N°51
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FUTUR // MABEL SHAY / PETER PETER / RENISS / YUKSEK / RAYE / LAYLOW MODZIK - 3
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pepejeans.com
EDITO
Le futur simple est-il imparfait ? Stupeur et tremblements. Quand on pense au futur, l’avenir est loin d’être rose. Peuplé de personnages ostentatoirement dangereux qui voilent leurs mensonges à coups de faits alternatifs dans notre ère de post-vérité – coucou les trumpiens de ce monde, sans oublier nos propres recrues lepenistes, macronistes et fillonistes made in France – notre futur proche nous donne du fil à retordre. Dans notre présent maladif, il faut donc avoir une discipline de fer et être un excellent procédurier pour rester en forme et ne pas succomber à la peur du lendemain. Il convient donc d’éviter de regarder les intentions de vote en France à quelques semaines de l’élection présidentielle, sinon c’est l’urticaire garantie. Se lever tôt, comme les artistes et créateurs qui font ce numéro. Boire son jus pommes-carottesgingembre ou son triple espresso. Être actif, intellectuel, créatif et produire sans arrêt afin de résister et ne pas succomber à l’appel de la morosité, symptôme infaillible de cette maladie du siècle qui consiste à se plaindre constamment et à rouler les yeux vers le ciel dès qu’on feuillette les pages d’un quotidien ou qu’on allume la télévision. Pour la mode et la musique, le futur est une éternelle « réinvention » du passé à la sauce du présent. La mode, comme à son habitude, a des manies qui la prennent de plein fouet de temps à autre. Pour cette saison printemps-été, elle semble vouloir redécouvrir l’Afrique subsaharienne avec de nombreux « Spécial Afrique » d’ores et déjà vendus en kiosques. Malgré la bonne volonté d’ouverture d’esprit et de multiculturalisme qui émane de ces initiatives, on ne peut s’empêcher de voir une forme de néocolonialisme, peut-être involontaire, mais condamnable : il faudrait apprendre à certains journalistes que l’Afrique n’est pas une tendance passagère, un supplément de magazine ou même un « dossier spécial », mais que les talents mode et musique du continent, tout comme ceux de sa diaspora, méritent une présence régulière dans n’importe quelle presse. Qu’on en finisse une bonne fois pour toute avec l’exotisme. Dans ce numéro, Reniss, nous rappelle justement qu’Africa is the future et notre styliste Louis Philippe de Gagoue va à sa rencontre au Cameroun pour la shooter en EDUN et recueillir ses propos militants. « Je chante à la manière de nos ancêtres. J’essaie de valoriser la culture africaine » affirme la chanteuse du tube « La Sauce ». Notre cover-girl, Mabel, quant à elle, militante en herbe malgré elle, nous explique comment trouver sa propre voie (et voix !), nous parle de femmes fortes et de la solidarité féminine — un moteur qui pourrait transformer l’industrie musicale. Le futur serait-il donc féminin ? Comme le dit B2O, « Tu es dans le turfu », ou tu ne l’es pas. Avec « des gros culs en surplus ». En 2017, c’est donc Shay ou Marine Le Pen. Voilà, fais ton choix ! Elisabeta Tudor Rédactrice en Chef
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OURS Fondateur & Éditeur Anatole Amavi Rédactrice en Chef Elisabeta Tudor Directeur Musique Joss Danjean Directeur Mode Nicolas Dureau Directeur Artistique & Graphiste Boris Zawodny Rédactrice Mode et Consultante Isabelle Decis Rédacteurs Mode Coline Bach Tiphaine Menon Edem Dossou Rédactrice Beauté Irina Munz Secrétaire de Rédaction Jean-François Patarin Webmaster & Développement Digital Alcino Domingues Chef de Projet Digital Lalatiana Rakotomamonjy Web www.modzik.com web@modzik.com modeweb@modzik.com Florence Abitbol Jakob Rajky Ange de Larue Boris Zawodny
ONT CONTRIBUÉ À CE NUMERO : Rédacteurs Florence Abitbol, Joss Danjean, Jakob Rajky, Patrick Thévenin, Elisabeta Tudor Photographes Alex de Mora, Julia & Vincent, Julien Bernard, Justino Esteves, Louis Philippe de Gagoue, Rebecca Lafaye, Renaud Cambuzat, Sascha Heintze, Victor Pattyn, Yann Morrison, Yuji Watanabe Stylistes Edem Dossou, Isabelle Decis, Jean Paul Paula, Louis Philippe de Gagoue, Nicolas Dureau, Pauline Croce, Glen Mban, Tiphaine Menon Assistant DA et Graphiste Ange de Larue
Hop pop pop – content agency Publicité Captif & Hors captif B-E Lab 6/8 passage des Récollets 75010 Paris Tél. 01 40 34 40 25 Directrice de Communication Publicité et Marketing Delphine Caredda delphine@modzik.com Chargée de Développement Lou Cheyenne-Méheust lou@modzik.com
MODZIK est un trimestriel édité par la maison d’édition B-E LAB, RCS 484 237 417 Au capital social de 15000 euros. Siège social et rédaction : 6/8 passage des Récollets 75010 Paris Création du Logo Nicolas Ouchenir Distribution France MLP, PAPERLAB & CO(LLAB) et IPS Export Pineapple Média Acadine Expertise Expert Comptable David El Baz Prix de vente au numéro 6 euros Abonnements & Achat www.modzik.com www.relay.com Impression JJ Production Commission Paritaire N° Cppap : 0616 K 89366 Dépôt légal à parution N°ISSN : 1623-6289 All rights reserved Dépôt légal à parution – mars 2017 Commande en ligne : www.modzik.com Numéro Mars 2017 Les indications d’adresses, de marques et de prix sont données à titre informatif, sans but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations parus dans MODZIK est interdite. MODZIK décline toute responsabilité pour les documents remis. Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Les textes, illustrations
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et photographies publiés engagent la seule
ENSEMBLE DANIELLE CATHARI
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S O M M A I R E 6-Edito 8-Ours 9-Sommaire 10-@modzik 11-Le Neuf 20-On Aime 22-Fan 2 30-Buzz 40-Mabel 54-Change de Disque 58-Thomas Azier 68-La Force du Cameroun 82-Décryptage 86-Shay
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100-Press Play 112-Marissa Seraphin 120- Boomerang 126-Waiting For The Future 134-Music Express 138-Futurama 140-Albumarama 142-La Chronique de Patrick Thévenin 144-Playlist 145-Dressing 146-marques
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cap au nord ROUCHON, C’EST UN NOM HISTORIQUE ET UN LIEU EMBLÉMATIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE PARISIENNE DEPUIS LES ANNÉES CINQUANTE. POUR 2017, LE STUDIO S’OFFRE UN NOUVEAU VISAGE EN DÉMÉNAGEANT DANS UN LIEU ADAPTÉ AUX BESOINS EN CONSTANTE ÉVOLUTION DES PHOTOGRAPHES ET DES VIDÉASTES. Texte Florence Abitbol
La fin d’une ère avait sonné fin 2016 pour Rouchon qui ferma les portes de son studio historique près des Gobelins pour s’offrir une réouverture en fanfare en janvier dernier. Aujourd’hui, Rouchon voit les choses en grand avec sa nouvelle adresse aux portes de Paris baptisée Le Nouveau Rouchon, entièrement dédié à la production photo, vidéo ainsi qu’à la création digitale, dans le parc des Portes de Paris Icad. Situé à Aubervilliers, ce studio a ouvert ses portes pour accueillir photographes, vidéastes et toutes leurs équipes sur deux niveaux de 3 000 m2 au total. Un nouvel espace qui comprend sept plateaux – trois
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avec double hauteur sous plafond et trois autres en lumière du jour dont un doté d’une grande verrière. Le plus grand studio, « Le Big One », 360 mètres carrés et ses 7 mètres sous plafond, devient le plus grand cyclo disponible de Paris. Pour parfaire le tout et donner à ce nouveau lieu le standing d’un cinq-étoiles, le studio se pare d’un restaurant ainsi que d’une terrasse et d’un jardin pour permettre aux équipes de se reposer – ou de brainstormer à leur guise.
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l’afrique de l’art CE PRINTEMPS, PARIS PLONGE TÊTE LA PREMIÈRE DANS LES CULTURES AFRICAINES. INITIATIVE ENTENDUE OU AFFECTION COMMUNE SOUDAINE DES MUSÉES, CES ÉVÉNEMENTS PERMETTENT DE DÉCOUVRIR UNE AFRIQUE PLURIELLE, RICHE DES CULTURES QUI LA COMPOSENT, QUE CE SOIT LORS DE FESTIVALS OU AU CŒUR D’INSTITUTIONS EN QUÊTE D’AUDACE. Texte Florence Abitbol
Une partie des musées parisiens ont choisi l’Afrique comme incontournable des programmations de cette saison. Effet de mode ou réelle ouverture ? L’intérêt pour l’Afrique se révèle si massif et simultané qu’on en interrogerait presque les intentions de cet engouement. Rodé à l’exercice avec un positionnement artistique défini autour des cultures non-occidentales, le musée du quai Branly a d’ores et déjà ouvert son exposition « L’Afrique des routes », où le continent est au cœur des dynamiques internationales. L’Institut du monde arabe s’attache quant à lui aux échanges entre l’Afrique et le Moyen-Orient, économiques, artistiques et religieux, avec l’exposition « Trésors de l’Islam en Afrique » du 14 avril au 30 juillet. Le musée Dapper, consacré aux arts de l’Afrique subsaharienne, prolonge son exposition sur les chefs-d’œuvre d’Afrique jusqu’au 17 juin, ainsi qu’une autre rétrospective dédiée à l’artiste Soly Cissé. Le Grand Palais a choisi l’Afrique comme invitée d’honneur de l’Art Paris Art Fair, avec une vingtaine de galeries venues de tous les pays de ce continent. Autre temps fort, le festival « 100 % Afrique » à la Villette. Quarante-trois artistes nous plongent dans une traversée approfondie de l’Afrique par l’art et la musique du 23 mars au 28 avril, suivi de l’exposition « Afriques Capitales », où le commissariat de Simon Njami met l’accent sur les grandes villes africaines. L’occasion d’appréhender la pluralité des différentes villes d’Afrique, loin d’une approche exotique et généralisante, longtemps exploitée. Avec l’exposition « Art/Afrique, Le nouvel atelier », la Fondation Louis Vuitton ouvre elle aussi ses portes à une vision de l’Afrique d’aujourd’hui par le biais de l’art contemporain en trois parties : «Les Initiés », tirée de la collection de Jean Pigozzi, « Être là », centrée sur les artistes sud-africains, et une troisième partie dédiées à l’Afrique telle qu’elle est représentée dans la collection Louis Vuitton. L’occasion pour les artistes présentés de revendiquer une identité noire et de la redéfinir en affirmant leurs richesses nationales. Une ambition qui peut aisément s’élargir à l’ensemble des événements liés à l’Afrique cette saison.
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Untited (Brave Ones series), 2010 © Zwelethu Mthethwa. Courtesy of the artist and Jack Shainman Gallery, New York.
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les transmusicales COMME CHAQUE ANNÉE, MODZIK A PRIS LES ROUTES DE LA BRETAGNE AU CŒUR DE L'HIVER AFIN D'ALLER DÉCOUVRIR LA NOUVELLE GARDE MUSICALE MONDIALE AUX 38ÈME RENCONTRES TRANS MUSICALES DE RENNES. L'OCCASION POUR LE MAGAZINE D'INTERVIEWER ET DE SHOOTER CEUX QUI FERONT BIENTÔT LES BEAUX JOURS DE LA MUSIQUE. MORCEAUX CHOISIS. Photos Julien Bernard - Style Pauline Croce - Texte Jakob Rajky
HOWL (ex NGOD) Depuis notre rencontre aux Trans Musicales de Rennes, les Ngod ont changé leur nom pour le très commun Howl, et sont partis le long des routes anglaises avec les Kaiser Chiefs de Février à Mars, en marge de la sortie de leur prochain single, Lost, prévu pour la mi-Mars. Howl facebook.com/howlsounds
DE GAUCHE À DROITE PULL COL ROULÉ COS ∙ VESTE STRELLSON ∙ JEANS CHEAP MONDAY ∙ BASKETS MONTANTES SANTONI IMPERMÉABLE PAUL & JOE ∙ VESTE, CHEMISE ET JEANS CHEAP MONDAY ∙ CHAUSSURES CONVERSE ∙ LUNETTES DE SOLEIL KOMONO POLO BRACKEN ∙ PANTALON VIVIENNE WESTWOOD ∙ CHAUSSURES ACNE STUDIOS PULL ET JEANS CHEAP MONDAY ∙ CHAUSSURES DR. MARTENS T-SHIRT CHEAP MONDAY ∙ VESTE GANT DIAMOND ∙ PANTALON STRELLSON ∙ CHAUSSURES DR. MARTENS
NOVA TWINS La paire de bad girls qui avait enthousiasmé Rennes en décembre dernier avec leur melting-pot punk-rap partira également sur les routes d’Angleterre avant d’atterrir en France avec des passages au Stereolux de Nantes, au festival Marsatac de Marseille ou au Trabendo à Paris. Nova Twins (Robotunes) novatwinsmusic.tumblr.com
GEORGIA SOUTH BUSTIER DROME PANTALON CHEAP MONDAY X FAUSTINE STEINMETZ LUNETTES DE SOLEIL CHEAP MONDAY COLLIER ZANA BAYNE COLLANTS FALKE AMY LOVE SWEAT DRY CLEAN ONLY VESTE CHEAP MONDAY X FAUSTINE STEINMETZ JUPE VICTORIA/TOMAS LUNETTES DE SOLEIL CHEAP MONDAY
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de l’art et des jeans PEPE JEANS ET IAN BERRY PARTAGENT UN AMOUR IMMODÉRÉ POUR LES JEANS ET LA RENCONTRE ENTRE L’ARTISAN ET L’ARTISTE DEVAIT BIEN SE PRODUIRE UN JOUR. C’EST DÉSORMAIS CHOSE FAITE AVEC UNE COLLABORATION INÉDITE, GARANTIE 100% DENIM. Texte Florence Abitbol
s’est ainsi chargée de fournir à l’artiste la matière première pour ses œuvres. Ces tableaux de la vie moderne, 100 % en denim, sont exposés dans les boutiques Pepe Jeans du monde entier ainsi que dans une exposition à Londres, ville de prédilection non seulement de la marque mais également de Ian Berry. Une belle manière de donner une nouvelle vie aux jeans.
Pepe Jeans, ça rime presque avec denim. Et le denim est aussi au centre du travail de Ian Berry. L’artiste compose des tableaux d’un nouveau genre avec une profondeur qui défie l’imagination, en se servant du tissu comme médium pour illustrer les scènes du quotidien. Pepe Jeans a donc choisi de s’associer avec Iui pour mettre ses jeans adorés au cœur d’une collaboration mettant à l’honneur la créativité et le sens du détail. La marque londonienne www.pepejeans.com
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le grand ménage de printemps LE GRAND MAGASIN EMBLÉMATIQUE DU BOULEVARD HAUSSMANN, LE PRINTEMPS, A DÉVOILÉ LA NOUVELLE VERSION DE SON MAGASIN DÉDIÉ À L’HOMME. ENTIÈREMENT REFAIT, CE NOUVEL ESPACE REVISITE LA MODE HOMME AVEC UNE SÉLECTION POINTUE DE CRÉATEURS ET UNE EXPÉRIENCE LIFESTYLE TOUJOURS PLUS LUXE. Photo Sascha Heintze - Texte Florence Abitbol
Le Printemps de l’Homme a fait peau neuve ! Plus grand, plus beau, plus accueillant, le grand magasin de prêt-à-porter masculin a révélé en début d’année son tout nouvel écrin à l’architecture entièrement revisitée sur le boulevard Haussmann. Exit la rue du Havre, le grand magasin s’offre une structure totalement réaménagée. À cette occasion, quatre cabinets d’architecte ont été mobilisés sur cet immense projet. Le bureau de design Yabu Pushelberg accompagné du studio UUfie ont revisité la coupole florale du Printemps, faisant vivre le patrimoine au cœur de cette nouvelle construction, Wilmotte & Associés s’est chargé de faire revivre le rez-de-chaussée ainsi que le premier étage, désormais consacré à l’accessoire et au prêt-à-porter luxe et créateurs. De son côté, Universal Design Studio accompagné du collectif Cigüe se partagent les étages suivants du Printemps de l’Homme. Le bâtiment accueille désormais près de 250 marques, dont 80 nouvelles, sur cinq étages, chacun consacré à un concept du prêt-à-porter pour une sélection toujours plus pointue de créateurs, de la mode citadine au sportswear, sans oublier les chaussures ainsi qu’un espace lounge baptisé « Le Salon », dédié au service de personal shopper. Pour parfaire ce renouveau réussi, on pourra désormais compter sur le corner exclusif The Good Concept Store au troisième étage, ainsi qu’un corner store dédié à Brummell, la marque du Printemps, qui revisite les classiques du vestiaire homme en toute simplicité.
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cotélac x no money kids they trust them NO MONEY KIDS, TANDEM ELETRO-ROCK EN PLEINE ASCENSION, AVAIT DÉVOILÉ EN 2016 LEUR PREMIER EP INTITULÉ I DON’T TRUST YOU, UN CINQ TITRES AUQUEL IL N’AURA PAS FALLU BEAUCOUP DE TEMPS POUR DEVENIR LA VITRINE DU DUO. Texte Jakob Rajky
Entre shuffle blues, guitares rageuses et nappes électroniques, leur musique très travaillée fait mouche d’entrée et les place en ambassadeur d’une génération DIY qui rappelle vaguement Larry Clark et ses Kids. Ils livrent rapidement un EP 5 titres couvrant divers sujets tels que la marginalité, la vieillesse ou l’isolement, ainsi que l’homosexualité et le féminisme. Les premiers singles tapent vite dans l’oreille de producteurs américains et sont rapidement à découvrir dans des séries US (Banshee, Night Shift) ou au cinéma, à l’image de Misconduct, un film avec Al Pacino et Anthony Hopkins. Leur musique débarque finalement dans le monde de la mode, le son rugueux des guitares contribuant fortement à ce rapprochement et la mise en musique des défilés Schwarzkopf, Stylist et Backstage Agency. Passionnée de musique, Raphaëlle Cavalli, directrice artistique de Cotélac, participe à la découverte de nouveaux talents, c’est elle qui découvre le duo qui ne la laisse pas indifférente, et c’est donc à son initiative que toute la marque soutient le projet de Félix Matschulat et JM Pelatan en marge de la saison 2016-2017. L’intégralité de leur EP est à découvrir en exclusivité dans les 110 boutiques de la marque Cotélac présentes en France et à l’étranger.. No Money Kids I Don’t Trust You (Roy Music) www.cotelac.fr
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alexandra savior mystérieuse muse AVEC LE TITRE DE SON ALBUM EMPRUNTÉ À UN FILM D’ANIMATION JAPONAIS DE 1973 RACONTANT L’HISTOIRE D’UNE SORCIÈRE D’APRÈS JULES MICHELET, ALEXANDRA SAVIOR AIME CULTIVER LE MYSTÈRE ET L’ÉTRANGETÉ. SON STYLE VOCAL MANIÉRÉ RAPPELLE LE PHRASÉ ET L’AMBIANCE VAPOREUSE DE JULEE CRUISE (PÉRIODE DAVID LYNCH) AVEC UN CLIN D’ŒIL MUSICAL AUX ANNÉES SOIXANTE MAIS C’EST AUSSI BIEN PLUS QUE CELA. ENVOÛTANT À SOUHAIT, SON ALBUM BELLADONNA OF SADNESS SE PLACE D’EMBLÉE DANS LES MEILLEURS ALBUMS DE L’ANNÉE. Texte Joss Danjean
Comment composes-tu ? Lorsque je compose seule, d’habitude, cela commence lorsque je cuisine ou dans ma voiture ; j’ai mon enregistreur ou mon téléphone et je chante des mélodies et des paroles. J’enregistre un peu tout le temps… Parfois je me pose aussi avec ma guitare. Pour mon album, j’ai présenté ces bribes d’enregistrements à Alex Turner et on les a retravaillé ensemble jusqu’à obtenir des chansons solides.
