MEMORANDUM PSYCHOTHERAPIE ET TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE une situation néfaste pour le patient, le praticien, le service public
En Belgique, le code de la TVA assujettit, en principe, les séances de psychothérapie au payement de la TVA (21%). Cette situation est néfaste car sans rapport ni avec la logique de la taxation sur la valeur ajoutée, ni avec la nature de la relation psychothérapeutique — réduite en l’occurrence à une transaction purement commerciale. De plus, la taxation s’applique non pas à une série d’actes professionnels bien définis (qui seraient créateurs de «valeur ajoutée») mais intervient uniquement en fonction du statut administratif de la personne qui pose l’acte ou de l’institution dans laquelle il a lieu. Ainsi paradoxalement, une même séance de psychothérapie, avec un même patient, sera soumise à la taxe si le praticien est un psychologue formé à la psychothérapie, et en sera exemptée s’il s’agit d’un médecin ou d’un infirmier - même non formé à cette discipline1 - car il relève d’une des professions énumérées dans l’Arrêté Royal n°78 sur l’exercice des soins de santé. Avec cette absurdité - quant à la notion même de «valeur ajoutée» - qui verra la même séance, accompagnée par le même psychologue psychothérapeute, soumise à la taxe ou non selon qu’elle a lieu dans son bureau d’exercice privé ou dans le cadre d’un Service de Santé Mentale2. Non seulement, cette situation est absurde et contraire à l’esprit des dispositions de l’Union Européenne en la matière, mais elle dénature tant la logique de la loi sur la TVA que la réalité de la relation psychothérapeutique. Elle aboutit à ce qu’un médecin pratiquant des actes techniques dans un contexte à tonalité plutôt commerciale (par exemple, en matière de soins esthétiques), ne voit pas ses interventions taxées – parce que liées au statut administratif de sa profession – alors que des séances de psychothérapie en circonstances d’urgence vitale (par exemple, en cas d’anorexie aiguë), donnent lieu à des honoraires majorés de 21% si elles sont menées par un psychothérapeute non médecin (ou non paramédical, au sens de l’A. R. n°78). Cette situation, issue d’un montage juridique favorisé par l’absence de statut spécifique des professions de la santé mentale3, n’est pas qu’absurde, elle est malsaine : - en effet, vu le contexte chaotique évoqué ci-dessus, la loi est appliquée de façon variable : se sentant discriminés, les psychothérapeutes ont tendance à ne pas s’y soumettre, conscients de la complexité du terrain, les agents du service public la considèrent avec souplesse
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Les études de médecine (psychiatrie y compris) pas plus que celles de psychologie, ne comportent de formation à la psychothérapie. Celle-ci relève d’un choix personnel et d’un trajet ultérieur (par exemple, via un troisième cycle). 2 Les actes du psychologue clinicien bénéficient de l’exemption de la TVA en matière de formation, d’orientation scolaire et de guidance familiale. Ils sont clairement soumis à la taxation, par contre, dans le cas d’actes techniques devant servir à une tierce partie (par exemple, une expertise demandée par un magistrat). 3 La précédente législature a vu plusieurs propositions et un projet de loi élaborés en la matière, ayant en commun la prise en compte de la spécificité des professions de la santé mentale dans le cadre de l’A. R. n°78. Le projet issu du Ministère de la Santé Publique et des Affaires Sociales prévoit notamment la création, qui serait particulièrement utile, d’un Conseil Supérieur de la Santé Mentale.
- en outre, à qualification égale en matière de psychothérapie, les psychothérapeutes non médecins sont, du point de vue des honoraires, doublement pénalisés : déjà taxés de façon discriminatoire, ils ne bénéficient pas non plus d’un code INAMI permettant le remboursement partiel de leurs actes - enfin, c’est la spécificité même de la relation psychothérapeutique qui est ici dénaturée : réduite en l’occurrence à une prestation marchande, alors qu’il s’agit d’accompagner humainement - de façon plus relationnelle que technique - un chemin de guérison à chaque fois unique. Ce contexte taxatoire, non seulement inadéquat mais discriminatoire, ne peut que nuire à la clarté du cadre et à la justesse de la relation nécessaires au bon exercice de la profession de psychothérapeute. De plus, par-delà toute pirouette juridique, il pose de réelles questions quant au respect du principe constitutionnel d’égalité entre citoyens au regard de la loi. Nous demandons dès lors aux femmes et aux hommes politiques, et tout particulièrement aux présidents de parti, aux parlementaires et aux futurs membres du gouvernement, de bien vouloir prendre en considération cette question — de peu d’incidence sur la fiscalité, mais d’une réelle importance aux plans humain et démocratique. Nous vous remercions de nous avoir lus et restons à votre disposition pour tout échange ou précision complémentaires.
