Mon pays, ce n’est pas un pays c’est l’hiver ... Pauvreté et Santé Mentale
Belle trouvaille que cet intitulé : « La pauvreté, un fait d’hiver ? » ! Un fait divers... quelque chose qui reste marginal, latéral, en dernière rubrique de la presse en été. Mais, en hiver, quand il fait froid, quand on trébuche par hasard sur la mort d’un sans-abri, la réalité réapparaît. Une mise en commun comme celle d’aujourd’hui atteste que, pour nous tous, la pauvreté n’est pas un fait divers. Yvan Mayeur d’emblée a rappelé des chiffres effrayants. Surtout si l’on se souvient que la Belgique apparaît comme le sixième pays le mieux classé au niveau du bien-être dans l’univers connu. N’empêche qu’il y a cette pauvreté, jadis concentrée pas très loin d’ici puisque Les Marolles - que les «promoteurs» veulent effacer sous l’appelation « Quartier Bruegel » - sont à un jet de pierre. Par parenthèse, cette volonté de débaptiser, pour des raisons strictement vénales, est gravissime d’un point de vue symbolique. Et tragiquement cohérente d’un point de vue prédateur. Mais il y a surtout cette autre pauvreté qu’on aperçoit tous les jours, vaguement gênés, à la porte de nos téléviseurs : ces gens accrochés aux clôtures des pays nantis, à Ceuta ou à Melilla, et qui rappellent étrangement ceux du film de John Boorman « Zardoz » (1973). Il y avait là d’un côté, l’élite de l’univers encore existant rassemblée dans le « Vortex », une sorte d’Eden chlorotique pour nantis avec les vestiges rassemblés de la culture universelle. Et de l’autre, se dressait une sorte de clôture technologique invisible autant qu’infranchissable où « les autres », réduits à la barbarie, venaient s’écraser sans accès à la prospérité où s’anéantissaient les premiers. C’est tout à fait l’anticipation de Ceuta et Melilla, sauf qu’à l’intérieur c’est là toute la beauté et la pertinence du film - les gens crèvent d’être coupés du brassage de la vie et, en tant qu’êtres humains, ils s’éteignent malgré leur immortalité technologique. « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver. Ma maison, ce n’est pas une maison, c’est froidure », dit la belle chanson de Gilles Vignault... Être pauvre, ce n’est pas seulement une privation matérielle, c’est aussi une grave désolation psychique. Du moins dans nos parages.
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« L’homme est un animal malade » Aux côtés de Gilles Vignault, c’est une autre Québécoise, Linda Lemay, qui pourrait illustrer cette problématique. Elle a écrit une chanson qui parle d’une famille un peu délabrée, issue du quart monde québecois - « Les Torchons et les Guenilles » - avec un couplet magnifique qui rappelle que « Les grands remèdes à nos grands maux, on les trouve pas en pharmacie ». Même s’il faut des réponses pratiques, sociales, bien articulées, il n’y aura jamais aucune réponse simplement technique à la pauvreté. Une autre citation, du philosophe catalan Miguel de Unamuno celle-ci, affine la problématique : « L’homme est un animal malade ». Par définition, nous le sommes tous, « malades », parce qu’humains. « Animaux dénaturés », disait Sartre. En cette faiblesse paradoxalement gît le ressort de notre créativité. Néanmoins, lorsqu’on est trop blessé dans son humanité, s’envole aussi la créativité. Si l’on est exclu de l’échange interhumain, si l’on n’est plus « donneur » de quoi que ce soit dans la vie sociale, on finit par s’effondrer, passer du mauvais côté de la santé mentale. Heureusement, à la maxime de Unamuno avait déjà répondu, par anticipation, le proverbe wolof (Sénégal, Afrique de l’Ouest) « L’homme est le remède de l’homme ». Échange et coopération Il y a, depuis les 19ème et 20ème siècle, trois grands systèmes anthropologiques qui nous aident à penser. Le système de Marx (plutôt marxien que marxiste) qui est tout... - il faut le dire, le répéter, le marteler - qui est tout, sauf dépassé. On prend prétexte bien sûr des abus totalitaires pour dire que Marx n’est plus qu’une vieille barbe, toxique de surcroît. Pourtant, une bonne part de ses analyses reste on ne peut plus contemporaine. D’une certaine façon, c’est même beaucoup plus criant – bien que mieux dissimulé - dans le monde néolibéral qu’à l’époque de Germinal. Le deuxième grand système anthropologique de référence est celui de Freud, notamment quand il s’interroge sur la santé. Il a cette réponse, d’une simplicité extraordinaire quand on connaît le jargon habituel des psychanalystes : « La santé ? C’est être capable d’aimer et de travailler ». Cela paraît simpliste, mais signifie qu’il n’est point de santé pour lui concevable, sans qu’on soit inscrit dans un mouvement d’échange économique, langagier, culturel, sexuel, amoureux, etc. Le troisième modèle anthropologique est celui de Lévi-Strauss qui, à partir d’études pointues sur
