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FÉDÉRATION NATIONALE DES PSYCHOLOGUES PRATICIENS D’ORIENTATION PSYCHANALYTIQUE DE BELGIQUE

Lettre d’information

n°2/2015

avril-mai-juin

Editeur responsable : Francis Martens

Adresse : rue du Président, 53 1050 Bruxelles

Le secret professionnel constitue, en fait, la matière la plus importante et la plus sensible du récent Code de Déontologie des Psychologues (2014). Or, de l’avis des praticiens les plus informés et des juristes les plus compétents, des erreurs de fond ont été commises dans la rédaction du code qui le mettent en contradiction avec le droit pénal et risquent de compromettre gravement l’exercice de la profession. Le colloque de l’APPPsy veillera, entre autres, à identifier ces erreurs, à en clarifier les enjeux, et à proposer des moyens simples pour y remédier. Il sera aussi question de la différence entre secret et discrétion, et du secret professionnel partagé où les références éthiques et déontologiques les plus importantes se voient souvent malmenées.

Editorial Frank Hutsebaut (KUL), Vincent Magos (SPSanté, Communauté Wallonie-Bruxelles), Thierry Moreau (UCL), Lucien Nouwynck (SPF-Justice), Véronique van der Plancke (UCL, Ligue des Droits de l’Homme) – tous concernés au plus haut point par la problématique du secret professionnel – participeront, en compagnie de divers intervenants de l’APPPsy, au colloque sur le secret professionnel des psychologues organisé début juin 2015 par la Fédération Nationale des Psychologues Praticiens d’Orientation Psychanalytique. À un moment où, sous divers prétextes, les effractions dans la vie privée et professionnelle se multiplient partout à travers le monde, il importe de repréciser les enjeux du secret professionnel en général et de celui des psychologues en particulier. Ce dernier, en effet, avec celui des médecins, sert de plus en plus de référence à une multitude de praticiens, qu’ils soient psychologues ou non, tant en privé qu’en institution.

Francis Martens

Sommaire Editorial Actions de l’APPPsy • p. 2: Autour de la déontologie des psychologues (suite) • p. 3: Réflexion autour de Psychanalyse, psychothérapie psychanalytique • p. 8 : Le blog de Dominique

Matière de droit public, protégée par le droit pénal, le secret professionnel fait partie des protections de base de la vie sociale au sein des sociétés démocratiques. Le secret professionnel des psychologues, en ce qui le concerne, en protégeant tant le patient ou le client que le psychologue, garantit un exercice autonome et responsable de la psychologie clinique et de la psychothérapie sous toutes leurs facettes.

Annonces • p. 9: Agenda

Lettre d’information de la FÉDÉRATION NATIONALE DES PSYCHOLOGUES PRATICIENS D’ORIENTATION PSYCHANALYTIQUE DE BELGIQUE APPPsy, membre de l’Union des Classes Moyenne (UCM) et de l’Union des Professions Libérales et Intellectuelles de Belgique (Unplib) http://www.apppsy.be


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Autour de la déontologie des psychologues (suite) COMPTE-RENDU DE LA RENCONTRE AVEC LE PROFESSEUR JOHAN PUT Sur le conseil du Professeur Hutsebaut, Johan De Groef, Francis Martens et moi-même avons rencontré le 11 mars dernier le professeur Johan Put à l’Institut de Droit Social de la KU-Leuven. Nous lui avions fait parvenir préalablement le texte du code de déontologie des psychologues. Francis lui expose brièvement les raisons de notre visite en présentant les missions de la Commission des Psychologues, à savoir la protection du titre de psychologue, le respect du code de déontologie et la mise sur pied d’un conseil de discipline. Il l’informe que le code a été conçu conjointement par l’APPPsy et la FBP et qu’il avait été accepté à l’unanimité avant d’être présenté au Conseil d’Etat. Il a ensuite subi des modifications sans concertation avec le groupe de travail. Il y a actuellement sur le site de la Compsy un questions/réponses en lien avec le code où l’on trouve des erreurs grossières dans les réponses apportées ! Selon Johan Put, certaines choses sont assez confuses dans le texte du code (« devoir de discrétion » et « secret professionnel ») et elles sont apparues ambiguës au Conseil d’Etat. Il fait l’hypothèse que les remarques faites par ce dernier auraient alors été mal interprétées et n’ont fait qu’empirer les choses. Tout comme précédemment le professeur Hutsebaut, le professeur Johan Put ne fait donc que confirmer l’obligation du secret professionnel.

