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Organe central du Parti Communiste des Ouvriers de France w w w . p c o f . n e t n° Mensuel n°573 - Mai 2016

Prochaine parution : le 7 juin 2016

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Avec ou sans 49-3, plus que jamais

Retrait de la loi travail NON à la répression du mouvement social

Brochure de notre 8eme congrès disponible maintenant ! (2€)

“Prolétaires de tous les pays unissez-vous !”


La Forge

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Mai 2016

Editorial

« De cette société-là, on n’en veut pas, on la combat »

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e plus en plus de manifestants se reconnaissent dans ce mot d’ordre lancé dans les manifestations pour le retrait de la loi El Khomri. Des manifestations qui ne « lâchent rien », ni sur le mot d’ordre de retrait, ni face à la répression qui atteint des niveaux qu’on n’avait pas vus depuis des années. Les blessés se comptent par dizaines à chaque manifestation, les arrestations sont systématiques. Et lors des dernières manifestations, notamment celle du 1er Mai, à Paris, ce sont des centaines de manifestants qui se sont fait « gazer », pris en tenaille par des rangées de policiers qui scindaient les cortèges. Cette loi, écrite pour le patronat, veut être imposée par la force brutale de la police sur les ordres du gouvernement. Les manifestations qui se sont succédé ont, à chaque fois, fait descendre de nouveaux secteurs de travailleurs, venant s’ajouter à « noyau » de ceux qui se sont mobilisé depuis le début : cheminots, travailleurs de la chimie, des transports, de la santé, enseignants, les intermittents, les syndicats des médias, de l’inspection du travail… et les UD et UL CGT, sans oublier les cortèges importants de FO, de Solidaires et de la FSU. Les organisations de jeunesse, généralement en tête des manifestations, ont continué à mobiliser, même après l’annonce des mesures pour les étudiants. Les lycéens ont multiplié les manifestations, allant de bahuts en bahuts. Souvent ensemble, avec des étudiants, ils sont allés à la rencontre des secteurs de travailleurs en lutte, tombant sur des CRS qui les refoulaient violemment. A partir du 31 mars, est lancée l’initiative « nuit debout », avec l’occupation de la place de la République à Paris. Cela devient un lieu de rassemblement et de débats. Malgré des conditions météo souvent difficiles, le harcèlement de la police, de multiples provocations… Ce rassemblement a tenu et a fait des « émules » dans d’autres villes. Il a contribué de façon concrète à maintenir un niveau de mobilisation entre les manifestations, notamment au niveau des jeunes et de secteurs comme les intermittents. On ne peut pas réduire ce phénomène à certaines de ses caractéristiques : des débats qui peuvent durer sans prise de décision, les méthodes de discussion et de prises de décision, l’hostilité

à la présence de partis… Car beaucoup de débats portent sur des questions de fond, sur des questions de société. C’est aussi ce que nous avons pu vérifier, au cours des diffusions de nos tracts ou de la vente de notre journal, avec des groupes de jeunes qui cherchent à discuter, à connaître nos positions, nos références politiques… La loi El Khomri a été la loi anti ouvrière « de trop », celle qui a cristallisé la colère ouvrière et populaire contre les différents aspects de sa politique anti ouvrière et anti populaire. Un gouvernement qui a instauré l’état d’urgence et qui ne cesse de le prolonger. Un gouvernement qui mène des guerres en Irak, Syrie, au Mali et renforce sa présence militaire en Côte d’Ivoire, qui fait placarder partout des affiches de recrutement dans l’armée, devenue le premier recruteur du pays ! Un gouvernement qui est à la pointe des ventes d’armes et qui renforce les liens avec les monarchies du Golfe et ses alliés de l’Otan. Un gouvernement qui poursuit la politique menée par ses prédécesseurs : une politique au service d’une classe, la bourgeoisie, d’un système, le capitalisme, d’un ordre mondial, l’ordre impérialiste. Pour de plus en plus d’hommes, de femmes, de jeunes… engagés dans la contestation de la loi El Khomri, c’est la société qui est incriminée : ses valeurs, ses institutions, ses objectifs… En imposant le retrait de cette loi emblématique, nous ferons progresser le combat pour un changement radical de la société. Ce changement est dans l’intérêt de la classe ouvrière et de toutes les couches du peuple : ce n’est que par leur mobilisation qu’il pourra se concrétiser. C’est à cette union ouvrière et populaire qu’il faut travailler.

Au moment on nous écrivons ces lignes, le recours, par le gouvernement au 49-3 se précise. Après la loi Macron, c’est la loi El Khomri que ce gouvernement veut imposer par ce mécanisme anti démocratique et arbitraire. Raison de plus pour élever le niveau de mobilisation : adoptée ou pas pas, cette loi ne doit pas passer !

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Politique

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Gouvernement et État mobilisés derrière le patronat Un gouvernement ouvertement au service du patronat « Non à la loi du Medef », « Séparation du Medef et de l›État » : au fil des mobilisations contre la loi El Khomri, ces mots d’ordre sont revenus de plus en plus fréquemment. Il faut dire que, dans sa première version, le projet de loi Travail était la transcription intégrale et directe dans la loi, du cahier de revendications du Medef. Gattaz l’a soutenue sans réserve, allant jusqu’à signer une pétition de soutien au projet de loi, pétition initiée par un conseiller régional LR. S’indignant à présent des « reculades » du gouvernement, il menace dans l’immédiat de se retirer de la négociation sur l’assurance chômage. Il reconnaît « le virage entrepreneurial initié par François Hollande et confirmé par Manuel Valls et Emmanuel Macron », mais lance un ultimatum au gouvernement pour qu’il revienne à la version initiale du projet et continue « d’assouplir » le marché du travail, de réformer la fiscalité et de « baisser le coût du travail ». Il lance à F. Hollande des menaces par rapport à l’échéance de 2017 : « Ces mesures, si nous ne les faisons pas maintenant, nous devrons les faire après la présidentielle ». Cela n’en rend pas pour autant acceptable le projet de loi El Khomri, quelle qu’en soit la version. Son identification comme une loi du et pour le patronat reste totalement valable. La CFDT ose prétendre que « les dérives libérales sont écartées » ! Il aura suffi d’une légère reformulation sur les questions du barème et du plafonnement des indemnités prud’homales pour en faire un thuriféraire de l’accord ! Il en va de même des députés PS qui jurent leurs grands dieux qu’ils n’auraient pas voté le texte dans sa version initiale et qui veulent accréditer l’idée de pseudo changements substantiels. Mais c’est précisément parce qu’elles ont compris la nature de fond de ce texte que les centaines de milliers de personnes qui continuent depuis plus de deux mois à le combattre, n’ont cessé de répéter qu’il n’était « ni amendable, ni négociable » et qu’elles continuent à en exiger le retrait. Parce qu’elles ont compris qu’il bouleverse profondément les conditions d’exploitation de la force de travail ; l’inversion de la hiérarchie des normes, qui permet légalement à chaque patron de faire « sa » loi dans « son » entreprise, est,

en effet, une opération de liquidation à l’arme lourde des protections collectives arrachées au fil des luttes ouvrières !

Un gouvernement affaibli et agressif Le gouvernement Hollande, n’en déplaise à ceux qui voulaient lui déboucher l’oreille gauche, n’a jamais eu qu’un seul cap, la défense des intérêts de l’impérialisme français : baisse du soi-disant « coût du travail », allègement des pseudo « charges » fiscales et sociales des entreprises, interventions militaires pour défendre l’approvisionnement et les marchés de ces mêmes entreprises dans les zones convoitées de l’Afrique et du Moyen-Orient, austérité pour financer cette politique, répression policière et acharnement judiciaire contre ceux qui la contestent et la combattent ! La brutalité et le caractère radical de l’offensive qui se mène à travers le projet de loi Travail sont à mettre en rapport avec la crise économique persistante. Les difficultés de la filière nucléaire, secteur décisif pour les monopoles français, en sont un élément. Dans plusieurs autres branches, l’heure est à la guerre à outrance et à la concentration monopoliste au niveau des grands groupes concurrents (Bouygues, SFR, Orange dans le domaine de la téléphonie ; Fnac, Conforama, Darty sur le marché de la grande distribution…). Même si des secteurs sont moins touchés, notamment ceux qui produisent et vendent du matériel militaire (voir nos articles sur la militarisation et les ventes d’armes), partout la concurrence fait rage et les restructurations sont en marche, avec leur cortège de licenciements (Air France, Alstom, General Electric, Total…). Le gouvernement Hollande est d’autant plus agressif qu’il est contesté et affaibli sur tous les plans. Les militaires envoyés en Centrafrique sont montrés du doigt pour des affaires de viol, des amis aussi sûrs que Compaoré au Burkina se sont fait « dégager », d’autres ont de plus en plus de mal à se faire réélire, le système néocolonial de la Françafrique doit faire face au rejet des peuples et à la concurrence des autres puissances impérialistes. Les choses ne vont pas mieux sur le plan interne. L’état d’urgence, en passe de devenir un état d’excep-

tion permanent, et le projet de déchéance de nationalité ont fait monter au créneau des associations où se retrouvaient traditionnellement de nombreux adhérents ou sympathisants du PS. Il n’y a plus une question sur laquelle la majorité ne se divise. Les jeunes loups comme Macron commencent à prendre leurs marques pour l’avenir. Mais le plus important, naturellement, est la contestation qui se développe dans le camp de la classe ouvrière et du peuple.

« Police partout, justice nulle part » Les grandes manifestations contre la réforme des retraites ou contre le CPE s’étaient déjà signalées par un niveau de répression et de provocations policières important. Entre temps, il y a eu les attentats terroristes, la mise en place de l’état d’urgence et différents événements politiques qui rendent le pouvoir et les forces dites de l’ordre encore plus nerveux. L’irruption de la jeunesse dans le champ de la lutte politique et sociale, le rejet massif et profond des institutions politiques antidémocratiques, la prise de distance par rapport aux partis qui s’inscrivent dans ces institutions et s’enferment dans des logiques électoralistes, sont de profonds sujets d’inquiétude pour le gouvernement et la classe bourgeoise. C’est pour essayer d’étouffer cette contestation en faisant peur que les grands médias, et en particulier les journaux télévisés, font des terroristes et des « casseurs » les deux grands thèmes de ce que nous avons de plus en plus de mal à définir comme de « l’information ». La répression contre la jeunesse qui manifeste et contre les syndicalistes qui font face à la violence patronale (Air France, Goodyear et tant d’autres) ont déjà largement marqué les consciences. Aujourd’hui, la citation de Victor Hugo de 1851 après le coup d’État de Napoléon III – « Ce gouvernement, je le caractérise d’un mot : la police partout, la justice nulle part » – est largement reprise dans les mobilisations. La récente campagne contre les « violences anti-policières » est un contrefeu direct à cette contestation qui grandit à propos du rôle de la police dans les manifestations. Photos et vidéos réalisées avec les téléphones portables ne permettent plus de nier les provocations et les « bavures »

policières. L’ampleur des forces déployées autour et contre les manifestations suscitent, en elles-mêmes, de plus en plus d’interrogations. Les nombreuses prises de positions de différentes structures de la CGT pour dénoncer les violences policières et la répression lors des manifestations contre la loi Travail sont importantes, car elles refusent de mettre sur le même plan les actes isolés de jeunes « casseurs » et une répression généralisée des manifestants. Pour nous, l’État est toujours un instrument aux mains de la classe qui domine économiquement. Un outil « pour mater et exploiter la classe opprimée », précisait Engels, « l’instrument de l’exploitation du travail salarié par le capital ». « Une machine destinée à maintenir la domination d’une classe sur une autre », disait de son côté Lénine. Comment croire à un État neutre, soucieux de l’intérêt général et chargé de protéger « tous les citoyens » quand une chemise déchirée pèse plus lourd que 3 000 licenciements, et que la moindre manifestation donne lieu à d’incroyables déploiements policiers. Ce n’est plus seulement un gouvernement au service du patronat qui est aujourd’hui largement contesté, mais un État tout entier au service du patronat : un État avec sa police, sa justice de classe, avec un président et des ministres avocats d’affaires et commis voyageurs des grandes entreprises quand ils se déplacent à l’Etranger, avec son Parlement et ses institutions où les intérêts ouvriers et populaires ne trouvent jamais d’autre expression que celle qu’ils ont imposée dans les luttes… Un État qui, au fil des présidences et des majorités, poursuit la même politique au service de la classe dont il défend les intérêts. La lutte contre le projet de loi El-Khomri délimite les camps : celui de la classe ouvrière et du peuple dans lequel s’inscrit la jeunesse populaire qui s’éveille à la contestation du système et celui du patronat et du gouvernement. Poursuivre tous ensemble la lutte pour son retrait, c’est renforcer notre camp pour les combats d’aujourd’hui et ceux que nous devrons poursuivre demain. Des combats que nous inscrivons pour notre part dans une perspective de rupture révolutionnaire avec le système capitaliste. ★

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Société

Il faut sortir du nucléaire ! Le nucléaire est un domaine dans lequel les monopoles français occupaient jusqu’à ces dernières années une position de leader mondial. La filière connaît aujourd’hui une succession de difficultés qui entraînent un vaste plan de restructurations, dans lequel l’État joue un rôle essentiel. Comme nous l’avons souligné dans le supplément que nous avons consacré à cette question : « Il faut sortir du nucléaire », l’accident de Fukushima (11 mars 2011), qui a suivi celui de Tchernobyl (26 avril 1986), ont ébranlé les certitudes affichées et les ambitions des tenants du tout-nucléaire dans plusieurs pays, notamment en Europe. En France même, où le choix a été fait, dans les années quatre-vingt, de développer cette filière en tant que principale source de production d’électricité, des doutes se font jour, y compris au sein d’institutions que l’on pouvait croire acquises au nucléaire. La prise de conscience grandit sur les dangers de cette filière et les coûts exorbitants qu’elle représente pour la société. Elle contribue au développement d’un mouvement populaire et démocratique qui exige « la sortie du nucléaire ».

