Grammaire sexiste en procès

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LA GRAMMAIRE SEXISTE EN PROCES (Version militante de l’article de recherche)

Philippe CLAUZARD PEMF, D. S.E. Cnam Paris La langue n’est jamais neutre. La langue peut être insultante, ensorceleuse, sexuée, abstraite, triste ou rieuse. La langue est toujours par essence signifiante psychologiquement et socialement. La langue n’est jamais neutre. Elle influe sur les consciences de tout un chacun. Ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Le langage joue une fonction fondamentale dans la formation de l'identité sociale des individus. Michel Foucault souligne comment l'interaction entre le langage et les attitudes sociales est profonde. Pierre Bourdieu explique en quoi le langage est la représentation symbolique des formes de pouvoir. Il confère leur légitimité aux tenants du pouvoir. La langue n’est jamais neutre relativement aux débats sur l'égalité entre hommes et femmes : on ne peut être égale sans être visible. Sans visibilité, on ne peut prétendre aux mêmes droits, à une juste parité. L'usage de termes strictement masculins pour les degrés supérieurs de la hiérarchie sociale traduit la quasi-exclusion des femmes de ces activités d’encadrement, de direction. La langue n’est jamais neutre, son évolution non plus. La langue est un système hérité des générations précédentes qui s’actualise dans des paroles présentes. L’actualité, les stéréotypes, les débats sociétaux ou les pressions idéologiques et normatives agissent sur la langue et la façonne. L'imprégnation du sexisme dans la langue est précoce. A travers elle, il se structure l'apprentissage de rôles sociaux sexuellement différenciés et hiérarchisés. La langue n’est jamais neutre. Il y a une langue des hommes et une langue des femmes, il y a une langue favorable aux hommes, une langue interdite aux femmes (pensons aux grossièretés qui leur sied mal selon le bon usage). Les grammairiens n’ont pas manqué de transposer quelques divisions sociales dans la langue. Les représentations de grammairien, et non des grammairiennes ont fait loi. Elles ont contribué à fixer un code de bon usage du français, des règles de syntaxe, un genre pour les mots, la prévalence du genre masculin sur le genre féminin. Il est affirmé une noblesse du genre masculin qui s’oppose au genre féminin inférieur. Les femmes apparaissent ainsi comme radicalement différentes des hommes. Elles sont reléguées à un rang inférieur, peu à peu écartées de la vie publique. L’allégation d’infériorité du genre féminin trouve un écho dans la théorie d’une « différenciation naturelle » entre hommes et femmes. De ce postulat naît une inégalité linguistique qui insinue sournoisement les affirmations sexistes chez les jeunes gens, chez les élèves en totale contradiction avec les conceptions égalitaristes entre les sexes qui font l’actualité d’aujourd’hui. État des lieux, réflexions et création de nouveaux modèles linguistiques qui appellent la « désexisation » de la langue française formerait un objectif conséquent pour la recherche. En grammaire, le masculin prime sur le féminin, apprennent les enfants. Le masculin englobent le féminin, il l’assimile : un seul homme dans une assemblée de femmes oblige à une désignation au masculin de l’ensemble. Pouvoir parler ainsi au nom des autres facilite ou va de pair avec le fait de dominer ce même autre. Le masculin, s’appropriant le langage, prétend à l’universel, au générique et au neutre. Il sert surtout de référence, de modèle, de prototype au genre humain. Philippe Clauzard, Février 2010, OPEN PIPS

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Grammaire sexiste en procès by Andy Julien - Issuu