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les systèmes de parenté de populations lointaines, débouche sur une conclusion bibliquement simple quant à la condition sine qua non à toute vie en société. Pour lui, société égale échange. Il n’y a pas de société humaine sans coopération, ni donc sans le minimum de réciprocité qui la rend possible. L’être humain est trop fragile pour cela. Il lui faut trois, quatre ans, de vie biologique, pour arriver à se débrouiller tant soit peu par lui-même. Sans assistance, entraide, au sein du groupe, il meurt tout simplement — et la société s’éteint. Il est, à ce sujet, fort étonnant que les darwiniens et les néodarwiniens n’aient jamais planché (à ma connaissance) sur le côté paradoxalement adaptatif de l’extraordinaire fragilité humaine, si l’on compare celle du petit d’homme à celle de toute autre progéniture animale (en réalité, quand il vient au monde, le petit être humain possède une bonne part des caractéristiques et de la vulnérabilité d’un fœtus de primate venu au monde avant terme). Cette contrainte d’assistance prolongée - qui a fait que nous ayons contre toute vraisemblance survécu - amène à constater qu’au cœur de la notion même d’humanité, il y a l’exigence de coopération et de réciprocité. Il y a là comme le cœur éthologique de l’éthique universelle. Lévi-Strauss insistera donc sur l’équation « société = échange ». Il attirera l’attention sur la nécessaire réciprocité dans l’échange si on veut en assurer la pérennité. Un pas plus loin, on peut affirmer que sans bénéficier de la solidarité, il est impossible de survivre en tant qu’être humain individuel aussi bien que sociétal. Aucun individu, en réalité, ne peut se passer de société humaine. Solidarité ? Mais qu’englobe-t-on d’essentiel sous le vocable usé de « solidarité » ? Il s’agit en fait d’une réciprocité particulière où l’on accepte de miser dans le jeu social sans espérer de retour rapide ni visible de son investissement. Il s’agit de consentir à ce que la réciprocité soit différée. On parie sur une éventuelle réciprocité, en sachant que le retour escompté ne viendra pas directement, ni même sans doute de son vivant. Ce seront peut-être mes petits-enfants, ou certaines personnes peuplant un ailleurs très lointain, à jamais inconnues de moi, qui en bénéficieront. La solidarité, autrement dit, c’est un investissement non directement rentable dans l’espèce humaine et dans ses conditions de survie. On peut bien sûr – et on n’y manque pas transgresser cette exigence de solidarité qui découle de la fragilité de l’espèce
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humaine. Celle-ci ayant stocké sur des millénaires un immense patrimoine de coopération, coulé dans les institutions, l’effet délétère de prime abord passe inaperçu. Inéluctablement pourtant, si l’on grignote trop ce patrimoine éthologique autant qu’éthique, l’édifice qui nous protège ne peut que s’écrouler. Dès lors, promouvoir la solidarité n’est pas une affaire de belles âmes mais bien plutôt de sain réalisme au vu de la précarité de l’univers humain. Il s’agit tout simplement d’assurer nos arrières et de léguer un avenir vivable à nos enfants. « La démocratie en Amérique » Une autre source de réflexion nous est offerte par l’œuvre d’Alexis de Tocqueville. Cet homme de l’Ancien Régime est entraîné bon gré mal gré dans les conséquences immédiates de la Révolution de 1789. Il devient juriste et s’interroge avec passion et sagacité sur les diverses implications du système démocratique. Dans deux volumes absolument extraordinaires consacrés à la démocratie en Amérique, Tocqueville nous explique en réalité comment nous vivons, aujourd’hui, dans le monde néolibéral... Il le fait suite à un voyage de six mois aux Etats-Unis, à l’âge de 27 ans. Sa mission officielle était d’étudier le système pénitentiaire américain. Véritable révélation ! le jeune juriste en revient transformé en politologue et en anthropologue de la jeune réalité démocratique. Il s’intéresse au fonctionnement des gens autant qu’à celui des institutions et du système social dans son ensemble. À titre d’échantillon, voici un extrait, faussement banal, du volume 2 de « La démocratie en Amérique ». Le titre annonce : « Pourquoi les Américains se montrent t-ils si inquiets au milieu de leur bien-être ? » :
On rencontre encore quelquefois, dans
certains cantons retirés de l'ancien monde, de petites populations qui ont été comme oubliées au milieu du tumulte universel et qui sont restées immobiles quand tout remuait autour d'elles. La plupart de ces peuples sont fort ignorants et fort misérables; ils ne se mêlent point aux affaires du gouvernement et souvent les gouvernements les oppriment. Cependant, ils montrent d'ordinaire un visage serein, et ils font souvent paraître une humeur enjouée. J'ai vu en Amérique les hommes les plus libres et les plus éclairés, placés dans la condition la plus heureuse qui soit au monde; il m'a semblé qu'une sorte de nuage couvrait habituellement leurs traits; ils m'ont paru graves et presque tristes jusque dans leur plaisir. La principale raison de ceci est que les premiers ne pensent point aux maux qu'ils endurent, tandis que les autres songent sans cesse aux biens qu'ils n'ont pas.
