stratégie », traduit de la version originale « Change by design. How design thinking transforms organizations and inspires innovation », Pearson Education France, Paris, 2010 2 Fing : Fondation Internet Nouvelle Génération 3

Entretien avec Milan Guenther, auteur de l’ouvrage « Intersections », 2012


expériences professionnelles vécue lors du développement de la start-up OuiSpoon, j’ai pu comprendre qu’une nouvelle approche existait et permettait de créer un environnement propice au travail et à l’innovation, celle de «#l ’entreprise libérée#». Deux chercheurs m’ont notamment inspiré, Isaac Getz et Frédéric Laloux qui sont souvent cités comme références dans l’univers managérial. Bien que ce phénomène d’entreprise libérée peut paraître comme un effet tendance, ils s’inspirent de modèles d’entreprises

transition - [ l’innovation par essence ]

Au cours de conférences, de diverses lectures et de mes

humanistes plus anciens. Ces nouveaux genres d’entreprises sont comparés à des système vivants :

« La vie gère avec intelligence des écosystèmes d’une beauté infinie qui vont sans cesse vers davantage d’intégration, de complexité et de conscience. » 4 — Frédéric Laloux Devenir plus flexible, plus transparent et créer un environnement vertueux peuvent permettre d’envisager l’émergence de l’innovation autrement. Alors les méthodes, les processus s’effacent au service du bon sens. In fine, l’innovation n’existe plus sous ce terme mais, plutôt, par l’envie d’agir et de repousser les limites, ce que l’on appelle la motivation.

4

Laloux Frédéric, « Reinventing Organizations », illustré par Étienne Appert, Les Éditions Diateino, Paris, 2017, p. 54

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transition - [ l’innovation par essence ]

« L’innovation est devenue une activité banale, banale du point de vue des situations et des acteurs qu’elle mobilise. Elle n’est plus le seul fait des chercheurs et des entrepreneurs. Elle est devenue, tout autant, le fait des "autres". » 5 — Norbert Alter Alors la culture de l’entreprise sera fondamentale dans sa capacité à favoriser ou non le progrès, le changement, l’innovation. Une nouvelle définition de l’entreprise semble voir le jour comme un collectif humain créateur de richesse 6. Ces interroga-

174 ·

tions m’interpellent sur la possibilité qu’un design d’une culture pourrait animer le quotient d’innovation d’une organisation de manière naturelle. Ainsi, voici quatre principes qui illustrent qu’une culture peut, à elle seule, être de caractère innovant. Les principes : #1 — L’innovation en/un mouvement #2 — L’auto-gouvernance #3 — La performance par la convivialité #4 — La plénitude

5

Norbert Alter, « L’innovation ordinaire », Presses Universitaires de France, Paris, 2010, p. 267

6

« Pour une nouvelle définition de l’entreprise, comme collectif humain créateur de richesses », Le monde économique, 29 mars 2017 http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/29/pour-une-nouvelle-definition-de-lentreprise-comme-collectif-humain-createur-de-richesses_5102638_3232.html


¡ 175

transition - [ l’innovation par essence ]


176 ¡ transition - [ l’innovation par essence ]


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transition - [ l’innovation par essence ]


182 ¡

De nouvelles

transition - [ l’innovation par essence ]


perspectives : ¡ 183

transition - [ l’innovation par essence ]


transition - [ l’innovation par essence ]

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La bureaucratie la mort de

Albert Einstein «Comment je vois le monde » (1934)


réalise toute action. · 185

transition - [ l’innovation par essence ]


transition - [ l’innovation par essence ]

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Un engagement plus fluide

Getz Issac et Brian M.Carney « Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises »


est qu’un emploi. · 187

transition - [ l’innovation par essence ]


188 ¡

RH : ressources humaines.

transition - [ l’innovation par essence ]


RH : relations humaines.

futur ¡ 189

transition - [ l’innovation par essence ]


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Entre direction

transition - [ l’innovation par essence ]


et sens. ¡ 191

transition - [ l’innovation par essence ]


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La vie quand le


commence travail s’arrête. vraiment ?

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Les Hacktivateurs Association de « makers » visant à faire découvrir, promouvoir et encourager l’intrapreneuriat et le corporate hacking (hacking bienveillant des organisations) par le partage d’expériences, la mise en réseau, l’action et l’intelligence collective.


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La libÊralisation de l’innovation ~


2


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L’innovation en/un mouvement 1


principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

Les entreprises achètent de l’innovation alors qu’elles possèdent le potentiel en interne. Ce phénomène d’externalisation que nous avions mentionné dans la première partie est symptomatique de la manière de mettre en place l’innovation aujourd’hui. «#Comment s’étonner, que malgré l’immense réservoir de talents dont elles disposent, de nombreuses entreprises traditionnelles soient obligées de compter sur les «#héros#» de l’innovation ou sur des programmes spéciaux et des stages de «#créativité#» pour que les bonnes idées soient entendues et transformées en produits et services innovants ?#» 1 L’entreprise fonctionne généralement par objectif. Elle s’attache à définir le résultat souhaité avant même de commencer. Dans une démarche d’innovation, il est délicat de connaître la finalité recherchée avant de débuter.

200 ·

L’art de l’effectuation dans le processus entrepreneurial Cela fait écho avec la théorie entrepreneuriale de l’effectuation 2 , développée depuis une dizaine d’années qui commence à se répandre hors des laboratoires universitaires et de recherches. Souvent, nous réduisons l’entrepreneuriat à une «#superbe#» idée, ce qui est plutôt malsain et caricatural. Tout projet débute par une intuition, une idée en apparence simple qui s’articule autour des individus qui la portent et sur les moyens qu’ils lui donnent. Leurs personnalités, leurs savoirs lui donnent corps au fur et à mesure. Un but ou plusieurs buts sont imaginés mais n’en deviennent

1 Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 62 2

«E-learning : l’effectuation, une nouvelle approche de l’entrepreneuriat», BPI France, 1 décembre 2016


principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

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L’effectuation Schéma du processus de réflexion et d’action d’un entrepreneur issu du raisonnement effectual


202 ¡ principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]


des parties prenantes et des interactions qui se construisent, de nouveaux buts et moyens apparaissent pour formuler de nouvelles ressources ou contraintes qui vont nourrir le projet initial jusqu’à le redéfinir totalement. Être en action permet d’instaurer un cycle d’expansion du projet, ce qui fera naître de nouvelles opportunités de création. Cette logique indique que le point de départ d’un projet n’est pas l’idée, mais l’entrepreneur, cette formule représentant bien l’esprit

principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

pas pour autant des objectifs à atteindre. Au fil de l’engagement

de ce processus de découverte non figé#: idée + action = opportunité. Sans action, une idée n’a pas d’intérêt et aucune valeur. Le projet se résume à la dynamique que l’on instaure pour provoquer des opportunités. Philippe Silberzahn, chercheur associé à l’École Polytechnique, insiste sur la nécessité d’agir pour penser, quelque chose d’accessible à tous#: «#En posant que le projet démarre avec l’entrepreneur, et non avec l’idée, et que ce dernier s’appuie sur sa personnalité, ses connaissances et son réseau de relations, qui sont des ressources que tout le monde possède, l’effectuation défend l’idée d’un entrepreneuriat accessible à tous et non pas réservé à quelques super-héros.#» 3

L’ère de la rébellion Le concept de déviance est souvent associé à la transgression. La notion de déviance se caractérise par le fait qu’un individu cause des dommages à l’organisation de manière intentionnelle 4.

