livre et lire - n° 252 - mai 2010

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n°252 - mai 2010

Au plaisir

« Carte hydro-géographique des Indes orientales en deça et au-delà du Gange avec leur Archipel, dressée et assujettie aux observations astronomiques, par M. Bonne, hydrographe du Roi (1771) ». Le Centre international d'étude du XVIIIe siècle de Ferney-Voltaire réédite l'Histoire des deux Indes de Guillaume-Thomas Raynal. Une véritable encyclopédie des connaissances coloniales et les premiers pas de la mondialisation (lire p.11).

!!!!!!!!!!!! ou ateliers, mettant en lien littérature et santé. L’originalité de ce projet est d’avoir permis aux hôpitaux et bibliothèques de travailler en réseau pour donner une visibilité à cette opération à l’échelle d’un territoire. L’occasion de mieux se connaître et d’inscrire les bibliothèques comme référents culturels incontournables pour les actions futures.

Hôpital et lecture

Les actions « Culture à l’hôpital » sont rarement axées sur le livre et la lecture. C’est pourtant le choix qu’a fait le Comité local Culture Santé de Savoie et Haute-Savoie, avec son projet « De vives voix ». Du 3 au 12 mai, aidés par Savoie-Biblio et les bibliothèques municipales, sept établissements de soins accueilleront lectures, spectacles

www.hi-culture.fr - www.chs-savoie.fr

premier plan/ p.3

zoom/p.6 Résidences : retour en enfance Gros plan sur la résidence d’Isabelle Simon à Grenoble et sur celle de Roland Fuentès à Saint-Paul-Trois-Châteaux.

Les PUL se relancent Nouveau directeur, nouvelle équipe, nouvelles maquettes, nouvelles ambitions éditoriales… Des Presses universitaires de Lyon pleines de projets !

actualités/p.5 Voix d’encre : un anniversaire La maison d’édition de Montélimar fête ses vingt ans de travail avec un livre et une exposition. Retour sur le parcours d’Alain Blanc.

© Isabelle Simon

Le plaisir. Trouver du plaisir à toutes choses. À penser. À vivre. Les neurobiologistes qui scrutent les circonvolutions de notre cerveau parlent de « circuit de récompense ». Si l’on n’obtient pas de récompense, on se met à faire des trucs idiots, assassiner des gens ou, pis, écrire de mauvais livres… Je crois pouvoir dire que j’ai vécu une vie de plaisirs. Naturellement, le travail est nécessaire. Entendons-nous. Certains écrivains prétendent rédiger trois pages tous les matins avant de vaquer à d’autres occupations mieux rémunérées. Je ne lis pas ces genslà. En vertu du principe de plaisir, je ne m’installe à ma table que porté par une idée assortie d’une petite musique – ce n’est pas tous les jours – et je peux alors travailler longtemps sans m’en rendre compte. (Évidemment, je gagne moins d’argent.) Je n’ai aucune idée de ce que peut être l’angoisse de la page blanche : je ne m’installe jamais devant une page blanche sans l’avoir au préalable remplie mentalement. On voit par là que je ne suis pas quelqu’un de très sérieux. Je suis un homme de plaisir. Mais le travail est nécessaire. Comme dit le vieux Tchouang-tseu, on ignore d’où vient le résultat, mais on sait qu’il apparaît seulement à la fin du travail. Le résultat, l’harmonie, la traque de la fausse note. Il y faut un peu de perfectionnisme. Oscar Wilde raconte qu’il a passé la matinée à revoir les épreuves d’un poème. En fin de matinée, il a supprimé une virgule. Il l’a remise dans l’après-midi. La distance est tout aussi nécessaire au plaisir. Distance par rapport à soi-même et au monde. Et au travail. Si le mot n’était pas autant galvaudé, on pourrait l’appeler humour. Je pose l’hypothèse que la prolifération de la vie sur cette planète (à bien des égards exagérée) n’aurait pour but que de fabriquer de la conscience. Donc de l’humour. Et notons qu’on peut même prendre du plaisir à dire du mal du monde, à condition de le dire bien… Jacques A. Bertrand

rendez-vous

les écrivains à leur place

le mensuel du livre en Rhône-Alpes

1948 : mineurs en grève En 1948, la grève des mineurs a donné lieu à des tensions très fortes dans tous les bassins houillers du pays, et en particulier à Saint-Étienne. C’est de ces violences, mais aussi de la vie au pied des piquets de grève, que témoignent les magnifiques photographies de Léon Leponce. L’exposition, conçue par les Archives municipales de Saint-Étienne, est accueillie par la médiathèque Louise Labé, à Saint-Chamond, du 4 au 14 mai. www.saint-chamond.fr

© Fonds Léon Leponce, Archives municipales de Saint-Étienne

en + + + + + + + + + Le Chroniqueur sans cœur, de Francesco Abate, traduit de l’italien par Marc Porcu (La Fosse aux ours), est le 3e lauréat du Prix littéraire des jeunes Européens. Doté d’un comité de lecture composé d’étudiants français et européens, ce prix de l’École de commerce européenne de Lyon souhaite sensibiliser les étudiants à la littérature européenne contemporaine. Remise du prix le 20 mai à 18h, à la Bibliothèque municipale de Lyon.

> www.arald.org


hommage Salut, Lulu ! Sa voix, sa sincérité, sa coupe de cheveux sans concession… Cécile Philippe n’avait peur de rien mais tout l’atteignait. Elle a disparu en ce début d’année 2010, en nous laissant une quinzaine de livres : de l’érotisme au théâtre, du récit au roman noir. C’est à Montréal, dans le studio de l’UNEQ, où elle fut le premier écrivain de Rhône-Alpes à résider, que Cécile Philippe a écrit le texte du Magané. Quelques nuits lui ont suffi pour clore ce saisissant récit d’une rupture douloureuse et d’une renaissance québécoise, à l’ombre de l’écrivain Réjean Ducharme qui hante les pages de ce « roman ». L’écriture, chez elle, faisait le lien entre la violence des sentiments et la passion pour la littérature et les écrivains. Cécile Philippe était en équilibre. Fragile, instable, lumineux. Mais quel rire, quelle fougue ! Celle qu’elle mettait dans son métier de journaliste culturelle reste dans la mémoire de ceux qui l’ont accompagnée dans le travail. C’est grâce à elle que la chaîne régionale de France 3 avait accepté de produire une série de portraits d’écrivains qui reste unique en son genre. Un tel projet aujourd’hui ferait grimacer bien des gestionnaires de l’audiovisuel public… À leur manière, ces portraits sensibles font aussi partie de l’œuvre de Cécile Philippe. Le reste est dans ses livres. Sur la première page de son roman de la série noire, collection à laquelle elle avait été contente d’appartenir, elle nous écrivait : « Me voici de noir vêtue, ce qui n’est pas mon genre. Lisez sans abuser de la Rosette… » Fille unique d’un des derniers couples de vitriers-friteurs dans le Lyon des années soixante, Rosette a perdu sa marraine. Et nous, un écrivain tellement attachant. Salut, Lulu ! L. B.

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Hécatombe Cécile Philippe « L’écriture me brûle, elle ne dépend pas de moi. » Parce qu’une amie comédienne cherchait des textes courts à lire, j’ai extrait, ce matin-là, de ma bibliothèque Hécatombe* de Cécile Philippe. Des fragments qui racontent comment le quotidien se fracasse parfois avec ironie contre la mort. C’est noir et terriblement drôle. On n’ose pas rire et pourtant on rit. On pense aux Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon. L’amie me demande qui est cet écrivain. Après lui avoir précisé qu’elle travaillait à Lyon et donné quelques titres de livres, j’ai avoué l’avoir perdue de vue, et qu’il me semblait que les libraires et les médias l’avaient perdue de vue aussi. Pourtant, fut un temps où beaucoup de gens lui parlaient avec du miel dans la bouche. Ceux qui espéraient une interview, un reportage sur FR3 ou se frotter à sa célébrité. Le soir même, un autre ami m’annonce qu’elle est décédée il y a quelques jours, loin de tous. Solitude choisie ou dernier refuge quand les autres, ce n’est plus possible ? Hécatombe. Alors ma mémoire cherche quelles traces elle a laissées en moi et c’est son visage qui me revient en premier. Son visage à l’écran et dans la vie, des lèvres gourmandes sous des cheveux coupés ras qui lui donnaient un air dur malgré la voix grave et précise. Un visage qui dénotait avec le doucereux de la plupart des femmes visibles à la télévision. Son humour aussi même si ses lèvres souriaient peu. Une femme troublante. Fragments de vie aussi divers que ses écrits : pamphlet en overdose de Lyon, érotisme canaille d’histoires à l’horizontale qui lui vaudront les honneurs d’Apostrophe, une Blanche-Neige qui ose le sexe sans métaphores. Romans, nouvelles, polar, théâtre et ce récit émouvant, Une glace à la rose, où elle raconte son désir pour un homme plus jeune : « Mon cœur bat uniquement entre mes cuisses, qu’y pouvonsnous ? Mais écoute bien sa cadence. » Je ne faisais pas partie de ses intimes, je l’ai croisée dans des soirées ou à des vernissages. Le souvenir d’une longue discussion sur l’absence de textes de femmes dans la littérature érotique, nous étions en 1985. Elle m’impressionnait. Quelque chose en elle sans concession. De ses écrits pour le théâtre, je me souviens surtout de la singulière pièce écrite pour une serveuse du self de FR3, Dis-leur ou mine de rien, dont

Cécile Philippe racontait ainsi la genèse : « Il y a, dans la vie, des personnes qui sont déjà des personnages. Nadia Satta en fait partie. Il se trouve que je fréquentais peu son territoire. C’est un peu par hasard que j’ai appris son désir de théâtre. Mais pour l’avoir vue, et entendue, dans son numéro tout naturel de personne, imaginer écrire un texte artificiel à la hauteur de sa personne semblait un défi. J’adore les défis… » À parcourir à nouveau sa bibliographie, pas de doute, Cécile Philippe n’était jamais là où on l’attendait. Est-ce pour cela que nous avons fini par oublier de la chercher ? Fabienne Swiatly Revoir sur le site de l’INA l’interview par Bernard Pivot, en 1985, que nous pourrions sous-titrer « Une femme et des hommes ». * Hécatombe est paru en 1994 chez Paroles d’Aube.