L’État au service de la filière nucléaire Le 26 avril 1986, il y a 30 ans, avait lieu l’accident nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine (alors république fédérée à la Russie). Le monde allait apprendre dans les jours suivants l’ampleur de la catastrophe et ses conséquences dévastatrices pour la population du lieu et de la région, mais aussi pour plusieurs générations. Les reportages diffusés à l’occasion de cet anniversaire ont montré des villes fantômes et confirmé un environnement pollué pour des milliers d’années. A l’époque, tous les gouvernements des puissances nucléaires occidentales, la France la première, avaient juré leurs grands dieux que, si cet accident avait eu lieu, c’est parce que l’URSS était un pays communiste ! C’était donc une nouvelle preuve que le communisme était bien la pire des choses. Même si le régime de l’URSS de l’époque n’avait plus rien à voir, et depuis longtemps, avec le communisme, l’accident permettait d’en remettre une couche contre l’épouvantail que continuait à constituer l’URSS pour les pays capitalistes. Rien de tel donc ne pouvait arriver en France vu notre niveau de technicité, nos normes, notre régime « démocratique », etc. Sauf que le gouvernement de l’époque, celui de Mitterrand, a commencé par mentir en affirmant que les nuages radioactifs issus de l’accident de Tchernobyl s’étaient arrêtés aux frontières de l’Alsace. Ce mensonge a très vite été démonté par des scientifiques, notamment ceux qui allaient créer la CRIIRAD (1) pour, précisément, donner des informations impartiales sur le nucléaire en France. Depuis, l’opinion publique a bien évolué et le deuxième accident nucléaire au Japon en 2011 a joué un rôle important dans cette prise de conscience. Aujourd’hui, le dirigeant de l’ASN (Agence de sécurité nucléaire) lui-même déclare : « Un accident majeur, comme ceux de

Tchernobyl ou de Fukushima, ne peut être exclu nulle part dans le monde, y compris en Europe. » Mensonges, opacité, et criminalisation de la contestation, ont toujours été la politique de l’État français concernant le nucléaire civil et militaire. Et nous en avons encore une preuve aujourd’hui avec les « possibles falsifications de dossiers » dans la certification de pièces pour l’industrie nucléaire produites par Areva dans son usine du Creusot. L’ASN avait l’année passée, à la même époque, signalé des défauts sur la cuve et le couvercle de la centrale nucléaire (EPR) en construction à Flamanville. Suite à cela, l’audit mené à l’usine du Creusot a détecté des « incohérences » dans les dossiers de certification, incohérences qui ont amené les dirigeants de l’usine du Creusot à ne pas exclure des malversations ! Alors qu’avec l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, la guerre des prix de l’électricité bat son plein, que la construction de l’EPR de Flamanville a pris des années de retard et que son coût a grimpé de 3 à plus de 10 milliards d’euros, que le projet de construction d’un EPR en Angleterre est contesté, sans parler des dépassements de coût de celui de Finlande, et qu’Areva est dans le rouge (perte de 2 milliards d’euros en 2015), cette fraude sur les certifications est un coup dur pour la filière électronucléaire française et les monopoles du secteur. Les restructurations sont en cours avec des suppressions de postes chez Areva et également chez EDF. Mais, qu’à cela ne tienne, l’État persiste et signe : il va renflouer EDF à hauteur de 3 milliards comme il a renfloué hier Areva.

Des centrales vieillissantes et dangereuses En 2012, Hollande, tenant compte de ses alliés EELV et d’une partie de l’opinion publique, avait pris quelques engagements dans le domaine du nucléaire, dont le principal, à savoir

La catastrophe de Tchernobyl continue de profiter aux monopoles du nucléaire L’arche de confinement de Tchernobyl, projet de construction consistant à recouvrir le réacteur n°4 de la centrale nucléaire et son sarcophage endommagé, est une structure de confinement métallique en forme d’arche. Son élaboration a été confiée par l’Ukraine (maître d’ouvrage : Chernobyl Nuclear Power Plant (ChNPP)), et une partie de la communauté internationale à une co-entreprise nommée NOVARKA, détenue à parts égales par Vinci Construction Grands Projets et Bouygues Travaux Publics. l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim, n’a, à ce jour, toujours pas été tenu. La question de la sécurité des centrales se pose de façon urgente : avec une durée d’exploitation de près de 40 ans, les risques augmentent. Les travaux de maintenance nécessaires, qui se chiffrent en dizaine de milliards, sont remis en cause par la priorité donnée au développement de la filière des EPR. C’est de l’intérieur même du lobby électronucléaire que des voix s’élèvent pour alerter des risques que cela entraîne. Cette question concerne aussi les sites dédiés à la fabrication des ogives nucléaires, étant donné la forte imbrication entre les deux filières (civile et militaire). Le directeur de l’ASN a expliqué dans une interview à la presse : « Nous sommes entrés dans une période d’enjeux sans précédent. La plupart des 58 réacteurs français, mais aussi des sites d’Areva (combustible et retraitement) et des réacteurs de recherche du CEA, soit quelque 150 installations, ont été mis en service dans les années 1980 et approchent donc de leurs quarante ans de fonctionnement. La question est de savoir, en particulier pour les réacteurs, s’ils peuvent être prolongés, avec des normes de sûreté rehaussées. Pour y répondre, un très gros travail d’analyse doit d’abord être mené. Les travaux d’amélioration des installations nécessitent un investissement indus-

triel considérable et un contrôle renforcé de l’ASN. » Mais là, ce même directeur avoue en termes mesurés mais néanmoins explicites, que l’ASN manque de moyens : « Face à ces enjeux, l’ASN et son appui technique [l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire] n’ont actuellement pas les ressources nécessaires pour assurer pleinement leurs missions de contrôle. Nous avons demandé au gouvernement 150 postes supplémentaires, ce qui représente un budget d’environ 20 millions d’euros, soit une somme infinitésimale en regard des plus de 50 milliards d’euros qu’EDF prévoit d’investir dans la modernisation de ses réacteurs. Faute d’avoir obtenu ces moyens, nous sommes contraints d’arbitrer entre nos priorités, en privilégiant les installations en activité par rapport à celles en construction. Cette situation n’est pas satisfaisante. » Il est clair que, pour le gouvernement, la priorité n’est pas de donner à l’ASN les moyens de faire correctement son travail et dans des délais raisonnables, mais bien de continuer à injecter des milliards dans la construction d’EPR, voire dans le prolongement de vie des centrales les plus anciennes. En février 2016, la presse se faisait l’écho des intentions de Ségolène Royal dans l’arbitrage qu’elle s’apprêtait à rendre dans la question du prolongement de vie des centrales. Elle serait prête à céder à la 


Société  demande d’EDF en prolongeant la vie des centrales nucléaires françaises de dix ans, de 40 à 50 ans. Si tel état le cas, EDF lancerait un vaste programme industriel pour lifter ses vieilles centrales et prolonger leur utilisation au-delà des 40 années prévues. Le tout pour un coût de 50 milliards d’euros sur 10 ans, selon EDF. La Cour des comptes, quant à elle, parle de 100 milliards d’euros sur 15 ans. Mais pour cela il faut que l’Autorité de sûreté nucléaire donne son aval à cette orientation. L’ASN, qui examine chaque centrale au cas par cas, a fait savoir qu’elle ne se

prononcerait pas sur ce dossier avant 2018. Nous devons mettre ce temps à profit pour continuer à nous mobiliser pour une sortie progressive du nucléaire qui doit commencer par l’arrêt des vieilles centrales et la mise en œuvre de leur démantèlement. ★ (1) Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) est une association loi de 1901 française agréée dans le cadre de la protection de l’environnement. Elle conduit des études et des analyses dans le domaine de la radioactivité. C’est une association antinucléaire utilisant l’expertise scientifique comme outil de contestation. Elle a été créée en mai 1986 par Michèle Rivasi à la suite de l’accident de Tchernobyl.

Des mobilisations partout en France

Association Tchernoblaye

À l’occasion des tristes « anniversaires » des 5 ans de la catastrophe de Fukushima et des 30 ans de la catastrophe de Tchernobyl, près de 200 mobilisations ont eu lieu partout en France, en solidarité avec les victimes du nucléaire, et pour que de telles catastrophes ne se reproduisent plus jamais ! En Alsace, des opposants au nucléaire français, allemands et suisses ont manifesté sur sept ponts du Rhin pour commémorer les 30 ans de la catastrophe de Tchernobyl et exiger la fermeture en 2016 de la centrale alsacienne de Fessenheim. À Bordeaux, l’association Tchernoblaye avait elle aussi invité à venir manifester avec masque blanc pour symboliser les risques de mort de la centrale de Blaye. Le Collectif antinucléaire de Vaucluse/CAN84, a lui aussi organisé plusieurs activités dans le cadre du premier mai pour continuer à sensibiliser la population sur les risques du nucléaire civil et militaire. La fédération antinucléaire de Bretagne, de son côté, organisait à Brennilis, site d’une centrale, une vélorution pour l’arrêt immédiat du nucléaire civil et militaire ; sur son site, elle rappelle que le nucléaire est

une énergie de destruction massive, une énergie qui empêche la démocratie ; le nucléaire est moralement, socialement, économiquement inacceptable : « Comment peut-on accepter une industrie aussi mortifère qui ne peut fonctionner sans le sacrifice de ses travailleurs, sans rendre inhabitables des régions de plus en plus étendues, sans hypothéquer gravement la santé actuelle de millions de personnes et celle des générations futures à qui on lègue le poison de déchets radioactifs qu’on ne sait pas confiner, sans un coût qui s’avère de jour en jour pharaonique, sans injection massive d’argent public et un endettement colossal ? » À Bure (Meuse), site prévu pour l’enfouissement des déchets radioactifs, la résistance se poursuit. Les 16 et 17 avril 2016, des champs ont été ensemencés sur des terrains visés par le projet d’enfouissement des déchets nucléaires. Dans le cadre du printemps des luttes paysannes, les opposants au projet ont organisé une action symbolique visant à se réapproprier ce territoire que les aménageurs souhaiteraient vide et contrôlable. Cette action vise également à défendre l’usage agricole des terres, à nourrir la résistance à CIGEO et à son monde, à construire un mouvement large et joyeux de résistance à l’artificialisation des terres, aux grands projets imposés et à la marchandisation du monde. ★

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Tunnel Euralpin Lyon-Turin

“NO TAV”, sans hésitation !

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out comme Notre-Dame-desLandes, où la mobilisation se poursuit, le projet liaison ferroviaire Lyon Turin à grande vitesse (TAV en italien), figure lui aussi parmi les grands projets coûteux et inutiles qui drainent vers des monopoles privés des milliards d’argent public. La production à flux tendus et les politiques libérales développées dans le cadre du marché unique européen ont occasionné une forte augmentation du transport routier, parallèlement à la destruction du fret ferroviaire. Ainsi, la majeure partie du trafic entre la France et l’Italie se fait-elle aujourd’hui par la route, au prix d’importantes nuisances. Le ferroutage est une réponse souhaitable à cette asphyxie des vallées alpines. Le percement de nouveaux tunnels sous les Alpes et la création de nouvelles voies sont-ils pour autant incontournables ? Avec les lignes actuelles qui sont loin d’être exploitées à cent pour cent de leurs capacités, 70 % du trafic routier pourrait, dès aujourd’hui, être absorbé par le rail (1). L’embauche de cheminots, le développement des plates-formes de chargement des camions et l’amélioration du réseau existant, notamment le doublement des voies uniques (2), beaucoup moins cher que le percement de nouveaux tunnels, permettraient d’augmenter la capacité d’absorption du trafic routier et d’améliorer considérablement les temps de circulation dans les transports régionaux.

Défendre le Lyon-Turin au nom de « l’écologie » est un argument particulièrement spécieux. La création de nouvelles voies signifie la disparition de nombreuses terres agricoles (1 500 hectares). Le percement des tunnels dans des roches contenant une quantité importante d’amiante et d’uranium implique l’évacuation de gravats pollués ou toxiques (évaluation à plus de 40 millions de m3 partagés entre la France et l’Italie). Le percement des tunnels dans la montagne (Mont Cenis, massif d’Ambin), le drainage inévitable des eaux, auraient des répercussions dramatiques et irréversibles sur les ressources hydrauliques (rivières et lacs souterrains). Ce à quoi nous devons ajouter les nuisances importantes durant des travaux qui devraient s’étaler sur près de vingt ans (un camion à la minute en Maurienne pour le transport des déblais !).

Reste bien sûr l’argument de l’emploi « local ». Dans le département de la Savoie, le taux de chômage (8 %) a doublé en trente ans. En Maurienne, il est passé en 2012 au-dessus des 10 %. Les élus locaux, impuissants à freiner la désindustrialisation de la vallée, prétendent que le chantier y restaurera l’emploi pour de nombreuses années. C’est oublier les pratiques des monopoles du BTP qui ont massivement recours aux travailleur détachés surexploités. Le coût (30 milliards au moins) est aussi démesuré que le projet. Le financement partagé entre l’Italie, la France et l’UE, fait l’objet d’âpres négociations. Champions de l’austérité pour les travailleurs et le peuple, Hollande et Valls sont montés au créneau pour défendre ce projet promotionné par les géants du BTP dans le cadre des « partenariats privépublic ». Les milliards que comptent empocher les Bouygues, Vinci, SpieBatignolles, Eiffage, and Co seront directement pompés dans les caisses des États et des collectivités territoriales sommées de mettre la main au portefeuille : autant d’argent en moins pour les hôpitaux, les écoles, les maisons de retraite, les services sociaux et publics et les indispensables transports du quotidien. Les oppositions sont fortes et anciennes en Italie, mais aussi en France, notamment en Savoie, premier département concerné. L’amélioration du réseau et des désertes existants, l’arrêt des privatisations et des suppressions d’emplois dans le transport public sont des exigences unificatrices qui prennent en compte les intérêts de tous : cheminots et usagers des transports, chômeurs et victimes de l’austérité, agriculteurs et riverains des grands axes routiers… C’est celles que défend notre parti. ★

(1) D’autant que tous les chiffres mettent en évidence une baisse de trafic (route et rail) à partir du milieu des années 1990 sur l’axe Espagne-France-Italie. Ce phénomène est lié aux délocalisations. Les voitures que la Fiat ne produit plus à Turin n’ont plus besoin de traverser les Alpes. Les marchandises produites en Asie ou en Afrique du Nord arrivent en revanche en masse dans les ports qui alimentent la croissance du trafic sur l’axe NordSud. (2) Aix-les-Bains/Annecy, Valence/Grenoble, Saint-Etienne/Clermont-Ferrand ou Le Puy.