3

Blog de Philippe Silberzahn https://philippesilberzahn.com/2011/02/28/

4

Barel Yvan et Frémeaux Sandrine, «Les motifs de la déviance positive», Management

comment-entrepreneurs-pensent-agissent-principes-effectuation/ Prospective Ed., 2010, p. 91

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principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

Elle est souvent perçue et définie comme négative du point de vue d’un manager. D’un autre côté, l’innovation rime généralement avec destruction créatrice, c’est-à-dire déconstruire pour reconstruire. Il est parfois nécessaire de défaire pour repartir sur de nouvelles bases sans pour autant que cela soit perçu comme dégradant pour l’existant. Ainsi, des comportements déviants 5 peuvent avoir pour objectif «#l ’amélioration du fonctionnement de l’entreprise, la recherche de sa performance et le rejet de manières de travailler perçues comme inefficaces#» 6. La déviance est alors positive et devient un précieux moteur du fonctionnement des organisations. Souvent, la déviance est mal interprétée par la structure car elle ne s’accorde pas avec la culture de l’entreprise. La méfiance à son égard peut perturber les initiatives au changement, même s’ils sont positifs in fine. Nous

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sommes de nature défiants, alors élaborer une culture qui favorise une dynamique de déviance dans la structure serait un atout. D’ailleurs, pour anecdote, cette appropriation de cette culture du «#hack#» s’incarne de manière officielle et prouve qu’elle n’est plus une pratique obscure et cantonnée à la communauté de hackers. Dans ce sens le MIT, institution universitaire américaine renommée, a imaginé le «#prix de la désobéissance civile#» 7. Dévier est alors une analogie à innover. Cette posture de rupture fait écho avec le corporate hacking développé dans l’ouvrage Makerstorming 8#: Le corporate hacking est une pratique consistant à adopter une nouvelle attitude au travail à la fois

5

Barel Yvan et Frémeaux Sandrine, Les motifs de la déviance positive,

6

Ibid. p. 91

7

Joi Ito, «Rewarding Disobedience», MIT Media Lab, https://medium.com/

8

Bacquere Stéphanie et Viguié Marie-Noéline, «Makerstorming», Les Éditions Diateino,

Management Prospective Ed., 2010

mit-media-lab/rewarding-disobedience-ae194d9f0785 Paris, 2016


pour l’entreprise et redonner du sens au travail. Entrer dans une dynamique de déviance positive permet de s’écarter de la norme, des procédures en place mais n’est-elle pas les prémices d’un désir d’évolution et si celui-ci persiste, alors pourrions nous parler de culture naturelle d’innovation.

La stratégie du colibri Sans objectif fixé, sans chemin tracé, la capacité à avancer

principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

rebelle, constructive et bienveillante afin de créer de la valeur

dans l’incertitude caractérise les innovateurs. Cette manière de procéder est en phase avec la théorie du colibri 9 qu’évoque Makerstorming en expliquant le principe d’avancer par vagues successives sous forme d’itération permanente. Innover, c’est tester, appréhender des logiques d’un point de vue différent, sortir des limites définies par un cahier des charges d’un projet ou par une organisation. Sortir est un mouvement et les sorties de route ne sont pas à éviter, au contraire, elles apportent l’imprévu nécessaire à l’exploration. Les erreurs font partie des éléments qui bâtissent le projet, notre intention est, comme l’explique Zobrist, ancien directeur général de FAVI et précurseur de l’entreprise dite libérée#: «#Si vous n’avez pas fait la moindre erreur, c’est que vous n’avez pas pris suffisamment de risques.#» 10 Dans les études de design, où la créativité est mise à l’épreuve, la prise de risque se travaille. D’ailleurs, cette notion est naturellement intégrée aux critères d’évaluation pour nous inviter à persévérer et se risquer davantage. Nous avons tendance à construire un matelas, une zone de confort autour de nous qui peut limiter notre champ d’action et d’imagination.

9

Ibid. p. 36

10 Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 168

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206 ¡ principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]


Pour sortir de l’univers que l’on maîtrise, la création d’une dynamique d’échanges et d’entraide permet d’instaurer un climat de curiosité entre des personnes, de croiser des sujets et de fertiliser un terrain propice à la nouveauté. À l’ENSCI - Les Ateliers 11 , l’école où j’étudie, s’est installée une dynamique informelle d’entraide entre les futurs diplômés préparant leur projet de fin d’études et les étudiants plus jeunes dans leurs cursus. Ce dispositif fait partie de la culture de l’école. Les plus jeunes aident les plus

principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

Le laisser faire

anciens sur des tâches plutôt manuelles et en trouvent leur intérêt par le fait qu’ils acquièrent de l’expertise et des bonnes pratiques par le soutien qu’ils apportent. Faire référence à la logique de «#don contre don#», donner puis recevoir, permet de montrer les valeurs de collaboration dans un processus de création. Outre l’échange tangible, c’est avant tout l’initiative qui est mise en avant. Dans les entreprises libérées, laisser l’initiative se construire est naturel, si aucun salarié se manifeste pour poursuivre et gérer le projet alors le projet s’estompera automatiquement et l’entreprise ne cherchera pas coûte que coûte à trouver une personne intéressée pour reprendre le flambeau. Ce modèle estime que le volontariat 12 prime sur le sujet à développer. Cette manière place l’individu au centre du processus et permet aux salariés de s’approprier le projet et de se réaliser à travers lui et non l’inverse. Derrière cette pratique, les salariés sont à la recherche de l’amélioration continue par le mouvement permanent et la bonne exécution.

11 ENSCI : École Nationale de Création Industrielle 12 Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 228

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principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

208 ·

Le flow dans les jeux vidéo Courbe de difficulté et d’apprentissage par le CNAM


la grande innovation. Celle qui changera tout, à force de l’attendre, elle immobilise les structures. Peut-être, faut-il croire et miser sur un effet crescendo ? Faire petit, faire de nouveau petit, faire encore et encore petit. Être à son rythme tout simplement. Se rapprocher du système des jeux d’arcades qui fonctionnent par petits paliers. Si un jeu est trop compliqué, l’humain a tendance à se démotiver et alors à se désengager, les jeux étant imaginés pour que l’individu se surpasse légèrement à chaque niveau. Cette logique graduelle

principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

Cela interroge sur ce paradigme à vouloir chercher absolument

de la difficulté permet d’accrocher le joueur. Le gameplay permet alors de créer une dynamique, un engagement des participants. L’innovation est aujourd’hui très influencée par l’univers du numérique, du jeu vidéo. Ce lien avec le jeu montre qu’il faudrait aborder l’innovation sous un format ludique, dynamique. Innover c’est jouer.

• La sérendipité plutôt que l’innosclérose 13 • La sacralisation de l’innovation en a fait un élément providentiel, presque réservé à une élite. Au contraire, plus elle sera partagée, hétéroclite, plus le quotient d’innovation d’une entreprise ou d’une organisation augmentera. Il ne faut rien prévoir, se laisser aller. Sortir de cette image que l’innovation est de chercher, puis de trouver l’idée du siècle. L’effet crescendo correspond bien à cette intention que l’innovation promeut. La sérendipité, ce nouveau mot traduit de l’anglicisme serendipity, toute l’astuce est alors de promouvoir les découvertes

13

Terme que nous avons imaginé dans la première partie afin de symboliser le phénomène de procédure des activités d’innovation en référence à la « bureau-sclé rose » de Gary Hamel. (cf. Préambule)

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principe 1 - [ l’innovation en/un mouvement ]

inattendues, les concours de circonstance, les inventions farfelues. Pour cela, rien de tel qu’être curieux et se déplacer de sujet en sujet, d’interrogation en interrogation. Avancer, reculer, tourner, l’innovation est un mouvement à tout sauf stopper, faute qu’elle s’arrête pour ensuite caler. L’origine de l’entreprise se trouve à l’origine du mot «$entreprendre$». De facto, une entreprise pourrait se résumer à un collectif d’entrepreneurs. Les entreprises ayant optées pour un système plus entreprenant, préfèrent voir leurs collaborateurs agir au lieu de préparer un projet en vue d’en avoir son approbation$: appelons cela management par l’action 14. Alors penser «$l’action plutôt que le plan d’actions$» 15 amène à réfléchir au système de gouvernance pour donner forme à une do-cratie 16. Un système de management où ceux qui font les choses décident de ce qui doit être fait. Ainsi le prototype devient le seul décisionnaire 17. Nous

210 ·

allons le voir dans le principe suivant, quelle prise de décision est adéquate à une entreprise émancipée.

14

Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 226

15 Bacquere Stéphanie et Viguié Marie-Noéline, «Makerstorming», Les Éditions Diateino, Paris, 2016, p. 56 16

Ibid. p. 182

17 Culture de l’entreprise IDEO


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L’auto-gouvernance 2


principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

La dynamique d’innovation est aussi très influencée par les modes de gouvernance d’une structure. Alors des environnements propices et une hygiène de collaboration saine sont autant d’éléments à dessiner pour que l’innovation soit favorisée et agglomérée à l’ADN de l’entreprise. Que ce soient des entreprises plus récentes ou plus anciennes, un exemple expose bien le fait que l’organisation peut influencer la partie opérationnelle de l’entreprise. L’entreprise Spotify, un service de streaming musical, s’est aperçue d’une perte de nombreux utilisateurs et a constaté qu’il existait une complexité entre l’offre gratuite (freemium) et l’offre payante (premium). Les observateurs et consultants ont conclu que la culture d’entreprise était trop fixe pour faire émerger des solutions alternatives 1 . La culture d’entreprise a un impact sur l’expérience utilisateur

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(UX) 2 délivrée. La culture influence les produits construits par l’entreprise. Alors une question surgit#: comment faire évoluer les procédures pour soutenir un changement de culture ? Le modèle de l’entreprise libérée par un fonctionnement horizontal et par connexions est t-il plus approprié pour développer l’innovation dans l’entreprise ?

