la fin des
LabyrintheS GRAPHISME ET SOCIOLOGIE DANS LE TRANSPORT PUBLIC
Ana Victoria Villafana Ramirez
Mémoire DNSEP École Supérieure d’Art de Cambrai 2013
Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, ont contribué à réaliser cette mémoire, particulièrement Isabel Claros Abarca et Alexandre Laumonier.
4
INTRODUCTION
Chapitre 1
Chapitre 2
p7
p9
p39
LA FIN DES LABYRINTHES
LA BOUSSOLE GRAPHIQUE
L’évolution de la trame du tissu urbain
Un système qui devient pragmatique au cours du temps : le cas du Métro de Paris
Vers une standardisation de la signalétique
Un siècle du réseau de métro
La ville et sa cartographie
La conception graphique des informations relatives au métro
La carte déformée : naissance des plans de métro non-géographiques
Signes mercantiles et signes sauvages
Le langage graphique: des phrases aux pictogrammes
Un système entre chaos et rigueur: Lima, des combis au métro
Le transport en commun en site propre et sa signalétique
Entre chaos et bruit, le transport public et son histoire à Lima Graphisme, information et mobilité
Au-dessus : des bus et des tramways
L’arrivée des bus en site propre et du métro
Au-dessous : le chemin de fer métropolitain
LE DEVELOPPEMENT
LES ENTREPRISES DE TRANSPORT :
DU TRANSPORT EN COMMUN
CODE ORAL ET INFLUENCES SUR LES
DANS LES VILLES D’AMERIQUE LATINE
USAGERS
5
Sommaire
Chapitre 3
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
p73
p87
p91
GRAPHISME ET SOCIOLOGIE DANS LES TRANSPORTS PUBLICS À Paris et Lima Comparaison des signalétiques des transports en commun
Sociologie de la signalétique L’avenir du graphisme dans le métro: physique ou virtuel ?
6
7
Introduction
La vieille Europe est pleine de puissance. Notre esprit nourri des siècles est alerte et inventif ; sa force est dans la tête, tandis que l’Amérique a des bras solides et la noble sentimentalité de l’adolescence. Si en Amérique on produit et on sent, en Europe, on pense. Il n’y a pas de raison pour enterrer la vieille Europe. Le Corbusier 1
Depuis mon enfance, pour me déplacer dans ma ville, Lima, les trajets quotidiens ont été longs. Mais, je ne me rendais pas compte jusqu’à quel point. Passer plus de deux heures par jour dans des bus replets, parfois même sans être assise, avec une ambiance particulière, bruyante et ce pour aller d’un quartier à un autre, était une habitude. Voir des spectacles de cirque aux feux rouges, acheter un journal, des bonbons ou des boissons “fraiches” pour quelques centimes, parler avec n’importe qui, écouter les tragédies vécues pas ceux qui demandaient de l’argent ou lire pendant le trajet, tout cela faisait partie d’un mode de déplacement typique à Lima. Les trajets devaient être appris par cœur. Pourtant, avant mon premier départ pour l’Europe en 2010, l’arrivée d’un « nouveau » système de transport métropolitain muni de ses propres voies allait me changer de point de vue sur le transport public. Avec ce nouveau système, les trajets étaient plus directs et les arrêts mieux localisés, même si parfois ils étaient un peu éloignés de la rue. Les usagers durent apprendre à respecter les indications ; ils furent éga-
1. Le CORBUSIER et Jean CASSOU. Urbanisme. Vincent, Fréal et cie, 1966. Avertissement
8
lement obligés de lire des horaires sur des panneaux.
J’ai toujours été par les flux et les attitudes des usagers
Cela représentait, pour les usagers, beaucoup des
du transport public, qui se côtoient sans se parler –
nouvelles informations, ce qui expliquait le nombre
ce que l’on constate plus particulièrement dans les
des guides nécessaires pour expliquaient chaque
grandes villes dont les réseaux sont plus complexes.
panneau. Mais, je n’avais encore rien vu.
Par ailleurs, dans l’espace souterrain du métro, la superficie de la ville reste vague. Il n’y a ni paysage
Je suis arrivée en Espagne via un des plus grands aé-
ni ciel.
roports d’Europe, Barajas, avant de prendre un métro pour aller jusqu’au terminal des bus, avant de partir
Les plans des réseaux métropolitains sont, donc, des
enfin à Bilbao -un long parcours à réaliser, en solitaire,
cartes non-géographiques informations sur chaque
avec l’avantage de la langue et la signalétique. Arriver
ligne et leurs correspondances. Ces plans peuvent-t-ils
à destination sans problème fut une expérience vrai-
être des radiographies de la mobilité des citoyens ?
ment enrichissante. Apprendre à me repérer en lisant
Ce mode de transport fait désormais partie intégrante
le nom des rues, ou avec un plan de la ville, un plan
de la ville – « une image grossie des évolutions de la
de métro et un simple stylo, m’a tellement plu que l’ap-
société en mouvement », comme le signale Marc Augé 2.
parente indifférence des usagers des transports public
Mais à Lima, où il n’y a pas encore des grands réseaux
m’a interrogé : j’ai alors constaté la différence entre les
de transport, comment un système signalétique peut-il
grandes métropoles du « Nord » et les villes en voie
être efficace pour améliorer l’autonomie des usagers
de développement du « Sud ». L’indifférence envers
qui se déplacent au quotidien ?
la signalétique des usagers du « Nord » est plutôt le fait d’une habitude ancrée chez les gens depuis
Je souhaite présenter, dans ce mémoire, les liens entre
longtemps.
le graphisme d’information et l’usage qu’en font les individus dans un contexte de mobilité urbaine. Un
Un étranger à Lima doit faire plus d’effort d’adaptation
chapitre liminaire s’attachera à définir la croissance
qu’un touriste à Paris. Pour quelles raisons ? Répondre
des réseaux urbains dès la fin du XIXème siècle pour
à cette question est ce qui m’a amené à rédiger ce
montrer l’adaptation de la signalétique à ces change-
mémoire, puis que c’est grâce au graphisme d’informa-
ments, en ajoutant une partie sur l’appropriation de
tion, à la simplicité des pictogrammes, à l’utilisation de
ces modèles en Amérique Latine. Pour aborder ces
différentes langues, et à la signalétique que les trajets
différences de contexte géographique et culturelle par
peuvent être faits en toute simplicité. Nous dépendons
rapport aux usagers du transport public, le deuxième
ainsi du design graphique pour nous repérer et savoir
chapitre présentera deux études de cas : Paris et Lima.
quelle direction prendre. Avant de conclure, dans le troisième chapitre, une comLe rôle des graphistes s’avère primordial : tout est infor-
paraison entre ces deux systèmes nous emmènera à
mation ; tout n’est que communication. Que l’information
discuter sur l’actualité et l’avenir du graphisme d’infor-
soit en ligne, qu’elle soit imprimée, environnementale
mation dans ce contexte. Comment doit être la straté-
ou expérimentale, le plus important est de concevoir
gie du graphisme d’information, au moment d’informer
les conditions permettant aux utilisateurs de transport
à l’écrit là où cette méthode n’est pas si commune?
public d’arriver là où ils veulent. Le graphisme d’infor-
Est-ce que la standardisation des systèmes de trans-
mation repose tout entier sur l’idée de communication.
port public urbain peut « tuer » les particularités des villes ? Quelle est la influence des nouvelles technologies sur le graphisme d’information mondiale ?
2 . Marc AUGÉ. Le métro revisité. Seuil. Paris, 2008, p.9
9
Chapitre 1
LA FIN DES LABYRINTHES
10
11
L’évolution de la trame du tissu urbain
Etudier les différents types de signalétique présents dans les réseaux de transport public demande avant tout de contextualiser ces réseaux au sein de l’évolution des espaces urbains. Avant la Révolution Industrielle, la distinction entre ville et campagne était évidente ; cela semble moins clair aujourd’hui 1. Le développement des moyens de communication et de transport, l’augmentation de la distribution de l’énergie, puis l’homogénéisation des habitudes ont fait que dans les pays industrialisés les différences entre l’urbain et la campagne ont tendance à s’estomper. Pour comprendre la naissance des grands réseaux de transport public, il faut d’abord aborder la transformation de la « surface » des grandes villes. Dès le début du XIXe siècle, les villes ont expérimenté des processus d’urbanisation qui ont bouleversé la vie des citadins. L’une des premières villes à avoir
1. Horacio CAPEL. La definición de lo urbano. Estudios Geográficos, 1975, vol. 138, p. 265.
12
subi un changement profond a été Paris. Les rues
loppement des espaces urbains eut pour conséquence
où les passants marchaient tranquillement ont vu
le développement massif des moyens de transport liés
l’apparition de véhicules
(des carrosses dans un
au quotidien. Cette restructuration de la ville fait que
premier temps), et avec eux des circulations effre-
l’espace perdit de l’importance en tant que territoire. Les
nées. Prendre un café en ayant une conversation
villes devinrent un réseau de nœuds où s’interconnectent
avec en fond le bruit des carrosses, des chevaux et
différents flux. La structure de ces nœuds dans l’espace
des passants, devint une habitude. Il n’y avait alors
urbain devint importante compte tenu du nombre de
pas de normes, les piétons étaient obligés à marcher
déplacements de chaque individu 6 .
dans la boue, à côté des chevaux. Une ville où le nombre d’habitants dépassait 50 000 Puis la construction des boulevards a fait que dans
personnes prit alors le nom de
« métropole » 7. Les
les villes on commença à privilégier le déplacement
villes grandissent : certaines conservent encore les rues
(comme Marshall Berman le constate dans les poèmes
de l’époque médiévale, où le piéton peut déambuler;
de Charles Baudelaire). Ces déplacements ont apporté
d’autres sont envahies par les voitures, les bus et les
désordre et danger, ce qui a perturbé les citoyens qui se
piétons qui coexistent tous ensemble dans le chaos des
déplaçaient à pied. On passe alors d’une ville centrée
grand boulevards. D’autres encore ont été construites
sur le piéton à une ville où le conducteur devient roi. La
exclusivement pour le déplacement et se retrouvent vides
rue n’appartenait plus à l’individu, mais à l’automobile.
de tout individu. Aujourd’hui, dans certaines villes occi-
L’homme de la rue, affirme Berman, devait se fondre dans
dentales, de nombreuses activités se délocalisent vers
cette nouvelle situation. La planification urbaine deman-
la périphérie. Cet étalement urbain fait que certaines
dait de nouveaux types de rue, qui devait être équipée
métropoles se rapprochent des espaces ruraux qui sont
comme une usine, ainsi que l’affirme Le Corbusier : (les
limitrophes aux villes ; ces nouvelles zones deviennent
rues) « ne sont pas dignes de l’époque : elles ne sont
alors des communes-dortoirs.
plus dignes de nous » . Des grand boulevards divisent 2
désormais la ville : « ici les gens, là le trafic ; ici le travail,
Les villes d’Amérique du Nord sont très représentatives
là les logements » . L’explosion démographique due au
ces « villes vides », souvent construites sous forme de
fort taux
grille où de larges avenues se croisent à angle droit ;
3
de natalité et à l’immigration expliquent la
mobilité croissante des citoyens dans la ville moderne.
c’est le règne du tout-voiture : inutile d’y chercher un piéton car le manque de trottoirs rend la marche à pied
Dans les années 1880-1890 se produisit une sorte de
particulièrement dangereuse.
deuxième Révolution industrielle. La fonction crée la forme : cette conception devint importante dans les nouveaux
Aujourd’hui, les régions où on trouve une métropole (telle
programmes architecturaux (construction d’usines, de
que Kevin Lynch la décrit) ont des plus vastes horizons,
grands magasins, de gares, d’immeubles de bureaux,
des points nodaux et des connections. Les éléments qui
d’appartements, de garages, de stades, de cinémas et
forment les métropoles sont les voies à grande vitesse
d’aéroports ). La ville devient alors essentielle à l’écono-
(comme les autoroutes, mais aussi les voies utilisées par
mie des pays industriels 5, et offrait ainsi aux citoyens un
les transports en commun), de grandes régions avec des
îlot protecteur et structuré en opposition avec l’hostilité
bordures d’eau ou des espaces ouverts ; des grands
de la nature.
centres commerciaux ; des reliefs topographiques ; peut-
4
être des massifs qui servent de points de repère 8 . Dans les premières décennies du XXe siècle, il y eut une effervescence pour construire des voies. Le déve-
2 . Le CORBUSIER et Jean CASSOU. Urbanisme. Vincent, Fréal et cie, 1966. Avertissement 3. Marshall BERMAN. All that is solid melts into air: The experience of modernity. Verso, 1983. p168 4 . Michel RAGON. Histoire de l’architecture et l’urbanisme modernes. Tome 1 Idéologies et pionniers 1800-1900, p. 324 5. Horacio CAPEL. La definición de lo urbano.. op.cit
6. Claudia BIELICH SALAZAR. La guerra del centavo : una mirada actual al transporte público en Lima Metropolitana. Publicaciones del Instituto de Estudios Peruanos, Lima, 2009, p. 11 7 . Horacio CAPEL. La definición de lo urbano. op.cit 8 . Kevin LYNCH. The image of the city. MIT press, 1960, p. 112
13
vie des citadins, comment gagner du temps ? Avec des déplacements de plus en plus rapides, efficaces
Vers une standardisation de la signalétique
et longs, la demande augmente au sein de la multiplication des usines, des logements, des divertissements, etc. Mais la taille des villes et leur complexité font qu’elles sont perçues comme des labyrinthes à parcourir. Les transports en commun font des trajets prédéterminés qui doivent être maîtrisés par les usagers – mais comment ? L’un des éléments qui aide aux voyageurs à se déplacer est la communication entre l’usager et le réseau du transport en commun : la signalétique. Grâce à quelques objets spécifiques– tels que les grandes horloges du centre ville, les plans urbains,
Le besoin de mobilité dans l’espace urbain a né-
des panneaux, etc. –, le voyageur a accès à de
cessité le développement de différents modes de
l’information afin de pouvoir se déplacer. Cette
transport. Parmi ceux-ci se trouvent les transports
information se standardise à travers le temps : le
publics. Ces services sont gérés par l’État (où les
langage écrit, graphique et sa position dans l’es-
collectivités locales), qui est supposé organiser la
pace, a évolué et est devenu une sorte de langage
mobilité à l’intérieur des espaces urbains. Grâce aux
universel de l’idée de transport.
diverses normes et à la planification urbaines, les communes et le ministère des Transports doivent travailler ensemble pour que la mobilité des citoyens soit la plus confortable possible. Renato Ortiz a réfléchi sur les liens historiques entre l’espace et un capitalisme qui discipline le travail et rationalise le temps : le temps (performance nécessaire au capitalisme global) « dépasse, en l’intégrant, la vieille maxime time is money de l’ascétisme capitaliste » 9 . De cette manière, nous pourrions dire que
Fig.1
dans le monde du transport public, les acteurs qui
Panneau de route
interagissent élaborent des tactiques ou des stra-
barrée, 1906
tégies pour rationaliser, contrôler et organiser le temps. Et la vie dans la ville, comme le dit Ortiz, est caractérisée par la tentative des citoyens pour obtenir une maîtrise effective du temps, donc de l’espace. Vu l’évolution des réseaux de communications et leur importance quant à l’amélioration de la qualité de
9. Renato ORTIZ. Modernidad y espacio. Benjamin en Paris. Grupo Editorial Norma, Bogotá, 2000, p. 79
14
Les cartes sont aujourd’hui très précises, leur langage graphique montre le monde qui nous entoure, des
La ville et sa cartographie
phénomènes de tout ordre s’y manifestent, de la météorologie à la cartographie de l’Internet ou des logiciels d’affichage qui permettent de visualiser la Terre à partir d’images satellites et de photos aériennes – tout cela confère à la carte à la fois une excellente lisibilité et une remarquable suggestion de la réalité. Face à la mémoire topographique de cultures qui ne connaissent pas les cartes, pour qui la notion du territoire réside dans la mémoire et la transmission de l’information de génération en génération, le GPS moderne résoud le problème de la désorientation
Les cartes sont le dessin d’un territoire, d’un par-
dans les grandes villes 10 . Grâce à des appareils
cours, d’une vision du monde et un reflet de son
comme le GPS, la carte est devenue numérique ; elle
évolution. La carte géographique dans sa forme
nous montre où nous sommes et nous dirige vers là
la plus simple n’est pas celle qui aujourd’hui nous
où nous voulons aller.
paraît plus naturelle (la carte qui représente la surface du sol comme vue du ciel).
Les usagers de cartes perçoivent celles-ci comme un miroir graphique de la réalité. Cartes et plans
Les cartes existent depuis l’Antiquité, même si très
se caractérisent par la recherche de l’exactitude.
peu d’entre elles sont parvenues jusqu’à nous. La
« L’inexactitude est un crime cartographique » 11.
production de cartes devint abondante à partir
Mais cette précision n’est pas toujours l’objectif final
du Moyen Age. Les navigateurs réalisaient des
des cartographes puisque, selon les informations
graphiques pour transformer ce qu’ils voyaient en
à délivrer, avoir trop de détails peut empêcher les
informations nécessaires ensuite aux cartographes.
lecteurs de comprendre le message d’ensemble de la carte.
