Mémoire de recherche / La nouvelle architecture rurale

Page 1

1

Mémoire de recherche Que revelent les formes d’habitat des extra urbains sur l’habitat durable de demain en territoire rural ? Annouk SOULA ENSAL - Mai 2016 - Tutrice A.Grisoni


2

sommaire


Introduction 8 Problématique 14 PARTIE 1: état des lieux de l’habitat en milieu rural d’hier à aujourd’hui 18 A / les territoires ruraux québécois et français, des problématiques similaires 19

1/ Un monde rural versus des espaces ruraux aux évolutions contrastées / Quelques chiffres sur les territoires ruraux français et québécois / Classification des différents espaces ruraux 2/ Nouvelles dynamiques des espaces ruraux français et québécois / Evolution des relations villes/campagnes / Mutation des usages et fonctions des territoires ruraux / Des disparités dans la répartition des populations en milieu rural / Quelques chiffres illustrant l’espace rural français

19 19 20 22 22 24 24 25

B/ Caractériser ce renouveau démographique des territoires ruraux

28

1/ Quelles populations ? / De l’exode rural à l’exode urbain / Néo ruraux ou extra urbains ? / Un phénomène démographique nourrit par des évolutions sociétales 2/ Les causes migratoires / Le potentiel de nature / Le mythe de la maison individuelle / Une migration motivée par une logique rayonnante du marché foncier / La recherche d’une meilleure « qualité de vie » au sens large 3/ Spatialisation du phénomène démographique : la rurbanisation / un effort de terminologie nécessaire / les formes d’occupations de l’espace de la rurbanisation

28 28 29 30 31 31 32 33 35 36 36 38

C/ les spécificités de l’habitat en milieu rural

39

PARTIE 2: Etude de cas des nouvelles formes d’habitats

50

A / présentation des municipalités

51

1/ la commune de Cenves dans le pays du Beaujolais / le territoire du Beaujolais vert / la commune de Cenves dans le pays du Beaujolais / Extra urbains à Cenves

51 51 52 55

2/ Le village de Saint Camille au Québec

57

1/ Les structures spatiales traditionnelles / Les structures agraires / les formes de répartition de l’habitat rural : le village / Caractéristiques de la maison rurale traditionnelle 2/ l’espace rural comme nouvel eldorado résidentiel / l’évolution des valeurs attachées à l’espace rural / les nouveaux enjeux de l’habitat rural / D’un habitat contextuel et vernaculaire à la suprématie de la maison individuelle

39 39 40 41 42 42 44 46

3


/ Le contexte territorial / présentation de la municipalité de Saint Camille / extra urbains à Saint Camille

57 59 61

B. Etude de cas

64

1/ Des communes rurales aux problématiques similaires / décroissance et vieillissement progressif des populations / Inadéquation de l’offre immobilière existante / la problématique du maintien des services / des attentes semblables de la part des nouvelles populations

64 64 65 65 66

2/ Les leviers mis en place / A Cenves / A Saint Camille

69 69 69

3/ Les différentes formes d’habitats observées / Critères d’analyses 76 / les pistes dégagées

76 78 81

PARTIE 3: Quelles nouvelles formes pour le développement durable de l’habitat rural ? 85 4

A/ Les formes d’habitat denses ont-elles un sens en milieu rural?

86

1/ Un décalage entre deux visions du développement durable / Un décalage entre une volonté nationale, et un contexte rural particulier / Une mauvaise compréhension du concept de densité 2/ le renouvellement des centres bourgs ruraux / Réactualiser les formes existantes : la réhabilitation / S’inspirer de formes compactes des bourgs pour réinventer l’habitat en milieu rural

86 86 88 89 89 91

3/ Innover: les petits collectifs, l’habitat individuel dense 93 / l’émergence des formes collectives en milieu rural 93 /innover en matière d’habitat individuel 93 94

B. Retrouver un sens du lieu: des outils pour retisser un lien entre la nouvelle architecture rurale et son territoire 98 1/ L’architecture rurale vernaculaire, source d’inspiration pour l’architecture durable / Le rapport à l’environnement bâti : LE SITE / LE SAVOIR FAIRE constructif et les ressources locales

97 97 98

2/ l’occasion de s’ouvrir à de nouvelles pratiques : l’autoconstruction 99 / auto construction et architecture vernaculaire quelle différence ? 99 / l’auto construction, un moyen de retrouver le contact entre architecture, habitant et lieu 100


Conclusion 102 Bibliographie 104 Annexes 108

5


6


remerciements Je remercie les habitants des communes de Cenves et Saint Camille, qui ont accepté de répondre à mes questions. Je remercie Laurie Guimond et Mélanie Doyon, professeures au département de géographie à l’Université du Québec à Montréal pour m’avoir accordé de leur temps. Je remercie également Anahita Grisoni pour m’avoir suivi pendant ces deux ans. Je remercie Barbara Meyer pour la relecture, les suggestions et corrections. Enfin, un remerciement spécial à mes amis et Pierre Allaix dont le soutien m’a accompagné tout au long de la rédaction de ce mémoire.

7


8

introduction

Maison traditionnelle québécoise sur l’île d’Orléans, Québec, 2015, auteure : Soula A.


Passant pour arriéré, en décroissance, abandonné, le territoire rural ne fait plus rêver la France du XXIème siècle. La société du numérique, du Facebook, du internet haut débit 4G, WIFI et compagnie, ne porte pas d’intérêt à ce territoire. De temps en temps, on voit ressurgir dans les médias, le mythe bucolique de la campagne mais la réalité profonde de ce territoire reste inconnue. Le rural d’aujourd’hui n’est pas glamour comme les grandes métropoles d’aujourd’hui. Nul réalisation ici, de Nouvel ou Gerhy, pour attirer les foules et lui donner cette « image de marque » que revendiquent les grandes villes mondiales. Il suscite donc peu de fantasmes auprès des architectes et reste peu ou pas médiatisé.

Qu’est ce qui est rural ?

Ruegg et Dechesnaux, (2003), Territoires intermédiaires et espaces ruraux, politik des ländlichen raumes 1

Avant de se questionner sur l’espace rural, il est important de le définir. On se heurte aujourd’hui à une difficulté de définir la ruralité, on parle souvent de ruralités multiples. Cette multiplicité se veut représentative d’un territoire de plus en plus complexe de moins en moins exhaustif d’un type de population ou d’une activité économique. Selon les chercheurs Ruegg et Dechesnaux, « La ruralité a qualifié des territoires et des populations ou l’activité agricole jouait un rôle structurant et déterminant. » (Ruegg et Dechesnaux, 2003, p3). 1. Cependant aujourd’hui, cette fonction agricole ainsi que le nombre d’agriculteurs est en déclin ce qui estompe le lien entre ruralité et agriculture. S’il est difficile aujourd’hui de définir le rural, c’est en grande partie par manque d’indicateurs et de critères de définitions adéquates. Sur le territoire français en 1962, seul 4% de la population était considérée comme rurale et échappait au ZPIU (zones de peuplement industriel et urbain). En 1996, un nouvel indicateur fait passer la population rurale à 25%, en se fondant sur des critères de mobilité et de nombres d’emplois plutôt qu’au monde agricole. Ces nouveaux critères sont critiqués car ils conduisent « à qualifier de pôles ruraux des villes touristiques sans lien avec la ruralité… » (Ruegg et Dechesnaux, 2003, p4)1. Pourtant, le critère démographique est un des critères les plus fréquemment utilisé pour définir l’espace rural.

9


10

Les mêmes chercheurs argumentent qu’aujourd’hui « … si le rural n’est pratiquement plus un fait sociologique (ce à quoi le terme de ruralité fait référence), il reste à considérer et à analyser dans sa matérialité (ce qui ferait le rural aujourd’hui). » 2. Cette disparition du rural comme fait sociologique repose sur l’évolution des modes de vies et la disparition d’une coupure nette entre « urbanité » et « ruralité ». Ils ne sont pas les seuls à argumenter sur une homogénéisation des modes de vies et des valeurs entre urbain et ruraux : mobilité, multiappartenance, autonomie individuelle. Cependant, s’il est difficile de définir la ruralité économiquement ou sociologiquement, on peut s’appuyer sur les données administratives afin de différencier ce qui est de l’ordre de l’espace rural et ce qui ne l’est pas. Un rapport d’information du Sénat, ayant pour objet le nouvel espace rural français, s’attache à fournir un historique de l’évolution de ces définitions de l’espace rural français. Jusqu’au milieu des années 1990, la taille des communes et la continuité de l’habitat suffisait à définir la commune rurale. Les communes rurales sont définies par l’insee comme les communes non urbaines. Or, une commune urbaine est « une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.» (Insee, 2016)4. Cependant, cette définition s’est révélée insuffisante pour caractériser la mixité et la diversité et donner une vision réaliste du territoire rural. Voila pourquoi, elle a débouché sur la notion d’espace à dominante rurale. Cette notion fait aussi l’objet d’une définition en creux puisqu’elle repose sur la définition d’un espace à dominante urbaine. Elle repose principalement sur la mesure des emplois et des mobilités domicile-travail. Cela prend en compte le phénomène croissant de périurbanisation et propose une image du territoire la plus représentative possible. L’évolution de la définition de l’espace rurale traduit l’évolution de l’espace lui même : on passe de critères de quantité de population et de densité bâtie à des critères d’emplois et de mobilité. Cela aboutit à une définition de l’espace rurale en trois composantes : • Les pôles d’emplois de l’espace rural : communes regroupant plus de 1500 emplois • Les couronnes des pôles d’emplois de l’espace rural : commune dont 40 % ou plus des actifs résidents travaillent dans le pôle d’emploi • Les autres communes de l’espace à dominante rurale qui inclut le rural isolé Ces différents critères de définition permettent de dessiner un territoire rural plus ou moins fidèle entre 18 et 20% de la population française5 (François-Poncet, Belot, 2007-2008). Cependant, il n’apparait pas dans cette définition de l’espace rural des éléments qui nous apparaissent majeur, comme la notion de paysage et de nature qui en est par exemple totalement absente. Voila pourquoi l’approche développée par Donnadieu estune piste intéressante. Il définit l’existence d’une matérialité rurale : « Une politique de l’espace rurale devrait donc permettre d’identifier les différences en terme de qualités matérielles et d’attractivité entre les espaces urbains d’une part et les espaces ruraux agricoles et forestiers d’autre part… » 6(Donnadieu, 1998, p56)

Durbiano C. 2001. L’espace rural existe-t-il encore ? Texte de 8 pages disponible sur le site : p e d a g o g i e . a c - a i x- m a rseille.fr/histgeo/annuaire/ parten/Cafe_aix/c0905_01. htm, consulté le 7 juillet 2015. 2

Insee (2016) Aire urbaine [en ligne]. Disponible sur : [http://www.insee. fr/fr/methodes/default. asp?page=definitions/ aire-urbaine.htm] [1/05/2016]. 4


Un territoire oublié et méconnu par les architectes depuis la modernité « Dans ce paysage là, la clôture, la grange, le hangar, l’habitation, la cour, le jardin, les champs étaient disposés le long des routes et des chemins de manière à répondre aux usages pratiques et à l’organisation de l’exploitation de la terre et des animaux. S’y ajoutent les mutations de la mécanisation : hangars métalliques, véhicules et outil motorisés... Au total un territoire rural dont le bâti relève pour l’essentiel d’une architecture sans architecte mais non sans qualité. Le territoire pouvait fonctionner sans l’architecte. La transmission des savoirs et la maîtrise d’œuvre se faisaient par le biais de la coutume, de la convention et de l’habitude. » (Gérard Tiné)7

Poncet.JF et Belot.C, (2008) rapport d´information fait au nom de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire (1) sur le nouvel espace rural français,Sénat, juillet. 6 Donnadieu.P (1998) Les campagnes urbaines,Actes SUD, 224p 7 Tiné.G, (2008) La commune rurale ne grandit pas. elle se remplit. elle devient obèse. [en ligne]. In : C’est par où, le rural ?, 14ème université d’eté de l’innovation rurale. (6, 7 et 8 août 2008),Marciac [08/08/2015] 5

Ce court texte exprime bien l’essence du territoire rural et son détachement de la profession architectural jusqu’à aujourd’hui. Dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme, des initiatives en matière d’espace rural existent mais elles sont souvent dispersées et à petite échelle si bien qu’elles transparaissent peu au sein de la profession. Le milieu rural reste le lieu privilégié de l’architecture agricole et vernaculaire. Ce manque de connaissances et d’outils en matière d’espace rural a été mis en avant par les frères Pierre et Rémi Janin qui se sont penchés sur ces problématiques à travers leurs pratiques dans l’agence Fabriques. Ainsi ils visent à réinvestir l’agriculture et les espaces agricoles dans les systèmes urbains par le biais de ce qu’ils nomment un urbanisme agricole. A travers des termes comme lotissement agricole, paysage agricole contemporain, berger urbain ou projet agricole urbain ils développent une nouvelle vision de l’espace agricole vis-à-vis de l’espace urbain pas nécessairement incompatible. En 2012, la revue D’architectures consacre à l’espace rural un dossier intitulé l’architecture à la campagne8. Ils mettent en avant le dédain des architectes modernes pour la construction agricole, et le regard naïf et condescendant que ceux-ci portait sur l’espace rural. Cela a contribué à laisser l’espace rural dans une logique d’auto construction et de pragmatisme inspiré des systèmes industriels. Selon eux, un basculement s’est opéré et les changements observés aujourd’hui redonnent légitimité à la présence d’architecte afin de réinventer l’architecture rurale de demain. Les travaux de Rem Koolhaas en la matière contribuent aussi à remettre l’espace rural au centre des préoccupations architecturales contemporaines. Dans un entretien pour ICON (International Design, Architecture And Culture), Rem Koolhaas explique son intérêt, depuis dix ans, pour cet espace en transformation, très peu analysé dans le monde de l’architecture. « It is only ironic that such drastic transformations are barely on the radar in our education and thinking. »9 Il exprime le paradoxe de l’architecture aujourd’hui qui concentre son attention sur une partie infime du territoire : « In architecture books we are bombarded with statistics confirming the ubiquity of the urban condition, while the symmetrical question is ignored – what are those moving to the city leaving behind? »9

11


Depuis la fin des années 2000, des projets de plus grande ampleur commencent à émerger. C’est ce dont témoigne le réseau ERPS (Espace rural et projet spatial) mis en place à l’école nationale supérieure d’architecture de Saint Etienne en 2008. Ce réseau a pour but d’entrainer une vrai réflexion et de fédérer les démarches isolées afin de produire une réflexion de fond sur le devenir de l’espace rural. Dans un recueil intitulé, Vers un nouveau pacte ville campagne, les architectes proposent une vision à contrecourant du discours actuel. Ils se questionnent sur des thèmes comme le modèle urbain de la ville compacte et son application sur l’ensemble du territoire y compris les campagnes, ou encore l’adaptabilité des architectes « urbains » dans des contextes ruraux.

Nivet.S, 2012 l’architecture à la campagne,D’architectures Junkspace ou terroir, n°211 9 Koolhaas.R (2014) Koolhaas in the country, Icons Countryside, [en ligne] n°135, Disponible sur : http://www. iconeye.com/architecture/ features/item/11031-remkoolhaas-in-the-country [27/04/2016]. 10 Xavier Guillot (2011) Espace rural et Projet spatial, Vers un nouveau pacte ville-campagne ? (vol.2) Publications de l’université de Saint Etienne. 8

Pourquoi s’intéresser à l’espace rural sous l’angle architectural aujourd’hui ? 12

-Un territoire qui a changé et subit encore des mutations au niveau socio économique et territoriale peu analysées. -Un territoire oublié et méconnu par les architectes depuis la modernité -Un territoire menacé par l’expansion des territoires urbanisés (mité par les mauvais lotissements et un habitat offrant peu de qualité spatiale) -Mais surtout, un territoire qui attire de nouveau donc potentiellement un milieu qui nécessitera le recours aux architectes et urbanistes. Or si nous ignorons tout de ces changements, trop focalisés à analyser ceux de nos villes, nous pourrions bien nous retrouver incapable de répondre à ces nouveaux besoins et ce nouveau terrain qui s’ouvre à nous.


« …nous supposons que l’espace rural plus que tout autre est devenu l’observatoire privilégié d'expression de modes et d’exigences de vie innovateurs, en relation à la vie familiale, à la vie professionnelle, aux loisirs, à l’environnement et au réseau relationnel. » Laurence Thomsin, 2001

13


14

problématique

Grange québécoise, Québec, 2015, auteure : Soula A.


Le renouveau démographique des campagnes n’est plus un secret. Depuis les années 1970, les campagnes connaissent un solde d’accroissement de la population supérieur aux centres urbains et égale aux migrations péri urbaines. Cette croissance démographique s’accompagne d’un développement résidentiel important dans l’espace rural. Cependant, ce développement ne se fait pas de façon heureuse pour le territoire puisqu’il est à l’origine de plusieurs disfonctionnements. Xavier Guillot l’associe à plusieurs bouleversements physiques qui affectent aujourd’hui le territoire comme la banalisation et le mitage des paysages, la diminution et l’artificialisation des terres agricoles.10 Martin Vanier rapproche le solde migratoire des campagnes de celui des migrations péri urbaines : « La plupart des campagnes se repeuplent : c’est là que le taux de solde migratoire est actuellement le plus fort (+0.8%/an, à égalité avec les communes péri urbaines), et les poches de déclin démographique se rétractent de recensement en recensement »10 . Cela montre l’ampleur du phénomène. Pourtant il est beaucoup moins analysé et souvent associé avec erreur à la logique d’étalement urbain. Il possède ses propres caractéristiques. Plus encore que se questionner sur le phénomène, il est intéressant de se pencher sur les attentes des populations qui quittent l’espace urbain pour venir s’installer en milieu rural. Un territoire qui attire de nouveau est un territoire qui s’habite de nouveau. Il donne sens à l’avènement d’une nouvelle ère architecturale. Mais encore faut-il saisir les subtilités d’un tel développement. L’enjeu de cette recherche et d’en comprendre les marges de manœuvre possibles pour l’architecte afin qu’il soit acteur de l’habiter en milieu rural, à travers la compréhension des attentes de ces populations. Ce renouveau démographique pose de multiples questions : quelles sont les populations qui reviennent habiter ce territoire et surtout comment l’habitent-elles ? Ces réponses sont contrastées et dessinent la diversité de ce phénomène de renouveau démographique. C’est donc à travers l’étude des conséquences spatiales de ce phénomène que nous chercherons à caractériser les changements du territoire rural. Cette recherche est basée sur l’expression des modes d’occupation du territoire par ces nouvelles populations ; le choix d’analyse se porte donc sur les différentes formes d’habitats.

15


Ces territoires, si riches initialement de cultures constructives et de savoir faire, porteurs d’une architecture vernaculaire, se paupérisent. On voit graduellement émerger, sous forme d’un mitage malheureux du territoire, des constructions de types pavillonnaires banales et génériques qui appauvrissent le paysage. Ce type d’urbanisation directement rattachée au phénomène de métropolisation se diffuse à des distances de plus en plus éloignées, et intègre le champ de réflexion relatif au territoire rural. A la lumière de deux exemples de municipalités rurales soumise à l’arrivée de nouvelles populations, au Québec et en France nous chercherons à comprendre ce phénomène. A travers l’étude des attentes des nouveaux arrivants et de leur concrétisation au sein du logement, nous déterminerons ce que révèlent les formes d’habitat de ces nouvelles populations et si elles sont durables pour le territoire.

Notre questionnement sera donc : dans quelles mesures, les attentes formulées par ces nouvelles populations vis-à-vis de l’habitat sont elles durables pour le territoire rural ?

16

Les objectifs sont de comprendre les changements territoriaux et sociaux du monde rural pour être capable en tant qu’architecte de se situer dans une nouvelle phase architecturale. Nous souhaitons déterminer les outils utiles pour élaborer un habitat rural de qualité, adapté aux nouvelles attentes des populations tout en assurant un développement durable du territoire. Enfin, la recherche devrait nous permettre de saisir les attentes contemporaines en termes d’habitat. L’hypothèse est que l’habitat rural durable pourrait être porteur d’innovation pour l’habitat contemporain.


17


18

PARTIE 1

état des lieux de l’habitat en milieu rural d’hier à aujourd’hui Grange, île d’Orléans, Québec, crédit photographique : Soula A.


A / les territoires ruraux québécois et français, des problématiques similaires 1/ Un monde rural versus des espaces ruraux aux évolutions très contrastées / Quelques chiffres sur les territoires ruraux français et québécois La France La France est un des pays d’Europe les plus ruraux. La société française est enracinée dans le rural. Sur les 55 millions d’hectares du territoire français, 87% sont agricoles. La France est le premier pays de production agricole de l’Union Européenne. Cependant, les agriculteurs ne représentent plus que 4,4 % de la population active et l’activité agricole (20%) n’est plus l’activité majoritaire. Elle est devancée par le tertiaire (50 % d’emplois) à égalité avec l’activité industrielle (20 %). 11 La population de l’espace rural français représente un quart de la population totale du pays.

Le Québec

Datar (2003) Quelle France rurale pour 2020 - Contribution à une nouvelle politique de développement rural durable , Datar, 2000-2001 11

Le Canada est un pays d’Amérique du Nord composé de 3 territoires et de 10 provinces. Il s’étend sur 10 million de km² ce qui en fait le second pays le plus vaste au monde. Le Québec est une province majoritairement francophone. Sa population de huit millions d’habitants est répartie sur un territoire de 1 667 441 km² ce qui représente environ 3 fois la superficie de la France pour une population 8.1 fois inférieure à celle-ci. Si le Québec s’étend sur environ 1,5 million de km2 terrestres (dont la tenure est publique à 92 %)12, ccette superficie est à 87 % hors écoumène, ce qui signifie qu’elle correspond aux immensités de la forêt boréale, de la taïga et de la toundra sauvage du Moyen et du Grand Nord. Ces territoires sont parcourus, visitées, mais inhabités. L’écoumène québécois, le territoire véritablement habité, ne compte que pour une fraction de cet espace : environ 190 000 km2 (13 %)12 une superficie qui représente près de la moitié de celle du Japon ou encore de l’Allemagne. Pour Steve Dionne, chercheur du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT), le monde rural québécois fait partie de la réalité

19


territoriale contemporaine du Québec. La population rurale du Québec représente un quart de la population globale et concerne 90% du territoire habité (180 000 km²). La majorité du territoire rural est constitué de forêt. L’agriculture se concentre principalement dans la vallée du Saint Laurent. Sur la côte Nord et la Gaspésie se développe la ruralité côtière des villages de pêcheurs.

/ Classification des différents espaces ruraux En 2011, La Datar (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale) a publié une étude qui déterminait les nouvelles typologies de campagnes13. Ces typologies résultent de trois entrées thématiques : l’espace, les populations et les conditions de vie autour des relations villes/campagnes, des dynamiques démographiques, de l’accessibilité, de la mobilité… ; les dynamiques économiques: marché de l’emploi, appareil productif, agriculture, tourisme ; et, le cadre paysager, abordé par l’occupation du sol et son évolution, et le relief. Les communes rurales retenues pour cette étude sont celles qui n’appartiennent pas à une unité urbaine de plus de 10 000 emplois.

20

• Les campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées Ces communes se caractérisent par une forte croissance résidentielle depuis une trentaine d’années. Elles rassemblent près de 16M d’habitants et sont près de 10 500 sur 140 355 km². Les conditions de vie et l’économie y « sont, plus ou moins fortement, liées au dynamisme des métropoles et des villes environnantes »(Datar, 2011)13. Ces territoires sont fortement marqués par l’artificialisation. Les milieux semi-naturels, les espaces agricoles et l’eau jouent, cependant, un rôle important dans la composition des paysages. • Les campagnes agricoles et industrielles Ces 10 523 communes comptent 5,5M d’habitants et occupent un vaste espace de près de 140 000 km². « Les dynamiques économiques et démographiques y sont très contrastées et les territoires concernés profitent ou subissent les influences urbaines parfois très lointaines »13. D’une faible densité, ces communes ont une population jeune et pour la plupart une croissance démographique due à un bilan naturel et à un solde migratoire excédentaires. La situation économique présente quelques fragilités et l’activité industrielle est largement prépondérante. Les habitants bénéficient d’un bon accès aux services et aux commerces. Les paysages associent des terres agricoles (notamment des espaces de grandes cultures) à un bâti fragmenté et peu dense. • Les campagnes vieillies à très faible densité : « Après une longue période d’exode rural, ces campagnes connaissent un brassage de populations et parfois un regain démographique. Cependant, le vieillissement de la population reste important, le niveau de revenu parmi les plus faibles et l’accessibilité très en deçà de la moyenne française (...) ». Ces 12 884 communes rassemblent près

Jean.B, Dionne.S et al, (2009) Comprendre le Québec rural, Chaire de recherche du Canada en développement rural, 2009 13 Hilal.M, Barczak.A et al, (2011) Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques, Datar, 2011 12


/ Carte illustrant la répartitions des différentes typologies de campagne

21

extrait de Hilal.M, Barczak.A et al, (2011) Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques, Datar, 2011 13


de 5,2M d’habitants, , sur près de 227 000 km². Les paysages sont principalement composés de prairies et de forêts, avec une faible présence du bâti et des espaces artificialisés. (Datar, 2011)13 En conclusion de cette typologie, on observe que le développement de l’espace rural aujourd’hui se fait de façon très inégale. Au Québec également, on remarque des dynamiques contrastée entre les différents espaces ruraux. Plusieurs catégories se distinguent : • Milieux essentiellement ruraux • Milieux ruraux au voisinage d’une ville moyenne «en région» • Milieux ruraux péri métropolitains

2/ Nouvelles dynamiques des espaces ruraux français et québécois / Evolution des relations villes/campagnes

22

Les villes dans les pays économiquement développés sont les points forts de l’espace géographique. Elles concentrent la puissance politique, financière, technique et administrative qui leur permet de commander le développement de l’espace agricole. L’évolution vers une agriculture de marché a augmenté la dépendance du monde agricole vis-à-vis des grands réseaux de distribution urbains. René Lebeau dit que « l’espace rural en Europe, en Amérique du Nord est un espace dominé, et ses paysages d’agricultures spécialisée […] sont une création des grandes villes voisines »14. Dans ce rapport de force territorial, le rural semble souvent subordonné à l’urbain. Pourtant, nombre de chercheurs font état d’un lissage des modes de vies entre le milieu rural et le milieu urbain. Nous partons du principe qu’il n’existe plus un modèle dual de vie et d’habitat entre la ville et la campagne. Ce modèle reposait sur des différences sociologiques entre des spécificités de mode de vie urbain ou rural. Globalement on observe une homogénéisation en matière de revenus, de chômage et de participation au marché du travail entre les populations rurales et urbaines. De même, on observe une diminution des écarts entre le monde rural et les moyennes nationales du point de vue socio économique. Le monde rural n’est donc pas un milieu sinistré, en marge comme peut le laisser penser les représentations collectives.

LEBEAU R., Les grands types de structures agraires dans le monde – MASSON ET Cie ÉDITEURS - Paris – 1972. 14


23


/ Mutation des usages et fonctions des territoires ruraux

24

La structure de l’économie rurale était fondée essentiellement sur l’agriculture au début du XXème siècle. Après la seconde guerre mondiale, on observe une diminution du nombre de fermes et de la population agricole due à la concentration économique des exploitations ainsi qu’à la mécanisation et à la professionnalisation du milieu agricole et forestier Vers les années 1950, des activités industrielles nécessitant une main d’œuvre peu qualifiée se développent. L’agriculture perd son rôle prépondérant ce qui cause un déclin de l’emploi en milieu rural. Que ce soit en France ou au Québec, la diminution des emplois liés à l’exploitation des ressources primaires a eu impact capital sur le monde rural. Elle pose des défis de reconversion économique de ces territoires. Cependant, l’économie rurale dépend également beaucoup de l’emploi industriel. Les ouvriers y représentent la première catégorie socio professionnelle. L’emploi tertiaire a le plus progressé ces dernières années. Cette tertiarisation a modifié la répartition et la composition des services publics et privés. Elle a également participé à la spécialisation progressive des économies régionales. En 2006, le quart des ruraux (25 %) travaillent dans le domaine secondaire (manufacturier/ construction) contre moins d’un cinquième (18 %) en milieu urbain.12 Enfin, l’une des transformations majeures de ces espaces est l’apparition d’une dynamique résidentielle avec le développement d’une économie présentielle : basée sur les activités économiques et les services générés. Cette dynamique résidentielle est à l’origine d’une recomposition sociale que nous détaillerons de manière plus poussée. Que ce soit au Québec ou en France, la valorisation de l’espace rural à travers la villégiature ou le récréo tourisme est un facteur de développement important. Cependant, il creuse les disparités entre Les territoires qui possèdent un potentiel touristique et ceux qui ne peuvent compter sur cet attrait pour se donner un nouveau souffle. L’espace rural cristallise toujours nombres d’enjeux liés à son cadre naturel: agriculture, alimentation, environnement. Cette dimension naturelle fait apparaitre des ruralités émergentes portées par la sensibilisation écologique, facteur de différenciation interne à la ruralité. Les campagnes sont perçues comme des espaces à protéger avec un patrimoine naturel qui prend de l’importance et de la valeur. Il est donc important de saisir le lien entre mutations des fonctions du territoire rural et apparitions de nouvelles hiérarchies en termes d’attractivité démographique et de valorisation entre les différentes campagnes. Ces transformations traduisent une reconfiguration spatiale des différents systèmes ruraux.

/ Des disparités dans la répartition des populations en milieu rural Dans la classification des différentes espaces ruraux, le lien entre croissance démographique et proximité avec la ville est prégnant dans les transformations de l’espace rural. L’occupation du territoire français a fortement évolué depuis les années 50. De fait, la hausse des mobilités a provoqué une rediffu-


/ Quelques chiffres illustrant l’espace rural français

87 % agricole

59 % agricole cultivé

48 millions d’hectares

24,5% population

28% bois et forêt

32,5 millions hectares

27,5% 60 ans et +

15,5 millions hectares

21,4% 20-39 ans

16 millions de personnes

25

50% tertiaire

25% actifs

20% industrie 10% batiment 20% agriculture

4,4% agriculteurs dans la population active

5,7 millions de personnes

Données extraites:Hilal.M, Barczak.A et al, (2011) de Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques, Datar, 2011, auteure Soula A.


26

sion des populations sur le territoire. Il a connu une croissance de population hétérogène qui permet de lire l’évolution des modes de vie. Jusque dans les années 60, l’exode rural nourrit les villes qui se développent pour former des pôles urbains importants sur le territoire métropolitain. A partir des années 60, les villes s’étendent et se diluent et ce sont les communes dites périurbaines qui connaissent le taux le plus fort d’augmentation de la population. Selon l’Insee, la croissance de la population française entre 1962 et 2006 concerne majoritairement les banlieues et de façon plus contrastée les centres urbains et les espaces ruraux15. La croissance des espaces ruraux peut paraitre négligeable par rapport à la croissance des espaces urbains et périurbains. Cependant, depuis les années 1990, le développement démographique des territoires périphériques est subordonné à l’attractivité des pôles urbains. L’accroissement de population des centres urbains repose sur l’accroissement naturel tandis que les espaces ruraux bénéficient d’un solde migratoire positif. Ces flux migratoires n’ont cessé d’augmenter dans les périodes les plus récentes : entre 2001 et 2006 les départements les plus attractifs sont les départements ruraux (dans lesquels 50% au moins de la population réside dans un espace à dominante rurale).15 Selon l’Insee, la croissance des territoires ruraux est équivalente à celle de la population française (0,7% par an).16 Ce renouveau démographique repose sur deux phénomènes : « la réduction des zones de désertification d’une part et l’extension de territoires dont la population croît rapidement d’autre part. » (Insee, 2006)16 Ces zones de désertification du territoire qui représentait une diagonale Est Ouest se concentrent maintenant autour des villes portuaires et minières du Nord et de l’Est. En parallèle de ce phénomène de tassement de l’exode rural, de vastes zones de croissance démographique importante émergent à l’Ouest et au Sud Ouest. Des territoires de plus en plus éloignés des villes et des littoraux se densifient à raison de 0,2% à 2% d’habitants supplémentaires au km². Le même phénomène s’applique au Québec où la population croit à proximité des villes et des régions centrales. Contrairement à une idée largement répandue, depuis 1981, la population rurale s’est accrue d’environ 9 %, soit de 161 000 individus12. Cependant, la croissance de la population rurale québécoise est deux fois moins importante que celle observée dans les zones urbaines (18% soit 840 000 personnes). Comme en France, la croissance urbaine résulte surtout d’une croissance des quartiers périphériques et d’un déclin des centres urbains. La population urbaine ou rurale s’accroit dans un petit nombre de milieux très spécifiques : le territoire rural péri métropolitain de Montréal et de Québec (62 % depuis 1981, soit 62 000 personnes), ou encore dans la partie rurale une vingtaine de territoires situés au voisinage de villes moyennes (18,5 %, soit 64 000 personnes)12. Dans les territoires ruraux ce sont surtout les régions centrales qui profitent de cet accroissement alors que les régions éloignées subissent un exode de l’ordre de -7,4 % depuis 1981. Les milieux ruraux en dévitalisation correspondent aux communes en marge de l’écoumène, plus petites et plus isolées. L’accessibilité à une agglomération (de l’ordre d’une distance de 1h de déplacement ) est un facteur déterminant de la croissance démographique de ces municipalités rurales.

Laganier.J et Vienne.D(2006) Recensement de la population de 2006,La croissance retrouvée des espaces ruraux et des grandes villes,Insee première, [en ligne] janvier 2009. Disponible sur : [http:// www.insee.fr/fr/publicationset-services/]. [27/04/2016] 16

Bigard.M, Durieux.E,(2010) Occupation du territoire et mobilités: une typologie des aires urbaines et du rural, La France et ses régions, édition 2010 15

Jean.B, Dionne.S et al, (2009) Comprendre le Québec rural, Chaire de recherche du Canada en développement rural, 2009 12


/ Carte illustrant l’Êvolution de la population des territoires ruraux au QuÊbec

Carte 3

D

eYROXWLRQ GH OD SRSXODWLRQ GHV

ÉvolutionWHUULWRLUHV de la population des territoires ruraux j de 1981 à HQ 2006 (en UXUDX[ GH %)

DÉMOGRAPHIE

Source : Statistique Canada, Recensements de la population; MAMROT, compilation spĂŠciale

Une population en croissance Ă proximitĂŠ des villes et dans les rĂŠgions centrales, mais dont la dĂŠcroissance se poursuit dans les rĂŠgions plus ĂŠloignĂŠes

La ruralitÊ n’est pas synonyme de dÊclin dÊmographique et, contrairement à une opinion largement rÊpa population rurale du QuÊbec n’est pas en dÊcroissance. En fait, depuis 1981, elle s’est accrue d’environ 9 %, soit de personnes. Cette croissance a cependant ÊtÊ, de moitiÊ, moindre que celle des villes. Avec une hausse de 18 sentant environ 840 000 personnes, cette augmentation des effectifs urbains explique la plus grande partie de l’accro de la population quÊbÊcoise. +RUV pFRXPqQH 'pFURLVVDQFH VpYqUH j

'pFURLVVDQFH LPSRUWDQWH j

0LOLHX[ XUEDLQV

5HODWLYH VWDELOLWp j

Si la croissance dĂŠmographique urbaine, selon un schĂŠma bien connu, se diffĂŠrencie entre une forte croissa &URLVVDQFH j

banlieues ĂŠloignĂŠes des centres-villes et un dĂŠclin relatif des quartiers centraux, il en va de mĂŞme pour le mil 7UqV IRUWH FURLVVDQFH HW SOXV

‹ L’augmentation *RXYHUQHPHQW GX 4XpEHF WRXV GURLWV UpVHUYpV de population a ĂŠtĂŠ très importante dans un petit nombre de milieux : le territoire rural pĂŠrimĂŠtropo MontrĂŠal et de QuĂŠbec (62 % depuis 1981, soit 62 000 personnes), ou encore dans la partie rurale d’une vingtaine de Source : Statistique Canada, recensement de la population situĂŠs au voisinage d’une ville moyenne (18,5 %, soit 64 000 personnes).

NLORPqWUHV

Dans les les territoires essentiellement ruraux, la ligne de fracture principale opposeune ceux des rĂŠgions dites centr En rĂŠsumĂŠ, milieux ruraux situĂŠs au voisinage des villes moyennes et des mĂŠtropoles connaissent croissance de population relativement forte.des La ruralitĂŠ des rĂŠgions centrales est en croissance modĂŠrĂŠe certes maisdes en rĂŠgions dites ĂŠ connaissent, eux aussi, augmentations de population (11,1 %,dĂŠmographique, soit 81 000 personnes) Ă ceux croissance, alors que ruralitĂŠ des rĂŠgions pĂŠriphĂŠriques, plus ĂŠloignĂŠes, qui poursuit une trajectoire de qui continuent dec’est voirladiminuer leurs effectifs (-7,4 %,des soitrĂŠgions -45 000 personnes). dĂŠcroissance. Spatialement, les milieux ruraux en dĂŠvitalisation correspondent aux municipalitĂŠs plus petites et plus isolĂŠes, localisĂŠes sur les marges de l’Êcoumène.

27

/ Graphique illustrant l’Êvolution de la population selon le types de territoires de 1981 à 2006

La proximitĂŠ ou l’accessibilitĂŠ relative Ă une agglomĂŠration urbaine (pour les ruraux au QuĂŠbec, consacrer une heure de dĂŠplacement pour se prĂŠvaloir d’un service est gĂŠnĂŠralement considĂŠrĂŠ comme ÂŤ accessible Âť) est devenue, avec la taille des localitĂŠs, un des facteurs dĂŠterminants de la trajectoire dĂŠmographique des communautĂŠs rurales. Ă€ tel point d’ailleurs que les milieux ruraux au voisinage des villes moyennes ÂŤ en rĂŠgion Âť auront connu, depuis 1981, des croissances de population proportionnellement supĂŠrieures Ă celles de ces mĂŞmes villes moyennes qu’elles environnent. Au chapitre de la structure des âges de la population, il n’existe plus de diffĂŠrences aussi importantes que par le passĂŠ entre Milieux ruraux 60% et l’urbain pris dans leur ensemble. En 2006, la proportion des jeunes (0-14 ans) et despĂŠrimĂŠtropolitains le1rural aĂŽnĂŠs (65 ans et plus) dans la population totale du QuĂŠbec ĂŠtait respectivement de 16,8 % et de 13,5 %. Les diffĂŠrences s’observent davantage en fonction des types de milieu, tant ruraux qu’urbains.

Figure 3

Évolution de population selon le typ de milieu, de 1981 à 2 (1981 = 100

140% Milieux ruraux au voisinage d’une ville moyenne

120%

27

Milieux essentiellement ruraux des rĂŠgions centrales

100% Milieux essentiellement ruraux des rĂŠgions ĂŠloignĂŠes

80% 1981

1986

1991

1996

2001

2006

Source : Statistique Canada, recensement de la population

26 extraite de Jean.B, Dionne.S et al, (2009) Comprendre le QuĂŠbec rural, Chaire de recherche du Canada en dĂŠveloppement rural, 200912

Source : Statistique Ca Recensemen la population MAMROT, co spĂŠciale


B/ Caractériser ce renouveau démographique des territoires ruraux 1/ Quelles populations ? / De l’exode rural à l’exode urbain

28

Merlin.P, (2009) L’exode urbain: de la ville à la campagne, Paris : La documentation française,170p 17

Réseau Rural (2012) Accueil et maintien de populations en milieu rural : le Réseau Rural Français enrichit les politiques des territoires ruraux [en ligne]. Disponible sur : http:// w w w. r e s e a u r u r a l . f r / g t n / politique-accueil/seminaire [27/04/2016] 18

Etude BVA-Cnasea(2007) Projets en campagne [en ligne]. Disponible sur : http:// www.installation-campagne. fr/documents-Projets-encampagne----5,47,68.html [27/04/2016] 19

« Depuis la fin du Haut moyen Age, l’Europe a connu une urbanisation progressive. » (Merlin, 2009)17. Jusqu’à la révolution industrielle, les populations rurales et urbaines cohabitaient de manière quasi indépendante. Alors que la population urbaine progressait, la population rurale diminuait ou stagnait sous le coup de conditions de vie plus difficiles (guerres, épidémies, famines etc.). La révolution industrielle entraine un bouleversement dans l’organisation du territoire et la répartition démographique. Les progrès de la médecine permettent une élévation du niveau de vie et une baisse de la mortalité tandis que le développement industriel pousse une partie de la population rurale à venir s’installer en ville, attirée par de nouveaux emplois ouvriers. Jusque dans les années 1960-70, l’exode rural vide les campagnes et ces conséquences sont terribles pour leurs équilibre démographique : « un rajeunissement massif des villes, un déséquilibre des sexes par un départ plus important des femmes, et une baisse de la natalité dans les campagnes privées de jeunes et de femmes » (Merlin, 2009)17. Selon Pierre Merlin, l’exode rural a concerné 12 millions de personnes pendant environ deux siècles. Autour des années 1970, les flux migratoires entre ville et campagne s’inversent de façon inattendue. Entre 1999 et 2007 la population urbaine a augmenté de 4,6% et la population rurale de 9% (source : Insee Première, août 2011). Ce renouveau démographique est une réalité numérique puisque selon l’Insee, près de deux millions d’urbains se sont installés à la campagne durant ces cinq dernières années 18. Depuis 1999, les migrations en milieu rural compensent le déficit des naissances. Le sondage Cnasea-BVA, réalisé en 2007 dans le cadre de la 4e Foire nationale à l’installation, va dans ce sens: 39% des habitants des villes de plus 100 000 habitants, soit plus de 8 millions de personnes, déclarent vouloir s’installer à la campagne.19


/ Néo ruraux ou extra urbains ?