Vers un système d’autorité partagée L’auto-gouvernance amène de l’autonomie au collaborateur. Il se voit responsabilisé et cela engendre un engagement vis-à-vis de la structure, par les initiatives qu’il entreprend au quotidien. Cela fait écho avec le principe de mise en mouvement pour créer

1 Entretien avec Milan Guenther https://www.linkedin.com/in/milanguenther/ 2 UX : User Experience


précédent. Holacracy, Liquid Feedback, Open source, crowdfunding sont les nouvelles tendances au sein des entreprises. Ces dernières aspirent à de nouveaux concepts prônant l’autonomie au lieu de la hiérarchie, la transparence au lieu du contrôle, ce qui apporte ainsi, plus de plaisir à travailler 3.

principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

des opportunités de création que l’on a abordé dans le principe

L’auto-gouvernance incarnée par l’holacratie, développée par Brian Robertson, est un système de gouvernance proche de la sociocratie, c’est-à-dire qu’elle est organisée par rôles et par cercles indépendants au lieu d’être organisée par postes et par départements ou entités 4. (voir schéma ci-après) L’holacratie n’est pas un système anarchique où toute structure est détruite. Cette fâcheuse connotation, que provoque le terme «#horizontalité#», vient de notre culture bureaucratique et de notre crainte à voir les managers disparaître, synonyme de perte de pouvoir pour eux et de pression supplémentaire pour l’opérationnel. La gouvernance par le sens s’immisce dans l’entreprise. Il y a un changement de paradigme entre une entreprise hiérarchisée par les grades (ou statuts) et une hiérarchie par responsabilités. Ce qui permet à une entreprise déjà fortement structurée de trouver un nouveau mode de fonctionnement plus souple, plus agile, pour penser l’entreprise comme un système de connexions et non comme un système de strates.

3

Albers Philipp, «Culture d’entreprise», Arte France, 6 mai 2014 http://creative.arte.tv/

4

Constitution de l’holacracy http://www.holacracy.org/constitution

fr/episode/culture-dentreprise

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principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

Ces nouveaux modèles sont souvent imagés et décrits comme une pyramide inversée. La priorité est donnée au terrain. En effet, pour permettre à ce fonctionnement d’opérer, il faut mettre en place de nouveaux mécanismes. Par exemple, le processus de sollicitation d’avis permet de créer une dynamique de décision augmentée par l’intelligence collective. Culturellement, nous restons cantonnés aux principes de prise de décision autoritaire (le chef décide), par consensus (un groupe trouve le juste équilibre entre toutes les parties prenantes) ou par majorité (vote démocratique). Ces systèmes sont actuellement remis en question dans les entreprises. Un juste milieu a été trouvé par le système Advice Process 5 qui propose de ne plus demander une autorisation ou de réunir un comité de validation pour prendre une décision. Au contraire, il met en avant l’initiative tout en sollicitant l’avis de ses partenaires. Alors son porteur

216 ·

demande l’avis aux personnes concernées avant de valider son intention. Selon l’entreprise, ce dispositif peut prendre forme par un blog, un forum ou par discussion 6. Les retours sont donc effectués par les salariés qui permettront de nourrir la réflexion. Le porteur de l’initiative reste le dernier décideur quant à l’action à entreprendre mais, contrairement à un système hiérarchique, sa décision aura été imprégnée et itérée par les interactions avec d’autres collaborateurs afin d’opter pour la solution la plus avantageuse pour le collectif. Créer cette culture de partage, exposer ses idées, percevoir des retours. Des choses qui peuvent paraître anodines mais qui, dans la plupart des grandes entreprises, sont étouffées par la grande échelle de la structure. Pour appuyer le fait que ce dispositif est

5

Laloux Frédéric, «Reinventing Organizations», illustré par Étienne Appert, Les Éditions Diateino, Paris, 2017, p. 69

6 Ibid. p. 71


Description du poste

Entreprise avec l’holacratie

Rôles

Chaque personne a exactement un

Les rôles sont définis autour du

poste. Sa description est imprécise,

travail, et non des personnes.

rarement à jour, et souvent non pertinente. Délégation de l’autorité Les managers délèguent librement l'autorité. En fin de compte, leur décision surpasse toujours les autres. Ré-organisations

Ils sont plus souvent mis à jours. Chaque personne a plusieurs rôles. L’Autorité distribuée L’autorité est totalement distribuée aux équipes et aux rôles. Les décisions sont prises localement. Iterations rapides

L’organisation de la structure est

L’organisation de la structure est

rarement revisitée,

mise à jour régulièrement via de

mandatée par le haut.

petites itérations. Chaque équipe s’organise par elle-même.

Règlerment de travail Des règles implicites ralentissent le changement et favorisent les personnes dans la confidence

principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

Entreprises traditionnelle

Règles transparentes Chacun est soumis aux mêmes règles, président inclus. Les règles sont visibles pour tous.

Les configurations de l’holacratie Grille comprative traduite et issue de www.holacracy.org

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principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

218 ·

De la pyramide au Réseau Schéma issu de «Réinventing Organizations»


tique «#boîte à idées#» souvent vue comme un pansement hypocrite. Une directrice générale clamera son ouverture aux idées nouvelles, puis elle dirigera ses salariés vers un site internet interne spécifique - une «#boîte à idées#» high-tech, où leurs suggestions iront mourir, après avoir été lues par un collaborateur chargé d’envoyer une réponse courtoise et d’ignorer soigneusement la recommandation. Ou elles seront examinées, filtrées et généralement rejetées

principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

connecté à la culture, nous pouvons faire le parallèle à l’embléma-

par un «#comité de suggestions#» nommé en bonne et due forme 7. Ce récit représente bien le fonctionnement top/down d’une entreprise et montre l’effet pervers que peut avoir une bonne intention en lançant un dispositif de la sorte. Passer de la recommandation (qu’as-tu à me recommander ?) à la sollicitation (qu’est-ce que tu en penses ?) permet d’intégrer une logique d’empathie au coeur de la structure faisant appel à la conscience, au bon sens et au civisme professionnel, afin d’envisager une co-construction de l’entreprise. Oser écrire, oser présenter, oser partager est bien plus une question de prédisposition culturelle que de mise en place d’un outil temporaire jouant le rôle de livre d’or abandonné. Une entreprise devrait-elle ne pas être collaborative et participative par essence ? Sortir de la proposition, sans action associée, en intégrant plutôt cette composante dans le rouage du projet et de la procédure. L’innovation ne se dévoile-t-elle pas lorsque la détection de signaux faibles survis au travers des priorités opérationnelles ? L’amorce d’une innovation viendrait d’une entreprise plus souple où la dispersion du pouvoir permettrait de faire vivre ses signaux qui seraient alors détruits s’ils devaient affronter un processus hiérarchique 8.

7

Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le

8

Ibid. p. 353

bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 39

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principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

Créer cette atmosphère passe alors par des valeurs humaines communes, l’accès à l’information en devient primordial.

La transparence La transparence complète sur les comptes, sur les documents, sur les salaires, etc. Le libre accès aux ressources et aux informations constituant l’entreprise est une marque de confiance qui, pour certains gérants et entrepreneurs sont nécessaires au bon déroulement de la société. S’ouvrir permet alors de ne plus craindre le système de l’entreprise en donnant les moyens de collaborer sans craintes. Cela peut se faire par étapes#: ouvrir les documents, ouvrir les bureaux... Différentes manières sont aujourd’hui envisagées par les entreprises pour sortir de l’ambiance de compétitivité qui peut se faire ressentir entre les individus ou les services, bloquant

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ainsi tout projet transdisciplinaire souvent source d’innovation. Alors, pourquoi ne pas passer à un mode hybride de coopétition, un mélange de coopération et de compétition, pour faire disparaître les barrières qui peuvent exister, tout en préservant un challenge positif et stimulant ? La confiance devient alors un élément central dans une entreprise transparente. Cela permet de donner les clés aux collaborateurs. Comment être dans un comportement d’innovateur en travaillant avec des éléments inconnus ? L’accès permet de comprendre la globalité, de comprendre le métier et les problèmes d’un collègue voisin par exemple. Généralement, l’entreprise a pour habitude de limiter la communication afin de sécuriser la propriété intellectuelle qui est un élément primordial dans la culture actuelle du «#secret industriel#». La propriété intellectuelle sert à garantir qu’un savoir, une idée, une innovation s’échappent pas. Par conséquent, si


tion (brevet), alors il paraît logique que cette innovation ne pourra pas rebondir dans la structure de l’entreprise#: 1% des brevets ont une application 9. Cette analogie montre que la confiance instaurée par la culture d’entreprise pourrait permettre notamment de donner vie aux ressources de l’entreprise et d’en créer de la valeur. La confiance est aussi primordial entre plusieurs entreprises dans un contexte d’open innovation.

principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

l’innovation est contrôlée et verrouillée par cette mesure de protec-

D’ailleurs, la tendance à l’ouverture – de l’open source à l’open data – issue du monde de l’internet et des évolutions de la société fait également bouger la culture d’entreprise. Il y a dix ans, Don Tapscott et David Ticoll proclamaient dans The Naked Corporation 10 l’ère de la transparence pour les entreprises. La transparence amène les entreprises à repenser leurs valeurs fondamentales. Ainsi une culture de la transparence permettrait aux salariés d’être plus en phase avec la mission de l’entreprise et de se l’approprier plus facilement. 11 La startup Buffer, qui développe un outil de gestion de réseaux sociaux, a instauré un programme de transparence surnommé «#OpenBuffer#» 12 , où notamment sont publiés les salaires des employés, le tableau de bord financier de l’entreprise, les emails et même les futures idées de contenu. Bien que cette société fonctionne très différemment d’une société plus classique, par une équipe entièrement distribuée sur les cinq continents en télé-travail, la transparence est la clé d’une philosophie de l’entreprise. Sa

9

Giget Marc, «Le rôle fondamental de la science à la source de l’innovation», Master IMT, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, vendredi 4 novembre 2016

10

http://www.nakedcorporation.com/about.html

11

Albers Philipp, «Culture d’entreprise», Arte France, 6 mai 2014 http://creative.arte.tv/ fr/episode/culture-dentreprise

12 https://buffer.com/transparency

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principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

vertu permettrait de créer un climat de confiance, ce qui réduit le potentiel conflit et augmente la productivité ainsi que la créativité.

Le management « doux » Cette transparence amène la confiance vis à vis de chaque collaborateur. Ainsi les systèmes de contrôle et de tracking peuvent aussi disparaître. Cette émancipation est bénéfique pour une entreprise car souvent les règles de conduite, de procédure ne rendent pas service à la volonté première, comme le montre le syndrome du budget alloué aux équipes#: l’objectif d’une entreprise n’est pas de dépenser son budget mais de gagner plus que ce qu’elle a dépensé. Finalement, cette configuration de prévoyance financière établit un cadre qui place les salariés dans la posture de dépense et de surveillance des finances au lieu d’être dans l’optique de

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croissance, d’exploration et de dépassement 13. Ce cadre prédéfini n’invite pas les collaborateurs à piocher dans leurs budgets, bien calculés, pour des tâches expérimentales par exemple. Or, tout projet d’innovation engendre des imprévus financiers et surprises en tout genre. Alors l’absence de budget dans certaines structures contribue à libérer les employés. Outre la possible non définition d’un budget, au service de l’innovation, les entreprises s’inscrivant dans une logique de diminution ou même de suppression totale du système de contrôle, comme arrêter le reporting et privilégier l’auto-gestion, créent un climat positif qui amène à émanciper les salariés. Cette liberté est vue comme un moyen d’agir et d’améliorer à la fois les conditions de travail mais aussi les produits et services vendus. Au préalable, un écart aurait été vu d’une manière négative et aurait été

13 Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 294


cet écart est invisible et permet à chacun d’agir comme bon lui semble, favorisant ainsi les tâches plus créatives. Le contrôle est aussi présent dans le pouvoir décisionnel. Alors l’autonomie que procure l’auto-gouvernance permet de sortir de la hiérarchie par la décision. L’habituel « Go ou No Go#» est remplacé par une décision proactive des personnes concernées plus proches

principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

synonyme d’une incompatibilité avec la procédure. Maintenant,

du terrain et de la problématique touchée. Au lieu d’être dans la posture «#puis-je faire ceci et cela#», une entreprise avec une culture plus entrepreneuriale fonctionnerait sur cette posture#: «#j’ai commencé à changer ça, vous avez des idées pour que ce soit encore mieux ?#» 14. Cela montre que la culture d’une entreprise n’est pas négligeable dans la motivation à innover.

• L’autorité distribuée • Rendre la culture moins contrôlée implique de toucher au système de l’entreprise. Cela ne veut pas dire qu’aucune hiérarchie existe. Une subordination naturelle s’instaure, il y a ses leaders et ses suiveurs. Ce rapport est non hiérarchique mais plus psychologique selon le caractère propre à chaque salarié. Ce malentendu qui anime l’entreprise libérée est clarifié par cette explication$: il ne s’agit pas de «$donner le même pouvoir à tous mais de donner du pouvoir à chacun.$» 15 Ce management alternatif est soutenu par une culture forte qui, à mon sens favorise la liberté d’entreprendre, ce qui donne

14

Bacquere Stéphanie et Viguié Marie-Noéline, «Makerstorming», Les Éditions Diateino, Paris, 2016, p. 158

15 Laloux Frédéric, «Reinventing Organizations», illustré par Étienne Appert, Les Éditions Diateino, Paris, 2017, p. 123

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principe 2 - [ l’auto-gouvernance ]

des possibilités à innover de manière plus informelle au coeur de notre activité et au quotidien. Finalement, cette configuration d’entreprise se rapproche de celle d’une famille comme le stipule la métaphore de Frédéric Laloux 16. Ce qui nous amène au prochain principe, la convivialité en entreprise.

224 ·

16

ibid. p. 30


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226 ·


La performance par la convivialitĂŠ 3


principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

L’innovation = table de ping pong L’innovation = colunch 1 L’innovation = convivialité On note l’apparition des living lab, lieux de vie où s’agglomèrent associations, collectifs, citoyens, entreprises qui ont pour objectif de tester «#grandeur nature#» des services, des outils ou des usages nouveaux 2 . Outre sa fonction, il est intéressant de noter cette analogie à «#living#» qui signifie «#v ie#». On peut alors en déduire que la notion de vitalité de cet espace prime avant toute autre chose. Ces lieux regroupent généralement des communautés pour

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faire éclore des projets. Des dispositifs informels sont alors mis en place. En effet, La Cantine, située au coeur du Sentier, était l’avantgarde du Numa 3. Son nom n’est pas anodin#: «#La Cantine#» c’est le lieu où des rencontres inattendues se produisent dans les grandes entreprises, là où les organisations verticales s’horizontalisent. Là aussi où la stigmergie a lieu 4. Il va de même avec l’emblématique «#table de ping-pong#» présente chez les start-ups. Outre l’objet, ce sont les interactions générées qui font l’intérêt de cet objet. Alors, il en devient un prétexte, un outil culturel, à croiser les intérêts et les savoirs. Créer une atmosphère propice à l’innovation est alors devenu un enjeu primordial. Les organisations prennent de nombreuses

1 Colunch : repas collaboratif 2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Living_lab 3

cf. chapitre « Les espaces »

4

Discussion avec Nathanaël Sorin au Numa


en re-configurant les espaces ou en organisant des séminaires de sensibilisation comme nous avons pu l’observer dans la première partie 5. Ce sont des prétextes et ces exemples montrent que ce ne sont pas uniquement les dispositifs et les espaces mais plutôt les moments de vie qui sont sources d’innovation.

Ambiance transversale Le partage d’intérêts, la fertilisation croisée des idées sont plus que des tendances et s’incarnent dans les entreprises. Il y a

principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

dispositions pour faire émerger un climat stimulant. C’est souvent

des modèles d’entreprises qui jouent avec les espaces pour développer cette attitude. Prenons l’exemple de l’entreprise Richards Group qui attribue des places aléatoirement avec des commerciaux qui s’installent à côté de créatifs et vice versa 6. Cette mixité des profils dans un open space permet d’établir une culture du partage et participe à la curiosité des employés. D’autres entreprises optent pour plus ou moins délimiter les barrières entre l’environnement de travail (le bureau) et l’environnement de la maison. Pour cela, elles intègrent des codes mobiliers d’une maison comme nous avons pu le mentionner avec la tendance du flex office développé, notamment, par Sanofi en France. Des expériences plus atypiques sont mises en place pour développer des ambiances très proches de celle d’une habitation, comme notamment la présence des animaux domestiques des salariés. Aujourd’hui, Sounds True, entreprise américaine, compte

5

cf. Partie 1, chapitre « Les espaces » et chapitre « Les dispositifs »

6

Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 274

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principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

20 chiens pour 90 salariés 7. Cette configuration s’est instaurée progressivement, et selon le retour des salariés, caresser le chien d’un collègue crée un lien subtil avec lui. L’intimité participe à la création des relations sociales dans la société.

