Corps et Architectures

Page 1

CORPS ET ARCHITECTURES

CAILLAUD, ARIANE

RÉFÉRENT / F. BLANC 2° SEMESTRE - 3°ANNEE LICENCE_2014 / 2015


Corps et architectures

PRÉAMBULE Ce projet d‘écriture a pour but de faire un retour sur trois années d‘enseignement de l‘architecture. Dès la première année, il apparaît clairement que c’est une discipline qui s’apprend partout, par tous les moyens. A travers ce mémoire, j’aimerai justement exprimer cet interdisciplinarité qui caractérise l’architecture, et cela à travers le thème du rapport au corps. Je porte un certain intérêt à cette notion de corps qui regroupe davantage de discipline encore, et comment deux disciplines aussi vastes et subjectives viennent se croiser dans de multiples contextes. Ce travail va également être le moyen d’aller chercher autre chose que l’architecture comme on la théorise en atelier, pour aborder des notions plus sociologiques, aller voir plus loin. J‘ai conscience que ce sont des sujets extrêmement vastes, que je vais seulement pouvoir survoler, mais c‘est une manière d‘exprimer ce qui nourrit ma vision de l‘architecture tout en structurant l’ensemble de mon étude.

2


Azimut _ Aurélien Bory / TNT

«Azimut vient du mot arabe as-samt qui signifie chemin, direction. Azimuté en argot veut dire fou. Ce mot contient alors ces deux sens contradictoires, suivre un chemin et être fou. Par dérivation Azimut a donné zénith, littéralement le « chemin au-dessus de la tête », métaphore spirituelle qui offre l’idée de l’envol. (...) Le vol humain est scénographiquement une machine de théâtre et la scène est le seul endroit de l’art soumis inexorablement à la gravité. Ce lien avec le ciel renvoie à l’astronomie, où l’azimut est la mesure d’angle entre l’axe vertical des astres et le méridien de l’observateur, entre les étoiles et celui qui regarde. Ainsi nous avons les corps, nous avons l’espace, nous avons les fous, il nous reste alors à trouver le chemin, l’Azimut.»

3


Sommaire Texte _ École _ Lectures _ Références artistiques _ Citations _ Annotations

_ Intro d u c tio n 1_ An t h ro p o m o r phi s me

La représentation du corps et son influence dans le domaine bâti 1. Symbolisme _ Anthropomorphisme / Point de vue sociologique/anthropologique / „l‘architecture comme organe sensoriel“ / La construction à l‘echelle de l‘homme 2. Mesure, échelle et proportions - Le corps comme outil de mesure et de dessin.

2_ Ev o lu t i o n s cont e mp o r ai n e s

Le corps comme instrument, la rupture de la révolution industrielle

1. Uniformité _ Déshumanisation

2. Evolution milieu XXe

3. Mecanique structurelle Recherches sur le vivant. _ Traduction d‘uns système structurel biologique en système constructif


3_ Pe rc e p tio n s

Le corps comme traducteur et moyen d‘expression 1.Le positionnement / rapport à l‘habiter

2. Interactions / Relation avec l‘environnement / Intéraction forme et usagers

3. Domaine artistique, impressions corporelles / Le symbolisme de l‘architecture sur le corps _ Le corps habité / Le corps - habité - bâti

_ C o n c lu s i o n _ Bib l i o g ra p h i e



_ Intro d u c tio n

Le corps est un sujet à part entière, qui puise sa propre histoire et évolue selon le contexte socio-culturel. Le rapport au corps qu’entretient un individu ou une génération entière se lit sur l’architecture contemporaine au sujet. A l’inverse, l’architecture influe également sur la perception entre l’homme, son corps, et son environnement bâti. En cela, l’architecture ainsi que le rapport au corps sont deux notions qui témoignent de l’histoire et de la culture d’une société à une époque donnée. Ainsi, nous allons explorer en quoi la notion de corps et l’architecture entretiennent des relations étroites, et se nourrissent l’un de l’autre. Nous allons d’abord explorer la représentation culturelle du corps et son influence sur le domaine bâti, ce que les anthropologues identifieront comme l’anthropomorphisme, et ce de différentes manières. Dans un second temps nous verrons les changements qui se sont opérés durant le XXe siècle pour mieux comprendre la vision actuelle des relations entre ces deux notions, et enfin les différentess perception qui en ressortent, que ce soit dans la théorie sociologique ou dans le domaine artistique.