Garcia F. Pouvoirs en souffrance. Néo-ruraux et collectivités rurales du Pays de Sault oriental. In: Études rurales, n°65, 1977. Pouvoir et patrimoine au village - 2. pp. 101108. 21 Viard J., (2011) Nouveau portrait de la france. la société des modes de vie, Editions de l’Aube, collection «Monde en cours». Janvier 2012. 208 p 20

Le phénomène de la néo ruralité date d’une quarantaine d’années. Il s’observe dans la plupart des pays occidentaux. De nombreux termes décrivent la néo ruralité: « rural population turnaroud », « counterstream migration », « rural in-migration ». Dans la francophonie, ce sont plutôt les termes de « migration vers les campagnes », de « recomposition des populations rurales », de « repopulation », de « renouveau ». En France, les bouleversements sociaux suite aux évènements de mai 1968 poussent certaines populations à rechercher des modes de vie alternatifs. Une première vague de jeunes urbains sensibles à l’écologie quittent la ville pour s’installer à la campagne. En 1990, une deuxième vague relance la démographie et l’économie des campagnes. Cadres, ouvriers, professions intermédiaires quittent la ville non plus pour des raisons idéologiques mais pour trouver un meilleur cadre de vie ; ils fuient les « désagréments » de la vie urbaine. Pour F. Garcia les néo-ruraux sont des « individus, sans discrimination de sexe ou d’âge, vivant en couple ou seuls ou en communauté, qui par une décision volontaire ont quitté leur milieu social, professionnel et de résidence, pour exercer de façon exclusive ou non des activités agro-pastorales ou artisanales en zone rurale » (Garcia, 1977)20 Cette définition ancienne, ne prend pas en compte les évolutions des nouvelles technologies et du travail à distance. Elle exclue également les populations non actives comme les retraités ou encore les personnes qui exercent une activité professionnelle hors milieu agricole. Le terme de néo ruralité est utilisé de façon plus ou moins extensive pour qualifier ce phénomène de renouveau démographique, mais il reste fortement connoté. Nous retiendrons dans l’étude de ce phénomène de néo ruralité l’inversion qui s’est amorcée entre la primauté donné par les individus à l’activité professionnelle sur le choix du cadre de vie et de résidence. Ce phénomène a entrainé l’augmentation de la part des populations habitant en milieu rural mais dont l’activité n’en dépendait pas. Jean Viard, sociologue et directeur de recherche CNRS au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), préfère utiliser le terme d’extra-urbains, car le terme de néo ruraux renvoit trop aux communautés des années 70. Pour lui, les extra-urbains sont toujours urbains : « on pourrait appeler extra-urbains les habitants qui ont fait le choix de quitter l’urbain central comme lieu résidentiel. Urbains, ils le sont toujours, bien sûr, mais ils habitent ailleurs. Ils sont les habitants de la ville-nuage, mais aussi de la toile TGV.» ( Viard, 2011) Cette définition plus actuelle des personnes ayant émigré hors de l’espace urbain nous permet de cerner mieux ce phénomène : «la ville-nuage des extra-urbains a pris le pas sur la France rurale et agraire (...). Les extra-urbains vivent d’abord comme des urbains, aussi bien par les kilomètres parcourus, les consommations, l’éducation des enfants, que par leur inscription dans un monde du travail de bi-actifs ou leurs usages intensifs d’internet et des portables.»21 Le profil démographique de ces populations est difficilement généralisable. On observe une prédominance des adultes et des enfantes jeunes d’où un rajeunissement de la population. Les jeunes ménages sont en effet plus mobiles, souvent en location jusqu’à la naissance

29


du second enfant. L’exode urbain est présent à tous les niveaux socio économiques avec une majorité de classes moyennes. Les cadres sont les plus représentés avec 55.8 % d’actifs dans la part des migrants entre 1990 et 1999 (Merlin,2009, p58)17. L’exode urbain privilégie des situations d’accession à la propriété, ce qui sélectionne socialement les individus. La répartition socio professionnelle géographique des migrants observe une certaine logique : plus on s’éloigne des pôles urbains et plus la part des classes moyennes et modestes décroit alors que la part d’inactifs et de retraités croit. Ce phénomène démographique questionne la répartition des populations sur le territoire et les nouveaux modes d’habiter. Il est donc intéressant d’examiner les schémas de répartition des populations sur le territoire.

/ Un phénomène démographique nourrit par des évolutions sociétales

30

L’engouement pour la campagne est relativement récent (fin des années 1970). Il arrive bien après le désir d’habiter une maison individuelle et ne peut en être la cause unique. Ces évolutions d’attentes en matière d’habitat et de qualité de vie sont concomitantes à des mutations sociales importantes qu’il est nécessaire de situer. Tout d’abord, la motorisation croissante des ménages a remodelé le rapport entre lieu de vie et lieu de travail. En effet, les années 1960 ont étendu l’utilisation de l’automobile aux classes moyennes. La distance parcourue par un individu a été multiplié par neuf entre 1950 et aujourd’hui 21. On est passé d’un espace social, d’une urbanité de voisinage qui se contenait dans un rayon d’action de 5 km à un rayon d’action de 45 km en moyenne par jour. Notre rapport aux lieux en a été considérablement modifié: « chacun d‘entre nous connait des lieux par les trajets qui les lient et se dessine ainsi un espace en archipel individuel, régulièrement reconfiguré qui n’a plus rien à voir avec l’espace compact que nos parents parcouraient […] » (Viard, 2011, p62)21 Cette augmentation des mobilités individuelles et collectives est interdépendante de l’essor des télécommunications. Cet essor a permis un affranchissement relatif des contraintes de proximité. La réduction du nombre de déplacements domicile-travail a fortement influencé le choix d’un habitat plus éloigné du lieu de l’activité professionnel17. Cette évolution de la part de la vie professionnelle dans la vie de l’individu est exprimée comme le véritable moteur des transformations territoriales d’aujourd’hui. La thèse de Jean Viard repose sur l’idée que « dans notre société de plus en plus organisée par le temps des études, les loisirs, la télévision, les vacances, les temps libres, la retraite…, nos modes de vie, nos attentes individuelles, nos rêves privés sont devenus de grands transformateurs sociaux et territoriaux. » (Viard, 2011, p9)21 Auparavant, l’emploi et l’activité professionnelle déterminaient les déplacements et le lieu de résidence des populations : « hier, le cœur de notre manière d’habiter était porté par le voisinage avec le travail et

Merlin.P, (2009) L’exode urbain: de la ville à la campagne, Paris : La documentation française,170p 17


les cultures du travail. Paysan dans son village, ouvrier dans sa banlieue […] l’emploi obligeait » (Viard, 2011, p10)21. Viard soutient que la réduction du temps de travail quasi égale au temps de non-travail favorise l’émergence d’une culture de l’art de vivre qui influence les désirs d’habitat des populations. Le désinvestissement de l’individu dans sa vie professionnelle s’est doublé d’une généralisation de la culture des vacances, des loisirs où le temps consacré à son bien être domine : temps libres, consommation et éducation structurent les parcours individuels. 21 Ces évolutions sociétales sont déterminantes pour comprendre ce qui motive aujourd’hui les stratégies résidentielles et migratoires des populations.

2/ Les causes migratoires « Ces derniers[les extra-urbains] s’installent à l’écart des villes pour éviter leurs nuisances, pour offrir un meilleur cadre ou de meilleures écoles à leurs enfants, mais suffisamment près pour bénéficier de leurs avantages. Chose nouvelle : ils partagent une même urbanité avec ceux qui sont installés de longue date dans ces territoires, y compris les agriculteurs, qui désormais font leurs courses au supermarché et confient leurs enfants à la crèche. » (Jean Viard, 2011)21 Dans le cadre d’entretiens avec des personnes ayant quitté la ville pour s’installer à la campagne, j’ai pu les interroger sur leurs motivations. Cela m’a permis de cerner plus précisément leurs attentes vis-à-vis du territoire rural et ce « désir de campagne ». Comme le souligne Jean Viard : « La pensée urbaine continue par trop à associer éloignement de la ville et exclusion, sans toujours comprendre la recherche de modes de vies qui sous-tend l’étalement urbain. » (Viard, 2011, p75)21 Dans l’étude de ces causes migratoires il convient de distinguer les potentiels existants du territoire rural et les souhaits des populations vis-à-vis de ce cadre de vie.

Isabel Boussard, « Bertrand HERVIEU et Jean VIARD, Au bonheur des campagnes (et des provinces), Marseille, L’Aube, 1996, 160 p. », Ruralia [En ligne], 01 | 1997, mis en ligne le 25 janvier 2005, consulté le 27 avril 2016. URL : http://ruralia.revues.org/22 22

Ruegg et Dechesnaux, (2003), Territoires intermédiaires et espaces ruraux, politik des ländlichen raumes 1

/ Le potentiel de nature L’analyse de l’attrait qu’exerce l’espace rural sur une partie de la population n’est pas nouvelle. En 1996, Bertrand Hervieu et Jean Viard, s’intéressent à ce qui motive ce « désir de campagne ». Ils analysent, à travers une série d’entretiens (806 ruraux et 1217 urbains), ce renforcement de l’attrait pour la campagne. Une partie de cet attrait repose sur un élément traditionnellement représentatif du territoire rural : le paysage. Il est évoqué à 72% pour les urbains et 61 % pour les ruraux comme représentatif de la campagne.22 Ce cadre paysager est synonyme de calme et de tranquillité.1 Cet argument revient très souvent dans la bouche des néo ruraux. Il y a depuis les années 1970 une idéalisation de la nature, accompagné par l’émergence du discours écologique dans nos sociétés a

31


contribué à revaloriser l’image de la campagne pour les urbains. Pierre Merlin s’interroge sur ce qui se cache réellement derrière ce terme de qualité de vie. 17 Tout d’abord la proximité avec la nature est un désir récurrent des populations qui souhaitent vivre à la campagne. Le jardin, un espace boisé etc font partie des attentes des extra urbains. « On voulait une maison dans un espace boisé, on voulait un jardin » (Marie-Hélène Quirrion, Saint Camille, Québec) « Mes motivations profondes, l’envie de vivre un peu plus proche de la vraie vie. » (Nicolas Soumis, Saint-Camille, Québec) On voit aussi apparaitre un désir de production agricole, à petite échelle : « On souhaitait avoir assez d’espace pour éventuellement avoir une petite plantation fruitière. » (Marie-Hélène Quirrion, Saint Camille, Québec) « Il y avait bien sur la proximité avec la nature et aussi un certain projet de production maraichère dans le sens où on voulait avoir un grand jardin et quelques animaux. On souhaitait avoir une plus grande autonomie alimentaire. » (Anne-Marie Merrien, Saint Camille, Québec)

32

Dans les entretiens réalisés parmi ces populations perce l’idée d’un mode de vie plus proche de la nature, un retour à la terre en accord avec un mode de vie plus écologique : se nourrir localement et produire ses fruits et légumes, être plus proche de la nature et des animaux ainsi qu’une culture plus respectueuse de l’environnement. Aujourd’hui, cette composante écologique est partagée par de nombreuses composantes de la société et influence les désirs résidentiels des populations.

Djefal J., Eugène S.(2004) Titre de l’article, Etre propriétaire de sa maison un rêve largement partagé, quelques risques ressentis, [en ligne] n°177, Disponible sur : www.credoc.fr [27/04/2016]. 23

La Dépêche du Midi (2007) Sarkozy a l’»ambition de faire la France un pays de propriétaire»,La depêche, [en ligne] 03/05/2007. Disponible sur : [http://www.ladepeche. fr/article/2007/05/03/414329sarkozy-ambition-fairefrance-pays-proprietaire. html]. [27/04/2016] 24

/ Le mythe de la maison individuelle Les populations sont attirées depuis 1945 par la maison individuelle (Merlin, 2009)17. Elle représente pour 82 % des français le logement idéal et 77% souhaiteraient en être propriétaire. Ainsi depuis le milieu des années 1970, la moitié des résidences principales sont des maisons individuelles et depuis 1997, elles représentent la moitié des logements construits.23 Cet attrait est largement partagé par les actifs toutes catégories sociales confondues y compris les extra urbains. Ce désir populaire a été repris par Nicolas Sarkozy dans un discours de campagne. «Mon ambition, ce serait de faire de la France un pays de propriétaires. Il y a un Français sur deux qui sont propriétaires de leur logement, il y a 80% d'Espagnols qui sont propriétaires de leur logement, il y a 76% des Anglais qui sont propriétaires de leur logement. Il y a 12 millions de familles françaises qui aimeraient être propriétaires.» (Sarkozy, 2007)24 L’attrait pour la maison individuelle et la propriété rassemble un grand nombre de mythes vis-à-vis de la qualité de vie et de l’habitat. Au-delà de la maison, son implantation nourrit l’image de l’habitat idéal. 58 % des individus interrogés dans le cadre de l’étude Credoc

Merlin.P, (2009) L’exode urbain: de la ville à la campagne, Paris : La documentation française,170p 17


jugent que l’élément le plus important dans un logement est le jardin ! L’étude émet l’hypothèse d’un rapprochement globalisé avec la nature qui s’exprimerait dans ce choix. La localisation géographique et l’environnement immédiat arrivent respectivement en deuxième et troisième position. Les qualités intérieures du logement, sa superficie, son aspect, la répartition des pièces apparaissent comme secondaires pour les répondants. La flexibilité et la possibilité d’un espace à géométrie variable, le sur mesure, la personnalisation du logement sont des arguments donnés par les populations qui plébiscitent la maison individuelle. Elle prend également une dimension patrimoniale, comme placement pour le futur. Sur les notions de confort, la maison individuelle est le lieu de la convivialité. Elle permet de pallier au désagrément de la vie collective comme le bruit ou les conflits de voisinages. (85% placent le bruit comme une nuisance de la vie en appartement pour seulement 3% en maison individuelle)(Credoc, 2004)23. Enfin dans la dimension constructive, le mythe de la maison individuelle intègre des préoccupations de durabilité à travers les matériaux ou la thermique (système de chauffage et isolation). Pierre Merlin présente les arguments en faveur de l’implantation de ce modèle en milieu rural: une forte demande sociale, le rejet des grands ensembles et du gigantisme des formes urbaines, la crise de la ville « pollutions, insécurité, stress, la disposition d’un espace privatif et l’institution d’une distance symbolique entre lieu de travail et domicile » (Merlin, 2009, p37)17 . Ceci nous éclaire sur les caractéristiques recherchées et permet d’éclairer les causes des migrations de ces populations en milieu rural. C’est bien la dimension du lieu où s’implante le logement qui est recherchée au-delà de toutes les autres caractéristiques de la maison individuelle.

/ Une migration motivée par une logique rayonnante du marché foncier

RODRIGUES A.(2010) Périurbanisation, rurbanisation, artificialisation : état des lieux, conséquences et alternatives, Insee pays de la loire - en pays de la loire, la ville déborde de plus en plus sur la campagne - , [en ligne] octobre 2010. Disponible sur : [http://www. insee.fr/fr/insee_regions/ pays-de-la-loire/themes/dossiers/dossier38/dossier38_ ch01.pdf]. [27/04/2016] 25

La majorité des individus nourrissent un rêve résidentiel autour de la maison individuelle. Or, où se situent les terrains dont le coût reste abordable pour la classe moyenne voire pauvre ? La logique rayonnante du marché foncier tend à valoriser les terrains les plus proches du centre. Elle a mené les familles désireuses de devenir propriétaires toujours plus loin des centres ville, à la recherche de terrains abordables. Ainsi pour l’Insee, « La carte des mouvements de la population se superpose largement à celle des prix des terrains à bâtir. En suivant la carte dessinée par le marché du foncier, les migrations résidentielles conduisent souvent à une logique de ségrégation.» (Insee, 2010)25. Selon Pierre Merlin, la politique de financement du logement est responsable de ce phénomène migratoire : « Le mode de financement du logement a toujours été le facteur dominant de l’évolution du développement urbain. » (Merlin, 2011, p29) Jusqu’à la première guerre mondiale, le développement du logement repose sur les investisseurs privés et la location domine majoritaire-

33


34

ment le marché. En 1914, l’inflation provoquée par la guerre encourage l’Etat à prendre des mesures de plafonnement des loyers, suivie de plusieurs autres jusqu’en 1948. Ces mesures rendirent la construction non rentable pour les investisseurs. Au lendemain de la première guerre, les destructions massives, les déplacements de populations, ainsi que une hausse de la natalité provoquèrent une augmentation de la demande en logements. Cela provoqua une vague de lotissements, souvent de piètre qualité, en périphérie des villes. Après la seconde guerre mondiale, une deuxième crise du logement provoque cette fois, une réponse publique avec la construction de grandes opérations HLM et le développement de l’offre locative sociale. En 1977, la loi réforme le système de financement des logements et provoque un nouveau bouleversement dans le développement urbain. L’Etat ne souhaitant plus investir pour la construction de logements encourage l’accession à la propriété par des prêts à des conditions avantageuses. C’est le développement des PAP (prêt à l’accession à la propriété) et de la généralisation de l’APL (aide aux logements personnalisé). Ces mécanismes permettent de rendre solvables les classes moyennes et modestes. Cependant, en plafonnant les mensualités, cette loi a permis aux populations de devenir propriétaire là où les logements sont peu chers, sur des terrains bons marchés. Ceci a développé l’urbanisation des terrains éloignés, certains situés au sein d’espaces ruraux. Il est important de comprendre le lien entre les mécanismes de financements du logement et les formes d’urbanisations. Au XIXème, la banlieue ouvrière, sous la forme de petits immeubles et maisons proches des villes est le fruit d’un financement majoritairement privé. Pendant la période d’entre-deux guerres, le désinvestissement du secteur privé a causé le financement individuel de « mauvais » lotissements pavillonnaires tandis que le secteur public privilégiait l’offre locative avec la construction des HBM, puis des HLM. La loi de 1977 a décuplé la construction d’habitat individuel en accession à la propriété. La logique rayonnante du marché foncier associée aux mécanismes de financement est en grande partie à l’origine du phénomène de rurbanisation de la fin des années 1970. Maurice Goze, relève cet argument économique un moteur d’éloignement d’une partie des classes moyennes désireuses d’accéder à la propriété : « La demande d’espace, les effets repoussoirs du coût du foncier et de l’immobilier ont, notamment, reporté l’accession à la propriété d’une partie des classes moyennes vers un milieu périurbain voire rural de plus en plus lointain, dont l’accessibilité est favorisée par la rapidité des moyens de transports. » (Goze, 2008). Ainsi, le renouveau démographique en milieu rural n’est pas seulement motivé par un désir écologique, mais il est porté par cette catégorie de population désireuse de devenir propriétaire à coût abordable. C’est pourquoi, le renouveau démographique des campagnes s’accompagne de problématiques similaires aux motivations périurbaines. Même si ce renouveau s’effectue dans des territoires estampillés « ruraux », les motivations de ces populations se rapprochent grandement des motivations des habitants du péri urbain.


/ La recherche d’une meilleure « qualité de vie » au sens large « La ruralité est, pour un nombre croissant de citoyens, jeunes et moins jeunes, une valeur en soi, une perspective sérieuse, sinon vers le bonheur, en tout cas vers le « vivre autrement », et le « mieux vivre ». Elle porte en partie la revendication d’un autre mode de vie, se présente comme un remède à la crise de la ville. »26

Grosrichard F., Béatrice J. (1999) , Les campagnes veulent relever le défi de la modernité», le Monde, 19/10/1999 26

Laurent Lanquar, « Rurbanisation et développement rural durable : la question des transports », Pour 2007/3 (N° 195), p. 8085. 27

C’est l’argument majeur qui motive aujourd’hui les migrations de ces populations hors du cadre urbain. La montée des valeurs écologiques a également contribué à requalifier la vision de l’espace rural dans l’imaginaire collectif : la disposition d’espace, le contact avec la nature, l’absence supposée de pollution et de bruit, une moindre agitation de la vie quotidienne (Merlin, 2009)17. C’est « l’utopie collective de vouloir vivre au vert » dit Laurent Lanquar, ingénieur, architecte, urbaniste (Lanquar, 2007)27. Pour Viard et Hervieu, la campagne, pour une partie de la population interrogée, fait figure de lieu de beauté et de qualité de vie lorsque la ville reflète le progrès. Elle représente un idéal de liberté : « Il n'est pas indifférent qu'en cette fin de siècle, où la ville triomphe quasiment partout sur la planète, on voit naître chez nous cette image de la campagne de liberté et de la campagne de solidarité » (Hervieu, Viard, 1996, p15)22. Ces représentations sont toujours présentes aujourd’hui dans l’inconscient collectif et motivent les désirs résidentiels des populations. Le territoire rural apparait également comme un lieu de préservation des valeurs, un garant de la tradition : « les grandes valeurs fondamentales de notre pays sont mieux préservées à la campagne qu'en ville » (Hervieu, Viard, 1996, p. 143)22 De même, la notion de qualité de vie est associée au territoire rural : «… plus d’espace, moins de stress, des logements plus accessibles, une qualité de vie, etc. » (Réseau rural, 2012)19 Dans une étude réalisée par l’institut TNS-SOFRES en 2007 sur le français et leur habitat, les chercheurs mettent en avant la relation entre les désirs d’habitat et la perception de la densité. Il apparait que la forme urbaine la plus désirée est celle de la maison individuelle isolée pour 56% des interrogés. Le territoire rural apparait pour 33% des interrogés comme le cadre de vie idéal. La faible densité du territoire rural apparait également comme un atout pour les populations susceptibles d’y migrer. Dans l’échantillon de néo ruraux interrogés lors de notre enquête, des convictions écologiques percent qui cadrent avec l’idée première de la néo ruralité. Le territoire rural porte à la fois un désir de cadre de vie plus qualitatif en terme de paysage, de nature et de potentiel d’espace disponible mais également un territoire qui offre plus de liberté et de possibilités pour « faire différemment ». C’est la conclusion des observations réalisées par Hervieu et Viard : « La campagne dépeuplée, la campagne vouée à la seule agriculture, la campagne où le paysan a cédé devant l'entrepreneur agricole, celle-là même est devenue autre, territoire paysager de nos rêves, de nos fantasmes et de l'épanouissement individuel » (Hervieu, Viard, 1996, p. 111)22.

35


En cernant les désirs de ces populations, nous avons pu comprendre les attentes de ces populations et le désir qui motivait ces migrations. Mais quelle est la spatialisation de ces désirs ? Quels sont les territoires concernés par cette migration ? Comment se répartit-elle sur le territoire ?

3/ Spatialisation du phénomène démographique : la rurbanisation / un effort de terminologie nécessaire

36

De nombreux termes sont apparus pour qualifier ces nouvelles formes d’urbanisation. Cette multiplication peut entrainer une confusion dans les notions : « Suburbanisation », « périurbanisation », « développement périphérique », « rurbanisation », « contre urbanisation », « étalement urbain », « exode urbain » (Choay, Merlin, et al, 1988)29 ou encore « l’urbanisation des campagnes » (Thomsin, 2001). Cette forme d’urbanisation est souvent associée à la périurbanisation. Il est nécessaire de comprendre ce qui les distingue. Les trois premiers termes renvoient à des formes d’expansion urbaine en continuité de la ville. La croissance de la ville hors de ses limites historiques a débuté très tôt sous la forme des faubourgs, excroissances ponctuelles. Fau (hors) signifie qu’il s’agit de lieux d’établissement humain hors des murs de la ville (Merlin, 2009)17. Ces lieux accueillaient les activités ou les individus rejetés par la ville. La banlieue, est largement employée pour qualifier les formes d’urbanisation de la ville contemporaine. Banlieue signifie « étendue d’une lieue autour des villes soumise à leur juridiction » (Merlin, 2009, p9)17. Elle illustre un développement continu hors de la ville causé par l’absence ou l’effacement des limites de celle-ci. Datant du XIXème siècle, elle a pris différentes formes : banlieue industrielle liée au développement des usines et de l’habitat ouvrier, banlieue pavillonnaire sous la forme de lotissements durant l’entre-deux guerres, les grands ensembles d’immeubles collectifs HLM et HBM sous la forme de barres et de tours à l’époque des « trente glorieuses » et l’habitat individuel jusqu’à nos jours. La banlieue a été l’expression d’un nouveau mode de vie, suscité par la hausse des mobilités et la démocratisation des moyens de transports. Les termes de suburbanisation et périurbanisation découlent de cette forme d’urbanisation. Le premier est né aux Etats-Unis, dans les années 1950 et traduit la dépendance à la ville des grandes banlieues résidentielles. Ce terme est donc inapproprié pour qualifier les formes d’habitat dispersés qui nous concernent. Le second est plus couramment utilisé en France, depuis les années 1960, pour désigner « la forme principale prise par la croissance urbaine ». Pierre Merlin définit la périurbanisation comme « le mouvement des pôles urbains (villes centres et leurs couronnes urbaines) vers les communes classées périurbaines par l’Insee (Merlin, 2009 p10)17. Il s’agit d’ une urbanisation périphérique qui se développe autour et en continuité

Laurence Thomsin, « Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé », Ruralia [En ligne], 09 | 2001, mis en ligne le 19 janvier 2005, consulté le 19 octobre 2014. URL : http://ruralia.revues. org/250 28

Matoré Georges. Pierre Merlin, Françoise Choay et al. Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, Paris, PUF, 1988. In: L'Information Grammaticale, N. 44, 1990. pp. 44-45. 29


des agglomérations urbaines. En 2001, Laurence Thomsin met en avant la nécessité de définir un terme consensuel pour décrire « l’ensemble des processus initiateurs de dynamiques nouvelles animant au cours des dernières décennies les espaces ruraux » (Thomsin, 2001)28. Elle rejette les théories des années 1960-1990 proposant une vision de l’espace rural comme un espace résiduel ou assimilé dans un processus de croissance infinie de l’espace urbain. Cette lecture des changements sur l’espace rural relevait d’un modèle de développement urbanocentré. Cette idée de la croissance urbaine, sous le concept de métropolisation a entrainé une diffusion de modèles « pro urbains » qui ont nuit à la connaissance des changements spatiaux en milieu rural. Cette lecture a conduit à voir la ville comme un espace en expansion ou encore à la fermeture des services en milieu rural sur la base d’une politique de normalisation. Le système de développement rural a été pensé avec les outils du développement urbain. L’espace périurbain est un espace en voie d’assimilation. Il subit des transformations morphologiques et fonctionnelles propre à l’urbanisation. Les communes rurales ayant subi ces transformations répondent à une logique fonctionnelle urbaine. Selon l’auteure, la périurbanisation décrit un nouveau type d’espace qui s’est largement diffusé qui procède du concept bien connu d’urbanisation. Elle conteste clairement la généralisation de la périurbanisation à l’ensemble des territoires ruraux en mutations. « La périurbanisation fait référence à des transformations spatiales liées au desserrement des fonctions urbaines alors que l’urbanisation des campagnes se limite à un processus d’intégration (c’est-à dire culturelle) sous influence des villes mais indépendamment de la distance physique à celle ci, et ne se traduisant que par la diffusion de manières d’habiter et de consommer qualifiées d’urbaines. »(Thomsin, 2001)28 Elle nous invite à nous détacher des termes de périurbanisation et d’urbanisation des campagnes trop figés pour aller vers la réactualisation de la rurbanisation (néologisme popularisé en 1976 par Gérard Bauer et Jean Michel Roux dans «la rurbanisation ou la ville éparpillée»). Le terme de rurbanisation est souvent utilisé, parfois de façon erronée : Pour certains, « La rurbanisation est la nouvelle forme de l’étalement urbain et du mitage des territoires qui lui est inhérent. » (Lanquar, 2007, p80) 27 La rurbanisation est une évolution rurale non périurbaine, le fait qu’il soit postérieur au phénomène de périurbanisation a entrainé son assimilation à tort dans les nouvelles formes découlant de la croissance urbaine. La rurbanisation n’est pas un état transitoire vers une périurbanisation future. Ces concepts se différencient par l’ampleur des transformations paysagères et nouvellement affectées, par le poids statistique des populations nouvelles, par le contexte de leurs mécanismes respectifs et leur intensité (Thomsin, 2001)28. L'espace rurbain, correspond à une transformation sur place de l'espace rural. Il conserve des structures héritées, porteur d’une culture urbaine et relativement à l’abri des contraintes collectives propres à l'urbanisation classique. La rurbanisation serait une catégorie de territoire n’appartenant ni à l’espace urbanisé ou en voie de l’être mais qui rompt avec le modèle de la communauté et les modes de vies

37


ruraux traditionnels. Spatialement, ces territoires combinent « des processus d’urbanisation aux effets morphologiques et fonctionnels diffus, de mécanismes locaux de développement et de comportements novateurs des populations rurales autochtones et allochtones recherchant à valoriser une nouvelle hiérarchisation des valeurs. » (Thomsin, 2001)28. La rurbanisation exprime en cela une nouvelle phase dans l’histoire du peuplement spatial et une rupture dans l’histoire de l’extension urbaine.

/ les formes d’occupations de l’espace de la rurbanisation

38

La rurbanisation est à priori à l’origine d’une recomposition socialement et économiquement positive du milieu rural. Elle dessine une nouvelle géographie sociale. Il est important de ne pas confondre les formes d’occupations du périurbain et du rurbain. La rurbanisation se différencie de la périurbanisation par le fait qu’elle concerne des territoires plus vastes. Toutes les régions sont concernées mais la proximité avec les pôles d’emploi urbain augmente le phénomène. Sur le plan du relief, les zones légèrement accidentées sont préférées aux zones plates, trop monotones et aux lieux trop escarpés. Les sites favoris pour les opérations groupées restent les vallées larges alors que les maisons individuelles isolées ou les petits lotissements se font plus facilement sur les coteaux ou les collines. La proximité avec un cadre paysager de qualité comme des cours d’eau, des lacs ou étangs ou des milieux boisés sont fortement appréciés. Ils correspondent aux attentes des extras urbains. La structure parcellaire est importante : les petites parcelles favorisent les petits lotissements ou le mitage, alors que les grandes parcelles se prêteront plus facilement à l’habitat groupé. Les formes périurbaines et rurbaines se caractérisent toutes deux par une occupation discontinue de l’espace liée aux constructions réalisées au gré des opportunités foncières, des possibilités ouvertes par les documents d’urbanisme, des dessertes. Elle participe au mitage du territoire. Cependant le périurbain se développe comme une extension urbaine avec vocation à être relié à un pôle urbain et à proposer aux individus les services d’une implantation en milieu urbain. La rurbanisation n’est pas planifiée et ne prétend pas offrir les facilités urbaines aux nouveaux arrivants. La périurbanisation est à la recherche d’une proximité et d’une continuité maximale avec l’espace urbain même si sur le plan de l’organisation spatiale elles peuvent présenter des discontinuités dûes à des opérations différenciées. Ces formes spatiales dans certaines réalisations traduisent un rejet profond du rural et tentent de valoriser la proximité avec l’urbain.


C/ les spécificités de l’habitat en milieu rural 1/ Les structures spatiales traditionnelles / Les structures agraires Nous définirons ici certains termes pour établir les spécificités de l’habitat en milieu rural. Cela nous permettra de saisir les variations entre ancien et nouvel habitat. Pour René Lebeau, les structures agraires « se caractérisent dans un ensemble rural donné, par une certaine méthode d’organisation de l’espace cultivé, d’où résulte un type d’habitat, une certaine forme des parcelles cultivées, un système de culture particulier. »( Lebeau,1972, p7)14. La compréhension de la structure agraire d’un territoire est essentielle pour comprendre l’habitat traditionnel de ce territoire. Le paysage est un élément déterminant dans l’étude de la structure agraire d’un territoire, nous en parlerons sous le terme de paysage agraire. Le finage représente « le territoire sur lequel un groupe rural, une communauté de paysans, s’est installée pour défricher et le cultiver, sur lequel il exerce des droits agraires. »14 Le terroir est « une étendue de terrain présentant certains caractères qui l’individualisent au point de vue agronomique. »14 Les caractéristiques d’un terroir sont dûes à la fois à des caractères physiques (relief, climat, exposition, sol etc.) et aux aménagements entrepris par l’homme. Dans un territoire, on distingue une partie cultivée(les champs etc.) qui relève de la morphologie agraire et une partie qui porte l’installation humaine les maisons et leurs annexes: l’habitat rural. La morphologie agraire représente le dessin et l’aspect des chemins d’exploitations, parcelles et disposition relative des champs, bois et pâturages (Lebeau, 1972)14 L’habitat rural est lié à cette morphologie agraire dont l’unité de base est la parcelle. Le système de culture représente « l’association de plantes choisies par une société rurale pour tirer partie de ses terres. »(Lebeau, 1972)14.

39


Ces trois composantes, habitat, morphologie et système de culture composent la structure agraire d’un territoire en associant l’homme et le sol. L’habitat rural traditionnel est fondé sur une relation interdépendante avec son territoire. Selon Lebeau, « le paysan fonde sur son système de culture sa sécurité et sa vie, il lui subordonne son habitat et ses mœurs, il lui associe des croyances et des préjugés » (Lebeau, 1972)14. L’auteur établit des liens entre structure sociale et structure agraire. En s’appuyant sur l’exemple des Incas, il met en avant la relation entre un habitat groupé et une forte cohésion sociale ainsi que la grande capacité des ces populations à structurer et aménager leur territoire.

/ les formes de répartition de l’habitat rural : le village Les zones d’habitat peuvent revêtir plusieurs configurations : • l’habitat groupé: lorsque les maisons s’agglomèrent autour d’un unique village • l’habitat dispersé : lorsque les habitations rurales s’éparpillent, isolées.

40

Il existe une multiplicité de formes intermédiaires. Pour les caractériser, on utilise des paliers : groupements (de 2 à 5 maisons), petits groupements (6 à 10 maisons), localités rurales (plus de 50 habitants) On établit aussi une classification chronologique des phases d’établissement humain :

Structure linéaire

Structure rayonnante sur un anneau

• habitat originel ou primaire : peut être dispersé ou groupé, la forme correspondant à la plus ancienne connue • habitat dérivé ou secondaire : se distingue de la forme originelle en prenant la forme d’une dispersion secondaire intercalaire, de substitution ou encore d’un groupement secondaire Structure rayonnante sur un point

Les formes de village se présentent sous une forme organique ou organisée comme réparties le long d’un axe. Généralement l’organisation de l’habitat dispersé se répartit plutôt, en Europe, selon les indications du milieu naturel : proximité d’une source, versant ensoleillé, sol plus fertile. Les groupements d’habitat présentent souvent une disposition plus ramassée circulaire ou linéaire. Ils prennent les formes suivantes : • Le plan linéaire : le village en rue, le village en étoile, le village linéaire

Structure linéaire en épi


• Le plan ramassé ou nucléaire : le village en rond, le village en tas, le village en lisière Les causes de ces formes multiples ont souvent pour origine le relief (coteaux ou vallée) mais elles résultent le plus souvent d’intentions humaines. Le système québécois, se décline selon le système côtes et rangs, très proche du plan linéaire. Il se base sur une organisation hydrographique du territoire. Le rang « consiste en une disposition des maisons sur une ligne —le rivage des cours d'eau, ou une route — à quelque distance l'une de l'autre, chacune au début de sa parcelle. Celle-ci s'allonge perpendiculairement à la ligne générale du cours d'eau de sorte que chaque propriété forme une lanière parallèle à la propriété voisine.» (Deffontaines, 1953)30. « Il s’agit d’un mode d’occupation des terres qui sont découpées en lopins individuels en forme de longues bandes étroites à partir du fleuve, reliées par un chemin appelé le rang, qui assure une proximité des exploitants agricoles entre eux et facilite diverses formes d’entraide et un fort esprit communautaire. Avec le temps, les villages sont apparus comme des renflements d’un rang où il se produisait une densification des habitations autour des fonctions institutionnelles avec l’église, commerciales avec les artisans et résidentielles avec les agriculteurs retraités » (Jean, Dionne et al, 2009)12. Ce découpage découle du régime seigneurial présent en Nouvelle France ; les seigneuries étaient découpées perpendiculairement à la direction principale du Saint Laurent ou dans les vallées affluentes de la rivière principale.

41 / Caractéristiques de la maison rurale traditionnelle Derruau M.,(1956) « À l’origine du "rang" canadien »,Cahiers de géographie du Québec, vol. 1, n° 1, 1956, p. 39-47. 30

DOYON G. & HUBRECHT R., L’architecture rurale et bourgeoise en France - Dominique Vincent et Cie Editeur Paris 1979. 31

Jean-Pierre Campredon, « Le sens d’habiter », Pour 2007/3 (N° 195), p. 48-56. DOI 10.3917/pour.195.0048 32

Albert DEMANGEON, « L’habitation rurale en France. Essai de classification des principaux types », dans Annales de géographie, tome 29, n° 161, 15 septembre 1920, pp. 352-375 33

« Traditionnellement, ces entités [paysagères] ont créé différentes formes d’habitat, non seulement liées aux climats, aux matériaux locaux, et aux accessibilités, mais également au relief, au tellurisme, à l’air et la lumière du lieu » (Campredon ,2007)32 L’étude des pratiques de l’habiter en milieu rural est relativement récente. Les premières enquêtes datent de la fin du XIXème siècle. Elles se poursuivent entre 1942 et 1946 face aux destructions massives. Selon G.Doyon et R Hubrecht, les maisons rurales qui subsistent dans nos campagnes ne remontent pas avant le XVIème siècle pour la grande majorité. La maison paysanne, telle que définit, par Lebeau possède un double rôle : • un rôle d’abri pour la famille paysanne et ses biens et se conforme aux exigences du milieu physique dans lequel elle se trouve (intempéries mais aussi matériaux présents sur le site). • un rôle de centre d’exploitation: entreposage des récoltes et des animaux, stockage des machines agricoles etc. Cette fonction s’exprime dans la dimension des maisons et leur aménagement interne. Le géographe Demangeon perçoit la maison rurale comme un instrument agricole. Cet habitat est régi par le système de culture du finage auquel elle appartient : dimension, forme, disposition interne.33


Demangeon distingue deux grands groupes de formes de maisons rurales : • La maison bloc qui réunit sous le même volume les locaux d’habitation et d’exploitation. En Europe, elle a généralement trois parties : un abri pour les animaux, un lieu d’entreposage des récoltes et un lieu d’habitation. Il existe une diversité de répartition des fonctions dans un même volume conduit à deux modèles : la maison-bloc « à terre » qui les juxtaposent au rez de chaussée dans la longueur ou dans la profondeur et la maison-bloc « en hauteur » qui les superposent. • La maison composée dissocie les bâtiments selon les différentes fonctions souvent autour d’une cour. Il en existe différents types la maison en ordre serré ou lâche, la maison double.

42

Dans l’étude de la maison rurale traditionnelle, il y a deux dimensions : la dimension techniques et matérielle et la dimension folklorique et mythique de la maison rurale. Dans la construction de la maison rurale, les traditions sociales et les rites prennent autant d’importance voire plus que les commodités matérielles. La maison rurale est porteuse des facteurs religieux ou des croyances. Elle appartient au folklore au même titre que les costumes. Elle est influencée par les traditions et l’apparence du lieu de vie équivaut à une valeur ethnique. Lebeau distingue deux types de maisons : • Les maisons murs sont composées de quatre murs assez hauts et le toit peut être absent ou très léger. Elles sont liées à la construction en pierre pour les murs et à la rareté du bois. • Les maisons toits reposent sur une ossature formée par un vaste toit posé sur plusieurs rangées de poteaux. Ce type d’architecture nécessite une charpente volumineuse, elle est souvent commune dans les pays forestiers. On constate une grande diversité de forme mais elles sont régies par une même logique.

2/ l’espace rural comme nouvel eldorado résidentiel / l’évolution des valeurs attachées à l’espace rural Ces territoires concentrent des enjeux de développement résidentiel important. Comme le souligne Jean Didier Urbain, ce renouvellement de la perception du rural comme un lieu de potentiel résidentiel a contribué au développement de ces territoires : «…cette projection de la culture urbaine dans les campagnes a, en effet, plus aménagé la France depuis trente ans que bien des politiques publiques ». (Urbain, 2002,p 17)34. Ce retournement des valeurs attribuées à l’espace rural est développé par Claudine Durbiano, (Durbiano, 2001), comme le passage d’un espace de travail productif vers : • un espace de patrimoine culturel (lieu des racines et des us et coutumes, des formes rurales idéalisées par les urbains) et un paysage à préserver • un lieu d’ancrage, un cadre de vie idéal et idéalisé (lieu de loisirs et d’habitat et/ou habitat rêvé)

Jean-Didier Urbain, 2002, Paradis verts désirs de campagne et passions résidentielles, Paris, Payot, 392 p. 34


Jean-Didier Urbain, 2002, Paradis verts désirs de campagne et passions résidentielles, Paris, Payot, 392 p. 34

Robert Levesque, « Essor résidentiel des campagnes et développement durable », Pour 2007/3 (N° 195), p. 7279. 35

• un espace biologique, un espace nature à conserver même s’il est presque entièrement anthropisé De même, il est utile de considérer la mutation du « rural productif » vers le rural « bien collectif » ou dit avec d’autres mots, du rural « agricole » vers le rural « vert » » (Ruegg, Dechesnaux, 2003)1. Pour Jean-Didier Urbain, la campagne ne se résume pas à ces fonctions agricoles, touristiques et de préservation écologique et patrimoniale. Il met en avant l’usage résidentiel à la fois secondaire et permanent qui participe à réorienter l’identité du territoire rural d’aujourd’hui : « ces résidents secondaires, qui ne sont pas des touristes et dont les habitations sont à présent plus nombreuses que les fermes […] repeuplent, aménagent et redonnent à l’espace rural une vie durable. » (Urbain, 2002, p50)34 Ces modifications des valeurs attribuées à l’espace rural motivent ce renouveau démographique. Plusieurs auteurs s’interrogent sur les impacts de ce changement de perception de la campagne, comme l’auteur Jean-Didier Urbain: « Quelle est la campagne de ce désir ? Que signifie cette réappropriation résidentielle du monde rural par les urbains ? Qu’est ce que veut maintenant dire « aller à la campagne » dans ces conditions ? » (Paradis vert, Urbain, 2002,p 13)34 Celui-ci réfute les clichés du monde rural comme fantasme résidentiel « du retour à la terre : « Ce regard concourt à l’aliénation d’un monde à un fantasme-idéologie, mode ou passion du passé- et procède de la dictature d’un imaginaire qui résiste à la réalité, refusant au présent d’autres interprétations. » (Urbain, 2002, p 20)34 Selon Urbain, l’impact de cette nouvelle perception a motivé ce renouveau démographique. « Au fil d’un exode inversé, elle a modifié les équipements, la démographie, l’économie, l’environnement, les paysages, l’habitat, les rythmes et les modes de vie : la sociologie et l’écologie du monde rural. Mais elle a aussi changé sa psychologie et sa signification. Par delà le développement de cet usage résidentiel et ses effets tangibles, cette projection a modifié la qualité symbolique d’un univers : son statut et son image » (Urbain, 2002, p 17)34 Le développement de cette fonction résidentielle attribuée au milieu rural a modifié la qualité symbolique de cet espace. L’observation des marchés fonciers ruraux permet de comprendre les dynamiques territoriales de cette nouvelle demande. La Safer (société d’aménagement foncier et d’établissement rural) intervient dans la gestion du foncier rural. Elle le classe en cinq catégories : le marché forestier, le marché agricole, le marché des espaces résidentiels et de loisirs non bâtis, le marché des maisons à la campagne et les terrains voués à l’artificialisation (Levesque, 2007)35. • Le marché forestier (les terrains contiennent à la fois des bois, des terres et une maison) a doublé entre 2006 et 2016. Il témoigne de la survalorisation de l’habitat dans un cadre naturel et confirme la tendance relevée précédemment pour le cadre paysager de l’espace rural. • Le marché agricole, (les terrains sont a priori réservés à la profession agricole) est fortement lié à l’expansion urbaine. On observe depuis 10 ans de plus en plus d’intérêt consacré aux biens contenant un bâti, sa présence motivant l’achat. Cette motivation témoigne de l’augmentation du désir résidentiel sur le territoire. • La valorisation de la fonction résidentielle s’exprime également à travers le marché des parcelles non bâties. Depuis 1997, ces

43


44

espaces, qui ont eu une fonction productive, à forte aménité résidentielle (augmentation du périmètre privé, création d’un jardin paysager etc.) connaissent une augmentation du prix supérieure à l’immobilier urbain : il a été multiplié par 3,4 contre 2,6. Ce marché favorise le mitage des surfaces agricoles et peut favoriser l’urbanisation de la zone. • Le marché des maisons à la campagne concerne majoritairement des anciens corps de fermes ou des maisons avec un espace agricole ou forestier. Depuis 1977, la moyenne du prix a augmenté de 160 % contre 126 % pour l’immobilier urbain. Ce marché est rattaché au développement des pôles d’emploi et concerne une population active autour des grandes agglomérations et l’achat de résidences secondaires. Sa valeur dépend en général de son éloignement vis-àvis du centre. • Le marché des terrains à bâtir se localise autour des pôles urbains dans des couronnes de plus en plus larges mais concerne également les territoires ruraux. La pression de l’extension urbaine, de plus en plus élargie, perturbe le marché des terres agricoles en imposant sa logique de déclassement. Depuis 1997, le développement de la fonction résidentielle en milieu rural se traduit par une hausse plus rapide des valeurs immobilières en milieu rural qu’en milieu urbain, une extension des marchés des espaces résidentiels et de loisirs non bâtis et par une hausse de surfaces ouvertes à la construction de maisons individuelles (Levesque, 2007, p78)35. Ce changement est fondamental dans le rapport au territoire rural afin de comprendre l’évolution de perception entre les populations et leur cadre de vie.