Le rire et la douleur Pour rendre hommage à Cécile Philippe, la première chose est d’appeler un chat « un chat ». Cécile Philippe est morte. Elle a fait mon portrait pour France 3 comme elle le fit pour plusieurs dizaines d’auteurs. À mon tour de faire le sien. J’ai appris à connaître Cécile Philippe à Montréal. Elle y résidait six mois par an, depuis qu’elle y avait effectué une résidence d’écrivain. Sur place, je m’étais juré de fréquenter le moins de Français possible. Cécile fut l’exception, me servit de guide en me présentant nombre d’auteurs québécois. Plus tard, dans son incroyable maison drômoise (qui mériterait d’être classée tant y fourmillent les traces de ses amis artistes), je vérifiai que Cécile possédait l’une des plus impressionnantes bibliothèques québécoises de France. Comme par hasard, l’un des plus beaux livres qu’elle a écrit est consacré à Réjean Ducharme, le Salinger francophone*. Un chat, « un chat ». Cécile pouvait avoir la dent dure, comme tous les gens qui n’ont rien oublié de leur enfance (depuis quand le rire favorise-t-il l’amnésie ?). Elle semblait vouloir prouver que plus certaines plaies sont anciennes, moins elles ont de chances de cicatriser**. Un chat, « un chat ». Dans le domaine de la télévision comme dans celui de l’édition, à l’instar de son cher Calaferte, elle vécut bien des mésaventures (souvent tragicocasses), bien des humiliations. Avec cet homme, c’était à celui qui racontait à l’autre le plus d’horreurs sur les journalistes. Calaferte lui avait soufflé l’idée de coucher tout cela par écrit, ce à quoi Cécile avait répondu « ça ne m’intéresse pas, pas d’écrire sur ça ». Un chat, « un chat ». Il est symptomatique que cet auteur, qui a écrit une quinzaine de livres, plusieurs romans noirs (dont une série noire qui se passe à la Guillotière***!), beaucoup de textes de théâtre, n’ait même pas eu droit à un discret hommage public. D’une certaine façon, cette injustice n’est que justice puisque Cécile détestait ce genre d’hypocrisie… Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes – et « tout est bon dans le cochon » comme elle aimait tant à le dire. Frédérick Houdaer * Le Magané (Éditions du Rocher) ** Je ne suis là pour personne (Mercure de France) *** Salut Lulu, (Série Noire, Gallimard)


premier plan Édition : le renouveau des Presses universitaires de Lyon

Changer de logique

parution

L’histoire des presses d’université est souvent sous-tendue par la difficulté de faire de cet outil, au service de la diffusion des travaux des chercheurs, une véritable machine éditoriale capable de conquérir des lecteurs, dans un contexte général que l’on sait difficile pour ce genre de publications. Il suffit de suivre le parcours des Presses universitaires de Grenoble ou

Lire Rouaud, ou comment lier une œuvre en cours

On n’entre pas dans les textes de Jean Rouaud comme dans un moulin. Parce que c’est une œuvre en cours et que sa physionomie est trop belle pour être ou autobiographique ou romanesque. Ce que les auteurs de ce Lire Rouaud ont bien compris, qui tous l’effeuillent avec précaution, se méfiant au passage d’un effet-sujet hésitant, presque flageolant, qui caractérise d’emblée Les Champs d’honneur. Car voici les faits comme on les trouve suggérés tout au long de ce Lire Rouaud : une suite de livres presque toujours plus épais et qui pour les premiers ont l’apparence d’une saga familiale, mais il faut vite se reprendre : parler plutôt de romans familiers, minceur des vies racontées oblige… Un auteur qui démarre sur les chapeaux de roue médiatiques (prix Goncourt et références du côté de Claude Simon) alors qu’il carbure textuellement à la 2 CV grand-paternelle, traverse la campagne campagnarde de l’ancienne LoireInférieure et s’installe bien trop durablement chez ses parents-commerçants-représentants (serait-ce cela, la « petite » littérature ?). Qui fait du père mort une figure centrale, « néguentropique » dans le texte, mais papa-poule dans la vie, au grand corps un peu trop malade pour être vraiment tutélaire. Qui s’occupe des accessoires comme si c’était l’essentiel (butin certes rêvé pour l’universitaire !). Et qui joue, last but not least, à déjouer les pronostics littéraires de naguère (l’auteur est mort, l’imagination de même), pour mieux se poser en victime des temps modernes (le régionaliste de l’étape, moi ?), histoire d’être le premier tout en haut d’une nouvelle classe d’écrivain d’en bas, à l’aube ou au crépuscule des années quatre-vingt vieillissantes. Les analystes nous ont mis la puce à l’oreille, il suffit

celui des Éditions de l’École normale supérieure, pour comprendre que la tendance globale est à la professionnalisation et à une inscription de plus en plus forte dans la réalité de l’économie du livre. Un processus très positif du point de vue du territoire, puisque ces maisons deviennent des acteurs à part entière de la vie culturelle et de la circulation des idées. Nées en 1976, les Presses universitaires de Lyon ne répondaient plus tout à fait à ces nouvelles exigences : beaucoup de collections, peu de nouveautés, des maquettes vieillissantes…, le rythme des publications ne correspondait sans doute pas à ce que l’on pouvait attendre d’une grande université comme celle de Lyon. Le départ de Jean Kempf de la direction des PUL en 2009 fut l’occasion pour le président de l’époque, Olivier Christin, de relancer © Arald / Laurent Bonzon

2010 marque un tournant dans l’histoire déjà longue des Presses universitaires de Lyon. Nouvelle équipe, nouvelle charte graphique, nouvelles orientations éditoriales… Une « reverdie » qui, pour les années à venir, laisse espérer de bien beaux fruits.

maintenant de retourner au texte. L’écrivain Rouaud est peutêtre né le jour où un instituteur vachard lui administre une correction humiliante. La scène se passe dans Le Monde à peu près. C’est une rédaction dans laquelle le petit Rouaud raconte un de ses dimanches comme les autres, une visite au cimetière sur la tombe paternelle. Le maître ne voit rien de la douleur du gamin mais tout de ses fautes. Le rendu de la copie vire au règlement de comptes à O.K. Campbon. La sentence tombe, lourde, bête : « écriture approximative et incertaine ». Toute la phrase, toutes les phrases de Rouaud semblent depuis lors contredire l’institueur, elles qui coulent comme une eau de source limpide et pétillante, aussi longues que lentes, précises et précautionneuses : la Loire-Inférieure est devenue intérieure. Hédi Kaddour ne s’y trompe pas, quand il décortique avec élégance un seul paragraphe extrait de L’Imitation du bonheur : « La loi de la phrase chez Rouaud, c’est d’être construite en progression d’intérêt. Essayez de vous arrêter en chemin et vous ratez l’essentiel ». D’où vient cet écrivain qui semble avoir la prétention d’être un auteur sans prétention, telle est l’originaire et originale question que pose sans cesse ce Lire Rouaud. La réponse n’est pas aisée. Il faut peut-être attendre encore, que l’auteur grimpe un peu plus dans les hauteurs romanesques. Une étape de montagne, une vraie. Et l’on devra alors… relire Rouaud ! Roger-Yves Roche

Lire Rouaud Sous la direction de Hélène Baty-Delalande et Jean-Yves Debreuille Presses Universitaires de Lyon Collection « Lire » 245 p., 16 € ISBN 978-2-7297-0816-0

la maison d’édition. Mais c’est sous la présidence d’André Tiran, qui a pris sa suite en 2010, que le chantier prend nettement forme en ce printemps, avec les premières sorties et les premiers succès, conquis sous la responsabilité de l’historien et journaliste Philippe-Jean Catinchi, directeur à mi-temps mais à plein régime. À ses côtés, trois personnes, dont Delphine Hautois, responsable éditoriale.

De fonds en comble Pour le directeur des PUL, il s’agit avant tout de « sortir la production des Presses universitaires de Lyon de l’espace très circonscrit de l’université et de remettre une véritable logique éditoriale dans la maison, tout en resserrant la production dans les grands champs disciplinaires de Lyon II, que sont la littérature, les sciences humaines et sociales ». Création d’un comité éditorial et d’un comité de lecture, nouvelle unité graphique des livres, nouvelle collection semi-poche avec des textes courts de jeunes chercheurs, ouverture à des auteurs extérieurs à l’université Lumière Lyon II, projets de coédition, dont une première réussite avec deux volumes* de la petite collection « Amphi des arts » (avec les Presses du réel), qui reprennent des conférences prononcées au Musée des beaux-arts de Lyon… Cinq titres ont déjà paru ce début d’année (dont Lire Rouaud, tiré à 700 exemplaires – voir cicontre) ; six autres sortiront dès juin, dont un livre de l’historien lyonnais Jean-Pierre Gutton, Établir l’identité - L’identification des Français du Moyen Âge à nos jours, qui pourrait faire gloser en ces temps de débat national… Beaucoup de projets éditoriaux et d’ambitions intellectuelles, pour redonner une visibilité à la recherche universitaire lyonnaise et, plus largement, contribuer à la vie des idées.L. B. * Hans Belting, La Double Perspective. La science arabe et l’art de la Renaissance ; Svetlana Alpers, Velázquez est dans les détails.