Se pose alors la question de savoir qui a le droit d’initiative de reformuler le code ? Seul le ministre peut modifier le code. En attendant, il faut INFORMER que le secret professionnel est et reste la loi. Comment procéder à la reformulation du code ? Dans le code, il faut poser les PRINCIPES DE BASE en lien avec la loi et non pas créer des règles. Quant au ”Questions/réponses” sur le site de la Compsy, instituer une commission qui valide les réponses et faire en sorte que les questions puissent s’y poser dans un climat de confiance, permettrait aux personnes habilitées à répondre sur le site d’apprendre les bonnes pratiques. Ria Walgraffe

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Réflexion autour de Psychanalyse, psychothérapie psychanalytique

UNE DISTINCTION PLUS MILITANTE QU’ECLAIRANTE

Préambule La théorie psychanalytique – le modèle scientifique métapsychologique de l’inconscient individuel sexuel refoulé – est une anthropologie débouchant sur une pratique clinique. Cette lecture transculturelle et transhistorique trouve son origine dans un déchiffrement non réducteur de nombre de comportements échappant à la norme – voire carrément «fous» – et qui a su en montrer la rationalité paradoxale ainsi que la fécondité pour éclairer la condition humaine. La capacité d’élucidation de la métapsychologie et sa valeur heuristique est à ce niveau considérable. Elle entre par ailleurs en confluence avec les données les plus actuelles des neurosciences dont Freud lui-même était issu. D’un point de vue individuel et clinique, si la métapsychologie freudienne s’avère un modèle de compréhension original et fécond, elle ne débouche directement pour autant sur aucune «psychanalyse appliquée» (au sens où la physique théorique débouche sans solution de continuité sur une physique appliquée et sur les technologies qui en découlent). Ce qu’on appelle indûment la «technique psychanalytique» se résume en fait à très peu de choses : l’établissement d’un cadre clair et concret qui permette à un thérapeute, ayant lui-même parcouru ce chemin, d’accompagner - tout d’abord de ne pas empêcher – le cheminement d’un individu désireux de trouver meilleure issue aux séquelles des carences,

traumatismes et conflits ayant marqué son existence. Le psychanalyste, en d’autres termes, est un médecin aux mains nues. Si de plus il appartient à la confrérie intégrale du silence, il lui sera difficile de se démarquer d’un pur placebo et de s’appuyer sur l’évaluation rassurante de quelque réel savoir faire. Pour arrimer son identité, il ne lui restera que l’exaltation partagée de la théorie et la dramatisation institutionnelle d’un cursus culminant dans l’achat «autorisé» d’un divan. Dans un tel contexte, l’idéalisation de la théorie, tout comme la construction d’une opposition entre la psychanalyse et la psychothérapie psychanalytique, se soutiennent moins de l’expérience clinique et de la réflexion métapsychologique que du besoin d’un marquage identitaire. Fruits de l’histoire chaotique des groupes psychanalytiques autant que du désarroi privé de nombre de praticiens, elles brouillent idéologiquement les cartes plus qu’elles n’éclairent le chemin. Confusion Freud pour sa part n’a jamais opposé la psychanalyse et la psychothérapie, mais plutôt l’«or pur» de la psychanalyse au «cuivre de la suggestion»1. Du point de vue de l’efficacité thérapeutique, il n’a même pas exclu que les médicaments puissent un jour se substituer à certains usages la cure2. Pour lui, la psychanalyse était une forme de psychothérapie 3 , et l’important était plutôt de la différencier de la médecine et de ne pas en réserver l’exercice aux seuls médecins (question de Et non au «plomb» comme l’a laissé entendre une traduction tendancieuse : cf. «Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique» (1918), in S. Freud, La technique psychanalytique (1919), PUF, Paris, 1953, p 141. Pour une version fidèle, voir : «Les voies de la thérapeutique psychanalytique» in S. Freud, Œuvres Complètes, XV, PUF, Paris, 1996, p 108. 2 Voir : «La technique psychanalytique», in Abrégé de psychanalyse (1938), Œuvres complètes, XX, PUF, Paris, 2010, p 275. Voir par exemple : De la psychothérapie (1905), in S. Freud, Œuvres Complètes, VI, PUF, Paris, 2006. 1