Au XIXe siècle, les progrès techniques permettent d’améliorer la production de cartes. La lithographie
D’un côté plus politique et artistique, la radicalité
permit de les reproduire plus rapidement à moindre
du projet des surréalistes, dans leur proposition
coût. Puis la photographie et le radar améliorèrent
«La Carte du Monde » 12 en 1929, paraît évidente
les relevés topographiques terrestres et sous-marins
;il s’agit d’une carte imprécise, pleine d’erreurs, une
pour que les cartes gagnent en précision afin de
mauvaise carte dans laquelle rien n’était à l’endroit
rendre les déplacements plus efficaces. Plusieurs
où cela devait être, elle n’avait pas non plus taille
types de cartes ont été crées pour décrire les auto-
qu’elle devait avoir. 13 Le monde, pour les surréalistes,
routes qui commencèrent à être construites et car-
était divisé en deux : d’un côté un «ici» détesté, et
tographiées au début du XXe siècle en Allemagne,
de l’autre un «ailleurs» tant rêvé, valorisé en tant
puis dans d’autres pays européens et aux Etats-Unis,
qu’espace mental plutôt qu’en tant qu’espace géo-
avant que le reste du monde ne suive le même modèle. 10 . Estrella DE DIEGO. Contra el mapa: Disturbios en la geografía colonial de Occidente. Siruela, Madrid, 2008, p. 59 11. John Brian HARLEY. The new nature of maps: essays in the history of cartography. Johns Hopkins University Press, 2002, p. 35 12 . « Le Monde au temps des surréalistes ». in : Variétés, Le surréalisme en 1929. Éditions Variétés, Bruxelles,1929. 13. Estrella DE DIEGO. Contra el mapa: Disturbios en la geografía colonial de Occidente. Siruela, 2008, p.12
15
graphique. Dans cette carte, nous pouvons voir comment la représentation des choses peut déterminer notre connaissance des autres cultures ; la carte n’est plus qu’une simple description de la superficie de la Terre. Les surréalistes prirent « le rôle de flâneur dans les rues de Paris à celui du voyageur » 14 afin d’interroger la question du pouvoir du cartographe et celle du public qui reçoit l’information. Qui détermine les directions et les distances? Comment être certain d’arriver au lieu que nous cherchions dans la carte? Qu’avons-nous dessiné dans la carte même? Est-il nécessaire de parcourir les distances complètes? Le voyage a-t-il une simple intention de parcourir un espace, dans une direction abstraite qu’il suffit d’intérioriser ? Le visiteur se retrouve d’emblé au milieu d’une carte sans carte, n’ayant que des directions différentes et démultipliées.
14. Elza ADAMOWICZ. Ceci n’est pas un tableau: les écrits surréalistes sur l’art. L’Age d’homme, 2004 .p 115
16
Les entreprises décidèrent alors de s’associer pour créer un réseau de transport intégré : la Bakerloo
La carte déformée : naissance des plans de métro non géographiques
Railway, la Central London Railway, la City & South London Railway, la District Railway, la Great Northern & City Railway, la Hampstead Railway, la Metropolitan Railway et la Piccadilly Railway devinrent The London Passenger Transport Board (LPTB), aussi connus sous le nom de London Transport à partir de 1933. La mention «Underground» apparaît pour la première fois sur les stations des lignes qui intègrent le réseau au début su XXe siècle. En 1933, Harry Beck publie le premier plan schématique du métro de Londres. Ce dessinateur industriel, employé de l’Underground, avait réalisé que le
L’histoire du développement du tube londonien se
réseau était trop large pour être représenté sur une
déchiffre dans les lignes dessinées que l’on trouve
carte géographique, et qu’il était inutile de locali-
dans les plans successifs du réseau. Initialement, des
ser géographiquement les stations pour changer de
cartes gravées en noir et blanc se voyaient ajouter
station. Il créa alors, en 1931, une carte topologique,
à la main des signes en couleur afin que les entrées
The London Underground Diagram, où la position des
et les sorties des lignes soient visibles : des cercles
stations ne correspond pas à leur localisation réelle.
pour les arrêts, des lignes pour le trajet. Mais c’était
Mais cette carte permit de mieux les situer les unes
approximatif car, en sous-sol, les métros ne prenaient
par rapport aux autres. « En regardant un vieux plan
pas le même chemin que les rues en surface. Les
de l’Underground Railways, je me suis dit qu’il serait
cartes de la ville étaient mises à disposition des
possible de mettre un peu d’ordre en rajustant les
voyageurs, soit sous formes de panneaux, soit en
lignes, en expérimentant avec des diagonales et en
édition de poche, voire à l’occasion de la publi-
égalisant les distances entre les stations » 15 . Face à
cation d’événements. Mais, malgré l’exactitude des
la proposition de Beck, la compagnie qui dirigeait
cartes par rapport à la surface et à la position des
alors le réseau fut d’abord sceptique. Mais lors d’une
bâtiments,
trajet d’une ligne de métro
distribution de cartes miniatures aux usagers, en
souterrain était difficile. Dans la deuxième moitié
situer le
1933, le succès fut tel que le plan d’Harry Beck fut
du XIXe siècle, la concurrence entre des compa-
adopté. Il est depuis cette année-là le plan officiel
gnies privées chargées de construire les principales
du tub e londonien. Beck continua à dessiner le plan
lignes du métro obligeait les usagers à parcourir de
du métro londonien jusqu’à son décès, en 1960. Ce
grandes distances à pied pour changer de stations.
plan fut plusieurs fois modifié dans les années sui-
Ces usagers avaient donc besoin de se repérer pour
vantes, comme en 2002 lorsque les zones tarifaires
ne pas se tromper de ligne. Pour informer adéqua-
furent intégrées dans la carte pour aider les usagers
tement les usagers, chaque entreprise avait fait un
à mieux mesurer les coûts des tickets. Malgré ces
plan différent mais aucune d’entre elles n’avait de
modifications, le plan originel de Beck reste encore
connections avec les autres lignes. La confusion
la base du plan moderne de l’Underground.
était évidente : l’ensemble des plans était difficile à déchiffrer pour les usagers.
15. ‘Looking at an old map of the Underground railways’, he said, ‘it occurred to me that it might be possible to tidy it up by straightening the lines, experimenting with diagonals and evening out the distance between stations’- Entretien avec Harry Beck.
17
The London Underground Diagram est une carte clas-
phie comparée des différents plans de métros où
sique où le design graphique met en évidence
les cartes sont considérées comme des galaxies dans
des changements de mentalité liés à la modernité
les villes 18 . La carte de chaque réseau métropolitain
– simplicité et universalité. Le plan du réseau n’est
varie selon les caractéristiques des modes de dépla-
pas vraiment fidèle à la réalité géographique. Les
cement – il y a de nos jours plus de cent réseaux.
correspondances et les différentes lignes forment
Le style de Beck a au fur et à mesure influencé le
un réseau presque abstrait du monde souterrain
design graphique des plans des réseaux ; on peut
de Londres, où la fonctionnalité crée un nouveau
néanmoins constater de multiples différences parmi
langage cartographique spécifique. De la première
ces plans, le seul point commun étant la représenta-
carte du réseau souterrain en 1908 à la création de
tion des itinéraires sous forme de ligne droites, les
Beck, se trace l’histoire du premier métro qui sera
correspondances entre deux lignes étant représen-
l’exemple puis l’icône cartographique des réseaux
tées par des cercles plus gros. Nous appelons ce
de transport en commun. Lors de cette période,
type de représentation « le design graphique des
l’ajout de symboles, d’étiquettes, de traits mais aussi
plans de métro 19 ».
la simplicité commencèrent à être remis en question. Les graphistes-cartographes firent des éditions
Il faut concevoir ces plans de telle manière que soient
plus pratiques afin de faciliter les déplacements: la
visibles, au même moment, une cartographie et un
modernité était partout.
point de vue graphique. Habituellement, la carte du métro est présentée comme une carte géographique
Aujourd’hui, les personnes qui habitent ou travaillent
d’une ville où sont inscrits l’emplacement de toutes
dans les grandes métropoles utilisent régulièrement
les stations. Seules quelques villes restent fidèles à
les transports en commun de la ville. Ces voyages
la géographie en superposant (en jouant parfois sur
quotidiens leur ont fait recréer une image de leur
un contraste coloré) le réseau des lignes de métro
propre parcours. La mémorisation des trajtes résulte
sur le plan de la ville. Plus grand est le réseau de
d’une longue expérience liée à la vie familiale et
métro, plus utilisés sont des plans schématiques 20 .
au travail . 16
Le grand avantage des plans schématiques consiste La carte tire son origine dans le fait que les indi-
en sa liberté au moment de jouer avec l’échelle et
vidus doivent se déplacer d’un endroit à un autre,
diminuer la sinuosité des trajets des lignes de train
ce qui les oblige à décrire le chemin parcouru puis
que nous avons normalement dans une carte géo-
à sauvegarder ces informations une foius revenus
graphique. Ce qui est important c’est la destination,
à la maison. Les histoires de vie, tout comme les
non le chemin. C’est ainsi que les plans de métro
parcours mythiques de ceux forcés par les circons-
peuvent réorganiser une carte confuse.
tances à abandonner leur lieu d’origine, modifient les lectures habituelles des cartographies 17. De cette
Puis les plans schématiques se diversifièrent pour
façon, chaque voyageur est le propre cartographe
d’autres réseaux de transport. Les schémas sont
de son parcours.
adaptés aux réseaux souterrains ou à la circulation routière, mais sont peu utilisés pour représenter les
Un livre présenté à Barcelone en 2008, qui est une
lignes de tram ou bus par exemple 21.
étude sur 28 grandes métropoles possédant un réseau souterrain de métros, propose une cartogra-
16. Michel PINÇON et Monique PINÇON-CHARLOT. Sociologie de Paris. La Découverte, 2010, p. 14 17. Estrella DE DIEGO. Contra el mapa.p.43
18. Josep PARCERISA et María RUBERT DE VENTÓS. Metro: galaxias metropolitanas. Université Politecnique de Catalunya, 2002. 19. Martin NÖLLENBURG. Automated drawing of metro maps. Université Karlsruhe, Faculté d’Informatique, 2005, p. 19 20. Ibid, p. 20 21. Alastair MORRISON. «Des différences entre les plans des transports publics en France, en Allemagne et en Espagne». Mappemonde, 1995, vol. 3, no 95, p. 23-29.
18
Aujourd’hui, ces plans se sont diversifiés et banalisés grâce aux outils informatiques mis à disposition de tous. Dès les années 1960, il y eut une de plus en plus d’artistes qui se mirent à travailler avec des cartes ; les gabarits des cartes se sont dispersés dans le monde artistique 22. Le détournement des cartes schématiques pour faire de l’art, des infographies avec « l’style métro » et tant d’autres objets touristiques font partie des représentations de la vie urbaine. Pourtant, pour se déplacer en ville, sortir d’une station souterraine et puis regarder la surface pour essayer de trouver la destination souhaitée, n’est pas toujours évident. Des bâtiments toujours identiques et des médias aussi identiques effacent le principe même de territorialité ; cela nous empêche de nous orienter. Mais les signalétiques présentes dans les villes comme les enseignes, les panneaux, les plaques et autres formes nous donnent de l’information qui doit interagir avec les cartes. Il est certain que quand nous recherchons dans une carte, ce que nous voyons c’est le nom propre de chaque endroit. Leur particularité, qui sera affichée, sera l’aboutissement d’un parcours.
22. Katharine HARMON. The Map As Art, : Contemporary Artists Explore Cartography. Princeton Architectural Press, 2009, p. 9
19
Fig.2 Frederick H. Stingemore. Map Of London’s Underground Railways, 1927
Fig.3 Harry Beck. Schéma de poche Underground,1933
Fig.4 Plan du réseau du métro de Shanghai pour l’Exposition de Shanghai, 2010
20
21
Les dispositifs d’information dans l’espace
Chaque lieu a un nom, selon sa particularité, son histoire, etc. Les chemins, au moment de relier l’espace, signale des destinations, des distances. Les dispositifs d’information routière existent depuis la création même des chemins. Des jalons romains au GPS, leur évolution est remarquable. Les gens ont une tendance à penser aux destinations et aux points d’origine : ils avaient envie de savoir d’où venaient les chemins d’accès et où ils menaient. Des chemins d’accès avec origines simples et connus avaient des identités plus fortes, permettaient de relier la ville et donnaient à l’observateur un sens de ses repères, chaque fois qu’ils les traversaient 23 . Tant aujourd’hui qu’au Moyen Age, voir les nombreux signes multidirectionnels aux intersections des voies et avec des marqueurs de distance aux villes est courant. Mais, à travers le temps, nous avons constaté que ces connections sont devenues de plus
23 . LYNCH, Kevin. The image of the city. MIT press, 1960, p. 54
22
en plus complexes, surtout à partir de la Révolution
pas les caractéristiques nécessaires pour éviter les
industrielle. Voitures, vélos, bus, etc., ont envahi les
reflets – les premières solutions à ce problème furent
voies et leur vitesse devint également un danger.
développées par la compagnie 3M en 1940, puis améliorées vers 1989 26 .
Vers la fin des années 1870 et le début des années 1880, les organisations de cyclisme commencent à
Peu à peu, chaque pays a adopté la signalétique
ériger des panneaux de signalisation pour avertir
routière en utilisant des symboles internationaux
des dangers potentiels le long des artères .
pour décrire les conditions routières, les limites de
24
vitesse et d’autres informations. Selon Jérôme Dennis, Il fallut attendre l’invention de l’automobile pour
cette tendance à la standardisation dans la signa-
que les panneaux de signalisation deviennent plus
létique repose sur l’idée que les gens se retrouvent
importants. À partir de ce moment-là, le réseau
plus facilement s’ils retrouvent la même forme tout le
autoroutier continue son développement jusqu’à nos
temps. Il est alors impératif de créer des standards:
jours. Les autoroutes ont été conçues pour assurer
faire que les éléments utilisés soient identiques sur
une sécurité maximale, si les règles sont respectées.
l’ensemble du réseau autoroutier, dans une série de
En 1895, le Touring Club italien conçut l’une des
gares ou dans le métro et c’est comme ça que les
premières versions du code de la route. En 1908, le
usagers vont se repérer. Ce choix autant graphique
premier Congrès international de la route qui eut
que politique fait du signaléticien un opérateur de
lieu à la Sorbonne adopta notamment le principe
stabilité et d’ordonnancement du monde 27.
des premiers panneaux de signalisation – ce fut un moment-clé dans le déveoppement des panneaux
La signalétique se standardise et nous pouvons voir
routiers . L’information mise sur les panneaux n’est
comment les aéroports, par exemple, ont des associa-
pas seulement donnée pour se repérer, mais pour
tions internationales professionnelles pour régler les
respecter les parcours des autres.
problèmes de la signalétique aéroportuaire. Puis les
25
entreprises de signalétique ont instauré des codes : Peu après, en 1909, plusieurs gouvernements européens ont
des genres de typos à utiliser, les emplacements des
convenu de l’utilisation de quatre symboles picturaux indi-
éléments, les matériaux, etc. Le cas de la signalé-
quant « bosse », « courbe », « intersection » et « passage à
tique du métro est particulier car elle a évolué entre
niveau scolaire ». Entre 1926 et 1949, les gouvernements ont
un objet qui servait essentiellement pour des raisons
travaillé sur l’adoption internationale d’un code de la route.
de sécurité à faire sortir les gens vite et efficace-
Par rapport aux matériaux utilisés pour construire des
ment. Puis avec la complexification des réseaux de
panneaux de signalisation, la pierre, le bois puis le
transport, elle devait présenter des correspondances
fer ont été les plus courants. Au milieu du XXe siècle,
et la sortie vers la ville.
l’aluminium et d’autres matériaux ont progressivement remplacé les anciens matériaux car ils étaient plus
D’autre part, la technologie a apporté plus d’outils
simples à travailer et moins chers. Les couleurs des
à la signalétique: aujourd’hui les voyageurs peuvent
panneaux ont aussi changé à travers le temps. Les
voir des panneaux électroniques aériens, des
codes couleur comme celui du danger, ou ceux qui
écrans, etc. Ces signes peuvent clignoter et peuvent
fonctionnaient mieux le soir pour devenir un fond de
être mis à jour instantanément par ordinateur afin
lettrage pour les messages devaient être tenus en
de refléter l’évolution de la situation de la route, par
compte au moment de concevoir un panneau. Bien
exemple. Cependant, la signalétique ne donne pas
évidement, les premiers panneaux ne possédaient
seulement des directions ou des interdictions, elle
24. J. BURNEY. Road Sign History – Filled with Twists and Turns. Municipal Supply & Sign Co. Florida. Blog. 2011. http:// municipalsigns.com/wordpress/2011/10/road-sign-history-filledtwists-turns/
26. J. BURNEY.Road Sign History – Filled with Twists and Turns. Municipal Supply & Sign Co. Florida. Blog. 2011. http:// municipalsigns.com/wordpress/2011/10/road-sign-history-filledtwists-turns/
25. Mathieu FLONNEAU. Paris au cœur de la révolution des usages de l’automobile 1884-1908. Histoire, économie & société 2/2007 (26e année), p. 61-74.
27. Samuel GOETA. Lisibilité urbaine et signalétique du transport parisien [Entretien avec Jérôme Denis] Urbanews.fr, 10 juillet 2012.
23
s’est multipliée partout, dans les lieux de transport comme dans les lieux publics. Elle est devenue une interface entre l’individu et le monde, une annonce publicitaire, une offre politique. Où est-elle en train de nous emmener ? L’installation de la signalétique varie selon les individus qui vont l’utiliser. D’abord sous forme de signes institutionnels pour gérer les flux et pour annoncer des éventuels problèmes en chemin. Cette signalétique fait alors partie de l’aménagement du réseau de transport. Le deuxième type d’informations correspond aux signes mercantiles, aux affiches – aux élément qui se font de la concurrence entre eux. Et c’est pour cela que la standardisation des signes est si importante. En fonction de l’usager, la signalétique lui permet de prendre connaissance des différents services proposés et de leur localisation (fonction d’orientation); puis de savoir, durant son parcours, s’il est sur le bon chemin (ajustement de la direction) et de savoir, à la fin de son parcours, s’il est bien arrivé à la destination désirée (identification). L’usager doit reconnaître tout de suite comment se repérer mais aussi s’informer. Le processus de mise en place des panneaux institutionnels et le réglement sur la quantité de publicité autorisée dans n’importe quel lieu public ne font pas forcément appel à des normes identiques puisque chaque rue ou chaque station ne sont pas tout à fait identiques. Pourtant, cette situation sort de l’activité de maintenance ordinaire 28 . La signalétique est aussi un outil d’articulation et de tricotage des réseaux de transport avec la ville : on indique dans les réseaux de transport ce qu’on peut trouver de la ville et dans la ville ce qu’on peut trouver des réseaux de transport.
28 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. 1ère éd. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 131
24
“L’histoire de ce qui est considéré par tous comme étant le premier panneau routier s’inscrit encore dans
Le langage graphique : des phrases aux pictogrammes
la préhistoire de la signalétique : il s’agit d’un acte apparemment spontané, ne participant pas encore à la conception d’un système global de circulation. Il est antérieur à l’apparition de l’automobile. Sa forme figurait les mâchoires de frein à sabot des attelages. C’est la première forme iconique, et non verbale, d’une signalisation routière que l’on connaisse, représentant le geste à accomplir pour éviter la perte de contrôle du véhicule avant de s’engager dans une descente. Il était peint sur les rochers bordant les routes de montagne en Suisse et en Autriche, régions touristiques dont la langue n’était pas forcément connue de tous les voyageurs” 30 .