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Tocqueville explique en outre pourquoi il y a beaucoup de suicides en Europe et fort peu aux États-Unis. Aux Etats-Unis, la religion interdit le suicide : on ne se suicide pas, on devient fou. En Europe, la religion est moins opprimante : le suicide est déjà une épidémie considérée comme préoccupante en 1833 ! Ce que Tocqueville pointe, dans le texte qui précède, est une composante cruellement absente du monde néolibéral (où nous occupons, rappelons-le, la sixième position au tableau de l’excellence du niveau de vie). L’insertion dans un tissu social de bonne qualité, où chaque être humain trouve sa place, où il peut se voir reconnu dans le visage de l’autre et partager avec lui son pain, peut compenser la rareté et la dureté de ce pain. Il est ainsi des humains qui sont dans l’être, même si leur avoir est exigu. Dans nos sociétés, anticipées par Tocqueville dès 1840, il y a prévalence angoissée de l’avoir tandis que l’être se réduit comme une peau de chagrin. Dans un monde marqué par le détricotage du tissu social et l’érosion de la solidarité, l’être se réduit peu à peu à l’avoir. Glissement sémantique et existentiel radical : progressivement, il semble que n’avoir rien équivaille subjectivement à n’être rien. L’effondrement guette. Dans 15 % des cas, la dépression grave mène au suicide. « Pauvre » Dans le Robert, le « pauvre » est défini comme : celui qui manque du nécessaire, qui n’a que le strict nécessaire, est dénué, dépourvu. Mais qu’entend-on par nécessaire ? C’est là que « La pauvreté, un fait d’hiver ? » s’avère un excellent titre, car certes le nécessaire apparaît un peu plus à la faveur du froid réel. N’apparaît néanmoins à ce moment que la partie émergée de l’iceberg. Car il y a le nécessaire invisible qu’on vient d’évoquer, qui peut maintenir l’être malgré les lézardes de l’avoir. Le mot « pauvre » étymologiquement remonte à pauper, adjectif latin venant lui-même de paucus qui veut dire «peu», et à pario qui veut dire « produire ». En latin, un pauvre est donc quelqu’un qui ne possède pas beaucoup, qui produit peu ou rien. Il y a là un aspect fondamental. On retrouve Freud et Lévi-Strauss dans leur accentuation des nécessités de l’échange. Il faut avoir quelque chose à miser dans le circuit interhumain. Sans cela, plus de place, hors-jeu, moins que rien. Mourir ou se laisser mourir ne fait que ratifier physiquement un vécu psychologique d’isolement et de dépréciation mortifère.
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Marchandisation La santé comme absence de troubles, de maladies ? ... Depuis un certain temps, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) promeut une définition plus en positivité où la santé mentale ne consiste pas seulement en une absence de troubles mentaux : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. La santé mentale est un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté. » On voit d’emblée que la santé mentale se définit ici par la capacité à créer du lien social et à surmonter les conflits inhérents à la condition humaine, tout autant que par une productivité marquée par la créativité. Être partie prenante de sa vie au fil du quotidien est aussi vital que non spectaculaire. Chaque partenaire ne peut qu’en profiter, chaque tissu social ne peut qu’y gagner en souplesse et en solidité. Beaucoup de choses hélas viennent compromettre cet indispensable processus. Notamment, dans le décours de la réflexion marxienne, le «fétichisme de la marchandise». Qu’est-ce à dire ? En principe, en contexte non pathologique, les êtres humains produisent et échangent leurs produits au gré de leurs besoins et désirs respectifs. Il y va d’une dimension essentielle car, outre ses bénéfices immédiats, l’échange ouvre sur le monde extérieur et permet d’élargir participation et coopération. Dans l’histoire de nos sociétés, l’échange - basé initialement sur un donnant-donnant sans étape intermédiaire – élargit spectaculairement ses réseaux via l’invention d’un médium beaucoup plus souple que le troc : la monnaie. Marx va noter que les produits, devenus «marchandises» (et non plus seulement objets de consommation immédiate) dans les circuits élargis de l’échange, se définissent encore initialement par leur valeur d’usage. Ainsi, je produis du raisin, je le consomme, c’est mon usage. Mais peut-être, m’étant sali les mains en cueillant le raisin de ma vigne, ai-je besoin de savon ? Je vais donc échanger une grappe de raisin contre un pain du savon que produit mon voisin de gauche. Je me savonne les mains, c’est mon usage. Il se fait, pour un autre usage, que j’ai en outre besoin de beurre alors que le voisin de droite, qui en a produit, n’a lui nul besoin de raisin. Mais peut-être un savon l’intéresserait-il ? Dieu merci ! de nature prévoyante, j’avais