Comment s’est déroulée ta collaboration avec Alex Turner ? C’était une vraie collaboration et il était vraiment impliqué dans le projet. Il est beaucoup plus organisé et structuré dans sa démarche d’écriture que moi qui suis beaucoup plus fluide et désordonnée je l’avoue. Chacun a apporté quelque chose de spécial, à sa façon. Quant à la partie production, j’avoue que je n’y connais pas grand-chose car lorsque James Ford est entré dans la danse il ne s’agissait plus d’écriture mais de la construction d’une esthétique musicale pleine de nuances.
Zach Dawes, bassiste de The Last Shadow Puppets et de Mini Mansions, joue également sur ton album… En fait, il a même écrit la ligne de basse pour le titre « Girlie ». Alex et moi écrivions l’album dans la maison d’Alex et comme Zach et Alex sont très bons amis, Zach est passé comme ça et a proposé de participer si Alex souhaitait quelque chose de plus soutenu musicalement.
Idéalement, à quoi ressemblerait le bonheur pour toi ? Si je pouvais tout simplement peindre, avoir un jardin et des enfants. Mais je crois que si j’avais tout cela, je souhaiterais alors probablement être une pop star. Donc, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît et on n’est jamais vraiment content de ce que l’on a, une sorte de sentiment d’insatisfaction que l’on retrouve d’ailleurs sur mon album.
Quelle est la chose la plus importante pour toi dans la musique ? C’est avec un titre coécrit avec Alex Turner (de The Last Shadow Puppets & The Arctic Monkeys) intitulé « Risk » figurant sur la bande originale de la saison 2 de True Detective que le nom d’Alexandra Savior est apparu pour la première fois. L’attention s’est accrue lorsque l’on a appris que cette native de Portland (désormais basée à L.A.) avait également coécrit le titre « Miracle Aligner » des Last Shadow Puppets, titre qui lui était destiné à l’origine. Autant dire que l’excitation est à son comble lorsque la belle et mystérieuse Alexandra s’apprête à publier son premier album Belladonna Of Sadness, avec le concours d’Alex Turner bien sûr.
Pour moi, l’industrie musicale est vraiment une connerie et la seule chose à laquelle on doit s’attacher, c’est son art. Il est cependant agréable de pouvoir se retrouver dans une position où on a des gens pour gérer les choses dont tu ne veux pas t’occuper car tu peux alors rester concentré sur ta musique et ne pas te faire parasiter le cerveau par le reste. Le plus important c’est de nourrir son art pour le faire évoluer et le faire grandir. Alexandra Savior Belladonna Of Sadness (Columbia/Sony Music)
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voyageurs du futur POUR FÊTER SES 40 ANS D’EXISTENCE, LA MARQUE DE MAROQUINERIE MCM S’ASSOCIE À CHRISTOPHER RAEBURN LE TEMPS D’UNE COLLECTION CAPSULE. NOMADE ET CONTEMPORAINE, CETTE COLLECTION REVISITE UN VESTIAIRE UNISEXE CONÇU POUR LE VOYAGE DE DEMAIN. Texte Florence Abitbol
Dévoilée lors de la Fashion Week Hommes de Londres en juin dernier, MCM frappe fort avec cette collection anniversaire. Conçue par le jeune designer britannique Christopher Raeburn, la collection composée de vingt-cinq modèles se construit à partir de cinq caractéristiques, toutes chères à MCM depuis 40 ans : l’intemporalité, la durabilité, l’unisexe, le multifonctionnel et la mobilité. D’ores et déjà tourné vers le long terme, MCM s’est engagé à devenir pleinement durable d’ici 2020. Sur cette base éthique solide, le créateur et la marque britannique ont façonné un vestiaire 2.0, à la fois adapté au voyage tout en poussant les limites du design. Petit clin d’œil historique en supplément, Christopher
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Raeburn a choisi de décliner la collection aux couleurs du drapeau bavarois, région allemande où se trouve Munich, la ville d’où est originaire MCM, pour un joli hommage tout de gris, bleu et jaune. Pensée pour les millenials, cette collection de prêt-à-porter et d’accessoires adhère ainsi aux valeurs d’une nouvelle génération de voyageurs, mêlant l’esthétique fonctionnelle à une conscience durable. En combinant des textiles répondant aux critères d’une production éthique et les matières emblématiques propres à MCM, comme la toile Visetos, la collection fête avec brio l’anniversaire de la marque tout en se tournant vers le futur.
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FAN 2 Avant d’être créatrice, June était mannequin en Chine, près de Shanghai, où elle a grandi. Depuis, sa famille s’est installée à Paris en 2001, où elle a monté sa marque de prêtà-porter éponyme. Avec un design contemporain et un style effortless cher aux Parisiennes comme aux femmes cosmopolites et urbaines, le prêt-à-porter signé June Bo est sous le signe de l’empowerment. Rencontre avec la créatrice de cette marque en pleine éclosion. interview elisabeta tudor
Quels ont été tes premiers pas dans la mode ?
Parle-nous de ta collection printemps-été 2017…
Toute ma famille à Paris travaille dans la mode et Nous sommes partis de l’idée de la silhouette en j’officie en tant que styliste pour plusieurs marques mouvement. Les matières et les volumes déconstruits appartenant à ma famille. Ce sont donc mes proches viennent travailler la notion d’instant présent. Je vouqui m’ont donné envie de me lancer dans la création. lais capturer le mouvement et l’enfermer dans une Mais j’ai également d’autres influences, plus clas- allure et un geste très féminin avec des popelines et siques, comme Vera Wang. des soies qui donnent un rendu de confort et de fraîcheur très estivale. Une série de robes asymétriques Paris et Shanghai sont des melting-pots culturels en crêpe de Chine, mes préférées parmi la collection, considérables. Comment l’esthétique de chaque ville correspondent parfaitement à ces idées.
intervient dans tes créations ?
Paris et Shanghai sont très différentes. Paris est une Comment aimerais-tu que ton style évolue ? ville classique, romantique tandis que Shanghai est Je voudrais rester en accord avec la femme contempleine de possibilités et de défis. Mais j’aime évoluer poraine, donc être toujours en évolution. C’est une entre ces deux villes : mon atelier est à Paris et nous femme qui travaille, qui a une mission et un rôle fabriquons nos produits à Hangzhou, en Chine, avec essentiel dans la société et qui participe activement les meilleures soies du pays. Nous utilisons aussi du à son amélioration. June Bo représente cette femmecoton et de la laine du Japon et des polyesters et là. des dentelles d’Italie.
Quelle est la prochaine étape concernant le développeLa mode se veut plus mixte et plus démocratique que ment de la marque ? jamais. Est-ce que cela influence tes créations ? Notre première boutique va ouvrir en Chine et nous
C’est un moment fascinant pour les jeunes créa- cherchons actuellement des locaux pour une deuteurs. Les barrières d’entrée du marché ne sont xième boutique à Paris. plus les mêmes. Aujourd’hui, notre discours doit se construire autour d’éléments sociétaux et commer- June Bo en trois mots ? ciaux bien définis. On ne peut pas envisager une Élégant, urbain et classe. cible globale mais une niche limitée. Les choix se multiplient et c’est le client qui choisit parmi une multitude de propositions hétérogènes. Ainsi la mode est de plus en plus variée et à l’écoute des besoins réels des gens qui l’aiment et la soutiennent. Ça peut donner des propositions plus mixtes ou unisexes car la demande existe. En ce qui me concerne, je crois toujours à une féminité assumée, même si on aime jouer avec des codes stylistiques masculins.
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FAN 2 photo justino esteves
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FAN 2 Pour son troisième défilé parisien, Shangguan Zhe poursuit son trip futuriste. Après un voyage vers l’espace pour le printemps-été 2017, la collection de l’hiver prochain présentée à Paris semblait débarquer d’un futur postapocalyptique. Cela dit, malgré des slogans tels que « Sélection naturelle », l’avenir selon Sankuanz ne semble pas si terrifiant. Les punks de sa collection n’annoncent pas la fin des temps mais la survivance de l’homme grâce à la chimie. Si la science permet de construire des armes de destruction massive, elle est aussi capable de fournir des matériaux propres à la création. Rencontre avec celui qui imagine la renaissance après la destruction. interview florence abitbol
Destroy, c’est un nom radical pour une collection qui l’est tout autant. Ce n’est pas un pari un peu risqué quand on est jeune créateur ? En fait, le nom de cette collection se réfère principalement à la manière dont la politique et la chimie ont changé notre monde aujourd’hui. Mais avant tout, le mot « Destroy » est là pour signifier la direction actuelle suivie par Internet et la politique, c’està-dire la destruction. Cepandant, avec ce mot, je ne veux pas parler de destruction à proprement parler dans le sens négatif que l’on connaît, pas de manière active. C’est plutôt une manière de changer le monde que j’envisage ainsi.
Les matériaux utilisés cette saison sont assez techniques. Est-ce ta réponse pour lier la philosophie de Destroy à une création concrète ? La collection est principalement centrée sur la chimie, du coup nous avons choisi de la mettre au cœur même des matériaux, par exemple sur les manteaux de cette nouvelle collection. En plus de ça, nous avons utilisé de nombreuses matières produite par l’entreprise DuPont, plus souvent utilisées dans le domaine de la science et dans l’industrie chimique.
Hormis le vêtement, quelle est ton ambition en tant que créateur ? J’ai commencé à faire de la mode en 2008 et j’ai lancé ma marque Sankuanz depuis maintenant trois ans. La mode est pour moi un moyen de m’exprimer, de vous raconter des histoires. Ce qui est important pour moi, c’est de parler de quelque chose qui a vraiment du sens et d’apporter un point de vue unique sur des sujets qui parlent au public.
Ta collection faisait passer des messages très forts, voire politique… Je ne dirais pas que ma collection est « politique », car nous avons déjà abordé des sujets aussi forts dans nos précédentes collections. Je vois plutôt cette démarche comme un état d’esprit, un regard porté sur ce qui se passe actuellement dans le monde, ainsi que la relation entre les êtres humains. Je ne pense pas m’inscrire réellement dans le créneau politique.
C’est ton troisième show à Paris, tu te plais ici ? J’aime beaucoup la ville ! Et d’un point de vue professionnel, les meilleures équipes du monde sont ici. À chaque fois que nous venons ici, plus le temps passe, plus nous apprenons.
Comment imagines-tu ton futur ? Pour la suite, je souhaite continuer à interroger la relation entre l’être humain et la société. De manière plus générale, je ne sais pas si je peux vous dire exactement à quoi ressemblera le futur: sera-t-il positif, ou négatif… ? Mais en tant que designer, je me vois comme un miroir. Je reflète en quelque sorte le monde dans lequel j’évolue, ce qui s’y passe actuellement. Que ce soit dans l’immédiat ou dans dix ans, j’ai envie de continuer à faire des collections et de construire de nouveaux projets qui pourront rester dans l’Histoire. Je ne veux pas faire des choses éphémères.
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FAN2 Le chanteur canadien Peter Peter vient de publier son troisième album intitulé Noir Eden, un opus empreint d’une sensibilité sans pareil. Écrit à l’aide de la technique dite de l’écriture automatique, le disque couvre divers sujets personnels qui, étrangement, résonnent chez l’auditeur et l’enchantent dès la première écoute. Photos Victor Pattyn - Style Nicolas Dureau - interview jakob rajky Maquillage Yann Boussand Larcher - Coiffure Mathieu Laudrel Assistant style Kevin Montigny
Un an seulement s’était écoulé entre tes deux premiers albums, mais cinq années entre le deuxième et le troisième. Comment expliques-tu ça ? Il s’est passé beaucoup de choses. La durée de vie du deuxième notamment, qui était sorti en 2012 au Canada mais seulement en 2014 en France. Et puis j’ai emménagé en France, ce qui m’a pris plus de temps que je ne le prévoyais.
Inventée en France, l’écriture automatique semble très utilisée au Québec. Pourquoi selon toi ? Je ne sais pas. En ce qui me concerne, mes premiers jets sont toujours automatiques ; des mots s’échappent quand je fredonne sur mes airs. Puis des phrases et enfin les textes. Je parlerais donc plutôt d’une écriture naturelle. Une écriture d’instinct.
Qu’apporte selon toi cette spontanéité à ton œuvre ? Je suis curieux de ce qui se cache derrière. Je pense que l’auditeur aussi. J’aime les paroles cryptées, qui formulent dans l’esprit de belles images, qui peuvent conduire à une lecture sur plusieurs strates, induisant une connexion des inconscients. Je défends par là une liberté d’interprétation également.
Qu’est-ce qui t’a poussé à utiliser des sonorités électroniques ? C’est tout bêtement la force des choses. Je ne pouvais balader mon studio dans ma valise durant mon long transfert entre Montréal et Paris. J’ai dû faire au plus simple, et j’ai donc découvert la production par ordinateur. Je trouve poétique que l’électronique soit comme la musique de la solitude.
Tu as donc pris plaisir à une autre manière de composer ? Complètement. Je suis heureux de me rendre compte que je peux mener un projet jusqu’à son terme. J’ai bien évidemment mis un point final à l’album avec une équipe, mais il était déjà presque terminé. C’est gratifiant.
Les textes sont très référencés culturellement. Tu écris seul ? Oui, j’écris toujours seul. Ça me permet d’exposer ma personnalité. En termes de références, elles sont surtout littéraires.
Tu vas jusqu’à créditer ton chat sur ton album. Qui est-il pour toi, hormis un animal de compagnie ? C’est le chat de ma copine, en fait. Il m’a apporté la sérénité qui me manquait. J’ai composé Noir Eden à Montrouge, dans une période d’anxiété nationale, sous état d’urgence. J’ai été bluffé par son calme perpétuel. Les chats sont fascinants par leur maîtrise d’eux-mêmes. C’est une personne plus qu’un animal pour moi.
C’est quoi la mode pour toi ? Je ne peux pas nier que je choisis soigneusement mes vêtements. C’est quelque chose qui fait partie de la vie de tout le monde. Mais je t’avoue être parfois angoissé sur les questions d’esthétique. Je n’irais jamais de moi-même à la Fashion Week.
Scène ou studio ? Scène. Mais j’ai bien évolué sur la partie studio grâce à l’album.
Sucré ou salé ? Salé ! Le seul sucre que je mange est dans les fruits.
Hiver ou été ? L’été sans hésiter. Je ne me suis jamais habitué à l’hiver, bien que je sois Canadien.
Paris ou Montréal ? Paris, car j’y habite désormais.
Mer ou Montagne ? Pour sûr, la mer.
Ta tenue vestimentaire ultime ? Un jean noir, sûr… (après hésitation) Du noir.
Tu as vécu dans le 18e. Que peux-tu nous en dire ? J’aime sa dualité. C’est le premier arrondissement que j’ai connu. J’ai produit l’album à Montrouge, mais je suis retourné y vivre, près de Jules Joffrin.
Et pour finir, tu t’en es finalement sorti avec l’administration française ? Oui ! J’ai galéré mais tout va bien. Je suis en règle maintenant. Peter Peter Noir Eden (Sony Music)
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BUZZ En l’espace de seulement deux EPs, la jeune londonienne de 19 ans Rachel Keen alias Raye a su creuser son propre sillon parmi les nouvelles princesses de la pop anglo-saxonne, avec une touche indie R’n’B. Cette jeune auteurecompositrice-interprète a déjà une solide expérience musicale acquise durant huit ans d’écriture, de chant et d’enregistrement. Elle cartonne un peu partout actuellement avec le titre « You Don’t Know Me » coécrit avec le producteur Jax Jones. Photo Elliott Morgan - Style lee trigg - Interview JOSS DANJEAN Maquillage Salina Thind - Coiffure James Oxley Coordination Coline Bach - Assistant style Bo Dubé
Quelles sont tes origines ?
Je suis anglaise, car je suis née à Londres mais je suis aussi d’origine suisse et ghanéenne.
Quel est ton parcours musical ?
À l’âge de 8 ans, je m’amusais à écrire des chansons de Noël puis à 11 ans, j’ai demandé d’intégrer la Brit School. J’ai alors commencé à jouer du piano tout en continuant à écrire des chansons. Je voulais vraiment me frayer un chemin dans cette industrie mais sans trop savoir comment : j’avais déjà une passion presque dévorante pour la musique. Je me suis mise à écrire encore plus de chansons avec mon père et Mark, mon prof de guitare chaque soir après les cours. Grâce à Mark et un producteur dénommé James Earp, j’ai rencontré mon manager actuel alors que je n’avais que 13 ans. Après avoir beaucoup travaillé, j’ai pris confiance en moi-même et en ma musique : j‘ai quitté l’école à 16 ans et publié mon premier EP Welcome to the Winter. Tout est parti de là.
Quels sont les artistes que tu écoutais en étant plus jeune ?
Je me souviens très bien des CDs que j’écoutais en boucle : Loose de Nelly Furtado, Who is Jill Scott de Jill Scott, Thank Me Later de Drake, Unwritten de Natasha Bedingfield, Undiscovered de James Morrison et Bday de Beyoncé.
Quelle est ton icône musicale ?
Il y en a plusieurs mais le premier nom qui me vient, c’est celui de Nina Simone : sa voix, son histoire, sa flamme ! C’était une sacrée bonne femme et elle a utilisé sa musique et sa notoriété pour faire avancer sans relâche la cause des Noirs. Elle se moquait bien de la célébrité mais était vraiment attachée à la justice et je trouve ça formidable.
Ta musique est plutôt pop mais infusée de R’n’B et de sons expérimentaux. Comment as-tu trouvé ton style musical ?
Je crois qu’à force d’écrire des chansons cela m’est venu tout seul, tu sais exactement ce que tu aimes et ce que tu n’aimes pas. À présent, je travaille avec plusieurs producteurs comme Fred Gibson, Illangelo, Steve Mac, Mssingno ou encore Electric.
Tu as collaboré avec Charli XCX. Peux-tu nous en dire plus ?
Nous nous sommes rencontrées lors d’un camp d’écriture pour artistes. Elle a été géniale, c’est une fille vraie et je peux dire aujourd’hui que c’est une amie pour la vie. Elle m’a vraiment aidée à pousser ma musique encore plus loin alors qu’elle n’avait pas à le faire. Elle travaille comme une forcenée et j’ai appris à son contact comment obtenir ce que je veux, sous tous les angles.
Tu as effectué plusieurs featurings à succès, avec Jonas Blue l’an dernier et avec Jax Jones dernièrement. Comment choisis-tu ces collaborations ? Jax et moi, on a écrit ensemble « You Don’t Know Me » et il m’a demandé de la chanter officiellement : je suis vraiment heureuse car c’est un gros tube en ce moment !
Où puises-tu ton inspiration pour écrire des chansons ?
Ma vie, ce qui m’arrive en bien ou, moins bien, mes problèmes… Lorsque j’écris des chansons, c’est toujours très personnel ; je suis inspirée par tout ce qui m’arrive au quotidien.