/ les nouveaux enjeux de l’habitat rural

On note une évolution des problématiques autour de l’habitat rural: il y a une vingtaine d’années les problématiques résidaient autour de l’ancienneté et l’inconfort du parc existant ainsi que de l’abandon et de la vacance de nombreux logements dûe à l’exode urbain (Bontron, 2007)36. Il se posait même des problèmes d’équipements en réseaux (eau ou électricité). Avec la mutation de la société rurale évoquée précédemment, les problématiques en matière de logements ont pris une nouvelle direction. A partir des années 1960, il y a eu une forte campagne de modernisation et de construction neuve (100 000 maisons neuves chaque année). Ce taux de croissance de constructions neuves a peu ralenti depuis : entre 1990 et 2004 les communes rurales ont connu un taux de croissance des autorisations de construire des logements neufs plus élevés que les villes, soit 33% de logements construits, même dans les communes rurales isolées et éloignées des pôles urbains (Bontron, 2007)36. Cette hausse de la croissance de constructions neuves a été encouragée par les progrès d’industrialisation dont la maison individuelle

Jean-Claude Bontron, « Diversité des espaces ruraux et problèmes d'habitat », Pour 2007/3 (N°195), p. 57-64. 36


est la grande gagnante. Le coût d’une maison individuelle a été considérablement abaissé. Les évolutions sociales ont modifié le rapport à l’habitat au sein du territoire rural : • la baisse de la taille des ménages a augmenté les besoins en logements, • l’évolution de la société (passage d’une société très majoritairement agricole à une société plus ouvrière), la mobilité croissante de la population rurale ont modifié les rapports entre lieu de vie et lieu de travail, • la recherche d’une meilleure qualité de vie, du modèle villageois. Dans une analyse menée sur les différentes typologies de cantons ruraux, on remarque que les critères d’analyse du parc bâti reposent sur l’ancienneté et le confort, la présence de construction neuve, ainsi que l’existence d’une offre locative. L’offre de l’habitat rural est passé d’une diversité basée sur le bâti traditionnel à une nouvelle diversité plus sociale liée aux mouvements migratoires et à la présence ou non de certaines catégories de populations. A travers l’analyse des différentes typologies d’espaces ruraux (péri urbain, le rural en voie de péri urbanisation, rural isolé, espaces ruraux en transitions), on observe une diversification des situations sociales et des milieux mais une récurrence dans le choix de la maison individuelle, seule composante de la construction neuve ainsi que le peu de renouvellement du parc bâti ancien qui reste inconfortable. 61% des logements neufs construits entre 1999 et 2004 sont des maisons individuelles. Ce phénomène est relativement récent car en 1960 la part des maisons individuelles n’était que de 25% et 50% en 1990. 37 Le locatif est majoritairement absent ou très peu présent de l’habitat rural. Les nouvelles campagnes où le collectif et le locatif explosent en raison de la nouvelle attractivité touristique font exception, ainsi que le péri urbain vieillissant où la pression foncière donne du sens à l’avènement de l’habitat collectif. A travers cette analyse, plusieurs enjeux pour l’habitat rural peuvent être dégagés (Bontron, 2007)36: • répondre à la diversification sociales des populations rurales, • réussir l’habitat durable tout en intégrant les attentes contemporaines en terme de logement des populations, • associer résidentiel et activité professionnelle, • préserver le patrimoine ancien, • maitriser le cout du foncier, • maintenir l’attractivité des espaces ruraux par l’habitat La maison individuelle ne semble répondre à aucun enjeu et pourtant peu de modèles parviennent à la supplanter… Nous tenterons de comprendre l’évolution de l’habitat à travers deux analyses croisées de l’évolution des valeurs et de la diversification sociale. Plateau C. et Rakotomalala J., 2005 , Construction neuve l’attrait des maisons individuelles en milieu rural mais proche des villes, SESP, vol n°1) 37

45


/ D’un habitat contextuel et vernaculaire à la suprématie de la maison individuelle

46

Les composantes de l’habitat rural traditionnel reposent sur deux piliers majeurs : un habitat contextuel et contextualisé, selon JeanPierre Campredon, ses matériaux, son mode constructif, son rapport au « sens du lieu ». Il s’agit également d’un habitat vernaculaire, auto construit dans un but de production agricole. Il est plus qu’un simple logement puisqu’il associe lieu de vie et lieu d’activité professionnelle, elle-même fortement attachée à son environnement. De fait, il constitue un véritable habitat dans le sens où le définit Jean-Pierre Campredon, comme lieu qui porte une constante attention à se relier au monde et site qui contient le lieu habité (Campredon, 2007)32. Cette évolution des valeurs attribuées à l’espace rural modifie le rapport au territoire, à la fois des anciens habitants et des nouveaux. Elle se répercute dans l’habitat et la façon dont les populations s’installent sur le territoire. Comme pour le critère démographique, l’habitat rural s’est peu à peu changé en un habitat détaché de son territoire et de son activité agricole. On est passé d’une population dont l’activité professionnelle dépendait des ressources et caractéristiques du territoire rural à une vision du territoire comme un cadre de vie. Cela s’est répercuté dans la manière d’habiter et d’occuper le territoire. Jusqu’à la fin de l’exode rural, les dimensions habitat / territoire / activité professionnelle était interdépendantes. Après l’exode rural, ces trois dimensions deviennent indépendantes modifiant le rapport à la fois de l’habitant et de l’habitat au territoire. Les modes de vie des populations rurales d’origine ont évolué d’où un changement des modes d’habitat. Pour Jean Viard, il faut « cesser de croire ou de faire croire à un possible retour vers les modes d’habitats anciens et à un style de vie ou une sociabilité du passé qui seraient « retrouvés »21. Ainsi l’habitat rural est très lié à son environnement à la fois culturel, économique et sociologique. C’est pourquoi la mutation des modes de vie ruraux a entrainé un changement dans la manière d’habiter. De fait, les désirs des populations ont changé vis-à-vis de leur cadre de vie. De même, l’arrivée de populations d’origine urbaine a modifié le rapport à l’habitat. Le modèle de la maison individuelle isolée et surtout conçue sans rapport avec son territoire prédomine. George Tiné va dans le même sens : « A une population rurale se substitue une population d’origine urbaine dont l’objectif principal est d’accéder à la propriété d’une maison individuelle située à la campagne et où, suprême jouissance, la ville, le plus souvent, est souhaitée absente. Par conséquent, un mode d’occupation du territoire individualisé qui repose sur des modes de vies, de civilités, sur des usages et des gestes qui, pour l’essentiel, proviennent de l’activité salariée et d’une certaine conception de l’habité fondée sur la détente, le repos et le loisir. » Il souligne l’émergence d’une conception de l’habiter différente : individualisée, fondée sur la maison comme lieu de détente, de repos, de loisir. Il différencie la répartition spatiale des éléments de la maison rurale traditionnelle à visée productive, au confort « inutile » de la maison individuelle. « Autant la maison rurale est accompagnée d’édifices annexes, d’objets et de machines qui indiquent le monde du labeur jardinier et agricole,


autant la maison individuelle réunit tous les objets qui occupent le temps du désœuvrement après le temps du travail en ville : piscine, toboggan, portique, balançoire, barbecue... » (Gérard Tiné, 2008) Il met en avant le décalage entre anciennes et nouvelles formes d’habitats : un mépris des tracés structurant de la commune, un rapport à la géographie différent car motivé par des attentes différentes. Il est très critique sur la conception de cette architecture de la maison individuelle se réclamant stylistiquement du milieu rural mais qui n’en est qu’un pastiche (Tiné ,2008)7. Gérard Tiné montre le fossé entre la conception du territoire et de l’habitat rural traditionnel et les nouvelles formes d’habitat. Cependant, ce développement hétérogène résulte également d’une modification des attentes vis-à-vis de l’habitat des populations rurales originelles. Le développement de l’industrialisation des modes de production de la maison individuelle associé à une baisse de son coût a étendu ce modèle au détriment d’un habitat plus spécifique. Cette industrialisation est mise en cause par Gérard Tiné comme système de production de formules stéréotypées, basées plus sur les représentations de l’espace rural que sur sa réalité concrète. « C’est une architecture et un paysage pittoresques faits de citations et de collages architecturaux glanés ici et là, recyclage d’une pseudo territorialité assortie de colonnes pseudo doriques ou toscanes sinon cannelées et de balustres de balcons, d’arcatures et de baies plein cintre qui se développent en portiques de façade, le tout rassemblé sous un toit de tuiles à deux ou quatre ou cinq pentes. » (Tiné, 2008)7. Cet auteur très critique nous alarme quant à la production d’habitats de piètre qualité qui répond à une demande sociétale : accéder à la propriété à travers un habitat individuel accessible en termes de foncier, dans un milieu paysager de qualité. Pour conclure, nous pouvons faire écho à l’observation de Lebeau sur la relation existant entre liens sociaux et aménagement spatial. La déliquescence des relations sociales en milieu rural s’exprime aujourd’hui à travers la construction en masse de maisons individuelles sans lien entre elles. L’enjeu est de cerner avec plus de précisions les nouvelles attentes de ce nouveau mode de vie rural, à la fois pour les populations originelles et pour les nouvelles populations. Nous souhaitons proposer une architecture de qualité et une forme d’habitat durable pour le territoire rural et ainsi sortir du prisme de la solution unique de l’habitat individuel, en explorant les composantes de cette nouvelle manière d’habiter.

47


48

A travers cette mise au point sur l’habitat en milieu rural, ce thème rejoint notre questionnement sur les migrations des populations en milieu rural. La maison individuelle semble s’imposer comme le seul et unique modèle d’habitat dans le développement résidentiel du milieu rural. Il est en contradiction avec nombres des enjeux de l’habitat rural. Il me semble donc pertinent de questionner ce modèle et son unicité. A travers deux études de cas nous chercherons à ouvrir les possibilités d’habitat en milieu rural en étudiant les caractéristiques des formes d’habitats adoptés par ces extra urbains. Y-a-t il réellement un modèle unique ? Quels sont les critères d’habitat que recherchent les extra urbains ? Quelle forme d’habitat permettrait de répondre à la fois à leurs attentes et à une forme durable de fonctionnement du territoire rural ?


49


50

PARTIE 2

Etude de cas des nouvelles formes d’habitats Ferme en Estrie, crédit photographique Soula A.


A / présentation des municipalités 1/ la commune de Cenves dans le pays du Beaujolais / le territoire du Beaujolais vert Le territoire du Beaujolais est situé au Nord du département du Rhône. Selon une étude de l’Insee réalisée en 2015, le Beaujolais est un territoire rural à la population dense : 137 habitants/km² pour une moyenne de référence de 70 habitants/km² pour un territoire rural (Insee, 2015)38. 132 communes et 211 000 habitants se répartissent en cinq intercommunalités. On peut diviser le pays du Beaujolais en trois zones géographiques : • le Beaujolais bleu qui constitue la plaine et la vallée de la Saône à l’Est, • le Beaujolais rouge composé de l’espace agricole viticole (plaine, plateaux et vallons) au centre • le Beaujolais vert que forment les monts du Beaujolais, l’espace boisé à l’Ouest.

Bonnet M., Gilbert A. (2015) Le Beaujolais : un territoire rural marqué par les restructurations industrielles, Insee Analyses Rhône Alpes, [en ligne] juillet 2015. Disponible sur : [http://www. insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=8&ref_ id=23184]. [29-04-2016] 38

Son profil démographique rajeunit avec un solde naturel positif, et la population se renouvelle avec l’arrivée de cadres et de professions intermédiaires. L’urbanisation progresse fortement sous influence de la métropole lyonnaise. Elle concerne principalement les communautés de communes localisées dans la plaine de Saône et les environs de Lyon (Villefranche-Beaujolais-Saône, Beaujolais-Pierres-Dorées, Beaujolais-Saône). Le Beaujolais vert est un territoire en pleine mutation: l’appareil productif repose sur les services et une économie locale en restructuration industrielle dans le secteur du textile. La viticulture reste prépondérante dans l’activité agricole. Les créations d’emplois ne sont pas suffisantes pour absorber l’augmentation du nombre d’actifs : le taux de chômage augmente et les trajets domicile-travail sont en hausse. « Le Beaujolais se transforme ainsi d’un territoire rural et industriel en un espace périurbain, résidentiel et tertiaire.[…] La hausse de la population s’accompagne naturellement de construction de logements et pose, dès lors, le problème de la maîtrise de l’espace. C’est un enjeu de développement durable pour ce territoire qui connaît aussi des conflits d’usage avec les surfaces agricoles. » (Insee, 2015)38

51


/ la commune de Cenves dans le pays du Beaujolais

CENVES LYON

A40

SAÔNE ET LOIRE

52

MACON A40

CENVES

A406

CC du Haut Beaujolais

LOIRE AIN

N7

TGV

A6

Illustration Soula A.


Il y a donc un enjeu à se pencher sur le développement de ce territoire. Dans le cadre de la mise en place du contrat de pays, puis de l’élaboration du Schéma de cohérence territorial (SCOT) en 2004, les élus ont mis en avant l’importance du paysage au sein du territoire du Beaujolais à travers une charte paysagère. Quatre types d’entités paysagères ont été identifié: • (1)le Nord vert dont fait partie la commune de Cenves, bassin versant de la Grosne, au relief prononcé par le bocage où s’épanouit le bétail et aux sommets plantés de résineux . • (2)le Val de Saône constitue la frange Est du pays, une plaine humide structurée par le lit du fleuve qui associe l’urbanisation et les infrastructures. Elle est bordée par les coteaux viticoles. • (3)Les vallées de la Turdine, du Rhin et de la Trambouze, franges Sud et Ouest du territoire, au passé industriel vigoureux mais en pleine transformation. Elles mêlent habilement les cadres industriels, ruraux et urbains. • (4)La vallée de l’Azergues, cœur du Pays du Beaujolais. Elle constitue un lien et une synthèse de l’ensemble des entités précédentes. Sa partie basse est sous influence urbaine au sud et elle reste plus rurale dans sa partie nord. L’étude du paysage du Nord vert est cruciale pour établir la structure agraire du territoire de Cenves et comprendre le contexte dans lequel la commune s’implante. La communauté de communes du Haut beaujolais où est implanté Cenves est rurale et montagneuse (prairies, cours d’eau et forêts). La commune est au cœur des monts du Beaujolais, marquée par le relief du Massif Central, un paysage très boisé, alternant résineux et feuillus. Ce paysage de moyenne montagne forme un véritable terroir, apprivoisé par l’activité humaine. L’urbanisation sous la forme de village et hameaux rythme le paysage naturel. L’activité agricole repose sur de l’élevage (caprins, bovins) et l’exploitation forestière. Elle façonne un paysage de pâturages (haies, bocages, rangées d’arbres) fortement humanisé.

/ la commune de Cenves Cenves appartient à la catégorie 1, de la classification réalisée par la Datar en 2011 : les campagnes vieillies à très faible densité: « Après une longue période d’exode rural, ces campagnes connaissent un brassage de populations et parfois un regain démographique. Cependant, le vieillissement de la population reste important, le niveau de revenus parmi les plus faibles et l’accessibilité très en deçà de la moyenne française. » (Datar, 2011)13 Cenves est une des communes les plus étendues du département du Rhône. Le bourg compte 70 habitants sur les 400 de la commune. Implanté au sommet d’une crête, il domine la vallée de la petite Grosne. Il s’est en plan linéaire ; autour de la route qui serpente le long du versant. Il se dresse à 619 mètres d’altitude ce qui exclut la culture de la vigne typique du Beaujolais. 45 hameaux parfois composé de deux maisons sont dispersés dans le territoire communal. L’économie de Cenves repose sur l’agriculture (en majorité élevage

53


/ carte représentant les quatre entités paysagères

Illustration extraite de la charte paysagère du pays Beaujolais, 2008

/ carte représentant les grands éléments structurant du Beaujolais Bassin versant de la Grosne

54 Bassin versant de la Loire

Espaces boisés sylvicoles

Espaces de vignobles Tissu urbain dense

Tissu urbain dense

/ village de Cenves

Illustrations Soula A.


Wikiterritorial(2013) La loi montagne et ses modalités particulières d’application en urbanisme [en ligne]. Disponible sur : [http:// www.wikiterritorial.cnfpt.fr/ xwiki/wiki/econnaissances/ view/Notions-Cles/Laloimontagneetsesmodalitesparticulieresdapplicationenurbanisme] [29/04/2016]. 39

et production de fromages de chèvres) avec des pâturages et de la forêt. On compte 25 exploitations agricoles sur Cenves qui ont tendance à se réduire sous l’influence des normes européennes. La commune est soumise à la loi montagne en matière de réglementation d’urbanisme compte tenu de son relief :« Il s’agit de préserver les terres agricoles, pastorales et forestières, les espaces et paysages caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, et de réaliser l'urbanisation en continuité de celle déjà existante. » (Wikiterritorial, 2013)39 La continuité urbanistique nous intéresse particulièrement dans cette commune. La loi précise que lorsque la commune n’est pas dotée de plan d’urbanisme, la commune se développe « en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux. » (Wikiterritorial, 2013)39

/ Extra urbains à Cenves

1 600

1505

1 400

1 200

1 000

800

600

411

400

279

200

3

13 20

89

20 0

19

61 19 68 19 75

19

3

9

19 47

19 3

19 1

91 18

19 06

3

77 18

18 6

18 1846 49

1

18 35

0

07

Insee (2016) Commune de Cenves [en ligne]. Disponible sur : [http:// www.insee.fr/fr/themes/dossier_complet.asp?codgeo=C OM-69035[12/01/2016]. 40

18 2

de 5 à 9 ans 18,4%

18

58,9%

93

de 2 à 4 ans 14,1%

Cenves se situe à 22km de Mâcon, à 16 km de la gare Mâcon Loché TGV et ainsi 48 minutes en train de Lyon et 1h34 de Paris. Cela a provoqué l’installation de plusieurs néo ruraux. La municipalité s’inscrit dans l’initiative « Beaujolais vert votre avenir » et du réseau de villages d’accueil de nouvelles populations. Cenves connait un renouvellement de sa population : selon l’Insee, en 2012, la part des ménages ayant emménagé depuis moins de 9 ans était de l’ordre de 41,1% (18,4 % de 5 à 9 ans, 14,1% de 2 à 4 ans, 8,6% depuis moins de deux ans)40. J’ai eu l’opportunité de rencontrer deux couples et deux familles qui font partie de ces « nouveaux ruraux ». • Pierre (maire de Cenves) et Edith Tavernier (2 enfants adolescents) • Philippe (thésard en philosophie) et Stéphanie Lieu (Ingénieure) • Claire et François Destors (architecte scénographe) • Jean Claude (peintre) et Martine

17

moins de 2 ans 8,6%

Source : Mairie de Cenves http://www.cenves.org/cenves-en-bref/des-chiffres-et-des-lettres/evolution-de-la-population

55


56

Photo prise dans le centre bourg de Cenves, auteure Soula A.


2/ Le village de Saint Camille au Québec / Le contexte territorial

MRC des Sources (2014) Politique d’acceuil [en ligne]. Disponible sur : [http://www.mrcdessources.com/la-mrc/ politique-daccueil/] [29/04/2016]. 41

MAPAQ (2010) Agriculture et agroalimentaire MRC des Sources [en ligne]. Disponible sur : [http://www.mapaq.gouv. qc.ca/SiteCollectionDocuments/Regions/Estrie/ ProfilRegion/Sources_profil_2010.pdf] [2010]. 42

Saint Camille est situé au Canada et appartient à la municipalité régionale du Comté des Sources en l’Estrie (région administrative). Elle possède une position centrale stratégique à l’échelle du Québec et une grande variété de paysages : lacs, rivières, montagnes, grands espaces. Les Municipalités régionales de comté (MRC) sont responsables du développement du territoire au Québec. Cette municipalité est particulièrement dynamique: mise en place d’un Agenda 21, fonds de diversification économique, mise en valeur du Parc régional du Mont Ham, plan de développement de la zone agricole, politique d’accueil etc. La MRC des Sources connait un défi démographique important : 15 000 habitants répartis sur les 786 km² contre 20 000 dans les années 1970. On remarque une perte importante entre 1996 et 2006 puis une stabilisation de la population depuis. Les problèmes de baisse démographique sont causés par le départ à la retraites des baby-boomers, des jeunes diplômés vers des lieux pouvant offrir une formation professionnelle, collégiale ou universitaire. Le but est de développer l’attractivité de la région afin d’assurer la disponibilité des ressources humaines, de l’occupation de son territoire, de la pérennité de ses services. « La MRC des Sources possède un profil migratoire qui s’apparente aux régions éloignées du Québec et est caractérisé par un taux net de migration interne fortement négatif chez les 15-24 ans et près de zéro ou légèrement positif pour les autres tranches d’âges. » (Politique d’accueil de la MRC des Sources, 2014)41 Globalement, le déclin démographique concerne les tranches d’âges les plus jeunes (15-24 ans) alors que les classes d’âges des 45-65 ans connaissent une légère croissance. Cela se traduit par une baisse continue de la clientèle des écoles primaires et secondaires. La politique d’accueil a pour but de l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants. Adoptée en 2014, cette politique se donne pour objectif de supporter et harmoniser les structures d’accueil et la mise en place d’un Service d’accueil régional. Les nouveaux résidents sont « toute nouvelle personne qui s’installe sur une base permanente ou temporaire sur le territoire de la MRC des Sources incluant les personnes immigrantes issues d’autres communautés culturelles. » (Politique d’accueil de la MRC des Sources, 2014)41 Le service d’accueil définit deux enjeux de développement : l’équilibre démographique et l’identité de la MRC des Sources. La seconde mesure est un plan numérique territorial. Les nouvelles technologies jouent un rôle important dans le développement de la néo ruralité. Développer les outils numériques sur le territoire de la MRC des Sources est un outil pour favoriser l’accueil de nouvelles populations. La MRC des sources se développent principalement autour d’une agriculture laitière et bovine. Les productions végétales sont les céréales et les fourrages (source MAPAQ)42. Le climat est de type tempéré à hiver froid et été chaud. Le paysage de l’Estrie est classé en trois grandes catégories :

57


/ la commune de Saint Camille en Estrie, Québec

Ottawa Montréal

Saint Camille

58 Saint Laurent

116

MRC des Source

Asbestos 55

Limite du comté de L’Estrie Saint Camille

112

MONTREAL

Sherbrooke 10

Frontière Canada/Etats-Unis

illustration Soula A.


• le paysage d'ensemble de la zone frontalière ­ le rempart de l'Estrie coïncide avec la zone frontalière des Etats Unis au Sud. Il se compose principalement de montagnes et de forets, il évoque la nature rustique presque sauvage. • le paysage d'ensemble du plateau central ­ la nature apprivoisée est le plus étendue. Il se compose de grands lacs et de collines, occasionnellement bordé d’escarpements rocheux. L’agriculture extensive façonne se paysage, en alternance avec des villages et hameaux dispersé sur le territoire dont Saint Camille. • le paysage d'ensemble de la plaine alluviale ­ le cœur de la région épouse les vallées de la plaine alluviale du fleuve Saint Laurent. C’est la partie la plus urbanisée. La structure de ces paysages s’explique à travers diverses interventions humaines dont l'implantation du système cadastral côtes et rang des cantons que nous avons détaillé précédemment. Ce système influence la localisation des bâtiments de fermes ainsi que l’agencement des limites des propriétés agricoles qui en découlent. Le paysage qui nous intéresse est celui du vaste plateau central de dépressions et de crêtes rocheuses, il est ponctué par la présence de deux grands lacs. L'utilisation du sol est essentiellement de type agro-forestier. La forêt se compose essentiellement d'érablière à bouleau jaune et d'érablière à tilleul. Elle découpe les terres agricoles en cultures et en pâturages. Les caractéristiques paysagères de ce territoire sont constituées par une faible occupation résidentielle, des constructions agricoles typiques qui ponctuent le paysage (grange, serres, entrepôts et silos etc). La végétation luxuriante est apprivoisée et permet de dégager des champs visuels profonds, traversant les zones agricoles.

/ présentation de la municipalité de Saint Camille Saint-Camille est une petite municipalité rurale de 513 habitants, à l’extrémité sud-est de la MRC des Sources et à 35 kilomètres au nord-est de Sherbrooke. Sa superficie est de 82,650 km². La Municipalité Régionale du Comté (MRC) des Sources compte quant à elle 14,962 habitants répartis sur sept municipalités. La ville centre de la MRC est Asbestos, située à 21 kilomètres au nord-ouest de Saint-Camille. Saint Camille est fondée en 1848 par Edouard Desrivières, un orfèvre de la région de Québec. Il s’installe sur ce territoire encore vierge. 20 ans après, Zoel Miquelon s’installe et fonde l’Equerre, premier nom donné à Saint Camille. Le village prospère rapidement comme tous les villages du Québec à cette époque grâce à une activité agricole florissante. De nombreuses fermes, de nombreuses entreprises de transformation, des services de proximité, le village vivait pratiquement en autarcie comme dans les régions du Québec rural. Après la seconde guerre mondiale, l’exode rural frappe Saint Camille et la décroissance démographique s’accompagne d’une lente récession économique. Le village se dévitalise progressivement jusque dans les années 80. Dès 1977, les populations encore présentes font preuve d’initiative afin de conserver les services restant dans le village. Un groupe de 11 personnes créent « Les Entreprises bénévoles » afin de mutualiser les services. En 1984, une association se constitue afin de promou-

59


/ la commune de Saint Camille en Estrie, QuĂŠbec

http://www.saint-camille.ca/sites/www.saint-camille.ca/themes/backstretch/ bk1400c.jpg

60

illustration Soula A.

illustration Soula A.


voir la préservation de l’environnement horticole et paysager de la commune. Saint Camille possède donc un long passé de mobilisation et une dynamique citoyenne. A cela vient s’ajouter la création du P’tit Bonheur de Saint Camille en 1988 , un centre culturel innovant. Au milieu des années 90, la commune se dote d’outils de développement comme la Corporation de développement socio-économique en 1995, du Centre d’interprétation du milieu rural en 1996, du Salon sur la diversification agricole en 1999, de la coop de solidarité la Corvée en 2000, de la coop de solidarité la Clé des champs en 2003, puis en 2007, des coop de solidarité du bois d’œuvre, du rang 13 et Cultur'Innov.

/ extra urbains à Saint Camille L’arrivée de nouvelle populations à Saint Camille est un enjeu majeur du développement de la municipalité, sa population a cru de 14% en 10 ans (Politique d’accueil de la MRC des Sources, 2014) notamment du à l’accueil de nouvelles familles depuis le début des années 2000. Cette municipalité est en situation de plein emploi, l’âge médian de sa population se situe à 37 ans, et 33% des personnes de 35-44 ans possèdent une éducation supérieure à la moyenne provinciale. Saint Camille est proche de la ville de Sherbrooke (100km), qui est une ville relativement importante à l’échelle du territoire québécois et centre hospitalier CHUS La mise en place par la municipalité de deux projets domiciliaires a permis l’apport d’une trentaine de familles et l’ouverture de nouvelles classes à l’école. La commune est très structurée au niveau de l’accueil de nouvelles populations, elle se positionne comme une municipalité visionnaire axée sur le développement humain et communautaire de la collectivité. Le comité d’accueil des nouveaux résidents est très actif et axé sur la mission éducative de l’école de la municipalité comme facteur attractif. La municipalité de Saint Camille possède également une politique familiale. Les défis posés par la néo ruralité à Saint Camille sont : l’intégration des nouveaux arrivants, l’adéquation des offres de services existants et ceux développés pour les néo ruraux ainsi qu’une offre de logements disponibles qui reste faible malgré l’agrandissement du parc immobilier. J’ai eu l’opportunité d’interviewer trois familles nouvellement installé et qui ont participé à l’élaboration de ce projet d’accueil, dont le président de la coopérative. Je souhaitais caractériser leur pratique du territoire et qu’elles étaient leur relation avec le village. Je les ai donc interrogés sur leurs motivations par rapport à l’installation en milieu rural, leurs déplacements dans la vie quotidienne et les préoccupations vis-à-vis de leur habitat. • Anne-Marie Merriem, 32 ans, doctorante à Sherbrooke • Nicolas Soumis, 42 ans, travailleur indépendant, traducteur, chercheur • François Quirion, professeur à Sherbrooke • Marie-Hélène Quirion, mère au foyer

61


Fondation du Groupe du Coin Achat de l’ancien magasin général

Manifestation contre la fermeture du bureau de poste

1994

1988

62 1986

Fondation de l’association le P’tit Bonheur

Fondation de Création du centre d’interprétation rural la coopérative de solidarité la Co Création du musé de la souvenance

1992

1998

1996

2000

Fondation de la corporation de développement socio-économique Achat du presbytère de Saint Camille par le Groupe du Coin


orvée ée e

Naissance la coopérative de solidarité la Clef des champs Projet de développement démographique de Saint Camille

2002

Adoption d’un plan de développement durable

2007

2003

Projet Ecole éloignée en réseau Arrivée d’Internet à haute vitesse à Saint Camille

Projet Inode Estrie

2009

2008

Création de la coopérative de solidarité du Rang 13 Projet de transformation de l’église en salle mutifonctionnel

63 2010

Festival international du masque du Québec Etablissement du siège social de RAVIR

Source : Mairie de Saint Camille, illustration Soula A.


B. Etude de cas 1/ Des communes rurales aux problématiques similaires / décroissance et vieillissement progressif des populations Bien que ces communes se situent dans des contextes nationaux différents on remarque l’émergence des mêmes problématiques liées à la décroissance et au vieillissement progressif des populations qui menacent la viabilité des services des municipalités.

64

A la fondation de Saint Camille en 1848 jusqu’en 1910, la population croit pour atteindre ces 1100 habitants. Elle ne cesse ensuite de baisser, lors du mouvement d’industrialisation et d’urbanisation qui a marqué la deuxième période de guerre entre 1939 et 1945, pour atteindre le chiffre fatidique de 400 habitants. C’est ce qui sonnera la sirène d’alarme pour la municipalité de l’époque. Ce déclin démographique entraine alors la fermeture d’une grande partie des services et activités présents sur le village : disparition de la meunerie, de l'abattoir, de la beurrerie, des magasins généraux et du garage. C’est exactement le même phénomène qu’on peut observer à Cenves. En 1870, la commune de Cenves est très peuplée, plus de 1500 habitants. Le territoire de la municipalité ne comptait que très peu de forêt car la moindre parcelle était défrichée. Les paysans vivaient en autarcie car les moyens de transports étaient rudimentaires et les routes peu nombreuses. « Le territoire de Cenves était donc une campagne très habitée, avec des hameaux et un bourg bruyants et très animés, un paysage composé de très petits champs, quelques près et peu de bois. » (Mairie de Cenves, 2014) La première guerre mondiale et la disparition brutale de plus d’un quart des hommes de la commune provoquent une cassure nette dans l’histoire du village, on observe un changement des mentalités. La seconde guerre mondiale marque également un changement radical dans l’histoire du village. La production agricole évolue : on passe d’une agriculture de subsistance à une culture de prés et de l’élevage. La mécanisation progressive avec l’apparition des tracteurs modifie profondément le rapport des populations au territoire. C’est le début de la désertification des campagnes et du départ des plus jeunes pour les villes dans l’espoir d’une meilleure qualité de vie. On construit, autour de Macon, des HLM qui accueillent ces jeunes familles et paysans, venus travailler dans les usines. Cenves ne compte plus que 269 habitants en 1968, année où l’indice démographique atteint son taux le plus bas. La forêt a regagné ses droits et compte pour 44% du territoire de la commune.


/ Inadéquation de l’offre immobilière existante Un deuxième problème commun à ces deux municipalités est la pauvreté de l’offre immobilière au sein des municipalités ou l’inadéquation entre les logements disponibles et les attentes des nouveaux habitants. A Saint Camille, selon Sylvain Laroche, responsable du développement à Saint Camille, la situation territoriale de la municipalité n’encourage pas un développement spontané : « Que ce soit du côté de Magoff ou en ceinture de Sherbrooke, ça se fait normalement. Mais aussitôt que tu t’éloignes de Sherbrooke, que tu tombes en deuxième ceinture, l’accroissement est plus difficile. Pour illustrer ça, en Estrie, il y a 89 municipalités, et il y en a une sur deux qui est en perte démographique. » Il n’y a pas de promotion immobilière, car pas de croissance démographique et pas de spéculation sur les terrains. De fait, les quelques terrains disponibles à la vente, situés en prolongement du village existant n’attire pas d’acquéreur : « c’était des terrains qui était aux extrémités du village, parce ça c’est la manière que je te dirais standard de développer : l’électricité est la, tu fais une demande de dézonage à la CPPAQ et puis c’est ce qu’il y a de plus facile. Mais les gens, les jeunes familles veulent autre chose : du paysage, de la tranquillité, de l’environnement… » En ce qui concerne Cenves, l’offre immobilière communale est plus diversifiée. La problématique réside plus dans l’abandon du centre bourg et la dispersion de l’habitat loin du centre bourg et dans les hameaux. Cenves a le mérite d’être un bourg assez ancien et possède quelques bâtiments patrimoniaux de qualités. Cependant, Cenves a connu un phénomène d’abandon du centre bourg. Le développement résidentiel s’est plutôt concentré dans les différents hameaux même si aujourd’hui il y a un regain d’intérêt pour les maisons du bourg. Le cœur de Cenves parait délaissé car il contient un ensemble de bâtiments anciens qui était un monastère de sœurs. Il a été déserté à la suite d’un désaccord avec l’évêché. Aujourd’hui, toutes les maisons du bourg sont habité parfois de façon permanente mais aussi sous en tant que résidence secondaire ce qui questionne sur les dynamiques résidentielles du bourg.

/ la problématique du maintien des services Enfin, le maintien des services et l’enjeu de l’école pour attirer de nouvelles familles et lutter contre le vieillissement de la population représente un enjeu majeur pour les municipalités. A Cenves, la superficie de la commune est telle que la situation géographique de certains bourgs les encouragent à utiliser d’autres communes comme lieux de scolarisation. On note une fuite vers les hameaux périphériques de la commune qui met en péril l’école de la municipalité. « C’est vrai on réfléchit à ça parce que la on est un petit peu à court, on arrive à la fin d’un mouvement de population, on se retrouve face à des populations qui ont vieilli, des enfants qui ont grandi et on a du mal à remplir l’école. Depuis quatre ans l’école est en baisse d’effectif de la petite classe de la maternelle donc ça va s’aggraver jusqu’à ce qu’on finisse par fermer l’école. » Pierre Tavernier, maire de Cenves

65


En termes de service présent sur le bourg, il reste le restaurant qui constitue le point central de vie du village et les gites d’étapes qui appartiennent à la municipalité et qui permettent de brasser des populations différentes. Mais on ne compte aucun service alimentaire ou de santé. A Saint Camille, la baisse démographique a provoqué la fermeture de nombreux services. Récemment, en avril 2015, le guichet de la banque Desjardins qui assurait le service bancaire de la commune a fermé car il n’était plus rentable. Cela représente une lutte pour les habitants qui cherchent à sauvegarder l’offre de services du village. C’est un cercle vicieux car moins le village ne possède de services et moins il est rendu attractif pour l’accueil de nouvelles populations.

/ des attentes semblables de la part des nouvelles populations En interrogeant les individus ayant décidé de venir s’installer en milieu rural, j’ai relevé des critères de ressemblance entre les deux milieux québécois et français. Les discours convergent et nous pouvons cibler différents critères qui illustrent les motivations de cette installation. • Des trajectoires résidentielles semblables

66

Du point de vue de la trajectoire résidentielle, l’installation à Saint Camille relève plus d’un retour en milieu rural que d’une découverte. En effet, les personnes interrogées ont vécu en milieu urbain mais qui proviennent d’un milieu rural. « Avant de venir ici à St Camille, j’habitais au centre ville de Sherbrooke, en milieu urbain. […]Mais avec mes parents et depuis que je suis née on a toujours habité à la campagne.[…] j’ai toujours eu ça en tête par exemple de revenir habiter à la campagne à long terme pour moi c’était très claire que je voulais revenir en milieu rural.» AMM « Je suis quelqu’un qui vient de la ville j’ai habité longtemps en campagne. Je suis natif de Montréal, de la grande ville, à l’âge de quatre ans on a déménagé dans un petit village sur la rive sud qui s’appelle St Mathias. C’est un petit village à vocation agricole, plus petit que St Camille. J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans les champs et les forêts. » NS « On a connu, tout d’abord on a eu une première maison à Sherbrooke, puis après ça on commençait à avoir le gout d’aller vers la campagne. François lui il vient de la campagne. » MHQ De même pour les nouveaux habitants de Cenves qui sont pour la plupart d’origine urbaine. « Nous on a été en région parisienne. Tous les deux, on a vécu en ville quand on était petit. » Edith « Alors on est tous les deux originaires de la région parisienne, le sud de Paris, la banlieue » Stéphanie •

Les mêmes attentes sur une qualité de la vie sociale

A Cenves, les attentes résidaient sur une qualité de vie sociale. « C’est le cadre de vie le fait de pouvoir vivre dans des espaces qui sont pas en ville, c’est la convivialité par ce que je crois que la cam-


pagne a encore cette image de convivialité dans l’imaginaire collectif.» Edith « …donc on s’était dit ce serait quand même chouette si on emménageait ensemble alors pas comme en 68 ou on emménagerait tous dans la même maison, on dormirait tous dans le même lit mais plutôt faire une sorte de voisinage un peu développer, ou on puisse se voir souvent, faire des potagers en communs, manger ensemble quand on en a envie, partager des voitures ou des machines à laver, des trucs comme ça. » Philippe « C’est les relations sociales qui nous ont attiré dans un premier temps et ensuite ça a été de trouver du travail sur place et ce n’était pas l’inverse. Tu vois d’habitude la démarche c’est on trouve du travail et ensuite on construit quelque chose sur place. Nous c’était plutôt une démarche inverse. » Stéphanie Le choix de la commune de Saint Camille s’est fait en majeur partie pour la qualité de la vie communautaire qui a séduit les nouvelles familles : « On a choisi cet endroit pour la communauté. Parce qu’on aurait pu choisir un endroit plus proche de Sherbrooke. Ça nous aurait peut être couté moins cher mais il n’y avait pas la communauté d’accueil qu’il y a à St Camille.»FQ •

Des préoccupations écologiques

Ces personnes font part de préoccupations écologiques et d’un désir de vivre de manière plus respectueuse de la nature. On retrouve dans leur discours une volonté de puiser dans les ressources du milieu rural, de se nourrir localement etc. bien qu’ils soient contraint d’aller dans des villes plus grandes pour combler des besoins plus spécialisés. « J’essaie autant que possible de combler mes besoins alimentaires avec les producteurs locaux. On est chanceux à St Camille, il y a trois ou quatre producteurs de viandes. Une viande produite avec respect et qualité. Au niveau des légumes, on a les maraichers au village qui tiennent un marché d’été et un marché d’hiver jusqu’en février. Autant que possible je colle à leur production donc l’hiver exit les laitues et les tomates, je me nourris le plus possible de racines. Mais c’est sur que j’essaie de compléter mon ordinaire en allant à l’épicerie, le plus possible à Asbestos puis tôt ou tard je vais finir à Sherbrooke pour des choses plus spécialisées toute les semaines, semaines et demi. »NS A Cenves, les familles ont tenté de mettre en place un projet de potager communautaire et se fournissent dans une AMAP : « on fait aussi partie d’une AMAP à 10min d’ici avec jean Claude et martine, pas claire et François. Et la aussi on a des légumes, on a du pain, on a des œufs, des fruits du fromage, de la bière, bientôt du poulet. » Stéphanie •

Une mobilité individuelle basée sur la voiture

Même si les personnes interrogées témoignent d’une préoccupation écologique forte, ces trajets réguliers posent question sur la dépendance à la voiture. Il semblerait que la majorité des personnes qui habitent dans le rang 13 soit concerné par ce mode de vie, la plupart ayant conservé leur activité professionnelle antérieure.