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échangé deux grappes de raisins contre deux savons à mon premier voisin, bien que n’ayant l’usage immédiat que d’un seul. Je n’ignorais pas que moyennant – monneyant - le second savon, je pourrais obtenir une motte de beurre de mon voisin de droite. Et ainsi de suite. Spéculation Le savon, dans cette histoire, outre sa valeur d’usage acquiert celle de valeur – de moyen - d’échange. Plus prévoyant encore, je peux avoir par anticipation vendu 100 grappes de mes éphémères raisins contre 100 savons ne se gâtant pas, sachant qu’il me faudrait l’hiver venu des «moyens» pour opérer d’autres trocs, assouvir d’autres besoins. Par la suite, le savon – doté désormais autant d’une valeur d’échange que d’une valeur d’usage – pourra se voir remplacé par un médium plus aisé dont la valeur d’usage se réduira en fait à celle d’un objet propre à servir d’intermédiaire conventionnel pour toutes sortes possibles d’échanges (allant de l’achat d’une cornemuse à celui du silence de quelqu’un, et de l’obtention des services d’une marchande de caresses à ceux d’un tueur à gages). Cette «monnaie» pourra prendre des formes multiples et de plus en plus abstraites : or, argent, billets de banque, chèques, titres au porteur, jusqu’à ces étranges objets dématérialisés, gravitant sur internet, capables sous l’impulsion d’une « souris » de faire croître ou vaciller des empires boursiers. Car bien sûr, l’histoire du savon et de la grappe de raisin ne s’arrête pas en si bon chemin. En effet, des petits malins n’auront manqué de constater qu’en telle saison les gens manquent de savon, le suif se faisant rare et limitant la production. Il serait dès lors profitable de se procurer mille savons, de les stocker, et de les remettre sur le marché en période de pénurie. Quand les gens se mettront à en manquer, il ne sera pas difficile de les marchander chacun contre 2, 3, voire 10 mottes de beurre. Tout à coup, par-delà leur élémentaire valeur d’usage et leur simple valeur d’échange, le produit et la marchandise «savon» auront acquis un pouvoir multiplicateur sans plus de rapport avec la réalité du travail impliqué dans la fabrication. Autrement dit, ils se seront mués en un moyen quasi magique de production de richesse. De produit de consommation, le savon sera devenu moyen de spéculation. Chemin faisant, la marchandise se sera progressivement détachée, non seulement de sa valeur d’usage mais de toute empreinte humaine liée à son
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élaboration : sorte d’ustensile abstrait mais redoutablement efficace, dont la seule valeur désormais est d’engendrer de la «plus value». Rationalité économique ? Un des soldes de l’opération, c’est que le réseau humain, le travail et le travailleur (dont le produit est censé garder la trace et répercuter un écho de la valeur) n’ont plus aucune importance. Lorsque la marchandise est devenue pur produit spéculatif, peu importe sa nécessité et son usage spécifique (l’utilité en soi du raisin, du beurre, du savon, ...). Peu importe le savoir-faire, le projet des hommes et des femmes qui marquent son origine. Peu importe son inscription dans un réseau de réciprocité. Il s’agit seulement de la voir circuler et rapporter. Elle n’est plus, en fait, que le « fétiche » d’une possibilité de profit sans rapport désormais avec une valeur intrinsèque. Le sociologue Lucien Goldman a remarqué que lorsque la marchandise tendait à se fétichiser de cette façon, que son utilité glissait du côté de la production «magique» (car indépendante de tout travail) de plus value, elle acquérait comme une étrange dignité se répercutant dans le langage de tous les jours. Ainsi, alors que le réseau d’échange et de travail qui permet d’avoir chaud l’hiver participe pour moi de la plus totale abstraction, lorsque j’attends une livraison de mazout, j’annonce par contre : « Le mazout va venir »... Plutôt que de dire : « J’attends le livreur » ou « Paul va arriver d’un instant à l’autre ». Mine de rien, dans cette façon de parler, le livreur – désubjectivé, déshumanisé - se voit réduit au rang d’accessoire anonyme du produit livré, tandis que ce dernier - fétichisé, anthropomorphisé – bénéficie des attributs linguistiques d’une miraculeuse autonomie : « Le mazout va venir ». L’ennui, dans ce tour de passe-passe, c’est que si la marchandise n’a pas d’états d’âme, le travailleur probablement si. Plus fort que le fétichisme ordinaire de la marchandise, fils d’un capitalisme industriel et entrepreneurial concret, s’avère le culte du «pur produit financier». Au nom de ses seuls intérêts, à la faveur de la latitude offerte par le néolibéralisme, un quidam doté de titres financiers qu’il n’a jamais touchés de sa main peut, en surfant sur le web, faire se mouvoir des millions d’un côté du globe à l’autre et engranger, le soir venu, de substantiels bénéfices — pour peu qu’il connaisse les règles de cet étrange monopoly. On pourrait parler de «super magie» du produit purement