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4 la psychanalyse dite «laïque»). Si le terme de «psychothérapie» est d’une apparition récente, la réalité anthropologique atteste partout et de tout temps une fonction thérapeutique se diffractant en une approche technico-soignante (pharmacopée et savoir faire traditionnels) et une approche symbolico-soignante (rituels et paroles de guérison), le plus souvent associées. Dans notre histoire proche, la rationalité des Lumières et l’essor de technologies réparatrices de plus en plus performantes, ont progressivement détaché la techno-médecine du registre symbolique et relationnel où s’inscrivent bon gré mal gré les problématiques de la santé. Une approche scientifique impartiale n’en atteste pas moins que la mise en œuvre de la guérison (toutes pathologies et approches thérapeutiques confondues) relève en moyenne pour un tiers des procédures symbolico-relationnelles où s’inscrit la démarche soignante. Si les technologies actuelles du soin persistent à n’en pas tenir compte, cela témoigne d’une position purement idéologique faisant fi de milliers de recherches strictement expérimentales. Médecine de l’«âme», opérant essentiellement par la parole et la relation, la psychothérapie s’est peu à peu laïcisée (vs. procédures religieuses) et conceptualisée à partir du XIXème siècle. Chacune de ses mises en œuvres relève en fait d’une conception théorique à tout le moins implicite de la «nature humaine». Si les conceptions ou les modèles scientifiques en matière de psychothérapie peuvent diverger, les pratiques coexistent dans un champ qui s’avère à la fois complémentaire et différent de celui de la techno-médecine des organes. En 2005, le Conseil supérieur d’hygiène de Belgique (actuellement Conseil supérieur de la santé), en prenant acte du développement, de la spécificité, et de l’autonomisation d’un champ qui n’était plus assimilable à celui d’un «exercice illégal de la médecine», s’est interrogé sur l’hétérogénéité du registre de la psychothérapie ainsi que sur la diversité des

formations en la matière4. Aux yeux de ce conseil, soucieux de recueillir et de synthétiser les données scientifiques et les réalités pratiques en la matière, quatre orientations majeures se sont dégagées : la «psychothérapie à orientation psychanalytique et psychodynamique», la «psychothérapie à orientation comportementale et cognitive», la «psychothérapie à orientation systémique et familiale», la «psychothérapie à orientation expérientielle et centrée sur le client». Ces quatre orientations ont servi ultérieurement de base au législateur pour légiférer en matière de psychothérapie (2014). Dans l’esprit du Conseil, elles ne comportent aucune subdivision interne qui établirait, par exemple, une différence pertinente ou quelque hiérarchisation entre «psychanalyse pure» et «psychothérapie d’orientation psychanalytique». Par le terme «orientation», l’avis circonstancié rendu en 2005 entend seulement pointer chacun des champs principaux identifiés en matière de psychothérapie. La psychanalyse correspond à l’un de ces champs. Certains collègues tiennent un tout autre discours : globalement, la psychanalyse serait opposée à la psychothérapie comme la prise en compte de la singularité du sujet à la normalisation des comportements5. La mention de l’orientation psychanalytique par le législateur ne concernerait pas la psychanalyse comme telle mais une psychothérapie d’orientation psychanalytique : c’est-à-dire un sous-produit dérivé, hautement suspect car asservi à des 4

http://health.belgium.be/internet2Prd/groups/public/@ public/@shc/documents/ie2divers/4956387_fr.pdf En ce qui concerne le contenu de la formation, le Conseil précise notamment que quatre éléments doivent être présents pour un minimum d’heures spécifiées : une formation théorique, une formation technique, une pratique clinique supervisée et une thérapie personnelle ou un processus personnel didactique dont les modalités varient suivant les orientations psychothérapeutiques. 5 Recette éprouvée : qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.