APPPsy 4 Association des psychologues praticiens d’orientation psychanalytique
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Exigeant de ses membres un important bagage de formation post-universitaire, l’APPPsy est numériquement la plus importante association de psychologues cliniciens de la partie francophone du pays. Adresses de contact : - Francis MARTENS, président : 95, rue de l’Arbre-Bénit, 1050 Bruxelles, francis.martens@skynet.be - Ria WALGRAFFE, secrétaire du bureau : 3, route de Villers, 1490 Court-St-Etienne, riawalgraffe@skynet.be
ANNEXE Code de la TVA : articles utiles5 Article 1§ 1er. Il est établi sous le nom de taxe sur la valeur ajoutée un impôt sur le chiffre d'affaires, qui se perçoit dans les conditions et selon les modalités déterminées par le présent code. Article 4§ 1er. Est un assujetti quiconque effectue, dans l'exercice d'une activité économique, d'une manière habituelle et indépendante, à titre principal ou à titre d'appoint, avec ou sans esprit de lucre, des livraisons de biens ou des prestations de services visées par le présent code, quel que soit le lieu où s'exerce l'activité économique. Article 18§ 1er. Est considérée comme prestation de services, toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens du présent code. Article 44§ 1er. Sont exemptées de la taxe, les prestations de services exécutées, dans l'exercice de leur activité habituelle, par les personnes suivantes : 1° les notaires, les avocats et les huissiers de justice 2° les médecins, les dentistes, les kinésithérapeutes, les accoucheuses, les infirmiers et les infirmières, les soigneurs et les soigneuses, les garde-malades, les masseurs et les masseuses, dont les prestations de soins à la personne sont reprises dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité § 2. Sont aussi exemptées de la taxe 5° les prestations de services qui ont pour objet l'orientation scolaire ou familiale ainsi que les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées
Définitions6 Valeur ajoutée La valeur ajoutée est une notion d'économie qui permet de mesurer la valeur créée par un acteur économique. Lorsqu'une entreprise vend un produit, elle n'est pas la créatrice de tout ce qui compose le produit. Le plus souvent, elle a acheté des matières premières, des produits semi-finis (intermédiaires), elle utilise de l'énergie et des services produits par d'autres. Elle effectue une production à partir de tous ces éléments en utilisant du travail et c'est par ce travail qu'elle crée de la valeur (valeur qui s'ajoute aux valeurs des biens et services qu'elle a acheté et qu'elle transforme. La différence entre le prix de vente de son produit et la valeur totale des dépenses qu'elle a engagé pour se procurer les biens et services qu'elle transforme, représente la valeur ajoutée. Les dépenses d'acquisition des biens et services qu'elle utilise constituent des consommations intermédiaires puisqu'il s'agit de biens et services qui seront détruits (transformés) donc consommés, et parce qu'ils participent à la production d'un bien ou d'un service final (elles sont donc intermédiaires) Service Un service est une action effectuée par une entité, (personne physique ou morale, entreprise, machine, programme) pour le bien d'une autre, avec ou sans contrepartie. On dit rendre un service. Le terme service a donc un très large champ d'application. En économie, un service, appelé aussi bien immatériel, est un bien dont la production et la consommation sont réalisées simultanément; il ne consiste pas en une création mais en une transformation. En ce sens, un coiffeur ne produit pas un bien mais un service. Assujetti Synonyme de redevable. En pratique, terme généralement utilisé pour désigner le contribuable personnellement tenu au paiement de l'impôt, en raison de son activité ou des opérations qu'il effectue. 5 6
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