67


68

Sur les trois familles interrogées à St Camille deux personnes continuent à exercer leur activité professionnelle à Sherbrooke, ce qui les oblige à effectuer des trajets domicile-travail de l’ordre de 45 min de trajet aller par jour. « J’y vais pour ma part peut être trois ou quatre fois par semaine, mon conjoint quatre à cinq fois. De part mon travail, j’enseigne à l’université et je fais mon doctorat. Je vais régulièrement à Watton, c’est un petit village pas loin ou il y a une coopérative agricole, une quincaillerie. Sinon je vais aussi à Asbestos, qui est dans la région, dans le secteur c’est la plus grosse ville qui est un peu plus au nord encore. J’y vais de temps à autre pour des matériaux de constructions, mais j’y vais moins. Par contre je sais qu’il y a des membres de la coopérative qui ont des emplois plus près d’ici qui vont plus régulièrement à Asbestos. C’est moins loin que Sherbrooke.» AMM « Pour mon travail je me rends à Sherbrooke quotidiennement, c’est 100km par jour. C’est 40 min aller sauf le mercredi où je vais chercher la commande de fruits ça rallonge.»FQ « Il y a plusieurs personnes dans la coop qui travaille à Sherbrooke. Quand les gens sont venus s’installer ici, il y en plusieurs qui ont conservé leurs emplois qu’ils avaient à l’origine, dans certains cas certains ont quitté leur emplois. Ils étaient conscient de ce que cela allait impliquer comme transport c’est sur que ça fait beaucoup de route. »AMM Une personne, sur les trois interrogés, a changé son mode de vie en optant pour le travail à domicile. Cela s’est fait à la fois pour des raisons de désir de changements dans son activité professionnelle mais aussi d’un refus d’être soumis à des trajets travail-domicile quotidiens. « Je travail chez moi. Sur une base quotidienne, je travail à domicile. Cela s’est fait sans trop y penser. […] J’étais surtout catastrophé de devenir dépendant de ma voiture. J’ai étudié en environnement, j’ai une formation de bio géo chimiste donc la question de l’émission de gaz à effet de serre me tenait à cœur. »NS La situation de Cenves est un atout pour ces nouveaux individus qui justifient souvent leur choix par le fait qu’ils soient proches d’un réseau de transport performant et de plusieurs grandes agglomérations (Mâcon, Villefranche, Lyon etc). « ce qui nous a plu aussi ici c’est qu’on était quand même pas très loin non plus du TGV, pour aller vite à Paris pour pouvoir bouger, parce que nous ben tu le vois dans notre parcours, on était quand même pas mal mobile, on a de la famille un peu partout en France et des amis, et du coup je pense que c’était quand même important. […] Pour moi, c’était déterminant, parce qu’il y a des endroits dans le centre de la France ou t’es à deux heures d’un train et pour moi ça aurait été compliqué d’être plus isolé qu’on ne l’est déjà. » Stéphanie « C’est plutôt pratique on n’est pas loin d’une gare de Macon TGV on n’est pas loin de l’entrée de l’autoroute sud à 20 min on a le TGV a 20 min. On n’est pas loin d’une grande ville, on n’est pas loin d’une ville, d’une vraie ville avec un hôpital, des collèges de lycées etc. et en même temps on vit à la campagne » Pierre Cependant, eux aussi témoignent d’une grande dépendance au moyen de transport automobile : « C’est vrai que ça devient très compliqué de vivre à Cenves quand on ne peut plus conduire. » Pierre Ainsi, même si les personnes interrogées font preuve d’un engagement morale du fait de leur conviction écologique par rapport à un


ravitaillement local, elles avouent avoir besoin de se rendre fréquemment ailleurs pour combler leur manque en termes de services. « Il y a Tramailles qui est à 10 min ou il y a les médecins, les infirmières, donc c’est la vile à côté. Il y a une maison médicale, donc il y a les kinés plusieurs médecins, donc c’est quand même assez… » Stéphanie

2/ Les leviers mis en place / A Cenves Il y 20 ans l’ouverture d’une école d’art a permis de redynamiser le village. L’implantation de cette école a permis de redonner une dynamique au haut du bourg, partiellement abandonné depuis le départ de la communauté religieuse. Cela a entrainé des travaux de réhabilitation sur certains bâtiments anciens ainsi que la construction de plusieurs chalets destinés à accueillir des logements d’étudiants. Aujourd’hui l’école n’existe plus mais elle a redonné une impulsion au village. Edith Tavernier travaille à inscrire Cenves dans un réseau village d’accueil intitulé Beaujolais Vert votre avenir. Ce programma rassemble 25 villages d’acceuils autour de deux objectifs : aider les individus qui veulent construire un projet d’entreprise et aider les familles à s’installer et s’intégrer dans ce nouveau cadre de vie. Ce réseau propose un accompagnement personnalisé, des conseils sur les financements mobilisable, les solutions d’implantation etc. Cenves possède une vie associative assez dynamique ainsi qu’un potentiel touristique qui pourrait être mis en valeur : sentiers pédestres, gites d’étapes, maison du fromage etc. Cenves se situe également sur le chemin de Compostelle et accueille les marcheurs. Dans le cas de Cenves, il n’y a pas eu de projet global à l’échelle de la commune pour encourager les installations de nouvelles populations. Cependant, le conseil municipal aimerait augmenter les capacités d’accueil du bourg en construisant un petit collectif d’habitat au sein du bourg. « on voudrait un collectif avec des jardins partagés.» Edith « il y aurait un projet éventuellement de faire alors plus par là bas dans le trou, de faire des petits logements, des petites maisons, 4 à 6 logements en locations à priori, pour faire venir ou alors acheter, pour des jeunes avec des enfants parce qu’il y a vraiment une problématique […]le truc ce serait de faire un truc BBC voire carrément RT 2012. Vraiment un truc écolo avec des petits jardins partagés etc. Pour accueillir des gens, des jeunes, voila. » Edith Mais pour l’instant le développement de la commune en terme d’habitat se fait plus par des initiatives privées que via un projet global.

/ A Saint Camille Un des acteurs clefs, avec qui j’ai pu m’entretenir de ce renouveau de la commune de Saint Camille, est Sylvain Laroche. Natif de Saint Camille, il est revenu après des études de photographie afin de s’occuper du développement de la commune.

69


En 2002, une recherche-action « l’école éloignée en réseau » et l’arrivée prochaine sur le territoire de l’internet à haute vitesse lui semble l’opportunité afin de développer une nouvelle approche à Saint Camille qui réside dans l’essor des technologies de l’information. Il y a vu le moyen de sensibiliser de jeunes familles à venir s’installer sur le territoire en développant le télétravail et en exploitant les nouvelles possibilités de diffusion de l’information. Le deuxième élément qui a encouragé Sylvain Laroche à agir est le déclin démographique qui sévissait durablement à Saint Camille « On a déjà été 1200 de populations puis on est descendu jusqu’à 440, alors à un moment donné, bon, ce sont des services de proximité qui sont menacés dont l’école. La, on s’est dit, qu’est ce qu’on fait pour attirer de nouvelles familles chez nous ?» (Sylvain Laroche, 2015) Face à la décroissance démographique observée dans le village, la municipalité a mis en place deux stratégies de développement : améliorer l’offre culturelle avec la création d’un lieu emblématique au cœur du village et le développement de projets d’habitats au cœur et en périphérie du village. L’objectif selon Sylvain Laroche était un « d’augmenter notre population de 10 % en 10 ans après 90 ans de pertes démographiques. » • Développement d’une offre culturelle et d’une vie communautaire riche

70

L’aventure du Pti Bonheur comment il y a plus de 25 ans, en 1988. La décroissance démographique contribue à libérer des bâtiments au cœur du village, dont le magasin général, emblématique et idéalement situé à la croisée des chemins. Quatre habitants s’unissent pour former le Groupe du Coin et rachète le bâtiment de l’ancien magasin général pour en faire un lieu de diffusion culturelle pour la communauté. Sera suivi la création de l’association P’tit Bonheur. Ce lieu se distingue par la diffusion professionnelle des arts de la scène et des arts visuels. Saint Camille possède également un Musée la Souvenance (objets anciens) crée en 2000, la tenue du Festival international du masque tous les deux ans depuis 2009 et la Chapelle Saint-Antoine qui accueille des spectacles de musique classique en été. Saint-Camille offre plusieurs infrastructures de loisirs d’une grande diversité : une patinoire couverte, des jeux d’eau, un terrain de volleyball de plage, des sentiers pédestres, un service de garde scolaire et l’église transformée en bibliothèque, salle multifonctionnelle avec la préservation pour le culte. « On a une approche culturelle depuis plus de 25 ans avec le Pti Bonheur ici, des spectacles tous les mois, une salle de spectacle, une galerie d’art, il y avait une vie communautaire, culturelle qui est riche mais il n’y avait plus de maisons à louer. Il y avait des terrains à vendre mais traditionnellement Saint Camille c’est deux axes fait que c’était juste à la sortie du village puis aujourd’hui les gens ils cherchent autre chose. […]Tu as des terrains, ça fait dix ans qu’ils sont la, tu te dis, il y a quelque chose qui fonctionne pas» » Cette inadéquation entre les désirs des néo ruraux, et la structure traditionnelle du village est à la base des projets de développement initié par Sylvain Laroche sur la commune.


• Développement de projets d’habitats au cœur et en périphérie du village Cette nécessité de renouveler et diversifier l’offre immobilière se traduit à travers deux projets mis en place sur le territoire de la commune : le projet du parc agro villageois et le projet des fermettes du rang 13. La municipalité n’étant pas doté d’un paysage très distinctif, elle mise sur la vitalité de sa vie communautaire pour séduire les nouvelles familles ainsi que son identité pour se démarquer. Dans les deux projets, la volonté de créer une communauté d’accueil pour les nouveaux arrivants a été mis en avant et la communauté de Saint Camille a été mobilisée. •

Le projet du parc agro villageois, 2004

Ce projet souhaite désaxer l’installation des nouvelles habitations des deux axes majeurs mais garder l’avantage de la proximité du centre bourg. Le but étant d’offrir une qualité de vie supérieure aux terrains du centre bourg : plus d’espace, des parcelles boisées, la vue sur le grand paysage etc. Le projet poursuit deux objectifs : attirer de nouvelles populations et réconcilier les nouvelles populations avec la petite agriculture. À proximité du centre du village et de la coopérative La Clé des Champs, huit terrains sont offerts en location, terrains constitués d’une partie d’un boisé longeant une zone agricole. La construction des nouvelles habitations se fait de manière intégrée au paysage, les conditions étant de conserver 50% du couvert forestier. Aujourd’hui, ce projet est en cours de réalisation. •

Le projet des fermettes du Rang 13, 2004

Dans une zone constructible de Saint-Camille, 25 terrains de 4 à 18 acres (300 acres en totalité) sont mis en vente avec comme contraintes l’obligation d’y construire une habitation dans les cinq ans et de démarrer un projet agro-forestier. La municipalité a ouvert ces terrains à l’auto-construction pour favoriser l’accès à la propriété aux jeunes familles, pour encourager l’innovation et les habitations respectueuses de l’environnement. La municipalité prend à sa charge la mise à niveau du chemin et l’électrification du secteur. A 8km du village, de part et d’autre de la rivière Nicolet, ce site est très boisé et possède une topographie induite par la rivière. C’est les habitants de ce projet que j’ai eu l’occasion de rencontrer et d’interroger pour la suite de l’étude de cas.

71


/ analyse de Cenves

photo aérienne google maps

72 Le village se développe autour d’une route qui serpente le long d’un côteau. La topographie joue un rôle important dans la diposition en terrasse des différents espace du bourg.

Espace communautaire

ensemble de bâtiments du monastère innocupé

équipements touristiques (restaurant, hébergements...)

Institutions

illustration Soula A.


/ analyse de Saint Camille

photo aérienne google maps

73 Le village se développe autour de deux axes de circulation. Les batiments communautaires comme l’église, la mairie sont situés à l’intersection de ces deux axes.

Le Pti Bon

heur

Eglise

Ecole

Bibliothèq

ue

Mairie

Espace communautaire

équipements touristiques (restaurant, hébergements...)

Institutions

illustration Soula A.


/ les fermettes du rang 13

16

PROJET DU RANG 13 15 min en voiture 8 Km

em

er an

g

Wotton

6e

Le projet se développe à 8 km du centre du village en prolongation d’un chemin existant

Gu im

on

d

m

er an

Ch e

m

in

g

ro u

te 2

55

Saint Camille

photo aérienne google maps illustration Soula A.

74

François Quirrion Le développement résidentiel se fait autour de deux axes immergés dans les bois sous la forme de grandes parcelles

Anne-Marie Merrien Nicolas Soumis


/ le parc agrovillageois

Développement traditionnel du bourg, en continuité des deux axes ou croissance du noyau

Site de développement du parc aggrovillageois entre bois et champs. Désaxer l’installation de proximité

75 Création d’une route d’accès qui va être le fil conducteur du développement .

Construire autour des champs et des espaces boisées au lieu de construire au centre.

photo aérienne google maps illustration Soula A.


3/ Les différentes formes d’habitats observées Face aux attentes de ces populations et dans le contexte rural décrit, quelles ont été les stratégies d’habitat développées ?

/ Critères d’analyses J’ai réalisé une série d’entretiens afin de comprendre à travers un petit échantillon comment les néo ruraux s’installent au sein de ce territoire rural. Il faut prendre en compte les différences géographiques entre le Canada et la France, cependant, il est intéressant de relever à travers des critères d’analyse semblables, les différences et les ressemblances de ces formes d’habitats. Les critères d’analyse essayent de cerner les relations entre l’habitat et son environnement (territoire et immédiat) ainsi que la relation qu’entretiennent les individus à leur lieu de vie. relation entre le lieu de vie et le bourg • Typologie d’habitat : individuel, collectif/maison, appartement • Position et distance par rapport au bourg • Positionnement par rapport aux services (école, petits commerces, mairie etc.)

76

environnement de l’habitat • Proximité avec un autre habitat : isolé en dehors du bourg, isolé dans le bourg, mitoyen, superposé • Présence et aménagement d’espaces extérieurs au logement : jardin, véranda, terrasse, balcon etc. caracteristiques de l’habitat • Construction neuve ou réhabilitation/ rénovation • Propriété ou location • Taille du logement en m² • Organisation interne du logement : disposition des pièces de vies etc. • Orientation • Matérialité de construction

/ les différentes formes d’habitat observées •

La maison individuelle isolée

Elle résulte souvent d’un refus de s’installer dans l’offre d’habitat existant. Dans le cas du projet du rang 13, Sylvain Laroche avait anticipé l’attente de ces nouvelles populations comme ne correspondant pas à l’offre existante dans le bourg. « Je n’aurais pas voulu habiter au village parce que je voulais un grand terrain. Je voulais habiter dans un milieu boisé à la campagne. Je n’avais pas envie de m’installer dans une maison au cœur du village. C’est pas Montréal, il n’y a pas une foule extraordinaire mais les ter-


rains sont moins grands et puis tu es directement à côté de ton voisin. Bien que je tienne à vivre la dynamique communautaire, je tenais à avoir un espace plus boisé et puis je voulais un grand terrain.» AnneMarie • La maison individuelle construite dans le bourg C’est par exemple le cas de Pierre et Edith Tavernier qui ont fait construire leur maison à proximité du bourg de Cenves. Les terrains sont assez rares du à la contrainte de la loi montagne. « Parce qu’on peut construire qu’en continuité de l’existant il ne faut pas qu’il y ait de route à traverser, faut pas qu’il y ait de haie à traverser. Il y a quelques endroits ou on peut imaginer faire quelque chose. […] Dans le bourg il y a eu nos trois maison, il y a encore un petit bout de terrain qui est accessible, et vendable mais après sinon il y aurait une opération d’urbanisme à faire dans le bourg, comme Stéphanie vous a dit, y’a pas beaucoup d’endroits ou on peut construire. » Elle offre l’avantage de cumuler les points positifs d’une proximité avec le bourg (proximité aux quelques services existants, aux transports en commun) avec les avantages d’une maison individuelle (grande taille du logement, pas de vis-à-vis ou de nuisances du à la mitoyenneté, possibilité d’extension du logement etc.). •

La maison mitoyenne rénovée dans le bourg

« Je pense qu’on n’a pas été idiot, d’abord de faire revivre une maison à l’intérieur d’un bourg, et non pas à l’extérieur, c’est très important. Cenves se trouve sur les chemins de St Jacques et les chemins d’Assise. Eh ben, l’hiver, quand les gars ils arrivent à pied, la seule maison qui est allumé c’est nous dans le bourg » François La réhabilitation d’une maison permet de faire revivre un bâtiment du bourg et d’exploiter les qualités de l’habitat rural traditionnel, il y a une certaine intelligence de construction du aux méthodes traditionnelles qui séduit beaucoup aujourd’hui. Par exemple, dans le cas de François Destors à Cenves, il s’est rendu compte que tous les bâtiments anciens du village étaient implantés perpendiculairement à la pente. De fait, ils présentaient leur pignon et ne valorisaient pas leur façade sud, face à la vue sur la vallée. Il a réalisé que les jours de grands vents, la pluie venaient toujours de ce côté, les bâtiments cherchaient donc à se protéger en s’implantant de cette façon. «Je me suis toujours demandé pourquoi ces façades plein sud étaient opaques quoi. Et en fait quand il fait du vent ou de la pluie, et ben c’est direct, ici ça tape droit. […] Et c’est pour ça que j’ai compris que l’orientation de ces maisons anciennes qui sont façades, ouverte est ouest mais fermées au sud, c’était conforme au, au climat local. » François La réhabilitation permet de remettre à un niveau de confort plus actuelle le bâti ancien tout en conservant son intelligence d’implantation et constructive. En effet, les matériaux tels que la pierre et le bois sont de nouveau mis à l’honneur dans la construction contemporaine et la matérialité souvent massive des bâtiments ruraux permet de les adapter facilement aux logiques d’économie d’énergie.

77


/ les fermettes du rang 13

Maison de Nicolas Soumis

Maison Merrien

de

Anne-Marie

78 Maison de la famille Quirrion

illustration Soula A.


La maison mitoyenne dans le bourg

Dans les attentes formulées par la famille habitant dans une maison de bourg mitoyenne, Stéphanie souhaitait retrouver une certaine forme de centralité, de densité d’habitat en s’installant dans le centre bourg. « Moi j’étais partante pour venir à la campagne mais étant citadine à la base, je ne voulais pas aller dans quelque chose de trop paumé… Donc pour moi être en centre bourg, c’était quand même important […] Ça permettait par exemple d’avoir l’école juste à côté donc de faire les déplacements […] Dans le bourg il y a quand même le restaurant, il y a quand même un peu plus de monde… » Stéphanie Au contraire, Philipe aurait préférer se trouver dans un lieu plus isolé afin d’avoir la possibilité d’étendre le logement, de le développer. Il exprime le désir d’un habitat temporaire, qui soit mobile et moins permanent qu’une habitation construite « en dur » à travers l’exemple de la yourte. « Ce n’était pas forcément cet endroit là qui était l’attracteur […] je n’aime pas particulièrement le fait qu’on soit comme ça au bord d’une route, et moi j’aurais plutôt aimé être dans un endroit un peu plus paumé, avec plus de place où des gens puisse se rajouter, éventuellement avec des yourtes etc. […] d’être dans un lieu qui puisse être développé par la suite, tandis que la on est un peu coincé par, par l’architecture. » Philippe Ils expriment leur frustration d’habiter dans un logement difficilement transformable. En effet, étant locataire, il leur est difficile de modifier la disposition des pièces de leur logement en L. La distribution des pièces en enfilade leur laisse peu de possibilité. « On est un peu coincé parle le fait que l’agencement est déjà fait, est déjà pensé […] On est sur ce versant de colline et puis il y a ensuite ici la route, et puis il y a ce mur tout moche et puis ensuite… C‘est vrai que dans l’idée au départ, il y avait que plus de personnes puisse nous rejoindre et s’accoler un peu à nous etc.…Tandis que la, tel que c’est pensé, on ne peut pas y faire grand chose »Philippe « Le logement a été bien amélioré et c’est très confortable, simplement la structure du logement fait que … c’est tout le temps passant on n’arrive pas à se poser. » Stéphanie Leur logement a pourtant été rénové avant qu’ils y habitent mais la relation à la rue ne les satisfait pas. Leur logement n’a pas d’entrée ce qui les gêne pour accueillir des invités qui ont directement vu sur toute l’intimité du logement. « Cette partie la de la maison c’est la même que celle de Claire et François et du coup eux ils sont en dessous de nous. […]Comme on s’entend bien on connait les rythmes de vie, il n’y a aucun problème mais c’est vrai que structurellement pour d’autres locataires, ce n’est pas évident, c’est encore pire que en ville. » Stephanie La mitoyenneté des maisons posent également des questions d’intimité en termes d’isolation sonore et de communication des bruits quotidiens. Ces nuisances de proximité sont généralement attribuées au milieu urbain mais on voit qu’elles sont aussi présentes dans l’habitat ancien du bourg. On voit que pour de jeunes ménages l’offre de logement était assez limitée: « dans le bourg en terme de maison un peu bien refaite il y avait que ça. » Stephanie

79


Maison de Pierre et Edith Tavernier, Cenves

80 Maison de Franรงois et Claire Destors

Maison de Stephanie et Philippe Lieu dans le bourg

illustration Soula A.


/ les pistes dégagées Du point de vue spatiale, il y a eu une vrai réflexion afin de valoriser les atouts de l’espace rurale autant au point de vue paysager que de la tranquillité. Le travail préparatoire afin de cerner les attentes des néo ruraux et de proposer un développement capable de répondre à ces attentes a été un élément phare de la réussite du projet du projet de Saint Camille. Il ne faut pas négliger que la majorité des nouveaux arrivants continue à faire la navette pour des raisons professionnelles ou pratiques (courses etc.) car l’offre en milieu rural dans ces domaines est trop restreinte. La réponse réside peut être dans les opportunités de travail à distance déjà engagé grâce aux nouvelles technologies. Enfin il ne faut pas négliger que le contexte canadien influence la logique de consommation d’espace car les surfaces disponibles ne sont pas les mêmes. Et la pression pour le mitage des espaces ruraux est bien plus forte en France que dans le contexte canadien. C’est cette méthodologie d’approche qu’il serait pertinent d’injecter dans des municipalités comme celle de Cenves ou aucune proposition forte pour le développement n’a encore vu le jour et qui laisse le développement des nouvelles habitations à l’initiative des nouveaux arrivants sans réel schéma directeur. Comme le suggère Pierre Merlin, il serait pertinent d’engager des politiques d’urbanismes favorisant un mode d’urbanisation hiérarchisée et économe en espace, tout en répondant aux attentes des populations : « Des maisons de ville, comparables à la forme traditionnelle des villages, avec jardin à l’arrière, permettent d’avoir 150 m2 habitable et 150 m2 de jardin sur 250 m2 de terrain. Cela correspond à un coefficient d’occupation des sols de 0,6 et permet de mettre 40 logements à l’hectare, soit une densité équivalente à celle des grands ensembles. » (Merlin, 2009)17 Pour récapituler les besoins et les attentes exprimer par les néo ruraux concernant leur habitat et leur environnement de vie: • Un désir d’espace et de liberté par rapport à ses voisins, la nécessité de se trouver à distance et de préserver son intimité. La taille du terrain est importante comme la vision de la maison voisine. Le fait de voir ses voisins et d’avoir une certaine proximité rapproche dans le discours des néo ruraux d’une situation péri urbaine. L’espace est un luxe auquel il est difficile d’accéder en ville. « C’est aussi une motivation parce qu’en terme de qualité de vie, vivre dans 50m² ou 200 m² ce n’est pas pareil. » « A un moment donné on s’est dit on est à la campagne on veut avoir de l’espace. On voulait le paysage, la lumière. Il se trouve que ce paysage la il est plein sud donc c’était nickel. On voulait de la lumière et des espaces qui permettent de distinguer les espaces de travail et les espaces de vie. Et on ne voulait pas trop d’espace perdu en espace de circulation. On voulait aussi que les espaces de circulation puissent être des espaces de vie » Pierre Tavernier • Des attentes au niveau du paysage et de l’environnement naturel déjà relevées dans l’étude des désirs de migrations à la campagne. La nécessité de se retrouver dans un environnement vert et boisé, avec des espaces extérieurs vastes pour le logement revient comme un désir majeur des néo ruraux. L’environnement du loge-

81


ment prend une très grande importance pour ces populations. Les espaces extérieurs doivent aussi permettre une certaine culture de petite ampleur (potagers, élevage de poule etc.) • Un désir de flexibilité, d’extension possible du logement, de développement lié à l’envie de recréer des communautés de personnes extra rurales Attiré par l’idée d’une certaine sociabilité qui n’est plus présente ou en tout cas qui ne les incluent pas, les individus cherchent à recréer des liens forts de communauté à travers leur installation. Il y a une grande différence avec les lotissements péri urbain : ici le développement de l’habitat s’est fait sous l’impulsion d’individus privés ou dans le cas de Saint Camille à travers une coopérative. Cette forme de volontarisme crée donc une sociabilité différente. Les individus ne se positionnent pas en « consommateur » du lieu et cherche à créer une dynamique communautaire qui intègre les nouveaux habitants. • l’évolution des exigences en matière d’intimité et de seuils : place des sanitaires, espace d’entrée « Mais en fait tu es tout le temps dans un endroit, t’as pas d’endroit ou tu peux te mettre tranquillement un peu à l’abri des regards. » Philippe « Les toilettes dans la cuisine c’est super chiant. Parce que t’invites des gens et quand ils vont faire pipi eh ben t’entends leur pipi. Nous ça ne nous dérange pas si tu veux mais pour les gens c’est un peu délicat. » Stéphanie

82

• Un habitat qui répond à des contraintes éco-durable : Ils ont des exigences en matière d’éclairage, de lumière naturelle qui rejoigne des préoccupations énergétiques (chauffage, isolation, orientation) Ces personnes introduisent des modes de constructions écologiques (matériaux, énergie solaire etc.) qui n’étaient pas forcément présent au sein du village d’accueil. « On voulait une maison qui soit en matériaux naturels c’est pour ça qu’on a beaucoup travaillé le bois. […]La position c’est en fonction du soleil. S’assurer que la lumière rentre, avec les hivers c’était important de l’orienter pour que ce soit efficace d’un point de vue énergétique, de maximiser l’énergie solaire quand c’est possible sans cramer l’été.»Anne-Marie « Oui mais de base on voulait aussi une maison saine. Le choix initial c’était la maison saine. A Sherbrooke on avait fait des choix et la on poursuivait juste dans cette logique parce qu’on avait des enduits à la chaux dans la maison à Sherbrooke. Le bois c’était l’option la plus rapide car on aurait voulu faire des coffrages en chanvre mais on n’avait pas le temps. » François Q. « Mais la tu vois l’avantage d’ici c’est que c’est assez bien orienté par rapport au vent. La c’est le plus vieux bâtiment du bourg donc il a été construit comme… au niveau orientation, c’est bien pour … au niveau climatique. Par contre forcement ce n’est pas très lumineux. La cuisine qui donne au Nord ce n’est pas très lumineux. »Stéphanie « On voulait aussi de la lumière du soleil aussi pour les économies d’énergie parce que finalement des qu’il y a un rayon de soleil l’hiver on utilise plus le poêle. On a un chauffage électrique mais on ne s’en sert jamais juste en bas » Edith


• La problématique bâti ancien / construction neuve / autoconstruction Dans le cas d’une rénovation ou d’une réhabilitation de bâtiment ancien, la problématique est double. A la fois, les individus doivent s’adapter à une géométrie existante, souvent situé dans le bourg, à une situation mitoyenne, qui limite considérablement les possibilités d’adaptation et de flexibilité du logement. Les logements correspondent à un mode de vie ancien, qui ne répond plus forcement aux logiques d’habitat d’aujourd’hui. Le manque de flexibilité rend peu désirable l’accès à ces types d’habitats pour les nouveaux individus. Les logements manque de confort propre aux attentes de la vie contemporaine, distribution pas adapté (pièce en enfilade comme dans le cas de la famille Lieu), petite taille, peu lumineux etc. . Une rénovation réussie demande un cout d’investissement élevé (achat plus réhabilitation de la maison) qui n’est pas toujours accessible aux jeunes familles. Cependant, le bâti ancien représente un avantage car il résulte d’un savoir faire qui est lié au territoire. Il n’est pas étonnant de voir qu’aujourd’hui l’architecture durable se base sur l’observation des bâtiments anciens afin de s’en inspirer. Ces bâtiments anciens sont d’une grande efficacité en matière climatique, d’utilisation des matériaux et ressources locales. La construction neuve offre l’opportunité de choisir, ce qui est une plus value dans le logement, mais le cout élevé d’investissement ne la rend pas forcément accessible aux jeunes familles. De plus, les terrains constructibles se raréfient comme par exemple dans le cas de Cenves qui est limité par la loi montagne. L’auto construction parait être la solution qui permet de réunir construction neuve et maison isolée en limitant les couts de la construction. Cela parait être une alternative intéressante à explorer même si elle pose beaucoup de questions quand à la qualité architecturale qui en résulte. Les communes rurales doivent donc répondre à une difficile équation, maintenir et encourager le développement de la commune afin de préserver l’offre de service existante parallèlement elles sont soumises comme dans le cas de Cenves à des réglementations qui limitent leur développement. Elles doivent également préserver la qualité paysagère du lieu qui est la cause d’attrait de la majorité des populations.

83


84

Les deux premières parties nous ont apporté à la fois des connaissances théoriques et concrètes sur le milieu rural. La théorie nous a permis de cerner au plus près les nouveaux enjeux du milieu rural avec les modifications sociologiques subies, et les nouveaux enjeux de l’habitat en milieu rural. Nous avions relevé la nécessité d’étudier parallèlement l’étude des liens sociaux avec l’aménagement spatial. L’hypothèse de René Lebeau de l’expression d’une cohésion sociale ou non à travers l’aménagement spatial au sein des paysages ruraux semble concorder avec l’étude de la multiplication de la forme d’habitat individuel. On pourrait résumer cette tendance à la poussée d’individualisme dont fait preuve nos sociétés capitalisées et l’explosion de l’habitat individuel dans nos campagnes. Après avoir admis ce lien, quelles sont les pistes potentiellement explorables pour les architectes vis-à-vis du territoire rural ? En tant qu’architectes, quels sont les critères sur lesquels nous pouvons agir, et permettre d’élaborer un projet d’habitat durable pour le territoire ?


Comment produire un habitat qui conjugue intérêt particulier et collectif en milieu rural alors que ceux-ci semblent antinomiques ? « le rêve de maison individuelle en est la cause - une maison par-ci, un lotissement par là, puis un autre…- mais reconnaissons, a posteriori, que cette aspiration légitime ne justifie pas qu’on lui ait sacrifié l’intérêt collectif » (discours du président du CAUE de l’Hérault)43 La question mérite d’être posée. Avec l’exemple du village de Saint Camille, le modèle de l’habitat individuel isolé représente un cas positif. L’habitat développé est de qualité, auto-construit, il témoigne de nombreuses préoccupations environnementales. Le problème réside plus dans une réflexion d’implantation intelligente de ce nouvel habitat que dans la patrimonialisation de la nature et de l’espace rural. Ce qu’il faut éviter à tout pris c’est le mitage des territoires pas le développement de ces communes rurales.

85


86

PARTIE 3

Quelles nouvelles formes pour le développement durable de l’habitat rural ?

Porte de ferme, crédit photographique Soula A.


A/ Les formes d’habitat denses ont-elles un sens en milieu rural? Parc naturel régional des caps et marais d’opale, (2010) Vers de nouveaux types d’habitat en milieu rural. recueil d’expérience n°2, mars 2010 44

« La densité est le maître mot dans cette réflexion : elle permet d’enrichir les formes d’habitat pour répondre aux aspirations de chacun ; le regroupement des maisons limite la consommation d’espaces agricoles, permet un travail sur l’espace public et optimise les services publics disponibles. »(Daniel Percheron, 2010)44

La notion de densité semble concentrer la réflexion sur les nouvelles formes d’habitats en milieu rural et opposer urbains et ruraux. La densité serait la réponse à un habitat durable et s’opposerait au développement périphérique des bourgs. Mais cette notion a t-elle un sens dans le cadre du développement durable du territoire rural ?

1/ Un décalage entre deux visions du développement durable

/ Un décalage entre une volonté nationale, et un contexte rural particulier Cette volonté nationale affichée de densité, de ville compacte provient surtout de la volonté de limiter l’étalement urbain et la consommation des terres agricoles. Même si cette posture concerne à priori plus les espaces périurbains en limite des grandes agglomérations, ce discours s’est déporté en milieu rural au développement résidentiel dont nous avons fait état. Le processus de normalisation du droit des sols est jeune au sein des espaces ruraux. Une volonté politique nationale d’écologisation est née à travers la loi grenelle 2 du 12 juillet 2010 dans la planification territoriale métropolitaine. L’émergence de ces objectifs de plus en plus contraignants de préservation de l’environnement touche les milieux ruraux : le renforcement des objectifs de développement durable et l’obligation d’arrêter des objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace, une densité minimale de construction dans les secteurs situés à proximités de desserte en transports collectifs etc.

87


88

Ces dispositions réglementaires marquent une rupture totale avec la culture urbanistique rurale tant à l’échelle des territoires qu’à l’échelle locale des communes rurales. Cette volonté nationale cherche à changer les pratiques d’aménagement (consommer moins d’espace, limiter l’extension urbaine, favoriser la mixité sociale, préserver la biodiversité, maitriser la consommation énergétique, limiter l’émission de gaz à effet de serre, diminuer les obligations de déplacements et développer les transports collectifs) par des objectifs qui semble décaler des priorités locales. Il semble difficile d’articuler enjeux globaux de territoires et enjeux locaux : « En confiant aux maires ruraux la responsabilité de porter des enjeux globaux, liés par exemple à la préservation des terres agricoles ou le maintien de la biodiversité, l’État n’a pas pris la mesure de la forte contrainte qui pèse sur ces acteurs » (Bombenger, 2011)45 Ainsi il est difficile pour un maire d’une commune rurale d’articuler la demande de réduction de la consommation des ressources naturelles ou le maintien de la biodiversité réclamés par les acteurs territoriaux de l’action publique et la demande locale de ses concitoyens. Ainsi, « Les élus locaux n’ont pas d’intérêt politique direct à mettre en œuvre un projet restreignant le foncier disponible sur la commune. » (Bombenger, 2011)45 Il y a un décalage entre les notions mobilisées dans les documents d’urbanisme (renouvellement urbain, développement urbain maitrisé, utilisation économe des espaces naturels) et la réalité rurale locale. « Travailler avec ces référents pour adapter les messages nationaux ou régionaux au contexte du territoire : plusieurs territoires du programme ont en effet pointé le décalage d’une certaine vision de l’urbanisme portée au niveau national avec la réalité des territoires ruraux et l’approche qu’en ont les élus de ces territoires ; c’est particulièrement vrai à propos des notions de consommation foncière ou de densité urbaine. » (Réseau rural, 2012)18 Pouvons nous offrir à tout un habitat individuel dans un cadre paysager de qualité, avec un espace extérieur type jardin, flexible et durable ? La question est plutôt de savoir si on peut exiger de la campagne qu’elle limite son développement pour préserver « le jardin des urbains ? » C’est un désaccord entre deux visions du développement durable qui s’observe dans les discours des habitants de l’espace rural. «Parce que quand je vois ce qui s’est fait sur le territoire, on a un SCOT je ne sais pas si vous l’avez regardé. Le titre c’est « construire la ville sur la ville », ça dit bien dire ce que ça veut dire. On va en remettre une couche la ou il y en a déjà et on va laisser les prés aux chèvres et aux vaches. Et ça, ça a des couts et en terme d’exploitation de terre et en terme de couts sociaux qui sont jamais pris en compte. On va se préoccuper « ah surtout ne prenez pas mille mètres carrés de champs ici, c’est pour les vaches. »Mais notre champs ici, il ne vaut rien faut pas s’en faire une montagne. On est à la montagne, on a des territoires agricoles qui sont arides, il y a 2700 ha sur la commune dont 2500 en bois, vous en enlevez quelques hectares pour mettre quelques maisons et franchement ce n’est pas ça qui va tuer l’environnement ou gêner les vaches. Par contre quand on bétonne des hectares dans le val de Saône en bordure de Saône pour faire des zones industrielles ou des zones commerciales alors que la on a une

Bombenger PH., (2011) L’urbanisme en campagne. Pratiques de planification et d’aide à la décision dans des communes rurales françaises. Thèse de doctorat : Amménagement Lieu de soutenance : Tours 45


bonne terre qui a été arrosée pendant des siècles par la Saône. Alors la c’est une catastrophe mais personne ne dit rien parce que c’est la ville. » Pierre Tavernier, maire de Cenves Pour Laurent Lanquar, la réponse est politique. Aura-t-on le courage politique d’aller à rebours de l’attente publique de vivre au vert ? Selon lui, le choix se fait entre une poursuite du modèle actuel de fuite en avant de l’étalement urbain et du mitage des territoires ruraux restants ou le choix d’un modèle de développement plus compact basé sur une binarité spatiale entre des espaces urbains denses, et des espaces ruraux permettant de soutenir les défis environnementaux. Dans cette vision, les espaces ruraux devraient s’organiser selon un principe de la ville courte distance, autour de bourg compact afin de préserver des territoires naturels gérés écologiquement.

/ Une mauvaise compréhension du concept de densité « La densité ne doit pas faire peur. Elle ne signifie ni concentration excessive ni uniformisation. » (Daniel Percheron, 2010)44 En réalité, ce désaccord repose en partie sur une mauvaise compréhension du terme « densité ». La densité est un terme complexe et polysémique qui doit être rapporté à une autre dimension pour prendre un sens : densité d’habitat, densité végétale, densité construite. L'enjeu de la notion de densité est de saisir tous les domaines qui lui sont liés car elle ne représente rien en soit. En effet c'est une mesure relative à un territoire et qui n'a pas de sens si elle est décontextualisée. Cependant, les formes d’habitat plus dense, comme l’habitat collectif, n’ont pas bonne presse auprès des élus et des populations des communes rurales. Cette image négative est entretenue par une qualité de construction souvent médiocre, une architecture et un urbanisme fonctionnel ainsi que des objectifs de rentabilité de conception déconnecté des aspirations citoyennes. Ce rejet de la densité repose sur les représentations qu’elle évoque. Il y a cette crainte que densité signifie des tours et des barres. Or, la densité réelle est très différente de la densité perçue. On peut faire de la densité avec des maisons mitoyennes de un ou deux étages. Cette phrase résume tout le décalage qui peut exister entre densité réelle et densité perçue. Cette perception est fortement influencée par le traumatisme des grands ensembles et les dérives qu’ils ont engendrées. Or, la densité, définie par le nombre moyen de logements par hectare habité, peut être identique dans un quartier de grands ensembles et dans un quartier pavillonnaire, alors que le premier consommera moins d’espace au sol qui restera disponible pour des espaces publics. Le désaccord sur la notion de limitation du développement des communes rurales relèvent d’une mauvaise compréhension de la notion de densité.

89


2/ le renouvellement des centres bourgs ruraux « Ainsi la ville doit être reconstruite sur la ville, les bourgs sur les bourgs, le bâti rural sur le bâti rural. C’est dans une nouvelle conception de l’urbanisme que réside la réussite de cet important enjeu social et écologique qu’est le renouveau de l’habitat en milieu rural. » (Levesque, 2007, p9) 35

/ Réactualiser les formes existantes : la réhabilitation

90

Dans le cas de Saint Camille, le centre bourg concentre une activité culturelle et des services capables d’attirer les populations. De fait, même si la majorité des nouveaux habitants habitent à 8 km du centre, ils continuent à fréquenter celui-ci pour des activités de proximité (dépanneur etc.). L’école joue un rôle majeur dans la pratique régulière par les nouveaux habitants du centre bourg. Ainsi l’effort fourni par la municipalité afin de pourvoir aux nouveaux habitants une offre de services dynamiques et adapté à leurs attentes (offre culturelle, sportive diversifiée…) contribue à valoriser le centre bourg. De plus, les populations ayant été sélectionné, elles font preuve d’un fort engagement moral vis à vis des activités communautaires et du village afin de participer et d’enrichir le village. De fait même si leurs arrivées n’a pas permis d’enrichir l’offre immobilière du centre bourg, celui-ci est valorisé par leurs occupations relativement fréquente. Cependant, toutes les municipalités ne disposent pas des mêmes dynamiques communautaires. Dans le cas de Cenves, le contexte est différent. Tous d’abord, le centre bourg est complètement dévitalisé du fait du délaissement de la majeure partie de ses bâtiments. Cette absence d’occupation n’encourage pas le développement d’une dynamique communautaire au cœur du village où seul le restaurant fait office de lieu de rencontre. L’hypothèse selon laquelle le village profiterait d’un réinvestissement de ces bâtiments centraux par des nouvelles populations mérite d’être évoquée. L’habitat rural traditionnel est un patrimoine de proximité, architecture vernaculaire et témoin d’une vie économique et sociale passée. Ces éléments patrimoniaux sont eux même implanté dans des modes d’organisation urbaine qui participe à cette dimension patrimoniale particulière. Ils présentent une imbrication étroite entre le naturel, et ce que l’homme a construit et modelé. « Aujourd’hui, le grand défi de la conservation et de la valorisation de ce patrimoine rural c’est de le maintenir en vie tout en l’adoptant comme notre cadre de vie quotidien, c’est-à-dire en l’adaptant, sans le dénaturer, aux exigences de la vie contemporaine, notamment en matière d’habitat. »46 La particularité du patrimoine rural est qu’il répond à des usages anciens : agricoles, artisanaux, sociétaux. C’est ce qui fait sa valeur mémorielle et c’est pourquoi il faut y répondre avec des nouveaux usages habitations, équipements publics qui valorisent ces usages passés. Nous avons vu que les attentes en matière de logement n’était pas forcément compatible avec la structure des bourgs et la façon dont ils se sont construits. On peut donner comme piste la possibilité d’éclaircir ou aérer les

Vincent Jean-Marie, « Conservation du patrimoine rural et politique qualitative de l'habitat. », Pour 3/2007 (N° 195) , p. 111-117 46


bourgs des bâtiments vétustes qui présentent un faible intérêt patrimonial. Cela permettrait de valoriser les bâtiments restants de qualité ou encore de reconstruire des logements plus adaptés. Au contraire il peut être pertinent dans une démarche de revalorisation de l’habitat au sein du bourg en construisant sur les parcelles interstitielles ou les vides existants. En effet, il peut être intéressant d’intégrer dans la planification du bourg l’accessibilité au voiture ou encore de nouveaux espaces publics, ainsi que de revaloriser la place du piéton. A Cenves par exemple, il serait intéressant de revoir la structure du bourg. Aujourd’hui, le cœur du village est peu valoriser du fait de la route qui le coupe en deux. Il y aurait un intérêt à revoir la structure du bourg et à requalifier les différents espaces publics. Il faut également soulever que le centre bourg de Saint Camille ne propose pas la même qualité architecturale que celui de Cenves. En effet l’architecture est de moins bonne qualité et se développe en bordure des deux axes majeurs sans réelle opportunité paysagère. Le centre bourg de Cenves dispose d’un cachet propre du à sa position belvédère et à l’existence de bâtiments historiques de qualité. Il possède des atouts architecturaux qui pourraient être valorisé. Au niveau du logement, nous avons vu que les anciens logements étaient parfois inadapté du point de vue des transitions qu’ils proposaient. Nous pouvons imaginer quelques pistes pour remédier à ça: • Ajouter des espaces de transitions entre la rue et le logement • Valoriser le paysage au sein du logement : la vue peut parfois ne pas être privilégiée dans le logement traditionnel rural qui favorise une implantation plus rationnel qu’esthétique. • Adapter les logements aux nouvelles attentes en termes d’intimité et de qualité de vie revoir la distribution, la disposition des pièces etc. • Proposer une continuité entre le logement et les espaces extérieurs qui lui sont associés Il ne faut pas écarter que cette démarche de réhabilitation pose certaine question. Elle nécessite le recours à un certain nombre de professionnel ce qui a complètement été écarté dans la construction pavillonnaire qui a généralisé la construction catalogue avec des « produits » à peine personnalisé. La réhabilitation est un atout seulement si l’offre d’entreprises spécialisées et compétentes disponible à un cout raisonnable existe.