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Société Les ventes d’armes alimentent les guerres impérialistes La Forge

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’annonce d’une commande de douze sous-marins aux chantiers navals DSCN par le gouvernement australien a été saluée par un déluge de satisfecit. De Hollande à Le Drian, en passant pour tout le gratin de l’industrie d’armement naval, c’est à qui trouverait la meilleure formule pour vanter le savoir-faire français en la matière. Cette commande, de plus de 34 milliards – dont 8 pour les entreprises françaises – fait grimper le montant des commandes d’équipements militaires à l’exportation. En 2015, les industries françaises du complexe militaro-industriel ont réalisé pour près de 20 milliards de commandes, établissant un nouveau record en matière d’exportations. Certains ont même affirmé que la France s’était hissée à la deuxième place mondiale, derrière les USA, devant la Russie, ce que cette dernière conteste. Les exportations d’armements correspondent à la montée des tensions internationales et en sont un des « carburants ». Les monopoles d’armement en sont les bénéficiaires et c’est l’exécutif, de Hollande au gouvernement, notamment le ministre Le Drian, qui en sont les commis voyageurs, multipliant les voyages, les rencontres et mobilisant l’argent public pour offrir les meilleures conditions financières aux acheteurs potentiels. Le cas du Rafale est emblématique ; pendant plus de trente ans (le premier vol a eu lieu en

1986 !), c’est l’État, via l’armée de l’air et la marine, qui a financé ce programme, assurant de confortables bénéfices au groupe privé Dassault à travers les commandes d’avions. Et c’est encore l’État qui assure sa promotion à l’export. Les premiers exemplaires vendus l’ont été en 2015, à l’Egypte, puis au Qatar. D’autres marchés sont activement prospectés, notamment celui de l’Inde. Le poids économique du secteur militaro-industriel se traduit par le poids politique de ces monopoles dont les représentants sont dans l’appareil d’État, au plus haut niveau. Ce qui explique la « continuité » des politiques d’armement, qui se mènent pendant des dizaines d’années. Leur poids est également médiatique, car ils contrôlent une partie des médias. Une partie de la force de l’impérialisme français réside dans l’importance des forces armées qu’il a développées, qui défendent ses intérêts dans plusieurs régions du monde, notamment en Afrique, mais aussi au Moyen-Orient, sans oublier le continent européen. Cette hypertrophie du secteur militaro-industriel absorbe une importante partie des richesses produites et monopolise d’importants moyens humains et matériels, des secteurs essentiels de la recherche. Si la crise frappe aussi ce secteur, il est clair que l’oligarchie lui donne la priorité, y compris au détriment des

autres, mais surtout au détriment de la satisfaction des besoins ouvriers et populaires. C’est ce qu’exprime le mot d’ordre « de l’argent pour l’école et la santé, pas pour l’armée ! ». L’argument selon lequel le développement de ces secteurs serait créateur d’emplois doit être nuancé. D’une part, parce que les emplois en question sont de haute qualification : la grande majorité des chômeurs sont exclus d’office de ces emplois. D’autre part, parce que dans ces secteurs comme partout, règne le diktat de la compétitivité qui exige de faire travailler plus, plus longtemps, payé moins cher, avec moins de travailleurs. Cela d’autant que la concurrence entre monopoles est très vive, que les délais de fabrication et de livraison sont toujours plus courts. Cela fait partie des « arguments de vente » et ce sont les travailleurs qualifiés, les techniciens et ingénieurs qui sont mis sous pression pour « tenir les délais ». Avec Hollande, des liens étroits et, en principe, durables se sont tissés avec les monarchies du Golfe, notamment avec les Saoudiens. Les livraisons d’armes s’accompagnent de liens politiques, comme l’a montré la participation de Hollande au conseil de coopération des États du Golfe, le club des États alliés à l’Arabie saoudite. Ce type d’alliance s’accompagne d’accords secrets de « défense mutuelle », ce qui équivaut à offrir une protection militaire à ce régime, contre l’Iran, le rival

régional, et contre le peuple saoudien lui-même. C’est pour préserver ces liens que les autorités françaises font le silence sur la sale guerre que mène l’Arabie saoudite au Yémen et que le prince héritier saoudien a reçu en mars la légion d’honneur. Dernier point, le renforcement de la présence militaire de l’impérialisme français en Afrique, les guerres qu’il mène dans le Sahel, ont pour premier objectif de défendre et d’étendre les positions économiques des monopoles français. Les plus connus, comme Bolloré, Bouygues, Castel, Total, mais aussi Orange, les banques, la grande distribution… y réalisent d’importants profits. La main-d’œuvre est bon marché, les règles en matière sociale, de conditions de travail… ne sont pas celles qui s’appliquent en France. Ces forces armées, dont le comportement sur le terrain rappelle les armées coloniales, sont une menace grave et constante pour les peuples. Dénoncer la présence militaire de l’impérialisme français en Afrique et les guerres qu’il y mène, au nom de la « lutte contre le terrorisme », dénoncer les monopoles français qui s’enrichissent et se développent sur le dos des peuples africains, font partie du combat contre la politique de guerre de l’impérialisme français. Car, comme le disent les vendeurs d’armes, « la France fait la démonstration de sa supériorité en matière d’armes, dans les guerres qu’elle mène au Mali ! ». ★

Vente de sous-marins à l’Australie

le contrat du siècle pour DCNS !

E

n remportant l’appel d’offres ouvert par l’Australie pour la fabrication de 12 sous-marins d’attaque, le groupe industriel DCNS (héritier des arsenaux français, détenu majoritairement par l’État français et le groupe Thales), spécialisé dans l’industrie militaire navale, prend une sérieuse option sur ce que le gouvernement et de nombreux médias ont qualifié de contrat du siècle. S’élevant à environ 34 milliards d’euros ce contrat confirme, à l’instar des ventes récentes de Rafale notamment au Moyen-Orient, la part grandissante de l’industrie de l’armement dans l’économie française. Le modèle de sousmarin qui sera livré à l’Australie à partir de 2030 est une version à propulsion classique (diésel et électrique) du sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire de dernière génération de la marine française, le Barracuda. Le choix du sous-marin français a nécessité non seulement l’adhésion des autorités australiennes, dont l’objectif est de moderniser et de doubler sa flotte de grands sous-marins d’at-

taque, mais aussi l’assentiment des Etats-Unis dont les industriels seront en charge de la fabrication du système d’armement des sous-marins. Dans le contexte d’une compétition difficile face à ses concurrents allemands et surtout japonais, l’industriel français n’a pu emporter la décision qu’au prix de concessions, que ce soit sur le transfert de technologie, le lieu de construction des sous-marins (dont 11 seront assemblés en Australie méridionale) ou le montant total du contrat. Malgré cela, les retombés de ce contrat, qui devrait s’étaler sur une durée de 50 ans, sur DCNS et ses sous-traitants devraient être de l’ordre de 8 milliards d’euros et concerner la conception des sous-marins, leur maintenance ainsi que la formation des équipages. Ce contrat devrait bien entendu avoir des répercussions en termes d’emplois et permettre d’éviter ou de retarder les nombreux plans sociaux prévus dans ce secteur de l’industrie. En effet, que ce soit pour la conception ou la réalisation des sous-marin,

DCNS et le gouvernement évaluent à environ 6 000 le nombre d’emplois qui seront sauvegardés dans le secteur au cours de la décennie à venir tout en restant prudents sur l’éventualité de la création de nouveaux emplois dans ce secteur. Il faut néanmoins rester lucide face à ces annonces optimistes. A l’instar de ce qui se passe actuellement dans le secteur de l’aéronautique au sein du groupe Airbus, dont les carnets de commandes sont pleins à relativement long terme, ce seront les travailleurs qui compenseront les concessions faites par l’industriel sur l’enveloppe globale du contrat par des gains de productivité importants, au détriment des conditions de travail, afin d’assurer que les coûts de production seront les plus bas possible, les profits maximaux pour l’industriel, les délais respectés, etc. Du point de vue du groupe DCNS, acteur majeur du complexe militaroindustriel français, ce contrat représente bien entendu une aubaine et l’assurance de pérenniser la recherche

et le développement dans le domaine militaire naval pour les prochaines décennies. C’est donc pour l’impérialisme français l’assurance de disposer de matériel de pointe dans le secteur naval sans dépendre outre mesure des puissances concurrentes. Enfin, comme c’est le cas pour chaque contrat d’armement conclu avec un pays étranger, la vente des sousmarins de DCNS comporte un volet géostratégique très important pour l’impérialisme français. Ce contrat se place en effet dans un contexte d’aiguisement des tensions inter-impérialistes dans la région Asie-Pacifique, provoqué notamment par la montée en puissance de l’impérialisme chinois désormais en mesure de contester l’hégémonie américaine dans cette région. Ce contrat scelle une coopération étroite entre les industries navales et les marines françaises, australiennes et américaines pour les prochaines décennies. Il permet à l’impérialisme français de renforcer significativement ses positions et ses alliances dans cette région du monde. ★


Société

La Forge Mai 2016

Sommet de l’Otan

Pour plus de militarisation, plus de guerres impérialistes Le prochain sommet de l’Otan va avoir lieu en juillet, à Varsovie. Dès à présent, il est présenté comme le sommet qui abordera les questions de la politique otanienne en matière d’armes nucléaires. Il sera aussi l’occasion, pour Obama, de réaffirmer l’exigence de l’impérialisme US, – le véritable commandant en chef de cette alliance politico-militaire, ennemie des peuples, bras armé des puissances impérialistes alliées à l’impérialisme US –, d’augmenter les dépenses militaires.

Retour sur les précédents sommets Les membres de l’Otan se rencontrent presque chaque année, dans le cadre de sommets préparés par des discussions et des négociations bilatérales ou multilatérales, à l’initiative généralement des dirigeants étasuniens, les véritables maîtres au sein de l’Otan. Ces sommets ont avant tout un rôle politique et médiatique : ils doivent légitimer l’existence de cette structure militaire créée en 1949 et maintenue après la disparition du Pacte de Varsovie (1953-1991). Depuis 1991, l’Otan n’a pas cessé de s’étendre, intégrant un à un les États de l’Est européen, en contradiction avec les engagements pris avec la Russie. De 1993 à 1999, l’Otan sera notamment engagée dans les guerres de Yougoslavie, avec les premiers bombardements aériens massifs en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, bombardements auxquels la France va participer. Après les attentats du 11 septembre 2001, la doctrine de l’Otan va s’élargir à la « guerre contre le terrorisme islamiste ». Si l’Otan n’est pas impliquée en tant que telle dans la guerre d’Irak (2003-2011), c’est elle qui commandera la guerre d’Afghanistan, jusqu’en 2014. Parallèlement, son élargissement aux pays de l’Est européen va se poursuivre. Le sommet de Prague (2002) va développer la mise en œuvre des « forces d’action rapide ». En 2008, l’UE et l’Otan (qui comptent alors 26

membres) signent un « partenariat stratégique », qui renforce les liens entre les deux entités. Ce partenariat a été intégré dans le projet de Traité Constitutionnel Européen, rejeté en France par référendum, en 2005, mais repris dans le traité européen de Lisbonne (2009). Tous les États de l’Est européen, candidats à l’intégration dans l’UE, doivent préalablement intégrer l’Otan. En 2008, la demande d’intégration dans l’Otan faite par les dirigeants de la Géorgie et ceux de l’Ukraine, est reportée, sans pour autant être rejetée. C’est aussi à ce moment que les USA déploient les premiers éléments du « bouclier anti-missiles » dans des États proches des frontières de la Russie. Le sommet de l’Otan à Strasbourg, en 2009, célèbre les 60 ans de cette alliance politico-militaire. Obama vient d’être élu. Il confirme la décision prise par Bush de se désengager de l’Irak. Mettant en avant que « la crédibilité de l’Otan se jouait en Afghanistan », il veut y envoyer 10 000 hommes supplémentaires (en 2012, ils seront 130 000, dont 90 000 US, plus les troupes « privées » de mercenaires), une demande qu’il adresse aussi à ses alliés de l’Otan. Sarkozy y répond favorablement en annonçant l’envoi de 3 000 soldats supplémentaires. Il formalise aussi le « retour » de la France dans toutes les structures de commandement de l’Otan (sauf le comité des plans nucléaires). Une forte mobilisation internationale tiendra un contre-sommet et organisera une manifestation à Strasbourg, une ville de 270 000 habitants transformée en camp retranché. L’Otan installera des batteries de missiles aux abords de la ville et d’importantes forces policières et militaires, françaises et allemandes, contrôleront une zone de plus de 100 km de rayon, des deux côtés de la frontière. Notre parti, membre du collectif « Ni Otan, ni guerre d’Afghanistan (1) participera activement à toutes ces initiatives, en axant son travail de mobilisation dans le mouvement ouvrier et syndical et dans la jeunesse. Des structures syndicales, notamment de la région de Strasbourg, participeront à la manifestation de plusieurs milliers de personnes. Lors du sommet de Lisbonne (2010), les discussions ont notamment porté sur le « bouclier anti-missiles » que l’impérialisme US déploie

aux frontières de la Russie. Cette question divise leurs alliés européens : les dirigeants des États de l’Est y sont favorables, ceux de l’Allemagne et de la France sont plus réticents. Les premiers, parce que cela entraîne un climat de tension avec la Russie, qui est un important partenaire économique. Quant aux dirigeants français, ils craignent que la dissuasion nucléaire française soit « noyée » dans ce dispositif. Le sommet de Chicago (2012) traitera essentiellement de la question du « retrait » de l’Otan d’Afghanistan, qui sera effectif en décembre 2014. L’échec de cette guerre est patent, comme celui de la guerre d’Irak. L’impérialisme US veut sortir de ce « bourbier ». Comme cela avait été annoncé des années auparavant, l’armada impérialiste n’est pas venue à bout de la résistance du peuple afghan, ni des talibans. L’impérialisme US essaie de masquer son échec, en cherchant des interlocuteurs parmi les talibans « modérés », laissant un pays dévasté par dix années de guerre. F. Hollande assistera à ce sommet, en tant que nouveau président de la République. Il ne reviendra sur aucune des décisions prises par Sarkozy concernant l’intégration plus poussée de la France dans l’Otan. S’il avait émis quelques critiques sur la guerre menée en Libye, avec l’appui logistique décisif de l’Otan, avant qu’il n’enfile l’habit de chef des armées, il ne tardera pas à développer une politique agressive, militariste, aussi bien en Europe qu’en Afrique. Cela va se vérifier à travers son soutien aux forces réactionnaires qui provoqueront la guerre civile en Ukraine (novembre 2013) et, de façon plus générale, dans sa politique de surenchère vis-à-vis de Poutine. Le sommet de 2014, à New Port, au Pays de Galles, sera notamment consacré au réarmement des États membres de l’Otan, en moyens « conventionnels ». La course aux armements reprend de plus belle, d’autant que la guerre fait rage au Moyen-Orient. Les États du Golfe, l’Inde, le Japon, l’Australie, l’Indonésie… consacrent des sommes considérables pour s’équiper des armes les plus modernes. Ceux de l’Est européen font de même, avec moins de moyens financiers. L’impérialisme US, la Russie, la France… se livrent une concurrence acharnée pour capter ces contrats.