Dans ton dernier EP, le titre « Shhh » a particulièrement attiré notre attention en raison de son style R’n’B très expérimental. Penses-tu poursuivre dans cette direction pour ton album ? Mon album – sur lequel je travaille actuellement – mêle pop et R’n’B avec des atmosphères expérimentales. Donc il y aura forcément des titres embrassant ce style musical. Avec l’album, j’ai fait des progrès mais j’aime aussi ce à quoi je suis arrivée sur le second EP. Donc on retrouvera également
cette atmosphère. Les paroles sont particulièrement importantes pour moi et j’y ai beaucoup travaillé.
Que fais-tu lorsque tu ne fais pas de musique ?
Je dors ( !), je regarde Netflix, je vais au pub pour jouer aux cartes et aux jeux de plateaux ou je vais aussi parfois en club ; j’adore danser.
Si tu n’avais pas fait de musique, quel job aurais-tu choisi ? Probablement avocate.
Quelles sont tes marques et designers préférés ?
Je peux citer Ashish, Adidas, Vetements, Vivienne Westwood…
Le Brexit, Trump aux États-Unis, le problème des réfugiés, les changements climatiques… Le futur n’a jamais semblé aussi sombre. Qu’en penses-tu ? Les jeunes sont le futur et si tu regardes les statistiques de leurs votes, ils ont principalement voté démocrate aux élections présidentielles américaines et étaient majoritairement contre le Brexit. Je pense que la nouvelle génération est plus ouverte et le futur assez sombre est plutôt une appréhension des générations plus âgées. J’aimerais juste que les jeunes fassent davantage entendre leur voix et votent car c’est en continuant d’être ouverts envers les autres, en supportant les communautés LGBT, en refusant systématiquement toute forme de racismes quel qu’il soit et en prônant l’amour que le futur sera plus radieux. RAYE EP #2 (Mercury/Universal)
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TOP ARIES BOXER PALM ANGELS VESTE ET PANTALON AINUR TURISBEK BOUCLES D’OREILLES O THONGTHAI SNEAKERS DIADORA
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CHEMISE À MANCHES LONGUES NICOPANDA VESTE ET PANTALON LIAM HODGES BOUCLES D’OREILLES DINNY HALL SNEAKERS DIADORA
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ENSEMBLE XANDER ZHOU BOUCLES D’OREILLES O THONGTHAI
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ENSEMBLE MARIA KE FISHERMAN BOUCLES D’OREILLES O THONGTHAI SNEAKERS DIADORA
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COMBINAISON SANKUANZ BOUCLES D’OREILLES DANNY HALL
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HOODIE FILLES À PAPA CHEMISE ET SHORT ASHISH BOUCLES D’OREILLES DINNY HALL
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à quoi bon se voiler la face There's no future in the past Efface une à une toutes les traces Qui t'obsèdent et te menacent Tu trouveras en toi la force qui déplace Des montagnes de neige et de glace, dressées devant toi
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nadiya feat. kelly rowland - no future in the past
Get up and dance everybody Get in the mood Give it all to me When the night is foul get in the mood cause nothing lasts There's no future in the past
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MABEL Mais qui est donc Mabel McVey ? Fille de la chanteuse et rappeuse suédoise Neneh Cherry et du producteur Cameron McVey, Mabel a été biberonnée avec une culture musicale éclectique dès son plus jeune âge – les clés et la bonne étoile pour réussir, en somme. Mais détrompez-vous : sous ses airs de lolita R’n’B, Mabel est loin d’être une simple « fille de ». Elle est avant tout une artiste déterminée qui se démarque grâce à son timbre vocal sulfureux, une créativité débordante et des paroles qui font frémir. Rencontre avec celle qui fait la pop de demain.
Photos Alex de Mora ∙ Style Jean Paul Paula ∙ Interview Elisabeta Tudor Maquillage Maria Asadi ∙ Coiffure Nuriye Sönmez avec les produits Leonor Greyl ∙ Assistant Style David Johnson Tous nos remerciements à Alex Sossah MODZIK - 41
TOP ET PANTALON EN DENIM MISBHV SOUS VÊTEMENT NHORM CUISSARDES MICOL RAGNI
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ENSEMBLE DANIELLE CATHARI T-SHIRT PORTÉ PAR DESSUS ADIDAS ORIGINALS CUISSARDES MICOL RAGNI
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MABEL Composer de la musique, Cela t’a semblé comme une évidence ou est-ce une sorte de défi ? Mes parents sont des musiciens. Quand j’étais petite, nous étions toujours en tournée et j’ai passé beaucoup de temps dans les studios d’enregistrement. J’ai aussi toujours écouté de la musique en boucle… Lauryn Hill, Destiny’s Child, Erykah Badu, Aaliyah, ma mère… Des femmes fortes ! Mais je suis vraiment tombée amoureuse de la musique lorsque j’ai commencé à la composer moi-même. J’ai appris à jouer du piano dès mes 5 ans et j’écrivais parallèlement des journaux intimes. Je me souviens du jour où je me suis rendue compte que je pouvais relier les deux, écriture et musique, et donc traduire mes mots et les accords en chansons. La relation de mes parents avec la musique a toujours été très inspirante : petite, je les voyais composer des chansons au studio. Ils travaillent ensemble depuis 30 ans et leur rapport à la musique est très pur. Comment écris et composes-tu tes chansons ? Mon processus d’écriture varie en fonction de mon humeur. Je note souvent des paroles dans mon téléphone. Toutes mes chansons parlent de choses réelles qui m’arrivent ou de gens qui me sont proches. Parfois, je commence un titre uniquement avec des accords et un rythme et d’autres fois, ce sont les paroles qui me viennent en premier. À quels genres musicaux se rattachent ta musique et ton timbre de voix ? Lorsqu’il s’agit de genre, je dirais que je fais plutôt du R’n’B. Mais j’aime une variété de genres, et j’essaie d’intégrer tous les aspects de mon héritage musical et de mes origines quand je compose. Je suis suédoise, anglaise et sierra-léonaise et donc issue de pays ayant de fortes racines musicales. La chose qui m’est la plus importante est de raconter des histoires et c’est ce que je réalise avec ma musique. Je veux parler aux gens de la même façon que le font mes idoles. Chacune de mes chansons est profondément personnelle et, bien qu’il soit difficile de se dévoiler, j’ai été très étonnée de voir les gens s’identifier aux choses auxquelles je fais référence dans mes compositions. À l’avenir, j’espère pouvoir continuer à raconter mes propres histoires en toute honnêteté.
fière des choses que ma famille a accomplies. Mais je suis aussi fière d’être autodidacte. Nous sommes tous très solidaires chacun vis-à-vis de l’autre, mais nous essayons de ne pas mélanger la famille et le travail pour autant. J’ai lu dans un magazine que lorsque tu étais plus jeune, tu cachais tes premières productions musicales… Était-ce si compliqué d’entretenir des rêves de musicienne en venant d’une famille comme la tienne ? J’avais l’habitude de cacher ma musique à ma famille parce que je voulais qu’elle soit uniquement à moi. Pendant les douze premières années de ma relation avec la musique, je ne la faisais que pour moi… À présent, même si je la fais encore pour moi, j’aime aussi la partager avec les gens. J’étais également légèrement intimidée du fait que mes parents sont de très grands musiciens ! Je suis déterminée et j’ai toujours su qui je voulais devenir : une musicienne. Je suis allée à Londres à 18 ans, j’ai trouvé mes propres contacts puis j’ai mis une chanson sur Soundcloud. Je voulais le faire sans l’aide de mes parents pour laisser ma musique parler d’elle-même. Est-ce important pour toi d’appeler à l’émancipation des femmes au moyen de tes chansons ? Il est important en tant qu’artiste féminine de parler de et pour d’autres femmes. Je veux que les jeunes femmes sentent que tout est réalisable et qu’il leur est possible de réaliser leurs souhaits. Je pense que les femmes artistes ont le pouvoir d’autonomiser les autres femmes. Beyoncé, Solange et Rihanna me donnent de la force quand j’écoute leurs chansons. Cela dit, beaucoup de femmes ont tendance à s’opposer les unes aux autres dans l’industrie musicale. Nous devrions plutôt travailler ensemble, être
Quel âge avais-tu lorsque ton père manageait Massive Attack et quels souvenirs en as-tu ? Est-ce que ta mère, Neneh Cherry, t’a influencée ? Mon père travaillait déjà avec Massive Attack lorsque je suis née. Ma mère est une chanteuse et mon frère est chanteur-auteur-compositeur. Nous sommes une famille de musiciens et je suis très
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MABEL plus soudées. Unies, nous sommes plus fortes et il ne devrait jamais y avoir de concurrence entre nous, nous devrions accepter et cultiver la pluralité de nos voix. Nous avons vu ton post « Raybel » que tu as publié sur Instagram avec la mention « We are the future »… C’est drôle parce que Raye est aussi dans ce numéro et que ça colle parfaitement avec notre thème ! Raye est tout simplement maaaaaagnifiiique ! Elle est si géniale en tant qu’artiste et auteure-compositrice. Et, bien que nous n’ayons encore rien planifié, nous avons écrit un peu ensemble et je suis sûr que quelque chose se produira entre nous dans l’avenir ! Tu sors ton premier EP intitulé Bedroom EP le 26 mai chez Polydor Records. Parle-nous un peu de ce nouveau projet… Cette réalisation a été une expérience qui a changé ma vie. J’ai énormément appris sur moi-même en tant que personne et artiste. J’ai beaucoup expérimenté et essayé de fusionner mes différentes influences pour créer quelque chose de cohérent, qui raconte une histoire originale. Le résultat est très émouvant et fortement influencé par tous les artistes écoutés en grandissant. Sur Bedroom, je parle de ma vie durant ces dernières années, de bonnes et des mauvaises relations, de problèmes familiaux, d’amour, de sexe, d’amitié, etc. J’ai hâte qu’il sorte pour que les gens l’écoutent !
Tu as collaboré avec une panoplie d’auteurs-compositeurs reconnus, dont Joel Pott, Marlon Roudette, Jin Jin, Levi Lennox et Negin Djafari. Comment ont-ils influencé ta musique ? Les collaborations musicales sont très importantes pour moi. C’est impressionnant comme on peut aller loin, en ce qui concerne la création, avec une chanson lorsque plusieurs personnes travaillent dessus. Nous sommes tous différents et nous composons tous à notre façon, ce qui signifie que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Y a-t-il d’autres artistes et compositeurs avec lesquels tu souhaiterais collaborer dans un futur proche ? J’adorerais travailler avec Kehlani, Frank Ocean, Drake ou Sampha. Enfin, quels sont tes rêves pour l’avenir ? Le fait d’être en mesure de continuer à écrire et à faire de la musique est déjà un rêve devenu réalité, mais j’aimerais également gagner quelques Grammys… je dis ça, je dis rien ! Je veux que ma musique et ma carrière se développent et que je puisse faire ce que je fais actuellement pour le restant de mes jours ! Mabel Bedroom EP (Polydor /Universal Music)
Quel titre te tient particulièrement à cœur et pourquoi ? Je dirais que mon titre préféré est probablement une chanson appelée « Talk About Forever ». Je parle d’une femme qui reste fidèle à elle-même et qui ne se laisse pas influencer par les hauts et les bas de ses relations amoureuses.
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MABEL LUNETTES DE SOLEIL FENDI BOUCLES D’OREILLE VINTAGE CHANEL SURVÊTEMENT DANIELLE CATHARI
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MABEL MANTEAU NHORM BIJOUX PERSONNELS
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MABEL SWEATSHIRT MICOL RAGNI TOP PORTÉ EN DESSOUS ADIDAS ORIGINALS BOUCLE D’OREILLE O-THONGTHAI
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MANTEAU LONG ET PANTALON NHORM PARKA HELLY HANSEN BOTTES MICOL RAGNY BRACELET AMBUSH
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MABEL CHEMISE ET PANTALON ASHISH . T-SHIRT SUPREME SNEAKERS ADIDAS ORIGINALS . BOUCLES D’OREILLES VINTAGE CHANEL
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MABEL TOP ADIDAS ORIGINALS . COMBINAISON PETER MOVRIN . TANGA AMERICAN APPAREL . BOUCLES D’OREILLES VINTAGE CHANEL
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MABEL SWEATSHIRT JUUN. J SNEAKERS ADIDAS ORIGINALS
CHEMISE ASHISH BOUCLES D’OREILLES VINTAGE CHANEL
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SURVÊTEMENT SUPREME BRASSIÈRE ET CUISSARDES MICOL RAGNI LUNETTES DE SOLEIL FENDI BIJOUX PERSONNELS
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CHANGE DE DISQUE
FRÀNÇOIS AND THE ATLAS MOUNTAINS Le sursaut Il y a des tournants dans l’Histoire qui poussent ceux dont la voix porte à lancer un message. Message qu’ils jugent utile et nécessaire. Frànçois and the Atlas Mountains est de ceux-là. Le groupe publie chez Domino Records son troisième album intitulé Solide Mirage. Interview Jakob Rajky
«On commence à très bien s’entendre et ils sont de bons conseils. Ils ont une bonne diffusion dans les grands médias, ce qui nous assure une belle assise mais ils gardent surtout leur esprit indé qui nous sied à merveille.» La relation de confiance qui s’est installée entre le groupe et leur label, Domino, est perceptible dans le ton de François Marry dès le début de l’interview. Très présents lors de leur tournée monstre pour le consacré Piano Ombre de 2014 et son entêtant single « La Vérité », ils ont respecté le choix du groupe de voguer vers des eaux plus sombres et intimistes jusqu’à la conception de ce dernier disque. Un disque dont la genèse prend place à la veille des attentats de novembre, et fait alors prendre à l’album une tournure et un sens presque inattendus. «Ça a changé la vie de tout le monde, du jour au lendemain, et il est clair que l’album aurait été plus léger sans ces événements. Évoquer ce qui arrive, c’était un réflexe. Il y a une résonance générale qui développe une tendance, en tout cas chez les artistes que je côtoie. Celle de chercher une manière de se lier et d’avoir une aura au delà des niches qu’on s’est fabriquées.» L’album le plus abouti du groupe, où s’alterne les métaphores et dans lequel les jeux de mots abondent, exorcise des temps difficiles. «C’est une question de survie, il est temps
de sortir de sa bulle et d’aller vers les autres car la seule solution est l’espoir mutuel. Aussi paradoxal que cela puisse sembler.» Les paradoxes ne manquent certainement pas dans ce Solide Mirage. Le titre le plus révélateur de cette dualité est certainement « Apocalypse à Ipsos ». François l’explique ainsi : «Pensée comme une ballade plutôt lancinante, j’avais vraiment envie de faire vivre ce texte, alors j’ai joué sur le jeu de mots entre l’apocalypse et la calypso, qui est un rythme des îles jamaïcaines, et qui à l’époque servait à communiquer les nouvelles. Je l’avais écrit en regardant les tapisseries de l’Apocalypse à Angers, que l’on targue d’être prophétiques, à l’image de leur prémonition de Tchernobyl, ou de la représentation des dragons crachant des grenouilles qu’on peut assimiler à la mauvaise parole des médias actuels. Ce morceau cyclique dans sa conception a finalement pris tout son sens avec cette rythmique joyeuse.» Et Ipsos ? «L’institut de sondage, évidemment. Qui représente un réel perturbateur de l’opinion.»
Frànçois and the Atlas Mountains Solide Mirage (Domino Records)
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CHANGE DE DISQUE
SYLVAN ESSO What Now Le duo originaire de Caroline du Nord revient avec un sophomore, What Now, suite logique de leur premier album éponyme de 2014. Quand ce dernier voguait au gré d’une pop électronique sucrée et définissait le son du groupe, une pop mutine et rêveuse, What Now change radicalement de registre sur le fond, mais pas la forme. Texte Jakob Rajky
Amelia Meath et Nick Sanborn continuent dans leur droite lignée indie pop électronique, mais le contenu s’enorgueillit de sujets sociétaux, presque politiques. L’album ayant été conçu durant la campagne électorale américaine acharnée de l’année dernière, c’est donc tout naturellement qu’aux gimmicks pop entêtants habituels s’ajoute le chaos d’un monde en pleine remise en question. Amelia l’explique en toute simplicité : « C’est passionnant d’écrire des chansons qui questionnent, plutôt que des chansons déclaratives. J’aime le storytelling, mais il est tellement plus intéressant de mettre en scène et dépeindre un tableau. Je suis beaucoup plus enthousiasmée par l’exploration des différents plis d’une situation. » C’est certainement aussi ce qui propulse la
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musique du groupe dans une autre dimension, la profondeur de champ ajoutée par les propos viscéraux du groupe sublime la voix organique et divine d’Amelia tout autant que l’instrumentalisation analogique léchée de Nick. Comme si danser sur ses propres malheurs pouvait atténuer la douleur des enjeux, tant personnels que communs, dans le moment le plus charnière de l’histoire du monde. Et de se demander ensuite : « Et maintenant ? » Le groupe se produira en concert à Paris le 5 mai 2017, au Point Éphémère.
Sylvan Essso What Now (Loma Vista Recording)
CHANGE DE DISQUE
SUPERPOZE La musique des éléments Parmi la nouvelle vague des artistes électro hexagonaux, Superpoze a su creuser son sillon musical singulier et imposer son style et sa démarche artistique. Avec For We The Living, il refuse une fois de plus tout compromis et livre un album à la fois texturé et mélodique recelant sa dramatique propre. Texte de Joss Danjean
Ce nouvel opus est un album instrumental, avec beaucoup d’espace, qui pourrait faire penser à une musique de film mais cela va bien plus loin. « Quand j’ai commencé à concevoir cet album, j’ai lu des ouvrages de vulgarisation sur le land art et les artistes qui considèrent les catastrophes naturelles comme l’“expérience artistique ultime”. J’ai notamment commencé à m’intéresser à un certain Walter De Maria qui dans les années soixante a réalisé une installation intitulée « The Lightning Fields » pour laquelle il a planté des pieux dans une zone du NouveauMexique propice aux orages. J’ai trouvé cela vraiment très inspirant. Aujourd’hui, nous sommes trop souvent désabusés parce que submergés d’informations avec internet. Au final, qu’est-ce qui nous donne encore le vertige ? Les phénomènes naturels, car ils échappent totalement à notre contrôle : tremblements de terre, tsunami… ces événements bien que dangereux voire mortels nous font nous sentir plus vivants et chanceux d’être là. D’ailleurs, le huitième et dernier morceau de l’album qui s’intitule « The Importance of Natural Disasters » réutilise un texte signé de Walter De Maria. Parmi mes leitmotivs, il y a la quête du vertige dans
la musique : dans le morceau « For We The Living » qui donne son titre à l’album, une sorte de marche s’installe et est arrêtée de manière abrupte par l’arrivée d’un piano sec et brut matérialisant le point de rupture et l’arrivée de la catastrophe. Une sensation similaire à ce que l’on peut ressentir en regardant des films comme Interstellar ou Premier Contact, et que j’essaie de transmettre aussi dans ma musique. Mais ma démarche ne se limite pas seulement à cela : l’album est divisé en deux, avec une première partie plus ronde et percussive et une seconde plus apaisée. Si mon premier album, Opening, était plutôt un disque apaisé, ce nouvel opus en est pour moi la suite logique – la contextualisation du calme lui-même. » Bien sûr, on peut tout aussi bien apprécier sa musique sans intellectualiser sa démarche, en se rendant perméable à ses émotions à la simple écoute du disque. Avec ce second album, Superpoze se place en architecte sonore dont le futur semble radieux.