Collectif/singulier Créée en 1981 par Serge Gaubert, du temps – béni – où l’université avait du temps (aujourd’hui on lui demande plutôt d’avoir de l’argent…), la collection « Lire » s’est d’abord tournée vers des poètes et des romanciers de naguère, inclassables ou décalés (Reverzy, Calet, Dhôtel…), avant de s’ouvrir plus franchement au contemporain : Réda, Duras et donc aujourd’hui Rouaud. Elle a su faire entendre, et aimer, des textes pas toujours faciles d’accès au travers d’analyses éclairées et d’entretiens éclairants. R. -Y. R.

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rendez-vous

entretien

actualités / manifestations Les dix ans de Regards croisés

Théâtre aujourd’hui

Le collectif grenoblois Troisième Bureau jette pour la dixième année consécutive ces Regards croisés sur les écritures théâtrales contemporaines. Auteurs ou traducteurs, Sebastian Barry, Enzo Cormann, Simon Diard, Marie Dilasser, Isabelle Famchon, Thibault Fayner, Samuel Gallet, Gisèle Joly, Jacques Jouet, Yves Lebeau, Juan Mayorga, Georges Tyras, seront à leurs côtés pour souffler ces dix bougies. De lectures en cafés littéraires, de spectacles en animations scolaires, ils font connaître au public l’irremplaçable richesse de la rencontre directe avec un texte. Entretien avec Bernard Garnier, coordinateur de la manifestation.

Petits moyens et grand salon

Mais où est-ce qu’ils vont chercher tout ça ? Barbe à Pop, Arbitraire et une demi-douzaine d’associations lyonnaises actives dans le domaine du dessin, du graphisme, du fanzine, de la musique… se sont regroupés pour créer un événement fédérateur dans le domaine de la micro édition. Le Grand Salon de la micro édition aura donc lieu à Lyon les 8 et 9 mai dans la friche de Grrrnd Zero, près de Gerland, plus habituée aux sonorités rock qu’aux discussions sur la place de la micro édition dans le monde du livre. Ce sera en tout cas une grande fête du livre « Do It Yourself » reposant exclusivement sur le bénévolat, avec une trentaine d’éditeurs et de collectifs venus de toute la France, des expositions, une fanzinothèque, des ateliers de sérigraphie, gravure, écriture, dessin… et un concert le samedi soir. À découvrir vite !!! L. B.

Regards croisés fête ses dix ans. Comment cette manifestation a-t-elle évolué ? Regards croisés, c’est chaque printemps l’aboutissement du travail mené par le collectif Troisième Bureau tout au long de l’année. En conséquence, la manifestation a évolué avec le projet global, se nourrissant des initiatives que nous avons développées d’année en année et inversement. Il y a d’abord eu le choix de l’intituler Regards croisés, qui dit clairement l’envie d’échange et de rencontre directe avec des auteurs et des textes du monde entier. En dix ans, ces rendez-vous réguliers ont permis au public de découvrir des écritures d’Europe, du Maghreb, d’Afrique occidentale, d’Asie, du Moyen Orient, d’Australie, d’Amérique du Nord… Mais qu’en est-il du projet lui-même ? Le projet initial demeure le même : faire découvrir le théâtre qui s’écrit aujourd’hui, inviter les auteurs pour des rencontres avec le public, œuvrer à la diffusion, à la traduction, à la représentation et à l’édition des textes. Mais il est vrai que le contenu et surtout la forme ont bougé. Ne seraitce qu’avec l’arrivée des « tables » en 2004, le principe de la lecture autour de la grande table et l’esquisse de représentation « de la table au plateau »

Grand salon de la micro édition 8 et 9 mai Grrrnd Zero, Gerland 40 rue Pré-Gaudry - 69007 Lyon

www.grand-salon.fr www.grrrndzero.org

/ librairie Tous à table chez Coquillettes !

© Librairie Coquillettes

Une certaine idée de la librairie

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Un an et demi d’existence, quatre associés dont un salarié, Daniel Berland, 35 m², 6 000 références, voilà le portrait-robot que l’on pourrait dresser de la librairie Coquillettes. Et ce serait bien insuffisant pour approcher la réalité de ce projet. Mieux vaudrait commencer par dire que cette librairie est installée à deux pas de la place Sathonay (Lyon 1er arr.), où la vie de quartier signifie encore quelque chose. À tel point que certains voisins participent chaque

que nous allons reprendre sur la pièce de Marie Dilasser. Nous accueillerons également cette année deux formes « textes et musiques » avec Samuel Gallet et Enzo Cormann. Question public, en dix ans, nous avons véritablement élargi notre audience durant le festival, (chaque soirée accueille plus d’une centaine de personnes en moyenne), mais aussi dans le territoire, grâce à des partenariats. Je pense aux lycées avec lesquels nous travaillons, au Printemps du livre de Grenoble, au festival de l’Arpenteur, à l’université de Grenoble, et à celui que nous avons mis en place en 2009 avec la Bibliothèque départementale de l’Isère. Après avoir construit pendant plusieurs années votre manifestation autour de zones géographiques, vous travaillez maintenant autour de thématiques. Cette année, c’est « la catastrophe »… Notre motif initial de recherche a été la catastrophe joyeuse, en contrepoint pourrait-on dire au théâtre de la catastrophe porté notamment par des auteurs comme Howard Barker. Tout est parti d’une rencontre avec la pièce Nez rouges, peste noire de Peter Barnes (sans doute l’un des plus grands auteurs anglais de la seconde moitié du XXe siècle), que Gisèle Joly a traduite. Une pièce hors du commun que nous lirons le 4 juin. Pour le reste de cette dixième édition, nous nous sommes quelque peu éloignés du motif initial pour faire place à des sujets pas toujours catastrophiques et abordant avec plus ou moins d’humour, disons de joyeuseté des situations très contemporaines sur la question de l’emploi (ou plutôt son absence), de l’identité, du terrorisme… des textes qui racontent que le monde est grave et violent mais que nous sommes vivants et que nous pouvons prendre le temps d’y regarder de plus près ensemble et aussi de rire de façon lucide. Propos recueillis par Marion Blangenois Regards croisés Du 28 mai au 5 juin Théâtre 145 de Grenoble www.troisiemebureau.com

semaine au comité de lecture des nouveautés. On pourrait ensuite évoquer la sélection des livres, tout à la fois subjective et exigeante, les idées de présentation des ouvrages (comme ce « classement marguerite » : trois tables pour les livres aimés, respectivement, un peu, beaucoup, à la folie), ou encore les nocturnes estivales de la librairie, qui déborde sur le trottoir, parfois jusqu’à minuit. Et puis il faudrait parler de Coquillettes, L’Appart’, un nouvel espace de 55 m² ouvert en septembre dernier en face de la librairie, dédié aux sciences humaines et aux rencontres. Les habitants du quartier sont très demandeurs et les

libraires très motivés : ce sont donc deux à trois animations par semaine qui ont lieu depuis l’inauguration. Conférences avec des professionnels du livre ou des lecteurs passionnés, projections dans le cadre d’un partenariat avec l’université Lyon II pour « Docencourts », lectures ou apéros philo attirent régulièrement le public. Ce qui se dessine chez Coquillettes, en fait, c’est une façon de « briser la solitude du lecteur », une certaine idée de la librairie comme lieu d’échange et de partage. M. B. Librairie Coquillettes 6, place Fernand-Rey - 69001 Lyon

Coquillettes L’Appart’ 27, rue Bouteille - 69001 Lyon

www.coquillettes.com

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À l’occasion de son anniversaire, Voix d’encre fait coup double et propose Écrire et peindre au-dessus de la nuit des mots, une exposition et un livre qui retracent vingt ans d’édition. Là encore, la liberté était la seule règle imposée par Alain Blanc à ses auteurs. Unique contrainte, proposer un inédit… Poètes et peintres se croisent donc ici pour le plus grand bonheur du lecteur : Jacques Ancet & Alexandre Hollan, Charles Juliet & Serge Saunière, Pierre Jourde et Christian Dessailly, Jean-Pierre Chambon & Hamid Debarrah, JeanLouis Roux & Stéphane Bertrand… En tout, une soixantaine de contributions qui forment un livre grand format très composite et très libre, qui reflète l’esprit de la maison à la désormais célèbre Voix d’encre.

Écrire et peindre au-dessus de la nuit des mots 184 p., 29 € ISBN 978-235128-055-3

Exposition à la Bibliothèque d’étude et d’information de Grenoble Du 7 mai au 19 septembre Vernissage le 6 mai à 18h30

rendez-vous

12, boulevard Maréchal-Lyautey 38000 Grenoble

En mai, fais ce qu’il te plaît !