Le bureau, la maison, où travailler ? Certaines entreprises misent sur le télé-travail qui se démocratise grâce aux outils numériques. Au delà de cette possibilité pragmatique de travailler depuis chez soi, cette configuration montre que certains salariés ressentent ce besoin de créer un lien entre leur profession et leur vie quotidienne. La nouvelle génération amène à repenser notre rapport au travail et surtout cette frontière qui commence à s’estomper entre la vie professionnelle et personnelle. Être au bureau ou à la maison, «#où travailler#» devient

230 ·

une interrogation cruciale pour chacun de nous. De nouveaux concepts d’entreprise naissent notamment avec l’émergence de maison, à la fois, lieu de vie et de travail. L’exemple de la startup Seed-up 8 co-fondée par Benjamin Poivey, designer issu de l’ENSCI - Les Ateliers, fonctionne sur un principe simple#: une maison regroupe des habitants et des travailleurs indépendants sous forme d’un collectif. L’ensemble des locataires travaillent sur des projets collectifs pour de grandes entreprises comme le ferait un cabinet de conseil lambda. Leur temps libre leur sert à développer des projets plus personnels. L’entreprise essaie de devenir une véritable maison et non uniquement ressembler à une maison. Finalement, on s’aperçoit que la culture d’un lieu est très importante dans la vie et la réussite

7

Laloux Frédéric, «Reinventing Organizations», illustré par Étienne Appert, Les Éditions

8

https://seed-up.io

Diateino, Paris, 2017, p. 92


mutuellement et s’enrichissent au fil des interactions, des rencontres opportunes. Me semble-t-il, créer du lien pour innover est naturellement la première chose à faire.

Quand le travail rime avec convivialité C’est ainsi que j’ai développé la start-up OuiSpoon, première plateforme collaborative d’activités entre collègues 9. Outre posséder des espaces conviviaux et cosy, l’importance est de créer une émulation. Animer la vie d’une entreprise devient alors une

principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

de l’organisation. Alors les espaces et les acteurs se répondent

activité primordiale pour créer des opportunités et fluidifier le travail. Nous croyons que la convivialité au travail va aider l’entreprise à innover. Par exemple, un salarié du pôle marketing qui doit travailler sur un lancement d’un nouveau produit va devoir interagir avec le département des achats et celui de la communication pour mettre en place son projet. L’entreprise, organisée en silos va alors entraver, compliquer le travail de ce salarié sans le vouloir. Par exemple, des liens privilégiés avec un commercial et un graphiste peut simplifier la démarche, l’enrichir, l’améliorer et enfin l’accélérer. Finalement une partie de foot ou un afterwork anodin va permettre de créer du lien social avec des personnes qui ne se seraient croisées que dans un cadre de travail. Connaitre et reconnaitre ses collègues en ayant partagé des moments simples avec eux permet d’être plus en confiance, de prendre davantage de plaisir à la collaboration. L’intelligence collective est souvent utilisée pour les démarches d’innovation, l’intégrer à la culture de l’entreprise pourrait rendre la structure auto-innovante, qui sait !

9

https://www.ouispoon.fr

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Le concept « OuiSpoon »

Parcours utilisateur

principe 3 - [ la performance par la convivialité ]


¡ 233

principe 3 - [ la performance par la convivialitĂŠ ]


principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

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La plateforme « OuiSpoon » Site internet (version Beta), capture d’écran


¡ 235

principe 3 - [ la performance par la convivialitĂŠ ]


principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

Entreprendre à combien ? S’apprécier, se respecter deviennent alors les maîtres mots. D’ailleurs, certaines personnes poussent à l’extrême cette philosophie. Celles-ci pensent qu’une société ne doit pas excéder un nombre de salariés précis#: de 50 pour les plus «#extrémistes#» à 150 pour les plus rationnels et modérés. Pour eux, le lien social se fracture au delà de ces chiffres. Alors comment pouvons-nous réfléchir la croissance d’une organisation ? L’exemple de la mini-usine de FAVI, entreprise de métallurgie dans le nord de la France, est humainement intelligent#: «#Organiser les ouvriers en équipes d’une vingtaine de personnes, en autodirection pour l’essentiel. Chacune de ces équipes, qu’il a appelées mini-usines, se voit attribuer un client et un produit, ce qui lui permet de mieux connaître les besoins du

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client dont elle s’occupe et de constater par elle-même s’il est satisfait.#» 10. Peut-être qu’innover passe aussi par une restructuration de nos activités en filiale sous forme de spin-off. Le spin-off est une opération de scission, où une nouvelle entreprise est créée à partir d’une organisation plus grande 11 . Peut-on alors imaginer un jour voir des entreprises, comme Engie ou SNCF, se diviser pour mieux construire ?

La freelancisation Avec l’essor des professions libérales, être travailleur indépendant devient de plus en plus commun. Alors des collectifs comme Mangrove ont vu le jour##: une communauté de freelances qui réfléchit à un modèle d’entreprise plus adapté pour concilier

10 Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 38 11 https://fr.wikipedia.org/wiki/Scission_(entreprise)


remment#: sans lieu fixe avec le nomadisme ou avec l’instauration d’un salaire universel à destination des membres sont des réflexions actuelles. L’émergence de ces nouvelles pratiques inversent la logique et le rapport à l’entreprise. Habituellement l’entreprise représente un flot d’individus. Avec les nouveaux schémas de pensée, l’individu est au coeur du système. Les salariés ou freelances ne vont pas s’adapter à la structure mais celle-ci va s’adapter à eux. Il y a un changement sur le fond du monde du travail qui est

principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

épanouissement personnel et travail 12 . Aborder le travail diffé-

en train d’émerger, ne plus appartenir à une entreprise mais plutôt intégrer une communauté où il y a un partage des valeurs et des liens sociaux forts. Nous sommes dans une période de «#débureaucratisation et réhumanisation des relations#» 13. Peut-être un sentiment de n’être pas seulement de la ressource humaines à gérer.

«From Work to Life» 14 — Collectif Mangrove

• La plaisance au travail. Tu plaisantes ! • Du côté de l’entreprise, cette nouvelle perception du travail est aussi avantageuse car elle lutte contre le présentéisme des salariés dans une entreprise qui, chaque année, est une source de dépenses conséquente. Cela montre que la culture d’entreprise est à travailler et que la productivité à outrance ne fonctionne

12

https://mangrove.gitbooks.io/playbook/content/workplaces.html

13

Blog de Gary Hamel http://www.garyhamel.com/blog

14

En français : «Du travail à la vie», http://www.mangrove.io/

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principe 3 - [ la performance par la convivialité ]

pas. Finalement, les entreprises prennent conscience que le rapport au travail évolue, il tend à être plus flexible, adaptable à notre situation personnelle mais place surtout la motivation en première ligne. Auparavant, les entreprises considéraient que la motivation s’effectuait par une récompense tangible (augmentation, prime, avantages, etc.) mais elle s’aperçoivent que l’Homme est plus motivé par l’expérience vécue 15. L’environnement de travail est nécessaire au bon déroulement de la vie dans l’entreprise mais celui-ci est à accompagner par une culture solide d’entreprise afin qu’il soit efficient. L’innovation sera alors peut-être plus spontanée dans un environnement qui auto-motive les salariés 16. Cette motivation passe aussi par la réalisation de soi, c’est pour cela que le prochain et dernier principe est consacré à la plénitude.

238 ·

15 Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 179 16

Ibid. p. 183


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Publicité « Spaces. works » Affiche à l’entrée de l’espace de coworking au 124 rue Réaumur, 75002 Paris.


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La plĂŠnitude 4


principe 4 - [ la plénitude ]

Depuis quelques années, de nouveaux termes émergent dans le monde de l’entreprise#: le bonheur, le bien-être. Cette tendance est soutenue par des labels d’entreprise comme «#HappyAtWork » 1 , une sorte de récompense pour les entreprises où il y fait bon travailler. Parallèlement, dans la lignée du burn-out, d’autres notions à connotation négative apparaissent comme le phénomène bore-out 2 , terme qui symbolise l’ennui et le manque de sens dans son travail. Quand les salariés se désengagent de la profession de foi de l’entreprise qui leur paraît être une simple cosmétique. Alors, la capacité d’une entreprise à engager ses troupes pour développer son marché devient délicat.