Pressions US pour renforcer les forces de l’Otan en Europe Obama, sur le départ, prépare le terrain à son successeur en multipliant les pressions sur les alliés européens pour qu’ils participent davantage au renforcement des moyens militaires de l’Otan en Europe. Il a demandé au Congrès US de débloquer 3,4 milliards de $ pour financer la présence en Europe de troupes US, dans le cadre de l’Otan. En contrepartie de cette « assurance », il multiplie les pressions, relayées avec force par le secrétaire général de l’Otan, Stoltenberg, pour que les États européens consacrent 2 % du PNB à la défense. L’argument mis en avant, c’est l’augmentation du budget d’armement de la Russie, sous l’impulsion de la politique de Poutine qui veut rétablir le rapport de force sur le continent européen. De part et d’autre, on assiste à la multiplication de manœuvres militaires de très grande ampleur. Si, en février 2015, Poutine a mobilisé 900 blindés, 200 avions, 50 bateaux, l’Otan, de son côté, a doublé le nombre des manœuvres (300 entraînements interalliés en 2015), avec une manœuvre impliquant 36 000 soldats en novembre, la plus importante depuis la fin de la « guerre froide ». De plus, les bateaux de l’Otan croisent en mer Egée, faisant la chasse aux embarcations de réfugiés, refoulés vers la Turquie. Mais c’est tout le bassin méditerranéen qui est visé, avec notamment un déploiement de forces navales et aériennes de l’Otan « entre l’Italie et la Libye », forces qui répondront positivement aux demandes du gouvernement libyen, au cas où il demanderait une intervention militaire. Un « gouvernement » qui ne contrôle rien et qui a, de ce fait, tout intérêt à avoir l’appui de l’Otan. Dans ce contexte, mettre à l’ordre du jour du prochain sommet à Varsovie, la discussion de la politique militaire nucléaire de l’Otan, est une nouvelle provocation qui ne fait qu’accroître les tensions et qui pousse à la course aux armements. ★ (1) Notre journal a consacré plusieurs articles au sommet de l’Otan à Strasbourg. Un supplément contenant des contributions des partis marxistes-léninistes d’Europe, traduites en anglais, a été diffusé dans la manifestation. Ce texte est disponible sous forme papier ou fichier électronique (pdf).

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La Forge

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Mouvement ouvrier et syndical

51e congrès de la CGT

Par delà les votes et les résolutions

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e 51e congrès de la Confédération générale du travail (CGT), qui vient de se tenir à Marseille du 18 au 22 avril 2016, faisait suite à la grave crise qui a secoué la confédération à la fin 2014 et qui a vu l’élection, par le Comité confédéral national (CCN), début février 2015, de Philippe Martinez comme secrétaire général. Thierry Lepaon, qui avait été e élu à la tête de la centrale au 50 congrès à Toulouse, avait été contraint de démissionner. Sans surprise, le CCN qui avait élu P. Martinez, en février 2015, l’a réélu, en mai 2016, comme secrétaire général. Dans les statuts de la CGT, si la commission exécutive (CEC) est élue par le congrès, c’est le CCN qui élit le bureau et le secrétaire général parmi les membres de la CEC (article 30 des statuts). P. Martinez a saisi l’occasion, dans son discours d’ouverture, pour se positionner clairement, d’entrée de jeu, sur les différents points soumis à la discussion des congressistes. Les fameux cinq points qui, très tôt, avaient été mis en débat dans les centaines de rencontres - entre la nouvelle direction de la CGT issue de la crise et les syndicats CGT - avant qu’ils ne prennent corps sous la forme du document d’orientation proposé au congrès. Ces cinq points avaient été listés en leur temps par T. Lepaon, au plus fort de la crise. Lors de la CEC du 9 décembre 2014, il avait déclaré : « nous avons aussi besoin d’affronter le débat entre nous autour des grands enjeux qui ont été posés par notre e congrès (le 50 ) et qui traversent les organisations ». Et de les résumer ainsi : notre démarche syndicale, notre rapport aux salariés, le proces-

sus de construction des luttes, le rapport de la Cgt avec les autres organisations (syndicales, politiques, monde associatif), notre place et contribution dans le syndicalisme mondial et européen et, le dernier, sur l’articulation du travail entre les différentes instances, ce qui deviendra : « la démocratie dans la CGT ».

Un constat partagé De fait, un « constat partagé » en quelque sorte entre les différentes équipes à la tête de la confédération et où le compromis passé au 50e congrès de Toulouse, au vu des textes proposés à ce 51e congrès, pouvait être reconduit. Oui, mais à un point de différence près, et un point de taille, celui concernant les relations avec les partis politiques. En effet, le document d’orientation du 51e, même si c’est du bout des lèvres, avec des tonnes de réserves sur « l’indépendance », la « neutralité » et circonvolutions de toutes sortes, indique notamment : « il peut y avoir convergence d’intérêts (avec les partis politiques), la nécessité de pousser dans le même sens pour défendre les salariés ou porter une revendication concernant le monde du travail ». Sur ce thème, lors du congrès de Toulouse, le document d’orientation notait simplement : « la CGT continuera de s’inscrire dans les processus de débats et d’action susceptibles de contribuer à son combat, y compris avec les acteurs politiques partageant nos valeurs ». Moins que cela aurait été difficile ! Juste avant que n’éclate la crise interne fin 2014, T. Lepaon avait mis tout son poids pour que les organisa-

tions de la CGT, et à plus forte raison la confédération, ne s’engagent pas avec les organisations politiques, et tout particulièrement avec le Front de gauche, dans les manifestations de rue qui dénonçaient la politique de Hollande et de son gouvernement. Mais plus fondamentalement, il ne voulait pas décrocher de son « soutien critique » à Hollande. C’est la vraie raison pour laquelle il a été débarqué et sur laquelle le « compromis », comme il est écrit dans le rapport d’activité, avait été rompu à ce moment-là.

La fin du « syndicalisme rassemblé » dans les faits Sur un autre point aussi, tout le monde attendait le congrès - les dirigeants confédéraux, les délégués eux-mêmes, et nombre de militants, tout comme les autres centrales syndicales et ce que compte le pays de tenants du « dialogue social » : celui du « syndicalisme rassemblé ». Si, dans le document d’orientation, les tenants de la ligne Lepaon, mais pas qu’eux, ont tout fait pour que le concept reste inscrit au frontispice, c’est P. Martinez lui-même qui, dans son discours d’ouverture, lui a porté la plus virulente critique : « Ne nous arrêtons pas à cette question qui date du 45e congrès de 1995. C’est L. Viannet qui disait à l’époque : “le sectarisme comme l’opportunisme conduisent à l’impasse”. C’est certainement l’erreur que nous avons faite ces dernières années en favorisant peut-être nos relations avec la CFDT au moment de l’accord sur la représentativité. On peut avancer avec certains durant une période parce que

nous sommes d’accord sur un sujet. Cela ne doit pas en faire un partenaire privilégié ». Que peut peser alors la résolution adoptée par ce 51e congrès où la CGT « s’engage à poursuivre (son) objectif de “syndicalisme rassemblé” inscrit dans nos orientations », après une telle phrase assassine prononcée par le nouveau et futur secrétaire général ? Qui plus est, du haut de la tribune, devant les auteurs et ardents défenseurs du concept lui-même, L. Viannet, B. Thibault, T. Lepaon. Il faut dire que la forte mobilisation en cours contre la loi El Khomri s’était déjà chargée de faire passer par pertes et profits cette conception du syndicalisme.

En conclusion Un rapport d’activité adopté du bout des lèvres, un document d’orientation un peu mieux voté, tous les deux écrits pour garantir une certaine unité de la CGT retrouvée, ou tout au moins de son appareil, et un secrétaire général qui n’hésite pas à monter au créneau. Il le fait en s’appuyant sur ce qu’a déjà pu dire en son temps le CCN (déclaration du 18 novembre 2015 contre l’état d’urgence et la politique de guerre…) mais en s’appuyant également sur la réalité de la lutte, celle pour le retrait de la loi El Khomri, mais aussi celle des syndicalistes de Goodyear, comme celle des travailleurs sans papiers par exemple, et ce, pour pousser les feux, quitte à être dans un tout autre registre sur certains points que les textes mis en débat et adoptés. C’est aussi cela qui a déclenché la fureur du camp d’en face, et c’est tant mieux ! ★

Avec la loi El Khomri, le droit du travail bascule Plus que jamais, exigeons son retrait !

C

ela fait maintenant deux mois et plus que les journées de grève, les manifestations, les rassemblements appelés par les organisations syndicales, les organisations de jeunesse, les partis politiques rythment la vie du pays. Deux mois que le gouvernement et F. Hollande sont mis sous pression, deux mois avec, chaque jour qui passe, de plus en plus de voix qui s’élèvent pour dire que cette loi El Khomri, que par un pur abus de langage on appelle « loi travail », est une loi de totale régression sociale. Alain Supiot, éminent spécialiste du droit du travail, déclare, dans un long interview à Médiapart que « les

hommes ne peuvent être réduits à l’état de troupeau productif », et à propos de la loi El Khomri : « Dès lors qu’elle est émancipée de la hiérarchie des normes, c’est-à-dire qu’elle permet de se soustraire à la force normative de la loi ou de la convention de branche, la négociation d’entreprise … attise la course au moins disant social ; l’entreprise qui parvient à arracher, par un accord ou par référendum, les pires conditions de travail se dote par là même d’un avantage compétitif sur ses concurrentes ». Là est l’essentiel. L’accord d’entreprise comme principal lieu pour dire le droit, c’est la mise en concurrence

de tous contre tous, pour satisfaire à la concurrence capitaliste. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de dire qu’il faut en finir avec les accords d’entreprise et que tout soit régi par la loi. Comment, dans ce cas, penser gagner des améliorations même de la loi, voire un changement de loi ? Un accord qui améliore la loi ne déroge pas à cette dernière, il l’a prolonge. Par contre, la loi ravalée au rang de supplétif, comme il est écrit noir sur blanc dans le projet El Khomri, traduit un recul du rôle de l’État dans la fonction qu’il exerçait jusqu’aujourd’hui de garant de la protection des travailleurs et qui s’exprimait précisément à travers le code du

travail. Un recul qui se fait au profit des patrons pris chacun dans son entreprise comme étant producteurs de normes dans l’utilisation de la force de travail à travers ces accords collectifs et directement intéressés à ce qu’elles soient les plus en phase possibles avec les besoins immédiats de son entreprise pour pouvoir mieux arracher cet « avantage compétitif sur ses concurrents » comme le dit A. Suppiot. Avec la loi El Khomri, aujourd’hui ces accords porteraient principalement sur la modulation du temps de travail, mais demain ? Les « aménagements » apportés dans les négociations avant le passage devant la commission des affaires 


La Forge Mai 2016  sociales, les amendements retenus par ladite commission ou ceux qui pourront être adoptés lors de débats parlementaires ne touchent pas et ne toucheront pas à la philosophie et à l’architecture de ce texte.

Il n’y a pas un article en particulier qui, parce que battu en brèche, ferait que l’édifice pourrait s’écrouler. Tous sont construits de façon à introduire

« le champ de la négociation collective » sur des bases inférieures à celles données par la loi, la loi n’intervenant qu’à titre de « disposition supplétive » s’il n’y a pas d’accord. C’est-à-dire qu’est introduit dans la loi elle-même le principe de l’inversion des normes et celui de la fin du principe de faveur (l’accord améliorerait la loi et, entre la loi et l’accord, c’est le plus favorable qui s’applique).

C’est ce principe même du « champ de la négociation collective » intégré à tous les articles de la loi El Khomri, notamment en l’espèce autour de la question du temps de travail, qui constitue le cœur même de cette loi. Et vu les ouvertures faites aux patrons pour négocier à un niveau moindre les dispositions légales en cours, les patrons auront tout intérêt

à mettre tout sur la table, en sachant par avance où sont leurs « avantages compétitifs ». Pour « dealer » (car il n’y a pas d’autre mot) la majoration des heures supplémentaires contre l’ordre des congés par exemple ! Car au bout du compte, avec cette loi, c’est bien de cela qu’il s’agit. Obliger les travailleurs à lâcher sur des dispositions chèrement acquises pour essayer de sauver l’essentiel. ★

Billère (64)

Grève victorieuse des facteurs

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es facteurs et agents du centre de distribution (CDP) de BillèreLons, près de Pau, se sont mis en grève, du 26 février au 22 mars, pour s’opposer à une restructuration de fond en comble de leur travail que la direction entendait leur imposer. Le projet de la direction était de faire travailler les facteurs « distributeurs » de 9 h à 17 h, samedi compris, d’instaurer une équipe chargée uniquement du tri du courrier et, d’une autre, effectuant la distribution. Ce mouvement a été porté par les grévistes, avec l’implication constante de la CGT et de SUD, aussi bien au niveau local, à travers les militants du bureau, qu’au niveau départemental. Les postiers ont très vite compris que ce projet voulait faire disparaître le facteur titulaire de la tournée, qui trie le courrier et le distribue. C’était la fin du principe « fini, parti », qui veut qu’une fois la tournée terminée, le facteur peut rentrer chez lui. Cette nouvelle organisation visait à supprimer plusieurs tournées (4) en rallongeant les autres (d’où l’objectif d’une distribution de 9 h à 17 h). Elle visait aussi à faciliter le remplacement d’un postier absent, étant donné que tous sont susceptibles d’assurer n’importe quelle tournée. Les 21 grévistes, unis, solidaires et déterminés, ont réussi à faire reculer

une direction qui se refusait à discuter, traitait les grévistes avec mépris, envoyait des cadres pour effectuer le travail et engageait des intérimaires sur les positions de travail des grévistes. Une direction qui, au lendemain de la reprise du travail, fait régner un climat de répression, à coups de sanctions disciplinaires, de pressions de toutes sortes. Le but : essayer de se débarrasser de ces travailleurs et travailleuses qui lui ont tenu tête, ensemble, qui n’ont pas hésité à chercher le soutien de leurs collègues des autres établissements, des autres départements et celui des usagers.