Fête du livre jeunesse Villeurbanne du 5 au 9 mai

Aline Ahond, Thierry Lenain, Séverin Millet, Franck Pavloff ou encore Zaü, ils seront 56 auteurs et illustrateurs pour cette 11e édition. Tous ont écrit, chacun à sa façon, sur le thème 2010 : « Résister ». Rencontres avec les auteurs, ateliers, spectacles et expositions (on retrouvera avec bonheur les loufoqueries graphiques des Suisses Plonk et Replonk) : un programme vivifiant à découvrir pendant cinq jours. www.fetedulivre.villeurbanne.fr

Rencontres du 2e titre Grignan 8 et 9 mai La librairie Colophon poursuit un travail original autour du deuxième roman. Des rencontres et une table ronde réuniront les quatre auteurs retenus par le comité

Voix d’encre : vingt ans de poésie

Le livre dans l’âme « Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l’aventure d’être en vie. » C’est sous l’égide d’Henri Michaux qu’Alain Blanc a placé Écrire et peindre au-dessus de la nuit des mots, un livre anniversaire qui paraît à l’occasion des vingt ans de la maison d’édition installée à Montélimar. Retour sur images. Alain Blanc est épris de liberté, valeur chère à beaucoup d’éditeurs. Il la cultive au fond de son jardin, dans la petite ville de Montélimar, lui, le « pur Grenoblois », comme il aime à le dire. Beaucoup de lecteurs "Pourquoi abécédaire d'une carpe ? C'est que, sans partager entièrement son mutisme, je suis ignorant comme elle. Je ne me pique d'aucun savoir, d'aucune spécialité. Ce qui nous rapproche, elle et moi, du Chamfort assez humble et lucide pour confesser : "Ce que j'ai appris, je ne le sais plus. Le peu que je sais encore, je l'ai deviné." Alain Blanc, L'Abécédaire d'une carpe, Voix d'encre

de lecture pour cette édition : Sophie Bassignac (À la recherche d’Alice, Denoël), Éric Dautriat (Retour aux Baronnies, Éditions Pascal Galode), Matthieu Jung (Principe de précaution, Stock) et Minh Tran Huy (La Double Vie d’Anna Song, Actes Sud). http://pagesperso-orange.fr/colophon

Lire en mai Nyons du 13 au 15 mai La fête du livre de Nyons invite un grand nombre de chercheurs en sciences sociales et d’auteurs, parmi lesquels Pia Petersen, Claude Pujade Renaud, Catherine Fradier ou Pierre Autin-Grenier. Elle s’articule cette année encore autour d’un des sept péchés capitaux, l’avarice, abordée sous différents angles : avarice, générosité, accumulation, de l’argent, des mots, des corps. www.lireenmainyons.net

Assises internationales du roman Lyon du 24 au 30 mai Co-organisées par la Villa Gillet et Le Monde, les Assises s’interrogent cette année sur la capacité du roman à « tout

de la ville se souviennent d’ailleurs de la Librairie du poisson soluble, qu’il a tenue pendant treize ans en plein centre de la capitale iséroise. Dans le sillage de mai 1968, c’était tout simplement l’une des toutes premières librairies marginales (on dirait aujourd’hui « alternatives ») du pays. La clef est mise sous la porte en 1985, période de désillusion s’il en est. Mais cet esprit libertaire, qui a toujours su se tenir à l’écart des modes et des facilités, ne renonce pas aux territoires du livre. Ils sont multiples, lui aussi le sera. La revue de poésie Voix d’encre démarre en 1990 sous une forme associative qui ne dure qu’un temps. Après quelques années, Alain Blanc reprend la revue à son compte et dire ». Un événement d’envergure et l’occasion d’entendre et de débattre avec des auteurs et critiques du monde entier : A. S. Byatt, Emmanuel Carrère, Marie Darrieussecq, Erri De Luca, Dany Laferrière, Richard Powers, Vladimir Sorokine, Percival Everett… www.villagillet.net

Festival du premier roman Chambéry du 27 au 29 mai Sélectionnés par quelques 3 000 lecteurs parmi plus d’une centaine d’auteurs, dixhuit primo-romanciers seront présents lors de la 23e édition de ce festival qui s’ouvre de plus en plus sur l’Europe : outre quatorze écrivains francophones (Tatiana Arfel, Lilian Robin, Stéphane Velut…), il accueillera deux auteurs italiens (Michela Murgia, Helene Visconti), un auteur espagnol (Joachìn Berges), et, pour la première fois, un auteur allemand (Roman Graf ). C’est aussi dans cet esprit que le festival propose des ateliers de traduction. Un encouragement à « ne plus penser la littérature à l’aune de nos frontières ». www.festivalpremierroman.com

© Hélène Baumel

Pour ses 20 ans…

extrait

événement

actualités / édition

baptise les éditions du même nom, en hommage à René Char. La poésie est au centre des préoccupations de cette petite maison qui compte aujourd’hui près de deux cents titres à son catalogue, grâce au travail acharné du couple Blanc. « Je cherche une poésie tout à fait contemporaine, chargée de sens et de vécu », explique l’éditeur. Le lyrisme dans la liberté, tel est le credo d’Alain Blanc, qui prise les chemins de traverse, multiplie les rencontres entre artistes et écrivains et garde envers et contre tout « le livre dans l’âme ». C’est pour lui l’élément premier, le plus important, celui qui permet la rencontre des différents modes d’expression. Dans L’Abécédaire de la carpe, « une sorte de testament » que l’éditeur et poète vient de publier, Alain Blanc relève l’importance des mots, des lieux, des êtres qui l’entourent. Au dos du livre, on peut lire : « Au terme du passage, n’avoir déposé pour toute trace que ces pages tatouées de signes peu sûrs, également doués d’inquiétude et d’émerveillement. » La modestie imprimée peut parfois avoir fière allure. L. B.

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zoom / résidences Grenoble : en résidence chez les bébés

« J’ai la chance, confie Isabelle Simon, d’avoir eu dans mon enfance un jardin et une forêt juste à côté. C’est grâce à cela que je suis devenue artiste ». Ce bonheur simple et radical, l’auteur-illustratrice le partage depuis près de quinze ans dans les livres, où ses statuettes insolites nées de la terre peuplent avec magie les décors naturels. Où l’imaginaire commence souvent par la cueillette, se poursuit dans une fabrication fantasque, s’achève par une proposition d’un onirisme singulier. Les ateliers de création sont pour Isabelle Simon un autre espace de don, au moins aussi nécessaire que le livre. Invitée en résidence dans le centre de Grenoble par les bibliothèques municipales et le secteur petite enfance, elle est partie à la

Saint-Paul-Trois-Châteaux : Roland Fuentès et le partage des émotions

Résidence avec vue sur le rire Dans le droit fil de la Fête du livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux, dédiée cette année au rire, l’écrivain Roland Fuentès est en résidence dans la petite ville drômoise où l’on prend par ailleurs le livre au sérieux. Jusqu’au 29 mai, la présence du romancier permet aux organisateurs de tisser des liens : entre les publics, entre les genres, entre les professionnels. Rencontres lectures autour du « burlesque », atelier d’écriture, soirée courts métrages, concert de clôture : le Sou des écoles laïques ne plaisante pas avec les mélanges. À ce menu, il convient d’ailleurs d’ajouter un 6

rencontre des tout-petits, mais aussi des enfants des centres de loisirs. Objectif : les initier aux créations magiques à portée de doigts et d’imaginaire. « J’étais d’abord un peu inquiète. Travailler avec des enfants des crèches… Mais, sans m’être vraiment questionnée à ce sujet, je vois bien que, dans mes deux derniers livres, je me suis rapprochée d’un public plus jeune. Alors, très vite, ma peur s’est envolée. Je suis fascinée par leur compréhension, leur manière d’apprendre tout en prenant du plaisir. » Le projet était coordonné par les bibliothèques Jardin de Ville et Hauquelin. Outre les ateliers de création, il a donné lieu à une journée de formation pour les professionnelles de la petite enfance et du livre, ainsi qu’à un temps d’échange avec les parents. Dans l’esprit de son dernier livre, Petites Déesses et petits dieux (lire ci-contre), Isabelle Simon a proposé aux enfants de créer eux aussi leurs « êtres magiques » à partir du presque rien ramassé ensemble, étalé, trié et prêt à devenir matière artistique : cailloux, bouts de bois, plumes, lichens, feuilles et autres bouts de ficelle. Peintes, collées, photographiées

travail spécifique avec une classe de l’école du Piallon, ainsi qu’une demi-journée de formation, organisée avec les Bibliothèques départementales de prêt de la Drôme et du Vaucluse. Et beaucoup de livres, qui circulent depuis des semaines en amont des rencontres. Quant au romancier, il savoure cette plongée parmi les lecteurs : « J’ai ardemment désiré ne plus avoir que l’écriture comme seule activité, mais j’ai besoin de sortir de la solitude de l’ordinateur… © Franck Prévot

Isabelle Simon a été accueillie en résidence un mois et demi dans les crèches et les bibliothèques du centre-ville de Grenoble. L’occasion pour l’auteur-illustratrice de partager avec de très jeunes enfants et quelques adultes le plaisir de créer du rêve avec presque rien.

par l’artiste puis découpées, les créatures ont été mises en scène début mai dans le Jardin des plantes, piquées dans des baguettes au ras du sol. Un ultime rendez-vous poétique et collectif, la fin d’une boucle commencée au jardin d’enfance, celui que chacun porte en lui, même en ville. « J’ai été heureuse que ce livre, qui a eu un long cheminement, trouve tout de suite son application ici, lors de cette résidence. Mes éditeurs habituels ne m’ont pas suivie sur ce projet, et j’ai la chance qu’une jeune maison grenobloise prenne ce risque. Je rêve à présent d’autres ateliers, peut-être avec des plus grands, les emmener avec moi dans le livre et dans ma mythologie… » Danielle Maurel

Parler de ce qui me plaît, emporter avec moi, lors des rencontres avec le public, Calvino, Buzzati et Kafka, mais aussi Éric Faye et Michel Host, tous ces auteurs qui m’enchantent… » Pris de manière oblique, le rire c’est en effet aussi le décalage, la fantaisie, un autre regard sur le réel, une prise de distance. Un talent dont l’auteur de Douze Mètres cubes de littérature a donné quelques gages dans son écriture, et que cette résidence lui permet de mettre en jeu dans la parole et le partage d’émotions artistiques. D. M.

parution

Au jardin d’enfance

Totems sans tabous

Gourgolok, Annonciaga, Obilia, Groubil, Toufi et les autres… Autant de petites divinités fabriquées par des enfants du Diois à partir des trésors de la nature : un peu d’argile, des écorces, des feuilles, des pierres, des plumes, du bois, de la mousse, des plantes, des fruits… La liste est infinie. L’imagination des créateurs encore plus vaste. Isabelle Simon a rassemblé dans Petites Déesses et petits dieux les contributions qu’elle a suscitées chez ces enfants. Une façon de créer de petits personnages tutélaires, à qui confier l’avenir de la nature et sa protection. C’est vrai qu’elle en a bien besoin… L’album d’Isabelle Simon est un cahier de rencontres et de créations. Sept enfants s’y présentent en même temps qu’ils présentent les statuettes magiques qu’ils ont créées : on découvre ainsi l’impressionnant « Agiloui, dieu de la pureté de l’air, [qui] régénère le ciel », le hiératique « Griou, dieu des arbres à essences qui suppriment la douleur et guérissent », ou encore la mutine « Ugavia, déesse des papillons, des herbes folles et des insectes, délicate et gracieuse », qui porte le pollen. Isabelle Simon, experte en âmes et forêts, a photographié cette quinzaine de personnages, faisant bonne garde dans les décors auxquels ils appartiennent. La magie de ces Petites Déesses et petits dieux opère aussi grâce à elle… L. B.