Comme les cartes, le langage avec lequel la signalétique communique a évolué selon la nécessité de
C’est
l’origine
des
pictogrammes
contemporains.
transmettre des messages aux différents moments de
Comme nous l’avons vu, l’évolution de la signalétique
l’histoire.
est fortement liée à l’essor de l’automobile à la fin du XIXe siècle. Mais la première production de panneaux
Si au début de l’existence humaine les images de l’art
picturaux émerge de l’action des clubs et des asso-
rupestre étaient le seul moyen de communication,
ciations : une émanation spontanée des populations
ils est proche de ce que nous pouvons comprendre
locales, tel le panneau apparu dans les montagnes
grâce à la signalétique. L’un des plus importants
suisses. Les premiers signaux internationaux émergent
concepteurs du langage graphique, Otto Neurath,
en 1909 avec déjà pour mission de dépasser la bar-
explique comment les hiéroglyphes et d’autres inscrip-
rière des langues 31.
tions murales furent une source d’inspiration pour son travail : « J’ai regretté que l’ancienne écriture pictogra-
Otto Neurath a réfléchi sur un langage d’images et
phique soit progressivement tombée en désuétude au
c’est comme cela que son fameux langage pictural,
lieu de devenir la base d’une langue pictographique
l’ISOTYPE, International System Of TYpographic Picture
internationale capable de rassembler tous les peuples
Education, fut conçu. Avec l’aide du graphiste Gerd
du monde » .
Arntz, qui s’est joint au projet in 1927, Neurath déve-
29
loppe des graphiques de données, un affichage visuel Les signes de l’alphabet sont abstraits : seule l’instruc-
qui transforme l’information quantitative en statistiques
tion dans une langue déterminée peut aider à com-
picturales 32. Ce qui est important dans le projet d’édu-
prendre le message. La division entre les personnes
cation visuelle de Neurath est l’utilisation pragmatique
qui savent interpréter les signes d’un langage écrit et
des signes qui se sont par la suite popularisés dans le
les autres crée de l’incompréhension et est source des
domaine de la signalisation publique et de l’informa-
conflits. De même pour les inscriptions qui étaient dans
tion graphique.
les chemins qui reliaient les villes. Seuls les panneaux de signalisation et des institutions étaient un outil fré-
Ce langage de signes graphiques utilise des picto-
quent utilisé dans les rues depuis le Moyen Age.
grammes pour représenter des objets concrets qui
29. NICHOLSON et WATSON. Otto Neurath : From HIEROGLYPHS to ISOTYPES en Future Books N°III “The Crowded Scene”,1946, p.96
30 . Brigitte CAMBON DE LAVALETTE. La signalétique dans le réseau des déplacements routiers : histoire et fonction in Actes INRETS n°73, 2001, p. 6 31. Emmanuelle BORDON . L’interprétation des pictogrammes: approche interactionnelle d’une sémiotique. Harmattan, 2004, p. 34 32. Frank HARTMANN. “Visualizing Social Facts: Otto Neurath’s ISOTYPE Project”. European Modernism and the Information Society: Informing the Present, Understanding the Past, 2008, p. 279.
25
servent à communiquer des idées. Aujourd’hui, un
culières de police; de donner des informations relatives
pictogramme est une représentation graphique sché-
à l’usage de la route (…).Tous les autres matériels de
matique, un dessin figuratif stylisé faisant fonction
signalisation non soumis à homologation doivent avoir
de signe : un dessin schématique désignant le plus
reçu un avis favorable à l’emploi” 36 . Michelin continue
clairement possible une direction, une fonction ou
cependant sa production de panneaux jusqu’en 1971,
une action . Les pictogrammes sont très utilisés dans
mais ils ne portent plus aucune mention publicitaire.
33
de très nombreux domaines : cartes géographiques, météo, routes, transport, tourisme, informatique, télé-
Texte et pictogrammes coexistent lorsqu’il s’agit de
phonie, santé, sécurité, chimie, produit ménagers, etc.
transmettre l’information. La standardisation des messages universalise quelques langues plus courantes,
Deux genres de signalétiques peuvent être distingués :
surtout l’anglais, au profit des passants qui ne parlent
ceux qui se basent sur du texte et ceux qui se basent
pas la langue locale. Pour diminuer les controverses
sur des icônes. Vers la fin su XIXe siècle, le seul moyen
accompagnant le choix des langues d’affichage, la
que la signalétique avait pour communiquer était le
signalétique commence à réduire la quantité de texte
texte. La taille et la longueur des phrases de ces pan-
ou le remplace par des pictogrammes. Des panneaux
neaux de réglementation sont aménagées d’une façon
additionnels appelés « panonceaux » sont destinés à
désordonnée. Par exemple, en France, André Michelin
donner aux usagers des indications complémentaires à
va rapidement se montrer comme un véritable pionnier
celles du panneau principal. Ils portent des indications
de la signalisation routière sur laquelle il travaille dès
et des symboles relatifs à la réglementation du station-
1908 . Des phrases telles que « Merci » et « veuil-
nement, de l’arrêt, des flèches de direction, etc. Les
lez ralentir », tout comme la désignation des numéros
pictogrammes, bien sur, n’ont pas besoin d’être traduits.
34
de route et le nom de la localité, étaient offertes et placées gratuitement avec le nom « Michelin » dessus.
Le choix sur qui va dominer l’ensemble d’un système signalétique quelconque dépend du but de cette
Les formes des panneaux varient d’une ville à l’autre,
information et à qui elle est donnée. Par exemple,
la fin d’une zone à vitesse limitée n’est pas indiquée,
en 1972 les sociétés d’autoroute commandent à Jean
les panneaux sont surchargés d’inscriptions, de publi-
Widmer une signalétique pour les autoroutes du
cité… Bref, ils sont difficiles à lire par les conducteurs.
sud de la France afin de rompre la monotonie des
Pour faire face à ces inconvénients, en 1946 paraît une
trajets en voiture. Sa lecture se présente comme un
instruction générale sur la signalisation routière qui
jeu : la question est posée par le pictogramme et la
annule toutes les instructions antérieures. “De 1607 à
réponse est donnée par un texte, 300 mètres plus
1851, nombreux furent les décrets et les ordonnances
loin, à l’aide du caractère Frutiger de couleur blanche
qui la réglementèrent de près ou de loin. La loi du 30
sur fond brun. « Le travail subtil et laborieux de la
mai 1851 sur la police des roulages et des messageries
signalétique est le deuxième point fort de Widmer (…)
publiques ainsi que les premières règles relatives au
On terminera par les 550 pictogrammes qui jalonnent
croisement et au dépassement des véhicules, datées
les autoroutes, décriés puis copiés, animant le trajet
du 10 août 1852, peuvent être considérées comme les
comme des lutins de la découverte. Widmer les a
ancêtres de notre code de la route” . Homogénéité et
peaufinés en s’amusant comme un enfant appliqué
cohérence des panneaux sont désormais de rigueur.
pour qu’on puisse lire le cerf, le pont, l’église et ce que
“La signalisation routière a pour objet : de rendre plus
l’on va trouver dans son assiette à 100 km/heure » 37.
35
sûre la circulation routière; de faciliter cette circulation; d’indiquer ou de rappeler diverses prescriptions parti-
33. http://fr.wiktionary.org/wiki/pictogramme 34. Marina DUHAMEL-HERZ. Un demi-siècle de signalisation routière en France, tome 1. Naissance et évolution du panneau de 1894 à 1946. Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Paris, 1994 35 . Alain GALOIN. « Les embarras de la circulation en 1643- 1945» L’Histoire par l’image.org. (Réunion des musées nationaux, de France) http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php ?i=636&d=1&m=signalisation&id_sel=1093
36. Arrêté du 7 juin 1977 relatif à la signalisation des routes et autoroutes Journal officiel de la République Française 13 août 1977. 37 CUVELIER, PASCALINE. Un signe de Jean Widmer. «Jean Widmer, un écologiste de l’image» en Libération.fr, 29 novembre 1995.
26
Fig.5 Otto Neurath. Gerd Arntz. Symbols of pictorial statistics (symboles des statistiques picturales)
27
Fig.6
Fig.7
Signalétique du
Métro de New
Forum La-Caixa.
York. Pictogrammes
Barcelone
d’interdictions
Fig.8 Pictogrammes standard
Fig.9 Valmetro, métro de Maracaibo, Venezuela. Plan schématisé de la ligne 1
Fig.10 Métro de Mexico D.F. Plan schématisé de la ligne 12
28
29
Le transport en commun en site propre et sa signalétique
La rue n’est plus conçue pour la voiture mais pour les piétons et le transport collectif qu’ils utilisent. Dans ces systèmes, l’interdépendance entre les divers éléments des réseaux – véhicules, voies, stations, signalétique – dont chacun contribue à l’ensemble qu’ils constituent, crée une nouvelle relation entre les usagers et son environnement : ils créent une expérience de la vie urbaine. C’est pourquoi on peut trouver des grandes rues ayant des couloirs réservés aux bus et taxis, puis des voies qui bénéficient uniquement aux transports évoulés (métros, tramways, etc.). Ces systèmes ont un équipement et une signalétique spécifiques.
30
à sa destination. C’est là que la signalétique doit configurer l’espace et faciliter l’accès à l’information. 38. Et, quel que soit la solution retenue, il est nécessaire que celle-ci
Au-dessus :
soit reproduite à l’identique ou de façon cohérente.
des bus et des
Les équipements d’information voyageurs servent à présenter l’offre globale des moyens de transports, à savoir
tramways
les numéros de lignes et leurs destinations, le nom des arrêts, les schémas des lignes, le plan du réseau, les horaires et les tarifications. La lisibilité de ces informations dépend de la taille des caractères utilisés, de l’éclairage et des contrastes de couleurs, ainsi que l’information dynamique (moniteur vidéo, afficheur à diodes électroluminescentes, éclairé ou non, etc.), visuelle ou sonore.
Les omnibus et les tramways, plus confortables que
Les arrêts doivent avoir une présence physique dans
les carrosses mais encore tractés par des chevaux, ont
l’espace et disposer d’un équipement minimum de signa-
évolué dès la fin du XIXe siècle. Les tramways sont des
lisation, à l’abri des agressions climatiques (vent et pluie).
grands véhicules à traction électrique circulant
voies
L’information fournie doit être d’actualité (horaires, plans
ferrées la surface des villes, tandis que les bus, en tant
de lignes...). Par ailleurs, l’information doit être visible –
que véhicules automobiles, se déplacent un peu plus
comme le bouton de demande d’arrêt et d’ouverture de
librement. Ces deux types de véhicules sont des systèmes
porte, un rappel visuel de demande d’arrêt, des compos-
de transport soit en voie propre, soit implant dans les rues
teurs sans contact ou avec ticket, des plans de ligne et un
pour éviter des embouteillages et de telle sorte que les
pictogramme qui signale un espace handicapées.
piétons puissent traverser en toute sécurité. Il est intéressant de voir comment les tramways sont de Les bus sont utilisés de préférence pour les lignes régu-
retour: ils utilisent de l’électricité, ont plus de capacité que
lières urbaines tandis que les lignes interurbaines uti-
les bus pour mobiliser des personnes aux pires moments
lisent plutôt des cars. La place du tramway est là où la
de la journée et sans faire du bruit ! C’est très pratique
fréquentation potentielle est trop importante pour être
et touristique, notamment pour les centres historiques des
absorbée par un bus et trop faible pour justifier les coûts
villes 39.
élevés d’un métro. L’infrastructure du tramway permet, à terme, la réalisation de lignes de tram-train. Les choix du modèle de bus ou tramway sont faits en fonction des points d’arrêt de la ligne, de la ville ou de l’agglomération. Pour se déplacer, un voyageur doit normalement se renseigner pour préparer son voyage; se rendre au point d’arrêt; repérer le bon véhicule; monter à bord; se déplacer à l’intérieur du même véhicule; payer le voyage; s’asseoir et se lever; s’informer sur le trajet en cours; faire une demande d’arrêt; descendre et finalement se rendre
38 DEJEAMMES, M., ARMENI, A., et RAMBAUD, F. Les bus et leurs points d’arrêt accessibles à tous. Guide méthodologique. TRANSPORT ET MOBILITE, 2001, p. 54 39 ACUÑA, Virgilio. ¿Por qué dejamos que desaparecieran los tranvías de Lima? En virgilioacuna.com, 29 avril, 2010
31
Pour réussir un voyage en métro, un voyageur doit : situer son point de départ et son point d’arrivée,
Au-dessous : le chemin de fer métropolitain
découvrir le nom des stations de métro les plus proches, définir une ligne, un croissement de lignes, une autre ligne... et mémoriser ces informations. Au départ, il doit trouver dans la rue la station de métro, acheter le bon billet, découvrir le bon couloir, le suivre jusqu’au bon quai en fonction des informations mémorisées, reconnaître les stations où il doit descendre et enfin suivre le bon couloir de sortie. Finalement, c’est ici que les plans géographiques sont utiles, au moment de retourner à la réalité de l’extérieur.
Le premier projet de construction d’un réseau ferré
Le système doit créer des liens entre la superficie et
souterrain fut conçu à Londres et il remonte à 1830.
ses stations, entre les lignes et le plan. Pour identifier
Pourtant la première ligne du tube ouvre finalement
ce choix dans les couloirs et les quais, «il semble
en 1863. Depuis cette époque, l’aménagement des
que la redondance chiffre + couleur soit la solution
métros souterrains a évolué et s’est intégré à la vie
la moins mauvaise, surtout si le même code se trouve
quotidienne des usagers qui s’en servent pour se
sur le plan, dans les couloirs, sur les quais» 41. Des
déplacer.
messages dans les couloirs servent à rassurer l’usager sur le chemin emprunté. La lecture du nom de la
Normalement, les usagers du transport public dans
station et sa personnalisation (caractéristiques archi-
la surface de la ville ont une idée sur leur position.
tecturales de la station, des décorations murales)
Il peut alors être troublant de regarder des plans
sont très utiles pour éviter de manquer l’arrêt.
des réseaux souterrains où les choses sont montrées d’une autre façon. Au-dessous, le voyage est perçu
Un bon plan de métro est fait pour établir des iti-
comme plus direct : le trajet va du réticulaire au
néraires 42. Néanmoins, pour une grande partie des
linéaire, comme si le dessin des schémas a tracé le
usagers, ce type de schéma peut être aussi utile
chemin. Cette sensation demeure dans les schémas
pour planifier des trajets, même dans les réseaux à
des plans de métro actuels. Selon Jean-Didier Urbain,
la surface des villes.
le train est « un lieu utopique, univers suspendu, un espace initiatique où nul n’est vraiment chez lui, ni
Il y a différentes manières de donner l’information
l’étranger, ni l’autochtone » . Le voyageur désorienté
dans la signalétique du métro : New-York est par
se pose alors un problème de cheminement : il faut
exemple le cas typique d’une signalétique qui écrit
définir une ligne. Le danger est de se tromper de
tout alors que d’autres signalétiques condensent le
ligne ou de construire un parcours trop long. La
message en utilisant des pictogrammes. Pour des
topographie exacte, comme nous l’avons vu, est ici
textes de signalétiques, la clarté est la base de la
plus qu’inutile – elle est même source d’erreurs.
communication. Pour éviter le risque de mauvaise
40
lecture, une typographie linéale facilite la lisibilité à distance. Cette expérience est aussi prise du métro londonien, qui commença à utiliser une typographie 40 URBAIN, Jean-Didier. L’idiot du voyage: histoires de touristes. Plon, 1991, p. 202
41 GOLEDZINOWSKI Felicia. Signalisation et désorientation dans le métro. En: Communication et langages. N°55, 1er trimestre 1983. p. 69 42 NÖLLENBURG, Martin. Automated drawing of metro maps. Universität Karlsruhe, Fakultät für Informatik, 2005, p. 20
32
unique et un logo pour tout le réseau avec la police sans serif qu’Edward Johnston conçut pour l’Underground en 1916. Une politique globale de réseau vise à assurer au mieux les correspondances. Dès lors, des pôles d’échanges sont crées pour articuler des réseaux de différents modes de transport de voyageurs. Cette politique – assez récente – initie l’unification de la signalétique institutionnelle de chaque réseau pour qu’elle devienne la signalétique du transport publique de la ville. Jean-Didier Urbain nous explique qu’on assiste aujourd’hui à une homogénéisation des lieux. Les réseaux de transport se déclinent de façon similaire à travers le monde. Ils limitent les efforts et le temps pour parvenir aux destinations choisies. Puis de nouveaux espaces apparaissent entre les mailles du réseau nouvellement créé. 43
43 Jean-Didier URBAIN, . L’idiot du voyage: histoires de touristes. Plon, 1991, p. 94
33
Fig.11 Station Sol, mĂŠtro de Madrid
34
35
LE DEVELOPPEMENT DU TRANSPORT EN COMMUN DANS LES VILLES D’AMERIQUE LATINE
36
Au cours des dernières décennies, les villes d’Amé-
réseaux de transport public est alarmante : les
rique Latine ont eu des grands changements de
infrastructures sont inadaptées et en mauvais état,
dimension et d’organisation urbaine. C’est surtout
la saturation du trafic génère de la pollution et
les alentours de la ville qui ont été progressivement
provoque aussi d’autres nuisances tels que le bruit,
occupés sans contrôle, ni planification. Derrière ces
des problèmes de circulation des piétons, etc. Les
phénomènes se retrouvent les différences sociales
villes ont laissé les transporteurs privés prendre le
et économiques, tout comme l’impuissance de l’Etat
contrôle des rues. Cette situation augmente le prix
et des institutions en charge des problèmes urbains.
du transport et le nombre des compagnies qui font
Nous retrouvons une séparation entre les pavillons
les mêmes trajets, saturent les rues et font encore
des riches, les bidonvilles et des zones d’habitat pré-
perdre des usagers au profit de la moto ou de la
caire issues de l’exode rural. Le transport public, en
prolifération d’operateurs non régulés du secteur
étant le principal moyen – ou du moins la seule al-
privé. Les axes routiers sont d’habitude bouchés
ternative – pour accéder à un travail, à l’ééducation,
pendant des heures.