Une mobilisation pour gagner le soutien des usagers Les grévistes ont vite compris l’importance de gagner la sympathie des usagers. Ils se sont donné les moyens de les informer sur les raisons de la grève et sur leurs revendications. Deux rassemblements (les samedis 12 et 19 mars) ont été organisés, devant le bureau de poste, avec interventions, café et gâteaux et signature de la pétition. 1 300 signatures ont été recueillies. Un flyer a été diffusé par les grévistes dans les boîtes aux lettres, appelant notamment à parti-

ciper aux rassemblements de soutien. Au cœur des arguments avancés : la défense du service public, au service des usagers populaires, au service des artisans, commerçants, petites boîtes qui ont besoin d’avoir le courrier le matin… et pas à 17 h. Le syndicat CGT des retraités de la Poste, ainsi que des organisations politiques (PCF, PCOF, Libertat), des associations… ont apporté un soutien important à ce mouvement, participant aux distributions de tracts, aux collectes, aux rassemblements. Dominique, porte-parole de notre parti, y a activement participé. Le maire de Billère (PS) a été sollicité pour qu’il apporte le soutien de la mairie, ce qu’il a fait. Les grévistes, et plus particulièrement les militants syndicalistes de la CGT, ont mobilisé leur syndicat au niveau départemental. Le 23 mars, journée de grève nationale à la Poste, des postiers des bureaux de Pau et de Lescar se sont joints à ceux de Billère. Les messages de soutien sont venus des départements voisins (64, 65, 40) et d’ailleurs, ce qui a aussi permis de toucher du doigt le fait que la restructuration concerne tous les départements, tous les services. C’est ainsi qu’on a appris que des grèves du même type ont eu lieu dans différentes villes. Cela pose le problème

que nous avons déjà soulevé dans notre journal, au moment de la grève des postiers d’Aubigny (dans le Cher), à savoir que ces combats sont maintenus dans l’isolement les uns des autres. La direction de la Fédération (FAPT CGT) est mise en cause par de nombreux syndicalistes. Le soutien s’est aussi exprimé à travers la solidarité financière : celle des usagers, des syndicats d’entreprises, UL… et y compris des manifestants pour le retrait de la loi travail, le 31 mars, à Pau. Au total, ce sont 11 000 euros qui ont été collectés ! Une somme très importante qui va permettre aux grévistes de « tenir le coup », car la direction est bien décidée à retirer tous les jours de grève. Le 22 mars, la direction, qui se rend compte que les grévistes sont toujours aussi déterminés (la poursuite se vote chaque jour au piquet de grève), annonce la suspension de son plan de réorganisation : maintien des tournées, abandon de la séparation « tri-distribution », maintien des horaires. Les grévistes ont gagné ! Comme le disent les syndicalistes qui ont mené cette grève, « une nouvelle histoire commence », avec la conviction que la lutte peut payer. Ils en sont d’autant plus convaincus qu’ils ont gagné dans cette lutte de nouveaux adhérents à la CGT. ★

Les cheminots ont aussi intérêt au retrait de la loi El Khomri

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e 9 mars 2016, jour de la première mobilisation d’ampleur contre la loi El Khomri, avait été aussi marqué par un mouvement de grève très conséquent des cheminots de la SNCF. Suite à la création de la « branche ferroviaire » intégrant les entreprises privées intervenant sur le réseau (août 2014), le gouvernement fixait notamment les nouvelles règles concernant l’aménagement du temps de travail (amplitudes horaires, jours de repos…) pour permettre l’ouverture du rail français à la concurrence. A l’appel de leurs organisations syndicales, les cheminots rejetaient la proposition du nouveau décret dit « décret-socle », où ces règles remettent en cause leurs acquis. Le 26 avril, nouveau mouvement de grève également très suivi, y compris

par les travailleurs des entreprises privées (fret, services commerciaux…) contre la proposition de convention collective nationale (CCN) faite par le patronat via l’Union des transports publics ferroviaires (UTP). Propositions reprenant l’essentiel des dispositions du décret-socle du gouvernement et les aggravant pour certaines. Point caractéristique dans ces deux textes : la disparition de la notion de « service public » et introduction de celle de « continuité du trafic ferroviaire ». Glissement sémantique, mais très lourd de sens puisque justifiant la remise en cause de tous les acquis en matière d’aménagement du temps de travail et les compensations financières ou en termes de repos, afférents dans les cas de dérogation aux

dispositions du code du travail. Contrairement au 9 mars, le préavis déposé – le prix sans doute à payer pour continuer d’avoir la CFDT dans la grève – ne collera pas à la mobilisation contre la loi El Khomri prévue pour le 28 avril puisqu’il partait du 25 avril à 19 h au 27 avril à 8 h. Force est de constater qu’au 51e congrès de la CGT, c’est la fédération des cheminots qui est montée très fort au créneau pour défendre bec et ongles « le syndicalisme rassemblé » ! Mais la mobilisation se poursuit puisque, le 10 mai, les cheminots seront à nouveau dans la rue, toutes organisations syndicales confondues, à nouveau contre ce décret-socle et la proposition de future convention collective. Ces mobilisations sont essentielles pour « blinder » le plus possible ces deux textes avant de

passer aux négociations au niveau des entreprises, le troisième niveau prévu dans l’opération de démantèlement de fait du « statut cheminot ». Ces accords d’entreprises seront conformes à ceux que veut imposer le projet de loi El Khomri. Dans le rapport de force en cours, tant du côté des cheminots que du côté de l’ensemble des travailleurs, c’est « tous ensemble » que nous pouvons gagner. Avec cette dimension toute particulière, mais essentielle en ce qui concerne la mobilisation des cheminots, la nécessité de concerner, d’une manière ou d’une autre, les usagers à leur combat parce qu’en défendant leurs conditions de travail, ils se battent aussi de fait pour maintenir le caractère de « service public » du transport ferroviaire. ★

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Mouvement ouvrier et syndical er Echos du 28 avril et du 1  mai 2016 La Forge

Mai 2016

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e mois d’avril s’est terminé et celui de mai a commencé par deux fortes mobilisations. Le 28 par la grève et les manifestations contre le projet de loi El Khomri ; le Premier Mai, traditionnelle journée internationale de lutte des travailleurs, a été traversé par le mouvement pour le retrait de cette loi. Et cette mobilisation se poursuit.

Le 28 avril Cette journée a montré une persistance de la mobilisation, voire, pour certaines villes, une augmentation du nombre de manifestants, et notamment de certains secteurs de la classe ouvrière. Les intermittents étaient également bien mobilisés, avec des occupations de théâtres nationaux dans toutes les grandes villes. Certains secteurs cheminots, comme à Tours, avaient prolongé le préavis du 26 jusqu’à la journée du 28 et étaient nombreux dans les manifestations. Il y avait également des cortèges d’entreprises, liant leurs revendications spécifiques à la revendication globale du retrait du projet de loi. Les étudiants, en plein partiels, ont été forcement un peu moins nombreux et, dans certaines académies,

les lycéens étaient encore en congés réduisant, là aussi, leurs rangs. Persistance, mais aussi et surtout détermination intacte pour exiger le retrait de la loi. C’est autour de cette exigence que se matérialise l’unité des organisations syndicales et des différents secteurs de la société mobilisés. Cette unité s’exprime dans la reprise partout et par tous du mot d’ordre : « Ni négociable, ni amendable, retrait, retrait, du projet de loi El Khomri » ou de sa variante toulousaine : « Il n’y a rien à négocier, tout est à jeter, retrait, retrait, de la loi El Khomri ». Et partout, le refrain de la chanson « On ne lâche rien » repris en chœur. Lors de cette journée notre parti a mis partout l’accent sur la vente de notre journal La Forge, le numéro d’avril, dont la Une était particulièrement adaptée ; un journal dans le mouvement social et au service du renforcement de ce mouvement.

Le Premier Mai Cette journée traditionnellement plus militante, surtout quand elle intervient un dimanche, a été, cette année, marquée par le mouvement social contre le projet de loi Travail. Ce fut un prolongement du 28 avec une volonté toujours plus affirmée du

retrait du projet de loi. Journée de solidarité internationale de la classe ouvrière et des peuples, les manifestations étaient également composées de nombreux cortèges des organisations de pays où la classe ouvrière et les peuples sont en lutte : Iraniens, Turcs et Kurdes, Palestiniens, Tunisiens, Marocains, Kanaks, etc. Comme le dit notre commentaire sur le site de notre parti, ici en France les manifestations ont exprimé la détermination à rejeter une loi qui instaurerait « un code du travail par entreprise », privant tous les travailleurs des mêmes droits, des mêmes garanties, quelle que soit la taille de l’entreprise, quelle que soit la présence syndicale… Cette question devient la référence dans les manifestations : le « point dur » de cette loi antiouvrière qui menace tous les travailleurs, jeunes et moins jeunes. Il est à noter que depuis le 28 notamment, il existe davantage de liens entre le mouvement syndical et « Nuit debout », sous ses différentes déclinaisons, une volonté de se rapprocher, de contribuer ensemble au succès du mouvement pour le retrait de la loi. Ce Premier Mai, partout, nos camarades ont défilé dans les cortèges avec nos drapeaux.

La stratégie du gouvernement : la répression Depuis le début du mouvement mais davantage encore depuis le 28 et le 1er mai, partout le gouvernement met en œuvre une stratégie de la tension. Déploiement massif de CRS, contention des manifestations avec un serrage au plus près des cortèges, dans le but de provoquer, usage disproportionné de la force, gazage de manifestants pacifiques, arrestations massives indiscriminées, etc. Et cela se vérifie partout, preuve qu’il s’agit d’une orientation politique. Il est clair que le pouvoir, n’arrivant pas à venir à bout du mouvement, cherche ainsi à intimider les manifestants, à discréditer le mouvement aux yeux de l’opinion publique via l’utilisation des grands médias qui ne parlent du mouvement que pour passer des images d’affrontements violents avec des « casseurs ». Mais cette stratégie est en train de se retourner contre lui, car les manifestants ne « lâchent rien », et de plus en plus de forces syndicales, associatives et politiques dénoncent cette escalade dans la répression et expriment leur détermination à continuer de se mobiliser jusqu’au retrait. ★

Une affiche qui fait polémique !

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e 18 avril dernier, la fédération CGT de la communication éditait une affiche qui dénonçait les brutalités policières. Elle intervenait après plusieurs cas de violences policières contre des militants ou de simples manifestants. La vidéo d’un jeune du lycée Bergson à Paris, victime d’un violent coup de poing en pleine poitrine alors qu’il était maîtrisé par trois policiers, avait fait le tour des réseaux sociaux, obligeant même le ministre de l’intérieur à annoncer une mise en examen du policier incriminé. Alors que la CGT était réunie en congrès à Marseille, la droite, l’extrême droite, mais aussi et surtout des membres du gouvernement, et notamment le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, sommait la CGT de se désolidariser de cette affiche. D’après lui, ce visuel mettait « gravement en cause la police nationale » et, dans une lettre ouverte au secrétaire général de la CGT, il dénonçait la « violence » d’une campagne « choquante ». Le PS, par la voix de son premier secrétaire, Cambadélis, n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer le gauchisme de la CGT. Il faut dire que la délégation de son parti avait été huée par les délégués au congrès ! « Il y a une gauchisation aujourd’hui de la

CGT, il y a un cours gauchiste qui est en place et cette affiche fait partie de ce cours gauchiste où on veut une CGT pure, une CGT sans opposition, une CGT tellement radicale qu’à la fin elle se regroupe autour de quelques personnalités qui sont en confrontation frontale avec l’ensemble de la société » ; et d’ajouter : « C’est l’orientation de Philippe Martinez… parce que connaissant la CGT, on n’a pas crié socialistes dehors ou fait cette affiche sans que le secrétaire général de la CGT ne le sache ». Ces attaques montrent la rage d’un appareil PS et de sa direction aux prises avec une contestation et une colère très forte du camp ouvrier et populaire. L’affiche a été revendiquée et défendue par la CGT et une très grande majorité de ses militants ; elle a été parfaitement comprise car elle reflète la réalité de ce qu’ont pu voir ou subir les opposants au projet de loi El Khomri. Suivant l’évolution de la situation, la CGT Com’ vient d’éditer une deuxième affiche. Celle-là dénonce globalement la répression contre le mouvement social ; le texte : « Loi travail, stop à la répression ». Comme la première, elle suscite toujours les mêmes réactions haineuses, non seulement de la part des syndicats de police, mais des

forces de tout l’arc politique allant de l’extrême droite au PS. Si la première affiche cible ceux qui, individuellement, se livrent à des actes « illégaux » (d’un point de vue de la légalité bourgeoise s’entend), la seconde (voir ci-contre) dénonce, elle, l’utilisation de ce corps d’État par le pouvoir politique. Car la police est sous le commandement direct du ministère de l’intérieur. Qui donne l’ordre d’agir comme elle l’a fait le Premier Mai, notamment à Paris, mais également dans plusieurs villes de province ? La répression est un des moyens utilisés par le pouvoir pour faire peur, dénigrer le mouvement et l’isoler. Mais c’est tout le contraire qui se produit. De plus en plus de voix dénoncent la façon dont le gouvernement répond à la contestation sociale d’une partie importante de la jeunesse et des salariés. Dans les manifestations, les slogans « Tout le monde déteste la police », « Police, casse-toi, la rue n’est pas à toi », « Rémi, Rémi, on ne t’oublie pas », sont repris par de plus en plus de participants ainsi que le mot d’ordre plus ancien mais toujours d’actualité « Police partout, justice nulle part ». Cette contestation de la police en tant que corps de l’État utilisé par le pouvoir pour faire appli-

quer la loi des patrons est la marque d’une conscience plus largement partagée de la nature de l’État et de son appareil de répression. On est bien loin des images de janvier 2015, après les attentats, où les médias nous renvoyaient l’image de manifestants venant embrasser la police ou d’autres avec leur pancarte ou teeshirt « j’aime la police » ! Aujourd’hui, les camps ont commencé à se délimiter : d’un côté l’oligarchie, le grand patronat et l’appareil d’État - dont la police - à son service, de l’autre l’immense majorité des travailleurs manuels et intellectuels, de la ville et de la campagne, les jeunes et les retraités, tout ceux qui sont victimes des monopoles et de leur politique. ★


La Forge Mai 2016

Austérité dans la Santé

Les primes des médecins calculées en fonction des arrêts maladie ?

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es médecins « conventionnés » sont payés à l’acte, mais ils doivent respecter les tarifs fixés par la convention. En contrepartie, ils perçoivent des compléments de rémunérations de la part des caisses de Sécurité sociale (5 € par an et par patient pour le forfait médecin traitant de base ; 40 € par an et par patient pour le forfait affections longue durée). Depuis 2012, ils bénéficient par ailleurs d’un système de « rémunération sur objectifs de santé publique ». Une prime leur est versée chaque année par l’Assurance maladie ; elle est calculée en fonction de divers critères : organisation du cabinet (dossier médical informatisé, utilisation du logiciel d’aide à la prescription, télétransmission des feuilles de maladie…), mode de traitement des pathologies chroniques, actions de prévention et « efficience » (nombre de boîtes de génériques prescrites…). Un nombre de points, d’une valeur nominale de 7 €, est attribué pour chaque indicateur en fonction du niveau de réalisation des objectifs fixés. En 2015, le montant moyen de cette prime a été de 4 500 € (6 750 € pour les généralistes).