SUPERPOZE For We The Living (Combien Mille Records)
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CHANGE DE DISQUE
JOAKIM En mode Kabuki Producteur de renom, remixeur émérite et boss des labels Tigersushi et Crowdspacer, Joakim n’est pas du genre à se répéter et il le prouve encore une fois avec un nouvel album luxuriant, à la fois réfléchi et spontané. Texte de Joss Danjean
Joakim Bouaziz quitte donc les « Tropiques de l’amour » de son précédent opus pour s’aventurer au pays du Soleil-Levant à la rencontre des Samouraïs. Il cite l’ouvrage de Mishima Le Japon moderne et l’éthique samouraï comme influence majeure de cette nouvelle aventure musicale où il s’est autorisé toutes les facéties : autant fasciné par les idées progressistes que les dogmes ultra-conservateurs que véhicule ce livre, le tout plongeant le lecteur dans une sorte d’étrange schizophrénie articulée. D’ailleurs, dans la vidéo de « Numb » réalisée par Adrian Yu, Joakim s’est même laissé allé à parodier les tutoriels de maquillage en vogue en l’adaptant aux techniques traditionnelles en vigueur dans le Kabuki, n’hésitant pas à donner de sa personne. Désormais basé à New York depuis cinq ans, Joakim, qui vient de produire le nouvel album de Juveniles, s’est lancé dans l’aventure de ce nouvel album en essayant de retrouver la candeur de ses débuts : « Samuraï est un album personnel, plus que mes deux ou trois précédents en tout cas. J’ai aussi essayé de retrouver les émotions et la spontanéité de mes débuts, quand il y a moins de filtres, retrouver quelque chose proche de la naïveté, avant que l’oreille ne devienne trop professionnelle. Mon déménagement à New York m’a aussi appris ce que signifie l’exil, au sens propre comme au sens figuré, être loin de chez soi et être loin de soi. Mais aussi retrouver le chemin du retour à soi. Ce nouveau disque résume un peu tout cela. Si je devais le rapprocher d’un autre album de ma discographie, je dirais Fantômes, qui reste à ce jour mon album préféré. À force
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de faire de la musique, tu développes facilement des automatismes, tu comprends mieux comment ça fonctionne mais tu perds aussi un peu en fraîcheur, je trouve. Ici, je n’ai eu de cesse de me rappeler ce que signifie faire de la musique et ressentir le besoin de communiquer une émotion. L’année dernière, je suis beaucoup resté enfermé en studio à travailler – mais pas que pour moi – j’ai aussi bossé avec des groupes et d’autres artistes. Chemin faisant, je me suis également mis à écouter beaucoup de musiques japonaises, Sakamoto, bien sûr, mais pas seulement. J’ai regardé des vidéos comme Akira pour me plonger dans une certaine ambiance. Mais aussi de l’ambiant… Même quand je produis j’écoute en permanence de la musique et cela me nourrit. Un des autres artistes qui m’a complètement bluffé et qui est d’ailleurs connecté à cette ambiance japonisante c’est Oneohtrix Point Never. Je peux dire sans hésiter que c’est l’artiste d’aujourd’hui qui m’influence le plus. La façon dont j’ai travaillé de manière très parcellaire avec beaucoup de débuts de morceaux que j’ai composés alors que j’attendais des feedbacks de groupes dont je produisais l’album m’a permis de prendre un peu de recul et de voir ce qui allait ensemble, ce qui donne au final un disque je pense plus cohérent même s’il est le reflet de beaucoup d’influences, du krautrock à la musique baléarique, du funk à l’indie pop. » JOAKIM Samuraï (Tigershushi/Because)
THOMAS AZIER
D’Amsterdam, d’où il vient, à Berlin, où il a vécu, Thomas Azier a grandi et publié un premier album électropop futuriste, Hylas, en 2014. Succès retentissant auréolé d’une immense tournée et d’une campagne pour le parfum « La Nuit de L’Homme » d’Yves Saint Laurent 2016-2017. Thomas quitte ensuite Berlin, s’installe en France et collabore avec Dan Levy de The Dø pour son nouvel album, Rouge.
Photos Sascha Heintze ∙ Style Nicolas Dureau ∙ Direction Artistique Boris Zawodny ∙ Mise en beauté Camille Basson ∙ Interview Jakob Rajky Assistant Photos Mikael Fakhri ∙ Assistant Style Kevin Montigny ∙ Lieu Nouveau Printemps Homme 64 Boulevard Haussmann 75009 Paris MODZIK - 59
PULL LY ADAMS AU PRINTEMPS PARIS ∙ ÉCHARPE EN SOIE BRUMMELL AU PRINTEMPS PARIS 60 - MODZIK
Ton premier album, Hylas, a eu un beau succès. Est ce que tu t’y attendais durant l’enregistrement ? Pas vraiment ! J’ai travaillé dessus durant une très longue période. Je pense d’ailleurs que c’est un album qui se découvre, le chemin qu’il parcourt d’une personne à l’autre est long. Un premier album est une œuvre créée depuis le début de ton existence, c’est donc très long. Il semble que tu aies travaillé très dur pour ce premier album. Comment se lance-t-on alors dans l’enregistrement d’un second après un succès et une tournée pareille ? J’agis toujours avec mes tripes, de manière très instinctive, et je ne pouvais pas attendre avant de créer de nouveau. Je peux passer des jours entiers, seul, au studio, avec mon ordinateur et le piano, en essayant d’approcher ce que j’entends dans ma tête. Penses-tu que Rouge aura autant de succès que Hylas ? Aucune idée ! Ce sont deux albums assez différents, les gens auront à le découvrir et le juger par eux-mêmes. Tu as pris un chemin différent pour Rouge. Il sonne plus pop, et est bien plus coloré. T’expliques-tu ce choix ? Tout comme Hylas, Rouge tourne autour des morceaux, mais j’ai décidé cette fois d’en faire le centre de l’album. Si tu l’écoutes attentivement, tu percevras que la plupart des morceaux de Hylas sont des pop songs pouvant être jouées sur n’importe quel instrument. C’est la même chose pour Rouge, la seule différence étant que j’ai voulu épurer tous les filtres et mettre en lumière les paroles et ma voix, ce qui est assez effrayant. Parfois on peut se sentir vraiment nu… Mais c’était quelque chose d’intéressant à explorer, et j’ai surtout vu ça comme un challenge.
Dirais-tu que tu as grandi depuis Hylas ? Et de quelle manière ? Je ne dirais pas que j’ai grandi, mais plutôt changé, dieu merci. Ce serait fichtrement ennuyeux autrement, non ? Rester le même… On apprend toujours de nouvelles choses, et ça se reflète dans la musique que tu produis. Je pense qu’être musicien procure des clés qui donnent du sens, ce qui est très positif. Tu as collaboré avec Dan Levy (The Dø). Que peux-tu nous dire de sa manière de travailler ? Dan est très talentueux. J’ai trouvé en lui un homologue avec qui je peux échanger des idées. Il joue de tellement d’instruments qu’il peut exploiter une idée rapidement. C’est comme si plusieurs musiciens cohabitaient en lui et qu’il pouvait les utiliser quand bon lui semble. C’est exactement ce que je recherchais. Si tu écoutes l’album, c’est dingue de se dire qu’on ne l’a fait qu’à deux, en travaillant depuis deux studios distincts et en échangeant des idées par va-et-vient. Tu pars donc en tournée après trois années à écrire cet album. Tu préfères la scène ou le studio ? Je ne pense pas avoir travaillé aussi longtemps sur cet album ! Deux ans, j’espère. J’aime beaucoup les deux, chacun pour ses caractéristiques propres. J’ai toujours apprécié être en studio car c’est ma zone de confort, la solitude en compagnie de mes instruments et ma musique. Mais je perçois un changement, je me sens plus à l’aise sur les routes, surtout depuis que j’ai le groupe, et l’équipe, autour de moi, pour la scène. J’y prends beaucoup de plaisir, comme si un groupe d’amis prenait du bon temps. C’est nouveau pour moi.
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THOMAS AZIER VESTE DE COSTUME BRUMMELL AU PRINTEMPS PARIS SWEAT ZIPPÉ AMI EN EXCLUSIVITÉ POUR LE PRINTEMPS
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En termes de nouveauté, pourquoi être venu vivre en France ? Et bien, après dix années à Berlin, et la sortie de Hylas, j’ai eu besoin d’une nouvelle ambiance. Mais je ne dirais pas que je vis à un endroit précis. Comme beaucoup d’artistes, je voyage énormément ; j’honore tout de même souvent ma sainte trinité : Amsterdam-Berlin-Paris. Mais j’aime changer d’air, hors d’Europe aussi. Ça me donne tant d’énergie. Quel lien entretiens-tu avec elle ? Quelle en est ta vision ? La mode est amusante pour moi, et j’aimerais garder ce rapport avec elle. Parfois, elle devient trop sérieuse, comme ma musique. Et l’un de mes objectifs pour cet album, et dans ma vie, est de vivre. Prendre du plaisir. Et de cette manière, c’est cool de s’apprêter. J’aime d’ailleurs beaucoup le côté artisanal des vêtements, quand la matière est agréable et que la coupe te fait t’y sentir bien. Thomas Azier Rouge (Virgin/Universal Music)
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THOMAS AZIER COSTUME BEIGE ET COL ROULÉ BRUMMELL AU PRINTEMPS PARIS MOCASSINS CARVIL AU PRINTEMPS PARIS CHAUSSETTES FALKE
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THOMAS AZIER
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THOMAS AZIER COSTUME BEIGE ET COL ROULÉ BRUMMELL AU PRINTEMPS
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THOMAS PORTE SON HABIT DE SCÈNE 68 - MODZIK
La force du Cameroun Yaoundé, décollage immédiat. Notre styliste Louis Philippe de Gagoue, transportant une belle panoplie de tenues Edun dans ses valises, part à la découverte de l’artiste Reniss et de son Mboko pop chanté en anglais, français, pidgin et nguemba. « La Sauce », son titre phare, a su conquérir les cœurs sur le continent africain et au-delà. La musique est une sauce fragile, elle prend ou elle ne prend pas. Mais la chanteuse camerounaise n’a pas de soucis à se faire, la sienne, plus épicée que jamais, a été portée à ébullition. Rencontre avec la nouvelle star de l’afro-pop.
Photos & Style Louis Philippe de Gagoue ∙ Maquillage Tagne Alida ∙ Coiffure Nchang Mirabelle Ndifor ∙ Interview Elisabeta Tudor Mode EDUN ∙ Lieu Hôtel Mont Fébé, Yaoundé, Cameroun ∙ Remerciements Rachel Burke, Blanche Deldaele, Alain Lombart
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ENSEMBLE EDUN
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RENISS TUNIQUE EDUN MODZIK - 71
Parle-nous de toi, de ta vie, de ce qui a fait que tu es la personne que tu es aujourd’hui. Je suis originaire de Mankon, au Cameroun, et j’ai grandi à Douala. La musique a toujours été une partie de moi et une passion qui s’est maintenue jusqu’à ce que je décide d’en faire un métier à 21 ans. J’étais vraiment active dans la chorale de mon église où nous répétions minimum trois fois par semaine. La rencontre avec Jovi, mon producteur et fondateur du label de musique New Bell Music (N.D.L.R. : label camerounais, défricheur de nouveaux talents), a eu lieu il y a neuf ans. Ça a été un vrai déclic car c’est lui qui m’a véritablement initié. Son soutien et ses conseils m’ont permis de comprendre que je pouvais faire de cette passion un métier. Comment décrirais-tu ton style musical, le Mboko pop ? Quand je chante, j’essaie de le faire d’une manière spécifique, celle de ma mère, ma grand-mère et de mon arrière-grand-mère. Je chante à la manière de nos ancêtres. J’essaie de valoriser la culture africaine. Pour moi, mon style musical « Mboko pop » est le reflet de ce que je suis en train de vivre à un moment précis et les gens « Mboko » sont des personnes vraies et naturelles. Quelles sont tes icônes musicales et pourquoi ? J’ai écouté beaucoup d’artistes en grandissant. Certains m’ont influencé comme Bébé Manga, Monique Séka, Annie Anzouer, Bella Bellow, Miriam Makeba et Cesaria Evora. Pour moi, ces légendes de la musique africaine inspiraient et représentaient la force et le pouvoir. C’est d’ailleurs pour cette raison que je les écoutais religieusement. Mon ressenti est différent d’une artiste à l’autre. Miriam Makeba a tellement d’énergie, l’écouter me booste à fond, tandis que Cesaria Evora me fait pleurer, ses mélodies sont si tristes. J’en ai parfois besoin. C’est naturel et nous avons tous besoin de pleurer pour X ou Y raison. Quant à Bébé Manga, elle a de l’âme. Chaque fois que je l’écoute, c’est comme si elle était assise à côté de moi. Toutes étaient des femmes fortes et dynamiques. Est-ce important pour toi d’allier moderne et traditionnel dans ta musique mais aussi dans ton look ? C’est important pour moi de valoriser ma culture africaine, que ce soit dans mon style vestimentaire ou ma musique. En chantant comme en m’habillant, mon africanité doit transparaître. Je conçois, dessine moi-même mes tenues de scène, et c’est un plaisir pour moi de les mettre. C’est également une manière d’encourager les femmes dans cette voie du « made by me ».
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Avec « La sauce » tu tiens un vrai hit. Est-ce que tu peux nous parler plus de la signification sulfureuse de ce titre ? Oui c’est un hit, je le confirme au vu de la ferveur qu’elle a créée sur le plan national comme international, et je dis merci à mon producteur Jovi qui est au four et moulin de ce chef-d’œuvre musical. En effet, quand nous étions au studio, travaillant sur cette chanson, nous savions que les gens allaient aimer la chanson, mais n’avions pas la prétention de penser qu’elle allait prendre cette dimension (N.D.L.R. : plus de 3 millions de vues sur YouTube). Par ailleurs les choses ont vraiment changé et pour moi c’est une grâce, ma fan base a pris du volume. Ma chanson « La Sauce » aborde différents sujets : l’amour, le mariage et la jalousie.
Quels sont les autres chansons récentes qui te tiennent à cœur ? Mes deux préférées sont « Dashiki » et « Pilon ». La première raconte une histoire d’amour où une fille apprécie son compagnon et « Pilon » est une chanson dont le message est de booster les femmes. « Pilon » est une femme forte, capable de faire plusieurs choses en même temps, et qui réussit toujours. Ces deux chansons figurent dans mon premier album Tendon. Tu as un don pour les langues et tu passes de l’une à l’autre sans beaucoup d’efforts. Dans quelle langue préfères-tu chanter et pourquoi ? J’aimerais pouvoir parler toutes les langues du monde. Le plus que je peux faire avec ma musique est de chanter celles que je connais déjà. Sur Tendon, je parle anglais, français, pidgin et nguemba. Dans mon nouvel EP, j’ai chanté dans d’autres langues également, notamment en portugais sur une reprise d’une chanson de Cesaria Evora. À quoi peut-on s’attendre pour Reniss courant 2017 ? Pour la Journée internationale de la Femme, le 8 mars 2017, j’ai sorti un EP intitulé Reniss Chante Les Classiques. J’y reprends ici surtout les chanteuses qui m’ont influencé – Cesaria Evora, Miriam Makeba, et Bébé Manga. Je sortirai aussi de nouvelles vidéos cette année puis je vais partir bientôt pour une longue tournée en Afrique et en Europe qui débutera fin mars par le Tchad. Reniss Tendon (New Bell Music)
Remerciements à Edun
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ENSEMBLE EDUN
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RENISS PULL EDUN
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DÉCRYPTAGE
L’avenir de la mode est-il politique? Dépassant les notions de style et de bon goût, la mode s’accroche de plus en plus à la triste réalité de son époque pour construire sa modernité, en dépit des clichés de superficialité et de futilité qui lui collent à la peau. Entre t-shirts à message comme au temps du bon vieux Che et défilés à la mise en scène plus proche du manifesto que du catwalk, les créateurs veulent refléter diverses problématiques de société. Plus les collections passent, plus la mode se taille une place sur l’agora avec des engagements politiques parfois consistants, loin de la vanité qu’on lui prête. Et si la mode œuvrait à un monde meilleur ? Texte Florence Abitbol
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Il semble bien que oui ; les créateurs s’avancent désormais sur le champ politique par le biais du vêtement. Un véritable défi qui consiste à matérialiser des revendications en allant plus loin que les mots, sans forcément les abandonner. Suivant le sillon nauséabond semé par Trump, les créateurs répliquent aux propositions les plus problématiques du nouveau président des États-Unis. Il faut avouer qu’entre la remise en cause du droit à l’avortement, les mesures anti-LGBT et les lois anti-immigration, le nouveau Président leur donne du fil à retordre. Au travers de leur marque Namilia, le duo de créatrices Nan Li et Emilia Pfohl font passer leurs revendications avec des accents féministes grâce au slogan « My Pussy My Choice » (collection printemps-été 2016), revendiquant avant tout leur position pro-sexe au sein du féminisme, avec un phallus comme motif récurrent. Pour l’hiver prochain, une armée de motardes guerrières, à mi-chemin entre Mad Max et le salon du Tuning, se tiennent « prêtes pour la Trumpocalypse », comme le clamaient leurs tops. De son côté, Diesel vient aussi au front avec sa campagne flowerpower 2.0 « Make Love not Walls » pour le printemps-été 2017. Le mur frontalier avec le Mexique promis par Trump cristallise aussi l’engagement chez le créateur Ashish Gupta qui, aidé de la make-up artist Isamaya Ffrench, a maquillé les visages de ses modèles en masque de catcheur mexicain pour son défilé automne-hiver 2017/18 à Londres. Tous se rallient en faveur d’un futur plus ouvert d’esprit, une lutte qui est désormais devenue une affaire personnelle pour certains créateurs.
Depuis le début de la course à la Maison Blanche, les médias scrutent les habits de Melania Trump pour savoir qui a osé habiller la First Lady au mari tant décrié. Sophie Theallet, la créatrice française qui a habillé Michelle Obama, le célèbre Tom Ford et bien d’autres créateurs ont clamé leur refus d’habiller la nouvelle première dame. Certains ont choisi une forme différente de résistance, plus active, en s’exprimant de plein fouet dans la presse pour manifester concrètement leur opposition. Si la polémique liée à la femme du nouveau chef d’État peut sembler risible, les élections américaines et leur résultat ont engagé les créateurs de manière inattendue sur le terrain parfois glissant de la politique. Quand le Vogue US s’engage en faveur d’Hillary Clinton pendant la campagne présidentielle, tandis que Balenciaga affiche avec sa collection homme de l’automne-hiver 2017/18 son soutien – certes un peu tardif – pour l’ex-candidat Bernie Sanders, l’industrie du luxe revendique une certaine évolution vers un engagement politisé, encore à ses balbutiements, mais décidément bien présent : la mode et la politique feraient-elles bon ménage ?