91


/ S’inspirer de formes compactes des bourgs pour réinventer l’habitat en milieu rural Nous nous pencherons sur la maison mitoyenne de centre bourg afin de donner ses qualités mais aussi les points à améliorer pour proposer une offre d’habitat réactualiser. La maison mitoyenne est une forme d’habitat intéressante dans le cadre d’un habitat durable. Elle respecte une certaine compacité, sa mitoyenneté lui assure de bonnes capacités thermiques. Cette forme urbaine favorise une proximité entre les habitants tout en conservant une certaine indépendance.

92

Pour parler de ce renouvellement de l’habitat en centre bourg, on s’appuiera sur un projet réalisé en centre bourg d’Albigny-sur-Saône par l’Atelier Vera et Barrand Architectes. Cette commune est située sur les contreforts des versants est des Monts d’Or. Situé entre coteaux et bord de Saône, un projet de trois maisons de village a été réalisé sur l’un des derniers terrains constructibles du centre bourg. Très profonde et peu large, la forme parcellaire du terrain en dent creuse réduisait les possibilités d’implantation. Ce projet est donc intéressant car il se confronte aux contraintes d’implantation dans le bourg tout en proposant un habitat contemporain. A l’origine, le choix du promoteur était de construire deux maisons au milieu de la parcelle. Mais l’architecte a su faire évoluer le parti pris urbain vers un projet plus respectueux de l’identité du bourg. La continuité urbaine est assurée par l’implantation des trois maisons en alignement avec la rue, elles respectent : • la morphologie du bâti existant • la densité • la trame parcellaire, • les hauteurs de constructions • la modénature des façades avoisinantes Cependant, le projet est résolument contemporain. L’architecte s’est inspiré des conditions géographiques, topographiques et réglementaires pour proposer un découpage en lanière, dans la profondeur de la parcelle qui jour avec le paysage et la topographie. Cette architecture répond aux attentes contemporaines en matière de logement. Il a conçu de larges ouvertures et une faille qui amène la lumière naturelle au centre du logement. Cette faille permet également de gérer la transition entre la rue et l’espace intérieure du logement. Les pièces de vie sont traversantes et s’ouvrent sur une terrasse à l’arrière du logement. Les surfaces de logements sont généreuses (120 et 140 m² pour les deux T4 et 165 m² pour le T5). Ce projet combine donc un respect de la forme urbaine traditionnelle avec une architecture contemporaine respectueuse des nouvelles attentes en matière de logement.


Fig1: Plan masse des trois maisons mitoyennes Ă Albigny sur SaĂ´ne

Plan montrant la relation entre la rue et le jardin

93

Vue du projet depuis la rue

illustrations: JM63_13_Trois_ maisons_de_village_cle518da1.pdf


3/ Innover: les petits collectifs, l’habitat individuel dense / l’émergence des formes collectives en milieu rural

94

Il y a une apparente contradiction en le milieu rural et l’habitat collectif qui est ordinairement attribué aux exigences du milieu urbain. Cependant, l’habitat traditionnel rural s’est développé autour de principes de vie collective, de solidarité. Par exemple, la cohabitation de plusieurs générations sous le même toit était fréquente au sein du logement rural. L’émergence de forme d’habitat collective en milieu rural semble provenir d’une préoccupation à la fois de consommation d’espace mais aussi de vivre ensemble. L’habitat collectif ou intermédiaire de faible densité pourrait être un compromis intéressant pour le territoire rural. Comme on a pu le voir, les formes collectives ne sont pas plébiscitées par les jeunes familles qui viennent s’installer en milieu rural, plutôt à la recherche d’une maison individuelle. Cependant, il y a une part importante de la population rurale(les personnes âgées ou en situation de précarité) pour qui l’habitat individuel, à cause des coûts qu’il représente, n’est pas adapté. Or, l’offre locative, et notamment l’offre de logements sociaux est très faible et peu développée dans les communes rurales. On peut facilement imaginer le rejet de ces « formes connotées » d’habitat social par les locaux. Il est important d’ouvrir les possibilités en ce qui concerne l’offre de logements et de sensibiliser les populations à la diversité des formes d’habitat collectives. Nous avons vu que les individus qui venaient s’installer en milieu rural recherchait avant tout une vie communautaire riche. Ce désir de vivre ensemble pourrait être l’occasion de développer des formes d’habitat plus collective: mise en commun de certains équipement du logement ou encore des espaces extérieur. Le développement des formes d’habitat collectif adapté est aussi un enjeu pour les populations vieillissantes du milieu rural. Les bogues du Blat développé par Patrick Bouchain, à Beaumont en Ardèche sont un bel exemple de l’introduction des formes d’habitats collectives en milieu rural. La mairie de Beaumont a souhaité développer l’offre locative(sur les 100 maisons permanentes, les 150 résidences secondaires et les gîtes, il n’y a que 10 logements en location) sur la commune afin de diversifier les possibilités de logements pour les personnes âgées, les jeunes familles etc. La forme de grandes cabanes en bois prise par ces « HLM » nouvelle génération est étonnante. Mené avec les mêmes contraintes de cout que le logement social traditionnel, cette opération montre qu’il est possible de faire du petit collectif en milieu rural qui s’intègre à l’habitat traditionnellement individuel. Cet habitat social nouvel génération montre qu’il y a des grandes marges d’innovation en matière de forme d’habitat collectif en milieu rural.

/ innover en matière d’habitat individuel Nous avons démontré que le modèle de la maison individuelle, tel qu’il est pensé et mis en œuvre aujourd’hui dans les campagnes, n’est pas viable dans une logique de développement durable du territoire. Tant qu’il répondra à la même logique que les quartiers périur-


/ Les bogues du Blat, construire, architecture Patrick Bouchain

95

crĂŠdit photographique: LoĂŻc Julienne,2013


96

bain, qu’il prendra la forme de nappes de « villas pavillonnaires » de médiocre qualité architecturale et urbaine il sera décrié. « Le rêve entretenu, mythifié, de la maison individuelle avec pelouse, piscine, atelier, garage ne peut plus être satisfait sans porter une atteinte grave à l’environnement. » (Levesque, 2007)35 Le développement intempestif de l’habitat individuel tel qu’il est actuellement est nocif pour l’espace rural. Il détruit les qualités qui ont motivé son implantation : mitage du paysage et destruction du cadre naturel etc. « L’image d’une campagne idéalisée exerce aujourd’hui son attractivité non seulement dans le domaine de la résidence secondaire et du tourisme vert mais de plus en plus dans celui de l’habitat permanent. […] Cette quête est génératrice de désillusions tant elle est antinomique avec la conception du terroir productif et fonctionnel de l’agriculteur… Elle est de plus elle-même destructrice de son propre idéal car, si elle réutilise pour partie et souvent avec bonheur les îlots bâtis anciens, elle empiète fréquemment, par de médiocres constructions nouvelles implantées de manière anarchique, sur l’espace traditionnellement agricole, déséquilibrant brutalement le rapport subtil entre le bâti et le territoire rural, créant le plus souvent un assemblage, sans logique et sans âme, d’habitations stéréotypées. »(Vincent, 2007)46 Cependant, nous avons également démontré que ce modèle répondait à une demande sociale forte de la part des populations. Comment alors concilier un développement durable du territoire et les attentes des populations en matière d’habitat ? Quel modèle peut être développé pour un meilleur compromis entre durabilité et demande sociale d’un certain idéal de vie ? Une des pistes pourrait être la diversification des typologies de bâti. Il faut sortir de la maison posée au milieu de sa parcelle comme seule alternative. En voyant ce qui se construit aujourd’hui dans les campagnes, on aurait tendance à vouloir interdire toute forme d’habitat individuel. Ce présupposé résulte d’une pensée consommatrice de l’espace qui perdure dans les esprits des populations : « On est à la campagne donc on peut se permettre d’avoir beaucoup d’espace. » Il nous semble important de repenser la typologie centrée propre aux années 60 et à des grandes parcelles de 2000 ou 3000 m² irréaliste aujourd’hui. En ce qui concerne l’habitat individuel, de nombreux quartiers de la fin du XIXème siècle et de la période moderniste peuvent représenter des sources d’inspirations. Ils sont souvent considérer comme des modèles en matière d’implantation territoriale, de rapport au paysage et d’architecture. Les campagnes sont restées tellement éloigné des préoccupations des architectes au XXème siècle et durant la période moderne qu’on a laissé penser que l’architecture médiocre qui s’y développaient était la seule option. Les maisons de Jorn Utzøn à Fredensborg et Helsingør, le quartier de Hampsted à Londres, le travail de Ralf Erskine à Skövde, les quartiers de Wattel à Villeneuve d’Ascq sont autant d’exemples qui peuvent être réinterpréter et décliner comme exemple. Les communes rurales sont un bon terreau pour l’innovation car elles rendent plus facile le dialogue et une relative proximité entre les élus et les populations. En parallèle d’une réflexion sur la forme de l’habitat, il est nécessaire de promouvoir une re territorialisation de l’habitat en milieu rural.


https://s-media-cache-ak0. pinimg.com/736x/51/3a/72/5 13a7211031e05e589f31d668 2d31908.jpg

97 https://s-media-cache-ak0. pinimg.com/736x/a8/d6/66/ a8d66651871dbb1cdf203ffcb9258f81.jpg

https://s-media-cache-ak0. pinimg.com/236x/7a/82/94/7 a8294d86119eef10fbded28b a99b7c9.jpg


B. Retrouver un sens du lieu: des outils pour retisser un lien entre la nouvelle architecture rurale et son territoire « Habiter c’est porter une constante attention à se relier au monde et au site qui contient le lieu habiter » (Campredon ,2007)32

98

1/ L’architecture rurale vernaculaire, source d’inspiration pour l’architecture durable « L’architecture bioclimatique est un mode de conception architecturale qui recherche la meilleure adéquation possible entre le climat, le bâtiment et le confort de l’occupant. Elle s’inscrit dans une démarche de développement durable car elle permet : - de réduire les besoins énergétiques en s’adaptant au climat environnant, - de participer au confort et à la santé des habitants en veillant à la nature des matériaux utilisés. » Abcdaire du particulier, définition de architecture écologique, CAUE d’île de France.48

/ Le rapport à l’environnement bâti : LE SITE « Le bâti rural ancien est en effet inséparable de son environnement dont il est à la fois un composé et un composant. L’implantation des maisons traditionnelles est déterminée par les conditions climatiques de la région, le relief, la présence de pare-vent naturels, les ressources en eau… Les maisons traditionnelles anciennes sont construites avec les matériaux locaux disponibles (le bois, la pierre brute ou taillée, la terre crue ou cuite…) mis en œuvre selon des techniques variant d’une région à l’autre. Enfin, l’usage du territoire rural, dont le bâti traditionnel est un élément fonctionnel, a progressivement façonné le paysage et continue de le faire évoluer. »

Union régionale des CAUE d’île de france ABCdaire du particulier [en ligne]. Disponible sur : [http://www. urcaue-idf.archi.fr/abcdaire/ imprimer.php?fiche=245] [30/04/2016]. 48


On assiste à une déterritorialisation des individus qui s‘exprime aussi dans l’architecture. Comment retrouver une architecture territoriale qui est indissociable d’une architecture durable? Dans un contexte rural, la relation étroite qu’entretient la construction traditionnelle avec son milieu en fait une expérience d’architecture durable. Les bâtiments sont liés à leur contexte géographique et social donc à une économie locale. Nous avons vu que le relief, la végétation, les cours d’eau sont des paramètres qui ont influencé l’implantation des villages et leur architecture. Les critères qui ont guidé l’implantation et la forme de l’architecture rurale sont une source d’inspiration pour l’architecture durable : • Le climat (vent pluie, soleil) • La topographie (coteaux, fond de vallée, crête…) • l’hydrographie • le paysage, la végétation • l’orientation Dans le cas de Cenves par exemple, nous avons vu que son implantation à flanc de coteaux au dessus de la vallée de la petite Grosne avait conditionné l’organisation de l’habitat. L’inscription en pente a favorisé le développement d’un village linéaire. Le bâti s’est ensuite implanté perpendiculairement à la pente, orienté Est Ouest pour se protéger des vents et de la pluie qui frappe le village au Sud. Il faut donc identifier les logiques de ces formes historiques et des techniques qui les ont permises. Il est urgent de les réactualiser des notions telles que la gestion de l’eau, la maitrise thermique, l’implantation bioclimatiques, les énergies renouvelables. Ce sont autant de critères « redécouvert » par le développement durable.

/ LE SAVOIR FAIRE constructif et les ressources locales Mais l’architecture rurale s’est aussi construite à travers une tradition de techniques constructives et de ressources locales. Il ne faut pas oublier qu’elle était portée par un savoir faire propre à la région dans laquelle elle se trouvait. L’enseignement qu’on peut tirer de l’architecture rurale est la revalorisation des techniques traditionnelles et locales de constructions (maison paysanne de France) : béton de chanvre, chaux. « Intervenir sur les bourgs mobilise des savoir-faire techniques très éloignés de ceux couramment employés pour la maison individuelle ; il ne s’agit pas d’assembler des parpaings et des pièces industrielles standardisées, ni même de construire une ossature bois « passivhaus » étanche à l’air. »(Bonnet, 2015) Cela nécessite de mobiliser des filières de constructions durables et réglementer les filières industrielles. Aujourd’hui les entreprises qui valorise la stratégie du « bien construire » avec des matériaux durables et des filières locales, qui plus est non dé localisable sont marginales vis-à-vis des filières industrielle. On remarque l’emploi exponentiel de produit industrialisé de qualité médiocre et discutable du point de vue écologique : PVC, matériaux synthétiques etc. . Il n’est pas rare de voir une maison entièrement bardés de clins en PVC dans des régions ou les ressources en bois

99


100

et les bonnes entreprises de charpente abondent. Cependant, il est primordial de développer ces filières. Il faut avant tout que l’utilisation de ces matériaux valorisent un savoir faire et une économie locale sans quoi construire en bois avec un bois coupé sur place mais qui doit ensuite transité en Europe de l’Est pour être traité n’a aucun sens. Il faut donc réussir à associer les ressources de l’espace rural avec la redécouverte d’un savoir faire local. L’architecture rurale traditionnelle nous réapprend à penser la construction comme une composante de l’économie locale. « Le bâti ancien fait appel à une conception, des matériaux et des techniques de construction qui lui confèrent un comportement thermique différent des habitations récentes. Implantation, orientation et organisation intérieure sont rarement dues au hasard. A cela s’ajoute un mode constructif spécifique caractérisé par une forte inertie thermique et des matériaux hygroscopiques (microporeux donc respirants). Ces propriétés sont des atouts pour le comportement thermique du bâti ancien et doivent guider les travaux de réhabilitation. » (CAUE de la Meuse, Faire durer la maison rurale Meusienne) Les matériaux utilisés dans l’architecture traditionnelle rurale sont souvent source d’inspiration pour l’architecture durable contemporaine. Pour preuve, le milieu rural est le lieu privilégié de l’innovation pour l’architecture durable. La temporalité, la proximité des acteurs, la présence de savoir vernaculaire autorisent les hybridations qui sont plus complexes en milieux urbains. Les matériaux bio sourcés, le pisé, la paille, le chanvre ont été élaboré dans plusieurs contextes ruraux. Cependant, cette connaissance en matière de mise en œuvre de matériau intégré au site s’est perdue. Les populations rurales ont une mauvaise connaissance des éco matériaux de leur mise en œuvre. De plus ils pensent que les coûts des éco matériaux sont trop élevés.

2/ l’occasion de s’ouvrir à de nouvelles pratiques : l’autoconstruction / auto construction et architecture vernaculaire quelle différence ? L’auto construction est la forme primitive de construction de l’habitat. Il convient de situer ce terme par rapport à celui d’architecture vernaculaire qui renvoi à l’architecture rurale. L’architecture vernaculaire définit un bâtiment vernaculaire comme appartenant à un ensemble de bâtiments surgis lors d'un même mouvement de construction ou de reconstruction. L’habitat vernaculaire est caractéristique d’un savoir faire, d’un lieu, d’une époque donné ainsi que de la classe sociale qui l’a fait construire et utilisé. (Djerebia, 2013) Le terme « autoconstruction » est sous-entendu dans la définition générale de « la participation » en matière de production de l’environnement bâti dans « le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement » (Pierre Merlin et Françoise Choay, ed. PUF, 1988). La différence entre architecture vernaculaire et l’autoconstruction, réside donc dans le contexte dans laquelle, l’une et l’autre évolue.


La première s’est développée dans un contexte dépourvu d’une connaissance savante, mais par l’accumulation d’expériences. Le second terme, a commencé à être utilisé lorsque la production de l’habitat s’industrialisait, et par conséquent, le vernaculaire devenait marginal voir interdit dans les milieux urbains compte tenu des innombrables règles et normes imposées par la ville. Coopérative de construction, autopromotion, sont des systèmes qui rassemblent plusieurs personnes autour d’un projet de construction commun.

/ l’auto construction, un moyen de retrouver le contact entre architecture, habitant et lieu L’auto construction permet de réduire considérablement les couts de 30 à 50 % de la construction. C’est une stratégie pour les couches moins aisées de la population pour accéder à un habitat auquel il n’aurait pas eu droit dans le cadre d’une opération immobilière classique. Ce qui nous intéresse dans l’auto construction en milieu rural c’est l’investissement qu’elle suscite pour les futurs habitants. Elle permet d’associer les futurs habitants au projet, de les inviter à réfléchir sur leur futur lieu de vie au lieu d’en faire des consommateurs d’un produit tout fait. Fierté de faire soi même, volonté de réalisé des choses innovantes, le secteur de l’auto construction rassemble une diversité de volonté vis à vos de l’habitat. L’argument défendu par les auto-constructeurs est de construire selon ses propres valeurs écologiques. En France, la part des individus qui se lancent chaque année dans l’auto construction est estimée à trois pourcent. Dans le cadre du projet de Saint Camille, la majorité des habitations du rang 13 à été réalisé en auto-construction.

101


102

conclusion

Ferme de l’ile d’Orléans, crédit photographique Soula A.


On cherchait à déterminer quelles étaient les formes durables d’habitat pour accueillir le développement résidentiel auquel est soumis le territoire rural. Nous avions émis l’hypothèse que l’habitat individuel n’était pas adapté aux enjeux de développement durable de ce territoire. Nous avons établi que les problématiques de développement résidentiel du territoire péri urbain sont à dissocier de ceux de la rbanisation. Certes, on est témoin aujourd’hui d’un développement médiocre d’habitat pavillonnaire dans certaines communes rurales face à la pression résidentielle des grandes agglomérations qui font croire à une homogénéisation des modes de vie et de l’habitat entre urbains et ruraux. Mais les mutations de modes de vie qu’ont subi le territoire rurale n’a pas gommé les différences spatiales et architecturales entre l’espace urbain et l’espace rurale. Nous pensons que l’enjeu réside dans la répartition et la gestion intelligente de ce phénomène de résidentialisation des campagnes. Le réinvestissement des centres bourgs, à travers l’adaptation aux attentes contemporaines de l’habitat traditionnel est un enjeu majeur pour un développement résidentiel durable sur le territoire. De même, la réinterprétation des formes d’habitat denses comme la maison mitoyenne sont des pistes intéressantes pour repenser le développement de l’habitat individuel. Avec la diversité des formes d’habitats évoquées (petits collectifs qui repense le partage des espaces de vies, nouvelle forme d’habitat individuel dense et adaptation de l’habitat traditionnel), les possibilités pour le développement résidentiel du territoire rural répondent à la diversité des profils des nouveaux habitants. Rénover ou innover en terme de typologies d’habitat n’est pas la seule piste pour repenser la résidentialisation des camapgnes. L’observation des formes d’habitats existantes et des qualités de la maison rurale traditionnelle sont des sources d’inspirations riches. L’architecture vernaculaire propre au milieu rural est une source inépuisable de leçons d’architecture durable, d’une rachitecture située, qui tire partie de son contexte géographique, climatique et sociale. Il est nécessaire de retrouver dans les nouvelles formes d’habitat, un rapport contextuel entre l’architecture et son territoire en s’inspirant de cette architecture vernaculaire. Le patrimoine rural est une source d’inspiration pour le développement d’une architecture éco responsable de qualité. Et ce développement passe par la mise en valeur des techniques et des savoir-faire locaux (développer les filières de construction bois, pierre et terre. ) Enfin, la piste de l’auto construction rentre en compte dans l’élaboration des nouvelles formes d’habitat. Elle permettrait de valoriser la proximité et l’accessibilité du milieu rural en conservant cet aura de liberté qui attire les nouvelles populations. Elle conserverait la possibilité d’accéder à un habitat de qualité en réduisant les coûts de construction en augmentant par exemple la qualité des matériaux. Elle favoriserait aussi une posture plus engagée et moins consommatrice des nouveaux habitants vis-à-vis du territoire. L’habitat rural a un formidable défi à relever : assurer un développement résidentiel qui soit durable pour le territoire en répondant à une demande sociale toujours plus importante de qualité de vie environnementale.

103


104

bibliographie

Ferme de l’ile d’Orléans, crédit photographique Soula A.


/ RAPPORT Ruegg et Dechesnaux, (2003), Territoires intermédiaires et espaces ruraux, politik des ländlichen raumes 5 Poncet.JF et Belot.C, (2008) rapport d´information fait au nom de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire (1) sur le nouvel espace rural français,Sénat, juillet. 11 Datar (2003) Quelle France rurale pour 2020 - Contribution à une nouvelle politique de développement rural durable, Datar, 2000-2001 12 Jean.B, Dionne.S et al, (2009) Comprendre le Québec rural, Chaire de recherche du Canada en développement rural, 2009 1

Hilal.M, Barczak.A et al, (2011) Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques, Datar, 2011 13

RODRIGUES A.(2010) Périurbanisation, rurbanisation, artificialisation : état des lieux, conséquences et alternatives, Insee pays de la loire - en pays de la loire, la ville déborde de plus en plus sur la campagne - , [en ligne] octobre 2010. Disponible sur : [http://www. insee.fr/fr/insee_regions/pays-de-la-loire/themes/dossiers/dossier38/dossier38_ch01.pdf]. [27/04/2016] 25

Bigard.M, Durieux.E,(2010) Occupation du territoire et mobilités: une typologie des aires urbaines et du rural, La France et ses régions, édition 2010 15

Plateau C. et Rakotomalala J., 2005 , Construction neuve l’attrait des maisons individuelles en milieu rural mais proche des villes, SESP, vol n°1) 37

Parc naturel régional des caps et marais d’opale, (2010) Vers de nouveaux types d’habitat en milieu rural. recueil d’expérience n°2, mars 2010 44

/ THESE

105 Bombenger PH., (2011) L’urbanisme en campagne. Pratiques de planification et d’aide à la décision dans des communes rurales françaises. Thèse de doctorat : Amménagement Lieu de soutenance : Tours 45

/ ARTICLE Nivet.S, 2012 l’architecture à la campagne,D’architectures Junkspace ou terroir, n°211 8

Grosrichard F., Béatrice J. (1999) , Les campagnes veulent relever le défi de la modernité», le Monde, 19/10/1999 26

Laurent Lanquar, « Rurbanisation et développement rural durable : la question des transports »,Pour 2007/3 (N° 195), p. 80-85. 27

Derruau M.,(1956) « À l’origine du "rang" canadien »,Cahiers de géographie du Québec, vol. 1, n° 1, 1956, p. 39-47. 30

Jean-Pierre Campredon, « Le sens d’habiter », Pour 2007/3 (N° 195), p. 48-56. 32

Robert Levesque, « Essor résidentiel des campagnes et développement durable », Pour 2007/3 (N° 195), p. 72-79. 35

Jean-Claude Bontron, « Diversité des espaces ruraux et problèmes d'habitat », Pour 2007/3 (N°195), p. 57-64. 36

Vincent Jean-Marie, « Conservation du patrimoine rural et politique qualitative de l'habitat. », Pour 3/2007 (N° 195) , p. 111-117 46


Tiné.G, (2008) La commune rurale ne grandit pas. elle se remplit. elle devient obèse. [en ligne]. In : C’est par où, le rural ?, 14ème université d’eté de l’innovation rurale. (6, 7 et 8 août 2008),Marciac [08/08/2015] 7

/ARTICLE WEB

Koolhaas.R (2014) Koolhaas in the country, Icons Countryside, [en ligne] n°135, Disponible sur : http://w.iconeye.com/architecture/features/ item/11031-rem-koolhaas-in-the-country [27/04/2016]. 9

Isabel Boussard, « Bertrand HERVIEU et Jean VIARD, Au bonheur des campagnes (et des provinces), Marseille, L’Aube, 1996, 160 p. », Ruralia [En ligne], 01 | 1997, mis en ligne le 25 janvier 2005, consulté le 27 avril 2016. URL : http://ruralia.revues.org/22 22

Djefal J., Eugène S.(2004) Etre propriétaire de sa maison un rêve largement partagé, quelques risques ressentis, [en ligne] n°177, Disponible sur : www.credoc.fr [27/04/2016]. 23

La Dépêche du Midi (2007) Sarkozy a l’»ambition de faire la France un pays de propriétaire»,La depêche, [en ligne] 03/05/2007. Disponible sur : [http:// www.ladepeche.fr/article/2007/05/03/414329-sarkozy-ambition-faire-francepays-proprietaire.html]. [27/04/2016] 24

Laurence Thomsin, « Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé », Ruralia [En ligne], 09 | 2001, mis en ligne le 19 janvier 2005, consulté le 19 octobre 2014. URL : http://ruralia. revues.org/250 28

Durbiano C. 2001. L’espace rural existe-t-il encore ? Texte de 8 pages disponible sur le site : pedagogie.ac-aix-marseille.fr/histgeo/annuaire/parten/Cafe_aix/c0905_01. htm, consulté le 7 juillet 2015. 2

106

Donnadieu.P (1998) Les campagnes urbaines,Actes SUD, 224p

6

Xavier Guillot (2011) Espace rural et Projet spatial, Vers un nouveau pacte ville-campagne ? (vol.2) Publications de l’université de Saint Etienne. 10

LEBEAU R., Les grands types de structures agraires dans le monde – MASSON ET Cie ÉDITEURS - Paris – 1972. 14

Merlin.P, (2009) L’exode urbain: de la ville à la campagne, Paris : La documentation française,170p 17

Garcia F. Pouvoirs en souffrance. Néo-ruraux et collectivités rurales du Pays de Sault oriental. In: Études rurales, n°65, 1977. Pouvoir et patrimoine au village - 2. pp. 101-108. 20

Viard J., (2011) Nouveau portrait de la france. la société des modes de vie, Editions de l’Aube, collection «Monde en cours». Janvier 2012. 208 p 21

Matoré Georges. Pierre Merlin, Françoise Choay et al. Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, Paris, PUF, 1988. In: L'Information Grammaticale, N. 44, 1990. pp. 44-45. 29

DOYON G. & HUBRECHT R., L’architecture rurale et bourgeoise en France - Dominique Vincent et Cie Editeur Paris 1979. 31

Albert DEMANGEON, « L’habitation rurale en France. Essai de classification des principaux types », dans Annales de géographie, tome 29, n° 161, 15 septembre 1920, pp. 352-375 33

/ OUVRAGE


Jean-Didier Urbain, 2002, Paradis verts désirs de campagne et passions résidentielles, Paris, Payot, 392 p. 34

/ SITE WEB

Insee (2016) Aire urbaine [en ligne]. Disponible sur : [http://www.insee.fr/fr/ methodes/default.asp?page=definitions/aire-urbaine.htm] [1/05/2016]. 4

Laganier.J et Vienne.D(2006) Recensement de la population de 2006,La croissance retrouvée des espaces ruraux et des grandes villes,Insee première, [en ligne] janvier 2009. Disponible sur : [http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/]. [27/04/2016] 16

Réseau Rural (2012) Accueil et maintien de populations en milieu rural : le Réseau Rural Français enrichit les politiques des territoires ruraux [en ligne]. Disponible sur : http://www.reseaurural.fr/gtn/politique-accueil/seminaire [27/04/2016] 18

Etude BVA-Cnasea(2007) Projets en campagne [en ligne]. Disponible sur : http://www.installation-campagne.fr/documents-Projets-en-campagne----5,47,68.html [27/04/2016] 19

Wikiterritorial(2013) La loi montagne et ses modalités particulières d’application en urbanisme [en ligne]. Disponible sur : [http://www.wikiterritorial. cnfpt.fr/xwiki/wiki/econnaissances/view/Notions-Cles/Laloimontagneetsesmodalitesparticulieresdapplicationenurbanisme] [29/04/2016]. 39

Bonnet M., Gilbert A. (2015) Le Beaujolais : un territoire rural marqué par les restructurations industrielles, Insee Analyses Rhône Alpes, [en ligne] juillet 2015. Disponible sur : [http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_ id=8&ref_id=23184]. [29-04-2016] 38

Insee (2016) Commune de Cenves [en ligne]. Disponible sur : [http://www. insee.fr/fr/themes/dossier_complet.asp?codgeo=COM-69035[12/01/2016]. 40

MRC des Sources (2014) Politique d’acceuil [en ligne]. Disponible sur : [http://www.mrcdessources.com/la-mrc/politique-daccueil/] [29/04/2016]. 41

MAPAQ (2010) Agriculture et agroalimentaire MRC des Sources [en ligne]. Disponible sur : [http://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/ Regions/Estrie/ProfilRegion/Sources_profil_2010.pdf] [2010]. 42

Union régionale des CAUE d’île de france ABCdaire du particulier [en ligne]. Disponible sur : [http://www.urcaue-idf.archi.fr/abcdaire/imprimer. php?fiche=245] [30/04/2016]. 48

107


108

annexes


/ entretien Edith et Pierre tavernier réalisé le 27-01-2016 à Cenves PT « si si c’est compliqué parce que ce sont des populations qui sont variées quand même. On a des gens qui sont des gens du cru et c’est quand même des gens du cru, qui sont originaire du village. Alors ils travaillent plus pour la plupart mais ils y habitent quand même et puis ils y en a qui reviennent parce que c’est leur village. Parce qu’ils travaillent à Macon. » AS « C’est plutôt cerner le propos autour des nouvelles personnes qui viennent habiter » PT « des gens qui viennent s’installer ? » AS « oui c’est ça , surtout les néo ruraux » PT « les dernières installations sur les dix dernières années, c’est facile à retrouver ça » ET « Ben on peut déjà parler de nous franchement, parce qu’on est arrivé il y a … » PT « Oui oui il y a les gens comme nous, il y a François, Stéphanie, c’est des gens qui sont venus s’installer pour se mettre à la campagne, pour avoir des conditions de vie plus calmes, moins bruyantes, moins polluées, et aussi moins cher. Quand on fait le boulot qu’on fait, je travaille sur toute la région de Bourgogne et Rhône Alpes, que je sois la ou en ville, ça me change rien en terme de travail. Edith elle est en télé travaille sur le territoire donc c’est pareil. On pouvait se mettre ou on veut et voila. François qui est architecte scénographe il travaille sur toute la France donc qu’il soit la ou ailleurs c’est plutôt pratique on n’est pas loin d’une gare de Macon TGV on n’est pas loin de l’entrée de l’autoroute sud à 20 min on a le TGV a 20 min. On n’est pas loin d’une grande ville, on n’est pas loin d’une ville d’une vrai ville avec un hôpital, des collèges de lycées etc et en même temps on vit à la campagne, donc une qualité de vie à la fois environnementale, sociale. On connait, on se connait, on *** avec les voisins. Je pense que François c’est ça aussi qui l’a… » ET « Et puis moi je pense qu’il ya aussi un gros facteur qui joue pour des gens comme nous, qui sont plutôt de culture citadine à venir s’installer ici, c’est que les usages de travail ont beaucoup évolué depuis dix ans. Aujourd’hui, avec l’informatique, internet, on a accès à l’information depuis n’importe ou donc on n’est obligé d’aller en ville pour accéder à l’information et on peut travailler depuis n’importe ou. Qu’on soit ici ou qu’on soit en ville, aujourd’hui on a tous la même qualité d’accès à l’information. Donc ça permet pour pleins de petites sociétés de services, de services aux entreprises de travailler aussi depuis la campagne. En terme d’organisation du travail ça change pas grand-chose donc ça permet de remettre dans la balance des critères de qualité de vie, d’accès à un foncier moins cher aussi mais sans en pâtir sur la capacité de travailler. » AS « Par rapport à votre trajectoire résidentielle, vous avez habité ou avant d’habiter ici ? » ET « alors nous on a été en région parisienne. Tous les deux, on a vécu en ville quand on était petit. Après on a passé trois ans à l’étranger et ensuite c’est pour ça qu’on est venu ici. Alors c’est vrai qu’on est dans ce village, il y avait quand même un point d’attache, il y avait les parents de Pierre qui y habitaient mais pas depuis toujours pareil ils sont venus s’installer la parce qu’à un moment il y a eu un projet

109


110

autour du frère de pierre avec un bâtiment suffisamment grand pour mener à bien son projet. C’est pareil c’est les opportunités d’implantation de projet, sur certains projet qu’il n’y a pas en ville. La c’était une école qu’il a créé. Il y avait de quoi accueillir des étudiants, des salles etc. Dans le monastère en haut du village et il n’aurait jamais pu faire ça en ville. C’était aussi cette opportunité la qui a permis à ce projet de venir et quelque part qui a été aussi un point de départ pour le renouvellement du village il y a 20 ans aujourd’hui. L’école n’existe plus mais c’est vrai que le fait qu’il vienne installer ce projet d’école ici ça a permis de …Dans le haut du bourg qui était complètement désaffecté, il n’y avait plus rien, le fait ben du coup de faire des travaux, de réhabiliter … » PT « ça a fait venir du monde, ça participait à la redynamisation du village.. » ET « Du coup il y a des jeunes qui sont venus, des gens qui sont venus s’installer, qui ont fait construire dans le village ou qui ont rénové des anciennes maisons les deux. Et puis la vie appelle la vie. Les gens sont la… » PT « Et puis dans le mouvement qui a été constaté par l’Insee dans les années 80 à 2000. Il y a eu un grand mouvement de gens avec des familles qui sont partis autour des villes dans un périmètre de 25km. Et nous Cenves, on est dans un périmètre de 25km de Macon. Donc il y a aussi ce mouvement la qui est un mouvement un peu national.» AS « Mais ces gens ils se sont installés ou par rapport au village ? » PT « Ben ils ont racheté des maisons, à droite à gauche. Le village, au début du XIX ème il y avait 1100 habitants, c’était un gros village. C’est tombé à 300 et aujourd’hui on est revenu à 400. Donc des maisons il y en avait. Aujourd’hui il continue de s’en installer de s’en construire mais c’est pas facile parce qu’on n’a pas de plan d’urbanisme. On est en RNU loi montagne, donc c’est assez compliqué d’obtenir un permis de construire. On arrive quand même à en gratter un deux ou trois par an, mais c’est difficile. » AS « Parce que ça dépend de quel organisme ? » PT « c’est la DDT qui instruit. Moi je signe au nom de l’état pas en tant que maire. C’est pas moi qui instruit parce qu’on n’a pas de PLU, on n’a pas de carte communale, on n’a aucun document d’urbanisme » AS « Parce que j’ai parlé avec Stéphanie, elle m’a dit qu’il y avait potentiellement un projet de développement d’habitats en dehors du bourg, mais qui serait pour accueillir des nouvelles personnes. » PT « Alors on réfléchit à qu’est ce qu’on doit faire dans le bourg ou dans certains hameaux qui sont … dans lesquels. Parce qu’on peut construire qu’en continuité de l’existant il ne faut pas qu’il y ait de route à traverser, faut pas qu’il y ait de haie à traverser. Il y a quelques endroits ou on peut imaginer faire quelque chose. Et c’est vrai on réfléchit à ça parce que la on est un petit peu à court, on arrive à la fin d’un mouvement de population, on se retrouve face à des populations qui ont vieilli, des enfants qui ont grandi et on a du mal à remplir l’école. Depuis quatre ans l’école est en baisse d’effectif de la petite classe de la maternelle donc ça va s’aggraver jusqu’à ce qu’on finisse par fermer l’école. Mais parmi les gens qui sont revenus il y a aussi pas mal de jeunes du village qui sont venus se réinstaller dans le village. C’est des gens qui ont grandi ici, qui sont parti qui ont fait des études et puis qui sont revenus. Donc il y a aussi ces gens, c’est chez eux, c’est leur village. Ils y ont leurs copains, leurs parents.