à la santé ou au divertissement, peut aussi générer et approfondir les inégalités déjà présentes. Depuis
L’Agence Française de Développement (AFD), par
2008, la moitié des habitants de la planète vivent
exemple, appuie financièrement les équipes d’ur-
en ville et, sur les 21 villes les plus peuplées du
banisme des différentes villes d’Amérique Latine.
monde, 15 sont des villes du « Sud » . En Amérique
L’expertise technique et l’expérience des institutions
Latine, la population est très jeune, avec un taux de
comme L’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) et le
fécondité très élevé. La situation de manque de ser-
groupe SYSTRA (RATP, SNCF) identifient des pro-
vices de transport massifs alors aura une tendance
blématiques et suggèrent des stratégies de déve-
à s’aggraver.
loppement du transport urbain. Des projets euro-
1
péens comme le TURBLOG WW font des échanges Le premier pays de l’Amérique latine à utiliser le
d’expériences et de bonnes pratiques de logistique
métro fut l’Argentine : le Subte circule depuis 1913
urbaine 3 .
à Buenos Aires. 28 grandes villes comme Mexico et Guadalajara au Mexique, Saõ Paulo, Rio de Janeiro
Le métro de Mexico DF fut ainsi développé par
et Curitiba au Brésil et Santiago au Chili, ont aussi
SOFRETU (ancien nom de SYSTRA) vers la fin des
avec des réseaux de métro souterrains ; d’autres
années 1960. Le réseau est aujourd’hui composé de
villes sont en train d’en construire.
11 lignes. L’aménagement signalétique du réseau utilise beaucoup de pictogrammes pour indiquer les
On trouve deux modèles de transport public en
noms des stations « tout en constituant un langage
Amérique Latine : un qui est plus règlementé (Brésil
universel aisément compréhensible par un public
et Costa Rica), et d’autres faiblement réglementés .
international, mais surtout repérables par la partie
Dans ces derniers, les mairies n’ont pas le contrôle
de la population qui ne sait pas lire, ils s’inspirent
du système mais délivrent des permis de conduire
largement des traditions culturelles mexicaines » 4 .
pour les véhicules de transport collectif. De multiples
Mais, malgré l’ajout d’un système de bus de haut
sociétés de transport sont alors en concurrence pour
niveau dès 2005 et des projets de tram, cette ville,
prendre des usagers dans les rues.
avec ses 21 millions d’habitants, est la troisième ville
2
la plus congestionnée du monde 5 . Pour les villes où le métro n’existe pas ou n’est pas encore étendu sur tout le territoire, la situation des
1 LATTES, Alfredo. Urbanización, crecimiento urbano y migraciones en América Latina en CARRIÓN, Fernando. Población y Desarrollo, Tendencias y Desafíos, 1995, p. 50 2 Corporación Andina de Fomento (CAF) Desarrollo urbano y movilidad en América Latina, Editorial Norma Color, Panamá 2011, p. 310
3 http://www.apur.org/activites-internationales 4 ROUARD, Margo. Autoroutes et graphisme. Entretien de Jean Widmer en TALLON, Roger (ed.). Roger Tallon: itinéraires d’un designer industriel. Centre Georges Pompidou-Ircam, 1993, p. 65 5 L’étude mondiale d’IBM sur la pénibilité des trajets quotidiens http://www.ibm.com/news/ca/fr/2010/06/30/c674440r68001f08.html
37
Dans la ville de Bogota en Colombie, un système
Fig.12
de bus express circulant en voies propres, le
Accès d’une station
“TransMilenio”, est installé en 2000 avec le soutien
de métro de Buenos
de l’entreprise anglaise de transport Steer Davies
Aires avant 2005
Gleave (SDG). Son succès inspire d’autres villes non seulement en Colombie mais aussi au Mexique, Brésil, Venezuela et Chili. Pourtant le TransMilenio est si saturé que dans les plus grandes stations 30 minutes peuvent passer avant que les passagers n’aient accès à un bus. Le service a du augmenter son prix aux heures de pointe pour dissuader les usagers de l’emprunter. Voir dans cette ville des calèches à cheval circuler encore aujourd’hui parmi les voitures n’est pas non plus un signe d’ordre du transport urbain. Le Subte à Buenos Aires n’a pas pu suivre le développement urbain des quartiers du centre ville, même s’il fut le premier à circuler en Amérique Latine. Les lignes n’ont pas assez d’arrêts proches des lieux de travail, les habitants doivent alors se mobiliser autrement. Le système a été privatisé par la société MetroVías en 1993. L’instauration d’une nouvelle
Fig.13
signalétique du métro, l’ajout de la télévision et du
Accès de la station
Wi-Fi dans les stations, comme le renouvèlement des
Acoyte après le
véhicules de la ligne A, en témoignent . Les réseaux
renouvellement de la
de transport sont encore en train de suivre les pas
ligne A du métro de
du développement des réseaux européens, mais en
Buenos Aires
6
envisageant un aménagement et des dispositifs de signalétique actuels. Cela rendra les réseaux de transport des villes du « Sud » plus efficaces et organisés, dans un futur proche. Mais cela correspondrat-il à une homogénéisation des villes elles-mêmes ?
6 RIVAS Tomas. Así funcionarán las bibliotecas con vagones del subte A. La Nación. 11 janvier 2013.
38
39
Chapitre 2
LA BOUSSOLE GRAPHIQUE
40
41
Un système qui devient pragmatique au fil du temps: le cas du mÊtro de Paris
42
serte de banlieue à banlieue sont devenus prioritaires, mais introduits peu à peu : la
Un siècle du réseau de métro
création des lignes du réseau express régional d’Île-de-France (RER) a lieu dans les années 1970, suivie de l’amélioration et le prolongement des lignes existantes et la réintroduction du tramway en Île-de-France à partir de 1992 (il avait disparu et avait été remplacé par des bus dans les années 1950). Le réseau métropolitain continua ainsi à se développer grâce au renouvellement du matériel roulant, augmentant ainsi la capacité des lignes les plus chargées, et grâce à l’extension des lignes en banlieue qui commença à voir le jour après plus de cinquante ans de planification.
Actuellement, les transports à Paris offrent plusieurs modes de transports différents. La ville et sa ban-
Le métro parisien est l’un des plus fréquentés
lieue sont accessibles par un réseau de lignes de
au monde. La ligne 1, est la ligne la plus an-
bus et de tramways, mais aussi et surtout par le
cienne, avec un tracé de 16,6 km et 25 stations
métro, où les stations sont très proches, puis par les
; elle est aujourd’hui également la ligne la plus
RER et les Transiliens, le tout créant un réseau fer-
fréquentée: 213 millions de voyages annuels
roviaire qui s’étend au-delà des limites de la ville.
aujourd’hui pour 160 millions de voyages en 2006 1.
Le Métropolitain de Paris commença à circuler le 19 juillet de 1900, l’année de l’Exposition Universelle
Le rôle de la RATP est fondamental. Sa stra-
qui eut lieu sur le Champs de Mars, près de la tour
tégie commerciale repose sur l’accueil des
Eiffel. Il comptait à peine 30km de trajet mais, dix
usagers à qui l’on donne des informations, sur
ans plus tard, la ville avait déjà 160 stations. La
un rapprochement avec l’Office du tourisme,
première ligne fut réalisée par l’ingénieur Fulgence
sur la distribution de documents concer-
Bienvenüe et les accès aux stations conçus par
nant le réseau et par la vente de produits
l’architecte décorateur Hector Guimard.
éventuellement associés à des opérations touristiques telles que les forfaits réalisés en
Assez rapidement, les lignes et stations de métro
partenariat avec des musées. Anne-Marie
se multiplient, et les compagnies CMP et Nord-Sud
Idrac, présidente de la RATP, indique que «
ne sont plus capables de gérer le système entier.
le résultat de cette politique, mesurée par des
La Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP)
enquêtes de satisfaction, est jugé favorable-
est alors crée en 1949 pour gérer l’ensemble des
ment : 77 % de passagers jugent le réseau
moyens de transport publics à Paris et dans sa
bon, les moins satisfaits étant les Japonais. » 2
banlieue. Mais il faut tenir compte d’autres détails, Néanmoins, étant données la croissance continue
comme le civisme des usagers, qui va au-delà
de l’agglomération parisienne, des projets de des-
de la signalétique. Le métro parisien est connu
1 RATP, Direction de la communication. Statistiques annuelles 2011 2 PLAISAIT, Bernand. L’accueil des touristes dans les grands sites de transit. La Documentation française, Collection des rapports officiels. Paris, 2004, p. 74
43
pour son odeur fétide et ses voyageurs au regard parfois trop insistant, qui rendent les trajets moins agréables. Dans les métros d’autres pays, comme le Tube londonien, contrairement au métro de Paris, les voyageurs n’insistent pas lorsqu’un métro est plein, les personnes âgées se voient souvent offrir un siège et les femmes enceintes font se lever tous les voyageurs. 3
3 TABARY, Zoé Tube vs Métro www.lepetitjournal.com/londres, 27 février 2012
44
ligne allant de 1 à 14, une couleur, et les noms des deux stations (départ et arrivée). Pour le RER, les lignes sont au nombre de 5 ; elles sont dési-
La conception
gnées par une lettre, de A à E, et une couleur.
graphique des
Puis, dans toutes les stations et les gares, il y a des panneaux qui affichent le plan général des trans-
informations relatives
ports en commun. À l’intérieur du réseau souterrain, de nombreux panneaux fléchés montrent où
au métro
aller pour prendre tell ou telle ligne et indiquent souvent les différentes arrêts qui vont être desservis. L’organisation formelle de la RATP repose sur les départements de Conception et Identité des Espaces, sur celui de l’Ingénierie et de la Maintenance signa-
L’une des spécificités de Paris est de disposer de
létique, qui travaillent ensemble pour vérifier que
panneaux absolument partout : aucun endroit dans
les normes soient respectées dans l’intégralité du
le métro parisien n’est dépourvu de signalétiques .
réseau 6 . Chaque jour, des évaluations sont réalisées
La signalétique du métro parisien présuppose que
par des agents anonymes qui doivent noter de
le voyageur peut ne rien savoir, elle offre un mode
manière détaillée les éventuelles anomalies consta-
d’emploi complet avec lequel l’usager n’a pas besoin
tées 7. Pour autant, la norme est relativement flexible
de préparer son voyage à l’avance, ni de demander
et s’adapte aux caractéristiques des stations et aux
des renseignements à d’autres usagers. Pourtant, ce
initiatives venant de divers autres agents (de mainte-
sont souvent les touristes qui posent des questions,
nane par exemple).
4
ou qui demandent aux points d’information comment se rendre à telle ou telle station.
L’un des principes fondamentaux de la signalétique est la standardisation des éléments graphiques.
L’ordre de l’aménagement et de la signalétique des
On peut toutefois trouver, sur une même ligne,
stations suivent une norme qui a évolué au cours
des panneaux anciens mélangés avec la nouvelle
du temps. Aujourd’hui, des règles très précises sur
signalétique. Cette situation crée des confusions
leur composition et leur installation laisse paraître
chez les usagers, mais cette confusion n’était pas
les stratégies de communication de la RATP. Tous les
vraiment une préoccupation centrale pour la RATP.
principes de l’installation des panneaux, des flèches,
Les formes, les couleurs, la typographies, etc., sont
des pictogrammes, des noms des arrêts, tout comme
perçues comme des éléments décoratifs 8 . La signalé-
les espaces publicitaires, sont inscrits dans une base
tique est le résultat d’un programme d’organisation
de données qui précise comment conserver cette
graphique qui peut également être appréhendé
standardisation dans chaque station.
comme une sortie d’instruction, une forme de gouvernement 9 . Il s’agit alors de dispositifs disciplinaires
Dans les 383 stations du métro 5, l’homogénéi-
où le civisme des usagers est convoqué.
sation graphique de l’ensemble des dispositifs signalétiques est complexe. Le métro parisien
Le renouvellement de la signalétique dans les
est désigné par plusieurs choses : un numéro de
espaces métropolitains est essentiel pour que l’infor-
4 GOETA, Samuel. Lisibilité urbaine et signalétique du transport parisien [Entretien avec Jérôme Denis] Urbanews.fr, 10 juillet 2012.
6 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 48
5 RATP, Direction de la communication. Statistiques annuelles 2011
7 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 53 8 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 59 9 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 79
45
mation soit davantage visible. Par ailleurs, le besoin
d’être utilisé sur des panneaux de signalétique, mais
de présence humaine se fait particulièrement sentir
son utilisation tend cependant à se généraliser sur
au moment où le voyageur, abandonné à lui même,
bien d’autres supports.
a besoin de renseignements particuliers. Toutes les inscriptions présentes dans le métro, et D’un côté, les éléments datant de la première étape
notamment le nom des stations, utilisent des alpha-
de construction sont désormais un patrimoine
bets très simples qui se présentent sous forme de
historique. Les accès aux stations conçues par
compositions murales de grande taille, souvent en
Guimard, facilement reconnaissables grâce à leur
céramique. Ces inscriptions en lettres capitales
style Art Nouveau en fer forgé, portent l’inscription
sont peu à peu remplacées par des panneaux qui
« Métropolitain » en capitales, avec une police parti-
suivent une norme différente : des grandes lettres en
culière inspirée des lettrages de George Auriol. On
bas-de-casse pour le nom de la station sur un fond
y trouve aussi les mentions « métropolitain, station,
bleu, et un sous-titre en fond marron pour signaler
sortie, entrée, etc. », mais pas de nom de lieux car
un lieu touristique ou culturel qui se trouve à la
Guimard n’a pas créé de typographie comportant
sortie de la station.
un alphabet complet ; il a uniquement dessiné un lettrage destiné aux seules mentions que l’on trouve
L’abandon des capitales, ce à quoi s’ajoute le
sur les édicules. Cet alphabet patrimonial a été
remplacement des phrases par des pictogrammes,
retravaillé à la demande la RATP à l’occasion de son
donne la possibilité de reconnaître les mots au lieu
centenaire en 1999, par un graphiste, David Poullard.
de les lire : distinguer facilement donne du confort
Puisque le métro parisien a une esthétique forte,
à l’usager. Tout cela améliore la fluidité du réseau
pour maintenir cette identité ont été conservés des
car lire prend du temps, alors que reconnaître est
éléments tels que certaines inscriptions anciennes
presque immédiat 10 . L’enjeu est aussi politique : cette
des compagnies CMP et Nord-Sud, qui datent du
reconnaissance des mots est possible même pour
début du XXe siècle, et des carreaux de faïence
les illettrés : il s’agit de faciliter l’accès au réseau
blancs des murs. Mais la rénovation du réseau peut
pour les usagers qui ne savent pas forcément bien
aussi changer complètement l’aspect de certaines
lire le Français, ce qui est aussi l’objectif de la stan-
stations en les rendant uniques et plus facilement
dardisation des couleurs des lignes. En revanche,
identifiables.
la signalétique concernant la sécurité est en lettres capitales ; elle est destinée à canaliser les foules.
Les panneaux signalétiques ont tendance à être de plus en plus épurés. Les caractères typographiques
Les plans que l’on trouve dans dans chaque station
bâtons, ou linéales, y sont utilisés. Depuis 1996, sur
sont un autre système d’information où tout le
tous ses nouveaux plans et les noveaux panneaux,
réseau est représenté : c’est l’usager qui doit utiliser
la RATP utilise une police de caractère spécifique-
son propre mode d’emploi pour trouver le point de
ment crée pour les transports parisiens, la Parisine,
départ et d’arrivée de son itinéraire, voir les cor-
dessinée par Jean François Porchez. Cette police est
respondances à faire, etc. C’est un outil qui donne
moins ambiguë que les anciennes polices standard
une idée des opérations à exécuter, qui familiarise
avec empattements. Son dessin porte l’infulence des
l’usager avec les noms des directions à suivre, les
travaux d’Edward Johnston et d’Eric Gill réalisés
numéro des lignes et les couleurs. Mais, une fois que
pour le métro de Londres. Le but de la Parisine était
l’usager est dans les couloirs, c’est la mémoire qui
10 RATP, La signalétique de la RATP, Document de présentation interne, Unité conception et Identité des Espaces, 2002, diapositive 13
46
joue un rôle fondamental sauf si l’usager a dans la
Pour que l’usager maîtrise tous ses déplacements,
poche le plan du réseau distribué gratuitement dans
la signalétique du métro parisien est devenue mul-
toutes les stations.
timodale : elle s’articule avec les autres systèmes de transport dans un ensemble qui est en train d’être
Dans les couloirs, les panneaux guident et s’en-
installé dans toute la ville. Avec ce nouveau disposi-
chaînent les uns avec les autres. C’est en suivant
tif de signalétique multimodale, l’écrit a été intégré
ceux-ci, et en respectant le sens des flèches, que le
comme une ressource à part entière de l’informa-
voyageur peut être certain d’aller au bon endroit
tion en prenant en compte la nécessité d’informer les usagers. La finalité du projet est de fournir des
La « langue visuelle » du métro est fait de codes
informations locales sur le trafic (prochains trains,
couleur et de typographie. La forme d’une plaque,
état du trafic, perturbations, etc?). L’usager pourra
la couleur d’un icône, l’emplacement d’un symbole,
mieux s’approprier ces informations pour se répérer
etc., font partie de cette langue qui ne prétend pas
et organiser son trajet. Le système développé est
traiter du sens, mais envoyer un message le plus
amené à remplacer tous les systèmes d’information
universel possible aux usagers. Les représentations
déjà existants 12.