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Évidemment, la mode n’a pas levé le poing uniquement pour faire face aux conflits liés à l’arrivée au pouvoir du président Trump. La marque HypePeace, dont le simple nom dévoile le programme, détourne les logos des marques pointues pour faire passer un message politique sur des hoodies et des t-shirts et reverse l’ensemble des profits à des associations en faveur des causes défendues. Avec sa ligne Pray pour les Syriens, elle reprend le cœur de Comme des Garçons tandis qu’un logo aux couleurs de la Palestine devient la réplique engagée du triangle de Palace, sauce HypePeace. En plaçant dans le quotidien des opinions sur des conflits éloignés pour une partie de la population, la mode fait plus que passer un message et offre la possibilité d’une prise de conscience. Ainsi, elle s’inscrit d’office dans le champ politique, soit précisément un avis exprimé aux yeux de tous, en place publique. Mais pour entrer dans le champ politique à long terme, la mode doit composer avec son besoin de créativité et de renouvellement, quitte à faire face au reproche de récupération. Entre les clichés et le fonctionnement de son industrie, sa mobilisation peut vite être perçue comme une forme d’opportunisme. Les dents avaient déjà grincé lors du défilé Chanel pour la saison printemps été 2015. Un défilé présenté sous forme d’une manifestation de rue aux accents féministes. Les mannequins y brandissaient des pancartes aux slogans politisés, mimant le geste de la contestation. Aujourd’hui, c’est Maria Grazia Chuiri, nouvelle directrice artistique de la maison Dior – et toute première femme à la tête de la maison de luxe – qui choisit de mettre le féminisme en avant au moyen de ses premières collections, histoire de remettre la mode entre les mains des femmes. Avec Chimamanda Ngozi Adichie assise au premier rang de ses défilés et des bribes de son discours TEDx de 2013 inscrites sur les créations de Chiuri, la cause féministe portée par l’auteure nigériane semble avoir largement inspiré la directrice artistique italienne. Côté vêtement, le new look est au t-shirt blanc manifesto « We should all be feminist », aujourd’hui vendu pour un prix à trois chiffres. Nous devons tous être féministes, oui, mais à quel prix ? Cet écart entre le message inclusif et le panel forcément restreint des consommatrices et consommateurs possibles n’a pas manqué d’être pointé du doigt, questionnant la démarche de la créatrice. Qui était réellement visé par cette déclaration ? Toutes les femmes et hommes émancipés du monde, ou le portefeuille bien garni de la clientèle Dior ? Si l’industrie redonne petit à petit la main aux femmes à la tête de maisons de couture, à l’instar de Clare Waight Keller nommée chez Givenchy pour succéder à Ricardo Tisci, la politique féministe à l’échelle du consommateur suscite beaucoup plus de polémique. Bien que contesté, à son échelle, ce simple t-shirt
participe ainsi à créer un engouement autour de l’empowerment de la femme – à savoir l’autonomisation des femmes à travers l’acquisition et l’accroissement de leur pouvoir en société – mais il semble également surfer sur la vague d’un phénomène qui a mis plusieurs décennies à se construire. D’un autre côté, a-t-on le droit de douter de la sincérité d’une telle revendication, surtout lorsqu’elle émane d’une femme ? Son statut de marque de luxe doit-il prendre le pas sur l’engagement de ceux qui façonnent et font évoluer la maison Dior? Premier pas d’un engagement, la diffusion d’un message devrait logiquement se doubler d’actions pour réaffirmer la teneur féministe de la démarche. Prabal Gurung s’est engagé lui aussi sur la pente glissante des t-shirts à message édités en version luxe lors de son dernier défilé, rendant tout de même hommage à la musicienne et militante féministe Alix Dobkin, immortalisée en 1975 par la photographe Liza Cowan. Le t-shirt emblématique d’Alix comme de Prabal au slogan « Future is Female » (crée pour l’ouverture de la première librairie new-yorkaise dédiée aux femmes) reste malheureusement d’actualité, preuve qu’on court toujours derrière le futur. Le créateur américain saisit cependant l’occasion pour faire passer d’autres messages sur t-shirt lors du même catwalk. Avec « I have a dream », il se rapproche ainsi d’une pensée militante antiraciste, toujours avec légèreté. Si les prises de conscience politique de ce milieu privilégié devant les problèmes qui touchent le reste du monde au quotidien sont à saluer, elles n’en changent pas pour autant la face du monde.
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DÉCRYPTAGE Pour celles qui n’ont pas les moyens d’affirmer leur engagement en Dior ou en Prabal Gurung, la fast-fashion n’a pas manqué de réagir promptement, livrant sa propre version tout aussi inclusive du féminisme. Avec sa campagne She’s a Lady pour l’automne-hiver 2016/17, H&M souhaitait célébrer les femmes dans leur diversité. Sauf que certains n’ont pas oublié que, malgré leur bonne volonté marketing de rallier une clientèle variée, H&M exclut non seulement les grandes tailles de leurs rayons mais assure aussi ses petits prix grâce au travail de femmes mal payées. Avec une majorité d’employées dans des usines situées au Cambodge et en Inde, elles travaillent dans des conditions déplorables et, en retour, ne reçoivent certainement pas de quoi se payer un t-shirt de la marque comme le dénonçait le rapport de l’Asia Floor Wages Alliance en 2016. Les sweatshirts « Squad Goals » ne suffiront pas à faire entrer le Suédois au panthéon des défenseurs de la cause féministe. En dehors de la lutte initiale qui oppose le féminisme à une société sexiste, c’est la prise de position des marques et leur légitimité sur ce terrain qui ont été remises en question. Le luxe politisé qui se veut fédérateur tout en étant accessible qu’à une élite, ainsi que les vêtements aux messages émancipateurs qui ne semblent pas prendre en compte la cause des femmes qui les fabriquent, nous montrent ainsi que les marques se heurtent à leurs propres contradictions, malgré leur bonne volonté. Et si le fameux t-shirt au message politisé, finissait au fond d’un placard d’ici quelques saisons ? Une insinuation qui lie l’engagement politique des marques de mode à la simple volonté de profits et ferait donc de la politique une simple tendance passagère.
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Une porte de sortie semble cependant se dessiner. Lorsque les bonnets roses de la Women’s March de janvier dernier, signe de ralliement à l’initiative des citoyennes, s’invitent chez Missoni qui reverse une partie des profits aux associations American Civil Liberties Union et UN Refugee Agency – s’occupant respectivement des libertés civiles ainsi que des réfugiés – l’engagement politique vestimentaire prend un nouveau tournant. Celui d’une mode où le vêtement est autant le vecteur d’un message qu’un moyen d’action. Pour l’avenir, on lui conseille le programme suivant : un engagement politique toujours plus fort, tout en se donnant les moyens de remettre en question son propre modèle pour résoudre les problématiques qui la minent, du capitalisme dévorant au gaspillage, sans oublier un manque de diversité criant.
Sortie de nulle part et découverte en 2011 en duo sur « Cruella » avec Booba, la jeune belge Shay qui rêvait d’être gangster a fini par adopter le style rappeuse. Un look qu’elle incarne à la perfection avec Jolie Garce, un premier album signé sur le label du roi du hip-hop français et rempli de tubes irrésistibles – « PMW » « Biche », « Thibaut Courtois » – qui mélangent rap, R’n’B, influences africaines, auto-tune et rythmes électros, tous conçus pour battre la cadence sur les dancefloors et secouer la tête dans les décapotables. Un premier disque manifeste, entre la caresse et l’uppercut, qui installe tout doucement mais très sûrement Shay comme la future Rihanna.
Photos Julia & Vincent @ Frenzy Picture ∙ Direction Artistique Boris Zawodny ∙ Style Nicolas Dureau ∙ Interview Patrick Thévenin Maquillage Ophélie Secq ∙ Cheveux Rudy Marmet ∙ Set Design Éli Serres ∙ Post Production Hugo Sibut-Pinote Assistant Photos Rémi Procureur ∙ Assistant Style Kévin Montigny ∙ Assistant Set Design Amine Derras Lieu Studio Rouchon 13 rue des Céréales 93210 La Plaine St Denis
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ROBE CHEMISE JOURDEN BRASSIÈRE EN POPELINE DE COTON ALEXANDER WANG PANTALON G-STAR RAW
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SHAY Quand tu as été repérée par Booba ? C’est un artiste que tu écoutais ? Non, à cette époque-là, j’écoutais pas de rap français, plutôt du rap US, du reggae, du R’n’B, mais alors vraiment pas de hip-hop français. Donc tu n’étais pas plus impressionnée que ça quand Booba t’a appelée pour te proposer de chanter avec lui ? Évidemment, je savais qui il était. Et j’avais conscience que c’était quand même fou ce qui m’arrivait. Mais, la vérité c’est que j’étais incapable de citer trois titres de lui. C’est ton frère qui t’a poussé à te mettre à la musique. Tu as suivi ses directions ou alors tu aurais aimé essayer d’autres styles de musique ? J’aurais pu tenter d’autres genres musicaux, vu que j’écoute pas mal de choses différentes. Mais, à cette époque, je n’assumais ni ma voix, ni ma façon de chanter. Je trouvais que le rap, c’était plus simple, puisque l’essentiel c’est d’avoir un bon débit. Pour trouver ton flow, tu t’es inspirée de qui, de quelles rappeuses ? Ah non, surtout pas de filles. Mon modèle c’est Rick Ross. Qu’il s’agisse d’un mec ne change rien, le flow c’est seulement le débit, la manière dont tu poses tes mots. J’avais une voix féminine, c’est la seule différence en fait. Ton père est un grand musicien, tu avais peur d’être jugée ? Non, pas jugée. Mais à la base mes parents ne voulaient pas que je fasse de la musique. Comme tous les parents je pense, ils me demandaient de continuer des études. Et quand j’ai commencé et qu’ils ont compris ma passion, ils m’ont encouragé. Désormais ça va, ils sont très fiers. La première fois que tu t’es entendue, t’en as pensé quoi ? Je n’aimais pas du tout ma voix. Après je m’y suis habituée. T’écoutes souvent tes morceaux ? Ah mais carrément ! Dans ma voiture, j’écoute que du Shay ! Tout l’album Jolie Garce. C’est quoi une journée type selon Shay ? Déjà ça ne commence pas forcément tôt. Je suis souvent en studio, et quand je suis pas en studio, j’écoute plein de sons pour me donner de l’inspiration, pour mes futurs projets. Et puis il y a la promo, les interviews sans arrêt, les shootings pour les magazines. Puis je me produis sur scène, du jeudi au samedi, quasiment tous les week-ends, beaucoup en France, en Suisse et en Belgique. Bref, je n’arrête pas.
C’est difficile de passer du studio à la scène ? Oui, au début, c’était compliqué. Je suis souvent seule en studio. Donc interpréter mes morceaux devant plus d’une personne, je ne l’avais jamais fait. Mais j’ai vite appris sur le tas, j’ai trouvé mes repères. Maintenant, ça va, ça glisse tout seul. Quel est le titre qui fonctionne le mieux ? « Biche » ! Je pense que le morceau se prête bien à l’ambiance club. C’est un titre qui donne envie de danser. Ça les prend direct. Un peu comme « PMW » mais bizarrement « Biche » a plus d’effet sur le public. Pourquoi avoir appelé cet album Jolie Garce, deux mots opposés ? On dit plutôt belle garce, mais je trouvais que les deux termes allaient trop bien ensemble. C’est ma manière de dire belle garce en fait ! Et dans la vraie vie tu es plutôt garce ou jolie ? Ah mais je suis les deux et totalement ! Tu dis avoir été une adolescente compliquée et turbulente. Ça se manifestait comment ? J’étais dissipée et révoltée. Je n’allais pas en cours. Je me préparais, je faisais semblant de partir à l’école, et puis je rejoignais mes copines et on traînait. Parfois on prenait le train et on atterrissait à Paris. On allait sur les Champs, on squattait dans les Sephora et on se maquillait gratuitement. T’étais bagarreuse ? Ah oui, ça j’adorais les embrouilles. Et tu faisais peur aux mecs aussi ? À certains gars oui. C’est difficile de s’imposer par rapport aux garçons ? Je n’ai jamais trouvé ça dur. Je pense qu’en tant que femme, on a des atouts, de quoi séduire plus facilement un homme, même si je comprends parfaitement que certaines femmes aient du mal dans la société en ce moment. Tu te sens féministe ? Non. Je sais que j’ai un combat personnel à mener pour moi-même, donc par extension je l’engage aussi pour les autres femmes. Si je suis féministe, en fait, c’est malgré moi. Tu es un modèle pour certaines filles désormais ? Je pense que oui. Pour certaines en tout cas. Après, je sais qu’il y a certaines femmes à qui mon côté dur peut faire peur. Perso, je mène ma vie comme je l’entends, et ça influence certainement des fans. J’ai l’air féministe, mais c’est juste parce que je casse les codes habituels.
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ENSEMBLE JOGGING ADIDAS ORIGINALS MANTEAU ACNE STUDIOS BODY LACÉ VERONIQUE LEROY
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ROBE EN CUIR MUGLER COLLIER IMPRIMÉ EN 3D DIANA LAW
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SHAY C’est la musique qui t’a donné le déclic et l’envie de bosser ? Ouais, carrément. Je me souviens que lorsque Booba m’a appelé pour que je fasse un featuring avec lui, je continuais quand même mes conneries. C’est lui qui m’a répété tout le temps de me calmer et d’aller bosser en studio. Après mes parents, c’est la seule personne qui m’a motivé à me calmer et enfin me concentrer sur ma carrière. C’est un peu mon deuxième père. Vous êtes souvent en contact ? Oui. On fonctionne beaucoup avec WhatsApp, on s’envoie des messages, je le sollicite souvent par rapport à ma musique et il suit attentivement mes projets. Quand tu étais plus jeune tu disais vouloir devenir gangster. Chanteuse, c’est différent ? C’est pas tout à fait pareil, disons [rires]. Mais, malgré tout, on retrouve cette même liberté. C’est difficile dans le rap game d’être une femme ? Il existe deux niveaux. Au début c’est compliqué parce que tu as souvent besoin d’aide pour être signé. Pour moi, être une femme, ça a été un atout, et c’est même sûrement grâce à ça que j’ai été signé, parce qu’on n’est pas beaucoup au final. Le morceau sur lequel Booba a accroché était fort, mais le fait que je sois une femme a joué. Des bons rappeurs, il y en a des milliers, des femmes qui rappent beaucoup moins. Et puis, de l’autre côté, il y a le public et la manière dont il perçoit ta musique. Le fait d’être une femme, ça complique le tout, une partie du public n’est pas d’accord avec les choix que je fais, avec les mots que j’utilise, avec le fait que je sois trop sexy dans mes clips. Je pense qu’avec le temps ça va passer. Qu’est ce qu’on te reproche exactement ? D’être trop sexy et trop vulgaire dans mes propos. Tout ce que les mecs peuvent balancer quand ils rappent, si moi je le dis, ça pose directement problème. Tout ça parce que je suis une femme. Sur ton album, tu t’es lancée seule sans featurings. Si tu devais collaborer avec quelqu’un, ce serait… ? Évidemment Rihanna. Mais ce n’est pas pour demain ! Tu l’admires beaucoup ? Je la trouve libre et elle fait ce qu’elle veut. J’ai l’impression que les artistes qui vendent beaucoup, ils font souvent des concessions pour continuer à être programmés en radio. Rihanna, elle fait comme bon lui semble, elle est capable de faire un morceau de rap puis de dance, elle parle et elle s’habille comme elle veut. C’est une fille émancipée et j’aime ça.
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T’as fait un morceau qui s’appelle Thibaut Courtois, pourquoi ? Parce que j’avais fait une accroche avec son nom. Alors c’est resté et c’est même devenu le titre. J’avais décidé de parler d’amour mais avec un certain style d’écriture, en parlant de foot, de balle, en faisant des jeux de mots. C’est le gardien de but de l’équipe nationale belge. Tu aimes le foot ? Non. C’était le nom de la maquette sur laquelle on travaillait à la base, le producteur voulait que je parle d’amour et de Thibaut Courtois. Quand je l’ai écouté la première fois et que j’ai vu le titre, j’ai cherché sur Wikipedia, et j’ai compris que c’était un joueur de foot belge, et plein de phrases sont venues toutes seules, comme « Gardien de ton cœur comme joueur de Chelsea, c’est mon côté courtois » Tu aimes la mode ? Ouais grave ! Je kiffe m’habiller car je suis congolaise, c’est dans mes gênes ! C’est ton côté sapeur ? Oui voilà, la sapologie c’est nous ! Tu aimes quelles marques ? J’aime beaucoup Balmain et je peux passer des heures à regarder les défilés. Après je peux te citer d’autres marques qui me font rêver comme Saint Laurent, tous ces trucs, la haute couture, mais je ne les porte pas encore : c’est trop cher ! Comment tu définirais ton style ? C’est un mélange d’humeurs, de ce que je veux représenter. Si je veux provoquer je vais être sexy, si je veux être sérieuse je m’habille classe. Mais que les choses soient claires, je n’ai peur de rien niveau style. C’est quoi la pièce dont tu peux pas te passer ? Les chaussures. J’aime beaucoup trop les chaussures ! Shay Jolie Garce (92i/Capitol/Universal)
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ENSEMBLE JOGGING ADIDAS ORIGINALS MANTEAU ACNE STUDIOS BODY LACÉ VERONIQUE LEROY SANDALES KENZO
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PARKA OVERSIZE VERSUS VERSACE ESCARPINS ACNE STUDIOS LUNETTES DE SOLEIL HOOD BY AIR SAC MCM
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CHAÎNE OVERSIZE PHILIPP PLEIN ROBE CHEMISE JOURDEN BRASSIÈRE EN POPELINE DE COTON ALEXANDER WANG
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PRESS PLAY
(se) diviser pour mieux régner : itinéraire du rap français Comme toute histoire, celle du rap français est tumultueuse. Il y eut l’âge d’or des années 90, qu’on retrouvera en tournée française cette année, suivi de l’âge ingrat des piètres années 2000. Puis l’avènement des réseaux sociaux nous apporta un rap nouveau, celui du tout à l’image, celui qui aujourd’hui prévaut. Un rap qui remplit les salles, fait les unes des magazines et occupe les têtes d’affiche des festivals. De IAM à Laylow, itinéraire d’une ascension éclatante.