Donc il y a plusieurs catégories de population. Tu vois Stéphanie, elle est venue s’installer ici, elle construit une maison. Ce sont des gens qui sont revenus s’installer entre guillemets dans leur village. » AS « Mais quand ils reviennent par exemple, ils construisent ? » ET « Alors les deux, tu vois quand tu regarde par exemple ça c’est un hameau qui est en descendant vers Macon, donc a la fois il y a tout l’ancien bourg et puis tu vois on voit deux maisons construite donc. Et puis en même temps parfois il y a aussi des maisons qui sont rénovées. Dans le bourg de Cenves, regarde nos maisons elles ne sont pas la. Les trois maisons qui sont la elles ont été construite, celle la aussi elle a été construite. Après il y en a qui sont rénovées, celle de martine et jean claude que tu vas voir toute à l’heure, celle de françois voila. Celle-ci aussi c’était un café restaurant avant et puis c’est une famille qui l’a racheté qui l’a on peut dire rénové. Il y a le monastère qui est en haut du village. Et puis il y a les deux chalets en bois que tu as du voir qui ont été construit au moment de l’école, c’était pour faire des chambres d’étudiants. Donc il y a les deux, à la fois il y a de la rénovation d’anciens bâtiments voila et puis des maisons qui se rachètent qui sont pas forcement très cher et du coup qui sont rénovées et puis en même temps dans le paysage viennent s’inscrire aux alentours dans les champs vraiment limitrophes, des nouvelles constructions. je pense qu’on observe ça un petit peu dans tous les hameaux. Regarde ça c’est le bourg sans les trois maisons. je pense qu’on a vraiment les deux. Quand tu regardes en face , il y a une maison neuve en face, bon il y a des vieux bâtiments, il y a une ferme avec les volets rouges qui est sur la gauche et puis au milieu y’en a une c’est une maison nouvelle. Je crois qu’il y a vraiment les deux qui cohabitent aujourd’hui. » PT « rien que chez nous, valérie et son mari michel, michel il est de macon, il est souvent en déplacement. Valérie elle est plus du pays de geaix. Ils sont venus s’installer pratiquement en même temps que nous. Ils sont venus pour le cadre. Ils ont acheté une maison qu’ils retapent. La maison d’en dessous Dominique et marc ils sont locataires c’est une maison qui loue. Dominique elle travaille à mâcon marc il est à la retraite. La maison qui est construite juste à côté de la notre c’est patrick audet, il est né à Cenves, son père il habite. Il a racheté un terrain à cenves pour faire construire dans son village. Le petit jeune qui est la bas derrière, lui c’est un gars de macon. Il a acheté un terrain pour faire construire dans le bourg sinon. Tout la haut , la maison en bois, c’est des gens qui sont arrivés il y a quatre ou cinq ans. Ils sont en télétravail, ils travaillent à la sncf à Lyon. Donc ils sont venus ici parce qu’il voulait de la campagne. Et puis dans les vignes ils en avaient marre de respirer les produits phytosanitaire. Dans le haut du bourg, tout à fait en haut, il y a une famille qui est venu s’installer. » ET « oui mais ça c’était parce qu’il y avait une maison à vendre, ils ne sont pas d’ici » PT « non ils ont racheté une maison qui était à vendre qui était assez récente qui a été construite il y a environ une quinzaine d’années. Il y a les gens qui ont repris la maison de robert. » ET « je pense que ceux qui viennent, c’est soi des enfants du pays qui reviennent, soi c’est des gens ben c’est des amis d’amis. Il peut y avoir un lien. Typiquement françois et claire ils sont venus la à cause de nous, nous on est venu parce que les parents de pierre et son frère. et puis après c’est des gens qui peuvent racheter des maisons,

111


112

qui ont des opportunités immobilières, ils ont un coup de cœur et puis voila. Donc je pense que les motivations sont assez différentes. il y a un peu de tout. » AS « mais il y a une grosse partie du bourg centre qui est vide non ? » PT « Alors oui et non, parce que il y a les bâtiments des sœurs qui aujourd’hui sont inoccupés, c’est une grosse partie de bâtiment qui sont tout en haut du village, en face de l’église . Il y a tout un ensemble de bâtiment qui sont un gros truc, c’était un ancien petit séminaire c’était un truc, une maison religieuse de sœur de saint joseph et la c’est un bâtiment on peut vivre à 40 dedans. Elles espèrent revenir mais c’est des problèmes internes à l’église catholique. Et puis au dessus de chez Stéphanie, il y a une maison du maçon à la retraire. Elle est occupée que la moitié de l’année puisque c’est un vieux monsieur qui vient que quand il fait beau. Il y en a pas mal dans le village des maisons secondaires. Des gens qui habitent à Lyon ou a Macon et qui viennent quand il fait beau. Après il y a un bâtiment long fermé et ça c’était un bâtiment qui appartient aux frères, et que pareil qui est plus ou moins rattaché au bâtiment des sœurs et qui est plus ou moins inoccupé. Et c’est pour ça que le bourg donne pas mal l’air d’être inoccupé. Donc c’est pas si vide que ça » ET « en même temps toutes les autres maisons sont occupées. » PT « a part les deux gros bâtiments c’est moins vide que ce que ça a été à une époque. ET « Toutes les maisons familiales sont occupées. Ou alors quand même à part les deux monastères. » AS « Le développement entre le bourg et les hameaux, ils se fait de façon uniforme ou non ? » PT « il y a des gros hameaux, actuellement ça construit plus sur les ménards, les oiseaux. AS « et ça dépend aussi de vous ? » PT « La commune est extrêmement étendue. Actuellement ça construit plus côté Serrière. C’est pus la que ça . A cause des opportunités, il faut que les gens acceptent de vendre, la ou il y a des trucs à reprendre. Et il faut que les terrains répondent aux contraintes de la loi RNU. Donc c’est la qu’on trouve à vendre. Dans le bourg il y a eu nos trois maison, il y a encore un petit bout de terrain qui est accessible, et vendable mais après sinon il y aurait une opération d’urbanisme à faire dans le bourg pour , comme Stéphanie vous a dit, y’a pas beaucoup d’endroits ou on peut construire. » ET « parce que la loi montagne est extrêmement contraignante. Sinon il y aurait sans doute beaucoup plus de constructions. On a beaucoup plus de demandes que de possibilités. » AS « c'est-à-dire ? » PT « il faudrait demander à la mairie. Je pense qu’on a bien une dizaine de demandes. Les demandes de certificat d’urbanisme c’est souvent les propriétaires qui veulent vendre un terrain et qui voudraient savoir s’il est constructible ou pas. Et la plupart du temps c’est refusé. » ET « et des gens qui veulent s’installer, moi j’en ai croisé dans la rue. Des gens qui demandent mais au fait est ce qu’on pourrait s’installer ici, est ce qu’il y a des choses je crois. S’il y avait une loi qui était beaucoup plus ouverte en termes de constructions, il y aurait beaucoup plus de gens qui viendraient s’installer. » PT « après il y a des motivations qui sont vraiment spéciales, par exemple on a une maison à vendre actuellement tout récemment. Ils


partent de Cenves et s’en vont à Tramayes à côté parce qu’ils voulaient une maison en pierre. Et que leur maison n’était pas en pierre. Et en même temps ils ne voulaient pas aller loin de Cenves parce qu’ils sont engagés dans les associations et qu’ils aiment le bourg. Peut être qu’ils anticipent aussi un peu leur vieillesse. Parce que le bourg de Tramayes à côté c’est un bourg centre dans lequel on retrouve une maison de santé, une pharmacie, tous les commerces d’alimentation coiffeur tous ça. Il y a pas mal de personnes âgées de Cenves qui vont un moment donné finir leur vie à Tramayes. Quand ils ne peuvent plus conduire, prendre la voiture pour aller faire les courses. » AS « parce que pour aller faire les courses, c’est ou ? » PT « Soit à Tramayes à 7km, soit à Prissé ou il y a un gros supermarché, sinon Macon. » AS « et en ce qui concerne les déplacements ? » ET « on se déplace pour le collège, parce que le collège c’est plus compliqué à vivre. Autant l’école primaire c’est facile à vivre autant le collège c’est plus compliqué. Il y a une navette, mais enfin des que y’a des enfants qui finissent plus tôt on va les chercher. Et puis bon après il y a les matchs de rugby, les entrainements les activités. C’est vrai qu’on fait pas mal de déplacements pour les activités ou les courses. Les enfants ados c’est plus compliqués à gérer après ils sont contents quand même parce que c’est vrai qu’ils ont un cadre de vie et des espaces de vie qui sont supers. Par rapport à un appartement en ville, ils n’auraient pas la même place ça c’est sur. » AS « quand vous êtes venu, vous avez directement décidé de construire ? » ET « on a d’abord habité dans l’appartement au dessus de l’école en location communale et puis on s’est assez vite décidé on s’est dit que ça nous plaisait de vivre ici. On a acheté le terrain assez vite parce qu’il était à vendre et puis on a fait construire quatre ans après etre arrivé. Il était temps de se décider et de construire le projet. » AS « vous avez fait appelle à un architecte ? » ET « euh oui, alors on a eu des conseils d’architectes mais on a fait les plans avec le maitre d’œuvre. On a commencé avec un architecte et ça s’est un peu mal passé donc on a plus fait avec le maitre d’œuvre. » PT « c’était un ami architecte de formation qui nous avait fait une proposition. Il y avait des choses inspirantes et puis des choses trop … il avait un … une propension à gagner de la place, réduire les espaces. A un moment donné on s’est dit on est à la campagne on veut avoir de l’espace » ET « oui mais bon c’était lui qui était comme ça. » PT « donc après c’est nous qui avons dessiné les plans de la maison, on les a tourné dans tous les sens pendant deux ans et ensuite c’est le maitre d’œuvre qui nous a aidé. Et on a fait signer par un architecte. Mais c’était plus une signature administrative. » AS c’était quoi vos attentes ? PT « visitez la nos attentes c’était ce qu’on a. on voulait le paysage la, la lumière. Il se truove que ce paysage la il est plein sud donc c’était nickel. On vouait de la lumière et des espaces qui permettent de distinguer les espaces de travail et les espaces de vie. Et on ne voulait pas trop d’espace perdu en espace de circulation. On voulait aussi que les espaces de circulation puissent être des espaces de vie » ET « et on voulait aussi de la lumière du soleil aussi pour les écono-

113


mies d’énergie parce que finalement des qu’il y a un rayon de soleil l’hiver on utilise plus le poêle. On a un chauffage électrique mais on ne s’en sert jamais juste en bas. »

114

Ça va du coup ? parce que moi je crois vraiment que les motivations, parce qu’en plus c’est mon travail de m’occuper d’installer les gens et c’est vrai que quand j’entends les gens au téléphone meme des citadins, c’est le cadre de vie le fait de pouvoir vivre dans des espaces qui sont pas en ville, c’est la convivialité par ce que je crois que la campagne a encore cette image de convivialité dans l’imaginaire collectif » PT « c’est un peu vrai quand même! nous ça fait dix ans qu’on est la et on connait quand même une personne sur deux dans le village ! » Et et puis il y a la solidarité. Moi je pense qu’en ville il y en a aussi il ne faut pas exagérer, on fait du covoiturage pour les enfants, pour les courses pour déneiger. C’est vrai qu’il y a une vie associative assez riche, il y a beaucoup de choses qui se passent. On ne dirait pas comme ça moi quand je suis arrivée au début je me disais, elle est ou la vie ici, ils sont ou les gens, ils habitent ou ? et puis je voyais. Il faudrait que tu sois la un matin au démarrage de l’école, il y a cinquante enfants qui arrivent avec les voitures le car. On se demande ils viennent d’où tous ces gens. et ils viennent des hameaux. C’est comme en ville ou on arrive on voit le monde. La on ne le voie pas mais il est la, c’est un autre usage et en fait quand on s’est un peu intégré dans le village on sait bien ou sont les gens, on a les points de repères. Il y a autant de vie finalement. La vie elle n’est pas visible comme dans les rues en ville mais elle n’est pas moins présente. Il y a une vie locale, communale et associative qui est quand même assez forte. Et on porte peut être plus d’attention les uns aux autres qu’en ville il y a moins d’anonymat sans doute même si ça se voit pas de prime abord, on a l’impression que c’est un trou paumé, le bout du monde ici et en fait pas tant que ça. Après c’est un choix c’est sur d’habiter en milieu rural plutôt qu’en ville, on a pas forcément tous les services sur place c’est pas la même ambiance l’excitation de la ville. Mis c’est vrai que aujourd’hui la campagne se désenclave surtout moi je pense que les usages de travail ça joue vraiment, c’est une vrai révolution pour moi. Les gens qui s’installent sur le territoire c’est beaucoup des gens qui sont dans le web , les services c’est des métiers qu’on peut exercer depuis n’importe ou. Et pour moi ça redonne de l’attractivité à la campagne. Et puis on a aussi des moyens de transports plus simple qu’il y a cinquante ans la voiture, les routes sont en bon état. On n’est pas si isolé que ça quand on habite ici. On a des bonnes connexions internet, mais quand même il y a des usages de vie et de travail qui sont compatibles avec les métiers modernes. C’est une des premières questions qui est posée. » AS « et le fait qu’il n’y ai pas de services dans le bourg ce n’est pas un frein ? » ET « Et ça peut l’être pour certains, ça dépend. » PT « Même pour les personnes âgées, il faudrait du service dans tous les hameaux. C’est vrai que ça devient très compliqué de vivre à Cenves quand on ne peut plus conduire. C’est sur que ce serait mieux si on pouvait faire ses courses à Cenves mais en termes d’économie c‘est juste pas pensable, c’est des modèles qui fonctionnent plus du tout »


ET « les gens y bossent à Macon, ils font leurs courses à Macon, après il y a des AMAP, des ventes en circuit court, il y a aussi des choses comme ça qui existe. Mais aujourd’hui une boulangerie à Cenves, 400 habitants dont 70 au bourg, elle ne gagne pas sa vie. C’est un mode d’organisation qui est un peu différent» PT « quand même dans les motivations il y a quand même les aspects économique, le cout d’une maison ici, c’est sans commune mesure avec le cout dans la banlieue de Macon. » ET « nous on l’a acheté 12e le mètre carré non viabilisé. Viabilisé il est entre 15 et 20e. A Anse il est à 300e donc voila c’est tout. En dessous de Villefranche. Nous notre maison elle nous a couté en tout avec le terrain compris 275 000 euros et il y a 200 m².» PT « C’est aussi une motivation parce qu’en terme de qualité de vie, vivre dans 50m² ou 200 m² ce n’est pas pareil. C’est vrai que depuis 2010 ou il y a eu une augmentation du prix du carburant, c’est plus difficile de vendre les maisons à Cenves. Par rapport à quelqu’un qui vit en ville dans un appartement et qui n’a pas de voiture, c’est le modèle citadin parisien par excellence, c’est possible. C’est possible à Paris mais à Macon c’est déjà moins drôle. Donc… Par contre il faut deux voitures, si les deux travaillent et même si les deux ne travaillent pas il faut quand même il faut pouvoir aller chercher les enfants, faire les courses. » ET « oui le mythe de la maison avec jardin. Après je pense qu’aujourd’hui il y aussi d’autres aspirations qui sont en train de naitre. L’habitat partagé, c’est voila des petits collectifs intelligents, avec des jardins partagé. Je pense qu’il y a des choses qui se font. Moi je pense que vraiment aujourd’hui, il y a des vrais aspirations, écologique. De sortir aussi de notre société de consommation individualiste et partager certaine fonction. A Cenves ce serait un petit collectif d’habitat partagé. » PT « oui on voudrait un collectif avec des jardins partagés. Pas forcément de l‘habitat. Après je pense qu’il faut aussi se poser la question de pas tomber dans les clichés du développement durable. Parce que quand je vois ce qui s’est fait sur le territoire, on a un SCOT je ne sais pas si vous l’avez regardé. Le titre c’est « construire la ville sur la ville », ça dit bien ce que ça veut dire. On va en remettre une couche la ou il y en a déjà et on va laisser les prés aux chèvres et aux vaches. Et ça ça a des couts et en terme d’exploitation de terre et couts sociaux qui sont jamais pris en compte. On va se préoccuper « ah surtout ne prenez pas mille mètres carrés de champs ici, c’est pour les vaches. »Mais notre champs ici il vaut rien faut pas s’en faire une montagne. On est à la montagne, on a des territoires agricoles qui sont arides, il y a 2700 ha sur la commune dont 2500 en bois, vous en enlevez quelques ha pour mettre quelques maisons et franchement ce n’est pas ça qui va tuer l’environnement ou gêner les vaches. Par contre quand on bétonne des hectares dans le val de Saône en bordure de Saône pour faire des zones industrielles ou des zones commerciales alors que la on a une bonne terre qui a été arrosée pendant des siècles par la Saône. Alors la c’est une catastrophe mais personne ne dit rien parce que c’est la ville. Moi je suis tout à fait sensible à ces questions de développement durable, mais il faut sortir des clichés et réfléchir de manière un peu

115


116

intelligente et prendre en compte toutes les dimensions du développement durable et pas que la dimension environnementale mais aussi la dimension sociale et économique. On nous bassine sur le fait que ruraux couteraient plus cher que les urbains on entend ça assez souvent mais l’association des maires ruraux de France ont fait des études et ce n’est pas vrai. AS « Mais aussi parce que la campagne est vu comme le jardin des urbains, il ne faut pas y toucher c’est pour la ville et pour qu’ils viennent pour l’agrément» PT « voila il y a un peu de ça, surtout ne fait rien c’est tellement joli, et il ne faut pas prendre le territoire des vaches. Moi ce développement durable la je le déteste, c’est de l’intégrisme de BOBO de la croix rousse voila mais j’en parle parce que dans les faits ils ont pesé très lourd ces BOBOs la dans la définition du SCOT, ils étaient à la région, à la région il y a une bonne représentation écologiste qui ont bien pesé bien fort et ils ont fait des conneries. Les maires du coin, moi je n’étais pas maire à l’époque, mais enfin j’ai bien vu le maire de l’époque qui me racontaient ils étaient fous furieux. Donc le développement durable ça ne peut pas être ça. Après que tout le monde n’ai pas besoin de sa maison aussi belle que la mienne avec 300m² de jardin, parce 300m² j’en ai besoin pour faire mon épandage hein. C’est vrai qu’on pourrait faire un peu plus petit mais après on a aussi besoin d’une certaine surface pour faire l’assainissement individuel. Tous les équipements collectifs après ils ont un cout aussi, c’est du terrain utilisé, c’est du carbone dégagé, c’est des investissements c’est pas simple d‘évaluer le cout environnemental, et économique et ce qu’on prend jamais en compte c’est le cout social. Combien ça coute, ça on le sait combien ça coute un délinquant en prison, ça coute des fortunes ! Et d’où ils viennent les délinquant en prison la propension entre ce qui viennent du village de Cenves et ceux qui viennent des quartiers difficiles de Macôn ou de Belleville eh ben ce n’est pas la même. Et ça ce cout la on en parle jamais et il y a quelque chose qui est lié quand même aux conditions de vie, à l’entassement. Aujourd’hui il y a tout un travail, heureusement, on requalifie un peu les espaces communs mais bon dans les années 70 on a construit des monstruosités. Mais ça coute une fortune de requalifier tous ces machins mais il faut le faire il n’y a pas de soucis. AS « Mais dans l’idée ce n’était pas forcément de dire que le modèle de la maison individuelle était absolument condamnable, et pas durable. Ce n’est pas ça en fait. » PT « On peut aussi se laisser questionner sur ce modèle et imaginer autre chose. Parce que c’est vrai qu’on peut aussi des petits collectifs sympas et puis en terme de développement prendre aussi en compte les ressources locales, le bois, faire des systèmes de réseau intelligent pour favoriser une occupation collective des équipements, il y a des choses à faire. C’est pas simple, on n’a pas énormément de marge de manœuvre.


/ Entretien François DESTORS, 63 ans, Architecte réalisé le 17-12-2015 à Cenves FD « On s’est dit, bon, 60 ans, on démarre un peu autre chose, autrement, c’est plus l’usine, c’est un couple qui bosse, dans les métiers de la scéno. Mais à Cenves, c’est génial aujourd’hui parce que ça répond en partie, en grosse partie, aux critères qu’on s’était fixé : au soleil, au bon air, au silence, tous ces trucs la, 20 min d’une autoroute, 20 min d’un TGV, une heure d’un aéroport. Puis à l’époque c’était ¾ d’heure depuis Lyon, ce qui était pratique pour mes parents. Voila, il manquait simplement la supérette, ou l’espèce de petit magasin multi usages. Donc on s’était dis, soixante balais on fait ça, mais 70 ans faut pas qu’on reste là, on ne peut pas vieillir la. » AS « Parce qu’il n’y a pas de médecin et tout ça ? c’est ça ? » FD » c'est-à-dire le médecin c’est à dix bornes, les courses c’est à 15 bornes. Ici ça nécessite d’avoir une voiture, de conduire, il y a de la neige l’hiver, avec le changement climatique il y en a moins, on est au mois de décembre et il fait comme si c’était au mois de juillet mais bon. Quand il y a de la neige, il y a 50,60 cm de neige. Donc il faut conduire. » AS « mais il y a des personnes âgées qui vivent ici ? Comment elles font ? » FD « Alors il y a les personnes du crues, qui ont toujours vécu la, qui ont leur famille, leurs petits enfants, enfants. Qui vivent en lien avec des réseaux familiaux, ça c’est très bien, ce sont les enfants les petits enfants qui les aident. Et pour nous qui débarquons dans un pays qu’on connait pas, il n’y a pas ça .Donc l’idée ça a été aussi de se dire on s’implante pour quinze ans, on crée un lieu. Alors moi j’ai racheté cette vieille maison, j’ai refait des chantiers pour que ce soit vivable. C’est vivable pour quelqu’un d’handicapé d’ailleurs j’ai tout fait en fonction. et je me suis dis à 70 balais, on revend ça à un riche lyonnais, j’espère riche, qui supporte plus de vivre à Lyon. Qui vit à Lyon mais qui en a marre, qui aimerait monter à l’air libre tous les week end. Il arrive ici, il gare sa voiture, il allume son pôele et hop. Il a pas de pelouse à tondre parce que la nature est tout autour, il n’y a presque pas la peine d’aller se faire un petit jardin. Et voila. Et nous trouver un lieu pour habiter plus près d’une ville, avec des services… » AS « Du coup, ce serait retourner plus près d’une ville ? » FD « Ouais, je pense que c’est nécessaire. Alors avec un système d’habitat, ça on réfléchit parce que en tant qu’architectes ça m’intéresse. Qu’est ce que c’est l’habitat dans dix ans, quinze ans, dans quoi on va habiter ? Et comment on va pouvoir habiter et dans quelles conditions on va pouvoir habiter ? » AS « Par rapport à vous, vous voulez dire ? » FD « oui, je sais pas, moi je suis pas millionnaire, comment on fais, comment on va faire ? je sais pas trop si le système de retraite va fonctionner correctement, on peut pas habiter avec chacun sa bagnole, son truc son bazard quoi, alors comment on fais comme habitat partagé, est ce que c’est possible de construire quelque chose qui nous aide à mourir dignement, à plusieurs, en s’entraidant. Alors moi je suis beaucoup de près toutes ces aventures qui se passent. AS « Habitat coopératif vous voulez dire ? » FD « Voila ou béguinage, tous ces trucs la qui se lancent la. Voila ce

117


118

n’est pas si évident que ça. Mais à mon avis il faut trouver des systèmes d’habitats autres que le chacun pour soi. » AS « C’est étrange car vous comptez encore beaucoup bouger. C’est étrange dans un sens car moi je vois mes parents ils ont 50 ans, ils ont beaucoup déménagé mais maintenant ça fait dix ans qu’ils sont au même endroit et ils ne vont plus bouger. Après il y a peut etre le cercle familial, car ils se sont rapproché. » FD « Oui, oui et puis ça dépend où ils sont. C’est vrai qu’à Cenves , il faut avoir une bagnole et même deux. Au moins une sinon ce n’est pas vivable, on ne fait pas de courses, on fait rien. Pour aller voir le toubib, il faut prendre la bagnole etc. » AS « Parce que c’est quoi la ville la plus proche ou il y a des services etc. » FD « Alors autour de Cenves, il y a Cluny, qui est une très chouette ville, ce n’est pas loin on est à 20 bornes, on n’est pas loin de Macon qui est à 25 bornes aussi. On est beaucoup tourné vers Cluny Macon à Cenves alors qu’on est dans le Rhône on est beaucoup tourné vers le Saône et Loire. Du côté du Rhône, Belleville, mais bon après c’est invivable. C'est-à-dire que la quand on descend on passe le beaujolais rouge, donc le beaujolais du vin, le beaujolais rouge c’est invivable. Des qu’ils traitent, il faut porter des masques, c’est invivable. Et il y a même aujourd’hui des gens, des vignerons qui ont construit des petits palais dans leurs vignes et qui cherchent à les vendre pour s’installer ici, pour éviter le poison. Et puis après c’est la ville parce que Belleville, Villefranche c’est la ville, c’est Lyon. J’ai même su qu’il y avait la volonté de créer des navettes entre Macon et Lyon. Donc les gens autrefois ils montaient, je ne sais pas moi j’habitais Sainte Foy-les-Lyon c’était la campagne quand j’étais gamin. Mais maintenant c’est urbain. Après il y a les monts d’Or, c’était la campagne c’est devenu urbain et puis petit à petit ça gagne ça gagne ça gagne. Et je me dis qu’un petit village comme Cenves, ça va être très vite le poumon vert de Lyon. Ce n’est pas loin, il y a un très bon air, il y a du soleil, souvent on est au dessus de la nappe de nuage. Moi souvent je bosse, et puis j’arrive je remonte je traverse le brouillard et puis d’un coup pfuit je suis au soleil j’arrive chez moi c’est ça c’est comme ça. Donc c’est voila. Mais je me dis vieillir la, c’est pas simple quand on est pas du pays, quand on a pas les liens du pays c’est comme ça que je le perçois. Je suis conseiller municipal donc je vois bien ce qui se passe. Je vois bien comment les familles de souches s’entraident, comment les vieilles personnes âgées sont prises en charge par leurs enfants, leurs petits enfants. Mais moi ici, j’ai pas de petits qui habitent ici donc c’est un peu compliqué. Par contre pour rejoindre votre question, il y a énormément de néo ruraux par ici, des gens qui construisent des choses, il y a trente ans, il y avait 25 exploitations agricole de fromage de chèvre. L’économie ici c’est fromage de chèvre et le bois. Donc en gros des exploitations forestières et élevages de chèvres, de moutons, et de charolaise. Mais Cenves était capitale de fromage de chèvre. Et donc voila, il y a vingt ans il y avait vingt cinq exploitations aujourd’hui il n’y en a plus que cinq. Cinq qui vivent tant bien que mal. Avec des méthodes industrielles bien sur, enfin on force les chèvres à avoir deux chevreaux par an pour qu’il y ai du lait tout le temps. Mais il y a pas mal de néo ruraux qui se sont installé, des jeunes et


qui cherchent à faire autrement. Des élevages bio, sans pesticides, sans vaccins. Il y a pas mal de gens qui font des légumes, qui font du pain. Parce que la région de Cluny est très particulière, c’est plein de gens qui invente autrement . Beaucoup d’artistes, de musiciens, de groupes de théâtres, d’artistes compositeurs peintres sculpteurs. Il y a vraiment une belle vie artistique de gens qui viennent d’un peu partout du monde entier : de Finlande, de hollande, on rencontre de stypes absolument incroyable qui fait que la région de Cluny est assez vivante. La ville de Cluny est très vivante, il y a les arts et métiers, il y a une bande de fous qui mettent l’ambiance mais bon mis à part ça, il y a énormément de gens qui cherchent des choses qui inventent des choses, des vêtements, des costumes. Moi je sais que on en parlait l’autre jour avec ma femme, peut etre qu’il faut qu’on trouve, qu’on construise quelque chose dans le coin de Cluny quoi. Parce qu’il y a quelque chose qui est intéressant. Dans Cluny, il n’y a pas ces grandes surfaces comme on peut voir à Macon ou dans toutes ces villes, de zones commerciales. Les mairies successives ont réussi à éviter ça, et ça reste un lieu très très chouette. AS « Et finalement, les gens à Cenves, comme vous êtes à la mairie, est ce qu’il y a des gens à Cenves qui contacte la Mairie et qui disent on veut venir s’installer, comment ça se passe pour tout ce qui est permis de construire etc. Pour construire neuf. Les gens qui viennent, ils construisent, ils rénovent ? » FD « Alors, c’est assez compliqué. Alors, le souhait de la commune, c’est de permettre qu’il y ait des gens qui s’installent, parce que qui dis gens qui s’installent, dis gamins, dis l’école qui vit. Parce qu’il y a une école. Qui tourne mais qui est limite. Parce que petit à petit il y a de moins en moins de gamins et que fermer des classes ça va nous tomber dessus quoi. Et il y a beaucoup de gens qui mettent pas leurs gamins, parce que la commune de Cenves est très étendue, la surface de la commune c’est Paris intra muros. Il y a quarante cinq hameaux. Il y a des hameaux qui sont plus prés de Macon que du bourg. Il y a des gens qui habitent près de la grande du bois qui font quinze bornes pour venir ici. Et ils font pour aller à Macon en gros voila. Donc, il y a pas mal de gamins de la commune qui vont ailleurs. Alors après faire venir des gens c’est construire ou rénover. Avec une politique nationale qui est complexe qui fait que obtenir un permis de construire à Cenves, c’est la croix et la bannière. Parce que actuellement en France on urbanise, mais les communes rurales doivent rester rurales donc les terrains ne sont pas constructibles, c’est très dur de construire une maison neuve dans Cenves. Il y a vraiment une politique qui fait qu’on pousse les gens à vivre en ville et qu’on essaye de sauvegarder la ruralité pour les promenades des urbains. Voila donc c’est un peu compliqué, alors nous on a essayé ici à Cenves, il y a des régles qui sont très strictes de continuité urbanistiques entre le village, la route. On peut pas construire n’ importe où il faut que ce soit en continu. Donc on aimerait, on en parlait l’autre jour en conseil municipal, voir un peu quels sont les terrains constructibles par rapport à toutes ces règles. AS « Mais ces règles, c’est quoi c’est dans le PLU c’est ça ? » FD « Oui c’est ça mais ici on n’a pas de PLU par exemple. Ici c’est, je sais plus comment on est classé, c’est moyenne montagne, je sais plus très bien… » AS « Parce que la j’ai vu il y a deux maisons en bas qui ont l’air plutôt

119


neuve. » FD « Il y a trois maisons, la plus loin c’est celle de monsieur le maire, Pierre Tavernier, et puis après il y a un couple du pays et puis après il y a un autre couple qu’on voit jamais qui a construit cette espèce de maison un peu bizarre… Mais après il y aurait encore un bout de terrain, un bout de terrain par là haut,m ais c’est très compliqué d’être en continuum avec l’urbanisme du bourg. »

120

AS « Mais il y a de la demande de gens qui veulent venir ou ce serait anticiper pour faire venir des gens ? » FD « Un moment avec Pierre on s’est dis on rachète des terrains puis on construit, on fait venir des gens. Essayer de voir si des gens du pays accepte de vendre des terrains constructibles pou construire pas un lotissement ça serait ridicule et puis ce n’est pas le sujet, mais si on arrivait à construire trois bicoques. Il y a beaucoup de maisons vides, de maisons abandonnées dans le bourg. C’est parce qu’il y a une histoire dans le bourg, il y avait une école d’art chrétien qui a eu une bonne période dans les années 90, ils étaient une quarantaine de stagiaire, et c’était le chant, l’icône et le vitrail et donc il y a eu une installation de cette école qui est morte dans l’an 2000 et depuis tous ces bâtiments qui appartiennent à une congrégation. Donc c’est un peu particulier le bourg. Et puis après il y a des maisons à vendre dans les hameaux. Les gens vendent cher, vendent trop chers et puis c’est compliqué. » AS « Mais par rapport aux gens qui viennent, c’est à peu prés quelle tranche d’âge qui viennent ? c’est majoritairement des gens qui viennent faire de l’agriculture ou c’est d’autres professions ? dans ce que j’ai lu c’est en gros soit faire de l’agriculture, soit des activités de télétravail, à distance… » FD « Télétravail c’est ça. La il y a un couple qui s’est installé dans une maison en haut qu’ils viennent d’acheter qui travaillent à la sncf et qui fonctionnent beaucoup en télétravail. C’est très… moi je ne pense pas qu’il y ait une catégorie de gens qui s’installent, je pense que c’est des gens. Le couple là haut c’est que leur fille est passionnée de cheval, fait du cheval au club là haut la, et ils étaient à Julienas et ils ne respiraient plus donc ils ont cherché une bicoque proche d’un truc de cheval et en hauteur. Donc chaque fois moi j’ai l’impression c’est des aventures particulières de personnes qui cherchent à s’écarter un peu de la vie urbaine. Il y a les néo ruraux qui veulent eux créé des fermes, des exploitations bios miel, petits fruits, fromage de chèvre, et puis il y a le gars qui cherche à s’éloigner de la ville. Pas trop loin, parce que c’est vrai qu’on n’est pas si loin que ça et en même temps qui cherchent une autre manière de vivre. Je n’ai pas l’impression, d’après ce que j’ai compris, il y a 400 habitants dans la commune de Cenves et depuis 10 ans il y a 80 nouveaux. Ce qui est beaucoup quand même par rapport à 400 habitants. Mais, mais le problème de Cenves c’est 45 hameaux sur une surface, je sais pas combien il y a de milliers, de centaines d’hectares et on les voit jamais. Moi je sais qu’il y a des choses moi qui m’ont impressionné ici il y a l’église du bourg, il y a plus de messe, il y a plus de curée, il n’y a plus rien. AS « Il n’y a plus de curé ? » FD « Ben il y a une curé qui habite à Belleville et qui vient une fois tous les trois mois, sauf les enterrements et la tout d’un coup vous


voyez deux cent personnes dans l’église. Moi la première fois que j’ai vu ça, ils viennent d’où tous ces gens ? C’était toute les familles des hameaux, et comme c’était l’enterrement ils viennent tous la, ils viennent boire un coup au bistro et puis après il loue la salle des fêtes et ils cassent la croute. Mais on ne les voie jamais ! Quand je suis arrivé ici, le restaurant n’était pas refait. Il y avait encore madame Dargaut qui était la petite fille de madame Dargaut, ça faisait des siècles que les Dargaut exploitaient ce restaurant, et Denyse elle avait soixante quinze balais, elle ouvrait de 6h du matin à neuf heures du soir 364 jours par an, le seul jour qu’elle n’ouvrait pas c’était noel mais sinon tous les autres jours elle était ouvert. Et moi je me suis dis, comment je fais, comment je vais connaitre un peu ce pays ? Et je suis allé la voir tous les matins, boire un petit café, et elle m’a appris à connaitre les gens, qui était qui, qui était quoi. Mais en fait, les gens du bourg, les gens du coin mais pas les gens de Cenves. C’est très marrant. Que dire des gens qui viennent ? je sais pas leurs motivations, je sais pas. AS « Et est ce que vous savez, mon idée à la base c’était de comparer comment les nouvelles personnes viennent habiter, et ce que finalement ça diffère des gens qui étaient déjà la. C’est d’observer si en ayant une culture urbaine, ces gens la ils viennent de la ville et comment ces gens la ils influencent les gens qui habitaient la avant avec des préoccupations écologiques, des choses qui peut être n’étaient pas présente. Et même dans la manière d’habiter. Au Canada, j’ai observé que ceux qui viennent de la ville, ils se protègent beaucoup, avec des choses toutes bêtes comme des haies. C’est des choses assez ténues que j’essaye de comprendre. En fait comment dans l’habitat il y a une influence d’un groupe sur un autre. Donc j’aimerais à la fois rencontrer des gens qui sont venus s’installer et des gens qui étaient la avant. Et voir comment les uns perçoivent les autres. Est-ce que vous savez s‘il y a des gens d’ici, comment ils voient ces nouvelles personnes ? » FD « C’est compliqué, alors, les gens nouveaux qui viennent s’intègrent pas vraiment, moi je … non je les rencontre de temps en temps, ils sont la pour une raison x, alors je parle pas des néo ruraux au sens exploitations tous ça… parce que il y a énormément de réalité agricole, écolo, libertaire, y’a des groupes d’artistes. Il y a des familles qui se créent. Notre voisin qui est peintre, sa femme martine qui est une femme anarchiste, libertaire, qui est une femme que j’adore, a des liens extraordinaire mais au-delà de la région, à Cluny, à Macon, ils ont des groupes de réflexion de pensée, d’action de militantisme qui sont forts quoi, mais qui sont pas du tout intégrés dans le pays. Après il y a les néo ruraux écolo, c’est aussi un monde qui est important mais qui est un peu à part aussi. Après bon , comment intégrer un pays comme ça, c’est très compliqué, moi je sais que j’ai essayé en allant dans ce café tous les matins, boire mon petit café, discuter avec les gens… Alors il y a des gens du coin qui sont ouverts, on a des amis qui sont des gens des familles locales, Annie Denuelle, Nciole Joseph, ce sont des gens avec qui voila on a des liens parce que aussi Claire chante, ma femme chante donc elle fait chanter les gens du pays, elle fait chanter les gamins, elle organise la fête de la musique. Comment dirais-je, il faut arriver à s’intégrer dans les réalités locales, voila. Ce qui n’est pas simple. Moi par exemple je fais partie de l’associa-

121


122

tion Cenv’art, qui est une association culturelle artistique de Cenves, puisqu’il y a une exposition de peinture qui rassemble mille personnes quand même en un week end. Donc c’est quand même important dans un pays comme ça. Bon on fait partie du conseil d’administration mais on a rien à dire. C’est compliqué, en même temps ils nous veulent parce qu’il faut du sang neuf, des gens nouveaux, donc c’est bien on est invité puis en même temps il ne faut pas trop toucher à ce qu’il se passe. Moi je suis peintre par exemple, donc j’aurais pu faire évoluer l’expo de peinture mais je n’y arrive pas. AS « Par exemple, quand vous êtes arrivé, votre ami le mare il est local lui ? » FD « Le conseil municipal c’est incroyable, je vous raconte comment ça s’est passé, parce que c’est quand même surréaliste. Je vais boire mon café tous les matins, il y avait le maire qui buvait son café tous les matins, Marcel. Et puis je suis devenu copain de Marcel, copains des copains de Marcel. Et puis quinze jours avant le dépôt des listes pour les dernières élections municipales, Marcel me dit, écoute moi, nous on se représente pas, fais un liste. Ecoute vas-y, il faut qu’il y est du sang nouveau. Ecoute Marcel, personne me connait, toi les gens te connaissent. Mais si si , façon il n’y aura personne, fais la liste. J’en parle avec Claire. Et puis je vais voir Pierre, pierre ces parents sont enterrés dans le cimetière donc il a déjà une plus grande légitimité que moi. Bon, je dis à Pierre, ça t’intéresse. De toute façon sinon il n’y a personne, on va passer sous l’autorité de la préfecture. Pierre me dit on va trouver 11 personnes. Des enfants du pays et des gens nouveaux. Comme il n’y avait que nous on est élus. On ne voulait pas être maire, on avait dis à l’ancien maire tu nous formes parce que ça s’invente pas d’être maire et puis deux ans après tu démissionnes et on prend la suite. Et puis il nous a lâché le premier jour et pierre a dit, moi je veux bien essayer. Dans le conseil, il y a des gens des enfants du pays et puis des gens moins jeunes quine sont pas du pays et puis on essaye de naviguer comme ça mais c’est quand même un peu surréaliste. C’est une monde quoi. Et puis on ne connait rien ! Moi dés qu’il y a un évènement dans le pays, je vais voir une amie, qui est annie denhuelle qui était au conseil municipal pendant trois mandats, qui connait le pays, qui connait tout qui connait les tombes du cimetière, et les chemins qui connait les forets, les chemins, les bois qui connait qui est qui et qui m’explique, voila c’est ça qui se passe. Donc tiens compte de ça, mais tiens pas compte de ça, parce que le sujet véritable il est pas la, il est qu’il s’est passé ça, il y a un temps et que … Donc c’est très compliqué. Je ne sais pas comment c’est possible. Alors il y a les nouveaux qui vivent leur truc point barre et qui ont autre chose à faire que de vivre dans le pays. Voila parce qu’ils sont heureux la, qu’ils ont du soleil, de l’air libre, la forêt les balades etc. Mais si on veut intégrer le pays, je sais pas comment on peut faire, moi ça me questionne toujours. AS « et au delà de la question sociologique, vous avez choisi de rénover cette maison mais est ce que, en terme d’architecture, ce qui se fais ici, c’est quoi ? C’est de la rénovation ? » FD « Alors, moi je voulais au début, avec ma femme, on achète un bout de terrain, on construit une maison de bois, avec une cheminée, basta, comme on n’a pas d’enfants. Il faut un atelier, on voulait


une maison atelier, parce que ma femme chante et fait chanter, moi je peins, je fais de l’archi donc on voulait une maison atelier. Donc au début, j’avais dit on trouve un bout de terrain, il y avait la maison de bois qui était à vendre, je trouvais ça intéressant, elle était bien construite en matériaux corrects. AS « C’est quoi la maison de bois ? » FD « C’est en haut du village, vous verrez il y a une espèce de maison de bois. Un peu à l’écart, voila. Et puis ma femme claire me dit, non moi je ne vis pas à l’écart, moi je vis dans le bourg. Je veux qu’il y ait du monde. J’en ai marre de vivre comme on vivait autrefois dans une usine, avec des grandes baies, voila c’était vraiment un peu, un peu lourd quoi. Donc elle ne voulait pas cette maison de bois, elle voulait une maison dans le bourg, il se passe que Pierre vendait le bout de maison de ses parents, bon pourquoi pas, et puis le gars qui avait la maison. Parce qu’il y avait trois propriétaires dans cette bicoque, et il y avait un des propriétaires qui vendaient cette cabane, avec son appartement et donc ça m’intéressait, ça me permettait de créer un petit atelier d’archi un peu en dehors de la maison, sinon je passe tout mon temps à bosser. Et puis de créer aussi un espace de vie, un rez de chaussée. Et puis au dessus, un petit gite, et un atelier de chant dans le grenier. Donc on y est très bien et il s’est passé que mes parents sont morts, donc on a eu un petit héritage, donc on a pu réinvestir un peu, et on a investi ici. Et je pense qu’on a pas été idiot, d’abord de faire revivre une maison à l’intérieur d’un bourg, et non pas à l’extérieur, c’est très important. Cenves se trouve sur les chemins de St Jacques et les chemins d’Assise. Eh ben, l’hiver, quand les gars ils arrivent à pied, la seule maison qui est allumé c’est nous dans le bourg, quand le restau est fermé. AS « Parce que j’ai vu qu’il y a des gites en haut ? » FD « Il y a les gites voila, il y a soixante places de gites communaux. » AS « Mais qui c’est qui vient ? » FD « Pleins, ils sont pleins à craquer. Les gites c’est les familles, fêtes de familles, mariage, c’est loué d’un an sur l’autre. Non mais ici, ça n’arrête pas. » AS « C’est des gens qui viennent ? » FD « C’est des mariages, fêtes de familles, fêtes associatives, randonneurs, à vélo ou à pied ou en moto, c’est très très prisé et comme c’est communal, ce n’est pas très cher, c’est toujours plein. Tous les week-ends sont pleins. Ce qui est bien parce que ça amène de la vie, mais en même temps, c’est leur histoire à eux. Ça fait vivre le restau, parce que Cédric il n’arrête pas de faire des plats à emporter pour ces personnes. Ça fait vivre la maison du fromage quand elle est ouverte parce que tous ces gens la, achètent des fromages de chèvre. Et autres produits parce que la maison du fromage vend aussi des liqueurs, des petits fruits etc. Heureusement qu’il y a les gites, ça amènent du vivant, des gens qui viennent, et puis l’hiver quand les gites, les gites sont ouverts quand ils sont loués mais sinon ils sont fermés, ben l’hiver, la seule lumière dans le pays, dans le bourg, c’est la notre. Les gens ils viennent cogner à notre porte. » AS « Parce que aux alentours, le bourg il n’est pas beaucoup habité ?» FD « Ben il y a l’école, c’est fermé quand il n’y a pas école, quand le restaurant est fermé, après il y a l’église, la mairie, il y a des bâtiments vides, il y a des résidences secondaires, dans le bourg, donc les gars qui traversent ici, qui montent la rue, ils s’arrêtent chez nous. »