Isabelle Simon Petites Déesses et petits dieux Critères Éditions 64 p., 20 € ISBN 978-2-917829-13-4


livres & lectures / roman noir désapprouvé par l’Opus Dei. Cette fois, c’est dans les arcanes de l’espionnage économique que nous plonge la romancière, qui se penche sur une entreprise imaginaire dont la ressemblance avec une autre, bien réelle, ne semblera fortuite à aucun lecteur. Une société qui entend diriger et réglementer à peu près toute l’alimentation de la planète par le biais des cultures OGM, insecticides chimiques, clonages et autres manipulations du vivant. Une volonté hégémonique qui la conduit à englober

Cristal défense, attaque en règle Le dernier livre de Catherine Fradier est un thriller haletant. Il se déroule au cœur d’une féroce guerre économique engagée entre de puissantes multinationales. Voyage dans le continent noir de l’espionnage.

Payer le prix François Joly nous revient avec un dixième polar qui conjugue efficacité narrative et… humanisme (la patte de l’auteur). Pour autant, le piège des bons sentiments est soigneusement évité dans ce Je vous promets l’enfer, où le lecteur fait la connaissance d’Archimbaud, alerte retraité de l’Éducation nationale. Un personnage fortement impliqué dans la vie sociale de sa région (entre Vienne et Lyon), amateur de jazz… qui présente, on l’aura compris, de nombreux points communs avec l’auteur. À son chat, il n’ose pas donner le nom d’un politicien d’extrême-droite de crainte de

Les racines du mal La biographie de Jean Racine possède la singularité d’offrir des blancs, de longues périodes où il est impossible de savoir exactement ce qu’a fait le plus grand de nos tragédiens. Quinze années de sa jeunesse sont ainsi nimbées d’un fascinant mystère ; un temps dont il aurait rendu compte dans divers écrits, enfermés dans une petite cassette noire que nul ne retrouva après sa mort. C’est de ce moment inconnu et de ses

© Philippe Matsas

Froid dans le dos. C’est l’effet que produit Cristal défense, le dernier roman de Catherine Fradier. Il décrit un monde terrifiant qui présente un inconvénient majeur : c’est le nôtre. Sauf qu’on ne le voit pas car il évite soigneusement de faire parler de lui. C’est l’un de ces mondes secrets comme celui auquel s’était attaqué Catherine Fradier dans son précédent polar, Camino 999, lu et

le fâcher… Un type bien qui va être confronté au mal, qui va même aller « au contact » de ce mal suite à la mort de l’une de ses anciennes élèves. En menant sa propre enquête, il retrouve le chemin du lycée, interroge d’anciennes connaissances humiliées « de devoir défendre un système qui prend l’eau » sur fond de montée des communautarismes. Nul cynisme dans le regard que porte Archimbaud sur la société qui est la sienne, mais guère d’illusion non plus. Pour François Joly, le théâtre des opérations peut être un bistrot « identique aux centaines d’autres qui font florès à la

limite légale de proximité d’un établissement scolaire », une salle des profs. L’occasion d’une galerie de portraits brossés avec empathie (pour la plupart). Archimbaud, cet ex-pédagogue aux méthodes pas toujours orthodoxes, paiera cher sa curiosité. Pour autant, il n’aura pas succombé à ce qui est sans doute le pire défaut aux yeux de François Joly : l’indifférence. F. H.

écrits secrets dont s’empare François Boulay dans son roman, Racine Racines. Se mettant dans la peau du dramaturge, il imagine ce qu’a pu être cette passionnante période de sa vie et s’empare de faits historiquement avérés pour construire une biographie imaginaire. Des rencontres avec Molière et Boileau, d’une vie sentimentale tumultueuse et surtout de l’implication dans une affaire d’empoisonnement que l’on prête à Racine, l’écrivain fait le cadre d’un récit étrange, où se mêle réalité crue et onirisme fantasmatique. François Boulay transforme ainsi le jeune

Racine en un sérial killer impuni. Un homme qui rôde dans les quartiers fangeux du Paris de la fin du XVIIe siècle, à la recherche de proies, actrices débauchées ou prostituées égarées, pour assouvir ses troubles penchants, sexuels et sanglants. Si le procédé s’épuise quelque peu dans la dernière partie du livre, le récit de François Boulay, tenu par une plume hardie, reste saisissant. N. B.

François Joly Je vous promets l’enfer Éditions Oslo 306 p., 19,95 € ISBN 978-2-35754-020-0

François Boulay Racine Racines Éditions Télémaque 222 p., 19,50 € ISBN 978-2-7533-0102-3

ou anéantir tous ses concurrents potentiels, ceci par tous les moyens possibles : corruption, détournements de fonds, chantages, vols, enlèvements et meurtres. On découvre cette escalade à la suite d’une enquêtrice rendue plus vaillante encore par la mystérieuse disparition de son mari. Par le biais de cette héroïne, au service de l’Agence de sécurité économique française, on découvre les arcanes du renseignement industriel dans ses détails les plus troubles. Mais si la peur risque de gagner le lecteur, celui-ci n’en sera pas moins happé par l’intrigue complexe que noue Catherine Fradier avec une efficacité incontestable. Entre scènes d’actions et réflexions sur le monde tel qu’il va mal, on ne lâche qu’à regret ce pavé contondant. Mais que l’on se rassure… Une suite est d’ores et déjà prévue. Nicolas Blondeau Catherine Fradier Cristal défense Au Diable Vauvert 558 p., 20 € ISBN 978-2-84626224-8

science-ficiton

Espionnage économique : un nouveau cycle romanesque de Catherine Fradier

Nous et les autres

« Les yeux d’Elsa », « Le prix du billet », « Fidèle à ton pas balancé », ce sont les trois nouvelles qui composent le recueil de Sylvie Lainé intitulé Marouflages, qui vient de paraître aux éditions ActuSF. Une science-fiction sensible qui se penche sur les aléas de l’altérité et sur les peurs qui s’emparent de chacun dans la rencontre de la différence. Exemple avec « Les yeux d’Elsa », qui met en scène les amours improbables d’un homme et d’une femelle dauphin génétiquement modifiée… La réédition d’une nouvelle qui, en 2005, avait obtenu le Grand prix de l’imaginaire.

Sylvie Lainé Marouflages ActuSF 106 p., 8 € ISBN 978-2917689-16-5 www.editionsactusf.com

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Anne-Lieve est archéologue, elle quitte le Cap pour un nouveau chantier, au nord de Terre-Neuve. Elle quitte Shafique, l’ami qui la détourne à peine d’un deuil profond. Anne-Lieve, les lecteurs de Florence Delaporte la connaissent depuis Je n’ai pas de château, premier roman qui valut à son auteur le prix Wepler. La jeune femme, qui commence à voir des cheveux blancs dans sa belle natte brune, est prête à traverser le monde pour fuir le souvenir de Stephen, l’amant

Singulière enfance La quatrième de couverture annonce : « Voyage biographique est un livre sur l’enfance car on parle mal de l’enfance ». Non, mille livres en parlent bien… Joël Roussiez, lui, en parle bien et de manière singulière. Son récit à la troisième personne recompose un passé en mélangeant imparfait, présent et passé simple. Mais « simple », le passé ? Ce serait trop banal. Sous des dehors méthodiques (Voyage biographique I, II, III avec sous-titres « En passant par les chiens », « En passant par les filles », « En passant par la mort et par la vie », et parties), cette narration décousue autorise une lecture buissonnière, comme on attend la fin de l’école, sous les buissons. « On peut commencer n’importe où, toujours ça se déplace », « c’est comme de l’huile sur de l’eau, ça bouge, ça s’étire, ça se rétracte, mais c’est toujours là… ». Ce « ça » peut se rapporter autant à la forme adoptée que décrire les événements qui « se tiennent dans 8

l’air, lentement pénètrent des corps ou bien s’y glissent d’un seul coup ». Ces événements, même minimes et prévisibles dans une cour de ferme à la fin des années 1950, génèrent des peurs bien réelles chez l’enfant Jojo ; sa croyance aux sortilèges, sa réceptivité aux contes et fables, l’attention qu’il porte à ce qui lui parvient des conversations d’adultes exacerbent ces peurs, il en arrive même à deviner avec précision ce que furent la Seconde Guerre mondiale et l’extermination des Juifs, « le peuple des ombres l’ayant saisi par les cheveux ». De dérivations en connexions, cette longue reconstruction circulaire et obsessionnelle – qui n’est pas que morbide, qui sait aussi être tendre et drôle – finit par fasciner. Catherine Goffaux-H. Joël Roussiez Voyage biographique La Rumeur libre Éditions 254 p., 18 € ISBN 978-2-35577013-5

parution

Le nouveau roman de Florence Delaporte, Terre Neuve, tente et réussit - une rencontre risquée entre deux femmes, entre deux mondes, entre modernité et légende. Son récit ardent transforme un dépaysement en une plongée dans l’inconnu, où l’intime et le collectif se confondent.