Photos Yann Morrison ∙ Style Edem Dossou ∙ Direction Artistique Boris Zawodny ∙ Texte Jakob Rajky Maquillage Lorandy @ Backstage agency ∙ Coiffure Malou Okumu ∙ Assistants Style Kenny Germé & Christian Boua
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PONCHO ÉTUDES STUDIO TRENCH ET PANTALON DRIES VAN NOTEN T-SHIRT MARCHE MALIK SNEAKERS DIADORA
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PRESS PLAY Des débuts timides Le rap débarque en France en 1982 à l’initiative de Bernard Zekri, qui exporte le mouvement hiphop new-yorkais, et crée avec Europe 1 la première tournée de hip-hop au monde, le New York City Rap Tour, regroupant street artists, DJs, danseurs et rappeurs, passé par Paris, Lyon, Belfort, Mulhouse, Strasbourg, Londres et Los Angeles. Mais il faut attendre le début des années 90 pour que ce qui devait n’être qu’une simple mode de Parisiens branchés devienne le phénomène d’une génération grâce à MC Solaar et Jimmy Jay, avec leur album Qui sème le vent récolte le tempo en 1991. On citera également les deux formations phares de l’époque qui s’ensuivra : IAM et NTM, qui démocratisent le rap avec leurs victorieux singles « Le Mia » et « La Fièvre ». Positif et festif au départ, le rap prend néanmoins rapidement une tournure politique, dans un climat de plus en plus tendu ; IAM parle de la fin de leur monde, NTM met Paris sous les bombes. Le propos se durcit dans un rap qui gagne pas à pas du terrain. C’est d’ailleurs ce rap-là que les rappeurs francophones actuels citent comme déclencheur de leur passion. Georgio, jeune débarqué et garant d’un rap plutôt référencé, situe son déclic vers
2006 : « J’ai vraiment commencé à écouter du rap lorsque j’ai découvert Salif, Sefyu, Nessbeal… Toute la belle époque Hostile 2006 », tandis que la jeune suisse KT Gorique, révélée dans le film Brooklyn de Pascal Tessaud explique : « J’ai fait mes premiers pas dans le hip-hop dès mon enfance, mais par la danse. Ce n’est que vers l’âge de 15 ans, alors que j’écrivais déjà du rap en français que j’ai eu mes premiers coups de cœur. Les deux premiers albums que j’ai achetés étaient ceux de Sniper et Keny Arkana. » Nouveaux venus, estampillés relève, Sniper, le 113, Keny Arkana, et bien d’autres distillent inlassablement un rap contestataire dont le propos est de plus en plus engagé. Le rap se centre sur lui-même et les textes sont bien souvent crachés à la première personne. Le rap des années 2000 en France continue pourtant de s’inspirer de son grand frère américain, c’est donc tout naturellement qu’il se teinte de Crunk et de Dirty South, chapeauté par Lil Jon et ses collègues : grosse voiture, bijoux, Booba, Rohff et consorts pimp(ent) leur musique. Laylow se souvient : « Ja Rule, 50 Cent, G-Unit, j’ai été très impressionné par le rap US, il sonnait comme une musique globale qui touchait tout le monde. »
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CHEMISE LOUIS VUITTON PANTALON ELWOOD X25 G-STAR RAW SHORT ALEXANDER WANG
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PRESS PLAY La croisée des chemins Le rap français prend donc deux chemins différents mais parallèles, l’un contestataire qui devient le prolongement des propos sociétaux disséminés dans le rap des années 90. Il cherche à s’éloigner du rap US, devient politique et se fait le porte-parole des banlieues, du « bruit et de l’odeur » comme le disait Chirac. Ce nouveau-né devient donc voisin d’un rap bling-bling de plus en plus calqué sur le modèle américain, et qui commence alors logiquement à faire son chemin dans les médias généralistes qui y voit là du pain béni pour leurs audiences. Laylow, 24 ans bientôt, confirme cette percée entreprise par le rap dit commercial : « On fait une musique qui a
des codes précis depuis le départ : ce qui plaisait notamment ce sont les egotrips de Rohff ou de Booba, leurs gimmicks qu’on reprenait tous. En mode, ça fait zizir, 92i… » L’egotrip, définition parfaite du rap des années 2000. Un rap qui laisse de côté le collectif de la décennie passée pour un individualisme presque déjà suranné, mais qui voit pourtant les majors investir dans ces rappeurs sulfureux. Apparaissent alors les premiers clashs, et les premiers featurings (par studios interposés, il va de soi) interatlantiques à l’image de Booba et Akon sur « Gun in my Hand », dernier titre de l’album Ouest Side.
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PRESS PLAY Le rap explose « Le rap peut être perçu de la même manière que la société. En termes d’avancées j’entends, comme le droit des femmes, les avancées raciales. Ce sont des points qui se relient, et décomplexent les choses, il suffit que quelqu’un ose, et les autres se disent : pourquoi pas. » affirme Laylow qui se trouve justement en plein cœur de cette avancée. Le contenu lyrique du rap a changé, et il en est l’artisan. Le propos, s’émancipant légèrement de l’egotrip, couvre désormais le quotidien des gens auxquels le rap s’adresse : les relations humaines, la musique, la drogue, la société aussi. Laylow ajoute : « Je trouve dommage que les MCs accordent moins de temps à l’écriture, je suis plutôt partisan du rap à l’ancienne en ce sens, même si j’ai en horreur son ton parfois moralisateur. Alors même si je parle de choses sombres, parfois tristes, auxquelles est confrontée ma génération, j’essaie de le faire avec finesse et une certaine joie. Je ne cherche pas à faire pleurer les gens sur mes sons. Même si une goutte de temps en temps c’est pas mal, pour donner le change. » Sensible, le rap ? Certainement de plus en plus, l’auto-tune apportant une mélodie dans les voix de Maître Gims, des frangins de PNL, ou même de Laylow. Pour réussir dans le rap, le vocoder est désormais de mise, apportant un grain presque féminin qui suscite de l’émotion chez l’auditeur. Laylow en a fait une arme : « C’est l’ère du digital. On ne peut pas se battre contre l’auto-tune. Mon prochain projet s’appelle d’ailleurs Digitalova, dans lequel je veux traiter de cette période de mutation avec la machine. Pour synthétiser, avant, quand tu allais en studio pour enregistrer ton son, un mec, qu’on appelle ingénieur son, avait toutes les clés, toutes les connaissances et tu ne pouvais que t’en
remettre à lui. On a nos ordinateurs et Garage Band maintenant. On a la possibilité de tout moduler si simplement, y compris notre voix, alors on le fait. Les gens n’aimaient pas T-Pain et son vocoder il y a dix ans, souviens-t’en. Mais on ne peut plus lutter maintenant. Il faut seulement l’utiliser à bon escient. » La programmation de PNL à Coachella l’été prochain vient sceller la consécration d’un rap devenu vitrine, tout comme la Victoire de la Musique décernée à Jul cette année. « Je trouve ça très bien que des rappeurs comme moi aient un temps de parole médiatique. Ça pousse à l’ouverture et à la mixité. C’est une bonne chose que des gens qui n’habitent pas en ville puissent croiser un petit jeune qui vient parler de sa musique un samedi soir à la télé. Vingt ans de contestation ça suffit ! On doit changer, comme le monde. » De là à ce que le rap ait perdu de son esprit de subversion, Laylow relativise : « Le rap s’est bonifié, et la subversion qui a peut-être quitté les textes se retrouve finalement dans un shooting comme celui de tout à l’heure. Cette subversion est introspective maintenant, elle est en chacun de nous, le ras-le-bol est général et c’est pour ça que le rap plaît autant désormais. » Le rap est devenu pluriel, et sa branche la plus bankable n’ombre pas pour autant ses autres courants. À Paris, un Davodka hors du système produit un rap littéraire du haut de son 18e arrondissement, Flo the Kid, ou Killason, rappent en anglais pour tenter de conquérir le monde, Georgio fait des plateaux télé et la Suissesse francophone KT Gorique tourne dans un film. Laylow pose pour un magazine de mode. Rap music is turning the whole world upside down. Everything is fine.
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ENSEMBLE GIVENCHY
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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
VESTE DRIES VAN NOTEN . T-SHIRT & PANTALON HOOD BY AIR . BASKETS DIADORA . LUNETTES GIVENCHY BLENDED SCOTCH WHISKY FUMÉ ET DOUX BALLANTINE’S HARD FIRED
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PRESS PLAY PULL SANS MANCHES GUCCI
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PRESS PLAY VESTE DIADORA
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SALOPETTE EN JEANS PEPE JEANS BOTTES ACNE STUDIOS
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MARISSA SERAPHIN
Créatrice de bijoux, Marissa Séraphin apporte un vent de bonne humeur et surtout des couleurs à la nouvelle campagne « Forever Chuck » de Converse dont elle est l’un des nouveaux talents. Dotée d’un style éclectique, couronnée de cheveux turquoise, la compagne de Stéphane Ashpool, créateur de la marque Pigalle Paris, est une nouvelle fille à suivre qui redonne du peps au clan très fermé des Parisiennes.
Photos Renaud Cambuzat ∙ Style Tiphaine Menon ∙ Interview Florence Abtitbol Maquillage Camille Arnaud @ Backstage agency ∙ Cheveux Yoshiko Haruki Remerciements au Studio Cassiopée ∙ 11, rue des Arquebusiers ∙ 75003 Paris
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À GAUCHE . T-SHIRT ET JUPON EN PLUMETIS CHRISTIAN DIOR . JUPON EN DENTELLE IMPRIMÉ FLEURI CHRISTOPHER KANE BAGUE CARLO MARIA PELAGALLO . BAGUE DOUBLE CHARLOTTE CHESNAIS . ROBE EN DENTELLE STELLA MC CARTNEY À DROITE . ENSEMBLE DE COSTUME GUCCI . SNEAKERS CONVERSE
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CHEMISE WANDA NYLON AUX GALERIES LAFAYETTE TOP À NOUER KOCHÉ CHEVALIÈRE AMBUSH BAGUE CARLO MARIA PELAGALLO SNEAKERS CONVERSE
Tu fais aujourd’hui partie de la nouvelle génération chaussée de Chucks dans la dernière campagne signée Converse. Comment vis-tu ton rôle d’ambassadrice ? J’en portais énormément pendant mon adolescence, au collège et au lycée. Je ne portais même que ça. Et puis j’ai arrêté et là, c’est reparti ! [N.D.L.R. : Marissa portait des Converse Chuck basses pailletées.] Ils m’ont ouvert les portes de leur réserve et je les ai vues, c’était mon coup de cœur, c’était la dernière paire. Converse m’a contacté pour intégrer leur campagne et tout s’est déroulé assez naturellement. J’ai rencontré l’équipe, le jour du tournage, qui a été adorable. C’était une grosse production à l’américaine, assez impressionnante finalement, et ils étaient aux petits soins avec moi et Lukas Ionesco. Ton look est toujours très éclectique, comment as-tu réussi à construire une identité visuelle aussi forte ? Les gens portent beaucoup trop de noir, de couleurs ternes. Aujourd’hui, je ne porte que de la couleur mais ça m’est venu progressivement. Quand je porte de la couleur, les gens en face de moi sont plus souriants. Le rapport n’est pas le même avec quelqu’un habillé tout en noir. La couleur change notre énergie et notre regard. Elle éveille la curiosité des autres mais pas de manière négative. On me sourit plus, on me complimente sur ma couleur de cheveux. C’est plaisant finalement, ça rend la vie plus joyeuse. Ce n’est pas juste un goût esthétique, mais une vraie philosophie de vie. Les enfants, eux, adorent la couleur, ça me semble être quelque chose d’inné chez l’être humain.
Avant, tu avais les cheveux rose bubble gum, aujourd’hui ils sont turquoise… Au début, j’ai teint mes cheveux en blond. Puis j’ai fait une teinture rouge suite à un pari avec Stéphane. Converse m’a demandé de faire un bleu, j’ai choisi turquoise et j’adore. Je pense laisser mes cheveux se délaver jusqu’au bleu pastel et ensuite je vais aller sur un bleu Klein, puis je vais essayer un vert, suivi d’un lilas et d’un violet pour faire la transition vers des couleurs plus chaudes. J’adore passer par différentes couleurs, je me sens dans un mood différent à chaque fois. Je suis la première que ça amuse. La mode doit aussi être une manière de s’amuser. Ta première collection de bijoux trouve son inspiration dans le monde des insectes. Pourquoi avoir choisi cette thématique finalement assez inattendue ? J’ai choisi ce thème car il est justement assez inhabituel. J’aime la nature et les animaux dans leur globalité. En commençant par les insectes, je rends beau quelque chose que les gens trouvent souvent dégoûtant. Je veux développer ma collection en m’inspirant de la nature, des fleurs et d’autres animaux par la suite. Actuellement je travaille avec Goossens, l’atelier historique de Chanel. J’aime fabriquer des bijoux chargés, colorés comme des grosses boucles d’oreilles inspirées des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
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ROBE Y/PROJECT SHORT JOURDEN CULOTTE EN MAILLE CHRISTIAN DIOR COLLANTS RÉSILLE FALKE SAUTOIR ET PENDENTIF GOOSSENS BAGUE DOUBLE CHARLOTTE CHESNAIS
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MARISSA SERAPHIN Créatrice de bijoux, mannequin pour Pigalle et Koché, muse… tu multiplies les casquettes. Comment définis-tu ta place dans la mode ? Je ne saurais pas vraiment expliquer mon attirance pour ce milieu, je n’ai pas évolué dans un milieu artistique. Cependant, le fait que je sois issue d’un mélange de culture [sa mère est vietnamienne, son père polonais] m’a permis d’être assez ouverte et curieuse. Quant à Pigalle et Koché, ce sont deux marques auxquelles je suis liée émotionnellement. Toutes les deux possèdent ces valeurs que j’aime et que je ne retrouve pas forcément ailleurs. C’est d’une part un amour pour la couleur et d’autre part une diversité, deux notions qui sont pour moi vraiment importantes pour la mode, tant celle-ci influence les gens. La musique influence aussi beaucoup de monde, quelle musique te suivra tout au long de ta vie ? J’ai des goûts très éclectiques, je shazame souvent les musiques que j’entends n’importe où. Du coup, les musiques que j’écoute n’ont souvent rien de commun. Je pense que le reggae est quand même quelque chose que j’écouterais toute ma vie, comme Barrington Levy ou Gregory Isaac. Sinon, en ce moment, j’écoute Afro Mambo de Roberto Fonseca qui passe tout le temps à la radio.
T-SHIRT ET JUPON EN PLUMETIS CHRISTIAN DIOR . JUPON EN DENTELLE IMPRIMÉ FLEURI CHRISTOPHER KANE BAGUE CARLO MARIA PELAGALLO . BAGUE DOUBLE CHARLOTTE CHESNAIS . SNEAKERS CONVERSE . SAC MCM
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ROBE À CAPUCHE FENTY X PUMA BY RIHANNA COLLANTS RÉSILLE FALKE SNEAKERS CONVERSE
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ENSEMBLE DE COSTUME GUCCI BAGUES CARLO MARIA PELAGALLO
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ROBE ELLERY BOUCLE D’OREILLES CARLO MARIA PELAGALLO SNEAKERS CONVERSE
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BOOMERANG
Sept ans après son dernier album en date Living On The Edge Of Time et de nombreux projets variés (production, label Partyfine, musiques de films, etc.), le Rémois Yuksek revient avec un nouvel album radicalement différent ; une pop groovy et discoïde aussi lumineuse que décomplexée.
Photos Yuji Watanabe ∙ Style Nicolas Dureau ∙ Collages Franziska Schutz ∙ Interview Joss Danjean Maquillage Yann Boussand Larcher ∙ Coiffure Mathieu Laudrel ∙ Assistant Style Kevin Montigny
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T-SHIRT H&M . PULL EN MAILLE DRIES VAN NOTEN
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Avant de te remettre à ta propre musique, tu as signé plusieurs musiques de films. Est-ce une envie de longue date ? Cela faisait quelque temps que je voulais en réaliser et c’est devenu non pas une priorité mais quelque chose d’important pour moi. C’est enrichissant car c’est une autre façon de travailler. Je n’en ai pas fait beaucoup – seulement trois à ce jour – et pour des films d’auteur où la forme est beaucoup plus libre. D’un côté, tu dois produire une musique qui plaît au réalisateur, fonctionne avec les images et provoque l’émotion qui doit accompagner les sentiments des personnages mais la forme est assez libre. L’autre aspect est le quasi-anonymat que je trouve chouette aussi. Je n’ai jamais cherché à être une rock star. Je pourrais me mettre à faire des musiques de films de manière presque anonyme, cela me conviendrait : tant que je peux vivre de ma musique, c’est tout ce qui compte. Ton précédent opus était un disque que tu avais produit entièrement seul, pour Nous Horizon, tu sembles avoir pris le contrepied ? Pour mon deuxième album, j’ai joué tout seul, écrit tout seul, produit tout seul, mixé seul, bref un disque en autarcie. Cette fois j’ai voulu le relier avec mes autres projets comme mon label Partyfine. Je voulais m’ouvrir à la collaboration avec d’autres artistes. On retrouve mes amis comme Juvéniles, avec qui je travaille depuis longtemps, mais aussi de jolies rencontres comme la chanteuse grecque Monika. Finalement, il y a un lien avec mon premier album ; je crois qu’inconsciemment je voulais retrouver une notion de proximité ressentie avec mon premier album et que je retrouvais moins sur le deuxième. Avec ce troisième opus, je voulais revenir à quelque chose de plus lumineux, fédérateur, hédoniste qu’avec le deuxième qui me paraît plus sombre et fermé. Le fait d’avoir choisi le titre Nous Horizon montre d’emblée que l’album est plus ouvert, qu’il y a plus d’invités sur le disque mais surtout que c’est un disque plus généreux. Étrangement il y a peutêtre moins de sons mais chacun est plus large et plus présent. Comment sais-tu qu’un morceau est finalisé ? C’est le moment où je peux enlever des pistes et en avoir le moins possible tout en racontant la même histoire. Lorsque je sens que chaque son est bien à sa place. Ma démarche cette fois est d’aller vers quelque chose de plus naturel, plus évident. Mais paradoxalement c’est plus compliqué d’aller vers la simplicité. Est-ce ton travail et tes collaborations sur Partyfine ont nourri ce nouvel opus ? Bien sûr ! Toutes mes expériences nourrissent ma musique, et notamment Partyfine. Ce n’est d’ailleurs pas anodin de retrouver Juvéniles sur l’album. Le disque est d’ailleurs subdivisé en quatre section à la manière des faces d’une édition vinyle. Personnellement j’ai toujours trouvé que le format CD était merdique.
Comment as-tu choisi les artistes présents sur l’album ? Je cherchais une voix féminine hors des sentiers battus ni dans la performance. Lorsque j’ai entendu le morceau « Secret in the dark » de Monika, j’ai tout de suite su que je voulais travailler avec elle. L’idée était de se faire téléscoper des styles des seventies qui ne se mélangent pas comme le groove disco et une voix indie-pop limite psyché. Au final, elle apparaît sur deux titres. Pour Roman Rappak (du groupe Breton), nous nous connaissons depuis des années, nous nous croisions souvent sur des festivals. Nous voulions bosser ensemble mais il nous manquait du temps. Cette fois, nous y sommes arrivés. Notez également la présence du duo Her, sur deux titres. Outre les nombreux invités sur ton album, il y a d’autres morceaux chantés mais non crédités comme « Golden Age », « Make it Happen » ou encore « I Don’t Care ». Doit-on en déduire que c’est ta voix sur ces titres ? Je chantais déjà sur le précédent mais cette fois, c’est plus assumé. D’autant que ces morceaux-là ont été pensés pour ma voix. Avant, j’essayais davantage de chanter sur des instrus déjà composés. Donc, forcément, c’est beaucoup plus fluide et naturel maintenant. Comptes-tu repartir en tournée ensuite ? Je vais faire des dates live, bien sûr, comme la Cigale le 12 avril ou au Printemps de Bourges le 22 avril. Mais en ce moment, je reprends plaisir à jouer à nouveau en DJ et cela colle bien avec l’esprit dansant du disque. Comme il y a pas mal d’invités sur l’album, je ne peux pas tous les réunir sur scène avec moi à chaque concert. Pour le live, on réfléchit encore à une formule plus légère et plus électro dans l’esprit. Tu as toujours eu le souci d’avoir de bons visuels afin d’illustrer ta musique. Mais cette fois, côté vidéo, tu as vraiment mis le paquet ! Oui. Je crois que c’est ce que j’ai fait de mieux visuellement jusqu’à maintenant. C’est un ami qui a réalisé « Sunrise », à Los Angeles ; on a écrit le script ensemble. Je me suis vraiment impliqué, ce que je ne faisais pas forcément auparavant. On a aussi publié une vidéo sur « Live Alone » avec Roman, de Breton : je suis assez proche de Thomas Pesquet, l’astronaute actuellement dans l’espace et qui nous a réalisé des images exclusives : sa vidéo le met en scène, seul dans l’espace et dans la station spatiale internationale tandis que moi, j’apparais seul, avec mes machines, dans mon studio. Comment entrevois-tu ton futur en tant qu’artiste ? Du moment que je continue à faire de la musique et que j’ai toujours la passion, cela me convient, peu importe la forme que cela prend. Je pense également que je m’attacherai toujours à ne pas me répéter, c’est important pour moi. Yuksek Nous Horizon (Partyfine/Sound Of Barclay/Universal)
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WAITING FOR THE FUTURE ... Les nouvelles filles de la pop française Il est toujours de bon ton de débusquer une nouvelle tendance musicale : la dernière en date est certainement celle de cette nouvelle vague de filles qui officient dans la pop française depuis quelques saisons. Comme la french touch en son temps, ce cercle se compose d’une à deux poignées d’artistes seulement. Nous en avons sélectionné quatre parmi les plus emblématiques, chacune avec un univers visuel et sonore bien à elles. Si Blondino, Tess, Calypso Valois et Juliette Armanet semblent tout droit sorties d’une salle d’attente dans le shooting qui suit, il est clair qu’on n’attend pas vraiment le futur car avec ces filles-là, le futur, c’est maintenant.