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5 impératifs gestionnaires étrangers aux rigueurs de l’inconscient. Il s’agirait donc avant tout de sauver la pureté psychanalytique des miasmes de l’organisation par la loi des professions de la santé. Autrement dit : «Préservons à tout prix l’extraterritorialité (sic) de la psychanalyse». Cette idéalisation malencontreuse procède probablement de la compensation d’une identité faible issue de parcours psychanalytiques frisant la maltraitance et la servitude volontaire. Faute d’une conception mieux étayée sur la réalité et à la manière de la «théologie négative» 6 , elle n’arrive à définir la psychanalyse que par ce qu’elle est censée ne pas être : tout particulièrement, «une psychothérapie». Ce jeu avec les mots n’est pas sans conséquences : politiquement, au nom de la défense intransigeante de sa spécificité, il met en réalité la psychanalyse hors jeu. Il faut se rappeler que, suite à une pétition adressée au monde entier et lestée d’un avertissement aussi alarmiste que 7 mensonger , des milliers de signatures furent un jour déversées dans un cabinet ministériel pressé de conclure. Pour ne fâcher personne, on en arrive alors à faire voter un texte qui reconnaît en le balisant l’exercice de la psychanalyse - en tant qu’une des quatre orientations dans le champ de la psychothérapie - tout en précisant d’entrée de jeu que la psychanalyse ne relève pas de ce champ8. Les conséquences ne se font pas attendre. Ainsi, un récent numéro de la revue de la Fédération des mutualités socialistes du Brabant (l’Écho Mutualiste, janvier 2015) consacre-t-il un article grand-public à la

dépression 9 . Il y est précisé que si les molécules sont utiles, la meilleure procédure consiste à les associer à une psychothérapie. L'article propose en conséquence quelques repères pour pouvoir s'orienter dans la diversité de ce champ, mais sans faire mention de l’approche psychanalytique : celle-ci en effet «n’est pas une psychothérapie». Plus largement, la réduction de la défense de la psychanalyse à des enjeux identitaires 10 plutôt que métapsychologiques, cliniques et sociétaux l’exclut des lieux où elle aurait intérêt à s’exprimer. Une des deux lois nous concernant votées en 2014 (psychothérapie et psychologie clinique) introduit les psychologues cliniciens dans le champ de l’Arrêté Royal n°78 sur l’exercice des professions des soins de santé, et laisse les psychothérapeutes sur la touche. Certains s'empressent aussitôt de faire entendre que le diplôme de psychologue vaudrait pour la formation à la psychothérapie. En fait, l’entrée dans l’AR 78 représentait un enjeu majeur essentiellement pour les psychothérapeutes et, dans leur sillage, pour la diversité multidisciplinaire des professions de la santé mentale. En effet, les critères de formation, d’organisation et d’évaluation de ces dernières sont ordinairement rabattus sur ceux – hétérogènes et contreproductifs mais dominants – de la technomédecine managériale des organes. Nombre de politiques s'avéreront sensibles aux arguments psychanalytiques en matière de «laïcité» de la pratique, de diversité nécessaire des chemins professionnels, et d’exigence de formation personnelle réelle par-delà les études, mais la cacophonie ésotérique entretenue au nom de la pureté des idéaux et du dénigrement des psychothérapies ne cessera de saboter en sous-œuvre toute

Dieu étant par définition ineffable, il est impossible de le décrire positivement, mais peut-­‐être pourrait-­‐on l’approcher en creux en disant ce qu’il n’est pas ? Dieu, par exemple, n’est pas l’obscur ciel étoilé. En substance : la future loi sur la psychothérapie réservera son exercice aux seuls psychologues et médecins, et l’essentiel des formations aux seules https://www.fmsb.be/sites/secure.fmsb.be/files/EMFam universités. 8 illes%20BAT%20FR.pdf Où l’on s’aperçoit que le «compromis à la belge» peut s’avérer proche des productions de l’inconscient, lequel -­‐ Où les concepts fonctionnent comme des badges faut-­‐il le rappeler ? -­‐ ignore négation et contradiction. d’identification plutôt que comme des outils de pensée. • contact@apppsy.be • http://www.apppsy.be 6