disparu (mais ce n’est pas sûr) dans un lointain tsunami. À Terre-Neuve l’attendent une nature « sans odeur et sans singe » et tout un monde animal embusqué : orignal, lynx, ours. C’est la grande affaire de de cette ancestrale collusion. ce roman, d’ailleurs, la présence de À Terre-Neuve, Anne-Lieve fait des l’animal et de l’archaïque. La baleine rencontres décisives, celle d’Ida affable qui suit Anne-Lieve depuis Baribal, sa logeuse revêche qui l’Afrique du Sud cède la place à « Ce sont des bêtes extrêmement sauvages, lui l’ourse, qui a para-t-on dit récemment. Même si elles empilent des pierres au fond des grottes et on n’a jamais tie liée depuis la su pourquoi, même si elles nous ressemblent, nuit des temps nous précèdent et nous ressemblent, comme avec l’initiation des pour nous garder bien liés à la vieille sauvagerie jeunes filles et la qui nous fonde, ce sont des bêtes et quand elles fécondité. Comme perdent patience, elles tuent sans hésiter. par hasard, AnneL’ourse piétine autour de la voiture, lentement, le Lieve est chargée museau tournoyant, l’œil scrutateur revenant sans d’interpréter un cesse vers la femme assise derrière le volant, « lieu magique » comme pour une inspection en règle. » où souffle l’esprit

extrait

La trace de l’animal

Le bouche à oreilles

Un livre au pluriel, un livre de rencontres. Pas de quoi surprendre le lecteur qui connaît l’esprit d’aventure de John Berger… Le Blaireau et le roi est de ces ouvrages décalés qui fleurent bon les voix plus ou moins familières, les textes qui se croisent et se jouent les uns des autres. Deux lettres échangées entre John Berger et Maryline Desbiolles, des textes ayant fait l’objet de lectures collectives, douze photographies des habitants du village de Quincy, un beau et long dialogue entre John Berger et Yves Berger, son fils, avec la complicité d’Emmanuel Favre, autour des questions de l’art et des territoires, de la création, des frontières et des filiations… Des textes, des visages et des voix. L. B.

John Berger Le Blaireau et le roi Avec Yves Berger Héros-Limite & Fondation Facim 200 p., 24 € 978-2-94035850-2

© C. Hélie / Gallimard

livres & lectures / roman emmène en forêt les petites filles perdues de la ville et les ramène transformées à jamais. Elle se heurte aussi à Terry, à James le métis, à Oliver le professeur. Aux enfants qui s’inventent de mortels rites de passage. Dire que Terre Neuve est un roman initiatique puissant est peu dire. L’écriture précise creuse très profond dans les émotions, pour donner à sentir la nature et la découverte de soi. D. M. Florence Delaporte Terre Neuve Gallimard 154 p., 15,90 € ISBN 978-2-07-012860-0

L’art de la fugue Au départ, il y a la volonté de Johanna de quitter Bruges pour s’éloigner de Frans, son banquier de mari, et prendre le temps de réfléchir à son couple, à son désir (inassouvi) d’enfant. Dans un hôtel proche de la mer du Nord, à Berck, elle rencontrera Erik, un VRP qui l’emmènera voir un film avec John Wayne et déguster des coquillages à Ostende. De retour à Bruges, elle comprendra que son mari est infidèle, reverra Erik (pour une semaine seulement, et pour faire un enfant), et apprendra la mort d’Hilda, une jeune femme rencontrée lors de son périple à Ostende. En se mettant sur les traces de celle-ci, en parcourant son histoire et son passé, c’est un peu d’elle-même que Johanna va trouver… Premier livre d’un auteur du Diois, ce roman délicat nous plonge au cœur de la quête intérieure de Johanna avec sensibilité et une sorte de mélancolie lumineuse que les paysages du Nord, très bien rendus par l’écrivain, ne font que renforcer. Un livre en clair obscur, plutôt maîtrisé, même si on pourra lui reprocher un léger manque d’audace dans l’écriture. Mais il s’agit là d’un premier livre…Y. N. Denis Arché Dans la fuite incessante Seuil 188 p., 16 € ISBN 978-2-02100519-6


livres & lectures / jeunesse Chacun cherche son chat Après C’est Giorgio, Prix RhôneAlpes du livre jeunesse en 2009, le duo Loren Capelli et Corinne Lovera Vitali récidive avec Kid, un album magnifique de poésie et de sensibilité. Dans le premier album de l’écrivain Corinne Lovera Vitali et de l’illustratrice Loren Capelli, C’est Giorgio, c’était un petit ours en peluche trouvé sur un terrain vague qui permettait à l’héroïne de conjurer sa solitude et de trouver un « autre » apaisant et consolateur. Kid, le chat noir et blanc qui donne son titre à leur nouvel album, est le petit frère de Giorgio, ou sa déclinaison. La jeune femme qui le recueille vient de vivre un été glacial et douloureux avec la perte de ses parents. La solitude de Kid la ramène à la sienne, comme deux êtres aux prises avec un monde trop grand pour eux : « Comme un qui a perdu père et mère / et la chaleur qui va avec / les coups de patte / la grande ombre / la protection / le chasseur / le ventre / tout perdu le Kid ».

De ce partage des solitudes naîtra une relation apaisante… et le retour de l’été. On retrouve ici la langue tout en retenue de Corinne Lovera Vitali, qui dit beaucoup de notre éphémère condition avec une économie de moyens et un sens poétique absolument poignants. Le dessin de Loren Capelli, qui complète son habituel crayonné de nombreuses touches de couleurs, apporte un écho sensible à cette histoire simple, qui est la grande énigme de nos vies : la disparition, le deuil, la solitude et la fragilité de l’existence, qui en donne tout son prix. Un album-objet d’une grande beauté, que l’on conseillera aux plus jeunes avec un accompagnement de lecture, et qui séduira aussi les adultes par sa lucidité et son exigence artistique. Y. N. Loren Capelli et Corinne Lovera Vitali Kid Le Rouergue 15 € ISBN 9782-81260106-4

Les 1 001 recettes de Compote Yann Fastier, illustrateur aussi facétieux que talentueux, ne pouvait sans doute pas résister au charme « linéotypé » des établissements Colophon, fabrique de livres et d’original sise à Grignan, au cœur de la Drôme. La rencontre s’est donc très naturellement faite autour d’un petit livre carré en forme d’accordéon, dont le titre résonne comme une intrigante question : Compote ou tempête ? Car les oursons sont comme les enfants et les enfants comme les hommes : insatisfaits de n’être qu’eux-mêmes. Et lorsqu’on s’appelle Compote, on peut légitimement rêver de mots plus envoûtants et de patronymes plus exaltants… Tempête, par exemple, voici un nom bourré de promesses qui

laisse libre cours à l’imagination et à toutes les incarnations enfantines, mais pas seulement. Ainsi dénommé Tempête, l’ourson se rêve en shérif ou en grand chasseur africain, en roi de la bagarre ou de l’orage. Autant de formes rêvées, autant d’aventures supposées, autant d’illustrations gravées sur linoléum et imprimées avec grand soin. C’est une petite histoire, c’est un petit livre. Simple, drôle et beau. L. B. © Dessin : Yann Fastier / Photo : Éditions Colophon

Kid : un nouvel album signé Loren Capelli et Corinne Lovera Vitali

Yann Fastier Compote ou tempête ? Éditions Colophon Collection « Accordéon et Trombone » 12 € ISBN 9782917139-02-8

Si le Rhône m’était conté… Dis, comment c’était le Rhône au temps de la batellerie… ? Jean a onze ans, pêche l’anguille et rêve de joutes au parfum de chevalerie. Le fleuve Rhône est son terrain de jeux. L’album de Catherine Chion, à visée pédagogique, retrace avec soin la vie au bord du fleuve et le rôle de cet axe de communication au début du XIXe siècle. On y apprend le quotidien du fleuve et de la navigation aussi bien que le vocabulaire des charretiers et des

conducteurs de barques qui sillonnent les eaux, entre Lyon et la Camargue, grâce à un lexique très complet. Simplicité du dessin, travail de véritable reconstitution, le plaisir de cet album est dans la fenêtre qu’il ouvre sur les souvenirs des anciens, à partager avec les plus jeunes. L. B. Catherine Chion Jean du Rhône L’École des loisirs 46 p., 12,50 € - ISBN 978-2-211-09012-4

nouveautés des éditeurs Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpes réalisée par Émilie Pellissier

À REBOURS Le Marquis de Sade de Jules Janin Janin, « le Prince des critiques », publie la première biographie du Marquis vingt ans après sa mort, en 1834. La réédition de ce texte contribue à la redécouverte de l’œuvre de Sade bien que l’auteur ne cesse de nous exhorter à ne pas lire ces « rêveries que n’inventerait pas un sauvage ivre de sang humain ». collection Les Promenades 124 p., 9 € ISBN 978-2-151114-20-1

à la littérature populaire, sont fragmentées en plusieurs feuillets regroupés dans un écrin transparent. collection Petits cahiers intempestifs d’artistes

ANNA CHANEL Tu vois la lune texte d’Agnès de Lestrade ; illustrations de Anaïs Bernabé Traitant du thème de l’exode et du déracinement, l’auteur et l’illustratrice parviennent à donner vie à la transformation de ce dur voyage par l’imaginaire d’une petite fille africaine. Une route contrastée que les partis-pris graphiques tendent à souligner. 56 p., 15 € ISBN 978-2-917204-31-3

non paginé, 53 € ISBN 978-2-911698-57-6

BALIVERNES ÉDITIONS Noa, de l’autre côté texte de Gaëlle Boissonnard ; illustrations de Diane Peylin Dans un royaume peuplé de fées, Noa est une adolescente qui se cherche. Elle choisira de partir à l’aventure, « de l’autre côté » de la barrière interdite. 40 p., 13 € ISBN 978-2-350670-44-7