11
mentales collectives liées au dessin des lettres luimême sont souvent perçues inconsciemment : les lettres « bâton » sont interprétés comme plus strictes, autoritaires. Les plans ou les horaires ne sont pas conçus pour délivrer un message, mais pour aider les usagers à calculer le temps de leur trajet. Toutes les lignes sont équipées du système de panneaux électroniques SIEL : ils permettent de savoir quelle heure il est, et de connaître en temps réel le temps d’attente avant le prochain passage d’un métro. Avant de monter dans une rame, dans certaines stations des portes palières programmées pour ne s’ouvrir que lorsque le train est à quai ont été installées dans le cadre de l’automatisation et de la modernisation du réseau. Ici, des signaux lumineux et sonores sont installés pour annoncer le départ du train. De plus, un panneau orange avec un triangle noir est également installé en tête de quai pour indiquer le point d’arrêt de la première rame. Les rames sont, à l’intérieur, équipés d’une signalétique similaire à celle des bus et des tramways (pictogrammes relatifs à la sécurité, informations sur les arrêts, signals sonores à l’approche de la station suivante, etc.)
11 RATP, La signalétique de la RATP, Document de présentation interne, Unité conception et Identité des Espaces, 2002.
12 Site web RATP. Plus d’innovations. http://www.ratp.fr/fr/ ratp/r_6368/bien-informer-les-voyageurs-en-temps-reel/
47
Fig.14 Station Charles de Gaulle- Etoile
Fig.15 Panneau de sortie d’une station du métro parisien
Fig.16 Flèches et schéma d’une ligne dans le métro parisien
48
peut être enlevées facilement, prennent parfois tout l’espace: les murs, le sol et même les entrées des
Signes mercantiles et signes sauvages
tunnels. La signalétique institutionnelle est aujourd’hui colonisée par les techniques marchandes. La RATP fait de la publicité pour annoncer des nouveautés, des activités ou des spectacles, voire même pour donner des conseils relatifs au civisme dont doivent faire preuve les usagers. Par ailleurs, la RATP n’est pas seulement une institution, elle est aussi une marque : son logo est reconnu dans le monde entier. En dehors de la publicité, d’autres signes sauvages, comme les graffitis et les petits panneaux collés sans
La signalétique et la publicité, à l’intérieur même des
autorisation, se disputent les espaces des stations
espaces graphiques du métro, sont souvent perçues
de métro. Dans le cas des graffittis, le langage écrit
comme étant des ennemies. L’espace publicitaire a
s’exprime d’une manière très différente : il s’oppose
son propre mode de reconnaissance, qui est spé-
politiquement et esthétiquement à la signalétique
cifique à la fois dans sa forme et son contenu. La
institutionnelle. L’inscription de ces signes et le fait
publicité joue sur une certaine mise en forme gra-
d’avoir ensuite à mes enlever dégradent parfois les
phique afin que les usagers se souviennent d’un
lieux. Comme dans la publicité, les auteurs de ce
sujet ou d’une marque. Elle propose des représen-
« graphisme sauvage » cherchent bien souvent à
tations, associant mise en scène, mise en spectacle,
« vendre » un produit, leur art ou une capacité à
mise en récit : c’est un théâtre des objets reposant
fabriquer de l’art, à l’aide d’une pratique autoré-
que une brève narration qui doit séduire en un bref
férentiuelle finalement assez proche du mécanisme
instant 13 .
publicitaire. Par ailleurs, la diffusion de spots sur les écrans vidéo de certaines stations font que la publi-
La publicité a un coût financier au mètre carré,
cité a d’une certaine manière une place plus noble
tandis que la signalétique est une dépense en
que celle allouée à la signalétique.
vue d’améliorer les services rendus par la RATP. Comment protéger la signalétique contre les campagnes publicitaires qui sortent du cadre établi et envahissent tous les espaces possibles ? Cela implique des négociations qui sont délicates entre la RATP et les annonceurs. L’écologie graphique se double donc d’une écologie compétitive 14 . Dans certaines stations, la signalétique du métro ne protège que son emplacement et laisse la place libre à la publicité. Les publicités collées provisoirement et qui
13 PENINOU, Georges. Des signes en publicité. Études de communication [En ligne] 2011, URL : http://edc.revues.org/986 14 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 73
49
Fig.17 Station Saint Lazare
Fig.18 Installation typique respectant l’espace publicitaire à la station MontparnasseBienvenüe de la ligne 13 du métro de Paris
Fig.19 Installation publicitaire à la station Opéra
50
Fig.20
Fig.22
NASTY. Panneau de
NASTY. Plan du
sortie vandalisé au
réseau Île-de-France
métro de Paris
Fig.21 Ecran publicitaire vandalisé
vandalisé au métro
51
Fig.23 NASTY. Plan du métro de Paris vandalisé. Dessine-moi un métro. Gallerie Margoth. Paris, 2011
52
53
Un système entre chaos et rigueur: Lima, des combis au mÊtro
54
Au milieu des années 1950, le développement de la circulation automobile et la puissance des lobbys
Entre chaos et bruit, le transport public et son histoire à Lima
pétrolier et industriel provoquent des attaques virulentes contre le tramway, considéré comme archaïque et gênant. Les autorités envisagent déjà de supprimer du centre de Lima des lignes de tramway, pour laisser plus de place à la circulation automobile. Outre la pression de plusieurs lobbys, ce choix s’appuie sur un constat : les lignes de la capitale sont souvent mal tracées, circulant à contre courant sur des voies importantes, etc. Elles sont en outre victimes d’une réglementation qui n’a pas évolué, faute de moyens et de volonté politiques. Par ailleurs, l’élargissement des rues avait été conçu sans penser au fait que les usagers, à l’approche des stations de
La ville de Lima, comme Rio de Janeiro, était consi-
tramways, devaient traverser les raues car la ligne
dérée comme un exemple d’efficacité en terme de
du tramway se situait au milieu de cette rue.
transport publique grâce à son réseau de tramways, établi au début du XXe siècle. Ce réseau desservait
Malheureusement, au lieu de moderniser le réseau
les principaux points de la ville jusqu’aux faubourgs
de tramways, les autorités ont décidé de le sup-
du littoral centre et sud, et jusqu’au port. Le tramway
primer malgré le fait qu’il fut fort utilisé dans les
avait assuré, tant bien que mal, les déplacements
années 1950, alors que l’immigration connaissait un
des habitants de la ville, mais les lieux peuplés
pic. La plupart des pays d’ Amérique Latine suivirent
récemment n’avaient pas d’accès à ces arrêts. C’est
l’exemple des États Unis et de la France en suppri-
pourquoi la première ligne d’omnibus apparut en
mant ce réseau, tandis que d’autres pays européens
1921, premier pas vers un réseau officiel de transport
continuèrent à utiliser les tramways et à les perfec-
en commun.
tionner. Le réseau de tramway a été supprimé au milieu des années 1960, remplacé par des trolleybus.
Toutefois, vers 1930, un réseau informel de bus
Les maires de Lima, à cette époque, optèrent pour
apparut ; plus ou mons privé, il était une réponse
la construction de grandes voies rapides destinées
aux déficiences du réseau officiel créé en 1921.
aux automobiles.
Après 1930, toute une série de normes furent imposées pour unifier le fonctionnement de ce réseau
En outre, la population ne voulait plus voir tous
informel. Certains critères furent créés pour refuser
ces tramways remplis de gens et d’»urbanitos», des
à de nouvelles entreprises de créer des itinéraires
tramways saturés en raison du triplement du nombre
qui étaient déjà desservis auparavant, ou pour
d’habitants à Lima. Par ailleurs, la vitesse des tram-
désengorger la circualtion dans certaines rues. Les
ways était limitée en raison du manque de mainte-
entreprises privées qui se consacraient au transport
nance et des grèves successives des ouvriers, ce qui
public avaient proliférées, et l’État avait décidé d’in-
a accéléré la disparition du réseau. Les trolleybus
tervenir en établissant un règlement permettant de
qui les remplacèrent connurent le même destin peu
contrôler les prix, les caractéristiques des véhicules,
de temps après.
etc.
55
Fig.24 Tramway à Lima au début du XXe siècle.
Fig.25 Schéma des lignes desservies du tramway à Lima et Callao
56
Les réseaux de transport officiels étaient donc en
saturé et n’était plus suffisant. Le réseau tomba en
crise. En revanche, les réseaux informels, non offi-
faillite, suite aux grèves internes des conducteurs de
ciels, étaient de plus en plus présents en ville. La fer-
bus et en raison de tarifs trop bas pour garantir
meture des réseaux officiels, dans les années 1960,
la rentabilité de l’entreprise ENATRU (0,03 centimes
laissa la ville presque sans moyen de transport. Par
d’euro par personne pour un trajet), même si celle-ci
ailleurs, en raison de l’augmentation de la popu-
recevait une subvention de l’État. Alors la société
lation, l’urbanisation de Lima devint une priorité,
n’avait plus les moyens de réparer ni de renouve-
et des nombreuses rues furent élargies. Pour que
ler les bus, une centaine d’entre eux furent brulés
le réseau de transport public soit remis sur pied,
par des terroristes. L’État décida alors d’augmenter
l’Association Paramunicipale de Transport de Lima
la tarification au début des années 1990, mais il
(APTL), commencera ses activités en 1966.
était déjà trop tard. Les bus restants furent offerts aux chauffeurs en échange de leur dernière paie,
À ce moment là, on considéra que la Via Expresa
avant que ENATRU ferme définitivement ses portes.
del Paseo de la República, une grande voie à haute
Par ailleurs, les travaux de construction d’un métro
vitesse qui avait été construite depuis peu, était
aérien, qui avaient débuté à la fin des années 1980,
utilisable pour construire un métro, étant donné sa
furent abandonnés par le nouveau gouvernement.
largeur – mais jamais le métro ne vit le jour. Dans ces conditions, il fut alors décidé de profiter de cet
Vers 1992, l’État libéralise le réseau de transport
espace pour y faire passer des bus articulés. Puis
public car le service n’était pas à la hauteur des
vers 1975, l’Entreprise Nationale de Transport Urbain
attentes des usagers, qui étaient de plus en plus
du Pérou (ENATRU) remplace l’APTL en raison d’une
nombreux. Cela offrit la possibilité à des entreprises
crise financière. L’Entreprise devint alors le premier
privées d’intervenir sur le marché du transport
réseau de transport en site propre d’Amérique du
public. L’objectif était d’encourager la qualité du
Sud, comme le seront plus tard le réseau de trans-
service et la baisse des prix. Ces entreprises prirent
port de Curitiba au Brésil, ou celui du Transmilenio
alors le contrôle des itinéraires et des horaires. Puis
de Bogota, en Colombie.
l’autorité publique leur laissa aussi la prérogative de fixer une tarification. La Mairie de Lima était
Les bus articulés étaient neufs et de couleur jaune-
souple par rapport aux conditions de création des
moutarde, avec des itinéraires préalablement établis.
entreprises dédiées au transport public. N’importe
Ces bus étaient connus sous le nom d’« ENATRU
quelle personne pouvait désormais offrir un service
». Ses chauffeurs étaient des salariés de l’Etat et,
de transports en commun avec n’importe quel type
le plus souvent, avaient une bonne éducation (en
de véhicule, à l’exception des camions et des deux
revanche, il ny’ avait pas de contrôleur). La voie,
roues. Le Président Fujimori favorisa plutôt, dans des
longue de 16km, reliait cinq grands quartiers de la
conditions obscures, l’importation de petites voitures
ville, du Nord au Sud, et les lignes parcouraient des
et de minibus japonais peu chers, et souvent déjà
trajets encore plus longs pour arriver aux extrémi-
anciens. Ces importations furent d’une telle ampleur
tés de la banlieue. D’autres lignes de bus, privées,
que ces véhicules envahissent aujourd’hui littérale-
complétaient ce réseau mais ces bus ne pouvaient
ment les rues de la ville.
utiliser la voie express. Quelques années plus tard, la couverture de Lima La forte migration qu’a connu Lima se continua dans les années 1980 ; le réseau des bus devient
par le réseau de bus avait augmenté et les temps
57
d’attente avaient diminué, en offrant davantage de
étape de la réforme des transports collectifs a
confort aux usagers qui eurent désormais plus de
été lancée l’année dernière afin de réguler les
place dans les véhicules. Toutefois, même si cette
bus dans cinq grands axes de la ville 18 . Mais
situation donnait une apparente sensation de
cela ne se fait pas sans contestation de la part
bonheur, la privatisation créa plus de problèmes
des milliers de petits transporteurs indépen-
alarmants que de solutions. Comme l’offre avait
dants, qui voient là une remise en cause de
augmenté rapidement, qu’il y avait beaucoup de
leur moyen de subsistance.
bus et moins d’usagers dans chacun d’entre eux, le prix du ticker augmenta pour que les compagnies
Avec l’apparition des nouveaux réseaux de
gagnent autant qu’auparavant. Le grand nombre de
transport en voie propre dès 2010, une grande
véhicules généra également plus d’embouteillages
partie des usagers des combis disparut ; mais
et de pollution.
comme la ligne 1 du Metropolitano n’arrivera à transporter que 7% des usagers, et que le
Il existe aujourd’hui, dans toute la ville, 414 entre-
métro ne concernera que 3% de ceux-ci, 10%
prises de transport urbain proposant 218 itinéraires
seulement des usagers utiliseront ces deux
par autobus, minibus, coasters, « combis » et « moto-
nouveaux moyens de transport, ce qui ne règle
taxis » 15 . 83% des voyages motorisés à Lima, soir
pas le problème de mobilité des habitants 19,
l’équivalent de 10 millions de voyages, utilisent ces
qui continueront en grande majorité à emprun-
transports ; 37% utilisent des « combi », 30% des
ter les bus.
minibus, 16% des autobus, 9% des taxi, 6% des moto taxis, et 2% des voitures collectives 16 . Il y a plus de 27 000 véhicules destinés aux transports collectifs, sans compter ceux qui ne sont pas autorisés. Dans plusieurs cas, les services effectués sont informels et les itinéraires flexibles. Les camionnettes rurales telles que les « combis » et les « mototaxis » constituent le moyen de transport public typique pour les trajets courts, en particulier dans la périphérie de la ville, si bien que les itinéraires de quelques « combis » couvrent presque toute la zone métropolitaine. Les véhicules sont capables de desservir des zones à la géographie plus difficile, telles que les rues étroites ou sinueuses, ou des endroits moins densément peuplés. Ce moyen de transport, malgré la pollution et le bruit qu’il provoque, reste encore très prisé des Péruviens. Cependant, le service est déficient par rapport aux normes de sécurité et de confort car il souffre du manque de renouvellement des véhicules qui ont, en moyenne, 15 ans d’âge 17. De ce fait, la préfecture de la ville envisage le remplacement de ces véhicules par des autobus modernes et le renouvellement des itinéraires pour 2014. La première
15 Municipalidad de Lima. Gerencia de Transporte Urbano http:// www.gtu.munlima.gob.pe/transporte/rutas.htm 16 CORPORACIÓN ANDINA DE FOMENTO. Observatorio de Movilidad Urbana para América Latina, CAF, 2010, p.19
18 Municipalidad de Lima, Gerencia de Transporte Urbano, URL : http://www.gtu.munlima.gob.pe
17 CORPORACIÓN ANDINA DE FOMENTO. Observatorio de Movilidad Urbana para América Latina, CAF, 2010, p.35
19 CORPORACION ANDINA DE FOMENTO (CAF) Desarrollo urbano y movilidad en América Latina, Editorial Norma Color, Panamá 2011, p. 232
58
l’aide de bandes horizontales où figurent le nom et le logo de l’entreprise. Identifier une ligne demande de décoder ces code couleurs. Seuls les bus plus
Graphisme,
anciens conservent une lettre ou un numéro de ligne identifiable, que l’on trouve près du pare-brise. Il y a
information
également des panneaux décollables où sont représentés les rues ou les bâtiments les plus célèbres
et mobilité
devant lesquels le véhicule passe ; ces bâtiments peuvent aussi être montrés par le rabatteur lorsqu’il crie, ce qui permet d’identifier le bus même de loin. À l’intérieur, seuls les tarifs de l’entreprise et l’attestation d’assurance du véhicule sont officiels. La signalétique est plutôt sauvage : des autocollants avec des personnages de BD tels que Condorito et
Pour comprendre la mobilité quotidienne des
les pictogrammes indiquant par exemple « Personne
Liméniens, il faut prendre connaissance des minibus
à Mobilité Réduite » sur un siège sont détournés
locaux bariolés qui traversent la ville de part en
de manière ironique. D’autre part, des photos de
part. Les « combis » ne peuvent accueillir qu’une
famille du chauffeur, ainsi que son saint préféré,
vingtaine de personnes assises mais ils sont si nom-
des phrases argotiques et bien d’autres éléments
breux qu’ils sont le principal moyen de transport
se retrouvent à l’intérieur des bus et amusent les
urbain. Il en résulte une congestion dramatique et
usagers pendant des longs trajets.
un chaos général. Le mauvais état des routes, les nombreux chauffards et les embouteillages sont
À Lima, les infrastructures nécessaires pour que
typiques à Lima. Mais prendre le combi
coûte à
les transports publics automobiles constitue un vrai
peine 0,30 euros, ce qui permet aux plus pauvres de
réseau articulé ne sont actuellement pas en place.
pouvoir se déplacer.
Les arrêts n’ont pas de nom, sont presque inexistants, et leur forme et leur signalétique sont différentes
Les lignes de bus sont privées, ce qui veut dire que
selon le quartier. Dans la plupart des cas, seul un
sur un même itinéraire différents types de véhicules,
poteau ayant un pictogramme blanc sur fond bleu
de couleurs et de signalétique entrent en ligne de
signale un arrêt autorisé. Les Abribus, dans une ville
compte. Le chauffeur ne s’occupe que de la conduite
où il n’y a pas d’intempéries, sont utilisés plutôt pour
et un rabatteur crie par la porte, toujours ouverte,
la publicité. Il n’existe aucun tracé schématique des
la destination et le trajet qu’il emprunte. Les deux
routes, ni de plans avec tous les arrêts possibles
portent souvent un uniforme aux couleurs de leur
dans la ville.
entreprise. N’importe quelle ligne qui passe par la rue où Pour pouvoir être identifiable, les autobus adoptent
se trouve un arrêt peut le desservir. Vue la quan-
une signalétique qualifiée de « chicha » : lettrages
tité de véhicules par ligne, les horaires des arrêts
à la main en capitales gothiques, sur fond blanc,
n’existent pas ; le temps d’attente est de 1 à 5
pour les panneaux qui indiquent les destinations
minutes en moyenne. En général, on peut prendre
sur la vitre avant ; par ailleurs, les bus sont colorés à
un bus partout car les chauffeurs s’arrêtent selon
59
Fig.26 Ensemble de «combis» dans une rue liménienne
la présence des possibles usagers qui sont dans la rue. Rester dans un coin de la rue et lever le bras ou pointer vers l’autobus souhaité est la principale méthode pour les emprunter. Attendre un bus à un arrêt n’est pas non plus une garantie d’arriver à prendre le bus souhaité. La concurrence des autobus et la quantité des usagers aux heures pointe font que tout le monde traverse les voies pour monter
Fig.27
dans les véhicules, et notamment aux feux rouges.