Photos Rebecca Lafaye ∙ Style Isabelle Decis & Tiphaine Menon ∙ Direction Artistique Boris Zawodny Maquillage Michelle Rainer ∙ Coiffure Anita &Yumiko Hikage ∙ Lieu Studio Bellevue, 134 rue de Tocqueville 75017 Paris Fauteuils, « À demain... design-only.com » 97 rue de Turenne 75003 Paris ∙ Moquette, Saint Maclou ∙ Store, Leroy Merlin MODZIK - 127
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Touche-à-tout pétrie de talent influencée autant par Chopin que par Racine, Calypso Valois n’est autre que la fille du duo mythique des années quatre-vingt Elli et Jacno qui a initié la nouvelle vague pop française de l’époque, Étienne Daho en tête. Ses premiers pas artistiques se font sur les planches et devant la caméra avant de s’abandonner à la musique qu’elle a vraiment dans le sang. Après des débuts pop synthétiques aux côtés d’Alexandre Chatelard au sein du duo Cinéma et le temps d’un hommage lors du projet Jacno Future aux côtés de Daho, Calypso Valois fait désormais cavalier seule et a publié un premier deux titres « Le Jour / Jeu Flou », produit sous la houlette de l’excellent Yan Wagner rencontré de longue date. L’osmose fonctionne à 100 % et les deux se complètent à merveille, un résultat que l’on entend dès les premières notes et permet à l’imaginaire de Calypso de s’évader pour nous emmener vers de nouvelles contrées. Son premier album est programmé pour septembre : « Chaque titre a sa propre personnalité mais l’ensemble fait vraiment partie du même univers et je suis vraiment heureuse que nous soyons parvenus à cela avec Yan. » On a hâte de découvrir le double jeu et les obsessions de Calypso. CALYPSO VALOIS Le Jour / Jeu Flou (Pias Le Label)
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BLOUSON COURRÈGES
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BODY ET VESTE CHANEL JEANS VINTAGE MODZIK - 129
« J’ai toujours composé depuis l’adolescence et vers mes 20 ans, j’ai même fait un album de cabaret taillé pour la scène mais jamais publié. Ensuite, je me suis pas mal cherchée en écoutant autant Björk que Camille, un côté un peu bruitiste. J’ai mis du temps à me trouver, à me retrouver : je me rends compte aujourd’hui que mes chansons actuelles sont plutôt proches de mes toutes premières chansons. Quand j’ai sorti le premier titre « Manquer d’amour » il y a presque trois ans, j’ai senti que c’était la même veine, que c’était mon truc à moi ». Ce « Petite Amie » jette un pont entre plein de moments qui font écho à la vie et au parcours de Juliette Armanet qui a d’abord été journaliste sur les soirées Thema d’Arte durant sept ans. Et si elle affectionne les balades au piano digne des Berger-Sanson, elle ne rechigne pas à s’encanailler vers la fausse insouciance dansante et hypnotique des années quatre-vingt pour notre plus grand plaisir. Son premier album à l’émotion d’une rare justesse qui dépeint avec malice et espièglerie ses dépressions amoureuses est à consommer sans modération. JULIETTE ARMANET Petite Amie (Barclay)
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Cette Lorraine d’origine italienne vient juste de sortir son premier album Jamais sans la nuit sur le label défricheur Tomboy Lab, aboutissement d’une recherche à la fois musicale et émotionnelle : un disque à la production comme on en trouve peu dans la galaxie pop française. On y décèle des influences variées comme des atmosphères à la Cocteau Twins et un propos désarmant à la Cat Power. « J’ai l’impression d’être arrivée à quelque chose mais j’ai toujours le sentiment d’être en évolution et je ne sais pas où je vais aller pour la suite. J’aime bien rester dans cette liberté expérimentale : en studio je me considère comme dans un petit laboratoire. J’aime le mélange des genres ; cela va de Radiohead à Goldfrapp, Satie ou encore Daft Punk. » Contrairement à pas mal d’artistes, les paroles des chansons de Blondino sont aussi denses que ciselées : « Toutes mes chansons questionnent mon moi profond, mon rapport au monde, la place de l’humain dans la société… ». Un thème qui résonne dans le monde actuel et une belle façon de l’appréhender. BLONDINO Jamais sans la nuit (Tomboy lab/Un Plan Simple)
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Cette jeune Réunionnaise de 22 ans vivant désormais en métropole a été repérée par le label Choke Industry à qui l’on doit Lilly Wood And The Pricks ou encore les Buzzcocks. Biberonnée dès son plus jeune âge à la pop culture, c’est à 14 ans qu’elle commence à faire ses premières armes à la guitare et à entonner des reprises aussi diverses que variées de Lana Del Rey, Katy Perry ou à Rihanna. Elle commence à faire de la musique avec quelques amis qui sont vite ses auditeurs privilégiés et à qui elle fait écouter ses premières chansons personnelles. C’est à la faveur d’une reprise de « Prayer in C » des LWATP postée sur Youtube que les producteurs de Choke l’ont découverte. À la différence de beaucoup de pop stars en devenir actuelles, Tess a la particularité de composer et d’écrire ses propres chansons à partir de sources assez diverses, entre expériences personnelles mais aussi d’après des films ou mêmes d’autres chansons. Après le succès de son titre « Lovegun » et son superbe clip tourné à la Réunion, elle se prend à rêver de collaborer avec Ed Sheeran dont le naturel désarmant la fait fondre. TESS EP1 (Choke Industry/Polydor)
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MUSIC EXPRESS
JOE GODDARD L’historien de la pop Boss du label Greco-Roman, membre émérite de Hot Chip et The 2 Bears, Joe Goddard livre son second album solo en huit ans : Electric Lines s’éloigne de son premier solo, Harvest Festival, au style plutôt hermétique, pour aborder des rives pop ensoleillées nappées de synthétiseurs luxuriants et de riffs soul et funky. Texte Joss Danjean
L’album s’intitule Electric Lines car il est conçu « comme un voyage musical à travers toutes les musiques électroniques que j’ai aimé au cours des années entremêlées ensemble comme une sorte de tapisserie funky. Il y a deux ans je me suis retrouvé dans mon nouveau studio à Shoreditch avec tout cet équipement que je pouvais enfin explorer, notamment en utilisant l’Eurorack qui permet de connecter diverses machines ensemble et dont tu peux moduler la configuration à loisir offrant ainsi d’infinies possibilités sonores. J’avoue que tout ce temps à expérimenter a été un moment très heureux pour moi ». Sur les dix titres que comporte l’album, il y a trois extraits connus, tous fondés sur des samples connus : « Lose Your Your Love » est basé sur le « I Don’t Want To Lose Your Lose » de The Emotions publié en 1973 et « Music Is The Answer » avec la voix du Londonien Jess Mills sample le titre éponyme du DJ/producteur new-yorkais Danny Tenaglia avec Celeda
de 1998. Ce titre résume à lui seul l’optimisme qui anime fermement Joe Goddard : « Lq peur et la méfiance envers les étrangers qui se répand à travers la société moderne britannique peut être largement endiguée en développant le sentiment de communauté, lequel peut s’articuler notamment autour de la musique qui est fédératrice. Avec le troisième extrait « Home », Joe Goddard souhaitait capturer le sentiment plutôt joyeux que l’on peut ressentir lorsque l’on rentre chez soi en taxi après une nuit débridée… « Tu sais, quand on est au petit matin et la radio est branchée sur Magic FM ou Heart FM et tu te prends à aimer les morceaux, comme une sorte de plaisir coupable ». Chanté avec la voix gospel de l’américain Daniel Wilson du Michigan, le morceau est construit autour d’un sample d’un vieux morceau soul des années soixante-dix (« We’re On Our way Home » de Brainstorm) : « Je souhaitais faire quelque chose qui sonne comme un classique house de Chicago – un peu comme le mythique
« Promised Land » de Joe Smooth – ; je voulais que les paroles aient ce même côté spirituel et soulful à la fois, tout en restant joyeux ». Lorsqu’on lui demande sur qui il peut compter pour lui donner un avis sa musique, il rétorque : « Mon père et mes compères de longue date Alexis Taylor de Hot Chip [qui figure sur l’album] et Kieran Hebden [aka Four Tet avec qui il était à l’école Elliot à Putney (devenue depuis The Ark Putney Academy). Ajoutons que ce dernier n’oublie jamais de lui fournir idées et commentaires précis. À bien des égards, Electric Lines est donc bien un disque important, réalisé par un historien de la pop et de la musique électronique et que l’on écoutera longtemps.
Joe Goddard Electric Lines (Greco-Roman/Domino)
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MUSIC EXPRESS
GOLDFRAPP RITUEL MYSTIQUE Une fois de plus, le duo anglais Goldfrapp – formé par Alison Goldfrapp et Will Gregory – frappe fort avec un retour à ses grandes heures pop électro, comme si cet « œil d’argent » mystérieux ( la lune bien sûr ) les avait inspirés et guidés à la manière d’une sorte de rituel païen à travers une forêt de sonorités exubérantes. Texte Joss Danjean
Voilà maintenant dix-sept ans que le duo officie en mêlant pop atmosphérique lancinante, électro pop électrisante et mélopée indie pop passionnée, reformulant leur savant mélange à chaque album. Alison nous explique : « Nous ne voulons pas nous répéter et nous essayons d’oublier ce que nous avions fait auparavant. Cependant, en écoutant l’album terminé l’autre jour, je me suis fait la réflexion que ce disque est une sorte d’hybride qui résume à lui seul tout ce que nous avons toujours fait. Je pouvais y retrouver des thèmes similaires, des sons, des éléments qui rappellent d’une certaine façon la manière dont nous faisons les choses, ce qui m’a finalement plu je dois dire. Silver Eye est bien un album de Goldfrapp à de nombreux égards. » Effectivement, on peut y retrouver l’énergie de la pop électro période Supernature (2005) mais aussi une qualité d’écriture soutenue que l’on a pu apprécier dans Tales Of Us (2013) avec des éléments plus organiques comme dans Seventh Tree (2008). Cela donne l’impression que le duo est parvenu à l’apogée de son art. Alison ajoute : « c’est vrai que le cœur des chansons a un côté folk, notamment sur les titres plus lents. Mais nous avons surtout mis l’accent sur le rythme et l’intensité des sons. Pour cela, nous avons travaillé 136 - MODZIK
avec John Congleton [producteur de St. Vincent], Leo Abrahams [collaborateur de Brian Eno, Roxy Music, Nick Cave] qui mêle beaucoup de sons avec des pédales d’effets et, également, avec Bobby Krlic alias The Haxan Cloak : j’avoue que je ne le connaissais pas avant et il m’a littéralement bluffée en donnant un nouvel élan rythmique à notre musique. Nous avons même embarqué Daniel Miller, le boss du label Mute sur le titre « E verything Is Never Enough » . Nous avions déjà essayé de travailler avec d’autres artistes ou producteurs mais cela n’avait pas toujours bien fonctionné. En revanche, là, nous avons trouvé un langage commun, nous étions prêts pour cela. Concernant les thèmes abordés, pour le titre « Tigerman », j’ai été inspirée par l’idée de la réincarnation homme-animal suite à un voyage que j’ai fait en Inde. J’aime croire à la mythologie, au chamanisme et à la magie. Moi j’aimerais être une licorne, un paresseux ou une loutre [rires] » ! GOLDFRAPP Silver Eye (Mute/Pias)
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JUVENILES Sans crier gare ! Découverts en trio qui devint un duo en juin 2010 avec un premier EP We Are Young et sur une compilation Kitsuné, les Rennais de Juvéniles aujourd’hui réduit au seul Jean Sylvain – entouré de ses musiciens – ont pris le temps de revenir avec un second album moins naïf et plus travaillé produit en majeure partie par Joakim. Texte Joss Danjean
sur l’émotion et les recherches sonores. « Tout le côté midtempo, c’est quelque chose qu’on avait à peine survolé sur le premier album mais, cette fois, on voulait quelque chose de plus organique, chaleureux. C’est d’ailleurs en partie pour cela qu’on a voulu travailler avec Joakim car il possède une approche vraiment particulière du mix, même lorsqu’il s’agit de morceaux électro ou techno : il n’a pas son pareil pour ajouter le son analogique adéquat pour changer la couleur d’un morceau. Il nous a été présenté par Guillaume Russel, batteur sur plusieurs morceaux mais aussi dans le groupe DyE – signé sur Tigersushi, le label de Joakim. L’album a été produit à New York dans son studio appelé Crowdspacer avec deux de ses amis musiciens : le batteur Christopher Berry de The Juan McLean et Holy Ghost ! et le bassiste Ben Campbell de Big Data. On a gardé pas mal de prises que j’avais faites dans mon studio mais on a aussi réenregistré une bonne partie là-bas ». Au final, Juveniles, au contraire de son patronyme, n’a plus grand-chose d’adolescent mais affiche avec Without Warning une belle maturité sans perdre son énergie jouissive et son côté fringuant : une belle surprise somme toute !
JUVENILES Without Warning (Paradis Records/Capitol/Universal)
« Je suis devenu le frontman de Juvéniles car depuis le premier album, ce sont mes compositions et je suis le chanteur, un peu de la même manière que Kevin Parker est le frontman de Tame Impala. En fait il y a beaucoup de gens autour de Juveniles et du label Paradis Records que l’on a monté. » Le premier album date de 2013 mais ils n’ont pas chômé ensuite : une tournée d’une année et demie les a conduit bien loin, hors de frontières, jusqu’en Chine et au Brésil, il y a eu collaborations avec Yuksek sur son label Partyfine, et Jean Sylvain a également produit sur Paradis Records deux autres artistes qui font partie des musiciens du groupe. « Actuellement sur Paradis, on a Clarence de Partyfine qui est plutôt pop un peu ‘trap’ et aussi Leconte, un artiste qui fait de l’‘ambient modulaire’ que l’on a pu entendre sur une compilation du label Infiné et qui fait plutôt des performances live de 50 minutes un peu ‘drone’ au milieu d’œuvres d’art. Et par ailleurs, c’est lui qui fait les machines dans Juvéniles : deux mondes résolument différents. On n’a pas véritablement de ligne éditoriale mais ce sont plutôt des aventures humaines. » Ce second album Without Warning est doublement intéressant car il est conçu en deux parties : la première rappelle les débuts pop et disco plutôt dansant du groupe tandis qu’à partir du cinquième titre, « Comfort Girl », l’album pivote littéralement vers quelque chose de plus expérimental. Un début donc plutôt fondé sur l’énergie et une suite davantage basée
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KAREN ELSON L’émancipation Ex-madame Jack White avec qui elle a eu de beaux enfants, cette superbe rousse, mannequin international, est devenue en un album une figure musicale à elle seule. Résolument émancipée, Karen Elson revient sept ans après son premier album The Ghost Who Walks (produit par le papa de sa progéniture) avec Double Roses, un album sensible et intime sous la houlette, cette fois, de Jonathan Wilson. Texte Joss Danjean
Originaire du nord de l’Angleterre mais basée depuis douze ans à Nashville avec ses deux enfants, Karen Elson est à la fois compositrice et chanteuse. Après son premier album et de multiples projets (hommage à David Bowie où elle a repris « Ashes To Ashes » avec Michel Stipe de R.E.M., une édition limitée de reprises de Lou Reed et Jackson C Frank pour le Record Store Day), elle a pris le temps de se pencher sur son second album. Elle avoue qu’il n’a pas été pas facile de se concentrer sur ses chansons alors qu’elle s’occupait de ses enfants et entre deux déplacements pour des shootings mode. Son nouvel opus a été enregistré non pas à Nashville mais Los Angeles, aux United Studios avec Jonathan Wilson (connu pour son travail avec Father John Misty ou encore Jackson Browne). Et Karen de nous expliquer : « J’ai enregistré vingt-deux titres pour un album de dix morceaux : il y aura quelques faces b, je pense ! J’avais écrit six chansons à Nashville – qui est un peu mon sanctuaire – mais c’est lorsque la chanson « Double Roses » est arrivée que tout a pris forme, d’où le titre de l’album. La dernière chanson que j’ai écrite a été « Distant Shore » avec ces paroles qui font écho à ma vie actuelle : “I am alone, I am free, no one’s come and conquer me”. » Des paroles qui montrent bien que Karen Elson s’est réapproprié sa vie et s’est émancipée du passé, comme un manifeste. Elle ajoute : « Il m’a fallu du temps pour comprendre que je n’ai plus besoin de quelqu’un qui vienne conquérir mon cœur mais de quelqu’un qui partage son cœur, comme un partenaire, comme mon égal. Cet album m’a permis de faire la paix avec moimême, de faire la paix avec la partie de moi-même que je n’aime pas mais qui fait partie de moi. Je suis passée par des moments difficiles dans ma vie : mon premier amour est mort alors que je n’avais que 21 ans. Mon ex-mari est devenu mon meilleur ami. Toutes ces choses font partie de moi aujourd’hui. » Grâce à la collaboration avec son ami de longue date Jonathan Wilson (« une âme douce » comme elle aime à le qualifier), elle a pu trouver un son plus féminin, s’autoriser à être plus vulnérable, avec un certain sens de la sophistification. N’oublions pas les interventions de Father John Misty et Pat Carney de The Black Keys sur les percussions, les arrangements de cordes… ni la participation de Laura Marling qui assure magnifiquement les chœurs sur « Distant Shore ». Double Roses s’impose comme un classique intemporel, l’album d’une artiste qui est enfin en paix avec elle-même.
KAREN ELSON Doubles Roses (1965 Records/Pias)
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FUTURAMA
L’ASCENSION
Découverte et adoubée par Pharrell Williams lors d’une masterclass à l’Université de New York l’été dernier, Maggie Rogers fait depuis figure d’étoile montante.