ÉDITIONS DES CAHIERS INTEMPESTIFS Jean Le Gac Ce deuxième petit cahier intempestif d’artiste met en valeur le travail de Jean Le Gac, peintre de la Nouvelle Figuration. Les Bottes de cuir fauve et L’Image dans le tapis, qui comme toutes ses œuvres allient procédés de mise en abîme et références

CHAMP VALLON La Grande Peur de 1610 : Les Français et l’assassinat d’Henri IV de Michel Cassan Il y a 400 ans, le 14 mai 1610, avait lieu un régicide en plein cœur de Paris : François Ravaillac tuait Henri IV de deux coups de couteau. Ce livre est le premier à se pencher

sur les suites immédiates de cet événement à l’échelle du pays. collection Époques 240 p., 22 € ISBN 978-2-87673-52-3

CHRONIQUE SOCIALE Escales vers soi : 35 escapades vers soi-même de Chantal Mey-Guillard Cet ouvrage se propose de nous mettre sur le chemin de nos sensations internes. Un voyage dans l’écoute de soi au travers de situations créatives et relaxantes. collection Comprendre les personnes 96 p., 20 € ISBN 978-2-85008-792-9

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regard chronique

Géraldine Kosiak

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Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image, pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent sur l'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travail Le désordre règne Les contradictions font partie de mon quotidien, avec l’âge j’ai appris à vivre en elles. Un exemple parmi tant d’autres : je n’ai jamais été attirée par l’œuvre de Céline, remettant à jamais sa lecture. Et pourtant, je peux deviner toute sa vie, il me semble. Pourquoi ? Juste à cause d’une coïncidence. Louis Ferdinand est né en mai, le même jour que moi. Plusieurs décennies nous séparent, soit, mais un jour nous réunit. Lui et moi avons soudain ce détail en commun. Formulé ainsi, cela peut paraître insignifiant, bien sûr… Fouillant dans les archives de l’INA, je découvre une émission de 1957, Lectures pour tous. On y voit Céline dans sa dernière maison, à Meudon. Il est en compagnie de ses chiens qu’il appelle tous « mon p’tit père ». Il a l’air malin, habillé comme… un « clochard », selon le journaliste. Je ne suis pas d’accord, il est habillé tout comme l’était mon grand-père paternel (un malin, lui aussi), avec ce débraillé travaillé dans le costume. On entre dans la maison. Elle aussi ressemble à celle de mon grand-père. Comme chez lui, le désordre règne. Les animaux vivent à l’extérieur mais aussi à l’intérieur, ils vont et viennent à leur guise. À travers l’écran, je devine l’odeur des chiens, des chats, et des oiseaux car, ici, l’animal est roi. Dans une pièce au rez-de-chaussée, le bureau de Céline. Il l’appelle son « établi ». Il travaille parmi les aboiements et les coups de sifflet de son perroquet, sur cette table encombrée, recouverte de papiers, de manuscrits, des feuillets qu’il assemble avec des dizaines de pinces à linge. Il raye, souligne, rature, mais à chaque fois reprend le livre en entier, au bout du compte. Il dit que pour quatre cents pages imprimées, il en a

ÉDITIONS CRÉAPHIS La Chambre du secret photographies d’Olivier Verley ; texte d’Éric Chevillard Un livre composé de 43 photographies d’Olivier Verley, précédées d’un texte inédit de l’écrivain Éric Chevillard. Les personnes qui ont posé dans l’atelier de l’artiste ont été photographiées à l’aide d’une chambre de très grand format et pendant un temps de pause de quatre minutes. Pour chaque visage, le rendu final est donc plus

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ou moins flou à cause du léger bougé notamment dû à leur respiration. 104 p., 19 € ISBN 978-2-354280-26-0

écrit quatre-vingt mille à la main. Il recommence le livre une bonne dizaine de fois, jusqu’à ce qu’il le « sente ». Affaire de nez et de feeling. Il ne mange presque pas, boit de l’eau, ne fume pas, dort à peine mais se couche malgré tout à 19h, avec sa femme assise sur une chaise près du lit. Lucette était danseuse. Beaucoup plus jeune que lui, elle racontera après la mort de Céline :

« […] Moi, je ne parlais pas, alors il n’y avait pas de problème, je ne disais rien, j’écoutais. Ce n’était pas la peine de parler avec lui, il parlait beaucoup, il se laissait aller, il n’attendait pas de réponse. On s’entendait très bien, comme je suis pour le geste, je n’avais pas besoin de parler, c’était parfait et c’est ce qu’il demandait. » Lucette Destouches (avec Véronique Robert) Céline secret Grasset

DELATOUR FRANCE

GLÉNAT

Écrits - vol. 1 et 2

L’Alpe 48 Ah, la vache !

de Michel Philippot Cet ouvrage rend compte de l’œuvre théorique très riche construite par Michel Philippot, compositeur de musique contemporaine et fondateur de la filière Formation supérieure aux métiers du son en 1989 au sein de l’INA. collection Pensée musicale 401 p. (vol. 1) et 731 p. (vol. 2), 37 € ISBN 978-2-752100-79-5

LA FOSSE AUX OURS Debrà Libanos : Une enquête de l’inspecteur Serra de Luciano Marrocu ; Marc Porcu, trad. Dans cette suite des aventures policières démarrées avec Fáulas,

en 2008, les personnages ont gagné en épaisseur. L’inspecteur Serra et le dottor Carruezzose se plongent cette fois dans une enquête autour d’un meurtre perpétré dans l’Afrique italienne. 155 p., 16 € ISBN 978-2-35070-07-3

collectif, Ce numéro de printemps est consacré à l’animal le plus emblématique du bestiaire alpin. La vache, qui inspire tant les artistes que les maîtres fromagers, nous entraîne ici dans des histoires où se mêlent traditions et interrogations sur l’avenir de l’élevage. 96 p., 15 € ISBN 9782723476348


patrimoine Un voyage extraordinaire Les colonies comme si vous y étiez allés… C’est à peu près ce que propose aux lecteurs le Centre international d’étude du XVIIIe siècle de Ferney-Voltaire, avec la réédition de l’ouvrage somme de Raynal consacré à l’Histoire des deux Indes. Un événement. Connaissez-vous Guillaume-Thomas Raynal ? Pas forcément… D’ailleurs, si le Centre international d’étude du XVIIIe siècle n’existait pas, il y aurait fort à parier que vous n’en auriez jamais entendu parler. À moins d’être un spécialiste du siècle des Lumières et de ne point ignorer que

ce personnage, grand intellectuel, rédacteur au Mercure de France et au service du roi, a mené un imposant projet d’Histoire des deux Indes qui reste « une analyse sans précédent des relations des nations d’Europe entre elles et avec l’Orient et le Nouveau Monde, imbriquée dans un vaste panorama de la géopolitique mondiale. » C’est cette œuvre considérable et volumineuse, fruit du travail d’une vie et d’une foule de collaborateurs (dont Diderot), que le Centre international d’étude du XVIIIe siècle vient de rééditer magnifiquement : deux volumes tirés de la quatrième édition publiée à Genève en 1780, et la possibilité de plonger dans un ouvrage qui relate les dessous de la toute première mondialisation et influença en son temps les idées anticoloniales. L’abbé Raynal a d’ailleurs dû quitter la France après la publication de son ouvrage, avant de mourir pendant la Révolution, après plusieurs années d’errance.

Pour Andrew Brown, spécialiste de Voltaire et responsable de ce projet, cet ouvrage est « une véritable encyclopédie des connaissances coloniales », qui reprend l’histoire du colonialisme depuis le XVe siècle, analyse les évolutions grâce à un ensemble de statistiques impressionnantes et « dresse un immense tableau de la colonisation et de ses méfaits ». On comprend que le roi n’ait pas apprécié… Accompagnant le livre intitulé Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, l’éditeur propose également un volume grand format proprement fascinant, puisqu’il comporte les fac-similés des Tableaux, atlas et cartes des éditions de 1774 et 1780. On peut y suivre, pays par pays, denrée par denrée, l’affluence des revenus produits par l’incroyable saignée pratiquée par l’Europe coloniale dans ces deux Indes. C’est-à-dire, ni plus ni moins, dans le reste du monde. L. B.

compte rendu

Portrait de Guillaume-Thomas Raynal ornant la troisième édition de L’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes (publiée en 1780).

GUÉRIN Les Petits Conquérants de Vic Epatin L’autobiographie de l’alpiniste mythique, premier vainqueur de l’Annapurna, est ici entièrement réécrite à l’intention des jeunes lecteurs. Les illustrations originales de Ronan Bégo et les notes explicatives sur les techniques d’alpinisme en font un bel outil pour partir à la découverte d’un univers inconnu. collection Héros des montagnes 200 p., 18 € ISBN 978-2-352210-44-3

URDLA, CENTRE INTERNATIONAL DE L’ESTAMPE La Société du confetti de Gycée Hesse Jean-Claude Silbermann, peintre et écrivain né en 1935, écrit ici sous pseudonyme un roman fait de quarante et un chapitres correspondant à autant de journées érotiques au cours desquelles il consigne de scabreuses confidences. collection La Source d’urd 198 p., 18 € ISBN 978-2914839-37-2