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Isaac Getz, docteur en psychologie et en management, a développé le concept d’entreprise «#comment#» et d’entreprise «#pourquoi#» 3. Les entreprises «#comment#», consacrent beaucoup de temps à dire aux salariés comment faire leur travail. Dans cette optique, il est compliqué d’être dans une posture de construction et donc de générer de l’innovation. Alors intégrer la logique du «#pourquoi#» et remplacer le «#comment#» par «#pourquoi faites-vous ce que vous faites ?#» apparaît comme une renaissance pour l’innovation dans l’entreprise. Comprendre son travail, être en accord avec soi devient une composante importante dans les entreprises. Il est difficile de voir

1 http://meilleures-entreprises.com/ 2 Bacquere Stéphanie et Viguié Marie-Noéline, «Makerstorming», Les Éditions Diateino, Paris, 2016, p. 179 3

Getz Isaac et Brian M.Carney, «Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises», La clé des champs, Paris, 2016, p. 38


dicte les tâches à effectuer.

L’engagement Sortir du paradigme emploi pour aller vers l’engagement. «#Un

principe 4 - [ la plénitude ]

émerger de l’inattendu dans les circonstances d’une entreprise qui

engagement est plus qu’un emploi#» 4 cela amène à redéfinir le rôle des salariés pour leurs entreprises respectives. Outre l’attractivité, la renommée, la stabilité, les avantages, une entreprise possède une image protectrice mais celle-ci ne fait plus rêver les nouvelles générations préférant d’autres critères, plus en phase avec leur convictions personnelles. C’est pourquoi notre économie se «#startupise#» 5 à la fois de l’extérieur et aussi de l’intérieur des grandes sociétés pour créer des groupes autour de valeurs communes et à une échelle plus abordable. Dans ces systèmes à taille humaine la pluridisciplinarité est prônée par l’agilité à jongler entre diverses casquettes que chacun possède. Dans ce sens, certaines grandes organisations ont renoncé au titre et au descriptif de poste, les remplaçant par des engagements#: «#qui fait quoi, au lieu de qui est qui#» 6. La finalité du travail est en ligne de mire, notre souhait n’est pas seulement d’utiliser nos compétences dans l’élaboration d’un nouveau service ou produit sous forme d’exécutant mais de faire des projets en suivant ses propres convictions et intérêts. Ainsi les compétences s’inscrivent dans un projet approche globale et presque plus éthique.

4

Ibid. p.31

5

Adler Benjamin, «Comment Carrefour se startupise», Influencia, 23 novembre 2016 http://www.influencia.net/fr/actualites/art-culture,innovations,comment-carre four-startupise,6862.html

6

Bacquere Stéphanie et Viguié Marie-Noéline, «Makerstorming», Les Éditions Diateino, Paris, 2016, p. 56

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principe 4 - [ la plénitude ]

À l’image du «#mission statement#» 7, construire une raison d’être à la fois collective et personnelle permet de déclencher une volonté à transformer et à innover. Ainsi, le savoir-être correspond à la capacité de produire des actions et des réactions adaptées aux nécessités économiques de l’entreprise et à l’idéologie des personnes 8. Être engagé n’est pas être militant pour autant. Par contre, cela nécessite des compétences alternatives.

Les soft skills, les mad skills «#D’un côté, il y a les «#hard skills#», autrement dit les compétences «#démontrables#», acquises par l’individu#: des connaissances de l’ordre technique ou académique qui ont donné lieu à des notes, à des diplômes, à des certificats, à des grades, à des titres. De 246 ·

l’autre côté, il y a les «#soft skills#», plus informelles, parfois moins conscientes aussi – et encore très peu valorisées en France au sein de l’entreprise#: l’écoute, la pédagogie, l’empathie, l’adaptabilité, la créativité, la gestion du stress... Autant de compétences à part entière qui sont, depuis longtemps, les bienvenues dans nombre d’entreprises anglo-saxonnes. Et qui peuvent servir de levier à la performance et à la compétitivité.#» 9 Nos compétences, nos connaissances sont importantes mais de nouveaux savoirs-faire émergent que l’on appelle les «#madskills#», qu’on pourrait traduire par «#folles compétences#» en français. Celles-ci sont l’originalité, l’esprit déviant, l’aptitude à penser en

7

cf. chapitre «Les solgans»

8

https://fr.wikipedia.org/wiki/Savoir-être

9

Le Bolzer Julie, «Les soft skills, kézako ?», Les Echos Business 28 avril 2014, http://po.st/9Ibhci


même l’impulsivité 10. Par le passé, avec l’héritage de l’industrialisation fordiste, les entreprises étaient friandes d’harmoniser ses profils d’employés afin de pouvoir les remplacer, les interchanger sans limites, ne

principe 4 - [ la plénitude ]

dehors du cadre, la capacité à prendre des risques, la spontanéité et

portant pas une attention particulière à leur particularité. Cette harmonisation que la structure souhaite amener, a pour but de lisser les caractères au sein de ses structures et les opinions. En quelque sorte, les entreprises se sont intéressées à construire une sagesse interne. Pour sortir de cette image «#entreprise sage#», l’authenticité des profils s’installe dans le processus de recrutement. L’innovation passe alors par la création de groupe hétéroclites. Être atypique, rompre les repères, les étiquette afin de favoriser l’éclosion du caractère naturel de chacun. L’entreprise se doit d’être une surface de dialogue et source d’argumentations. De Bill Coughran, ancien vice-président et directeur de l’ingénierie de Google#: «#Je ne veux pas d’une organisation qui se mette au garde-à-vous et fait tout ce que je dis. Je veux une organisation qui argumente avec moi.#» 11 . D’où l’importance des soft skills, la capacité du salarié à s’intégrer efficacement et à s’épanouir au sein d’une équipe. La mise en œuvre et en évidence de ses compétences «#douces#» et alternatives permet d’établir un culture de la diversité et de promouvoir les différences qui sont, de facto, source d’inspiration.

10

Bernard David, «Les MadSkills signent-elles la mort des profils formatés ?», Maddyness, 21 octobre 2016 https://www.maddyness.com/ business/2016/10/21rh-madskills-signent-mort-profils-formates/

11

Joseph-Dezaize Gabriel, «Le must de l’innovation. Dix thèses révolutionnaires pour s’adapter à un monde en mutation», Harvard Business Review France (hors-série), Prisma Media, Paris 2016, p. 82

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principe 4 - [ la plénitude ]

L’ère de l’intrapreneuriat Des comités de pilotage, des réunions annuelles du comité exécutif. Les entreprises conventionnelles ont pour habitude de regarder dans une temporalité long-termiste, à l’échelle de 3 à 5 ans à l’avance, et construisent des plans d’actions pour planifier, ordonner leur perception du marché et leur vision. Certaines entreprises, plus émancipées, fonctionnent différemment#: «#Nous essayons de faire les paysans#: regarder 20 ans en avant et ne pas prévoir plus loin que le lendemain#» explique l’ancien directeur de l’entreprise FAVI 12 . Ainsi certaines préconisations et tendances amènent à définir une nouvelle approche#: passer du mode prévision-contrôle à un mode ressenti-réponse 13. L’accomplissement devient un moteur et sera au service de

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l’entreprise. La satisfaction, le sentiment d’impact est au moins autant plus réjouissant que certains autres facteurs plus matériels. Dans une vision idéaliste, «#Les nouveaux travailleurs n’ont pas la réussite financière comme priorité numéro un. Ils veulent pouvoir dire chaque jour#: «#Voilà ce que j’ai fait d’extraordinaire aujourd’hui#» 14. Alors le cheminement compte autant que la destination et la finalité du projet. Les dispositifs d’intrapreneuriat sont la clé pour le développement personnel au sein des grandes structures. Intrapreneuriat signifie entreprendre par l’intérieur. D’ailleurs, cette tendance se confirme à la fois dans les entreprises

12 Laloux Frédéric, «Reinventing Organizations», illustré par Étienne Appert, Les Éditions Diateino, Paris, 2017, p.119 13 Ibid. p. 130 14