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6 démarche échappant aux ukases parisien11. Ainsi se galvaudent les meilleures opportunités. En réalité, les crispations identitaires psychanalytiques se sont avérées ici sans commune mesure avec celles du corporatisme médical. Ceci en dit long sur les dérives cléricales de la profession. Balises La diabolisation militante et sans issue de la psychothérapie oblige à se recentrer sur quelques fondamentaux. Anthropologiquement, on l’a vu, il existe depuis toujours et partout une différence et une complémentarité entre les interventions techniques curatives sur le corps, et les procédures symboliques de guérison s’adressant à la personne dans le cadre de sa lignée et de son environnement. C’est à partir de cette dimension que surgira la notion désacralisée de «psychothérapie», parallèlement à l’émergence d’une pratique médicale appuyée sur la rationalité scientifique 12 . De ce point de vue, le modèle conceptuel original et les pratiques

cliniques spécifiques de la psychanalyse appartiennent sans ambiguïté au champ des psychothérapies. Si opposer psychanalyse et psychothérapie s’avère dépourvu de sens autre qu’idéologique13, opposer psychanalyse et psychothérapie psychanalytique comme un produit de qualité à un succédané bas de gamme n’a non plus aucun sens. Car soit, on se trouve dans le champ de la psychanalyse – c’est-à-dire dans celui d’une pratique clinique soutenue par une cure psychanalytique personnelle ainsi que par une formation et une conceptualisation orientées par la notion freudienne de «réalité psychique» 14 – soit on ne s’y trouve pas. Il existe certes diverses pratiques «d’orientation psychanalytique» étrangères à cette exigence bien qu’inspirées de près ou de loin par une vulgate psychanalytique : elles ne font pas l’objet de la présente réflexion. Cela dit, on ne peut nier qu’il existe concrètement des associations dites de «psychanalystes» et des associations dites de «psychothérapeutes psychanalytiques» – mais si ces dernières correspondent aux critères sine qua non de la pratique de la psychanalyse énoncés ci-dessus, il est clair qu’il ne s’agit là que d’appellations contingentes, historiquement liées à des péripéties institutionnelles diverses ainsi qu’à des sensibilités multiples en matière de transmission. Cette diffraction des cursus et des appartenances peut s’avérer féconde pour peu qu’elle ne se confonde pas avec une hiérarchisation infondée des compétences et des savoirs.

La plupart des groupes belges de psychanalystes n’ont marqué aucun intérêt pour le politique, malgré des enjeux aussi cruciaux que celui de la tentative de paramédicalisation des psychologues cliniciens et par là des psychothérapeutes, jusqu’à ce que des enjeux franco-­‐français en rien comparables (remous autour de l’amendement Accoyer, 2003) n’étendent ici leur contagion, tant sur le fond que dans le style. Ainsi, dans un entretien de Lacan quotidien avec Patricia Bosquin-­‐ Caroz (publié initialement sur http://www.lacanquotidien.fr/blog/2014/01/lacan-­‐ quotidien-­‐n-­‐370-­‐virus-­‐mutant-­‐par-­‐jacques-­‐alain-­‐miller-­‐ belgique-­‐une-­‐victoire-­‐pour-­‐la-­‐psychanalyse-­‐entretien-­‐ avec-­‐patricia-­‐bosquin-­‐caroz/) peut-­‐on bénéficier, en «Psychanalyse», «psychothérapie psychréponse à la question «La psychanalyse peut-­‐elle exister analytique» : par-delà les abus de langage sans combattre ?», d’un judicieux conseil : «Je voudrais et les contingences institutionnelles, cette ici saluer l’expérience française et l’efficacité du Nouvel Âne dont nous nous sommes inspirés en Belgique. Une distinction insiste au sein des associations indication précieuse nous avait été donnée lors de la de psychanalystes, au sein de la pratique conception du bulletin Le forum des psys, avant de le d’un même clinicien, et jusqu'en celui faire parvenir aux parlementaires : “Il s’agit de leur montrer que nous sommes des écorchés, de traverser la froideur administrative et de leur présenter notre objet Un discours idéologique affiche un système de valeurs a sanguinolent !”» (republié dans Le forum des de portée générale aux fins de dissimuler et de psychanalystes -­‐ Het forum van de psychoanalytici, n°3, pérenniser quelques intérêts particuliers. mai 2014, p3). Celle qui, par définition, correspond à la nature même de l’inconscient individuel sexuel refoulé tel que théorisé Voir, par exemple, l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, de Claude Bernard, Paris, 1865 par Freud et affiné par les postfreudiens. • contact@apppsy.be • http://www.apppsy.be 11