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financier. Mais non moins magique bien sûr est ce qui se passe sur le terrain, du côté de l’autre réalité. Lorsque le titulaire de « valeurs » fait glisser ses investissements d’un endroit à l’autre (passant, par exemple, d’une clinique à un institut d’enseignement, pour aboutir à une fabrique d’armes), cela se traduit tout en bas par « dégraissage », « rationalisation », « réorganisation », « délocalisation »... Le tout assorti d’un discours attristé sur l’inévitabilité mathématique des décisions de licenciement, et de quelques propos rassurants sur le fait que « les délocalisations d’aujourd’hui sont les emplois de demain » (ce qui serait peut-être vrai dans le cadre d’un capitalisme entrepreneurial, mais participe de la mystification dans celui d’un jeu purement financier). En réalité, dans cette vision du monde le travail, devenu marchandise, est comme toute marchandise jetable après usage. Si depuis Germinal le paysage semble s’être grandement amélioré, il reste que sur le fond la dynamique de
l’instrumentalisation
et
de
l’objectivation
n’a
pas
changé.
Même
technocratiquement « clean » et imperturbablement souriante, la férocité reste la férocité. Un discours biaisé Sur chaque terrain concret, la situation apparaît évidemment moins simple. C’est de bonne foi que beaucoup de décideurs, face à l’inextricable du moment, se voient obligés d’effectuer une sale besogne. Ce ne sont pas eux après tout qui ont décidé d’un modèle mondial basé sur la stimulation de l’économie par l’immédiateté du profit, dans un environnement peu régulé, plutôt que sur le respect, le développement durable et le partage des ressources. N’empêche que l’analyse de l’« inévitable » pèche souvent par omission. Avec une grande constance, dans l’inventaire qui doit mener au maintien ou à la liquidation d’une entreprise, sa productivité en « humanité » apparaît comme une variable non pertinente. Dans une logique de pure spéculation, il n’est de ressort que le profit à court terme et de régulateur que la concurrence. Qu’une entreprise, outre ses produits et ses bénéfices, puisse s’avérer rentable en tant que productrice de travail, de compétence, de créativité, d’identité, de lien social, de projet de vie et d’estime de soi n’a strictement, à ce niveau, aucun sens. Il n’y a là, parmi d’autres, qu’objets jetables après usage. C’est bien pourquoi, sous ses habits d’impérieuse rationalité, la motivation des choix qui mènent aux délocalisations excelle en faux semblants.
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Considérons, par exemple, le délabrement des conditions de vie de nombre de travailleurs chinois (au regard des critères européens), et en même temps l’irrésistible compétitivité du textile produit en République Populaire de Chine. Dans un cadre privilégiant la libre concurrence, la cause semble entendue. À y regarder mieux pourtant, on s’aperçoit que les délocalisations justifiées - en tant que «moindre mal» - au regard des impératifs de l’économie locale, ne reposent en vérité que sur les intérêts privés d’une petite minorité. Ainsi, d’après une récente étude de Febeltex (Fédération belge du Textile), le produit fini ne représente en lui-même qu’un tiers du prix de vente, les deux tiers restants allant à la distribution. Dans ces conditions, faire réaliser la confection à moindre prix en Chine ne se solde jamais que par un gain de 4,5% pour le consommateur. En outre, on sait que l’actuelle compétitivité chinoise ne peut à terme que s’amenuiser, ce qui ne manquera de raboter ces 4,5%. Dans ce contexte, il apparaît crûment que la logique des délocalisations, dites « vitales pour l’économie », ne participe que de la maximisation des gains pour quelques-uns — au prix de la production de chômage, de pauvreté, et de misère psychique pour un plus grand nombre. Un des moindres crimes commis au nom de l’économie de marché n’est pas celui du démantèlement du service public, sous prétexte de productivité financière. Tout récemment, en Belgique et sans réel débat, la poste danoise et le groupe financier britannique CVC sont entrés dans le capital de La Poste. « Il y aura beaucoup à faire pour améliorer la productivité des employés de La Poste », a remarqué Helge Israelsen, le patron de Post Danmark. Pratiquement, cela veut dire qu’à court terme 25% d’emplois auront disparu, de même que les facteurs et de nombreux bureaux de poste. Heureusement, La Poste en contrepartie sera devenue un « opérateur compétitif » sur le marché européen. Cela vaut bien un petit sacrifice et quelques chômeurs en plus. Peu importe la mise à mal du maillage social dont les bureaux de poste et les facteurs sont un élément non négligeable. La variable délibérément ignorée par le néolibéralisme mondialisé, c’est bien le monde du travail en tant qu’espace de vie et producteur de relations humaines. Les ravages intimes liés à la privatisation des chemins de fer britanniques ont été décrits de façon bouleversante par Ken Loach, dans le film «The Navigators» (2002).