123


124

AS « Vous avez des gens qui s’arrêtent tous le temps ? » FD « Oui, on les accueille, l’hospitalité pour moi c’est très important. On les loge, on a un petit gite à l’étage, une chambre et une petite salle de bains, ça leur permet de loger, de pas avoir froid et voila pouf. Mais ça c’est la vie, comment dire, nous on est comme ça. Moi je suis toujours la porte toujours ouverte. Et il y a des gens qui quand ils cognent aux autres portes, il leurs disent, aller cogner à la porte du vitrail la, la vous êtes sur d’être accueilli. C’est pas évident d’intégrer un pays, je sais pas si c’est vraiment possible. » AS « C’est comme aller à l’étranger, c’est difficile. » FD « Ouais, ouais ouais, c’est un peu ça ouais. Alors Edith développe le village d’accueil, Cenves fait partie du village d’accueil. Donc elle essaie d’implanter du télétravail, de voir comment on peut… mais c’est pas facile, il faut qu’il y ait des gens qui s’en occupent. Un village d’accueil, il faut qu’il y ait un petit groupe de gens qui aiment ça qui veulent le faire, qui soit accepté pour le faire, et qui bossent pour ça. » AS « et aujourd’hui votre activité ça se passe ou ? » FD « alors la moi je bosse partout, c’est pas à Cenves que je bosse. Je bosse un peu à Cenves parce que en tant qu’architecte, je remets de l’ordre un peu dans les chantiers de la commune, qui étaient très désordonnés. Donc je remets un peu les choses dans la légalité, les constructions sans permis etc. Donc la je fais un peu ça pour clarifier certaines situations des bâtiments communaux, mais sinon je bosse pas la. Enfin la je viens d’avoir un gros programme d’une expo à Solutré ce que je trouve génial parce que c’est à un quart d’heure d’ici. C’est rêvé ça, mais bon c’est pas tout les jours. » AS « Vous faites beaucoup de scénographie, mais pas du tout d’architecture de type maison ? » FD « Alors, je viens de sortir un gros musée à Reims ou j’étais architecte scénographe. La situation idéale du gars qui conçoit aussi bien le contenant que le contenu. Donc ça c’est beaucoup de travail, c’est un peu fou. Mais c’est génial à faire, mais ça m’arrive tous les quatre ans. Donc dans toutes les scéno, il y a un peu d’archi, quand on a travaillé sur les 900 ans de l’abbaye de citeaux moi j’ai fait un peu d’architecture dans l’abbaye, pour créer des murs qui soit acceptables au niveau de la scénographie. C’est sur que le fait que je sois architecte dans le métier ça aide. Mais en général très souvent, je travaille dans des lieux déjà restauré, et dans lequel on me demande de faire des choses et ça ne rentre pas. Ce qui est con, on aurait pu poser la question avant et ça aurait pu rentrer. Voila. Mais voila je bosse à Reims, je bosse à Paris, je bosse à Lyon. De toute façon, c’est pas Cenves qui va me faire travailler, enfin ça me fait travailler un peu mais des petits trucs. » AS « Mais vos réseaux professionnels ils sont ailleurs c’est ça ? » FD « oui, mes réseaux, c’est toute la France, moins le québec maintenant, mais avant il y avait le Chili,il y a eu la Hongrie, il y a eu des choses comme ça oui. Mais bon après, c’est vrai que j’aimerais bien que ça se cale plus dans le coin. Parce que Reims, 900 bornes aller retour… AS « En tgv ? » FD « Non c’est le tgv par Paris Reims, mais plus ça allait, plus j’avais des choses à transporter donc plus c’était en bagnole, et voila. Tous les dix jours. Mais bon je trouve que c’est assez étonnant, Cenves est bien situé au niveau carrefour autoroutier, carrefour TGV, c’est


très bien situé. Ma femme ses parents habitent Strasbourg, c’est direct Macon Strasbourg. Et si on veut aller en Allemagne il suffit de continuer, si on veut aller à Montpellier, c’est direct, si on veut aller à Barcelone, c’est direct aussi. La suisse c’est direct. C’est très bien positionné. Il y a beaucoup de TGV qui ne s’arrête même pas à Lyon mais qui vont à Barcelone en Allemagne. » FD « Du côté, façade pleine plein sud, le sud il est la. Je me suis toujours demandé pourquoi ces façades plein sud étaient opaques quoi. Et en fait quand il fait du vent ou de la pluie, et ben c’est direct, ici ça tape droit. Et pierre qui a fait construire une maison en bas la, il a fait des grandes baies vitrées plein sud, et ben quand il y a de la neige, de la pluie tout ça on a l’impression d’être dans un bocal à poisson. Et c’est pour ça que j’ai compris que l’orientation de ces maisons anciennes qui sont façades, ouverte est ouest mais fermées au sud, c’était conforme au, au climat local. Et le gars qui a fait construire une maison en bois là haut, que j’ai pas acheté finalement, et un couple qui l’ont acheté qui sont des copains, ont dit que c’était infernal, l’hiver le vent la pluie, la neige, c’est infernal, ils vont dormir dans la cave. Cette maison elle aurait jamais du être construite à cet endroit la. Les paysans ils ont construit la dernière ferme en haut du bourg et après la route il y a plus rien. C’est pour ça qu’il n’y avait plus rien. Et ils ont construit leur maison en bois, elle est dans un état redoutable quoi. En pleine neige, en pleine pluie, comme elle est en bois, et en bois non traité parce que c’était un gars qui était biologique etc. Ecologique. Et ben la maison elle souffre, on pourra aller voir toute à l’heure. Donc après, très sombre, très très sombre. Des petites fenêtres étroites, très mal isolées. La première chose que j’ai faite ça a été de péter ça et de mettre de grands châssis en alu blanc et des vitres partout, double vitrage, pour faire de la lumière. Et tout est blanc à l’intérieur, sauf que j’ai fait dans chaque pièce un mur de couleur qui donne une résonnance à la pièce, quelque chose qui colore mais c’est très sombre. C’est très bas de plafond. » AS « c’est sur que ça doit vous changer de votre usine, enfin je ne sais pas comment vous l’aviez aménagé. » FD « Au ben l’usine c’était aussi un peu spécial. Parce que c’était aussi des briques. C’était un peu le bordel, il y avait la maison de maitre qui avait été squatté par des familles de polonais à l’époque qui squattaient ça, c’était horrible. Donc on avait vécu la dedans c’était l’époque ou on pouvait vivre comme ça. Mais bon, il ne faisait pas bien chaud, c’était immense donc inchauffable. On a fait des astuces pour construire à l’intérieur des bâtiments. Mais bon, non c’est vrai qu’ici on est heureux, on a chaud, il y a de la lumière, la j’ai descendu les rideaux, parce que le soleil tape fort, puis c’est du vivant, les gens sont heureux. Mais c’est des petits lieux. » AS « du coup vous n’avez jamais vécu en ville vraiment ? » FD « moi j’ai vécu à Paris pendant trois ans, quand je suis sorti de mon école d’archi. J’ai vécu deux ans chez cette costumière, puis après j’ai encore vécu deux ou trois ans à paris et après je suis parti. Mais ça c’est pas l’histoire de la ville, c’est une histoire personnelle, c’est la vie qui fait ça. C’est pas que je ne voulais pas vivre à Paris j’avais gagné énormément d’argent, parce que, c’est un peu spécial. Moi je suis un gars de 68, je me suis camé, je me suis retrouvé sur le trottoir à me camer pendant deux ou trois ans. Je suis sorti de là et pour m’en sortir j’ai bossé 24h sur 24h pendant six ans mon diplôme

125


d’archi. Donc à la sortie, comme c’était une école ou c’était que des architectes en exercice qui enseignaient, Willervall qui était un ponte parisien un grand bonhomme il m’a dit toi tu sors de mon école, je te veux dans mon agence et tu prendras ma suite. Il m’a entrainé la dedans mais prendre sa suite c’était aussi épouser sa fille, c’est toujours pareil. Mais sa fille je n’avais pas envie de l’épouser, après il m’a payé 50 000 francs par mois en 78 c’est beaucoup pour un gamin comme moi. Donc il a fallu que je m’extirpe de là, parce que c’était l’enfer. Et puis après j’ai fait du développement local, j’ai passé mon permis poids lourd j’ai aménagé un semi remorque avec une partie roulotte et l’autre partie c’était une agence, une petite agence locale. Donc j’allais dans les villages et je faisais de la petite architecture de proximité. C’était de l’utopie. J’aurais mieux fait d’aller en Afrique avec ça plutôt que de rester en France. Après je me suis engagé dans ce truc du Puy du Fou. »

126


/ Entretien Stephanie et Philippe Lieu; 29 ans , sofia 5 ans thesard en philosophie / ingenieure AS « Pour vous expliquer un peu le but de mon mémoire, c’est un peu de comprendre à la fois les motivations des gens, ce qui les poussent à venir habiter un peu en milieu rural, leurs motivations, leurs attentes aussi, finalement comment ça se concrétise ensuite dans le logement, la manière d’habiter, c’est à la fois de l’urbanisme, à la fois de l’architecture, à la fois c’est à l’échelle du territoire et du logement. Du coup, plus ou moins au début, si vous pouvez me parler de votre trajectoire résidentielle. Si vous venez plutôt de la ville ? » SL « Oui ben ça je peux répondre, je vais répondre et puis tu feras après les corrections. Alors on est tous les deux originaires de la région parisienne, le sud de Paris, la banlieue et on a eu des trajectoires au départ un peu séparées, puisque moi je suis partie juste après le bac pour faire une école d’ingénieure à Angers. Philippe a fait ses études à Paris, il faisait les allers retours pour venir me voir à Angers et puis moi aussi. » PL « Elle a fait ses études dans une école d’agriculture et moi sociologie. » SL « Voila, environnement et Philippe sociologie. Moi j’ai terminé mes études par alternance, le master, entre Strasbourg et Angers. Je faisais les allers retours, la dernière année de master, c’était à Strasbourg donc la Philippe m’a rejoint et on a commencé à vivre ensemble. » PL « A tel point qu’on a fait un bébé ! » SL « A tel point que Sofia est née. Donc on est resté au total deux ans à Strasbourg et ensuite, Philippe à Strasbourg avait déjà commencé sa thèse avec l’université de Bordeaux, donc il faisait les allers retours Strasbourg Bordeaux. Et donc après Sophia petite on a quitté notre logement à Strasbourg et on était nomade pendant un an. Plus ou moins chez les parents de Philippe,plus ou moins dans ma famille, en voyage chez les amis. » PL « Pendant un an on a fait ça ? » SL « Ouais pendant huis mois on a fait ça, ensuite on a habité à Bordeaux, sur le bassin d’arcachon, au bord de la mer, c’était formidable, pendant une année scolaire parce que Philippe donnaitdes cours. » PL « je devais suivre une formation doctorale, et comme je donnais des cours, la diagonale Strasbourg Bordeaux c’était pas le truc le plus facile. » SL « Donc on s’est rapproché et parallèlement à ça, ça faisait un moment qu’on connaissait des mais qui avait un projet d’habiter dans un même village et donc déjà à Bordeaux on avait le projet de venir ici. Et donc on a déménagé il y a trois ans et demi à Cenves. » AS « Et donc c’est par des amis que vous avez entendu parler de Cenves ? » SL « Peut être que Philippe tu peux prendre le relais sur le pourquoi on est ici ? » PL « On avait nos amis, Jean Claude et Martine, donc la tu connais François et Claire qui habite juste à coté, la maison juste derrière c’est Jean Claude et Martine, que je connaissais et que Steph connaissait aussi à travers une revue décroissante qui s’appelle Entropia, revue théorique et politique de la décroissance. Et Jean Claude qui est un vieux peintre, je ne sais pas si tu vas son atelier… »

127


128

As « Je vais les voir après j’ai rendez vous avec eux après. » PL « D’accord, d’accord, et il dirigeait cette revue, et lui et martine habitait Malaucène dans le sud de la France. Et nous on habitait le bassin d’Arcachon et il connaissait François et Claire aussi, donc on s’était dit ce serait quand même chouette si on emménageait ensemble alors pas comme en 68 ou on emménagerait tous dans la même maison, on dormirait tous dans le même lit mais plutôt faire une sorte de voisinage un peu développer, ou on puisse se voir souvent, faire des potagers en communs, manger ensemble quand on en a envie, partager des voitures ou des machines à laver, des trucs comme ça. Donc c’est plus ou moins ce qu’on a fait. » AS « Du coup vous aviez déjà un foyer, des relations sociales avant de venir ici ? » SL « Voila, en fait c’est les relations sociales qui nous ont attiré dans un premier temps et ensuite ça a été de trouver du travail sur place et ce n’était pas l’inverse. Tu vois d’habitude la démarche c’est on trouve du travail et ensuite on construit quelque chose sur place. Nous c’était plutôt une démarche inverse. » AS « Toi du coup tu m’as déjà dit, tu écris une thèse et donc toi du coup tu fais quoi ? » SL « Moi du coup, j’ai créé mon activité de bureaux d’étude dans le domaine du traitement de l’eau. » AS « Du coup tu travaille beaucoup avec internet ? SL « Je travaille avec internet et je vais en clientèle. Donc moi je travaille entre Beaunes, Charlieu, Lyon et Bourg en Bresse. J’ai une très grande zone d’activité et Cenves c’est plus ou moins au milieu. De toute façon je suis plus à 50km près. Donc je pouvais m’installer un peu ou je voulais. » AS « du coup vous ne connaissiez pas le village de Cenves avant de vous y installer ? » SL « On était venu plusieurs fois en vacances, quelques jours et du coup. » PL « On avait peut être habité un peu tu sais avant que ce soit ici. » SL « Sur des cours séjours, des courts séjours pour voir un petit peu et puis ça nous plaisait. On trouvait ça magnifique, on trouvait que le projet de vivre avec les copains intéressant, et puis ben on a été aidé par les gens déjà sur place pour le logement, nous dire voila. » PL « Beaucoup François et Claire, tu vois par exemple, je suis arrivé avec mes tonnes de livres que tu ne vois pas ici, parce que la on a juste une étagère, par exemple on avait pas de canapé, françois et claire nous ont tous filé. SL »Voila on a eu une aide vraiment forte pour nous installer, ce qui nous a plu aussi ici c’est qu’on était quand même pas très loin non plus du tgv, pour aller vite à Paris pour pouvoir bouger, parce que nous ben tu le vois dans notre parcours, on était quand même pas mal mobile, on a de la famille un peu partout en France et des amis, et du coup je pense que c’était quand même important. » PL « Moi je crois pas, c’était pratique mais c’était pas déterminant » SL « Pour moi, c’était déterminant, parce qu’il y a des endroits dans le centre de la France ou t’es à deux heures d’un train et pour moi ça aurait été compliqué d’être plus isolé qu’on ne l’est déjà. » AS « D’accord, par contre pour toi ça ne l’était pas ? » PL «Non, non, non. Il y a des choses ça se révèle pratique mais je n’ai pas le sentiment que ça est été quelque chose de déterminant pour le choix de venir ici. »


SL « Ben pour moi c’était important de pas être isolé. Et quand tu discutes avec Jean Claude, martine et les autres, c’est vrai que c’est, eux aussi. » PL « Oui eux ils prenaient en compte le fait puisqu’il y avait cette revue, on avait un comité de rédaction et c’est vrai que toute l’équipe de la revue, c’était une douzaine de personnes quinze personnes venaient à Cenves. » SL « il faut que ce soit accessible, sinon tu es enterré dans un endroit il n’y a personne qui vient te voir. » AS « Après je voulais plus parler des mobilités, c’est quoi vos rythmes de déplacements, et les motifs. Toi tu m’as dit que tu partais beaucoup à droite à gauche ? » SL « Moi je suis deux à trois jours par semaine en déplacement, sur des terrains, ça peut etre loin come plus prés en local, et après plusieurs fois par an, soit en vacances soit pour des déplacements professionnels, mais plus au niveau national. » AS « Et du coup c’est surtout la voiture c’est ça ? » SL « Ouais, c’est surtout la voiture, on a une voiture. Comme c’est moi principalement qui me déplace avec une voiture ça va, sachant que les voisins ont deux voitures et donc il y en a une qu’ils nous prêtent de temps en temps, moi je suis en déplacement, Philippe a un rendez vous…et quand ce n’est pas eux c’est Jean Claude et Martine à qui on va piquer la voiture. Et réciproquement, s’il y a besoin de les emmener quelques part. » PL « Oui enfin c’est plus souvent nous qui leur piquons leur voiture. » SL « Non mais par exemple François quand il fait réparer sa voiture, il faut l’amener, il faut aller le chercher etc. Facilement on va se dépanner. » PL « non moi j’ai aucune fréquence, si la dernièrement parce que je vais à Macon de temps en temps, enfin je veux dire la ça fait trois ans qu’on habite la, non moi je ne prenais pas la voiture. » AS « Par exemple, pour les courses etc comment vous faites ? » SL « Comme moi je me déplace souvent, je fais les courses au retour, c’est rare qu’on se déplace exprès pour faire les courses. » PL « Et quand on se déplace, on essaye de demander aux voisins quand on y pense ah est ce que vous auriez besoin de courses, de papiers toilettes de légumes, on fait aussi partie d’une AMAP à 10min d’ici avec jean Claude et martine, pas claire et François. Et la aussi on a des légumes, on a du pain, on a des œufs, des fruits du fromage, de la bière, bientôt du poulet. On se relaye pour y aller et c’est vrai que ça nous fait déjà une bonne base. C’est une AMAP assez complète sur laquelle sont venus se greffer pleins de producteurs différents du coup ça nous fait quasiment la semaine. » AS « D’accord, tes déplacements, c’est plus Macon… ? » SL « Moi c’est la campagne en fait, moi c’est des traitements de l’eau pour des maisons qui ne sont pas raccordées au tout à l’égout, donc pas en ville, donc c’est toute la campagne. » AS « D’accord parce que quand je parlais à François, il me disait que c’était un problème pour lui qu’il n’y ai pas d’épicerie… Pour les services comme médecins etc vous allez ou ?» SL « Il y a Tramailles qui est à 10 min ou il y a les médecins, les infirmières, donc c’est la vile à côté. Il y a une maison médicale, donc il y a les kinés plusieurs médecins, donc c’est quand même assez… Elle est toute neuve donc c’est pas vieillot. » PL « Toi tu y es, il se trouve que tu n’es pas malade, moi j’y suis

129


130

pas, je suis allé la ou vont claire et François ils ont un médecin qui s’appelle James Pelloux, c’est à la chapelle de gainché, à 20, 25min, c’est un homéopathe, un gars un peu original. Il est homéopathe et généraliste. Moi c’est la ou je vais. » AS « Après par rapport aux attentes, vous m’avez parlé d’attentes plutôt sociologique, par rapport à l’environnement du logement, enfin j’imagine que si vous avez fait le choix de venir dans un espace rural ce n’est pas seulement pour la communauté, mais pour d’autres choses … » SL « ça va être différent donc on va faire des réponses séparées, moi j’étais partante pour venir à la campagne mais étant citadine à la base, je ne voulais pas aller dans quelque chose de trop paumé… Donc pour moi être en centre bourg, c’était quand même. » PL « centre bourg … » SL « oui quand même centre bourg et pas dans un hameau. Ça permettait par exemple d’avoir l’école juste à côté donc de faire les déplacements on va dire indispensable comme par exemple emmener la petite à l’école à pied, on est vraiment juste à côté et puis bon dans le bourg il y a quand même le restaurant, il y a quand même un peu plus de monde… » AS « ça fait quand même une centralité. » SL « Je voulais pas, même pour emmener la petite à l’école prendre la voiture, parce qu’ils y en a qui font ça, ceux qui sont dans un hameau complètement perdu, dès qu’ils veulent faire quelque chose c’est la voiture » AS « C’est ce que j’ai compris, Cenves c’est assez étendu et du coup il y a pleins de petits hameaux… » SL « Moi c’est vrai que je ne me sentais pas d’être plus éloigné… Donc voila moi ça me convenait d’être dans le bourg » PL «MMh, c’est quoi que tu as dis ? » AS « Les attentes en terme d’habitat » PL « Ben nous en fait on voulait emménager dans une campagne avec nos amis, mais on ne connaissait pas forcément, ici ce n’était pas forcément cet endroit la qui était l’attracteur. Et c’est vrai que par exemple, ici, ce vieux mur de pierre qui est en face, il m’énerve. Je le trouve moche, et je l’aime pas et je n’aime pas particulièrement le fait qu’on soit comme ça au bord d’une route, et moi j’aurais plutôt aimé être dans un endroit un peu plus paumé, avec plus de place ou des gens puisse se rajouter, éventuellement avec des yourtes etc. Moi ça m’aurait plus plu. Et en même temps, c’est vrai que à la longue, ou alors c’est peut être après que tu auras des questions de finalement maintenant est ce que c’est bien par rapport aux attentes. Mais à la longue, ce qui est dur, on a des amis aussi qui se sont greffés aussi un peu. J’ai un vieux copain de la petite église polonaise de Paris qui est venu s’installer ici. » SL « On a une copine qui finalement dans son parcours de vie, elle a atterri pas très loin d’ici et puis finalement elle a habité pendant un certain temps à Cenves. » PL « Trois ans, deux ou trois ans quand elle a su qu’on était là aussi» Sl « Elle est partie, ton copain aussi il va partir, il va déménager le mois prochain » PL « En fait c’est vrai que moi j’aurais espéré qu’il y est encore plus de personnes qui viennent et que ces relations sociales soient plus denses, ça a pas vraiment été le cas. » SL « Attend la c’est l’habitat »


PL « C’est l’habitat, oui mais tout es lié » SL « Oui mais répond » PL « D’accords alors du coup c’était quoi la question strictement autour de l’habitat ? » AS « La question c’était les attentes par rapport à l’habitat, par exemple en contraste avec un milieu urbain ou quand on va on s’attend à une certaine qualité, eh bien là qu’est ce que vous êtes venus chercher en terme d’environnement de vie ? » SL « Aussi la pollution, enfin nous voila la pollution de l’air c’est aussi. » PL « Oui mais dans la vie, ce n’est pas comme ça que les questions se posent ! Je ne pense pas qu’on fasse parti de personnes comme ça qui soit en recherche d’une qualité de vie, pure et voila …. » SL « Non mais par contre moi je trouvais ça bien pour la petite qu’elle grandisse dans un village, par du coup elle connait tout le monde et elle arrive à mettre dans sa tête tout le village et tout les gens qu’il y a dans le village. Et je trouve que dans un processus d’éducation, quand tu grandis, quand tu es en ville en fait il y a du monde partout et t’arrives pas à comprendre et à saisir ton environnement. Alors qu’ici elle l’a bien saisi et pour moi c’était important ça .» AS « D’accord. » PL « Ouais steph … » SL « Mais je parle de moi, parle de toi… » PL « Oui mais en fait les questions d’Annouk elles sont piégées. En fait il y a plusieurs choses, j’ai l’impression que la question c’est pourquoi on est venu ici à l’origine et toi ce que tu dis c’est plutôt des choses à posteriori » SL « Non ça j’y avais pensé déjà. » PL « T’avais pensé à ça ? » SL « oui et j’en avais même parlé avec mes parents et mon père. Et on a habité la ou on avait habité nous petites pour les mêmes raisons etc. Donc arrête de critiquer ce que je dis, c’est un moyen pour toi d’éluder, de pas répondre. C’est trop facile, laisse moi tranquille et répond aux questions ! » PL « Non ce n’est pas vrai, ce n’est pas que je critique ce que tu dis. » SL « Non mais répond aux questions ! » PL « Bon d’accord, non mais par rapport au lieu, c’est vrai qu’il y a des trucs qui sont supers. » SL « Mais qu’est ce que tu venais chercher ? » PL « Qu’est ce que je venais chercher … Ben par exemple être moins dépendant de tous les grands systèmes techniques type EDF, par exemple. C’est vrai que la on n’utilise pas beaucoup les radiateurs voie quasiment pas parce qu’il y a ce poêle qui brule, et ça c’est super ! Et même le poêle, la première année on a dépensé 800e pour acheter du bois au cantonnier parce qu’il y a pleins d’arbres qui tombent sur la commune et cette année je suis allé couper du bois avec lui donc je l’ai aidé à livrer trois personnes et donc en échange j’ai eu du bois gratuitement, donc la on se chauffe gratuitement par exemple cet hiver. Donc à la fois on est content parce qu’on n’a pas besoin de payer EDF et ses centrales atomiques, mais en plus moi je suis tout fière d’avoir coupé mon bois et voila. Donc ça c’est chouette. Le lieu qu’est ce qu’on peut dire du lieu … » SL « Qu’est ce que tu es venu chercher …. » Pl « Plutôt la proximité des amis plus que… » SL « Plus que la campagne en fait … »

131


132

PL « Non, non, non ça faisait aussi parti, c’est juste que Jean Claude et Martine ils ont pu acheter leur maison, François et Claire aussi et ils ont appris qu’ici les propriétaires louaient la maison et c’est comme ça qu’on a atterri ici ce qui était super parce qu’on se retrouvait tout près de nos amis. » AS « D’accord mais par exemple par rapport à l’idéal de vivre au milieu des yourtes etc, c’était quand même un idéal vraiment différent d’être dans une maison du bourg. Donc j’imagine que l’attente par rapport à la yourte c’est quoi, c’est d’être plus ou moins isolé dans un milieu naturel, c’est … » PL « Non pas d’être isolé, simplement d’être dans un lieu qui puisse être développé par la suite, tandis que la on est un peu coincé par, par l’architecture c’est marrant on parlait d’architecture hier soir ! On est un peu coincé parle le fait que l’agencement est déjà fait, est déjà pensé, est déjà fait et il n’y a pas beaucoup ici de… On est sur ce versant de colline et puis il y a ensuite ici la route, et puis il y a ce mur tout moche et puis ensuite… C‘est vrai que dans l’idée au départ, il y avait que plus de personnes puisse nous rejoindre et s’accoler un peu à nous etc…Tandis que la, tel que c’est pensé, on peut pas y faire grand chose » AS « Vous pouvez pas vraiment agir sur la disposition de l’habitat etc. » PL « Ouais voila. » AS « Mais François il m’avait dit que par exemple il y a beaucoup de maisons du bourgs qui sont vides » SL « Ah oui oui, et les appartements aussi. Il y a plusieurs appartements de la mairie, communaux qui sont très peu chers. Donc ça c’est quand même important pour permettre à des gens de venir pour un petit temps, sentir le lieu et voir s’l on envie de construire ou d’habiter ici plus longtemps. ça permet d’avoir du passage. Il y a quatre appartements » AS « Par exemple, vous vous n’étiez pas intéressé à construire ? » SL « On a pas d’argent, on n’a pas d’argent » AS « Et dans un futur, enfin je sais pas si vous vous êtes projeté. Estce que vous souhaitez rester dans cette maison est ce que vous avez des volontés de bouger ? » SL « Ben c’est justement la question très très actuel, ça y est on en est la dans tes questions ? » AS « Oui oui je prends un peu les questions, je ne suis pas très rationnelle ! » SL « oui ben le bilan c’est que moi j’ai réussi à développer mon activité ça marche bien je pourrais continuer, pas de soucis, j’ai réussi à aussi peut être faire de l’activité en local, je fais de l’équitation et puis par mon travail je rencontre des gens en local donc je n’ai pas ce sentiment d’enfermement puisque je rencontre beaucoup de monde donc ça va pour moi c’est assez simple, par contre pour Philippe c’est plus compliqué » PL « mmh, mmh, oui oui parce qu’en fait, quand j’étais à Bordeaux j’ai enseigné pendant trois ans la philo à des étudiants de première et troisième année, et puis j’étais dans ma thèse enfin la j’y suis toujours mais plus à la fin qu’au début ou au milieu, mais en fait il y a une communauté de sœurs dans le village qui ont, en partie, déguerpi et qui ont laissé un local, ce que j’appelle ma cellule de moine, c'est-à-dire elles m’ont laissé la clef, j’ai aussi l’électricité, j’ai un compteur je fais des relevés et je paye ce qu’il faut. C’est un tout petit peu plus haut


dans la rue, ou je vais j’ai mes quatre étagères de livres, et j’y vais pour travailler. Y’a l’électricité donc je peux brancher mon ordinateur portable, y’a pas internet donc c’est pas très grave. Voila j’ai fait ça pendant longtemps et c’était super parce j’avais du calme la bas, j’avais pas sophia qui courrait partout, j’avais pas Stéphanie qui me disait « au fait philippe les courses etc » et donc … » SL « Non mais c’est surtout moi je travaille, j’ai mon bureau dans le salon, du coup c’est vrai qu’il y a beaucoup de coups de téléphones et donc on peut pas être deux à travailler dans la maison, il fallait qu’il ait sa pièce. » PL « Et donc, j’ai fait ça et j’ai passé en revue pleins de livres, j’ai écrit ma thèse, j’ai lu des tonnes et des tonnes de trucs pour ça et au bout d’un moment je suis arrivé à un moment ou j’ai commencé à saturer l’an dernier déjà. Je me suis dis, bon ce serait bien que j’arrive à finir cette thèse, donc la je mets beaucoup de temps à la finir, et ce serait bien que je puisse enseigner. D’où le fait que je suis allé faire des démarches à l’ENSAM de Cluny, je suis allé les voir, je leur ai dis que tous ces étudiants, futurs ingénieurs puisse avoir un enseignement d’éthique, qu’ils se posent des questions pourquoi est ce qu’ils font ça, de philosophie de la technique, il y a toute une tradition de réflexion la dessus. Ils m’ont accueilli super positivement sauf qu’il y a toute une tradition de direction qui est à Paris de cette école et ils m’ont pas ouvert de poste. Et puis, et en fait j’ai pas beaucoup d’autres idées d’enseignement, parce qu’après une thèse tu ne peux pas enseigner dans un collège ou un lycée mais seulement en milieu universitaire. En fac ou dans des grandes écoles. Et donc c’est vrai que ces derniers temps on se dit, tiens on pourrait peut être déménager ailleurs, dans une grande ville ou il y a une université, ou je puisse enseigner. » AS « D’accord » PL « Aussi comme je suis d’origine polonaise, la tu vois je parle polonais à Sophia, on pensait peut être emménagé à Varsovie, Steph elle parle polonais donc on fera ça. Sauf qu’il y a quelques jours, elle a eu une offre d’emploi à Rennes pour faire ce qu’elle fait » SL « En fait j’ai créé mon activité mais en franchise donc dans un réseau, il y a cinquante bureaux d’étude comme moi dans toute la France. Et ils ont ouvert un poste d’animateur réseau donc pour aider tous les bureaux d’étude et du coup je fais un entretien la semaine prochaine. Et je suis super motivée pour le faire. A la fois pour évoluer dans mon travail et aussi je sens, peut être qu’un environnement plus urbain, ce serait plus facile, bah pour Philippe pour trouver du travail. Et puis plus stimulant aussi. C’est un peu le sentiment que t’as, tu me disais hier soir c’est un peu la mort sociale quoi, même si on a des copains. Je veux dire la qualité des amis, c’est un truc, c’est de la folie » PL « Claire et François si on pouvait les emporter en déménageant …» SL « c’est la famille, y’a même pas à dire la dessus ils le savent mais je pense que ça dépend vraiment des personnes. Pour toi Philippe tu as vraiment besoin de beaucoup plus d’interaction sociale » PL « Oui en fait c’est drôle parce qu’on en parlait hier soir, dans le lit tu vois, et en fait ma thèse ça porte sur la notion d’échelle humaine. La question de la démesure, de l’échelle etc. Donc ça touche aussi à l’architecture mais ça touche aussi à l‘échelle humaine dans le sens les relations sociales, le nombre d’amis, l’excès, le défaut de socia-

133


134

lisation et c’est vrai qu’en ville, comme on a vécu tous les deux pendant une vingtaine d’année en région parisienne, c’était … Nous on l’a assez mal vécu, c’était à la fois pollué, plein de monde, tu connais pas tes voisins… C’est vraiment la démesure même. Tandis que la c’est le défaut de socialisation, il n’y a pas assez de monde. » Sl « Pour toi de jeunes, parce que ça te manque aussi, de pas avoir des copains du même age. » PL « Oui mais par exemple, voir annouk débarquer, c’est une anomalie zoologique » AS « j’ai 22 ans » PL « Ouais ben c’est super, des gens de 22 ans moi ça me manque. Au début, moi j’étais personnellement très content, peu être pas fière mais content de voir que nos amis ils aient la quarantaine ou la cinquantaine. Jean Claude il y 50 ans de plus que moi il a 78 ans, et martine un peu moins. Et c’était super cool qu’on développe une amitié trans-générationnelle. Mais… » SL « Elle est toujours présente et ça s’arrêtera pas, mais après toi tu souffres beaucoup de ce manque, parce que tu as l’habitude d’être plutôt dans des milieux universitaires, jeune, voila et du coup c’est compliqué au quotidien » PL « A la longue, ça manque en fait. C’est avec l’expérience qu’on s’en ai rendu compte. Tu vois ici il y a des très jeunes, des petites créatures comme ça de 6 ans. » SL « Et puis il y a les parents mais il n’y a pas entre les deux quoi » PL « Voila entre 15 et 40 ans, tu croises personne. » AS « Parce qu’il n’y a pas de jeunes parents come vous ? » SL « Après c’est dans les hameaux. » PL « Mais des jeunes parents… » SL « ben a mère de yona, elle est jeune, mais c’est que les gens ils sont dispersés, et on a peut etre pas assez fait d’effort… » PL « Non mais même pas la mère de yona c’est des « trentecinqnaire », c’est pas exactement notre génération » SL « oui et il n’y a pas beaucoup de 20-30 ans. Après moi j’en côtoie, comme je fais de l’équitation, il y en a des jeunes donc c’est vrai que moi je me suis fait des copines de mon age. » PL « Ouais tandis que moi je fais pas de cheval. » AS « et il n’y a pas d’autres activités ? » SL « ben les activités qu’il y a tout près c’est vrai que … en tout cas Philippe il a pas réussi à trouver ça. Je pense que c’est possible. C’est pas un tableau noir de dire ben non c’est un échec, mais je pense que ça dépend. C’est pas si simple, il faut le chercher quoi. Tu vois moi j’ai trouvé l’équitation et puis dans mon travail, tu vois aussi pleins de gens très alternatifs, j’en connais pleins des gens de notre âge qui ont des projets de yourtes etc » PL « Le problème c’est qu’effectivement, toi tu connais des gens mais parce que tu circules un peu partout dans les coins perdus en voiture, la ou les gens ne sont pas raccordés aux égouts, n’ont pas de fosse sceptique et voila. Sauf que c’est un large périmètre en fait, c’est pas du voisinage. » SL « Oui mais il existe des réseaux. C'est-à-dire que si on voulait vraiment s’implanter dans la région, pour cultiver ça, il existe des réseaux tu vois le réseau des clunisois, ça existe. A saint Pierre-le-vieux, par exemple c’est très dynamique, et il y a des jeunes. » PL « Oui mais c’est comme le groupe anarchiste de Jean Claude et Martine, il y a des jeunes mais ça suppose à chaque fois de prendre


la voiture de sortir. Moi je parle du fait d’un voisinage ou tu puisses sortir de chez toi et voila » SL « de toute façon, c’est pas possible, on est tous un peu dispersé, c’est pas possible de faire une densité … ça ça s’appelle l’université en fait. Ou tu as une densité de jeune au m². » PL « Non ça s’appelle tous les coins du monde, c’est juste qu’ici c’est un peu particulier » AS « D’accord, donc il y a un défaut un peu de… » SL « ouais, ben pour PL « toi tu ne le ressens pas le fait qu’il n’y ai pas plus de jeunes » SL « Non, vu que j’ai des copines, moi je le ressens moins, j’ai moins ce besoin la. En plus j’ai peut être moins besoin de socialisation. En fait dans mon travail comme je suis tout le temps avec des gens, le week end, ça me dérange pas d’être à la maison, de voir un petit peu les voisins, de se faire un petit thé ou quoi et ça me va bien en fait. Alors que Philippe, c’est l’inverse. Lui il est toute la journée enfermé et du coup ben il a besoin de voir du monde de voir des jeunes donc c’est vrai que par rapport à ça on est un petit peu en décalage » PL « C’est notre discussion de couple quotidienne. » SL « non mais c’est pas un souci une fois que tu le sais, tu comprends les besoins de l’autre » AS « Mais du coup si vous retournez en milieu urbain, vos attentes ce serait plutôt en banlieue une maison ou… » SL « Ben la ce qui se dessinait, alors si je suis prise pour le poste à rennes. Ca veut dire qu’on déménage mars avril la. Bon c’est pas fait mais on regardait les apparts et on se disait plus, quitte à être en ville autant être vraiment dans la ville. Alors ce qu’on se disait c’était pas très loin d’un parc . » PL « On se disait ça ? Parce que hier tu m’a posé exactement la même question et je t’ai répondu il y a ville et ville et campagne et campagne et il y a banlieue et banlieue. » SL « oui mais tu as toujours des réponses. » PL « Non mais c’est vrai, parce que en fait tout comme tu peux dire j’aimerais être à la campagne par exemple, en fait tu as pleins de types d’agencements, de reliefs tu vois ici on est en campagne comme ça ce qui est très particulier parce qu’on a envie de faire du vélo et il faut tout de suite être un champion du monde. Et en ville c’est pareil» SL « oui voila, il faudrait voir mais disons un peu les critères : être appartement ou petite maison » PL « ou colocation avec des gens, selon ce qu’on trouve on est pas comme ça … » SL « oui oui mais on aimerait bien etre à cote d’un parc parce qu’ici on voit toute la nature autour c’est super mais n’empeche qu’avec des petits enfants c’est compliqué. Tout de suite ça monte, du coup elle a pas envie de marcher. » AS « oui finalement c’est pas si … » SL « Ben oui, finalement on est pas souvent dehors, après pour des petites balades après moi je fais et sophia aussi des balades avec l’équitation. Mais je veux dire pour faire une petite balade après l’école, faire un petit tour pour se détendre, c’est vrai que c’est pas facile » AS « C’est marrant car je me suis toujours dis que ça me faisait peur d’avoir des enfants en ville, parce que je ne saurais pas ou les mettre. « SL « c’est pour ça qu’on se dit à côté d’un parc ça serait super parce

135


136

que du coup on pourrait faire le petit tour.» PL « Non mais par rapport à ce que tu dis avoir des enfants en ville, pour nous c’est toujours le cas, sauf qu’on s’est aperçu à quel point le relief avait de l’importance. Tu vois il y a des endroits dans les Alpes ou c’est de la haute montagne, ou tu a des pics vertigineux et ensuite ça redescend comme ça et tu as un long espace assez plat et ensuite ça remonte. Et dans cet espace plat le fait d’habiter la bas tu sors plus facilement. Alors qu’ici qui est de la vieille montagne, vieillissante, comme ça tout le temps vallonnée, tout le temps, tout le temps ou t’a jamais un endroit plat. En fait c’est très ça empêche de se balader. SL « si tu fais un balade, c’est pour deux heures, tu fais pas une balade de 30 min » PL « Et on est toujours, on a pas changé d’avis sur le fait d’avoir des enfants ici que d’en avoir en ville ou tu tiens ton enfant parce que tu flippes qu’il se fasse écraser . » SL « Par exemple à Strasbourg, la ou on habitait, on était à une demi heure du centre ville à vélo pour y aller on avait les canaux, il y avait pleins de jardins. On était en limite de zone constructive parce qu’il y avait le Rhin avec les industries pétrolières, qu’on sentait pas hein ! mais je veux dire c’était la prairie quoi. Ben moi les six premiers mois je marchais je marchais. Je me dis un enfant ici je vais pas pouvoir marcher. En ville l’avantage c’est que tu marches beaucoup, pour faire tes courses, faire ci faire ça. Alors que ici, pour toutes les choses du quotidien c’est la voiture et après en plus tu peux faire une randonnée mais finalement dans la vie il n’y a pas beaucoup de temps pour ça. Alors si tu fais de l’équitation, tu profites mais sinon. Je veux dire Philippe le nombre de fois ou on a fait une randonnée ? A chaque fois je t’ai tiré j’ai dit allez on va marcher mais ça se compte sur les doigts d’une main.» PL « il y aussi une question, quand on en parlait avec Claire elle disait oui mais c’est une question de politique parce qu’en fait les chemins de randonnée on pas vraiment été pensé ici, c’est des trucs de bourrins. Comparé au Howald ou elle va de temps, la politique a été pensé différemment et par rapport à un même niveau quand tu as une colline c’est par cercle concentrique tu es sur le même niveau et tu fais pas tout le temps comme ça. » Finalement ici, avant on faisait du vélo sans arrêt, on avait pas de voiture à Strasbourg et dans le bassin d’Arcachon. A Strasbourg, je faisais, une à deux hures de vélo par jour dans mes trajets quotidien. Sur le bassin d’Arcachon un peu moins. Ici, on a plus de vélo et c’est la voiture. On a plus d’activité sportive, dans le cadre de notre quotidien. Et donc si on étai en ville on aimerait reprendre le vélo, être pas très loin d’une gare pour pouvoir accueillir du monde. Parce que mine de rien ici, ça semble le bout du monde et nos copains ils viennent pas. On en a eu quelques uns, c’est plus difficile et ça nous manque aussi. On aime bien quand on a nos amis, notre famille qui vienne. Donc c’est vrai qu’on va peut etre repasser par une phase de ville. Alors ville pas région parisienne ça c’est sur qu’on y retournera jamais. Mais ville de province c’est vrai que. Moi j’ai ma famille las bas, il y a ma mère, une ville qui est assez dynamique, universitaire, qui est pas trop polluée. » AS « parce en fait vous n’avez pas de jardin ici ? » SL « si si on a un petit jardin, on y va sophia elle y joue beaucoup, PL « il faut dire qu’il est comme ça ! »


SL « non il est en pente mais il est pas comme ça, t’es pas marseillais toi … Non mais j’adore ce petit jardin, il est trop beau. On le fait avec claire et François et il est super. Il n’y a pas beaucoup de plantes potagères, il y en a un petit peu mais pas énormément parce que j’ai pas trop le temps de le faire donc il y a des choses faciles comme des tomates. » AS « ça prend du temps un jardin… » PL « oui on avait commencé tu verras en descendant juste à droite. Il y avait un potager commun mais c’était dur de s’en occuper vraiment correctement. » SL « oui et puis il y avait un peu des soucis, bon la je critique mais c’est pas grave ce que j’ai trouvé difficile c’est que quand on le faisais il fallait le faire comme jean claude il le disait donc c’était un peu chiant et on passait du temps toi par exemple philippe tu passais beaucoup beaucoup de temsp à faire le potager collectif et notre jardin à nous c’était une friche, c’était pleins d’orties. Et du coup la petite elle pouvait jamais y aller parce qu’elle des qu’elel se piquait elle pleurait. Au bout d’un moment j’ai râler et une fois jean claude pendant une demi heure il m’a aidé à faire mon jardin. J’ai trouvé ça, c’est collectif mais pas sympa. » PL « disons qu’on avait pas vraiment trouvé l’équilibre entre le collectif » SL « la on fait avec claire et François c’est à moins de personnes . Mais c’est bien parce qu’on a à peu près le même objectif. Eux c’est le jardin qu’ils voient de leur fenêtre donc ils sont contents de le voir, et la à cette échelle la ça se passe super bien. Le collectif on y arrive mais pas à l‘échelle auquel on pensait. A petite échelle. PL « Oui mais en fait même le collectif. A un moment je me disais ouais c’est nul mais en fait par exemple Sandrine notre voisine qui n’a pas trop de sous, elle se dit bon ben voila j’ai pas de sous il faudrait que je puisse avoir des légumes mais j’ai pas de terrains et du coup ça lui sert vraiment. Cette année c’était elle qui était à fond dans le truc. Et du coup elle a des légumes gratuitement et c’est super aussi. » AS « On a pratiquement tout abordé sauf la typologie du logement, mais en même temps c’est quelque chose que vous avez loué. » PL « Et c’est naze ! On en parlait aussi hier soir. Il est en L si tu veux, la tu as deux chambres. Tu débarques ici. » SL « en fait à l’origine la c’était complètement fermé, tu avais un mur. En fait c’était une petite mamie qui habitait la, et elle avait les trois pièces la en enfilade. Tu vois tu as les chambres, la chambre de Sophia, et tu as notre chambre. Les propriétaires en fait ils ont cassé le mur. Et la c’était un garage. Du coup je vais te montrer les anciennes photos. Ils ont cassé le mur pour faire une maison. C’était énorme comme travaux ils ont rajouté un balcon, des fenêtres. Les choses positives c’est quand même que tout a été rénové à neuf donc il y a une super isolation, il y a le poêle, les sols ils sont tout neuf. Donc c’est confortable. Il y a deux mezzanines. En fait la il y a une mezzanine et la c’est la remontée au grenier qui est sur toute la longueur des chambres. Donc en fait le logement a été bien amélioré et c’est très confortable, simplement la structure du logement fait que … c’est tou le temps passant on arrive pas à se poser. PL « en fait par exemple quand on invite des copains, on sait jamais ou les mettre. Parce que soit tu les met sur la mezzanine mais en fait tu as pas trop d’endroits ou tu peux avoir de l’intimité. Tu vois