Incohérence
Ce désordre, ainsi comme la perte de temps qu’il
entre un abribus
occasionne, est de plus en plus sanctionné par la
et un panneau
mairie de Lima. Pourtant, les usagers continuent à
d’interdiction
appeler les combis n’importe où, même s’il y a pas d’arrêt près d’eux. L’annonce des arrêts qui identifient les principales stations de l’itinéraire est faite par le rabatteur. Ce travail est indispensable, surtout aux heures de pointe, car les véhicules sont remplis de passagers et personne à l’intérieur ne peut voir où est exactement le bus. Pour descendre, l’usager doit s’approcher de la porte et payer, s’il n’a pas pu le faire à l’avance en achetant un ticket. Pour autant, les grandes lignes de bus, souvent plus modernes, ont des sonneries et sont pourvus de panneaux en LED. Dans ce cas, le rabatteur ne sert uniquement qu’à vérifier que l’usager va payer son trajet.
60
Fig.28 Plusieurs typographies dans les panneaux de direction des combis
61
Fig.29 Fenêtre de combi remplie de messages
Fig.30 Vue de l’intérieur d’un combi
62
au Sud sur 9,2km. Il faut compter 30 minutes pour parcourir les 7 stations entre Villa el Salvador et
L’arrivée des bus en site propre et du métro
Cercado de Lima (centre-ville), ce qui prenait plus de deux heures auparavant.
Les rames du métro
sont conçues et fabriquées par les sites d’Alstom en Europe. Le consortium regroupe Graña y Montero S.A, société de construction et de promotion immobilière péruvienne, et l’opérateur argentin Ferrovias S.A. Les travaux continuent et, à terme, le réseau comportera sept lignes. Par ailleurs, l’État, qui gère le système, avait décidé de construire une nouvelle ligne de métro souterrain là où Metropolitano 2 (une autre ligne de bus) devait être construit. La mairie a du accepter ce
Le nouveau réseau de bus, connu sous le nom de
projet, et refaire un réseau de bus qui n’aura pas
« El Metropolitano », est un réseau de transport
de voie propre pour tous les itinéraires. Ce dernier
aérien doté d’une voie en site propre et de gares
projet prévoit de faire circuler 5 voies à vitesse
d’autobus répartis dans lkes principaux axes de la
rapide vers la fin 2013 pour compléter le réseau de
ville. Il s’agit d’un réseau de bus à haut niveau de
transport public là où ni le métro ni le Metropolitano
service (BHNS) qui remplace l’ancien système des
n’arrivent à desservir les arrêts.
ENATRU des années 1980. Le système BHNS, en provenance des Etats-Unis, avait d’abord été trans-
Le Metropolitano et Metropolitano 2 offrent un accès
posé à Bogota avec le TransMilenio.
le plus aisés aux stations, lesquelles sont aménagées – par contraste avec les arrêts de bus informels
Depuis sa mise en circulation en 2010, les habitants
–, avec des des rames spécialement équipées. La
de Lima ont bien adopté ce réseau de bus nouvelle
signalétique à destination des usagers est la même
génération. Le confort est tout autre (sièges tout
pour les deux métros. Les stations ont été construites
neufs, rampe d’accès aux personnes handicapées,
en béton gris, ce qui donne davantage de visibilité
plus de espace et de fraîcheur) et, surtout, les cou-
à la signalétique qui est de couleur jaune, bleu et
loirs de bus permettent d’éviter les bouchons de la
blanc pour le réseau de bus Metropolitano. Dans le
capitale. Cette voie en site propre est longue de 26
cas du métro, chaque station a une couverture et
kilomètres, sans compter les itinéraires effectués par
des escaliers d’une couleur précise mais sa signa-
les autobus de rabattement. Son trajet compte 37
létique utilise des couleurs orange, orange, bleu et
stations, dont la principale, au centre-ville, intègre
blanc. Les stations aériennes du métro sont facile-
un centre commercial. 16 quartiers sont desservis :
ment reconnaissables par la couleur de leur toit, leur
de Chorrillos (au sud de Barranco) à Comas (tout au
nom en grandes lettres capitales blanches sur un
nord), de 5h à 22h.
mur noir, et un poteau vert indiquant l’entrée.
Le métro de Lima, plus connu sous le nom de « Tren
Des kiosques d’information sont placés à l’entrée de
Eléctrico ,» circule depuis février 2012 et est princi-
chaque station. La vente de titres de transport se
palement aérien. La ligne 1 traverse Lima du Nord
fait dans la station, soit par distributeur automatique,
63
soit au kiosque. Le service utilise une carte rechar-
Des flèches, des panneaux indiquant la sortie et
geable achetable dans les stations. Pour ouvrir les
des schémas de lignes sont installées dans les cou-
portillons d’accès, il est nécessaire de valider le
loirs, les escaliers et les ascenseurs, exclusivement
titre de transport, qui montre automatiquement le
en espagnol. Le système reste simple et facile à
montant d’argent qui reste. L’objectif, dit Juan Tapia,
comprendre. Le seul problème de communication
le PDG de ProTransporte de Lima, est que l’utili-
à l’intérieur des stations du Metropolitano vient du
sation des voies rapides ainsi que le métro et le
fait que les différentes zones d’embarquement ne
Metropolitano, puisse être payée avec une seule
sont pas suffisamment bien indiquées, d’autant que
carte et avec un tarif unique 20 .
parfois elles sont à grande distance les unes des autres.
À l’intérieur de la rame, des panneaux lumineux indiquent le temps d’attente avant le prochain passage. Tous les détails concernant la ligne sont affichés (stations desservies, horaires, etc.) Pourtant ce ne pas le cas des cartes géographiques : cellesci présupposent-elles une vraie connaissance géographique de la part des usagers ? Le métro de Lima, ainsi que le Metropolitano, traverse plusieurs quartiers très différents, et se tromper de station n’est pas souhaitable dans une ville si étendue. Le Metropolitano a des portes palières qui se situent le long des quais, en bordure des voies. Le nom des stations est inscrit sur du vynile avec une typographie linéaire gras-italique en bas-de-casse, bleu sous fond blanc. Chaque station est pourvue d’un écran LCD proposant des informations sous formes de journaux, mais il n’y a pas d’espace publicitaires. L’affichage
dynamique
d’informations
sur
des
panneaux électroniques et le schéma de la ligne sont visibles à l’intérieur de chaque véhicule. Pour répondre aux questions que peuvent se poser les usagers, et pour distraire les passagers pendant leur trajet, le réseau s’appuie sur les dernières technologies d’information et de communication (TIC) en temps réel. Ainsi, à l’intérieur des véhicules, des écrans peuvent afficher la progression du bus, et donner également des informations institutionnelles, voire même diffuser une chaîne de télévision (dans les bus du Metropolitano du moins).
20 SALAZAR VEGA Elizabeth « INFOGRAFÍA: las rutas de los corredores complementarios de Lima » El Comercio, 24 février 2012. URL : http://elcomercio.pe/lima/1378685/noticia-infografia-rutascorredores-complementarios-lima
64
Fig.31 Vue de ´La Via Expresa del Paseo de la República», ligne 1 du Metropolitano
Fig.32 Station Angamos, Metropolitano
Fig.33 Un bus express dans une station
Fig.34 Un conseiller à la station Benavides
Fig.35 Ecran de TV et pictogrammes collés à la station Benavides
65
Fig.36 Signalétique suspendue
Fig.37 Exemple de signalétique suspendue et éloignée des usagers
Fig.38 Vue de l’intérieur d’un des bus du Metropolitano
Fig.39 Plans schématisés des services du Metropolitano
66
Fig.40 Vue de la ligne 1 du métro de Lima à Villa el Salvador (banlieue Sud)
Fig.41 Vue d’un métro en mouvement au quartier San Borja
Fig.42 Accès à la station Ayacucho du métro de Lima
67
Fig.43 Point d’information à la station Ayacucho
Fig.44 Train à la station Ayacucho
Fig.45 Vue de l’intérieur d’un véhicule de la ligne 1 du métro
Fig.46 Schéma de l’ensemble de la ligne 1 du métro
68
69
L’INFLUENCE DU CODE ORAL DES COMBIS À LIMA
70
« La tombée de la nuit est l’heure de pointe à Lima, l’im-
espace symbolique. Il y a trois types de personnes
mense capitale péruvienne aux 8,4 millions d’habitants. Sur
dans un combi : le chauffeur, le rabatteur et l’usager.
l’avenue Javier-Prado qui traverse la ville, des centaines
Le premier est le patron, le deuxième l’opérateur du
de bus et «combi» (minibus) hauts en couleur se pressent
système, et les clients utilisent le bus pour arriver à
les uns contre les autres. Leur but ? Gagner la «course
destination. Pour lui, chaque usager est censé payer
aux passagers» dont dépend la paye du chauffeur » .
le même prix – ce pourquoi ceux qui ont un tarif
21
réduit ne sont pas bienvenus. Il en va de même pour La ville de Lima est aujourd’hui le résultat du
les usagers à mobilité réduite, qui lui font perdre du
mélange entre les cultures des migrants et la culture
temps. Par contre, les jeunes filles sont toujours bien
des Liméniens d’origine . Ces groupes ont du
accueillies.
22
s’adapter ensemble. Le contact entre les rabatteurs de combi (à la vie marginale et souvent de mauvaise
Les verbes ne sont pas correctement conjugués dans
éducation) et les usagers de l’ensemble de la ville
le langage combi, ce qui est évident en espagnol,
a été décisif pour caractériser les habitus de ceux
car toutes les lettres sont prononcées. la combi est
qui vient à Lima.
« repassée », « planchada » quand elle est remplie. « Al fondo hay sitio » informe aux usagers sur des
La lutte pour gagner le maximum de passagers est
endroits libres dans la partie postérieure du véhi-
bien connue à Lima et dans la plupart des pays
cule mais qui ignore la vraie agglomération du bus
d’Amérique Latine. Cette concurrence existe même
de propos délibéré. Pour descendre, il faut dire
parmi les autobus d’une seule entreprise. Avoir un
« bajan semáforo», « ils descendent au feux rouge »
véhicule bien rempli et faire plusieurs aller-retour
ou dans un coin, arrêt etc.
n’améliore pas la qualité du réseau, bien au contraire.
et conjugué en pluriel, cela représente un usager
Les entreprises spécialisées dans le transport public
quelconque. D’autre côté, cette formule simplifie le
n’urent plus de contrôle sur ces pratiques dès lors
langage, comme le langage écrit que l’on trouve
que le système fut privatisé. Le salaire fixe des
dans la signalétique des nouveaux systèmes de
chauffeurs et des rabatteurs n’existe pas, et cette
transport. Le langage combi et les codes « signa-
situation permet aux conducteurs qui rapportent plus
létiques » que les rabatteurs utilisent pour appeler,
d’argent à l’entreprise d’être eux-même mieux payés.
donner des renseignements, annoncer les possibles
Ici, le soi est aperçu
arrêts et encaisser produit du sens collectif, du fait La principale stratégie pour attirer des possibles
du dialogue entre le transporteur et son usager.
clients n’est pas la signalétique, mais la parole: ce sont surtout les rabatteurs des combis qui crient
Dans les bus du Metropolitano, il y a encore au-
d’une façon particulière l’itinéraire du véhicule.
jourd’hui des usagers qui ne comprennent pas le
Cette pratique est devenue tellement populaire,
plan de la ligne et ne saisissent pas les panneaux
qu’elle a son propre argot et sa propre musicalité.
de signalétique. Par conséquent, les passagers pré-
Les usagers ont du s’adapter au code oral de la rue,
fèrent demander des renseignements aux conseillers
mais aussi à la vie à l’intérieur des combis.
pour connaître les arrêts désservis par tel ou tel bus. Dans ce cas, les conseillers remplacent l’une
Ces minibus sont une sorte de laboratoire urbain : les
des fonctions du rabatteur dans l’ancien système
Liméniens deviennent plus Liméniens à bord de ces
des combis. Toutefois, seules les grandes stations
voitures de seconde main, et les citadins de n’importe
comme la Centrale, Naranjal et Matellini disposent
quel niveau social se retrouvent à l’intérieur de cet
de panneaux de signalisation qui offrent à voir le
21 BARBIER Chrystelle. « À Lima, la réforme des transports urbains est une priorité » LE MONDE, version web du 23 août 2012. URL : http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/08/23/a-lima-la-reformedes-transports-urbains-est-une-priorite_1749014_3244.html 22 ARRELLANO Rolando et BURGOS David. Ciudad de los Reyes, de los Chávez, de los Quispe… Lima : Editorial Planeta Perú, 2010, p. 65
71
Fig.47 Rabatteur en plein appel
nombre d’arrêts, les plans schématiques de chacune des lignes et les heures d’embarquement. Les autres gares disposent de petits panneaux indicateurs placés sur le côté supérieur des gares, mais aucun des utilisateurs consultés n’a pu expliquer la signification des ces panneaux. Selon Juana Ruiz, l’une responsables des conseillers de la station Centrale, rien que dans la nuit, quand l’afflux de passagers augmente jusqu’un 75% par rapport à l’après-midi, il y a de 15 à 20 personnes par heure qui préfèrent demander aux conseillers plutôt que de consulter les plans 23 . Il ne s’agit pas d’un analphabétisme généralisé, mais d’une habitude reposant sur l’ancien système des combis dont le flexibilité faisait qu’il était possible de descendre en pleine rue même si l’arrêt où vous vouliez descendre était déjà passé… ce qui n’est évidemment plus possible avec les nouveaux réseaux du Metropolitano et du métro.
23 SANDOVAL DEL AGUILA, Pamela. « Metropolitano: a seis meses del inicio de recorridos, los pasajeros piden más información » El Comercio, 9 novembre 2010. URL : http://elcomercio.pe/lima/666376/ noticia-metropolitano-seis-meses-inicio-recorridos-pasajeros-pidenmas-informacion
72
73
Chapitre 3
GRAPHISME ET SOCIOLOGIE DANS LES TRANSPORTS PUBLICS
74
75
À PARIS ET LIMA
D’où provient la spécificité des villes, ces conditions grâce auxquelles les habitants définissent un territoire où ils vivent? Chaque rassemblement de personnes dans un espace limité crée des rythmes, des flux, mais aussi un langage graphique. La coexistence de différents quartiers au sein des métropoles pousse à la cohabitation de réalités différentes. Les transports publics, lorsqu’ils se font déplacer les usagers, créent leur propre identité qui est en décalage avec les quartiers qu’ils traversent : c’est un syncrétisme urbain. Les collectivités sont sans doute représentées par les constructions urbaines tels que les bâtiments, les bars, les boulevards, etc., mais les espaces liés aux transports publics sont en passe d’être de plus en plus standardisés. Est-ce que les activités des habitants dans ces espaces fabriquent une identité graphique propre aux moyens transports d’une ville ? Après avoir réalisé un constat sur les différents graphismes d’information et les différentes signalétiques de villes comme Paris et Lima, une comparaison des signes utilisés peut être enrichissante pour comprendre les relations entre transporteurs et usagers eu égard au développement du transport public dans le monde entier.
76
sont en concurrence avec des entreprises privés
Comparaison des signalétiques des transports en commun
qui ne donnent pas assez d’information sur les rues empruntées. La quantité de lignes, de stations et de correspondances du métro parisien le rendrait labyrinthique s’il n’y avait un système de signalétique interne adéquat.
Cette
signalétique
s’est
développée
depuis plus d’un siècle. L’attention nouvelle portée aux usagers ces derniers temps s’est traduite par une profonde redéfinition du public concerné par les transports en commun. Le public n’est plus une masse abstraite d’individus: le voyageur est devenu singulier 1. La signalétique est devenue plus importante pour donner accès, selon les besoins de chaque usager, à plusieurs dispositifs. Le métro, en tant que lieu public, doit garantir la diversité des information livrées aux voyageurs. Plus il y a d’informations, moins de questions sont posées ; il est donc possible de gagner le plus de temps afin de réaliser un trajet au sein du
Dans une société où l’État a un rôle et une présence
réseau des transports collectifs. Chacun a à sa dis-
forte, les usagers doivent interagir dans le cadre
position plusieurs choix : se servir de la signalétique
de règles et de normes partagées. C’est le cas du
pour ceux qui sont perdus, ou bien les ignorer pour
système de transport parisien. À Lima, au contraire,
les habitués qui savent directement où aller.
l’atmosphère manque de normes et de présence de l’État ; la désorganisation force ainsi les individus à
À Lima, pour obtenir de l’information, l’usager doit
élaborer des tactiques tout au long de leur parcours.
avoir une stratégie complètement différente. Lorsqu’il par en quête d’information, cela se passe oralement.
De nos jours, la grande majorité des Liméniens se
Dans le système des combis, l’information à destina-
plaint lorsqu’il s’agit d’aller d’un lieu à un autre,
tion des voyageurs n’existe presque pas ; et même si
en raison soit les embouteillages, soit du fait d’être
un usager a en mémoire la couleur et le logo du bus
serrés dans les véhicules et de descendre loin de
qu’il prend au quotidien, les trajets varient en fonc-
l’endroit souhaité. Cet inconfort est aussi ressenti
tion des embouteillages et des travaux. Le manque
par les Parisiens, même si pour ces derniers les
de coordination entre les autorités locales, la mairie
déplacements ne se font pas à l’aveugle : l’unité
de Lima et les projets d’État engendre un chaos et
des différents systèmes de transport public forme
une absence d’une signalétique globale dans la
un réseau en accord avec la longueur de la ville, ce
ville. Personne n’a pris la responsabilité d’installer
qui ne eut exister à Lima, où les systèmes nationaux
ou de coordonner un schéma où se retrouveraient toutes les lignes des transports en communs, privées ou non.