Sur injonction du ministère de la Santé, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie a annoncé son intention de moduler cette prime en fonction du respect des préconisations de la Caisse nationale d’assurance maladie pour les arrêts de travail : 5 jours pour une grippe saisonnière, 3 pour une angine, 1 pour une lombalgie ordinaire… Les médecins qui prescrivent moins d’arrêts ou des arrêts plus courts toucheraient une prime plus importante, en revanche, un système de « malus » serait mis en place pour ceux qui ne respecteraient pas les objectifs qui leur sont assignés. Ces mesures s’inscrivent dans le plan d’économies de 50 milliards décidé par le gouvernement pour la période 2015-2017 (18 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État, 11 milliards d’euros d’économies sur les dépenses des collectivités territoriales, 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’assurance-maladie). La chasse aux arrêts maladies prétendus abusifs ou de complaisance, incluse dans la nouvelle convention, généralise des pratiques de contrôlesanction que diverses caisses primaires mettaient déjà en œuvre. « Les conséquences sont catastro-

phiques pour les assurés. Rappelés à l’ordre parce qu’ils ont trop de CMU et/ou prescrivent trop d’arrêts de travail, les médecins - dont les arrêts sont systématiquement soumis à l’avis du service médical en fin d’année renvoient leurs patients vers d’autres praticiens qui ne sont pas leur médecin traitant. Hors parcours médical, les assurés ne sont plus remboursés ! », nous déclare une militante CGT d’une Cpam. Certains médecins libéraux menacent d’ailleurs de se « déconventionner », c’est-à-dire de pratiquer des honoraires libres. Sous couvert d’objectifs de « santé publique », c’est bien une médecine à plusieurs vitesses stigmatisant et pénalisant les plus pauvres qui s’installe durablement. Certes, le nombre et la durée des arrêts de travail prescrits par les médecins est en constante augmentation. Mais cela n’est pas dû au hasard. Dans les hôpitaux, par exemple, la moyenne nationale des absences maladie est de 24 jours par an : comment ne pas faire le rapprochement avec les conditions de travail de plus en plus insupportables, tant physiquement que moralement, quand le manque d’effectifs et la surcharge de travail conduisent à

l’épuisement des agents hospitaliers et à une dégradation des soins ? Comment l’intensification du travail dans tous les secteurs (industrie, commerce, services…), les pressions incessantes pour augmenter la productivité, le management par « objectifs » et les rémunérations au « mérite », la précarité des situations et des revenus, pourraient-ils ne pas avoir de conséquences sur la santé ? Sans compter l’obligation de travailler plus longtemps quand l’âge de la retraite ne cesse de s’éloigner et que les différentes réformes des retraites de base et des retraites complémentaires obligent de plus en plus de monde à poursuivre une activité audelà de l’âge légal de départ pour ne pas avoir des pensions trop minables ! La « Sécu » n’est rien d’autre qu’un système de « réparation » de la force de travail. Plus d’exploitation, moins de salaires, moins de protection sociale, c’est l’exigence du patronat, dont le gouvernement Hollande est l’exécuteur. Loi El Khomri et austérité vont de pair. ★ « De l’argent pour nos salaires, de l’argent pour la Sécu, pas pour les actionnaires et pas pour faire la guerre ! »

Intermittents

Ils n’ont rien lâché depuis 2003 et ça paie !

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atronat et syndicats ont engagé le 22 février une négociation pour revoir les règles de l’assurance-chômage. Elle doit aboutir d’ici au 30 juin, date d’expiration de l’actuelle convention Unedic ; la négociation avec les partenaires sociaux représentatifs du secteur culturel (pour la première fois, ce ne sont plus les confédérations) s’est faite sur la base d’une lettre de cadrage fixée par le Medef et signée par la Cfdt, Cftc et CFE-CGC. Le Medef exige 185 millions d’économies et l’État en prendrait 80 millions à sa charge. Les syndicats CGT et la CIP (Coordination des Intermittents et Précaires) ont dénoncé cette revendication patronale. Ils sont opposés à l’intervention financière de l’État, car ils redoutent que cette participation ne préfigure la création d’une « caisse autonome », qui aboutirait à sortir les annexes 8 et 10 de la solidarité interprofessionnelle. Le 28 avril, un bon accord pour les annexes 8 et 10 a été trouvé et comprend plusieurs points forts des revendications des intermittents du spectacle ; et cela, grâce à la pression des occupations et de la rue : occupa-

tion de l’Odéon, de la Comédie Française, des théâtres de Strasbourg, Montpellier, Lille, d’une agence de Pôle emploi à Avignon…, les intermittents, étudiants, précaires et « nuitdeboutistes », se sont mobilisés avec le mot d’ordre « De l’argent il y en a, construisons de nouveaux droits ». C’est grâce à ces mobilisations qu’autour de la table des négociations, les intermittents ont eu du poids. Il reste le plus compliqué : que l’Unedic accepte de le signer ! Donc, c’est une lutte à suivre et à soutenir. L’accord du 28 avril est signé par l’ensemble des syndicats représentatifs du secteur culturel : la CGTSpectacle, FO, la CFTC et la CFE-CGC ; même la CFDT, qui a mis du temps à se décider, l’a fait. Depuis 2003, le retour aux 507 heures en 12 mois (passés à 10 en 2003) pour l’ouverture d’un droit à indemnisation était devenu la principale revendication des intermittents. Et ils ont gagné là-dessus ! L’accord prévoit aussi : le retour à la date anniversaire d’inscription pour le calcul des droits ; la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité et un début de prise

Le régime des intermittents du spectacle

(techniciens, ouvriers et artistes) C’est un régime spécifique créé en 1936 qui vise à compenser la précarité des métiers artistiques. Il permet une embauche en contrat à durée déterminée d’usage qui, contrairement au CDD ordinaire, peut être de très courte durée et se renouveler sans limite durant plusieurs années. Entre deux contrats, un intermittent est indemnisé par l’assurance-chômage. en compte des arrêts maladie concernant les affections de longue durée ; une augmentation de la cotisation patronale de 1 % et la fin des abattements pour frais professionnels. Le caractère solidaire de cette lutte des intermittents est une constante. Ils expliquent : « Nous relions deux luttes : celle pour le retrait total de la loi travail et celle contre les économies demandées sur le dos des chômeurs. » Ils précisent : «N’oublions pas que ce que nous défendons, nous le défendons pour tous. Ainsi, il ne faut rien lâcher car les négociations pour le régime général sont en cours. Il serait catastrophique que les annexes 8 et 10 obtiennent un bon accord au détriment de l’ensemble des chômeurs... Ne nous leurrons pas : seule une réelle solidarité interprofessionnelle peut garantir des droits à tous. Quand on

précarise le chômage, on précarise l’emploi, on précarise tout le monde, et sans des droits nouveaux au régime général, les droits nouveaux des intermittents ne dureront pas bien longtemps. Cette lutte est la lutte de tous. » Samuel Churin, comédien et porteparole de la Coordination des intermittents et précaires, de conclure : « Cet accord est le nôtre, c’est une immense victoire. Il faut le porter haut, s’en réjouir totalement sans rechigner. Et il faut d’autant plus le défendre, le revendiquer, qu’il est fragile. Nous devons nous battre comme des lions pour que n’en soit pas retirée une seule ligne… Nous avons attendu treize ans, nous ne laisserons personne nous le reprendre. » ★

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La Forge

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Europe

Royaume-Uni

Référendum sur la sortie de l’UE

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Cameron, qui avait gagné les dernières élections législatives de 2015, avait promis d’organiser un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Ce référendum aura lieu le 23 juin prochain. Connue sous le nom de « Brexit », la sortie du Royaume-Uni de l’UE est au cœur des débats et des polémiques au Royaume-Uni et dans tous les pays de l’UE, jusques et y compris aux USA. Obama, en tournée en Europe, pour notamment demander instamment aux États membres de l’Otan d’accroître leur contribution, notamment financière (2 % du PNB) à cette alliance politico-militaire, s’est prononcé clairement pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Le mécanisme même du référendum provoque la constitution de deux grands camps : celui qui est pour le maintien et celui qui est pour la sortie. Un tel clivage gomme les intérêts de classe et les motivations politiques et idéologiques des forces qui se positionnent. Notre peuple, comme celui du Danemark, de Hollande, d’Irlande, ont été consultés par voie de référendum sur des questions importantes de la construction européenne. Que

ce soit sur l’adoption du traité de Maastricht, ou l’adoption de l’Euro, ou encore sur la ratification du traité constitutionnel européen (2005) ; ces référendums ont tous, d’une manière ou d’une autre, montré le fort rejet de l’UE, notamment dans les milieux ouvriers et populaires. Il est clair que parmi les forces qui font campagne au Royaume-Uni pour la « sortie », plusieurs d’entre elles sont des forces réactionnaires, qui développent des arguments racistes, nationalistes. Ce sont elles qui sont systématiquement et quasi exclusivement présentées comme les seules faisant campagne pour le Brexit. Or, plusieurs partis de gauche, plusieurs syndicats, font campagne pour la « sortie », sur la base d’une dénonciation de la nature néolibérale de l’UE, de ses attaques contre la classe ouvrière et les masses travailleuses, de sa politique réactionnaire en matière d’immigration, avec ses murs, ses camps, ses accords de la honte avec Erdogan… et de son alignement sur la politique de l’Otan. Ces forces, qui n’ont pas accès aux médias, mènent campagne pour la sortie sur des bases progressistes, de dénonciation de l’Europe du capital, de la réaction et de la guerre.

C’est la même chose que nous avons fait, en 2005, à travers la campagne pour le « non de gauche » au TCE, campagne qui a regroupé toute une série de forces politiques, syndicales, associatives… et qui a débouché sur la victoire du « non ». Une victoire gagnée de haute lutte contre la coalition des forces politiques, notamment celles de la droite et du PS, du patronat, des médias, d’une grande partie des intellectuels… C’est une première raison pour soutenir cette exigence du Brexit. Il y en a une deuxième, qui touche aux conséquences d’une telle sortie, pour ce qui est du processus même de la construction européenne. De toute évidence, le Brexit provoquera un approfondissement de la crise politique de l’UE, une délégitimation supplémentaire de ses institutions et de son fonctionnement. Bref, cela affaiblira le processus de construction de cette UE néolibérale, réactionnaire et facteur de guerre. Toutes les forces qui luttent contre l’Europe du capital, de la réaction et de la guerre, partout, y ont intérêt. Le gouvernement Cameron a obtenu, en début d’année, de nouvelles exemptions, qui sont toutes au profit exclusif de l’oligarchie financière, du

patronat, des spéculateurs et des grands actionnaires. Elles visent à rallier les partis de la bourgeoisie ou les courants qui les traversent au maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Cameron a eu le renfort des « proUE », les sociaux-démocrates, Corbyn en tête, qui s’agrippent à l’idée, démentie quotidiennement, que l’UE serait un obstacle au néolibéralisme et que le maintien dans l’UE apporterait des « protections » aux travailleurs et aux masses populaires du Royaume-Uni. Le résultat s’annonce serré. Quel qu’il soit, la priorité pour la classe ouvrière et les masses populaires, sera de développer les combats contre la politique néolibérale effrénée de Cameron, ses attaques contre les services publics, la protection sociale, la santé et l’éducation, contre le droit de grève, de plus en plus remis en cause, et contre la politique de guerre. L’unité des forces qui font campagne pour le Brexit, sur des bases progressistes, peut et doit y contribuer. ★

Nous soutenons les forces démocratiques et progressistes qui se battent pour le Brexit.

Solidarité avec le peuple palestinien A l’appel du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens se tient une semaine d’action pour défendre le droit d’appeler au boycott d’Israël. Non seulement la circulaire Alliot-Marie-Mercier n’a toujours pas été abrogée par le gouvernement Hollande-Valls, en alliance avec la droite, l’utilise de façon de plus en plus systématique contre les militants qui mènent des actions dans le cadre de la campagne BDS ou qui en font la promotion. Notre parti appelle à se joindre activement à cette semaine d’action nationale.

Appels au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël Un droit d’expression légitime

Semaine d’action du 30 mai au 5 juin 2015 Dans le contexte général d’atteintes aux libertés que nous connaissons, la condamnation de militants appelant au boycott et à des sanctions contre l’Etat d’Israël afin qu’il respecte le droit international et l’ensemble des résolutions de l’O.N.U est une grave atteinte aux libertés citoyennes. C’est pour avoir demandé dans le cadre de la campagne internationale « Boycott-Désinvestissement-Sanctions » (BDS) à des clients de supermarchés de s’abstenir d’acheter des produits exportés par Israël que 12 militants de Mulhouse ont été récemment condamnés par la Cour de cassation après avoir été relaxés par le tribunal d’instance puis condamnés à nouveau par la cour d’appel de Colmar. Aujourd’hui, ces derniers en appellent à la Cour européenne des droits de l’homme, dernier rempart contre la volonté des autorités françaises de museler toute dénonciation de la politique israélienne. Car la France est le seul pays d’Europe qui agit de la sorte pour faire de l’appel au boycott un délit. Devant une atteinte aussi grave aux libertés, il faut que se mobilisent toutes celles et ceux qui refusent de voir ces militants condamnés et cette expression réprimée. C’est pourquoi, le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens appelle à une semaine d’action du 30 mai au 5 juin 2015 pour la défense des libertés et du droit au boycott, le droit à la solidarité, la fin de l’occupation, et l’exigence de sanctions contre l’État d’Israël tant qu’il viole le droit international et nie les droits nationaux du peuple palestinien. Il invite à prendre localement toutes initiatives pour interpeller, dans l’unité la plus large, les autorités de l’État et demander l’abrogation des circulaires Alliot-Marie et Mercier.


Jeunesse

La Forge Mai 2016

Non aux manœuvres de division entre les jeunes et le mouvement syndical !