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Une fabrique de pauvreté Le chômage comme outil d’accroissement de la compétitivité, qu’est-ce donc ? sinon une production systématique de pauvreté et de souffrance psychique. Bien que notre système social permette de s’en tirer vaille que vaille au niveau alimentaire, il faut parfois déménager, quitter son milieu de vie. Il arrive que le couple explose, que tout projet soit cassé net. Rationaliser, dégraisser, délocaliser, au nom d’impératifs exclusivement financiers, c’est s’attaquer à la part d’humanité générée par le travail : à la reconnaissance mutuelle dans la collaboration, à la créativité qu’on peut instiller au sein des tâches les plus banales, au statut d’acteur dans la vie sociale, aux liens qui se tissent là où l’on vit tant de jours par an. Force est de le constater, la conception du travail en tant que producteur de sens et de valeur humaine n’inquiète pas les «décideurs». Du point de vue de l’objectivation des hommes et des femmes, le monde financier néolibéral n’est pas différent qualitativement de celui du capitalisme décrit par Marx. Entre la pauvreté et la santé mentale, le maillon de la perte du travail est décisif car il fragilise autant la sécurité matérielle que l’identité, l’intégrité physique que l’équilibre psychique. Un gène du chômage ? Il n’est pas inutile de faire appel à certaines données statistiques. Les plus récentes projections épidémiologiques estiment que, dès l’an 2020, tous continents confondus, la dépression sera devenue la seconde cause d’invalidité au monde, après les maladies cardiovasculaires. C’est le moment de redire encore ce que tous les psychiatres savent, et que confirment toutes les statistiques : à savoir que 15 % des dépressions graves mènent au suicide. Une étude française tout à fait récente montre, en outre, que la dépression est corrélée à deux situations existentielles précises non sans rapport avec l’espace social : tout d’abord, la solitude (deuil, rupture, veuvage, célibat), ensuite le chômage. Ces statistiques portent sur des éléments purement factuels. Quand certains chercheurs, de bonne foi mais de moins bon sens, s’en vont traquer « le gène de la dépression », ils risquent – sans doute non par hasard – de faire l’impasse sur l’aspect socio-économique du phénomène. Il y a peut-être une composante génétique dans la plus ou moins grande résistance au stress. Ce dernier, il est clair, favorise l’éclosion de toutes sortes de maladies, tant psychiques que somatiques. Avec son corrélat fréquent de glissement dans la
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pauvreté relationnelle et matérielle, le chômage est évidemment générateur de stress. Mais le gène du chômage n’existe pas ! Le chômage est une production de pauvreté, de stress et de fragilité psychique, induite par un système socioéconomique donné. En l’occurrence, un type de société qui a choisi comme aiguillon la course au profit plutôt l’aménagement équitable des ressources — ce qui impliquerait une tout autre vision du politique, donnant à l’État le pas sur les intérêts privés. La nudité des chiffres Si la production du chômage et de la pauvreté n’est pas en soi irrémédiable, le traitement de celle-ci sur le modèle des soins palliatifs ne l’est pas moins. Certes, il faut remédier d’urgence aux carences matérielles qui menacent la vie à court terme, mais l’assistance «hivernale» ne suffit pas. Si l’on veut aider nos concitoyens piégés par la pauvreté à s’en affranchir, cela passe surtout par une offre discrète mais insistante de remaillage actif de leur tissu social. En effet, si les gens sont ou se sentent radicalement exclus de la société, si l’assistance aux pauvres – même souriante – les met un peu plus hors du jeu de l’échange et de la réciprocité, s’ils se vivent en fin de compte comme des déchets passifs, stockés dans le cul-de-sac de la « bienfaisance », ils ne peuvent alors que sombrer dans la haine de soi et des autres — désastreuse au plan intime, comme à celui de comportements qui ne pourront, en retour, que resserrer la nasse de l’exclusion. Certes, il est des cas rares où c’est la pathologie mentale qui débouche sur la pauvreté. Un grand psychotique a peu de chance d’y échapper s’il ne bénéficie pas d’un environnement familial tant soit peu privélégié. Par ailleurs, certains trajets de clochardisation (et la pauvreté qui les accompagne) procèdent de conduites « en rupture » qui participent activement d’un refus du cul-de-sac et d’une tentative d’autonomisation. Mais pour le reste, le lien entre santé mentale et pauvreté va toujours dans le même sens. Ici, le côté un peu grossier des chiffres s’accorde bien au peu de nuance dans les destinées. Une recherche – jamais démentie - menée dans la ville de New Haven (USA, Hollingshead et Redlich, 1958) montre que 40% des consultations dans le domaine de la santé mentale ont lieu à partir du cinquième le moins favorisé de la population : le milieu des travailleurs non qualifiés ou sans