137


138

par exemple, celle qui a le mieux tenu chez nous c’était gabriella, une étudiante en architecture, mexicano californienne qui a passé 3 semaines ici mais elle a un caractère tellement pas autiste mais tellement sure d’elle, tellement pas gênée, qu’elle se mettait la. Mais en fait tu es tout le temps dans un endroit, t’as pas d’endroit ou tu peux te mettre tranquillement un peu à l’abri des regards. Bon tu peux te mettre sur la mezzanine pour pas qu’on te voit en slip tout le temps mais bon… » SL « et puis moi j’ai mon bureau, je sais pas si t’as vu mais de l’autre cote du salon et du coup je circule. C’est vrai que c’est un peu limite. Pour moi c’était un souci. Depuis toutes ces années il y a eu trois étés ou j’ai été un peu toute seule ici. Et j’en ai profité pour aménager, ranger, faire en sorte que ça soit mieux. J’ai fait un peu de décoration, j’ai mis ce rideau la pour faire en sorte. Parce que si tu veux tu as le monde qui vient, et le monde voit toute la maison, et ça c’est chiant en fait. Du coup quand on ferme la porte et qu’on ferme le rideau, on peut accueillir des gens pour un thé sans que il ai vu sur notre bazard, notre maison. PL « mais en même temps comme la chambre du fond le bois sens le moisi parce que les propriétaires je sais pas ce qu’ils ont fait et du coup j’ai toujours tendance à ouvrir la porte de la bas. Mais par contre c’est une trouvaille pas trop mauvaise celle de Steph de mettre un rideau, ça permet de couper l’espace. » SL « et puis le canapé il était pas dans ce sens la il était dans le sens du passage et du coup on pouvait jamais se poser et du coup la ça fait un espace un peu plus cosy pour se poser. On a fait des efforts pour se sentir bien ici. » PL « mais l’architecture gagne toujours ! » SL « comme dis Philippe, c’est … bon après il est bien exposé. Cette partie la de la maison c’est la même que celle de Claire et François et du coup eux ils sont en dessous de nous. En fait leur chambre, la chambre de claire c’est la ou il y a notre chambre, la chambre de françois c’est ici et leur salle de bain est la. Du coup on s’entend super bien avec eux donc c’est pas gênant, mais dans notre chambre les parquets ils se touchent donc on peut entendre les voix. » PL « En fait ça c’est un gros bâtiment c’est le bâtiment de claire et françois qui a été coupé d’une manière un peu bizarroide. » SL « comme on s’entend bien on connait les rythmes de vie, il n’y a aucun problème mais c’est vrai que structurellement pour d’autres locataires, c’est pas évident, c’est encore pire que en ville. Bon ben la voila à force de discuter on a vu ce qu’ils entendent, ce qu’ils n’entendent pas et puis voila…ça gène pas au quotidien. Philippe qui va peut être plus se coucher tard, tu penses tout le temps au voisin…» AS « Alors que normalement, dans un bourg ou on est pas beaucoup on pourrait au moins … » SL « moi j’aime bien parce que ça me rassure quand je suis toute seule ici, parce que Philippe mine de rien, il va quand même régulièrement en région parisienne voir sa famille, ben moi j’aime bien entendre un peu les bruits de Claire, c’est rassurant aussi. » AS « Parce que t’as peur quand tu es toute seule ici ? » SL « non j’ai pas peur mais c’est rassurant et puis elle c’est pareil. Donc c’est vrai que la maison, et puis il y a les odeurs de fosse, ça pue c’est pas super agréable… » AS « parce que quand vous êtes arrivés on vous a proposé ce logement et vous avez pas chercher ailleurs c’est ça ? »


SL « non, dans le bourg en terme de maison un peu bien refaite il y avait que ça. Sinon c’est les apparts, mais les apparts c’est des passoires énergétiques, tu claques 500e de chauffage par moi, c’est la cata. Ici il n’y a rien d‘électrique, on chauffe tout au poêle. » PL « Alors que ma cellule de moine c’est un truc de fou » SL « alors oui en fait il passe plus d’électricité en une chambre que dans toute la maison donc c’est vrai que c’estun petit peu cher. » PL « je pourrais te montrer si tu veux, il y a tous un tas de logements qui sont historiquement aux sœurs, et c’est vrai que, il y a des gites aussi pour les marcheurs pour les pèlerins qui font le chemin de Compostelle et c’est vrai que tous ces logements c’est des vrais passoires. » AS « Parce qu’ils sont trop vieux ? » PL « Non pas spécialement parce que tu as des vieux bâtiments qui sont bien isolés c’est juste qu’ils sont mal isolés, ça n’a pas été refait tout simplement. Tu as certains logements traditionnels qui sont en bonne grosse pierre. » SL « mais la pierre ça isole pas Philippe ! Ici, ils ont isolé, ils ont fait une isolation intérieure. » AS « parce que c’est construit en quoi ici ? » SL « c’est de la pierre. La pierre c’est pas un isolant. » AS « Si c’est assez épais oui mais il faut 50 cm ! » SL « ouais , ici c’est peu quitte ou double le climat. Il neige et soit on est au dessu des nuages, soit il y a du brouillard pendant 15 jours. » AS « Il parait qu’il y a du vent aussi pas mal ? » SL « oui il y a du vent. Mais la tu vois l’avantage d’ici c’est que c’est assez bien orienté par rapport au vent. La c’est le plus vieux bâtiment du bourg donc il a été construit comme… au niveau orientation, c’est bien pour … au niveau climatique. Par contre forcement c’est pas très lumineux. La cuisine qui donne au Nord ce n’est pas très lumineux. Le salon qui donne donc la il y a une belle vue. Ca donne au sud c’est un peu les maisons… et encore ils ont refait des ouvertures. Donc la problématique du bâtiment ancien, c’est quand c’est bien rénové c’est confortable à vivre mais tu arrives dans quelque chose qui n’est pas forcément… la je sais pas si c’est bien que les pieces, que ce soit une maison en L …» AS « c’est que c’est de la rénovation et en plus, ça correspond à un mode de vie d’avant. Enfin je sais pas comment elle vivait la dame, on attend plus forcément ça de l’habitat maintenant » PL « elle en l’occurrence, elle vivait seule donc ça pose aucun problème pour quelqu’un qui vit seule. Je sais pas si avant elle vivait avec son mari. Je ne sais pas qu’elle était l’usage du truc. C’est vrai que les chambres en enfilades ça se fait plus trop. » AS « Euh ouais non si moi je dessine ça on me regarde ! c’est surtout que pour l’intimité c’est pas génial… » SL « Après la petite elle dors bien… » PL « Ben pour la notre ça va. mais par exemple quand tu invites des copains tu sais jamais trop comment faire parce que soit tu les met la bas et il passe par la chambre pour aller faire pipi la nuit, soit… » SL « puis les toilettes dans la cuisine c’est super chiant. Parce que t’invites des gens et quand ils vont faire pipi eh ben t’entends leur pipi. Nous ça nous dérange pas si tu veux mais pour les gens c’est un peu délicat. Alors que les toilettes ils seraient à l’autre bout de la maison pour les invités ce serait plus commode. » AS « c’est une des choses que je remarque, finalement d’habiter en

139


140

centre bourg c’est difficile parce que l’offre immobilière existante elle est pas forcément adapter au besoins des gens maintenant. La c’est rénové mais il y a quand même des problèmes. » SL « bon ce qu’on fait Claire et François c’est top. Mais bon il avait un peu de sous et les moyens d’acheter. Du coup il y a quand même pleins de choses chouette. Sophia elle s’est fait pleins de copains pour elle je pense que c’est une expérience vraiment géniale, l’école à côté tout ça … Moi je me suis bien adaptée à ici. Il faut dire qu’on a aussi beaucoup bougé et moi j’ai beaucoup déménagé enfant du coup c’est à la fois la chance d’aller partout parce qu’on s’adapte la ou on est. Et à la fois pas vraiment se sentir du coin, jamais. Et ça implique de beaucoup bouger. » AS « c’est un peu ce que je me demandais. Est-ce qu’il y a vraiment une grosse différence avec les gens qui habitent ici depuis toujours ?» SL « ben c’est pas facile, même des on s’entend bien avec les gens qui sont nouveaux ici. Avec des gens qui sont depuis toujours ici, il faudrait vachement de temps. » PL « en vrai, comme certain le disent il faudrait avoir quelqu’un au cimetière » SL « après on a pas été mal reçue par rapport à des campagnes… tu vois moi je suis au conseil municipal » AS « ah d’accord ; et par rapport au conseil municipal, par rapport au développement de la commune en terme d’habitats vous avez décidé des choses ou pas ? » SL « il y aurait un projet éventuellement de faire alors plus par là bas dans le trou, de faire des petits logements, des petites maisons, 4 à 6 logements en locations à priori, pour faire venir ou alors acheter, pour des jeunes avec des enfants parce qu’il y a vraiment une problématique… » AS « et ce serait à quel niveau du bourg ? » SL « Ce serait en continuité de toute façon, on peut pas faire ça n’importe ou . » AS « je sais pas trop les documents de réglementation de la commune c’est quoi ? une carte communale ? » SL « non ben il faudrait qu’on fasse un PLU quoi mais bon l’idée ce serait ça pour qu’il y ait des gens. Et le truc ce serait de faire un truc BBC voire carrément RT 2012. Vraiment un truc écolo avec des petits jardins partagés etc. Pour accueillir des gens, des jeunes, voila. Mais bon je pense que nous on sera plus la, il en peut plus, moi je pourrais rester là, je suis bien la ou je suis, il faut faire son petit réseau petit à petit et ça irait bien mais lui il en a trop marre. » AS « non moi je me suis toujours dit que j’aimerais bien habiter plus ou moins à la campagne mais c’est vrai que j’aime aussi la vie en ville et les commodités que ça apporte. Et puis c’est marrant de dire que voila finalement on fait plus de vélo en ville que quand on habite ici ! C’est marrant, c’est aussi des choses qu’on apprend quand on le vit et qu’on se serait pas projeter… » SL « oui, ben Philippe il avait très envie de vivre à la campagne etc, mais au final le potager ça le soule. Non mais il le fait jamais, alors que c’est tout le temps moi qui le faisais. Alors que moi je disais ben non . Donc tu vois entre le discours, la théorie et ce que tu projettes aussi et la réalité. Ben voila le potager ça implique du temps, ben voila en réalité lui il s’est pas adapté.


/ Entretien Anne-Marie Merrien, 32 ans, doctorante à Sherbrooke Mise en place du contexte global: -Trajectoire résidentielle « Juste avant de venir ici à St Camille, j’habitais au centre ville de Sherbrooke, en milieu urbain. J’ai quitté le domicile familiale j’avais 17 ans, j’étais assez jeune et je suis partie vivre en milieu urbain directement. Mais avec mes parents et depuis que je suis née on a toujours habité à la campagne. J’ai toujours était à l’extérieur. Le moment d’aller en ville a été pour moi de prendre un appartement et de me rapprocher de l’école parce que je suis allé au Cégep à l’Université, j’ai fait Bac Maitrise donc c’est plus facile d’être proche de tout ça. Mais j’ai toujours eu ça en tête par exemple de revenir habiter à la campagne à long terme pour moi c’était très claire que je voulais revenir en milieu rural. Et mon conjoint aussi. » Motivations pour revenir à la campagne ? « Il y avait bien sur la proximité avec la nature et aussi un certain projet de production maraichère dans le sens ou on voulait avoir un grand jardin et quelques animaux. On souhaitait avoir une plus grande autonomie alimentaire. Pas complète parce qu’on n’est pas prêt de s’y consacrer entièrement. Le choix d’être ici c’était aussi pour la richesse de la vie communautaire ici à St Camille. La possibilité de contribuer au développement d’un milieu c’était quelque chose qui nous interpellait beaucoup aussi. » « Être entouré de nature » -Date d’emménagement Eté 2012 Achat du terrain bien avant d’y emménager. Manque de temps et d’argent pour construire. Un achat progressif puisque nous avons d’abord signé une promesse d’achat de 1000$. La coop’ a été mise en place en 2007 et que les transactions ont commencé à se faire. Maintenir les terrains accessibles pour les jeunes familles. -Connaissiez-vous St-Camille avant de vous y installer ? Pourquoi ? « Non. Le choix de St Camille s’est fait grâce à la richesse de la vie communautaire. On y a vu la possibilité de participer au développement d’un milieu. Nous avons été séduits par le projet du rang 13. Nous, on est dans le projet depuis 2005, investit dans le projet. » A. Pratiques spatiales concrètes : Pratiques des mobilités : travail, achats, loisirs, visites amis/famille -motifs de déplacements/destination « Tes courses tu les fais ou du coup ? A Sherbrooke, j’y travaille donc pour moi c’est facile de passer à l’épicerie. J’y vais pour ma part peut être trois ou quatre fois par semaine, mon conjoint quatre à cinq fois. De part mon travail, j’enseigne à l’université et je fais mon doctorat. Donc quand c’est possible de faire mon travail de la maison je le fais. Puis autrement, quand je donne des cours je me déplace. Je vais régulièrement à Watton, c’est un petit village pas loin ou il y a une coopérative agricole, une quincaillerie. Sinon je vais aussi à Asbestos, qui est dans la région, dans le secteur c’est la plus grosse

141


ville qui est un peu plus au nord encore. J’y vais de temps à autre pour des matériaux de constructions, mais j’y vais moins. Par contre je sais qu’il y a des membres de la coopérative qui ont des emplois plus près d’ici qui vont plus régulièrement à Asbestos. C’est moins loin que Sherbrooke. Il y a plusieurs personnes dans la coop qui travailler à Sherbrooke. Quand les gens sont venus s’installer ici, il y en plusieurs qui ont conservé leurs emplois qu’ils avaient à l’origine, dans certains cas certains ont quitté leur emplois. Ils étaient conscient de ce que cela allait impliquer comme transport c’est sur que ça fait beaucoup de route. En même temps quand tu as un emploi qui te plait, ce n’est pas évident de trouver du boulot près de chez toi proche de tes qualifications quand tu es en milieu rural. Je pourrais surement trouver du travail ici mais est ce que ça serait comme professeur et chercheur je ne pense pas… Il y en a plusieurs qui ont crée leurs entreprises, qui ont leur atelier d’ébénisterie ici, qui comme travailleur autonome n’ont pas ce problème la. »

142

Village pour les activités communautaires, dépanneur, spectacle. Tous les mois déjeunés communautaires, vendredi pizza -mode de déplacement Voiture -fréquence/intensité 3,4 fois par semaine - échelle de mobilité Pratique de l’habitat : -Historique du projet, de la construction « C’est un petit logement, il y a notre chambre et la salle de bain à côté et puis c’est tout. En dessous il y a le garage, c’est un grand garage. Ce qu’on a voulu faire nous c’est un projet en deux étapes. On savait que construire un logement comme ça avec un garage ça demandait moins de frais et ça se faisait assez rapidement. Ça nous permettait de venir habiter plus vite ici. On va construire la maison un peu plus tard. Eventuellement ce logement ci on va le louer. Tous nos voisins, quand je parle de voisins je parle des gens de la coop nous dise que c’est une sacré bonne idée. Beaucoup avait des enfants pendant la construction, on eu des enfants pendant la construction et ils disaient que c’était difficile de demeurer dans une maison qui est elle-même en construction avec les enfants. On aura un lieu pour reposer les matériaux, les outils, travailler le bois dans le garage. Et puis on sera à côté car quand on a construit ici on faisait l’aller retour à Sherbrooke à toute les fins de semaine. » Avez-vous fait appel à un architecte, des professionnels de la construction ? C’est vous qui avait construit ici ? Oui, Auto constructeur. On n’a pas coulé le béton, on a contracté quelqu’un pour faire une partie de l’électricité parce que c’est normé pour des questions d’assurance. On a fait la plomberie et on a engagé quelqu’un pour faire le toit parce que c’est de la tôle et on n’avait jamais travaillé ça. Vous êtes dans le milieu ? Non pas vraiment. Mon copain est assez manuel et on a eu l’aide de son père qui est un peu homme à tout faire. Mes parents se sont construit une maison, ils ont contracté une entreprise. Eux aussi nous ont aidé, mon frère est directeur d’une quincaillerie. Autour de nous


il y avait des ressources qui mises en commun nous ont permis de construire. On a fait les plans et on a eu affaire à un dessinateur technique, ce n’est pas un architecte directement. Le dessinateur technique va réaliser des plans, qui s’assurent de normes du bâtiment qu’on ne connait pas. Il permet de réaliser des plans qui sont utilisables sur le chantier directement. Il est venu nous présenter ces plans. Il y a des choses qu’on ne savait pas trop, auxquelles on n’avait pas nécessairement réfléchi. C’est comme ça qu’on a procédé.» Les travaux ont duré combien de temps pour la première construction ? Ils ne sont pas terminés. On a commencé en Aout 2012. On a déménagé en juin 2013. Ça fait pas loin d‘un an. On était vraiment à temps partiel sur cette construction. Mon conjoint a pris un congé sans solde pour le mois d’aout. Et puis on a travaillé les fins de semaines. En octobre on avait réussi à fermer, on avait les portes fenêtres, toiture. Pendant l’hiver on a fait les finitions intérieurs, l’isolation, les murs de séparations, ce genre de choses la. Ça a pris un an pour arriver à quelque chose d’à peu près terminé. -Souhait de l’architecture ? Quelles étaient vos attentes par rapport à cette maison ? Pourquoi avez-vous dessiné cela et pas autre chose ? On s’est inspiré d’une maison, on voulait construire une maison qui est un peu de caractère, on a voulu s’inspirer de maisons des Alpes. On ne sait pas si on aura des enfants mais on voulait avoir deux chambres. On voulait une maison qui soit en matériaux naturels c’est pour ça qu’on a beaucoup travaillé le bois. Je sais pas trop quoi te dire en fait je ne suis pas sure que je comprends bien ce que tu entends par quelles sont nos attentes par rapport à la maison. Eh bien c’était un peu ce genre de réponse, les attentes en matière de confort, je ne sais pas une petite cuisine, une grande chambre, la configuration de la maison, est ce que vous soulez un salon vers le jardin ce genre de chose… La position c’est en fonction du soleil. S’assurer que la lumière rentre, avec les hivers c’était important de l’orienter pour que ce soit efficace d’un point de vue énergétique, de maximiser l’énergie solaire quand c’est possible sans cramer l’été. On a essayé de réfléchir à ca pour le positionnement de la maison. On voulait des grands balcons pour pouvoir profiter de l’extérieur donc on a choisi d’aménager un espace ou on aura quelques chaises un table et de quoi cuisiner sur le balcon. Au début on n’avait pas réfléchi à la vue qu’on aurait de la montagne et ça fait partie des choses qu’on va modifier dans nos plans. A force de vivre ici, on a remarqué que c’était important. Pour la maison on va s’arranger pour qu’une des pièces donne sur la montagne quitte à faire un balcon à l’arrière pour profiter de cette vue qui est quand même très chouette. On veut une grande cuisine on aime beaucoup cuisiner. On veut des espaces assez ouverts. Je veux m’installer à l’extérieur de la maison un espace pour transformer les légumes du grand jardin qu’on a à l’arrière. Un grand comptoir avec un évier pour pouvoir nettoyer et préparer les légumes. Je voulais parler des relations de voisinage comment se font les limites entre les parcelles ?

143


144

On a attaché des petits rubans sur la ligne qui fait la limite entre notre terrain et celui des voisins. Par la force des choses de ce côté la c’est un petit ruisseau qui a été creusé pour écouler un peu l’eau. Mais autrement il n’y a pas de clôture. Oui nous avons des relations de voisinages très fréquentes. Et encore moi je n’ai pas d’enfants à l’école ou à la garderie. Il y a beaucoup de parents qui ont développé ces liens la, co voiturage pour aller porter ou chercher les enfants. Mais même moi je côtois, je connais le nom de tous mes voisins des enfants. Il y a beaucoup d’entraides aussi, quand on quitte parfois ils viennent s’occuper des poules. On se côtois régulièrement. Ce n’est pas seulement la proximité physique qui a provoqué ça. On a monté ce projet la ensemble. Pour certains je les côtoie depuis 2005, on est passé à travers toutes sortes de choses ensemble. C’est aussi une proximité dans les valeurs, une histoire commune qui nous lie. Territoire de la commune : Y a-t-il beaucoup d’espaces communautaires au village ? Il y a un parc pour enfants déjà, ce petite coin la il y a la patinoire municipal qui sert aussi de lieu de rassemblement. Mais cela dit il n’y a pas de café. Il y a une petite cantine mais c’est plus un lieu de rencontre pour les personnes âgées. Il y a une bibliothèque ou les gens vont régulièrement. L’été quand la neige a fondu et que l’eau est baissée, c’est un endroit ou il y a des petites plages. Les gens s’y rassemblent beaucoup, il y a aussi des personnes du village qui viennent à cet endroit la. C’est un endroit ou on va beaucoup, les gens s’y rassemblent beaucoup. Traditionnellement c’est un endroit reconnu pour aller se baigner, ou les gens du village et les gens de notre coopérative se rencontrent. Est-ce que tu vas souvent au centre du village ? Participes-tu à des projets communautaires ? Oui, d’une part pour moi par la force des choses parce que je travaille surtout à Sherbrooke, c’est le passage obligé pour aller là-bas. D’autre part parce que je m’implique de différentes façons dans l’organisation. Tous les mois on fait des déjeuners communautaires, le dimanche matin pour les gens qui veulent venir manger des gaufres. Les profits de cette action vont au Pti’ bonheur. J’avais une rencontre aujourd’hui car le point de service de la caisse Desjardins de St Camille a fermé et on essaye de s’organiser pour voir est ce qu’on ne peut pas proposer des choses à Desjardins pour assurer une certaine forme de service financier de base. Car les caisses auxquelles nous sommes rattachées sont assez loin. La raison officielle c’est qu’il n’y avait plus assez de gens pour justifier les frais de gestion d’un guichet de retrait automatique et d’un conseiller financier. Une forme de rationalisation qui n’est pas unique à St Camille, dans beaucoup de villages au Québec, les caisses ont tendance à se regrouper pour assurer les services. J’y vais aussi parce qu’il y a une épicerie dépanneur au village mais l’essentiel de mon épicerie je la fais ailleurs. Et puis j’y vais pour les spectacles au Pti bonheur. Les gens du village restent ils plus aux alentours du village ? il y a beaucoup d’agriculteurs non ? Oui, il y en a beaucoup. Ils restent beaucoup dans la région, Watton, Asbestos car il y a plus de services. C’est sur ce que c’est un milieu agricole. Il y a une population active de 350 personnes sur 500 habitants. Pourquoi vous n’avez pas voulu habiter au village ? Dans ce projet la, les terrains rendus disponibles étaient ceux la. C’est comme ça que j’en suis venu à habiter ici. Cela dit moi je n’aurais pas voulu habiter au village parce que je voulais un grand terrain. Je voulais


habiter dans un milieu boisé à la campagne. Je n’avais pas envie de m’installer dans une maison au cœur du village. C’est pas Montréal, il n’y a pas une foule extraordinaire mais les terrains sont moins grands et puis tu es directement à côté de ton voisin. Bien que je tienne à vivre la dynamique communautaire, je tenais à avoir un espace plus boisé et puis je voulais un grand terrain.

145


/ Entretien François Quirion, professeur à Sherbrooke Marie-Hélène Quirion, Mère au foyer, 4 enfants relativement jeune. Mise en place du contexte global: -trajectoire résidentielle

146

MH « Moi je viens de Sherbrooke, en banlieue, à la base, donc pas très loin d’ici et j’ai toujours habité là-bas. » F « moi je viens de Odet, près de Mégantic, pour les études je suis venu à Sherbrooke -Date d’emménagement F « On est venu ici en 2011. » Connaissiez-vous la campagne ? St-Camille avant de vous y installer ? Pourquoi ? MH« On a connu, tout d’abord on a eu une première maison à Sherbrooke, puis après ça on commençait à avoir le gout d’aller vers la campagne. François lui il vient de la campagne. On avait des amis qui étaient déjà impliqué dans le projet ici qui nous en ont parlé. C’est comme ça qu’on a connu St Camille sinon on ne savait pas du tout que ça existait. » F « Moi je connaissais un petite peu. » Comment vous avez choisi le terrain ? F « En fait, il y avait 25 terrains ici. Ils étaient déjà tous vendus. Il y a une dame qui avait mis son terraine en vente et elle refusait toujours. On a fait une offre et le timing était bon elle a accepté notre offre. On a visité un peu le terrain et on s’est ah oui. Il fait 9 acres et demi, il est en deux parties. C’était une dimension qui nous faisait rêver parce qu’on voyait le potentiel. Quel était vos projets à l’achat de ce terrain ? L’exploiter ? Ou juste avoir une maison dans un espace boisé ? MH « oui on voulait une maison dans un espace boisé, on voulait un jardin, il y avait cette option qui devait être présente. On souhaitait avoir assez d’espace pour éventuellement avoir une petite plantation fruitière. Pour nos besoins et aussi pour vendre. » F « Pour avoir une petite entreprise. L’an passé on a commencé nos petites expériences. On avait quelques animaux cochons, poules, canards… Dans le futur on souhaite défricher le terrain pour y planter des arbres fruitiers. On part de rien, ici avant c’était un champ, ça a été planté, puis laissé en jachère, on est parti comme les premiers colons ! On a choisi cet endroit pour la communauté. Parce qu’on aurait pu choisir un endroit plus proche de Sherbrooke. Ça nous aurait peut être couté plus cher mais il n’y avait pas la communauté d’accueil qu’il y a à St Camille.» Comment vous avez choisi cet emplacement pour la maison ? F « en marchant ! et puis le feeling beaucoup» MH « en marchant ! » A. Pratiques spatiales concrètes : Pratiques des mobilités : travail, achats, loisirs, visites amis/famille F « Nous on essaie d’avoir un réseau alternatif, dans le sens on a deux autos mais la deuxième c’est seulement pour les besoins exceptionnels si Marie-Hélène a besoin de se rendre ailleurs, mais c’est plus rare. Moi c’est en revenant du travail soit que je passe à l’épicerie et puis on commande également des fruits et légumes sur internet par une fruite-


rie mobile. Chaque semaine je vais chercher des caisses de fruits et légumes qu’on commande et qu’on ramasse pour plusieurs personnes en même temps. » MH « moi je me promène un petit peu moins, une fois par semaine on est un groupe de mamans qui se rencontrent cette journée la je me promène un petit peu ! » F « Pour mon travail je me rends à Sherbrooke quotidiennement, c’est 100km par jour. C’est 40 min aller sauf le mercredi où je vais chercher la commande de fruits ça rallonge. Pour les choses un peu plus exceptionnel c’est Sherbrooke sauf l’été car le circuit est un peu coupé comme je ne travail plus donc on va un peu plus à Asbestos ou il y a une fruiterie aussi. Sinon pour la maison il y aune coop à Watton. Mais on essaie de condenser les choses qu’on a à faire.» -motifs de déplacements/destination -mode de déplacement -fréquence/intensité - échelle de mobilité Pratique de l’habitat : -Historique du projet, de la construction Avez-vous fait appel à un architecte, des professionnels de la construction ? MH « On a fait des croquis qu’on a envoyé à l’équipe qui fabriquait la maison. Ils nous ont fait des propositions et on a accepté en fonction du budget qu’on avait. » F « la maison qu’on avait à Sherbrooke était de plus petite dimension. » MH « la moitié ! » F « elle faisait 22 pieds de long par 28 de large. Ici on a 32p par 38p donc environ 3000 p² (environ 100m²). On avait prévu quatre chambres. Parce qu’ici la limite pour un champ d’épuration pour une maison c’est le nombre de chambres. Donc c’est pas tant le nombre de personnes que le nombre de chambre. Compte tenu du budget on a opté pour quatre chambres. Dans le monde idéal on aurait aimé 5 chambres. On sortait de quelque chose de plus petit et à force d’y vivre, c’est peut être un peu grand comme maison. Mais les enfants vont grandir et quand ils vont avoir des copains des copines, ça va être suffisamment grand. » Pourquoi c’es trop grand ? F « Moi personnellement c’est à force de vivre dedans. Je me rends compte qu’on aurait pu réduire un peu ç aurait réduit les coûts et on aurait aussi bien vécu. On aurait pu réaménager les pièces un peu différemment. » Le fait d’avoir construit en bois c’était une volonté ? MH « Nous c’était une maison en kit. C’était les voisins qui nous en avait parlé » F « Oui mais de base on voulait aussi une maison saine. Le choix initial c’était la maison saine. A Sherbrooke on avait fait des choix et la on poursuivait juste dans cette logique parce qu’on avait des enduits à la chaux dans la maison à Sherbrooke. Le bois c’était l’option la plus rapide car on aurait voulu faire des coffrages en chanvre mais on avait pas le temps. On aurait du faire la dalle un an à l’avance. En terme de coût ça revenait au même. » Ça a duré combien de temps ? MH « ça a commencé au mois de juillet 2011 et en octobre 2011 on habitait mais c’était loin d’être habitable ! » F « on était à peu près à 50% de finitions, la actuellement on est à 90%. »

147


148

-Souhait de l’architecture ? -Lieu de résidence -Type d’habitat - Attributs du logement : surface, nombre de pièces, matérialité -Configuration des espaces de vies -Limites et voisinages F « Nous on n’a pas de limite. Mais sur l’ensemble du réseau ça avait été arpenté et tous avait été noté par l’arpenteur. Mais il n’y a pas eu de clôture construite entre les terrains » Vos voisins les plus proches sont proches ? MH « Nos voisins de chaque côté sont assez proche. Il y en a un dont on voit la maison et l’autre la végétation est plus dense donc on est plus isolé. » F « on les connait bien oui, nos enfants jouent ensembles, ce sont aussi des jeunes familles. » Territoire de la commune : Allez-vous régulièrement au centre du village ? MH « moi j’y vais moins souvent. A la période estival, j’y vais toute les semaines pour récupérer un panier de légumes de maraichers locaux. C’est l’occasion pour moi de retourner au village. L’hiver je reste plus à la maison. » Fréquentez-vous les espaces communautaires ? Si oui à quelle fréquence ? F «Pas vraiment par exemple pour la pizza c’est une question de budget sinon on serait toujours la. L’effort financier qu’on doit faire ne nous permet pas d’aller manger régulièrement la pizza. » Participez-vous à des projets communautaires ? F « Pas tant au niveau communautaire. Je suis président de la coop du rang 13. Sinon au village c’est plus pour les activités sportives. A l’automne je vais rejouer au hockey avec les gens de la place. On participe aux grands évènements. Au niveau bénévolat et réseau social ça devient un peu plus limité mais on fait la catéchèse pour les enfants. Des occasions de s’impliquer il y en aurait une tonne mais il faut limiter sinon on manque de temps » MH « J’y participe toute les semaines car je vais faire du yoga au village. Mais on veut passer du temps avec les enfants » Qu’est ce que ça implique d’être président de la coop ? F « Pas grand-chose en soi, je dois organiser les réunions et c’est moi qui m’occupe des demandes au nom de la coop. Actuellement le gros sujet c’est que nous sommes en re définition de mission. Car la coop’ a atteint son objectif premier. Mais cet outil la pourrait nous servir encore. Si jamais il y avait un autre projet domiciliaire qu’on pourrait chapeauter. Si il y avait une nouvelle mission parce qu’il y a déjà eu un groupe d’achat parce qu’on a un pouvoir d’emprunt qu’on n’avait pas avant car on a un nom. Donc on cherche à savoir si les gens sont intéressés à poursuivre une action commune avec cette structure qu’on a mis en place. On est dans la transition. » Avez-vous développé un réseau de connaissance ? Si oui, plutôt des « nouveaux habitants » ou des anciens ?


/ Entretien Nicolas Soumis, 42 ans, Travailleur indépendant traducteur/chercheur Mise en place du contexte global: Trajectoire résidentielle « Je suis quelqu’un qui vient de la ville j’ai habité longtemps en campagne. Je suis natif de Montréal, de la grande ville, à l’âge de quatre ans on a déménagé dans un petit village sur la rive sud qui s’appelle St Mathias. C’est un petit village à vocation agricole, plus petit que St Camille. A la fin des années 70, certains agriculteurs vendaient leurs terres suite à un dézonage. On a habité dans un petit développement les maisons toutes pareilles. J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans les champs et les forêts. A 19 ans j’ai déménagé à Montréal en appartement. Jusqu’en 2009 ou je suis venu à St Camille pour la construction. » Qu’est ce qui a motivé ce choix ? « A l’époque j’étais avec ma copine. Elle était très tentée par l’expérience et moi aussi. A l’époque on habitait un appartement à Montréal depuis 11 ans. Mes propriétaires faisaient pression pour que je parte afin d’augmenter le loyer. Ils m’ont envoyé une lettre d’éviction. J’ai aussi perdu mon emploi à l’université du Québec à Montréal. J’ai toujours fonctionné par contrat et ça se terminait. Mes motivations profondes, l’envie de vivre un peu plus proche de la vraie vie. Je le constate très bien depuis que je vie en campagne mon salaire a beaucoup baissé, ce n’est pas les mêmes opportunités de travail. Donc assez rapidement il faut penser à toutes sortes de système D. Rapidement on se rend compte qu’on a besoin des autres, beaucoup plus qu’en ville quand on mène une vie confortable. Une autre échelle, la communauté du village a différent besoins. On subi beaucoup de coupures du gouvernement qui nous voit nous les régions comme des parasites non fonctionnels. On a perdu notre guichet automatique, aujourd’hui le plus proche de chez moi c’est 25 km. Je trouve ça très motivant de pouvoir m’impliquer dans différents projets pour maintenir le niveau de dynamisme et de qualité de vie dans notre communauté. J’étais conscient malgré le bel accueil que le village nous a fait que les gens seraient quand même un peu plus méfiant. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai opté pour une approche architecturale plus traditionnelle qu’une approche plus moderne ou contemporaine. Qui m’aurait valu peut être des critiques. » « J’ai un intérêt pour l’architecture. J’ai lu et fait de la recherche pendant environ deux ans. J’ai lu des livres d’architecture. A la fois très concret sur des techniques de constructions. Ici au Québec, il y a le SCHL (société canadienne d’hypothèques et de logements) qui a été ma bible pendant ces deux années. Ce sont des codes du bâtiment. Ce livre traite des constructions à charpente en bois. C’est ça que j’ai utilisé. J’ai aussi lu des livres plus théoriques et philosophiques comme A pattern langage. Ce sont des architectes de l’université de Berkeley qui ont écrit ça à la fin des années 60. » Connaissiez-vous la campagne ? St-Camille avant de vous y installer ? Pourquoi ? « C’est un ami à moi qui est aujourd’hui mon voisin à l’arrière. Ça va était mon assistant de terrain quand j’ai fait mon doctorat. C’était tout à fait par hasard, il était à Sherbrooke quand moi j’étais à Montréal et à un moment donné il m’a invité sur son terrain et il restait des terrains à

149


150

vendre. Eux, ils avaient été appâtés par la publicité autour du projet. » A. Pratiques spatiales concrètes : Pratiques des mobilités : travail, achats, loisirs, visites amis/famille -motifs de déplacements/destination « Je travail chez moi. Sur une base quotidienne, je travail à domicile. Cela s’est fait sans trop y penser. Pendant les deux années qui ont précédé notre installation ici, je travaillais à temps plein à l’UQAM à Montréal, souvent le soir je travaillais sur les plans. Quand j’ai perdu mon emploi, je me suis concentré sur la construction, j’ai un peu oublié ce qui allait se penser après la construction. J’ai pensé à solliciter un poste de chercheur à l’université de Sherbrooke. Mais j’avais besoin de changer d’air par rapport au milieu universitaire. Et j’étais surtout catastrophé de devenir dépendant de ma voiture. J’ai étudié en environnement, j’ai une formation de bio géo chimiste donc la question de l’émission de gaz à effet de serre me tenait à cœur. Tranquillement, j’ai reçu des sollicitations de mes anciens collègues et je suis devenu consultant scientifique. J’ai aussi rajouté la traduction spécialisée. Tout ça me permet de travailler à la maison. « On n’avait pas vraiment de voiture à Montréal, mon travail j’y allais souvent à pied à vélo et quelques fois en autobus mais j’étais à 5 min environ 3km. » J’essaie autant que possible de combler mes besoins alimentaires avec les producteurs locaux. On est chanceux à St Camille, il y a trois ou quatre producteurs de viandes. Une viande produite avec respect et qualité. Poulet lapin sanglier agneau porc et bœuf. Au niveau des légumes, on a les maraichers au village qui tiennent un marché d’été et un marché d’hiver jusqu’en février. Autant que possible je colle à leur production donc l’hiver exit les laitues et les tomates, je me nourris le plus possible de racines. Mais c’est sur que j’essaie de compléter mon ordinaire en allant à l’épicerie, le plus possible à Asbestos puis tôt ou tard je vais finir à Sherbrooke pour des choses plus spécialisées toute les semaines, semaines et demi. Je suis payé par chèque par exemple, donc je suis bien obligé d’aller le déposer. Assez rapidement, on avait développé une sorte de stratégie, de grouper les raisons de sortir. Je vais au village de 0 à 3 fois par semaine. J’ai des amis au village et dans le rang 13 Je me sers de mon vélo pour aller voir mes amis dans le rang 13. Mais je vois toujours mes anciens amis de la région de Montréal 2 à 4 fois par an. Mon père est en Estrie. On se voit une quinzaine de fois par année. Mon frère est sur la rive sud. On se voit une dizaine de fois par année. » Pratique de l’habitat : -Historique du projet, de la construction ? « C’est de l’auto construction. Le gros s’est fait du mois de mai 2009 au mois de décembre 2009. Environ en sept huit mois. On a du rentrer dans la maison car l’hiver arrivait. De décembre 2009 à mars 2010 j’ai fait le plus gros de la finition intérieure. Ma copine travaillait à l’époque à temps plein. » -Souhait de l’architecture ? « D’y être bien. J’avais envie de nous offrir une thérapie par le beau. Certaines zones en campagne ou en ville sont vraiment affreuses. Et ils en parlent un peu dans a pattern langage, l’humain est tellement habitué à la laideur qu’il ne la voie plus. Mais ça ne veut pas dire que ça n’affecte pas son humeur ou son bien être. Ce n’est peut être pas la première chose à changer, je réglerais d’abord les problèmes de pollutions


atmosphériques avant les problèmes de laideur architecturale. Mais vu qu’on n’avait aucune restriction ici, je pouvais bâtir ma maison sans être obligé d’aligner ma façade à une rue quelconque. Tout était possible. J’ai eu envie au niveau des formes de travailler dans relativement petit mais assez beau. La maison, il y a eu aussi une bonne réflexion parce qu’en fait c’est un milieu de travail. Ma copine avait réussi à obtenir une formule télé travail avec son employeur donc elle était ici la majeure partie du temps. Donc il fallait réfléchir à un milieu de vie pour un couple qui habite ensemble 7 jours sur 7, des fois ce n’est pas nécessairement évident. Alors, il y avait une réflexion, tout mon rez de chaussée est à air ouvert, tout l’étage sont des pièces fermées. Mon bureau est au dernier étage, il y a un toit cathédral. J’ai utilisé cet espace la pour faire une aire de vie, des mezzanines. On a chacun dans nos bureau ces petits salons privés pour éviter d’être collé les uns sur les autres. Quand tu mesures les investissements en énergie mentale, il y a une grosse partie mentale. J’ai eu à prendre une grosse décision il y a quelques mois et j’ai décidé de rester. Même si quelque fois, je me considère comme une personne très urbaine malgré tout. Parfois je me demande ce que je fais encore ici. Mais je suis convaincue fondamentalement de mon choix. Il y a des beaux défis à relevés. Quand je venu habiter ici je me suis dit. Pour une fois, je ne déménage pas pour un travail, je déménage et le travail me suivra. Aujourd’hui quand les gens sont encouragés à faire des salaires élevés, ils trouvent que j’ai un comportement suicidaire. Mais je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup altéré ma qualité de vie. Pour moi ça valait la peine de perdre sur le matériel et de gagner sur le milieu de vie. » - Attributs du logement : surface, nombre de pièces, matérialité ? « j’ai une serre (16pi par 8pi) attenante à ma maison, dans laquelle je fais des petites cultures. Ma maison fait 32pi par 26pi. Elle possède deux étages plus les mezzanines. » -Configuration des espaces de vies ? « L’espace de vie est au rez de chaussée. Chambre, bureau et salle de lavage à l’étage. Je me suis inspiré d’un modèle de maison traditionnel norvégienne pour les plans de ma maison. Les maisons qui se bâtissaient au début des années 20 30. J’ai eu la chance de participer à une campagne d’échantillonnage à Svalbard en Norvège qui est en arctique. Et on habitait dans un ancien village de mineur dans une maison qui ressemblait beaucoup à ça. Le village s’appelle Ny Alesund. J’aime beaucoup les lucarnes allemandes. » Territoire de la commune : Quelle distance habitez-vous depuis le centre du village ? « Je suis à 10 km du village et j’y vais en voiture. Je n’ai pas encore eu le courage d’y aller à vélo. » Fréquentez-vous les espaces communautaires ? Si oui à quelle fréquence ? Participez-vous à des projets communautaires ? Avez-vous développé un réseau de connaissance ? Si oui, plutôt des « nouveaux habitants » ou des anciens ?

151


152


Résumé Depuis les années 1970, l’espace rural n’est plus une terre d’exode. Ce renouveau démographique se traduit notamment par une prédominence de la fonction résidentielle en milieu rural. Ce territoire, délaissé par les architectes de la modernité, est peu doté pour faire face à ce développement massif d’architecture résidentielle. Les communes rurales doivent faire face au mitage de leur paysage à travers le développement d’un tissu pavillonaire de piètre qualité. Ce mémoire se penche sur ce phénomène afin d’en saisir les enjeux. Il cherche à articuler la compréhension du phénomène démographique avec une réflexion sur la durabilité du territoire. En étudiant les différentes formes d’habitats occupées par ces nouvelles populations, ils tentent de saisir les attentes du logement contemporain rural. L’espace rural est le futur de la réfléxion architecturale et cumule tous les enjeux de l’architecture de demain : attentes sociales en matière de logements, architecture écodurable. Nous lançons quelques pistes pour les formes d’habitat contemporain de demain en milieu rural.

Abstract Since the 1970s, rural areas is no longer a land of exodus. This demographic renewal particularly express itself in the growth of the residential function in rural areas. This territory, abandoned by the modern architects, is not equipped to deal with the massive development of residential architecture. Rural communities face the sprawl of their landscape through the development of a poor pavilion architecture. This research paper examines this phenomenon in order to understand the issues. It seeks to articulate the understanding of the demographic phenomenon with a reflection on the sustainability of the territory. By studying the different forms of housing occupied by these new populations, we try to understand the expectations of the contemporary rural housing. The countryside is the future of architectural thinking and it combines all the challenges of tomorrow's architecture: social expectations about housing, eco-friendly architecture. We are launching some track to think the new forms of contemporary housing of tomorrow in rural areas.

- Rural - Formes d’habitat - Innovation - Architecture éco durable -


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.