A

près la puissante manifesta- les vacances scolaires pour les par la commission animation de Nuit la tion du 31 mars, le gouverne- lycé filière nucléaire française. Dans un ens, l’approche du bac, et le Deb out. ment a réuni les organisations débu Nous sommes quelques monde incertain, il est important de t des examens pour les étu- jeun de jeunesse pour leur présenter difes de l’UJR à avoir pu voir une prép diants. arer l’avenir. » partie du triptyque « Bleu blanc férentes mesures censées les Après les représentations étaient Il y avait pourtant un nombre encore rouge » présenté sur trois soirs du 2 convaincre qu’elles avaient été prévus des échanges avec différentes significatif de jeunes dans les derau 4 mai. entendues et qu’elles n’avaient plus commissions de Nuit debout nières manifestations. Certains de raison de poursuivre la mobilisa(Françafrique, Constitution et d’entre eux se retrouvent dans le Dans Bleu : «Elf, la Pompe Afrique», tion contre la loi Travail. Les « parTran spa ren ce mouvement « Nuit Debout », révélanot amm ent ). Nicolas Lambert restitue un suivi tenaires sociaux » sont invités à se Regroupés autour d’un petit mégateur d’un besoin de s’exprimer et assidu du procès Elf en 2003 pour concerter pour améliorer la rémunéphone, les plus volontaires sont resd’une contestation profonde de la décortiquer les enjeux de l’extracration et les droits des apprentis et tés pour échanger. La préfecture société, de ses institutions, des partion du pétrole en Afrique et les pour définir une augmentation des ayant interdit l’utilisation de sono tis qui s’y intègrent… méthodes d’un système opaque. contributions après 22 h, les discussions étaient L’argent sale, les rétro-commissions, patronales à l’assudifficiles à suivre. le rôle de l’entreprise nationale Elf et rance chômage sur de ses dirigeants cyniques, qui les CDD (présentée Il faut signaler le dispositif policier brassent des sommes colossales percomme une contreassez impressionnant, quotidien, mettant de financer des campagnes partie à l’assouplisautour de la place. Des cars de CRS électorales en France. Le public est sement des condipostés, répartis à chaque angle de très réactif et rit beaucoup face à la tions pour mettre rue. Et même le contrôle des sacs à langue de bois décomplexée des dirifin à un CDI). dos à la sortie des bouches du métro. geants d’Elf. 2 000 places supLa présence policière est une vériplémentaires table démonstration de force autour Rouge : «Le maniement des larmes», devraient être ouvertes dans les d’une place où se critiquent directeLa répression et l’intimidation ont dernier volet du triptyque, évoque sections de techniciens supérieurs ment le pouvoir et son système. ★ été un autre moyen utilisé par le les enjeux de la vente d’armes à tra(classes post-bac des lycées prépagouvernement pour tenter de diviser vers les attentats de rant des BTS). Les bourses des le mouvement. Puisque les jeunes ne Karachi en 2002 ou la lycéens devraient être revalorisées veulent pas comprendre que cette loi mort de Kadhafi en pour atteindre une moyenne de 697 est « faite pour eux », ils sont vio2012. Ce sont les agiseuros par an. Les jeunes diplômés lemment provoqués et réprimés. La sements cachés et (titulaires d’un CAP, d’un bac pro, police s’acharne contre ceux qui contrôlés en sous-main d’un BTS, d’un DUT, d’une licence, n’ont pas voulu se laisser intimider par l’OTAN et la France d’un master ou d’un diplôme d’ingéet qui protestent aux cris de « police qui sont expliqués pour nieur) qui bénéficiaient d’une bourse partout, justice nulle part ». Une comprendre en quoi les pourront demander à la percevoir minorité de jeunes « casseurs » sert ventes d’armes, sous pendant quatre mois supplémende prétexte pour faire peur et tenter prétexte de lutte contre taires s’ils ne trouvent pas tout de de dissuader jeunes et moins jeunes le terrorisme et de suite un emploi. Un projet de garande venir aux manifs et aux Nuits défense de la démocratie locative pour tous les jeunes de Debout. Mais le mouvement ne s’est tie, ont pu, elles aussi, moins de 30 ans a été évoqué… pas laissé diviser et les jeunes trapermettre de financer Une des raisons qui ont poussé les vailleurs, eux aussi très nombreux des campagnes électojeunes à se mobiliser contre le projet dans les cortèges syndicaux, y ont rales. Les liens entre les de loi El Khomri, c’est la perspective sans doute contribué. acteurs de ces trafics d’un marché du travail « libéré » de « Retrait de la loi Travail » et « Stop sont clairement montoute contrainte pour les employeurs, à la répression » restent nos mots trés par des extraits d’un régime de précarité et de bas d’ordre communs : «De cette sociésonores de journaux, salaires à vie et de l’exposition aux té-là, on n’en veut pas, ON LA radio et de conversapressions des employeurs avec des COMBAT !» tions téléphoniques protections collectives réduites au compromettantes. minimum. Et de cela, bien sûr, il n’a Dans la dernière partie, Manuel Valls, pas été question ! Les dirigeants des incarné par Nicolas Lambert, rejoue syndicats étudiants et lycéens engaL’UJR est une organisation de À "Nuit Debout", du son discours d’inauguration d’un site gés dans l’intersyndicale avec les jeun es rév olu tion nai res. théâtre documentaire de simulation nucléaire en Gironde, syndicats de travailleurs n’ont donc Combattre le système capitaliste dénonce l’impérialisme en octobre 2014 : « Les pays qui ont pas pu faire autre chose que d’appequi génère les guerres, la terreur fait ler les jeunes à rester « mobilisés ». le choix du nucléaire démontrent français et l’obscurantisme ne peut être leur capacité à se projeter dans l’aveMais l’insistance qu’ils ont mis à dissocié de la lutte contre l’imnir, à être compétitifs. Ils démontrent souligner leur satisfaction devant périalisme français et de la soliaussi leur capacité en matière de des « mesures positives pour la jeudarité internationaliste. En Une bonne centaine de personnes recherche et d’innovation. Les pays nesse » n’était pas forcément très étaient amassées en arc de cercle octo bre dernier un groupe de qui font le choix du nucléaire milimobilisatrice. Leur présence organiautour d’une scène éphémère sur la jeun es de l’UJR s’est rendu au taire et civil sont les pays qui sée a été nettement moins visible place de la République. La compaBur kina à l’invitation de l’ODJ veul dans les dernières manifestations ent ne pas sortir de l’Histoire, gnie « Un pas de côté », emmenée (Organisation démocratique de qui veulent en permanence peser. Et qui coïncidaient, par ailleurs, avec par Nicolas Lambert, a été invitée la jeunesse). c’est pour cela que je veux conforter

www.ujr-fr.org

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La Forge Mai 2016

Histoire

L’autre 8 mai 1945

Les massacres de Sétif et de Guelma La défaite militaire en 1940 et l’occupation du pays ont porté un rude coup au prestige de la France dans tout son empire colonial. Certes, l’Algérie, officiellement, n’est pas une colonie. Mais dans les faits, elle est traitée comme telle et ceux qu’on appelle les Musulmans sont considérés comme des sujets ne jouissant d’aucun droit politique. Leur salaire est très inférieur à celui des Français. 10 % seulement des enfants algériens sont scolarisés. Toutes les tentatives pour modifier le statut colonial, en particulier pendant le Front populaire, échouent du fait de la collusion entre les intérêts des riches colons, les pesanteurs de l’administration et les manœuvres des députés de droite et socialistes qui forment un véritable « parti colonial », hostile à tout changement.

La guerre, accélérateur de l’histoire En 1943, pour la première fois, la conscription est appliquée aux Musulmans. Plus de 150 000 Algériens vont participer sous le drapeau français aux combats contre le nazi-fascisme, pour libérer la métropole. Par le décret du 7 avril 1944, le Comité français de libération nationale (CFLN), conformément aux promesses faites par son président, le général de Gaulle, accorde la citoyenneté française à environ 60 000 Musulmans, soit 1 à 2 % des Algériens en âge de voter ! (Cf. encart sur le discours de Brazzaville). Ce qui n’empêche pas le journal du parti colonial, l’Echo d’Alger, d’écrire : « Quand la maison brûle, quand le navire sombre, c’est le pompier qu’il nous faut. Et pour nous, le pompier c’est le gendarme ». Evidemment, pour les dirigeants nationalistes algériens, le compte n’y est pas, d’autant plus que, dans tout le pays, des actes de révolte sont signalés par les administrateurs. Le leader historique, Messali Hadj, qui exige l’indépendance, est emprisonné depuis 1939 et son parti, le Parti du peuple algérien (PPA), interdit. Ses militants investissent alors les Amis du manifeste et de la liberté (AML) fondé par Ferhat Abbas, qui, en 1945, compte près de 500 000 adhérents. Non seulement de Gaulle et les dirigeants du CFLN maintiennent Messali en prison, mais il est déporté à Brazzaville, fin avril 1945. Bien qu’il ait soutenu le Front populaire et la République espagnole, la propagande gaulliste, reprise par de nombreux résistants, présente le leader algérien comme un suppôt des nazis-fascistes, un allié du PPF qui était le parti du collaborationniste Doriot.

Manifestations pour l’indépendance et répression barbare Le 1er mai, malgré l’interdiction, des manifestations sont organisées à Alger et Oran durement réprimées. On compte des morts et de nombreux blessés ; des militants du PPA

clandestin et de l’AML sont arrêtés. Le 8 mai, à l’annonce de la reddition sans condition de l’Allemagne nazie, les dirigeants nationalistes algériens veulent participer à la liesse générale à côté des manifestations officielles. A Sétif, ville importante du département de Constantine, réputée pour être gagnée aux idées nationalistes, la manifestation est autorisée à condition qu’« aucune bannière ou autres symboles revendicatifs, aucun drapeau autre que celui de la France ne soit déployé. Les slogans anti-français ne doivent pas être scandés ». Trop longtemps contenus, les mots d’ordre fusent : « Libérez Messali ! », « Démocratie pour tous ! », « A bas le colonialisme ! », « Vive l’Algérie libre et indépendante ! ». Le drapeau algérien est brandi aux côtés des drapeaux alliés, les manifestants chantent « Min Djabalina » (« De nos montagnes ») qui deviendra l’hymne national algérien. Immédiatement la police tire. Un jeune scout algérien, qui porte le drapeau vert et rouge, est abattu à bout portant, déclenchant des massacres de masse dans les jours qui suivent par la police et par des colons à qui on a distribué des armes. Tous ceux qui sont supposés appartenir aux partis nationalistes sont raflés et fusillés. Des villages entiers dans les environs de Sétif sont rasés. On retrouvera des fosses communes remplies de cadavres. De proche en proche, la répression s’abat sur tout l’est algérien, le Constantinois et la Kabylie. Le 11 mai, le général de Gaulle donne à l’armée l’ordre d’intervenir avec tous les moyens disponibles. L’aviation bombarde les villes de Guelma, de Kerrata, d’Héliopolis… On brûle les corps dans les fours à chaux ou on les jette dans des puits. La tuerie aveugle dure jusqu’au 22 mai. La thèse officielle avancée pour tenter de justifier l’ampleur et l’horreur de la répression est que « des éléments troubles d’inspiration hitlérienne se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation de l’Allemagne nazie ». Tous les partis issus de la Résistance vont la répandre. Le 11 juillet, Etienne Fajon, membre du

bureau politique du PCF qui participe au gouvernement provisoire de de Gaulle, déclare, devant l’Assemblée nationale, que les émeutes étaient « la manifestation d’un complot fasciste ». Des cérémonies humiliantes de soumission sont organisées : tous les hommes doivent se prosterner devant le drapeau français et répéter en chœur « nous sommes des chiens et Fehrat Abbas est un chien ». Le bilan est terrible. Une commission d’enquête est nommée. Classé topsecret, son rapport ne sera jamais publié et tous les exemplaires seront mis au pilon. Si le nombre d’Européens tués est connu avec certitude (103 victimes), celui des Algériens est estimé entre 25 000 et 40 000. On connaît en revanche le contenu du rapport du général Duval qui a dirigé la répression, adressé à sa hiérarchie, le 16 mai 1945. Tout en justifiant les exactions de l’armée il écrit : « Depuis le 8 mai, un fossé s’est creusé entre les deux communautés. Un fait est certain : il n’est pas possible que le maintien de la souveraineté française soit exclusivement basé sur la force ». En attendant, Fehrat Abbas et les dirigeants nationalistes qui ont échappé aux massacres sont emprisonnés et les partis algériens interdits. Le « parti colonial » croit pouvoir continuer à exploiter et humilier en paix, la paix des cimetières.

Neuf ans plus tard : début de la guerre de libération nationale Cet autre 8 mai a profondément et durablement marqué l’histoire de l’Algérie et ses rapports avec la France. Le grand écrivain algérien, Kateb Yacine, date son engagement de la répression de Sétif : « J’avais 20 ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimenta mon nationalisme. » Quand l’adjudant Ben Bella et ses camarades du 7e régiment de tirailleurs algériens débarquent à Alger, couverts de médailles gagnées en Alsace où le tiers des effectifs y a laissé sa peau,

ils découvrent les massacres, la peur et l’humiliation des rescapés. De rage, beaucoup arrachent leurs breloques gagnées dans les combats pour la liberté. Le futur président de la République algérienne, Houari Boumédiène, écrit : « Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu’il faudrait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. » ★

Brazzaville : rejet de toute évolution politique des colonies En janvier 1944, le Comité français de libération nationale se réunit à Brazzaville. La guerre n’est pas finie mais la victoire est en vue. A l’ordre du jour, le futur statut de l’empire colonial. Si, à cette date, l’empire a massivement basculé dans le camp des alliés, le dirigeant du CFLN, le général de Gaulle, est inquiet face aux prétentions de ses alliés, surtout américains, et face aux mouvements nationalistes qui ont éclaté en divers points de l’empire. Pour lui, il s’agit d’une reprise en main et de réaffirmer la domination de la France sur ses colonies. En l’absence de tout représentant des peuples assujettis, la conférence fait de vagues promesses pour améliorer la situation économique et sociale des « indigènes ». Dans son discours de conclusion, de Gaulle ferme la porte à toute avancée politique : « Toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire, la constitution éventuelle, même lointaine de self-governments dans les colonies, est à écarter ». Présenté frauduleusement dans les livres d’histoire comme un discours « décolonisateur », ce refus de l’indépendance et même de l’autonomie va caractériser la politique de répression et de guerre que vont mener tous les dirigeants de la IVe République dans l’empire colonial français.


International

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Tremblement de terre en Equateur

Le peuple saura faire face à l’adversité Un tremblement de terre de magnitude 7,8 a frappé la côte équatorienne, notamment les provinces de Manabi et d’Esmeraldas. Les dégâts sont considérables et des répliques sont encore venues aggraver la situation de milliers de familles qui ont tout perdu. La solidarité a été immédiate : des populations de tout le pays, des pays voisins. Le gouvernement Correa, contesté depuis des mois pour son autoritarisme et ses choix en faveur des riches, se montre incapable d’assumer ses responsabilités. Pire, il invective et menace ceux qui ne font que demander de l’aide. Notre parti a exprimé sa solidarité aux camarades du PCMLE d’Equateur.