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emploi. Deux fois plus donc que la moyenne locale. De même, dans une très grande enquête effectuée dans l’Est du Québec, en Estrie, au début de années 70 (Denis et collaborateurs, 1973), on constate un lien absolument linéaire entre le revenu et la santé mentale. Plus le revenu est grand, moins on consulte. Le pic de problèmes identifiés en santé mentale correspond précisément, dans cette étude, au creux le plus net de pauvreté (région de Thetford Mines). De façon générale, diverses recherches attestent que, du point de vue de l’effondrement mental, à dénuement matériel identique, c’est la déchirure du tissu social qui fait la différence. Ainsi, les quartiers pauvres culturellement hétérogènes sont-ils plus pathogènes pour leurs habitants que les quartiers pauvres culturellement homogènes (Levy et Rowitz, 1973). Dans une région rurale démunie de Nouvelle Écosse, on observe une meilleure santé mentale dans les villages organisés sous un leadership fort que dans ceux qui apparaissent socialement désorganisés (Leighton, 1963). De même, dans les quartiers des villes anglaises les plus pauvres, la délinquance est peu élevée si le sens de l’appartenance culturelle n’a pas été entamé (Wedmore et Freeman, 1984). « La pauvreté », note Michel Tousignant (Université du Québec à Montréal), « ne conduit pas à une détérioration de la santé mentale si le tissu social demeure relativement intact et si une solidarité peut se maintenir à l’intérieur des réseaux »1. Le malheur, ajouterais-je, c’est que l’hypercompétitivité prônée et imposée par le «grand marché néolibéral» est basée de facto sur la destruction des solidarités : à court terme dans les entreprises, à moyen terme dans l’enseignement2. « Les indices socio-économiques », souligne Michel Tousignant, « correspondent amplement avec les indices de santé mentale. Mais ce sont souvent les personnes en chômage – temporaire ou continu – qui sont les plus susceptibles de présenter des problèmes de santé mentale ». Le stress individuel lié à la perte ou à la crainte de perdre son l’emploi, l’effondrement du statut professionnel qui suit le licenciement, le bouleversement du rythme de vie, le bris des projets, de l’estime de soi, de l’identité, la mise en danger consécutive de la position parentale et de la vie en couple, ne sont 1
Michel Tousignant : « Les origines sociales et culturelles des troubles psychologiques », PUF,
Paris, 1992. Cet ouvrage est truffé de renvois à des enquêtes précises et factuelles. On y trouvera les références précises aux recherches évoquées ci-dessus. 2
Voir, par exemple, la manière assassine dont est traité en Belgique le problème du numerus
clausus au sein des facultés de médecine.
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pas sans éroder progressivement les valeurs qui donnent un sens à la vie. Un indice socio-clinique inquiétant vient de faire son apparition, remarque Christophe Dejours : le suicide sur le lieu du travail (quasiment réduit jadis à la pendaison du fermier dans sa ferme). Dans « Souffrance en France »3, ce psychiatre et psychanalyste, qui dirige au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris) un laboratoire d’«Étude du travail et de l’action» décrit, dans un univers professionnel de plus en plus précarisé, l’érosion des solidarités. Ainsi, la crainte de faire partie de la prochaine « charrette » peut-elle amener à fermer les yeux sur le sort de collègues malmenés, pour aboutir à un véritable déni de leur souffrance proche, et culminer dans le déni de sa propre souffrance — avec les dégâts psychiques qu’on imagine. Quand le maintien de l’emploi passe par le consentement au « sale boulot » (celui, par exemple, menant au licenciement des autres), la préservation de l’image de soi peut se payer d’un inquiétant clivage de la personnalité. Perdre la face, perdre la vie L’appréciation clinique des incidences psychiques de la pauvreté demande quelque empathie. Un événement heureux, un « heureux événement », une grossesse, un accouchement, est souvent angoissant, voire catastrophique, en situation de grand dénuement. De plus, ne pas se reconnaître en tant qu’homme ou femme à part entière dans le regard du voisin, n’est pas moins grave que le pire des dénuements matériels. Diverses enquêtes mettent en évidence le lien entre l’écroulement du statut social et l’effondrement intime qui s’en suit. C’est ainsi que les petites populations misérables mais heureuses, décrites par Tocqueville, semblent promises, s’il en reste, à une disparition aussi inéluctable que celle des bonobos. Pris dans leur ensemble, les « natives » du Canada présentent de nos jours un risque de suicide 2,5 fois plus élevé que la moyenne de la population canadienne4. Dans une collectivité indienne du Nord du Canada, le taux de suicide s’élève à 77 par an pour 100.000 habitants, contre 11 dans le reste de la population. Les adolescents
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Christophe Dejours : «Souffrance en France», Seuil, paris, 1998. «Le suicide au Canada», Direction générale des programmes et des services de santé, Santé
Canada, 1994. Les données reprises ci-dessous sont extraites de ce rapport .