Europeana Regia, ou les enjeux de la numérisation des manuscrits

La présentation publique du projet Europeana Regia, concernant la numérisation de 879 manuscrits médiévaux et humanistes européens, a donné lieu à Paris, les 30 et 31 mars 2010, à deux journées d’études organisées par la Bibliothèque nationale de France et l’Institut national du patrimoine. Deux journées de conférences denses qui ont été l’occasion de faire le point sur les problématiques générales liées à la numérisation des manuscrits. En effet, contrairement aux imprimés et à la presse, et en raison, notamment, de leur fragilité, ou des contraintes liées à leurs formats (tailles, reliures), les manuscrits anciens n’ont pas fait l’objet d’une numérisation massive. Au mieux, pour les manuscrits médiévaux conservés dans les bibliothèques françaises, leurs enluminures ont été numérisées et répertoriées dans les bases de données Mandragore et Enluminures. Les avancées techniques de la numérisation permettent aujourd’hui de rattraper ce retard et

de proposer les manuscrits dans leur intégralité accompagnés d’outils de recherche performants. Dans ce contexte, le projet Europeana Regia de reconstitution virtuelle, via le portail culturel Europeana, de trois grandes bibliothèques royales médiévales (impliquant 5 bibliothèques pilotes, 4 pays, 30 mois de travail et un budget de 3,4 M€, dont la moitié financée par la Commission européenne) apparaît comme le catalyseur des politiques de numérisation déjà engagées par les établissements européens. Il vise à mettre en commun et à harmoniser les données existantes, mais aussi à les compléter et à stimuler les recherches. Utile aux chercheurs, la reconstitution virtuelle de corpus n’en est pas moins un enjeu diplomatique. Reconstituer à l’intention de tous un ensemble de documents dispersés, tout en créant un élan de recherche coopératif, est un argument supplémentaire en faveur de la numérisation. Argument dont on sent bien qu’il est au cœur d’un projet comme l’« International Dunhuang Project : La Route de la soie en ligne », qui tente de rassem-

Guillaume-Thomas Raynal Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes 776 p., 60 € - ISBN 978-2-84559-053-3

Tableaux, atlas et cartes de l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes 128 p., 60 € - ISBN 978-2-84559-060-1 Centre international d’étude du XVIIIe siècle BP 44, 01212 Ferney-Voltaire cedex

www.c18.net

bler virtuellement les objets et les 40 000 manuscrits de la grotte de Dunhuang, aujourd’hui conservés à la British Library, à la BnF, au Musée Guimet, à l’Institut des études orientales de SaintPétersbourg et à la Bibliothèque nationale de Chine. Préserver les documents originaux, recréer des ensembles dispersés, augmenter la connaissance des manuscrits en les rendant accessibles sont quelques-unes des possibilités offertes par la numérisation. Il est intéressant de noter qu’elle peut aussi réveiller la curiosité pour le document original. À ce titre, la fondation suisse Martin Bodmer utilise les images numériques de ses collections pour rééditer sous forme de fac-similés des manuscrits et documents rares. Une initiative qui rencontre un vif succès et qui entretient le goût pour le livre et le papier… grâce au numérique. Delphine Guigues http://blog.bnf.fr/europeana_regia http://europeana.eu http://mandragore.bnf.fr www.enluminures.culture.fr http://idp.bnf.fr

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portrait

surface de réparation

C’est injuste. Ils sont onze écrivains pour un seul journaliste. Dans ce salon de la Croix-Rousse lyonnaise, côté boulevard, tout le monde a pris place, formant un large cercle de chaises, de tabourets et de fauteuils. Compliqué Lecture in situ : inauguration du grand pont sur la Loire d’en faire le tour. Le propre d’un collectif ? Non. Le ou par les thèmes, des formats adaptés aux terrains propre de celui-ci. Les (h)auteurs, comme si vous y étiez. et aux publics. Bref, la préoccupation constante de l’expérimentation. Au début, ils étaient quatre. Rendez-vous pris une heure Entre-temps sont arrivés Étienne Faye, Stéphanie Lefort, avant la rencontre mensuelle avec promesse de rameu- Philippe Puigserver, Marie-Françoise Prost-Manillier, ter la troupe le plus tôt possible et de faire connaissance Valérie Sourdieux et Laurence Loutre-Barbier. Pierre Évrot – on devrait dire « connaissances ». Leïla Lovato, clôt le défilé. Prune Long-Chenay ne viendra pas. Être Frédérick Houdaer, Patrick Ravella, Judith Lesur. Dans dans les (h)auteurs, ce n’est pas toujours possible. le désordre. Il faudra s’y habituer, c’est la règle ici. Zéphire, le chien des (h)auteurs, ou du moins de l’un(e) Écrire pour être entendu… d’entre eux – elle aime les parenthèses –, n’est nullement impressionné par cette concentration littéraire et Il y a du vin rouge, des olives, une quiche, une salade, des voudrait goûter à tout ce que les invités déposent sur oursons en guimauve… Menu ouvert, à l’image de la la table à mesure qu’ils arrivent. La conversation se lance diversité des participants. Car le collectif est à géométrie sur les origines de ce collectif d’auteurs-lecteurs, hésite variable. Presque tous ont publié des livres, certains des à chaque coup de sonnette, rebondit avec le nouvel textes. Chacun envisage l’écriture à sa manière, mais chaarrivant, résiste aux embrassades et aux saluts. C’est cun apprécie ce cadre commun entièrement voué à la recherche littéraire et au partage. La base, c’est tout de assez joyeux, c’est plutôt sérieux. L’aventure démarre en 2005 grâce à la compagnie La même une « écriture tournée vers la mise en public ». Les Hors de et au chantier culturel ouvert dans le quartier (h)auteurs comme une dynamique ascensionnelle à frotde la Duchère en pleine restructuration. Quelques tements littéraires. Un creuset, un laboratoire, un peu auteurs occupent un « bureau », qui devient vite un lieu plus proche de la littérature que du spectacle vivant. de rassemblement, où naissent les propositions tex- Pas de structure juridique, pas d’obligation, des échanges, tuelles pour des lectures marathons dans les ascenseurs, des débats. Vifs parfois. On n’a jamais vu d’exclusion au les escaliers, les appartements… C’est cela, les sein du collectif, de temps à autre un départ suite à de (h)auteurs : des gens qui écrivent et lisent leurs textes à vigoureuses discussions. Certains reviennent un peu plus haute voix, une capacité illimitée à trouver des prétextes tard. Pourtant, les (h)auteurs ne revendiquent pas un à l’écriture. On dit aussi « contraintes ». Une dizaine d’évé- style, ne défendent pas de théorie littéraire. D’ailleurs, ils nements par an, les uns présents à celui-ci, absents lors ne parlent pas des écritures des uns et des autres. d’un autre, des textes inédits guidés par les lieux Quoique. Plusieurs souhaiteraient aller plus loin sur la (un pont sur la Loire, la galerie photos du Réverbère) voie du « retour critique ». D’autres non. On a bien fait de

Résidence d’écrivain au pays d’Alzheimer

Clara au pays des mots perdus (Tertium Éditions), c’est le titre d’un roman de Jean-Yves Loude. Un roman singulier puisqu’il est né suite à une résidence d’auteur au centre Montvenoux de Tarare, dans le Rhône, qui accueille des malades d’Alzheimer à un stade très sévère de la pathologie. Avec simplicité et sensibilité, le livre retrace

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l’aventure humaine vécue par une jeune fille et son grand-père atteint par la maladie. Jusqu’à la fin. Pas de fausse pudeur, les choses en face, mais l’espoir chevillé aux corps des personnages autant qu’à l’écriture de Jean-Yves Loude. Ce petit roman suscite l’échange et c’est bien ce que l’écrivain recherchait en proposant ce témoignage littéraire sur le parcours imposé par cette maladie, au malade luimême tout autant qu’à ses proches. Les occasions ne manquent pas.

Clara au pays des mots perdus fait d’ailleurs l’objet d’une présentation à la médiathèque de Tarare (le 20 mai), avec une lecture proposée par Claire Truche, de la Nième Compagnie. Et puis un congrès orienté vers la pédopsychiatrie, à partir du roman, se tiendra également à Lyon (le 12 juin)… Chacun à sa place, chacun à sa manière, Clara et Jean-Yves Loude continuent de faire œuvre utile. L. B.

nous écrire > > > > livreetlire@arald.org

poser la question car le ton monte. Du frottement à la friction. Mais reste cordial. Jusqu’à ce que Stéphanie Lefort capte la parole pour prononcer son credo quant au collectif : « Elle est délicieuse, cette salade… » C’est un fait. On s’amuse aussi. Du temps d’écrivain, de la fraternité humaine, une incitation à l’écriture, beaucoup d’amour, de l’expérimentation, de l’envie d’écrire, une façon de s’excentrer, la dynamique du groupe, la confrontation à des humanités, des énergies gratuites… Chacun a son mot à dire pour exprimer ses (h)auteurs. Judith Lesur conclut : « Il y a aussi une dimension politique dans la volonté de faire entendre la place de l’écriture dans la société en allant vers les gens. » Sans Judith, les (h)auteurs n’existeraient pas. Ce sont les autres qui le disent. Zéphire ne les écoute pas, trop occupé à courir après son jouet dans le couloir. Le dessert est servi. Le journaliste s’éclipse. Déjà la discussion reprend. Légère comme le vent. Laurent Bonzon © Les (h)auteurs

Dynamite de groupe

http://leshauteurs.blogspot.com Soirée « Mythologie(s) » Textes, performances, vidéos, vendredi 7 mai à 19h30 à la Mapra (Lyon 1er arr.).

Marathon 42 heures de création et de performance, les 28, 29 et 30 mai, à Saint-Julien-Molin-Molette.

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à Livres Hebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation. Directeur de la publication : Geneviève Dalbin Rédacteur en chef : Laurent Bonzon Assistante de rédaction : Marion Blangenois Ont participé à ce numéro : Jacque A. Bertrand, Nicolas Blondeau, Catherine Goffaux-H., Delphine Guigues, Frédérick Houdaer, Géraldine Kosiak, Danielle Maurel, Yann Nicol, Émilie Pellissier, Roger-Yves Roche et Fabienne Swiatly.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. livreetlire@arald.org www.arald.org Siège social / Arald 1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

Conception : Perluette Impression : Imprimerie Ferréol (Imprim'Vert). Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales ISSN 1626-1331


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