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e journal En Marcha, de nos camarades du Parti Communiste Marxiste-Léniniste d’Equateur, indique : « Le nombre de victimes s’élève déjà à 413 morts et 3 000 blessés et le gouvernement refuse de donner le chiffre des disparus. Le peuple fait face à une nouvelle adversité qu’il saura surmonter grâce à son unité, sa solidarité, et en s’appuyant sur ses propres forces. (…) Le gouvernement

a fait la preuve de son incapacité à donner une réponse rapide et sérieuse. Il a fallu deux heures pour que le viceprésident, Jorge Glas, apparaisse dans les médias et donne des informations, minimisant et occultant l’ampleur de la catastrophe, alors que, sur les réseaux sociaux, la population connaissait déjà sa gravité. Ce régime, expert en matière de communication quand il s’agit d’imposer ses points de vue, s’est montré ambigu et singulièrement peu réactif. » Décrivant la désorganisation de l’acheminement de l’aide, les camarades soulignent : « Dans plusieurs villes, l’aide des secouristes spontanés est arrivée bien avant celle des équipes organisées par le gouvernement. (…) 36 heures après le tremblement de terre, des municipalités restaient sans aide de la préfecture d’Esmeraldas, sous le prétexte cynique qu’elles n’avaient pas été tellement touchées. La loi autoritaire sur la communication a obligé les moyens de communication à s’autocensurer, pour éviter d’être poursuivis, laissant la population dans l’incertitude. (…) Correa s’est permis de dire “que les choses pourraient être pires”. Comme toujours dans ces situations de catastrophes naturelles, les secteurs les plus affectés sont les plus pauvres, ceux qui ont réussi à force d’immenses sacri-

Congo

fices à construire leur maison. Ce sont ces secteurs qui ont besoin de l’aide prioritaire. Le gouvernement doit mobiliser les moyens économiques et matériels, de façon urgente pour leur

venir en aide. Priorité doit être donnée à la vie et les sommes que le gouvernement veut affecter à la multinationale OXY doivent être transférées aux victimes et aux zones dévastées. » ★

Solidarité et soutien au peuple d’Équateur « La CIPOML exprime ses profondes condoléances aux familles des victimes et sa pleine solidarité avec le peuple d’Equateur frappé par un violent séisme. Comme toujours en régime capitaliste, les plus touchés par ces phénomènes naturels sont les plus pauvres, les travailleurs défavorisés. Cette logique est la logique d’un système dont la finalité est le profit, au lieu de la satisfaction des besoins matériels et culturels de la société. La CIPOML appelle ses membres, la classe ouvrière et les peuples d’Amérique latine et du monde entier à exprimer de façon militante leur solidarité avec ce peuple engagé, depuis des décennies, dans la lutte contre le saccage et la domination impérialistes, pour la souveraineté nationale et pour un véritable changement révolutionnaire. Nous appelons également les organisations sanitaires, humanitaires, à intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre les aides urgentes et nécessaires à la population touchée. Nous redoutons que le gouvernement autoritaire et arrogant de Correa n’utilise la situation pour limiter les libertés démocratiques et populaires et pour criminaliser la contestation sociale et politique. La crise et la dévastation sociale doivent être payées par les capitalistes et les riches. Que l’oppression et les tragédies que subissent les peuples pour des raisons sociales et environnementales poussent les travailleurs et les peuples de tous les pays à dire NON aux politiques d’intervention, aux ingérences et aux guerres impérialistes. Pour dire NON aux coûts des guerres et aux murs racistes, et pour dire OUI à une politique d’aide mutuelle, de paix et de solidarité internationale des travailleurs et des peuples, OUI à un monde nouveau et socialiste. » ★ Communiqué du Comité de Coordination de la (CIPOML) 18 avril 2016

Tchad

la vengeance du vainqueur la chasse aux opposants

L

e vieux dictateur congolais Sassou-Nguesso n’a pas digéré de n’être élu qu’avec 60 % des suffrages. Et ceci malgré les assassinats, les emprisonnements arbitraires et le traficotage généralisé du scrutin (cf. La Forge n°572). Les milieux diplomatiques français ont dû reconnaître qu’il est « l’un des présidents les plus mal élus du continent ». L’ONU, l’opposition et des associations de défense des droits de l’homme demandent la mise sur pied d’une mission d’enquête indépendante. En vain. Fort de l’impunité dont il a bénéficié jusqu’à aujourd’hui de la part des dirigeants de la Françafrique, Sassou-Nguesso s’est lancé dans une fuite en avant vengeresse. Les autres candidats à la présidentielle, qui n’ont pas pu s’enfuir à l’étranger à temps, sont placés en résidence surveillée, leurs collaborateurs bastonnés et arrêtés. Des affrontements ont eu lieu à Brazzaville le 4 avril ; officiellement, on dénombre 17 morts. Même des milieux naguère épargnés sont touchés par cette répression aveugle. Un évêque, qui avait

mis en doute la transparence du scrutin, a reçu des menaces de mort. La région du Pool, proche de la capitale, réputée contestataire, a été interdite d’accès durant 3 semaines. Quelques témoins décrivent de véritables scènes de guerre : des corps abandonnés, des villages vidés de leurs habitants, des survivants qui tentent de gagner les villes voisines ou de se réfugier dans la forêt. Le hold-up électoral effectué par Sassou-Nguesso a pour but de permettre au dictateur, à sa famille et à son clan, de continuer à engranger les milliards du pétrole et du bois, placés dans les paradis fiscaux, dans l’immobilier de luxe… en complicité avec Total et autres monopoles français et internationaux. Avec le peuple congolais, dont 80 % est privé du strict nécessaire, nous disons : « Sassoufit ! ». Exigeons la restitution au peuple des « biens mal acquis » et l’arrêt de tout soutien financier, militaire, diplomatique à ce tyran sanguinaire et à son régime de la part de l’impérialisme français. ★

D

epuis l’élection trafiquée et antidémocratique qui a porté une nouvelle fois à la présidence le dictateur Idriss Déby, la répression s’abat sur l’opposition. Le pays est toujours placé en état d’urgence et les écoles, les hôpitaux et certaines administrations, en grève avant l’élection du 10 avril, sont toujours fermés. Six candidats contestent les résultats. D’après eux, Déby ne serait arrivé qu’en 4e position et pas en 1ère avec 61 % des voix ; il n’a été élu « qu’avec les dieux du vol et de la victoire à tout prix ». Il faut dire qu’en plus des méthodes « habituelles » de traficotage des urnes, le soudard Déby en a introduit une nouvelle. Les forces de l’ordre votent la veille du jour de l’élection. Soldats, gendarmes, agents de la sécurité, doivent soumettre leur bulletin de vote à leur supérieur avant de le mettre dans l’urne. Ceux qui ont refusé cette procédure ou qui ont voté pour l’opposition ont été arrêtés immédiatement, certains bastonnés publiquement, d’autres conduits dans des casernes où ils ont subi des traitements dégradants puis détenus dans des lieux secrets. A la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH), saisie par les familles de la quarantaine

de soldats disparus, le ministre de la sécurité a répondu qu’ils avaient été envoyés en mission spéciale dans le Nord. Selon le porte-parole de l’opposition en France « l’État tente de maquiller leur enlèvement par cette prétendue mission et fera croire qu’ils ont été tués par Boko Haram. Ce régime est capable de tout ». Les dirigeants français eux aussi sont capables de tout pour venir en aide à ce dictateur qui a placé son pays au centre du dispositif « Barkhane » après que son armée a servi de chair à canons au Mali dans l’opération « Serval ». Avant l’élection, le leader de l’opposition avait vivement critiqué la rencontre, le 27 février, entre Ayrault, ministre des affaires étrangères et Déby. Il avait jugé cette rencontre « inappropriée et inopportune à quelques semaines de l’élection » ; c’est comme si la France prenait une position officielle dans ce scrutin ». Après l’élection, la visite du ministre de la défense, Le Drian, à N’Djamena, pour y signer de nouveaux accords militaires, est aussi une approbation tacite du résultat des élections et de la répression qui a suivie. Avec le peuple tchadien, exigeons l’arrêt de la coopération militaire avec le régime d’Idriss Déby ! ★

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Réunion de partis et organisations marxistes-léninistes d’Europe

Développons la résistance à l’offensive du capital, de la réaction et à la guerre

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ne réunion des partis et organisations d’Europe, membres de la Conférence internationale de partis et organisations marxistesléninistes (CIPOML), s’est tenue récemment. Notre parti y a participé. La déclaration politique finale, en cours de traduction, sera mise sur notre site. Les échanges entre les délégations ont permis de mettre en évidence les grandes tendances à l’œuvre au niveau des politiques des bourgeoisies des différents pays, ainsi que de celle qui est impulsée au niveau de l’UE. Les discussions ont surtout porté sur les développements du mouvement ouvrier et populaire, à partir du travail mené par les partis et les organisations. En effet, il y a de nouvelles questions politiques qui surgissent des combats et il est important de pouvoir échanger les expériences, approfondir ensemble les réponses à y apporter et les propositions politiques à développer pour faire avancer la conscience de la nécessité de la rupture révolutionnaire avec le système capitaliste impérialiste. De la discussion sur la situation économique, il ressort que les différentes mesures prises, au niveau européen, pour essayer de surmonter la crise de 2008, à grands coups de milliards d’euros, n’ont pas réussi à relancer l’économie, y compris celle des puissances impérialistes dominantes en Europe. Les principales puissances impérialistes ont des taux

de croissance très faibles, qui risquent de déboucher à termes sur une stagnation. C’est pourquoi, les partis parlent d’une nouvelle crise qui se dessine. Après avoir lancé partout une offensive contre les mécanismes de protection sociale (au nom de la lutte contre les déficits publics), de flexibilisation du marché du travail, de baisse des salaires et en matière de licenciements (avec notamment le traité Merkel-Sarkozy sur la compétitivité des entreprises), l’offensive actuelle porte plus particulièrement sur les règles concernant le droit du travail, les mécanismes de « négociation ». C’est dans ce contexte qu’il faut placer l’actuelle offensive contre le code du travail contenu dans la loi El Khomri, mais aussi la remise en cause des négociations nationales des conventions collectives, comme cela se passe dans plusieurs pays. Nous avons ainsi pu vérifier que ce sont les mêmes plans, avec les mêmes objectifs, qui sont appliqués de façon différenciée, dans les différents pays de l’UE. Cela pose notamment la nécessité de la solidarité à développer avec les luttes que mènent les travailleurs contre ces contre-réformes, et de réfléchir aux initiatives à prendre pour aller vers des luttes coordonnées. L’autre caractéristique de la politique actuelle, c’est la mise en place d’États policiers. Partout, on voit le renforcement du contrôle, de la surveillance, de la répression policière, au nom de la « lutte contre le terrorisme ». Cela

s’accompagne aussi du développement de partis d’extrême droite qui reprennent un discours « social » pour tromper les masses. C’est notamment ce qui se passe en Allemagne, avec la montée du parti AfD (voir La Forge d’avril). Cela nous oblige à préciser la nature de ces partis et les intérêts de classe qu’ils défendent, qu’un qualificatif comme « populiste » ne permet pas. Il est clair qu’il y a une bataille idéologique à mener sur les termes et les concepts utilisés, dans ce domaine comme dans d’autres. Les guerres impérialistes menées par les puissances dominantes, sous leurs drapeaux et sous celui de l’UE et de l’Otan, touchent aussi bien le MoyenOrient, l’Europe que l’Afrique. Ce sont ces guerres qui provoquent les grandes vagues de réfugiés et de migrants, qui se heurtent à l’Europe forteresse. Les camarades d’Italie, de Grèce, d’Allemagne, ont insisté sur l’immense élan de solidarité qui s’est développé dans leurs pays, pour accueillir les réfugiés. Le peuple grec, soumis depuis des années au diktat de la troïka, fait preuve d’une solidarité exemplaire, malgré les terribles conditions de vie dans lesquelles il est lui-même plongé. La solidarité spontanée des démocrates, des progressistes, des simples gens, en Allemagne, est aussi une réponse au discours de haine, à la xénophobie des partis réactionnaires, racistes et fascistes, promotionnés par les médias. Les accords passés entre l’UE, sous l’impulsion de Merkel, avec le

régime de plus en plus autoritaire d’Erdogan, payé pour mettre les réfugiés dans des camps et les expulser, suscitent une profonde vague de protestation. La politique de guerre s’accompagne aussi d’une militarisation accélérée en Europe. Les grandes puissances impérialistes multiplient les ventes d’armes, les gouvernements des pays frontaliers de la Russie accroissent leurs capacités militaires, acceptant avec enthousiasme le renforcement de la présence militaire de l’Otan. Dans plusieurs pays, des mouvements se développent pour dénoncer ces achats d’armes, qui engloutissent des milliards, au moment où les coupes dans les budgets sociaux s’accentuent. La rencontre a également discuté des initiatives à prendre dans le cadre du centième anniversaire de la révolution socialiste d’Octobre, en 2017. Notre parti a eu de nombreuses discussions, notamment sur le bilan que nous tirons de notre expérience dans le front de gauche et sur les orientations que nous traçons dans le contexte de la montée de la contestation politique et sociale actuelle. Les interrogations sont nombreuses, sur le mouvement de mobilisation contre la loi « travail », avec notamment le phénomène « Nuit debout ». L’intérêt montré par les partis et organisations pour l’avancée de notre travail est un encouragement précieux. Cette réunion a été saluée par tous comme une réunion très fructueuse et enrichissante. ★

Grèce

Le peuple reste mobilisé contre les plans d’austérité

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epuis juillet 2015, qui a vu le parlement grec avaliser le programme de réformes imposé par la Troïka en dépit de l’écrasante majorité du « non » au référendum organisé par le gouvernement Tsipras, la situation pour le peuple grec n’a fait qu’empirer. Depuis six mois, sous prétexte que le plan d’économies accepté par Tsipras n’est pas appliqué dans sa globalité, les dirigeants européens et le FMI refusent de débloquer la nouvelle tranche de prêts prévue dans le cadre du troisième plan d’aide de 86 milliards d’euros accordé en août 2015. Le président du Conseil de l’Europe fait pression sur ses partenaires pour la tenue d’un Eurogroupe afin d’éviter une « nouvelle incertitude » autour de la situation de la Grèce et éviter qu’elle perturbe le référendum britannique sur l’appartenance à l’UE

en apportant de l’eau au moulin des partisans de la sortie. Pourtant, le gouvernement grec est en passe d’accepter une nouvelle liste de mesures pour un montant de 3,5 % du PIB : nouvelle réforme des retraites, de l’impôt sur le revenu, et des créances douteuses. Mais pour les créanciers ce n’est pas encore assez : ils exigent un train d’économies supplémentaires de 2 % du PIB (3,5 milliards d’euros. Le peuple grec, qui avait espéré qu’en votant pour Syriza, il serait possible d’infléchir ces politiques d’austérité mortifères, ne se fait plus d’illusion. Depuis plus de six mois, les mobilisations n’ont pas cessé : plusieurs grèves générales rassemblant des milliers de travailleurs contre la baisse des pensions et des salaires, les licenciements et coupes dans les services publics ; manifestations des paysans,

des médecins, employés… contre la fusion et la restructuration des caisses d’assurance maladie et retraite ; grève du personnel navigant et des aéroports ; et le 8 mai, manifestations dans plusieurs villes du pays pour exiger que les réformes déjà votées ne soient pas appliquées. Ce qui s’est passé et se passe en Grèce interpelle tous ceux qui se battent contre les politiques néolibérales imposées par l’oligarchie financière partout dans le monde et qui aspirent à un véritable changement de société. Quels moyens mettre en œuvre pour faire échec à la politique du capital et imposer les exigences populaires, sur qui s’appuyer, quelles solidarités développer ?... Des questions vitales pour l’avenir des peuples. Lors de son 8e congrès, qui s’est tenu en décembre 2015, notre parti a tenu à se pencher sur ces questions. Il

vient de publier le contenu de ses réflexions dans une brochure : « Les leçons à tirer du combat du peuple grec » pour que l’expérience douloureuse de ce peuple serve au combat de tous. « Les leçons à tirer de cette expérience sont importantes pour le mouvement ouvrier et populaire en France, pour les militants révolutionnaires grecs qui cherchent à comprendre ce qui s’est passé et qui poursuivent le combat. Ces leçons mettent en évidence la violence des institutions européennes et de l’oligarchie et posent la question des conditions pour qu’un programme de rupture avec l’austérité et les politiques néolibérales puissent être mises en œuvre. » ★ Cette brochure est disponible au prix de 2 € à notre adresse nationale et auprès de nos militants.

Dir. publication C. Pierrel - Imprimerie Expressions2, 10 bis rue Bisson 75020 Paris - Commission paritaire - 0413P865753- N°ISSN 0242-3332


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