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7 d’une seule et même cure. Peut-on dès lors trouver un fondement métapsychologique à une façon de parler trop souvent biaisée mais qui s’avère pragmatiquement utile pour «parler clinique» ? L’étymologie du mot «analyser» – du grec analuo, délier vers le haut 15 – nous suggère déjà des pistes. À elle seule cette archéologie du sens laisse entendre la spécificité d’une approche dont le propre serait de délier pour pouvoir re-lier d’une autre façon, le psychanalyste apparaissant dans cette perspective comme un psychothérapeute spécialisé en liens qui permettent la déliaison. Sans pouvoir nous étendre plus longuement, il est clair que la liaison et la déliaison se trouvent conceptuellement au cœur de la métapsychologie des pulsions : pulsions sexuelles de vie (liaison) et pulsions sexuelles de mort (déliaison) selon la reformulation freudolaplanchienne, moins lyrique mais plus précisément freudienne, du couple Éros et Thanatos 16 . À ce niveau, il est aisé de comprendre que la distinction «psychanalyse–psychothérapie psychanalytique»

est en fait interne à la cure et traverse de l’intérieur le travail de tout psychanalyste. Dans un article éclairant, Jean Laplanche distingue clairement le temps «psychothérapique» et le temps «analytique» propre à chaque cure : «Toute psychanalyse est en grande partie consacrée à la psychothérapie : à l’auto-historisation du sujet, avec l’aide plus ou moins active de l’analyste. Mais l’acte psychanalytique – parfois bien rare – est autre chose. Œuvre de déliaison, il tente de faire surgir des matériaux nouveaux pour une historicisation profondément renouvelée. Après tout, nous ne nous étonnerons pas de ce que le psychanalyste soit aussi prudent et parcimonieux : son travail de déliaison ne s’apparente-t-il pas à celui de la pulsion sexuelle de mort ? (…) La psychothérapie des psychoses et des cas “borderline” graves pose un tout autre préalable : le problème même de l’indication. Est-on en droit de «délier» ce qui est déjà en mal de liaison ? »17 Pas de deux Donald Woods Winnicott : «J’ai été invité à parler du traitement psychanalytique, tandis qu’en regard l’un de mes collègues était convié à prendre pour thème la psychothérapie individuelle. Je m’attendais à ce que nous commencions par la même question : comment établir la différence entre les deux ? En ce qui me concerne, je n’en suis pas capable. Pour moi, la question est la suivante : le thérapeute a-til eu une formation psychanalytique ou non ?»18