1 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 102
77
Une rationalisation des arrêts permettrait de mettre
des dispositifs graphiques sont identiques puisqu’ils
en œuvre des projets d’urbanisme souterrains mieux
viennent d’être installés. En revanche, dans les rues,
articulés avec la surface et offrant ainsi un confort
la multiplicité des transporteurs privés (lesquels
d’usage meilleur. Cette évolution est prévue dans les
veulent tous exister grâce à leur marque) a fini
réseaux de transport à Lima comme à Paris. Pourtant,
par créer du désordre et de la confusion parmi les
le coût des infrastructures de transport et les sub-
usagers, qui doivent encore se méfier de la signalé-
ventions publiques nécessaires à leur fonctionne-
tique et écouter les rabatteurs.
ment et à leur maintenance sont élevés à Paris en raison de la taille du réseau. De la même manière,
Tandis que le métro de Paris forme un grand réseau
les dépenses liées à la construction des nouveaux
de seize lignes d’une longueur moyenne de 13,3km,
systèmes de transport urbain à Lima représentent un
le Metropolitano n’est formé que d’une seule ligne
grand investissement.
excessivement longue de 34 km, où plusieurs autre lignes sont raccordées à ses deux extrémités. Cette
A Paris, dans l’espace d’une gare ou celui d’une
ligne principale se dédouble en deux lignes, A et
station de métro, la concurrence sémiotique entre
B, qui suivent grosso modo le même parcours mais
les différentes signalétiques fait partie d’une seule
dont certains arrêts sont différents. Le problème se
écologie graphique, dont l’objectif est d’occuper
complique parce que A et B proposent chacune un
l’espace tout autour des usagers (couloirs, escaliers,
service normal et un service express. Il y a donc 4
quais, etc.) afin d’attirer leur attention avec effica-
parcours différents constitués à partir de la même
cité. Les collectivités ne s’en rendent pas forcément
ligne.
compte car ils ont pris l’habitude de voir partout des annonces, des graffitis et des panneaux d’infor-
La fréquence des bus du Metropolitano n’est pas
mation. Il y a une relation très complexe entre les
la même que celle du métro car la ligne principale
espaces du métro, les sorties en plein air à la surface
n’utilise pas tout le temps une voie propre. Par
et les commerces.
ailleurs, trois zones de la ville ont des exigences différentes : deux d’entre elles se situent aux extré-
La nouvelle signalétique de la RATP a été pensée
mités de la ligne, à partir desquelles les usagers
en
des
se rendent dans le centre ville le matin avant d’en
espaces, de leur design, etc. La standardisation de
articulation
avec
une
reconfiguration
repartir le soir (ce qui implique une forte demande à
la signalétique a été l’occasion de contrôler (en le
ces moments-là) ; l’autre concerne le centre-ville, où
restreignant) l’affichage publicitaire en fonction de
la demande est la forte pendant la journée. Les bus
la longueur des quais, l’espace publicitaire étant
qui se trouvent aux deux extrémités de la ligne sont
désormais « contenu » par la signalétique. La coha-
obligés de revenir dans le centre en journée pour
bitation entre l’ancienne signalétique et la nouvelle
pourvoir la forte demande en centre-ville.
est parfois difficile à comprendre car le changement n’est que progressif et ne concerne pour l’instant
Dès que la nouvelle ligne de bus Metropolitano
pas toutes les stations;
a existé, des problèmes de congestion eurent lieu (surtout au niveau de la station Naranjal, terminus
La signalétique du Metropolitano et du métro de
Nord), surtout par manque de bus. Par ailleurs, aux
Lima est clinquante, mais il faut la décoder car les
terminus de la ligne, il faut aller chercher le bus
habitudes prises dans la ville l’ont été sans elle.
souhaité en fonction du trajet (A ou B) et en fonction
Dans toutes les stations, le style et l’emplacement
du service souhaité (normal ou express), ce qui rend
78
ces terminus très chaotiques. L’usager doit suivre son instinct et suivre la foule aux heures pointe parce que les informations n’existent que devant les bus, sans que soient mentionnés A ou B. Initialement, de simples panneaux en LED indiquaient les directions sous forme abrégée, puis les responsables du Metropolitano ont du ajouter des grands panneaux avec la lettre de la ligne et le type de service, à l’aide d’un code couleur. La signalétique du Metropolitano est suspendue, accrochée au toit. Dans la plupart des stations, ces toits sont très élevés et lire le plan de la ligne peut être difficile (il faut considérer que la taille moyenne des péruviens est de 1,64m pour les hommes et 1,51m pour les femmes). Par contre, dans le métro parisien la plupart des panneaux d’information sont à l’hauteur des yeux ou bien suspendus à une hauteur moins élevé, ils utilisent également une typographie plus grande. Les plans des lignes sont en haut uniquement à l’intérieur des rames. Contrairement au métro de Paris, le Metropolitano et le métro de Lima sont dépourvus de publicité ; ils sont propres et respectés par le public. Mais dans les combis, c’est tout une autre histoire.Ici, il y a de la publicité sur les côtés extérieurs des véhicules (pour les autobus et bus), sur le toit, ou à l’arrière. Cela peut empêcher les usagers de regarder à l’extérieur par la fenêtre, et cela empêche surtout de rendre visible la signalétique déjà peu présente. À l’intérieur, des petites annonces sont collées à l’arrièe des sièges, dans les fenêtres et sur les portes, sous forme d’affiches, de stickers avec le logo de chaîne de radios, voire au dos des tickets. Des propos incitant au civisme, des blagues et des pictogrammes détournés sont partout présents et créent une esthétique singulière, envahissante. Cette esthétique ne se retrouve pas dans le métro parisien où les signes sauvages sont plutôt des tags, des détournement de publicités et des affiches non réglementaires. Les nouvelles techniques d’impression sont en train de remplacer les anciens lettrages en lettres gothiques que l’on trouvait dans les combis, ce qui donne davantage de diversité graphique à toutes ces inscriptions.
79
Fig.48 Panneaux routiers
Fig.49 Numéro de ligne au dos des bus
Fig.50 Accessibilité des mototaxis aux endroits non aménagés
80
81
SOCIOLOGIE DE LA SIGNALÉTIQUE
Le graphisme offre la possibilité de créer des signes dans la ville. Le signe montre une certaine volonté qu’ont les gens de vivre ensemble. L’orientation que la signalétique nous donne est une forme de civilité. La fonction d’origine d’une signalisation est celle du « panneau indicateur ». Avec ces dispositifs, l’usager peut identifier des lieux, connaître les itinéraires, la nature et les temps de parcours, la présence d’autres services. La signalétique a alors essentiellement un rôle d’orientation et de service. Mais, pour répondre aux nécessités locales, la diversité du mobilier, des signes, des messages, l’accumulation de panneaux de toutes dimensions et de tous matériaux sur les sites, l’organisation
de ces éléments et leur message ne doivent
pas être ni redondantes, ni incohérentes, encore moins envahissante. Marc Augé décris poétiquement dans Un Ethnologue dans le métro le comportement des usagers à l’intérieur du métro parisien: des modes de lecture, d’interaction avec d’autres passagers, avec les gens qui jouent de la musique ou qui mendient, des façons d’attendre le métro ou de se déplacer dans les couloirs, en révélant la grande variété des modes d’être présents simultanément dans un contexte apparemment contraint. Il prête aussi son attention aux correspondances, aux passages,
82
aux changements de ligne, à la construction d’itinéraires
sein des transports publics. Le fait de signaler ou de
différents – tout ce qui au fait du système un espace
ne pas signaler, le positionnement de ces dispositifs, les
mobile et multiple. L’influence de la signalétique sur les
messages qui y sont inclus – tout cela va permetre une
stratégies de déplacement des usagers est mise au jour.
meilleure gestion des flux de visiteurs et d’améliorer leurs
La standardisation de ce système est en train de modi-
réactions dans l’espace. Les usagers, au moment de faire
fier le comportement des habitants des villes, qui sont en
leurs parcours, reagrdent uniquement l’information dont
train peu à peu de l’adopter. Cette situation, bien qu’elle
ils ont besoin mais pour cela il leur faut apprendre les
facilite la communication entre des cultures différentes
codes. En dehors du territoire même des transports en
au profit d’une mobilité plus grande, peut aussi faire
commun, cette signalétique existe également pour rendre
disparaître d’anciennes habitudes inhérentes à chaque
accessible et visible les points d’entrée de ce territoire.
territoire. Plus subtilement, la tonalité des messages joue aussi un La signalisation permet également de marquer les limites
rôle sur l’image donnée par les transports. De même, le
d’un territoire, de rappeler son identité. Ces repères sont
graphisme d’information peut refléter diverses dimen-
symboliquement importants car ils influencent l’attitude
sions en accord avec la culture urbaine où elle est
du visiteur lorsqu’il pénètre dans un territoire particulier.
inscrite. L’information sera comprise selon l’endroit où
Ces points nodaux jouent un rôle clé dans les processus
elle est placée, certains lieux se prêtant à des explica-
de décentralisation. Ils constituent également une oppor-
tions, d’autres devant privilégier le signe : placer le bon
tunité pour développer des espaces commerciaux et de
message au bon endroit n’est pas évident. La signalé-
service souterrains et nécessitent une signalétique plus
tique demande une réflexion coordonnée à l’échelle
simple. Les stations Chatêlet / Les Halles à Paris en sont
d’un territoire et une concertation des divers acteurs
un bon exemple : dans ce point nodal, se croisent trois
pour qu’elle soit efficace. De plus, elle peut aussi servir
lignes de RER et quatre lignes de métro très fréquentées.
à rappeler les règles de bonne conduite en vigueur
Ce fut donc une profonde transformation pour le quartier,
dans ces espaces. Le réglement et la manière dont il
devenu un lieu central pour le commerce, la culture et
est graphiquement inscrit dans ces espaces sont impor-
le tourisme. Ces espaces commencent à émeger éga-
tants car ils sont rappel à l’ordre adressé aux citoyens,
lement à Lima, dans les grands axes de la ville, afin de
lesquels peuvent prendre connaissance des infractions
décentraliser et de raccourcir les flux, mais aussi pour
à ne pas comettre. Pourtant, la signalisation est souvent
faciliter l’accès au centre-ville grâce l’installation du métro.
traitée de manière ponctuelle, répondant à des besoins
Un bon exemple en est station Centrale, qui intègre un
immédiats et laissée à l’initiative individuelle d’agents
centre commercial, et la station Gamarra, qui donne un
de terrain qui n’ont pas toujours les moyens pour suivre
accès plus simple aux milliers de personnes qui travaillent
les normes (ajout de signes à la main, papiers collés
et achètent dans le quartier, où se trouvent un grand
avec information supplémentaire, etc).
nombre de micro-entreprises d’industrie textile et de confection, ce qui fait de ce quartier l’un des plus grands
L’installation, la supervision et la réparation des pan-
du Pérou dans son genre.
neaux s’appuient sur certaines compétences dont nous avons parlé plus haut ; des capacités de jugement et
La signalisation peut avoir de multiples objectifs qui
d’improvisation qui, si elles semblent contraster avec la
doivent être codifiés et identifiés par divers genres de
dimension extrêmement normalisée du dispositif, sont
panneaux, par un choix d’implantation, par une stratégie
en réalité les conditions de son actualisation et de sa
de messages et de fonctions réglementaires (typographie,
permanence 2. Les panneaux sont comme les mots, ils
couleur, pictogrammes). La gestion des flux est aussi l’un
permettent de parler. Mais sans organisation générale
des objectifs les plus importants de la signalétique au
de la signalétique, il n’y a pas de message.
2 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 174
83
Fig.51 Signalétique de bonne conduite dans le métro de Lima
Fig.52 Exemple de signalétique intermodale à la Gare de Lyon
84
gnements sur les réseaux sont disponibles. Cette nouvelle diffusion des informations permet par exemple à
L’avenir du graphisme dans le métro: physique ou virtuel?
des usagers aveugles ou malvoyants de planifier leur déplacement à l’avance, ce qui facilite l’accessibilité aux transports. En effet, des programmes informatiques peuvent leur permettre de convertir le texte en parole, ou en braille. Ces usagers peuvent se renseigner sur les itinéraires et les horaires à condition que le site Internet soit lui-même accessible 3 . D’après l’étude TNS Sofres-Chronos de 2011 sur la mobilité en France, 61 % des personnes interrogées estime que les Smartphones auront une importance cruciale en tant que support grâce auquel les informations permettront de se déplacer plus facilement,
On pensait qu’Internet et les technologies d’informa-
au même titre que les sites internet et les applications
tion numérique pouvaient potentiellement faire dispa-
(72 %) ou le GPS (77 %), très loin devant les supports
raître les villes à partir du moment où tout le monde
en papier (18%) 4 .
peut travailler depuis n’importe où. Mais contrairement à ces idées, nous somme aujourd’hui dans un moment
Le projet de signalétique intermodal (métro, bus, train,
de l’histoire de l’humanité qui n’a jamais connu autant
etc.) qui est en cours à Paris offrira de des usages
d’urbanisation. La concentration des populations
inédits liés aux nouveaux médias. Cette signalétique
advient dans des grands centres d’activité où des
en partie numérique permettra aux usagers d’anticiper
phénomènes d’extension spatiale sont stimulés par le
les trajets et d’alterner les moyens de transport en fonc-
virtuel. Internet permet, d’une part, de relier des mé-
tion des contraintes des différents réseaux. L’une des
tropoles et, dans chacune d’entre elles, de relier des
conditions essentielles du développement de ces nou-
bureaux, des entreprises, des résidences, des services,
velles formes de services est lié à l’accès aux données
le tout dans un ensemble géographique très impor-
issues des opérateurs de transports, mais aussi aux
tant. Internet permet de travailler depuis n’importe
usagers eux-mêmes. Tous les modes de transport sont
quel lieu car la société s’empare des technologies et
aujourd’hui concernés. L’interraction entre les affiches
les adapte à ses habitudes et à ses besoins.
(publicitaires ou non) et les portables passera par des codes QR. La prise en photo d’un code QR, qui est
Par ailleurs, Internet est au cœur de l’interactivité et
composé de carrés, déclenchera des actions diverses
des nouveaux médias : c’est un réseau opérationnel
sur l’écran du smartphone, comme la réception de l’in-
qui permet d’interagir et de canaliser l’information là
formation sur le temps d’attente du prochain véhicule.
où elle se trouve, puis partout ailleurs, ce pourquoi Internet modifie les canaux de communication et, en
Par ailleurs, plusieurs laboratoires et entreprises tra-
particulier, les communication par écrit, ce qui inclut
vaillent à la mise en place de systèmes permettant de
la signalétique des transports publics.
prévoir l’état futur du trafic, les arrêts aux feux rouges, la planification des trajets en ville, etc. Les services
La plupart des responsables des transports urbains
ainsi créés combinent les données des opérateurs de
disposent dorénavant de sites sur lesquels les rensei-
transport, les croisent avec d’autres données relatives
3 DEJEAMMES, M., ARMENI, A., et RAMBAUD, F. Les bus et leurs points d’arrêt accessibles à tous. Guide méthodologique. TRANSPORT ET MOBILITE, 2001, p. 128 4 SIDAWY Elsa « À l’avenir, 61 % des usagers utiliseront leur mobile pour se déplacer » Innov’in the City, 5 mai 2011. URL : http:// www.innovcity.fr/2011/05/05/avenir-usagers-utiliseront-leur-mobilepour-se-deplacer/
85
au territoire et aux usages en temps réel, ou encore
Fig.53
les enrichissent avec de données liées aux obser-
Panneau interactif
vations des usagers. Le statut légal et l’accès tech-
sur la ligne 1
nique aux données restent encore un obstacle à leur
du métro parisien,
véritable développement. C’est pourquoi il existe des
station Franklin D.
applications « officielles » pour chaque système, mais
Roosevelt
aussi des applications travaillant à partir de données ouvertes (open data) ou d’informations rendues disponibles à l’initiative des transporteurs. De nombreuses applications mobiles sont désormais proposées aux usagers : Comuto, CityLab du MIT, SmartWay, FixMyStreet, See Click Fix, Citysourced,
Fig.54
Beecitiz, Alerte Voirie, Fixmytransport, MySociety,
Application
CheckMyMetro, MetroEclaireur etc 5 . Ces applications,
participative
souvent gratuites, vont fournir aux usagers des trans-
smartphone et web
ports collectifs une plateforme d’échange d’informa-
de Datea sur le plan
tions communautaire sur le trafic d’une part,
de la ville de Lima
mais
aussi des informations relatives à la localisations des musiciens du métro, des publicités ou des graffitis potentiellement intéressants. D’autre part, l’application affiche les itinéraires alternatifs sur une carte qui montre les arrêts, les connexions, les modes de transport, les directions, les heures d’arrivée et de départ. L’utilisateur, s’il décide de changer de destination, reçoit alors, en temps réel, une nouvelle proposition d’itinéraire. S’il est pris dans des embouteillages, le système met à jour les trajtes possibles et propose d’éventuelles solutions alternatives. Le GPS, normalement utilisé pour géolocaliser des véhicules, est aussi
Fig.55
utilisé dans l’espace souterrain du métro parisien.
Application Android
Ce système, baptisé BlueEyes, offre aux personnes à
de réalité augmentée
mobilité réduite, mais aussi aux touristes et aux visi-
et des horaires du
teurs occasionnels, une solution pour se déplacer de
Metropolitano
manière autonome dans les réseaux de la RATP 6 . Dans les villes où les réseaux de transport ne sont pas si développés ou organisés, les applications pour smartphones ne peuvent pas aider les usagers à maîtriser leurs options ; seul un système comme le GPS aide les individus à se repérer dans la rue quand le système est actualisé. Dans le cas de Lima, l’infor-
5 Délégation aux Usages de l’Internet (DUI). Actualités Tourisme et Transport Portail PROXIMA MOBILE http://www.proximamobile.fr 6 Portail web RATP. Plus d’innovations. http://www.ratp.fr/fr/ ratp/r_6335/blueeyes-la-geolocalisation-au-service-des-personnesa-mobilite-reduite-pmr/
86
mation sur les itinéraires des lignes de bus n’est pas donnée sous forme de schémas dans les portails web officiels des entreprises de transport public. Il s’agit souvent d’initiatives d’usagers créant leur propre mode d’emploi du réseau de transport, dans le but d’aider les visiteurs. Des contributions pour améliorer le service sont faites par des habitants, comme DATEA, qui est une plate-forme utilisée sous forme de cartes géographiques interractives de la ville de Lima. DATEA veut améliorer la qualité de vie des habitants en rapport avec les problèmes de transport et l’aménagement urbain que l’on trouve dans ces cartes. Ces technologies ne font pas concurrence à la signalétique in situ, bien au contraire ; elles sont un complément à l’individualisation de l’information. Les schémas abstraits du réseau donnent une idée de l’ensemble ; les cartes, une notion géographique ; et les parcours des lignes y sont très détaillés. Les applications des portables donnent des indications qui sont ensuite confirmées par les panneaux des couloirs et ceux des arrêts. La tendance à utiliser les nouveaux médias est en train de changer le regard des usagers envers leur environnement. Peut-être l’avenir connaîtra-t-il des signalétiques moins homogènes et plus personnalisables. L’installation d’écrans tactiles dans le cadre du renouvellement des stations de la ligne 1 à Paris peut donner quelques pistes sur la manière dont les liens entre le graphisme et les transports en communs pourront se retisser à l’avenir grâce aux nouvelles technologies.