Gutman Anthony, «Qui sont les nouveaux travailleurs ? Neuf caractéristiques d’une émergente», We Demain, 22 septembre 2016 https://www.wedemain.fr/Qui-sont-les-nouveaux-travailleurs-Neuf-caracteristiquesd-une-culture-emergente_a2172.html?platform=hootsuite&utm_content=bufferbe fe6&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer


exposés de plus en plus à ce discours de remise en question permanente. Il faut alors se développer intérieurement 15. L’intrapreneuriat est souvent synonyme de création d’une startup dans l’entreprise et elle peut être portée sur une probléma-

principe 4 - [ la plénitude ]

avec la multiplicité de ce genre de programmes et pour les salariés

tique métier ou s’en écarter. Pour autant, il ne faut pas stigmatiser cette approche, d’autres moyens et d’autres canaux permettant d’animer cette logique d’intrapreneuriat. Notamment par le «#hors les murs#», c’est-à-dire sortir du cadre, entreprendre ses tâches quotidiennes autrement. Nombre d’entreprises ont pour plus grand souhait que leurs salariés soient innovants mais ne les libèrent pas de l’encrage traditionnel. Par exemple, lors de discussion avec une employée de TUI, le plus grand groupe de tourisme au monde et le premier voyagiste français, ce qui m’a frappé, c’est la distance avec laquelle les salariés travaillent avec le terrain. Confinés dans leur siège social et travaillant sur des ordinateurs fixes pour certains. Cela peut paraître enfantin mais donner la possibilité à chaque employé de partir travailler sur le terrain en utilisant le réseau de villages de vacances, de clubs touristiques lorsque celui-ci est moins occupé est déjà une réponse. Alors utiliser l’entreprise comme terrain d’expérimentation et de travail est, à mon sens, un atout non utilisé. Aller dans les centres de vacances, vivre, comprendre est un moyen d’entreprendre et d’analyser des signaux faibles que l’on aurait perçu du siège social ou qui n’auraient jamais réussi à remonter les procédures de contrôles. Les dispositions matérielles mais aussi la culture de l’entreprise influence les initiatives, la construction de nouvelles briques. Toute cette valeur ajoutée par petites touches permettra, peut-être,

15 Marc de la Ménardière, Nathanaël Coste, documentaire «En Quête de sens», association Kamea Meah Films, 2015 http://enquetedesens-lefilm.com/

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Fenêtre d’un bureau du Gouvernment Digital Service UK Selon la légende, ceci est une fenêtre du Government Digital Service UK (qui a fait économiser quelques milliards à la couronne en remettant l’utilisateur au centre de ses travaux) selon l’article Linkedin de Guewen Loussouarn, Fondateur d’Haigo.


personne n’aurait encore pensé.

• Innover par engagement et non pas nécessité • Se sentir acteur est plus stimulant que d’être vu comme un

principe 4 - [ la plénitude ]

un jour d’apercevoir un nouveau marché, quelque chose à laquelle

exécutant. Notre travail consiste souvent à satisfaire notre «$patron$» ou à motiver des subordonnés. Beaucoup d’énergie s’évapore dans ces tâches. Pourtant notre travail ne se résume pas à cela mais plutôt à ce qu’on produit et donc à du travail créatif 16. La mise en place d’un environnement où les employés se sentent eux-mêmes valorisés permet d’envisager une finalité plus constructible pour les individus et in fine pour l’entreprise. L’expérience d’un collaborateur se dessine en fonction de la culture et de l’ADN de l’entreprise. Celle-ci permet d’établir des prédispositions aux salariés à engager leurs convictions au bénéfice de l’entreprise qui ne peut être que reconnaissante. Cette motivation personnelle amène de nouvelles réflexions qui tendent à repousser les limites de leurs métiers, leurs activités. Ainsi innover fait partie de leur sens.

16

Laloux Frédéric, «Reinventing Organizations», illustré par Étienne Appert, Les Éditions Diateino, Paris, 2017, p.114

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SYNTHÈSE

Design-moi une culture /


Synthèse - [ Design-moi une culture ]

Mon regard et ma pratique de designer m’ont amené à m’interroger sur les raisons, les fonctionnements et les mécanismes de l’objet «#innovation#». Aujourd’hui, cohabitent deux grandes approches : une est issue de notre culture d’entreprise rationnelle et dirigée, une autre s’inspire d’une culture d’entreprise émancipée et souple. Je réalise que dans cette course effrénée à l’innovation que se livrent les entreprises, la remise en question des organisations est souvent reléguée ou superficielle.

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« Il ne suffit donc pas d’abolir radicalement le pouvoir de direction et les organigrammes. Il est plus important d’adopter un design organisationnel intelligent et une poignée de règles bien réfléchies pour stimuler l’innovation, la productivité, la collaboration créative et ce que l’on appelle communément une culture d’entreprise positive ou, plus simplement, une "bonne ambiance de travail". » 1 — Albers Philipp

1 Albers Philipp, « Culture d’entreprise », Arte France, 6 mai 2014, http://creative.arte.tv/ fr/episode/culture-dentreprise


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innovation

organisation

Synthèse - [ Design-moi une culture ]


256 ¡ Synthèse - [ Design-moi une culture ]


riseront l’innovation, devient une base essentielle. En soi, ce n’est pas l’entreprise qui innove. Elle donne simplement les moyens à ses salariés d’être engagés. Une liberté d’action qui déclenchera puis enclenchera une intuition, une intention, une idée, une action et ainsi de suite. Ce mouvement perpétuel est peut-être l’innovation que recherchent tant les organisations.

Synthèse - [ Design-moi une culture ]

Alors, construire une culture, une hygiène de travail qui favo-

L’empathie, le partage d’une vision commune, un environnement capacitant font d’une entreprise un lieu où il fait bon de travailler. Le rôle d’un directeur d’innovation serait alors d’être le garant de la culture de l’entreprise en préservant sa liberté. Enfin, si celui-ci existe toujours, avant qu’il soit, peut-être, remplacé par un Chief Happiness Officer 2 . Le designer à un rôle à jouer, comme le montre le thème de la biennale de design 2017 à Saint-Étienne «#Working promesse - les mutations du travail#» 3. De la conception d’outils ludiques à des méthodes flexibles tout en réfléchissant à un environnement adéquat et au mapping des systèmes, l’apport du designer permettra d’offrir une perception holistique, une sorte de méta-design lui permettant de comprendre la complexité d’une organisation et de pouvoir remonter aux raisons initiales qui ont justifiées la mise en place d’un dispositif puis de vérifier que les résultats correspondent. Mon dessein se tourne alors vers l’expérience collaborateur, notamment à travers le développement de la start-up OuiSpoon 4.

2

En français : Responsable du bonheur en entreprise

3

10ème édition de la biennale internationale de Design à Saint-Étienne, du 9 mars au

4

OuiSpoon est une plateforme collaborative d’activités entre collègues, ouispoon.fr

9 avril 2017

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Synthèse - [ Design-moi une culture ]

Je suis persuadé qu’un système alternatif, centré sur des valeurs humanistes sera plus viable qu’un système managérial inspiré du Taylorisme 5 vieillissant et toujours si robuste. Au lieu de dessiner des organigrammes, des lieux et des process pour ensuite y injecter de la culture, il faudra d’abord travailler sur la culture puis développer autour d’elle la structure de l’organisme qui la facilitera. Alors, imaginer une entreprise comme un projet de design avec le design d’expérience en ligne de mire. Plaisir, amitié, travail.

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5

https://fr.wikipedia.org/wiki/Taylorisme


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Sources d’inspiration & ressources #


sources d’inspiration & ressources - [ l’innosclérose ]

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révolutionnaires pour s’adapter à un monde en mutation, Harvard Business Review France (hors-série), Prisma Media, Paris 2016 Knapp Jake, Zeratsky John, Kowitz Braden, Google Venture, Sprint: How to Solve Big Problems and Test New Ideas in Just Five Days, Simon & Schuster, New-York, 2016 Laloux Frédéric, Reinventing Organizations, illustré par Étienne Appert, Les Éditions Diateino, Paris, 2017 Musnik Isabelle et Clouzard Gaël, Anthologie de l’innovation,

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Joseph-Dezaize Gabriel, Le must de l’innovation. Dix thèses

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Steelcase, Le nouveaux Q.I. Augmenter votre quotient d’innovation, 360 Magazine N°7, Steelcase Inc, 2013 Stickdorn Marc, Schneider Jakob, This is service design thinking, Paperback edition, BIS Publishers, 2014

Mémoires DEMAY Adrien, Hodologie de l’innovation, Mémoire sous la direction de Jacques-François Marchandise, ENSCI - Les Ateliers, 2009 Jullien Florent, Good job ! Récit critique d’une expérience dans la Silicon Valley, Mémoire sous la direction de Rozenn Canevet, ENSCI Les Ateliers, 2016

Articles et Blogs 264 · Adler Benjamin, « Comment Carrefour se startupise », Influencia, 23 novembre 2016 http://www.influencia.net/fr/actualites/art-culture,innovations,comment-carrefour-startupise,6862.html

Albers Philipp, « Culture d’entreprise », Arte France, 6 mai 2014 http://creative.arte.tv/fr/episode/culture-dentreprise

Alami Lina, « Théorie CK : quand la créativité épouse le savoir », Blog Comment innover, 28 novembre 2015 http://comment-innover.fr/2015/11/28/theorie-ck-1/

Berkun Scott, « The ten myths of innovation », 26 mars 2013 http://scottberkun.com/2013/ten-myths-of-innnovation/


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Boyer Clémence, Mousset Nolwenn, Ollivier Théa, « Sans bureaux ou sans boss, 4 sociétés qui font bouger les lignes », Les Echos Start, 8