Si le terme latin ligare, «lier», a trait à l’art du bandage et donc du pansement -­‐ ce qui nous emmène du côté du soin -­‐ le grec luo, qui veut dire «délier», n’aurait pu être mieux choisi pour former le cœur même du mot «psychanalyse». Ce dernier se construit sur psycho, l'«âme» (dont on sait le rapport au souffle du vivant), mais sans oublier ana qui signifie «de bas en haut». Lexicalement dès lors, si le verbe analuo (qui donne en français «analyser») veut dire «délier», étymologiquement son sens est plus précis. Analuo, littéralement, c’est «délier de bas en haut», «délier vers l’amont». Au regard de la pratique psychanalytique, on ne saurait mieux dire. En outre, analuo signifie aussi «défaire une trame», «résoudre», «lever l’ancre». Bref, larguer les amarres. Que la guérison dans la cure vienne Didier Anzieu : «Pour moi, un travail de «par surcroît», comme le précise Lacan (Écrits, 1966, type psychanalytique a à se faire là où 324-­‐325), ne signifie pas qu’elle soit suspecte ou surgit l’inconscient : debout, assis, méprisable mais que sa dynamique ne s’apparente nullement à la conception du diagnostic et de la guérison allongé ; individuellement, en groupe ou en médecine — ce qui n’empêche le JAMA (Journal of dans une famille ; pendant la séance, sur le the american medical association, 2008) de se montrer pas de la porte, au pied d’un lit d’hôpital, des plus encourageants quant à l’efficacité de la etc. : partout où un sujet peut manifester psychanalyse : Effectiveness of psychodynamic long-­‐term psychotherapy, a meta-­‐analysis, http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=102 17 8649 . Jean Laplanche, Sexual. La sexualité élargie au sens 16 Voir : «La soit-­‐disant pulsion de mort : une pulsion freudien, PUF, Paris, 2007 18 sexuelle» (1995), in Jean Laplanche, Entre séduction et Donald Woods Winnicott, La petite “Piggle” (1977), inspiration : l’homme, PUF, Paris, 1999, pp 189-­‐218 Payot, Paris, 1980 • contact@apppsy.be • http://www.apppsy.be 15


8 ses angoisses, ses fantasmes, ses failles à quelqu’un supposé les entendre et apte à lui en rendre compte. L’inconscient ne répond pas nécessairement aux convocations régulières d’heure et de lieu et la durée des cures s’allonge de plus en plus à attendre avec passivité son hypothétique surgissement. (…) Une idolâtrie contemporaine soutient que le psychanalyste se doit d’être familier de l’inconscient et étranger à son patient. Le destin des sujets ainsi traités est curieux à observer : beaucoup se dépriment ; d’autres, chez qui la violence intérieure n’est pas pour autant morte, l’expriment par des passages à l’acte dans les séances ou dans la vie ; quelques-uns enfin aspirent à devenir psychanalystes, pour infliger à d’autres - comme Zazie qui voulait, au sortir du métro, devenir institutrice - le traitement subi par eux.»19 Freud y retrouvera les siens. Francis Martens

Depuis lors, à la Compsy la concentration du pouvoir au Bureau et auprès du coordinateur a été dénoncée ; il faut donner du pouvoir à l’Assemblée plénière. Enfin, un groupe de travail va surveiller les informations mises sur le site : dorénavant la décision passera par le Bureau. Il y a de fortes tensions au sein de la Compsy : les psychologues cliniciens vont devoir s’inscrire auprès du ministère de la santé et la question se posera de devoir choisir si l’on reste ou non à la Commsission des Psychologues. Que savons-nous de l’avancée des travaux concernant les arrêtés d’application pour la Loi Psychothérapie ? Tout se passe dans la plus grande opacité. Il semblerait que la ministre M. De Block veuille « réparer » la loi de 2014 et réformer l’AR 78. Elle veut un seul chapitre qui contienne toutes les professions de la santé, les unes s’exerçant au départ d’une prescription médicale, les autres pas. En ce qui concerne la loi de 2014, actuellement aucun des parlementaires signataires n’est au courant de ce qui passe chez la ministre de la Santé.

Le blog de Dominique sur la scène politique pour les psychologues La Commission des Psychologues, en la personne de la présidente Catherine Henry, a rencontré le ministre Borsus au sujet de l’AR du code de déontologie qu’il faut modifier. Lors de l’asssemblée plénière de la Compsy du 27 mars il a été annoncé que la modification du code de déontologie serait actée dans le PV.

Pour la ministre Maggy De Block, si les psychothérapeutes entrent dans l’AR 78, elle peut modifier la loi. Or nous ne voulons pas qu’elle change la loi de 2014. Même si cette loi est imparfaite, nouos nous sommes réjouis de cette avancée à laquelle nous avons œuvré pendant de nombreuses années. C’est pourquoi se sont constituées une confédération flamande (VAPGV) et une confédération francophone (CAOP) d’associations d’orientation psychanalytique, elles-mêmes partenaires respectivement d’une Coupole flamande et d’une Coupole francophone de psychothérapeutes, cette dernière étant encore en cours de constitution.