87
Conclusion
Plusieurs facteurs ont, au fil du temps, fait s’éloigner la proximité idéale entre le domicile et le lieu de travail. C’est pour cette raison que les réseaux de transports furent, et sont encore, à la fois une réponse à cette évolution et un moyen de diminuer le temps de déplacement. En ce qui concerne les transports collectifs, c’est tout particulièrement la réalisation des réseaux haut de gamme qui rendent viables ces déplacements. Dans un monde où les connaissances se sont de plus en plus démocratisées grâce aux flux d’information, les pratiques les plus efficaces pour améliorer les déplacements se sont répandues rapidement, créant une standardisation qui va au-delà des premiers pictogrammes du code de la route, au début du XXe siècle. Les réseaux des métropoles du Nord comme ceux de Londres, Paris, ou New York, s’adaptent aux tendances, se renouvellent sans cesse. Les réseaux des nouvelles métropoles comme celles d’Amérique latine, reprennent désormais ces nouveaux standards. Si l’avenir repose sur une maîtrise du développement des zones périphériques, sur une amélioration sensible des qualités environnementales dans les zones à forte population, et sur une meilleure répartition des infrastructures de transport, la bonne organisation des transports publics restera, et de plus en plus, un principe incontournable 1. Comme la signalétique joue un rôle très important lorsqu’il
1 DUHEM Bernard et BEAUCIRE Francis « Les espaces souterrains, points nodaux de la ville éclatée » Espaces et Sociétés n°96 Infraestructures et formes urbaines, 1999 p. 67
88
s’agit de se déplacer, le contrôle de l’environnement gra-
Les signalétiques ne sont pas censées être en concur-
phique doit être prévu dès la conception architecturale
rence – souvent, cette concurrence survient suite à un
des espaces de transport public 2.
mauvais service. La multiplicité des opérateurs, chacun voulant exister avec sa propre marque, aboutit par
Pour une bonne diffusion de l’information la signa-
ailleurs à des désordres signalétiques contradictoires
létique doit être claire : facilement lisible et compré-
dont l’objectif est pourtant le même. Cela ne fait que
hensible; concise – avec des pictogrammes adaptés
perturber la compréhension des usagers. Si le regard
permettant
l’information;
d’un usager se perd en raison des divers panneaux
précise – correcte et vérifiée constamment –, et dis-
de
saisir
rapidement
présents dans l’espace publique, l’identité des trans-
ponible au moment où l’usager en a besoin . Depuis
ports publics d’une ville peut être conçue par rapport
récemment, les individus ne sont plus seulement reliés
aux besoins de déplacement des usagers. Cela per-
les uns aux autres par des voies de transport, mais
mettrait d’avoir une identité plus forte, unique, avec
aussi par l’information : Internet, c’est la société-ré-
moins de dépenses d’installation et de maintenance
seau, un réseau qui constitue la base matérielle de
à long terme. Remplacer des signes disparates im-
nos vies et permet le développement d’une série
plique un nouvel ordre qui doit être conçu selon les
de nouvelles formes de relation sociale. La structure
spécificités du réseau et des citoyens.
3
de cette société-réseau est construite à partir des informations circulant au sein d’Internet, qui est un
Les typographies style 1900 et la Parisine du métro
nouveau moyen de communication 4 . Mais le rôle le
parisien, la Johnston Underground du tube londonien,
plus important d’Internet, dans la restructuration des
ainsi comme les pictogrammes des stations du métro
relations sociales, c’est sa contribution au nouveau
de Mexico DF, sont des exemples où les styles ont
modèle de sociabilité, basé sur l’individualisme.
été unifiés et gardent encore un sens culturel. Même, dans les transports en commun, si la tendance est
Comme Internet se trouve au cœur d’un nouveau
à l’imposition d’un modèle général de graphisme
modèle technique d’organisation de l’information, le
d’information, le devoir des graphistes est de donner
processus global de développement du réseau est
une « touche d’identité » qui familiarisera les usagers
forcément inégal. Les effets cumulés de mécanismes
à la signalétique.
d’exclusion divisent les individus, non dans une configuration Nord/Sud comme auparavant mais entre
Dans les villes du « Nord », ne pas se perdre dans
ceux qui sont connectés aux réseaux globaux, et ceux
les transports publics demande à la fois de la lecture
qui ne le sont pas 5 . L’espace virtuel ne menace pas
pendant les déplacements et un effet sensoriel en-
la réalité, et il ne la remplace non plus. Il enrichit les
gendré par les codes couleur et les divers signes
modalités de relation que nous connaissons.
installés à des endroits stratégiques. Comme une présence discrète dont on ne pourrait parler parce
Pour répondre à la multiplicité des signes présents
qu’elle s’oublie avant de réapparaître au bon moment,
dans les espaces publics, la signalétique des trans-
la signalétique est un art peu reconnu et pourtant
ports publics doivent être repérés facilement. Pourtant,
présent partout.
dans la plupart des villes, chaque système de transport a sa propre identité visuelle, et, parfois, plusieurs
Les caractéristiques du transport public en Amérique
identités visuelles pour un même type de service à
Latine répondent aux besoins des usagers et des
cause sont mélangées.
transporteurs suite à l’expérimentation de systèmes insuffisants par rapport à la demande de mobilité.
2 DENIS Jérôme et PONTILLE David. Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro. Paris : Transvalor- Presses des MINES, 2010, p. 76 3 DEJEAMMES, M., ARMENI, A., et RAMBAUD, F. Les bus et leurs points d’arrêt accessibles à tous. Guide méthodologique. Transport et mobilité, 2001, p. 92 4 CASTELLS Manuel, La galaxia Internet, empresa y sociedad, Ariel, 2001, p.154 5 CASTELLS Manuel, La galaxia Internet, empresa y sociedad, Ariel, 2001, p.307
89
Ces formes de mobilité exigent, par conséquence, de
compréhension ne sont pas forcément liés à la
développer un graphisme d’information singulier et
méfiance des usagers, mais à l’emplacement des
particulier à chaque pays. La reconnaissance des
dispositifs, auxquels ils doivent s’adapter.
signalétiques informelles dans certains types de transport fait partie de la culture urbaine populaire.
En supposant que le transport public urbain soit
Des pays comme le Pérou et le Mexique ont engen-
fortement hiérarchisé, et qu’il y aient des services
dré et dynamisé le style urbain, comme avec les «
locaux dans les quartiers, s’il n’y a aucune ligne
combis » ; ne pas se perdre est alors un enjeu visuel,
qui relie les extrémités de Lima, alors il n’y aura
graphique et gestuel, où l’oralité et la présence des
plus de concurrence entre le système de bus simple
autres orientent aux usagers.
et les systèmes à haute vitesse. Au contraire, les deux systèmes seraient mélangés. Pour l’instant, les
Considérer les signalétiques des transports des villes
services informels continuent à combler les rues
du Nord comme étant supérieures à celles des villes
principales mais emmènent les usagers aux stations.
du Sud n’est pas pertinent car les dynamiques de
L’Amérique latine deviendra bientôt un réseau de
déplacement sont différentes ; la mobilité n’y est pas
villes, et le défi pour Lima est de trouver quelle
la même. Les transporteurs, au Nord comme au Sud,
place elle voudra occuper dans ce réseau. Il ne me
tentent de gérer le temps de la meilleure manière
reste plus qu’à dire : montrez-moi vos panneaux, je
possible afin d’obtenir le plus de bénéfices possibles.
vous dirai qui vous êtes…
Néanmoins, en Amérique latine, le processus d’installation des systèmes de réseau de transport en voie propre est en train de bouleverser cette dynamique et de transformer les actes de langage en signes graphiques. Est-ce un adieu aux rues pittoresques ? Un adieu aux petits métiers de rue ? Un adieu à l’identité graphique de la ville? L’avenir nous le dira. Dans le cas de Lima, la ville vit actuellement un grand moment: le pays doit faire face à une croissance économique ; la démocratie est en train de se renforcer ; et l’avenir repose sans doute sur le développement des espaces urbains. L’arrivée attendue du Metropolitano et du métro, ainsi que le début de réforme du transport public urbain, en témoignent. Pour le moment, la coexistence entre des réseaux de transport en voie propre, en phase de développement, et les anciens réseaux, qui disparaissent peu à peu, rendent les usagers ambivalents : ils en sont toujours à apprendre à lire la signalétique et font de plus en plus confiance aux informations délivrées par les conseillers. Ces problèmes de
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Table des illustrations
Fig.13 Accès de la station Acoyte après le renouvellement de la ligne A du métro de Buenos Aires. http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f8/Buenos_Aires_-_Subte_-_ Acoyte_2.jpg Fig.14 BECKHAM, Walter (photographe). Station Charles de Gaulle- Etoile, Paris, 2011. http://walterbeckhamphotography.blogspot.fr/2011/09/metro-paris-france.html
Fig.1 Arrêté préfectoral, Salon 1906 [pancarte prévenant que la route est barrée pour cause de course automobile] : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Bibliothèque nationale de France. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69125593 Fig.2 STINGEMORE, Frederick H. Map Of London’s Underground Railways, 1927
Fig.3
Fig.15 PORCHEZ, Jean-François. Panneau de sortie d’une station du métro parisien (typographie Parisine), 1996. http:// www.graphismeenfrance.fr/gf-medias-2010/ratp.jpg
Fig.16 parisien
Flèches
et schéma d’une ligne dans le métro
BECK, Harry. Schéma de poche Underground,1933
Fig.4 Exposition de Shanghai. Plan du réseau du métro de Shanghai, 2010
Fig.5 NEURATH Otto et ARNTZ, Gerd. Symbols of pictorial statistics, ISOTYPE Project : Gerd Arntz Web Archive. http://www.gerdarntz.org/isotype
Fig.6 Signalétique du Forum La-Caixa. Barcelone. http:// media.smashingmagazine.com/wp-content/uploads/uploader/ images/signs/caixa-forum-pictograms/full_caixa-forum-pictograms.jpg Fig.7 CHOI Nahee. Pictograms in NYC. http://choin519. wordpress.com/blog/pictograms-in-nyc/
Fig.8 Pictogrammes standard. http://media.smashingmagazine.com/wp-content/uploads/uploader/images/free-iconsets/151.jpg
Fig.9 Valmetro, métro de Maracaibo, Venezuela. Plan schématisé de la ligne 1 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/6b/ Valmetro-linea_1.gif
Fig.10 Métro de Mexico D.F. Plan schématisé de la ligne 12. http://www.movimet.com/2012/10/ciudad-de-mexico-la-redde-sistema-de-transporte-colectivo-metro/ Fig.11 Station Sol, métro de Madrid. http://www.metromadrid.es/comun/imagenes/Las_tienes_que_conocer/Galeria_ Imagenes_Puerta_del_Sur/foto4.JPG
Fig.12 Accès d’une station de métro de Buenos Aires avant 2005. http://www.dgcv.com.ar/wp-content/uploads/2012/03/ subte2.jpg
Fig.17 Station Saint Lazare. PEPINSTER, Julien. Le métro de Paris. La Vie du Rail. Paris, 2010 p.120 photo
Fig.18 Station Montparnasse- Bienvenüe, ligne 13 du métro de Paris
Fig.19 Train LGB : Un train au plafond. canalblog.com. Pub dans le métro : Puma se paie Opéra. http://lgb4ever.canalblog.com/archives/2008/09/25/10718336.html
Fig.20 NASTY. Panneau de sortie vandalisé au métro de Paris. http://www.boumbang.com/ dessine-moi-un-metro-2/
Fig.21 Ecran publicitaire vandalisé. http://wanderingcity.me/tag/metro/ Fig.22 NASTY. Plan du réseau Île-de-France vandalisé au métro. http://wanderingcity.me/tag/metro/ Fig.23 NASTY. Plan du métro de Paris vandalisé. Dessine-moi un métro. Gallerie Margoth. Paris, 2011. http://wanderingcity.me/tag/metro/ Fig.24 Tramway à Lima au début du XXe siècle. http://www.boletindenewyork.com/tranvias1928.htm Fig.25 Schéma des lignes desservies du tramway à Lima et Callao. http://www.boletindenewyork.com/tranviasmap1.htm
Fig.26 THURMAN, Brooke. «Combi Update». The Lima Bean. http://brookethurman.wordpress.com/2009/11/02/ combi-update/
97
Fig.27 VALDIVIA, Juan Carlos. «Total?». Perufail.com. http://www.perufail.com/2012/10/24/ paradero-prohibido-letrero-cartel-contradictorio/
Fig.41 FERNANDEZ, Giovanna (photographe). «Metro de Lima : pruebas preoperativas son gratuitas» El Comercio, 4 janvier, 2012.
Fig.28 DIJK, Kasper. «Travelling mad» Cuy con papas : Reports and observations on Peru. http://cuyconpapas.wordpress.com/2010/07/09/travelling-mad/
Fig.42 Toustodo’s Blog. «Tren electrico de Lima, un elefante blanco». http://toustodo.wordpress.com/2011/10/20/ el-tren-electrico-de-lima-un-elefante-blanco/tren_elec_1/
Fig.29 SPENCER, Henry. «Instrucciones de combi»http://www.perufail.com/2011/12/07/evitar-inalacion-monoxido-musica-combi-coaster-custer-micro-bus/
Fig.43
Fig.30 «Humble combi». Peru Times. http://senorsi86.wordpress.com/2008/11/07/the-humble-combi/
Fig.31 Vue de ´La Via Expresa del Paseo de la República», ligne 1 du Metropolitano
Point d’information à la station Ayacucho
Fig.44 Portail Autoridad Autonoma del Tren Electrico (AATE). http://www.aate.gob.pe/2012/01/03/ comenzo-la-operacion-del-metro-de-lima/
Fig.45 Portail Autoridad Autonoma del Tren Electrico (AATE). http://www.aate.gob.pe/2012/01/03/ comenzo-la-operacion-del-metro-de-lima/
Fig.32 Cafeinico Blogger «El Metropolitano». http://cafeinico.blogspot.fr/2010/10/el-metropolitano.html
Fig.46 Portail Linea 1 métro de Lima. Schéma de l’ensemble de la ligne 1 du métro http://www.lineauno.pe
Fig.33 LANATTA, Gianfranco. «Lentopolitano, parte I». La Mula.pe http://lamula.pe/2010/06/09/lentopolitano-parte-i/ hablalanatta
Fig.47 DIJK, Kasper. «Travelling mad» Cuy con papas : Reports and observations on Peru. http://cuyconpapas.wordpress.com/2010/07/09/travelling-mad/
Fig.34
Fig.48 Panneau D21 «Panneau de signalisation directionnelle de position (France)» Academic.ru. http://fr.academic. ru/dic.nsf/frwiki/1287647 et EZETA, Daniel. «Carteles inteligentes» en Perufail.com http://www.perufail.com/2011/06/15/ semaforo-frustrado-tapado-carteles-publicidad-peatonal/
Un conseiller à la station Benavides
Fig.35 Cafeinico Blogger «El Metropolitano». http://cafeinico.blogspot.fr/2010/10/el-metropolitano.html
Fig.36 Cafeinico Blogger «El Metropolitano». http://cafeinico.blogspot.fr/2010/10/el-metropolitano.html
Fig.37 TV Peru. «MML : Alza de tarifas del Metropolitano no sera implementado» http://www.tvperu.gob.pe/noticias/ locales/municipales/39570-mml-alza-de-tarifas-del-metropolitano-no-sera-implementado.html Fig.38 Wikipedia commons. Vue de l’intérieur d’un des bus du Metropolitano http://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Interior_de_un_bus_del_Metropolitano_en_Lima_2.JPG
Fig.39 Portail El Metropolitano de Lima. Como usar el Metropolitano. http://www.metropolitano.com.pe/index.php/ como-usar-el-metropolitano Fig.40 ULMA Construccion. Tren Electrico, Lima. Estructuras MK. http://www.ulma-c.com/3/Obras/231/Tren-eléctrico,-Lima,Perú.aspx
Fig.49 RATP0145 blog Images des Bus RATP. ratp0145.skyrock.com/profil/wall/
http://
Fig.50 «The Streets of villa el Salvador on a cloudy day» Where we where from Blog. Wordpress. com http://wherewewerefrom.com/2012/07/26/ the-streets-of-villa-el-salvador-on-a-cloudy-day/ Fig.51 «Señalética interesante en Lima» Obtuzo Blog. http://obtuzo.blogspot.fr/2012/09/senaletica-interesante-enlima.html Fig.52 «La gare de Lyon fait peau neuve» Portail SNCF http://www.sncf.com/fr/actualite/halls-paris-gare-de-lyon Fig.53 Panneau interactif sur la ligne 1 du métro parisien Portail RATP. Plus d’innovations. http://www.ratp.fr/fr/ ratp/c_9087/ligne-1-un-projet-d-avenir/ Fig.54 DATEA beta. «Mapeo de baches, fallas en diseño, lugares peligrosos». http://www.datea.pe/#/mapeo/11 Fig.55 VELASQUEZ LOPEZ, Diego. Application Android de réalité augmentée et des horaires du Metropolitano https:// play.google.com/store/apps/details?id=com.diegoveloper. metropolitano&feature=search_result