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Bernard David, « Les MadSkills signent-elles la mort des profils

août 2916 https://start.lesechos.fr/rejoindre-une-entreprise/actu-recrutement/sans-bureaux-ou-sans-boss-4-societes-qui-font-bouger-les-lignes-5525.php

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Usbek & Rica en partenariat avec MAIF, 6 octobre 2016 http://consocollaborative.com/interview/ les-labs-dentreprise-sont-ils-des-coquilles-vides/

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Films

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Vialle Élodie, « Les labs d’entreprise sont-ils des coquilles vides »,

Daniel Martínez Lara et Rafa Cano Méndez, court métrage « Alike », La fiesta producciones cinematograficas, 2015 http://www.alike.es/

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Marc de la Ménardière, Nathanaël Coste, documentaire « En Quête de sens », association Kamea Meah Films, 2015 http://enquetedesens-lefilm.com/

Martin Meissonnier, documentaire « Le bonheur au travail », ARTE France, Productions Campagne Première, France, 2014 http://boutique.arte.tv/f10216-bonheur_travail

Vernet Gilles, documentaire « Tout s’accélère », association Kamea Meah Films et La Clairière Production, 2016 https://toutsaccelere.com/


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Conférences & Podcasts Albert David, Directeur du Cercle de l’innovation, « Organiser le design thinking : leçons de 10 ans d’ateliers d’innovation », Université Paris-Dauphine, Paris, 7 octobre 2016 https://www.franceculture.fr/conferences/universite-paris-dauphine/organiser-le-design-thinking-lecons-de-10-ans-dateliers?xtcr=1&xtmc=Les%20 ruptures%20fertiles%20:%20design%20et%20innovation%20disruptive&xtnp=1#

Audoin François, « Poodle Life », France Inter, vendredi 21 octobre 2016 https://www.franceinter.fr/emissions/les-fausses-pubs/ les-fausses-pubs-21-octobre-2016

Brial Benjamin, « Entreprise libérée, what is it dude ? », Numa, jeudi 30 mars 2017 270 ·

https://paris.numa.co/agenda/ evenement/?idEvent=743&title=entreprise-liberee-what-is-it-dude

Dubois Jérôme, « LNO - Jump, la plateforme d’innovation BNP Paribas, Meetup Les Nouvelles Organisations », 16 juin 2016 https://www.youtube.com/watch?v=xHxczN8yVbs

Duvic Bruno, « Bureaux à la cool. Les nouveaux espace de travail », France Inter, mercredi 23 septembre 2015 https://www.franceinter.fr/emissions/un-jour-en-france/ un-jour-en-france-23-septembre-2015

Kelley David, « How to build your creative confidence. », TED Talks, mars 2012 https://www.ideo.com/post/creative-confidence


(NUMA), « Entreprises, associations, citoyens : comment collaborer pour répondre aux nouveaux enjeux de société? », Numa, vendredi 24 mars 2017 https://paris.numa.co/agenda/evenement/?idEvent=764&title=entreprises-associations-citoyens-comment-collaborer-pour-repondre-aux-nouveaux-enjeux-de-societe

Pierre Sylvain, « Pourquoi je ne crois pas à l’entreprise libérée », TEDxVaugirardRoad, 30 juin 2015 http://tedxvaugirardroad.com/portfolio/sylvain-pierre/

sources d’inspiration & ressources - [ l’innosclérose ]

Nicolas Hulot, Axel Dauchez (Make.org) et Marie-Vorgan Le Barzic

Pratlong Florent, Giget Marc, « Le rôle fondamental de la science à la source de l’innovation », Master IMT, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, vendredi 4 novembre 2016 · 271 Rambaud Philippe, « Surmonter la peur de l’échec », association Le Mashup, Institut Supérieur d’Electronique de Paris (ISEP), mardi 8 novembre 2016 Rebeihi Ali, « Les entreprises peuvent-elles être humanistes ? », France Inter, vendredi 21 octobre 2016 https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/ grand-bien-vous-fasse-21-octobre-2016

Treasure Julian, « 5 manières de mieux écouter », TED Talks, juillet 2011 https://www.ted.com/talks/ julian_treasure_5_ways_to_listen_better?language=fr


sources d’inspiration & ressources - [ l’innosclérose ]

Villani Cédric, Mathématicien français, Directeur de l’Institut HenriPoincaré, médaille Fields 2010, « Masterclass : Décloisonner, transgresser, désobéir..., dans le cadre du Forum Une époque formidable. », lundi 21 novembre 2016 https://www.franceculture.fr/conferences/ cedric-villani-decloisonner-transgresser-desobeir

Yotopoulos Jason et l’association Les Hacktivateurs, « cycle de conférence : Futur libre #work», Liberty Living Lab, lundi 28 novembre 2016

Interviews & Rencontres Anuhi Lou et Legrand Erwan Facilitateur, ex-Alliance R9

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Berdeaux Vincent, Ludivine De Lézardière, Cyril Pulman Ingénieurs Travaux Principal, Bouygues Construction Bertrand Francine Directrice du WAI, BNP Paribas Bureau Sylvain Enseignant chercheur, ESCP Europe, ChaireEEE Chevillon Anna Directrice de l’innovation, Groupe La Poste - Nouveaux services Delcroix Geoffrey Innovation & Foresight Project Manager, CNIL Delord Céline Directrice de l’innovation, Bouygues Construction Enjalbert Nicolas Innovation program manager, Numa Fischer Clémence Head of smart city program, Numa (ex-Areva)


Directeur de l’innovation, MAIF Guenther Milan Designer, fondateur Eda.c Inizan Maël Innovation program manager, Numa Jachimowicz Flore Directrice de l’innovation et de l’incubateur « Le Plateau », Société Générale Kolharkar Gayatri Innovation program manager, Numa Leclerc Olivier

sources d’inspiration & ressources - [ l’innosclérose ]

Gombert Gillmann Olivier

Innovation catalyst & Intrapreneurship activist, Safran Marchandise Jacques-François Directeur de la recherche et de la prospective, La Fing Martinaud Bruno Enseignant chercheur, Ecole Polytechnique, Master Innovation Technologie & Entrepreneuriat Oru Fred Directeur de l’international, Numa Philoche Claude Directeur, Engie Pietyra Paul Président, Aktan Rouanet Carmen Directrice de l’innovation corporate, Groupe La Poste Schmitt Cécil Consultant en management, Here & Next Wacquez Marie-Laurence Directrice incubation et innovation, Engie Werner Corinne Responsable intelligence collective #ZINC, La Française des Jeux

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remerciements - [ l’innosclérose ]

Mémoire de fin d’études rédigé par Amory Panné, sous la direction de Claudio Vandi, directeur des programmes innovation à Numa.

Claudio, merci pour ta bienveillance lors de nos échanges, ton regard et ton esprit de synthèse qui m’a permis de ne pas me perdre dans mes limbes habituelles. Et aussi, pour ton amitié depuis notre rencontre à La Cantine en janvier

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2013. Que de chemin parcouru depuis. Je suis très heureux d’avoir partagé ce travail de recherche avec toi, et espère continuer nos discussions fructueuses et enrichissantes. Numa et son équipe, merci de m’avoir accueilli et vous avez été source de nombreuses inspirations. Marion, merci d’avoir pris le temps de me relire et surtout de m’avoir corrigé. Ce n’est pas une mince affaire de passer sur les textes d’un dyslexique. Thibaud et Raphaël, merci de m’avoir laissé le temps d’écrire et de réfléchir alors que la startup OuiSpoon grandissait en parallèle. Merci à ma famille pour leur soutien et leurs ultimes corrections. Merci à mes amis de l’école, Adrien, Pauline, Arnaud et les autres pour leurs aides et conseils quotidiens.

Directeur de mémoire : Claudio Vandi Responsable des diplômes : Gilles Belley Coordinatrice des mémoires : Édith Hallauer Coordinatrice des diplômes : Myriam Provoost


informations d’édition - [ l’innosclérose ]

ENSCI - Les Ateliers École Nationale Supérieure de Création Industrielle 48 Rue Saint Sabin, 75011, Paris, France

Conception graphique Imaginé et réalisé par Amory Panné

Impression Imprimé à Paris en septembre 2017 par Trèfle Communication

Papier Imprimé sur papier Olin Regular blanc naturel 120 gr/m², couverture Olin Regular extra blanc 250 gr/m² avec pelliculage mat.

Typographie Composé en Portada (2016) et Ronnia (2007), polices dessinées par Veronika Burian et José Scaglione, publiées par TypeTogether.

Licence

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L’INNOSCLÉROSE Diriger l’innovation, l’étrange paradoxe

Culture 2


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