Didier Anzieu, «Être psychanalyste», in Francis Martens, Psychanalyse que reste-­‐t-­‐il de nos amours ?, Revue de l’université de Bruxelles, 1999/2, Complexe, Bruxelles, 2000, pp 199-­‐202 • contact@apppsy.be • http://www.apppsy.be 19

Dominique De Wilde


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Annonces AGENDA AVRIL • 9, 10 et 11 avril 2015 : Traumatismes, lien social et éthique - Organisateur : l’URFT du Centre hospitalier de saint Denis et al. - PAF : 120€ - Etudiants 30€ - Formation permanente 150€. - Renseignements et insciptions : 0033 (0)1 48209588 ou URFT, 4 Rue Franklin, 93200 St-Denis, hsd-pedopsy@ch-stdenis.fr • 25 avril : La psychanalyse et les mises en abyme de l’identité contemporaine de 9h30 à 17 - Organisateur : Association freudienne de Belgique - Lieu : Avenue de Roodebeek 15, 1030 Bruxelles - PAF : 30€ + 20€ (lunch) MAI • 4 mai : Journée sur la fratrie Stéphanie Haxhe, Densité et complexité du lien fraternel : le contexte de la ”parentification” de 9h30 à 16h30 - Organisateur : Formation à la thérapie contextuelle du Méridien - Lieu : SSM Le Méridien, rue du Méridien 68 ; 1210 Bruxelles - PAF : 40€ -20€ étudiants, sans emploi • 7 mai : Les pionniers de la table ronde :Des premiers émois amoureux comme élan, au risque d’achoppements de 17h30 à 21h - Organisateur : LBFSM - PAF : 15 € par table ronde - Inscriptions et renseignements : lbfsm@skynet.be ou 02 511 55 43 • 29 et 30 mai : La psychanalyse en des temps mouvementés, la psychanalyse en mouvement Colloque du 50e anniversaire de l’Ecole Belge de Psychanalyse – Belgische School voor Psychoanalyse - Organisateurs : Ecole Belge de psychanalyse - Lieu : Odisee, rue d’Assaut 8, 1000 Bruxelles - PAF : pour 29 et 30 : 170 – Etudiant 130€ - membre EBP 120€ ; pour 29 ou 30 : 90€ - étudiant 70€ - membre EBP 65€ lunch inclus - Inscription : exclusivement par congres.ebp-bsp@hotmail.com JUIN • 6 juin : Le secret professionnel en question (information détaillée ci-dessous) • contact@apppsy.be • http://www.apppsy.be


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Le secret professionnel en question A propos du nouveau code de déontologie des psychologues Rencontre et débat Samedi 6 juin de 09:00 à 13:00 Pavillon des Conférences, salle A Clos Chapelle-aux-Champs 19 1200 Bruxelles (métro Vandervelde) Accueil dès 08:45 09:00 09:15 09:45 10:00 10:15 10:35 11:05 11:20 11:35 12:05 12:20

Francis MARTENS, psychanalyste, psychothérapeute, APPPsy, Enjeux Thierry MOREAU, avocat, professeur à l’UCL, Secret professionnel, éthique et cadre juridique Frank HUTSEBAUT, juriste, professeur à la KUL. Discutant. Questions Tea time Geneviève MONNOYE, psychanalyste, psychothérapeute, APPPsy, Commission des Psychologues, Secret professionnel, éthique et pratique clinique (secret partagé) Brigitte LENZEN, psychanalyste, psychothérapeute, APPPsy, Commission des Psychologues. Discutante. Questions Véronique van der PLANCKE, avocate, vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme, Secret professionnel, éthique et enjeux sociétaux Lucien NOUWYNCK, magistrat, criminologue. Discutant Questions, Table ronde et débat, modérés par Xavier RENDERS, psychanalyste, psychothérapeute, APPPsy, Commission des Psychologues.

Inscription Le nombre de places étant limité, veuillez vous inscrire auprès de : contact@apppsy Participation aux frais non membres : 10 euros. • contact@apppsy.be • http://www.apppsy.be


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