MAGGIE ROGERS
Texte Joss Danjean
Alors que son style musical de prédilection la conduisait davantage vers l’indie-pop-folk, son passage à Paris il y a deux ans grâce au programme Erasmus lui a ouvert de nouveaux horizons musicaux et elle y a découvert la dance music, genre qu’elle n’avait jamais écouté auparavant. Résultat, à son retour aux États-Unis, elle abandonne le confort du format folk pour des titres étonnants à la croisée des chemins musicaux à l’image de son premier single « Alaska », titre inspiré d’une randonnée effectuée en 2013. Élevée à Easton dans la campagne du Maryland, Maggie Rogers est devenue la coqueluche des médias internationaux mais a su convaincre qu’elle n’était pas une One Hit Wonder avec d’autres morceaux comme « Dog Years », « On + Off » ou encore le sublime « Better ». Son passage sur la scène du Point Éphémère à Paris il y a quelques semaines devant un public déjà totalement acquis nous a aussi permis de voir son talent en live. Dorénavant, elle livre une musique instinctive sur un ton naturellement désarmant. Et elle ne mâche pas ses mots lorsqu’elle entonne les premières notes d’une démo qu’elle a composée dans sa chambre d’hôtel après les résultats des élections américaines en disant en substance : « Voici une chanson à propos de ce président que je n’aime pas ; il fallait que ça sorte ! ». Quant au blocage de l’écriture, elle y fait face en utilisant la synesthésie qui lui permet d’associer les couleurs et la musique. « J’ai toujours été très créative visuellement. Je fais des mood boards sur lesquels je griffonne avec mes crayons de couleurs en essayant de trouver ce que je vais pouvoir faire musicalement. Si je suis coincée, je fais des croquis colorés qui me permettent “d’entendre” la musique. ». Maggie avoue aussi être féministe et ses icônes musicales sont des femmes fortes comme Stevie Nicks, Kim Gordon, Patty Smith et Björk. « Travailler avec des femmes est toujours très stimulant pour moi. » À 23 ans, Maggie Rogers ne sait pas vraiment quel est son style musical mais elle a encore tout le temps de le découvrir. Elle sait bien cependant qui elle est et ce dont elle veut parler dans ses chansons. « Si je fais mon job correctement, vous ne pourrez pas vraiment faire la différence entre mon côté folk et le côté plus dansant que je développe aujourd’hui. Ce sont les deux faces d’une même pièce mais le propos est le même. » Maggie Rogers « Now That the Light Is Fading » Ep (Capitol/Universal)
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FUTURAMA Texte Joss Danjean
ROYAUME
Avec leur style mêlant dream pop alanguie et leur abstract R’n’B vaporeux, le duo parisien Royaume est en passe de signer le soundtrack d’une génération désabusée néanmoins pleine d’espoir.
FUTURE IS NOW
Ils se sont rencontrés à la faveur d’une soirée organisée par une amie commune il y a deux ans : Fred aka Moon Boy et la Franco-japonaise Yumi se connectent alors immédiatement et s’avouent une passion commune pour des artistes ou formations électropop indie comme The XX ou encore Ben Khan. Le multiinstrumentiste et la chanteuse se mettent à composer et travailler ensemble ; un an plus tard, ils publient sur leur compte soundcloud leur premier morceau officiel intitulé « Blue Asphalt » qui fait l’effet d’une bombe sur la toile. Il est suivi quelques mois plus tard par « Endless Grace », morceau lumineux, toujours mélancolique, dominé par la voix de Yumi et les accords de Moon Boy. Depuis lors, on a pu les découvrir sur les scènes parisiennes de la Gaîté lyrique, du Café de la Danse ou encore du Point Éphémère. Désormais signé sur le label Pias, le duo travaille à son premier album et vient de nous livrer sa dernière production intitulée « Miho Beach » où l’on retrouve l’atmosphère mélancolique de son univers. Mais si Royaume semble s’installer doucement dans une mélancolie tout introspective, Yumi et Moon Boy n’excluent pas un optimisme rédempteur. Royaume (Pias Le Label) soundcloud.com/thebandroyaume
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ALBUMARAMA Maud Geffray Polaar (Pan European Recording)
Polaar est le premier album solo de Maud Geffray (moitié du duo Scratch Massive) après 1994, son premier EP solo trois titres publiés il y a deux ans. Après des BO de films pour Zoe Cassavettes avec son compère de toujours, Maud tire cet album d’un film musical créé durant deux mois passés à Rovaniemi, au fin fond de la Laponie, dans une nuit hivernale quasi permanente. Ce film est le résultat d’une carte blanche que lui avait donné le Louvre dans le cadre des Journées du film d’art. Six titres en avaient résulté qui deviendront le point de départ de cet album synthétique aussi froid que chaleureux et dont certains titres comme « Ice Teens » rappellent étrangement les Islandais de GusGus. Polaar est un disque marqué à la fois par des boîtes à rythmes lancinantes, des atmosphères vaporeuses de geysers, de nappes de synthés enveloppant et de vocaux altiers envoûtants. Tout simplement brillant et inspiré. JD
Texas Jump On Board (Pias) Voilà plus de trente ans que le groupe de Glasgow officie mêlant riffs pop addictifs et guitares rock : Sharleen Spiteri et Johnny McElhone livrent aujourd’hui un disque à la fois léger et lourd de sens pour danser contre l’adversité. Le monde n’a jamais eu un futur aussi sombre et Texas a bien décidé de nous dérider et semble bien parti pour y parvenir dès le premier titre « Let’s Work It Out », hymne disco pop joyeux et addictif. La suite de l’album se résume à du pur Texas grande époque allant jusqu’à des ritournelles pop sixties comme « Great Romances ». Come on, Sharleen ! JD
LITTLE CUB Still Life (Domino) On a découvert ce trio issu du sud de Londres dans le quartier de Peckham avec le titre tubesque « Loveless » mêlant des nappes de synthés et des lignes de basse à la New Order (toute ressemblance s’arrêtant là). Aujourd’hui, ils publient leur premier opus Still Life, un album de pop aux arrangements empruntant à la house et la techno avec ce je-ne-sais-quoi d’indie qui termine leur signature musicale. Si l’on peut entrevoir que le trio a de beaux jours devant lui pour faire danser les foules, on a hâte de suivre leur évolution musicale. JD
Loyle Carner Yesterday’s Gone (Caroline International) Rares sont les albums dans lesquels on entre dans la peau de l’auteur à la manière dont on plonge dans la vie d’un personnage de film ou de roman. Un jeune rappeur anglais fraîchement débarqué y est parvenu. Avec Yesterday’s Gone, Loyle Carner exorcise son passé en même temps que le nôtre, toute pudeur remisée. Jamais une chronique ne pourrait relater ce que procure l’écoute ininterrompue de cet album, tant l’érudition de ce poète originaire du sud de Londres touche en plein cœur. Coyle Larner, de son vrai nom, se met à nu dans ce 13 titres aux allures de journal intime. Qu’il évoque Florence, sa sœur imaginaire, Eliza, son amie touchée par une tragédie, ou son propre père, il le fait toujours avec un certain à-propos. JR
Poni Hoax Tropical Suite (Pan European Recording) Poni Hoax revient avec son quatrième album, Tropical Suite. Retour inattendu pour certains qui les pensaient évanouis. C’était sans compter sur le groupe maudit qui était en vadrouille dans les faubourgs sombres de São Paulo, de Capetown ou de Bangkok. L’album jouit d’une puissance tant dans l’intention que dans l’instrumentalisation. Le fait d’avoir été enregistré à l’étranger lui confère d’ailleurs un exotisme bienvenu. Laurent Bardainne, fondateur du groupe, a tiré les ficelles afin de permettre la construction de cette nouvelle aventure. Partir, et fabriquer son propre mythe. Fuir le chaos de la vie métropolitaine afin d’établir un nouveau cadre de création. Tropical Suite est l’histoire de ce voyage, de cette retraite. JR MODZIK - 141
ALBUMARAMA Depeche Mode Spirit (Columbia Records / Sony) La formation de Dave Gahan revient avec un quatorzième album studio, Spirit, toujours aussi désabusée. Produit par James Ford de Simian Mobile Disco (Foals, Arctic Monkeys, Florence + The Machine) l’album est d’une puissance inégalée dans la discographie du groupe, voguant entre des beats technos et des nappes lourdes de synthés, où les voix déchirées du groupe lancent des appels très engagés, à l’image du premier single « Where’s the Revolution ». Une tournée exceptionnelle de 34 concerts dans 21 pays débutera le 5 mai. JR
Llorca The Garden (MembranA+lso/Sony Music) Avec plusieurs albums et EP publiés sur le label F Communications de Laurent Garnier, Ludovic Llorca a été l’un des fers de lance de la house hexagonale avec une touche de classe inimitable. Depuis, il est resté plutôt discret, avec des projets comme Art Of Tones, Room with a View ou Miamik sur des labels spécialisés comme 20:20 Vision ou Brique Rouge, s’éloignant du style l’ayant rendu célèbre. Il reprend aujourd’hui son nom pour un album hyperchaleureux au style groovy et funky avec de nombreux featurings comme Michael Barthelemy, Mawogany Wood ou Leatitia Dana dominé par des lignes de basses addictives. Un album soulful à souhait. JD
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LUSINE Sensorimotor (Ghostly International) Jeff Mcllwain aka Lusine livre son quatrième album sur l’excellent label de musique électronique Ghostly International dont la qualité des sorties (Tycho, Matthew Dear, Fort Romeau, Beacon, etc.) est quasi sans failles. Et ce Sensorimotor qui n’échappe pas à cette règle, se révèle un album aussi envoûtant que viscéral. Lusine transforme tout ce qu’il touche en or et nous offre des instrumentaux texturés sur « Canopy », un lancinant « Slow Motion », des morceaux pop envoûtants comme « Ticking Hands » (avec Sarah Mcllwain en invitée) ou « Just A Cloud » avec son jeu de voix entremêlées à la manière d’une tapisserie. Un disque qui dépasse de loin les sphères de la musique électro pour atteindre une universalité salvatrice. JD
Leif Vollebekk Twin Solitude (Secret City Records) Le jeune artiste originaire de Montréal au Québec, où il jouit déjà d’une bonne notoriété, débarque en Europe avec ce Twin Solitude, magistral. La candeur des accords de son Moog sur ce troisième album s’accorde avec la voix délicate du chanteur. Les thèmes abordés, forts et profonds, bénéficient du changement radical opéré par Leif : exit l’american folk, le jeune homme s’est tourné vers le jazz, témoignant ainsi de son amour pour Miles Davis et Ray Charles. Difficile de ne pas succomber au charme naturel de ce chanteur de 31 ans, déjà. JR
Jarvis Cocker & Chilly Gonzales Room 29 (Deutsche Grammophon/Universal) Voilà bien l’album le plus étonnant de cette sélection, la collaboration ô combien excitante entre deux touche-à-tout : d’une part, Jarvis Cocker, leader du groupe anglais Pulp mais aussi acteur et réalisateur et de l’autre Chilly Gonzales, l’avatar pianiste de Gonzales à la fois compositeur, producteur et artiste protéiforme que l’on a pu voir aux côtés de Feist, Peaches ou Jamie Lidell. Ils signent ensemble sur l’éminent label Deutsche Grammophon ce Room 29 qui évoque la bande originale d’un spectacle de Broadway façon cabaret au phrasé/chanté très stylé. Musicalement, on peut déceler des références comme Sakamoto ou Satie. Le tout est une sorte de revival hollywoodien émaillé d’anecdotes sur Jean Harlow ou Howard Hugues comme autant d’hôtes présumés de cet hôtel fantomatique. Saisissant ! JD
LA CHRONIQUE DE PATRICK THÉVENIN
QUAND LA MUSIQUE A SES VAPEURS La vaporwave est morte, vive la vaporwave ! Apparue il y a à peine cinq ans, la vaporwave – le seul genre musical véritablement excitant à avoir émergé ces dernières années – est déjà déclarée morte par les fans, et les protagonistes de la première heure. Ainsi en va-t-il des phénomènes nés dans les limbes du web ! Mais connaissant le second degré qui colle à la vaporwave comme un vilain chewing-gum, on peut légitimement penser que cette chronique d’une mort annoncée n’est que le début de sa future domination. Et tant mieux ! Née dans les tréfonds d’internet, dans les marécages virtuels dessinés par Tumblr, les sites de discussion sans fin comme Reddit, les buzz graphiques à base de dauphins et de 3D du Seapunk, les repaires de trolls comme 4Chan, ou les communautés en ligne façon Turntable.fm, la vaporwave est sans conteste le premier genre musical consistant à être né sur internet. Un marécage qu’elle utilise comme une gigantesque source de sons, d’images et de data, puisque la vaporwave n’invente rien, ne joue d’aucun instrument, et se contente de piocher dans une gigantesque bibliothèque à la disposition de tous : les tubes pop et méchés des eighties, la lounge music, la musique d’ascenseur chère aux années soixante, le jazzy, les indicatifs de répondeur, les bandes-son de pubs vintage, les blips-blips infernaux des jeux vidéo… Toutes musiques réputées faciles et populaires, que les protagonistes de la vaporwave coupent et découpent, samplent et resamplent, boucle à l’endroit puis à l’envers, ralentissent ou accélèrent à l’extrême, collent et recollent, posent et disposent en une sorte gloubi-boulga comme un plat sorti de chez Top Chef. Comme du Rick Astley défoncé à la codéine. Une sorte de magma sonore et décoratif, un lupanar d’influences et de styles, une bougie sonore et parfumée, en
forme de bande-son idéale à destination de tous les centres commerciaux du monde. Ou aux boutiques de mode franchisées, va savoir… Mais la vaporwave est loin d’être uniquement une esthétique musicale développée par de jeunes geeks prétentieux qui prendraient un plaisir immense à pisser sur la musique du passé. C’est un genre musical qui ne cache pas ses obsessions pour un certain âge d’or de la société de consommation : l’ultralibéralisme des années quatre-vingt-dix, les épaulettes carrées des eighties, les jeux vidéo à gros pixels, les publicités premier degré, les pubs blanches et sexistes de Pepsi ou Coca-Cola, les séries comme Dallas ou Dynastie, la musique comme un robinet pop… Un genre musical qui a inventé sa propre grammaire graphique à grands coups d’associations kitsch, d’obsessions pour les colonnes doriques et les statues homo-érotiques de la Grèce et de la Rome antique, pour les séries télé des années quatre-vingt comme Sauvés par le Gong ou The X-Files, pour la calligraphie et les mangas japonais, les pixels démesurés des jeux vidéos apparus dans les années quatre-vingt, la nostalgie des consoles comme la Game Boy ou la Sega Saturn, les distorsions des tubes cathodiques de l’époque, l’esthétique Miami kitsch à base de palmiers,
de sable fin et de vagues qui se confondent à l’horizon. Mais surtout un usage des couleurs très particulier, avec une nette restriction de la palette Pantone au bleu, rose, vert et turquoise, bref toute la composante d’un cliché Instagram qui matche. Car sous ses airs de ne pas y toucher, et de proposer une bandeson inoffensive même si un poil moqueuse, la vaporwave qui se refuse à être vendue sur iTunes ou diffusée sur Spotify, préférant l’indépendance et la quasi-gratuité d’un Bandcamp, est dans la foulée du punk et son côté DIY de la fin des années soixantedix, une charge à la fois douce et violente contre notre société capitaliste. Tout en fantasmant un passé révolu, les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix où le futur semblait encore meilleur, la vaporwave s’inscrit dans une critique en règle de la globalisation, du merchandising à outrance, de l’ultralibéralisme, et de la rétromania, concept fumeux qui sert à nous vendre encore plus de choses. Bref sous ses dehors inoffensifs – où la seule agression ressemble à un solo de saxophone joué trop fort – la vaporwave s’avère comme le pendant le plus violemment gauchiste de la musique pop actuelle. Mais que fait donc la police ?
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Dressing CHARLOTTE OC Auteure-Compositrice anglaise ayant trouvé son Saint Graal musical après une nuit passée à danser au Club Berghain à Berlin, Charlotte OC aka Charlotte Morgan a été découverte et signée sur le label Harvest Records, maison qui abrite des talents tels que Banks, Aquilo ou Best Coast. Elle publie son premier EP en 2013 mais c’est aujourd’hui que sort enfin son premier album Careless People où l’on retrouve son style de pop sombre aussi mystérieux qu’envoûtant avec notamment le morceau « Darkest Hour » en point d’orgue. Interview Joss Danjean
Comment décrirais-tu ton style ? Plutôt sombre, théâtral et pointu. Ta pièce préférée dans ton dressing ? Mon pantalon en velours. Ton pire look jusqu’à maintenant ? Ma période « Néon » Ta dernière tentation de mode ? Dernièrement j’ai acheté une veste vintage, le prix était prohibitif mais il fallait absolument que je l’ai ! Ton designer favori ? Alexander Wang, ses créations sont à la fois pointues et fraîches, mais avec un côté classique. J’apprécie aussi ce que fait Issey Miyake. Ton dernier achat mode ? Une paire de bottes couleur bronze. Quel est ton look de prédilection Je me sens bien avec une veste de jeans, des collants en résille et ils me permettent de rentrer dans
pour la scène ? costume, peut-être une paire de des cuissardes. J’aime les talons : la peau de mon personnage.
Quelle est ta tenue pour dormir ? Rien du tout ! Quels sont les produits qui te sont indispensables quand tu pars en tournée ? Un masque pour le visage, les basiques de beauté (démaquillant, lotion etc.) sans oublier une bonne huile pour le visage. Quelle héroïne Marvel pour une soirée costumée ? Tornade de X-Men (et puis j’ai toujours voulu une perruque blanche) Quelle est la tendance que tu détestes dans la mode féminine ? Les vraies fourrures. Quelle est ta période préférée de la carrière de Madonna ? « Frozen » et « Hey Mr DJ » (Music). Quelle tenue porterais-tu si tu devais te présenter aux élections présidentielles ? Un costume avec des empiècements en cuir aux coudes. Charlotte Oc Careless People (Harvest Records/Capitol/Universal)
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Playlist AFTERHOMEWORK Ensemble, Pierre Kaczmarek et Elena Mottola forment le duo créatif Afterhomework. Bousculant le quotidien pour l’accommoder aux tendances capricieuses, le couple le plus jeune de la mode affole par la fraîcheur et l’insolence de ses créations. Avec un mode opératoire basé sur une galaxie d’amis qui leur servent d’inspiration comme de mannequins, leurs défilés tranchent par leur franchise. Rencontre musicale avec les designers du futur.
Quel album écoutez-vous en ce moment ? L’Ovni de Jul. Votre chanson favorite ? On n’en a pas une en particulier, on se lasse vite. La musique idéale pour un défilé ? MMX Delta. Quel est le meilleur concert auquel vous ayez assisté ? Jul au Zénith, on y était ensemble. Quel est votre artiste favori ? On aime beaucoup Metronomy. Le genre de musique qui vous donne instantanément envie de danser ? « I’m So Exited » des Pointer Sisters.
Interview Florence Abitbol
Votre pochette d’album préférée ? Celle de Nights Out de Metronomy.
Les dix morceaux que vous conseillez à nos lecteurs…
Quelle est la chanson qui tourne en boucle chez vous ? Très souvent, la bande-son de Vicky Christina Barcelona.
« Drakkar Noir » de Phoenix « J’oublie tout » de Jul « Ne m’en voulez pas » de Jul La bande-son du défilé Afterhomework par MMX Delta « Je me rappelle » de Jérémy Chatelain « Famas » de Kalash Criminel « Asturias » d’Isaac Albeniz « Tamacun » de Rodrigo y Gabriela « La Ballata del Michè » de Fabrizio de Andrè « Shark » de We are Match 146 - MODZIK
Quel est le premier album que vous ayez acheté ? L’album bleu des Beatles. Si vous pouviez vous transformer en pop star, qui seriez-vous et pourquoi ? Aucune. Car jamais une star nous a suffisament plu au point de vouloir être cette personne. On aime un artiste poursa musique et non pas forcément pour ce qu’il est et fait. MODZIK - 146
MARQUES ACNE STUDIOS
DRY CLEAN ONLY
NEW ROCK
ADIDAS ORIGINALS
EDUN
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ALEXANDER WANG
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ELLIOTT MORGAN
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FILLES A PAPA
PETER MOVRIN
ASTRID ANDERSEN
G-STAR RAW
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KRYS X LE COQ SPORTIF
THE KOOPLES
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DRIES VAN NOTEN
MSGM
DROME
MUGLER
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