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apparaissent particulièrement vulnérables. Une étude sur la mortalité dans 35 réserves de l’Alberta montre que la violence est à la source de presque la moitié des décès. Dans 90% des morts violentes, les victimes étaient à divers degrés sous l’influence de l’alcool. La plupart des auteurs insistent sur les ravages psychiques créés par la déculturation, l’absence de projets, le statut d’assisté, le sentiment d’impuissance, la perte ressentie de dignité, le racisme, le naufrage de l’identité. Dans ces études, la pauvreté apparaît moins toxique en tant que précarité économique qu’en tant que rupture du lien social, avec perte consécutive d’une image de soi suffisamment bonne. D’après les régions et les configurations socioéconomiques, les « Premières Nations » du Canada présentent un taux de suicide de zéro à quinze fois supérieur à celui de la moyenne nationale. Les populations qui s’en tirent le mieux, de ce point de vue, sont celles qui, malgré l’érosion par la culture dominante, réussissent à maintenir un bon niveau de solidarité et de cohésion communautaire. La situation des Inuits est par contraste désolante. Alors que cette population du grand froid était particulièrement bien adaptée aux rigueurs de l’environnement, qu’elle était réputée pour sa joie de vivre, sa richesse culturelle, sa vie sexuelle inventive, la voilà aujourd’hui particulièrement touchée par le fléau de l’alcoolisme, de la violence et du suicide. Peu à peu, les Inuits perdent leurs croyances, leurs savoir-faire, leur identité. Leur destin a changé de mains. Leur avenir n’est plus pensable. Leur colère éclate à contretemps. Leur goût de vivre a sombré. Leur existence ne tient plus qu’à un fil. Pourtant, comparativement à la majorité des populations d’Afrique, leur niveau de vie apparaît remarquable. En effet, ces « autochtones » bénéficient de la prise en charge de la plupart de leurs besoins fondamentaux (alimentation, logement, soins de santé), sur un mode proche de ce qu’on appelle au Québec le « Bien Être Social ». Mais il semble que, du point de vue de la santé mentale, « être sur le Bien Être » ne suffise pas. Qu’à tout prendre, il vaut mieux crever de faim pour peu qu’on participe aux grandes luttes sociales qui créent du lien et donnent un sens à la vie. En bref La réalité du manque d’avoir, tout comme celle du manque de statut, débouchent l’une comme l’autre sur le sentiment du manque à être, puis sur celui de n’être rien. Il est impensable de parler de la pauvreté en faisant l’impasse sur la perte du lien
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social et de l’estime de soi. Il n’est de santé mentale concevable hors d’un vivier d’échange et de réciprocité. Pauvreté, autrement dit, mérite solidarité et non pas assistance. Sans parole, l’aumône n’est qu’humiliation. Sans capacité de donner en retour, le pain laisse un goût amer. Dès lors, une politique prenant en compte le phénomène croissant de la pauvreté se devrait, au plan individuel, de ne jamais dissocier l’aide matérielle du remaillage social. Au plan sociétal, elle aurait à se montrer intraitable quant à la nature du travail en tant que facteur essentiel d’humanisation, plutôt qu’en tant que produit jetable dans une logique de profit à court terme. Secourir la pauvreté n’a pas de sens si l’on ne cesse de la fabriquer. La santé mentale enfin, est indissociable de la santé sociale. Elle ne fait pas bon ménage avec la marchandisation de l’existence. Sur le grand marché néolibéral, la réduction de la valeur à la compétitivité, le ravalement de l’échange à l’interaction prestataire-usager, la dégradation du visage de l’autre en celui du concurrent, minent l’éthique de la solidarité sans laquelle l’humanité court à sa perte. Confondue avec « profit sans frontières », la libre circulation des flux financiers participe de la fin du monde plutôt que de la mondialisation.
Francis Martens *
La pauvreté, un fait d’hiver ? Colloque organisé par le Centre Public d’Aide Sociale de Bruxelles (CPAS), le 21 octobre 2005 * Président de l’Association des Psychologues Praticiens de Formation Psychanalytique (APPPsy)