7


1_ Ant h ro p o m or p h i smes

La représentation du corps et son influence dans le domaine bâti 1. Symbolisme _ Anthropomorphisme / Point de vue sociologique/anthropologique S132 Cours d’Anthropologie de l’Architecture et du Paysage Patrick Pérez

Citation_ La métaphore 1. Le corps. On connaît de nombreux habitats dont la distribution évoque un corps humain ; parfois la maison est pensée comme une nef, bateau ou pirogue ; ou encore, on habite une poterie ou un panier rempli d‘enfants et de nourritures ; ailleurs c‘est à une ruche que l‘on se réfère ; plus loin c‘est une image réduite du cosmos tout entier que l‘on veut voir. Ces métaphores disent par les formes, par les espaces et par les objets, ce que la maison veut être pour l‘habitant.

Le corps est la première réalité spatiale à laquelle nous sommes confrontés. Avant la naissance, nous passons quelques mois dans un milieu ovoïde, assourdi et replié sur lui-même. La rupture brutale de l‘accouchement confronte l‘enfant à un milieu infiniment étendu. L‘exercice et l‘apprentissage des différents sens permet à chacun de concevoir une organisation relative de l‘espace. Ainsi, la perception fait pour chacun l‘objet d‘une réalité objective. Donnée indépendante de tout jugement, c‘est une expérience personnelle qui n‘est pas construite par la culture. Très rapidement, la culture prend le dessus et influence totalement le symbolisme et la représentation de l‘habitat. Ces données se transposent directement sur l‘architecture, dans sa forme, sa composition ou encore son ornement, et indiquent ce que la maison veut être pour l‘habitant.

8


/ Dessins d‘enfants L‘enfant, pendant son développement, une fois l‘âge de 5 ans atteint commence à se représenter lui-même. Il n‘est plus le bonhomme patate de ses précédents dessins mais il commence à donner une structure à son corps, et l‘orne. La représentation de la maison apparaît également et révèle la construction de son identité par l‘extension corporelle. La maison devient et est dessinée comme lui-même, la symétrie et la structuration du haut vers le bas s‘assimile à la stabilité de son propre corps. On observe également que les fenêtres sont les yeux de la maison. Ce détail exprime une forte expérience de l‘intériorité. De plus, la présence de la cheminée traduit le foyer de la maison, son souffle, son âme mais également le foyer en tant que structure familiale. / Les Inuits avec l‘igloo // Construction en spirale de plaques de neige. Ce qui a beaucoup frappé les ethnographes c‘est que les mots qui décrivent les différentes parties de cet abri sont des mot corporel, l‘abri est assimilé à une femme enceinte des habitants. Femme couchée, contrairement à notre représentation, différence du rapport entre habitat et vie. Maison utérine qui protège ceux qui sont à l‘intérieur. En effet, chez les inuits l‘igloo n‘est pas un simple habitat, mais représente une personne à part entière, formée par une gorge, un nez, un corps. C‘est un élément qui nourrit et protège ceux qui l‘habitent. Comme on le verra plus tard, on retrouve également le fait de construire son abri à son échelle, pour sa protection et selon ses besoins. Illustrations ; Kitikmeot 1947 _ Kitikmeot 1947 http://www.sfu.ca/archaeology-old/museum/danielle_longhouse/keepers/housing.html

9


/ „L’architecture comme organe sensoriel“ // Article „le symbolisme du corps humain“ („ La peau prolongée dans l‘espace bâti“ „Les organes internes, image de l’organisation fonctionnelle de l’architecture“ „L’architecture comme organe sensoriel“) Tout d‘abord du point de vue de la mesure, de l‘esthétique et la représentation. Cela s‘explique aussi par les fonctions premières attendues d‘un abri; la protection du corps vis à vis de ce qui est extérieur, que ce soit des conditions climatiques, ou encore les autres. Ce qu‘on retrouve physiquement dans le corps humain. L‘architecture se détermine donc avec le même schéma que le corps, la peau protège et enveloppe tout ce qui est vital, toute l‘organisation fonctionnelle est fragile, ainsi que l‘homme lui même. Comme si l‘architecture devenait une seconde peau. Lors de la conception du projet, c‘est cette idée qui revient. On prends en compte que ce n‘est pas seulement une coquille vide, mais qu‘il y a une multitude de facteurs à prendre en compte pour la pérennité du bâti et ceux qui l‘habitent. Ces éléments font partie intégrante du projet, ce que malheureusement on prends en compte tardivement. L‘atelier de S6 mène cette idée au centre du travail, et nous apprend à le prendre en compte dès le début, et de ne pas se retrouver confronté à des modifications non voulues. Au contraires, les réseaux peuvent devenir un élément de projet, et le sont réellement. Cette symbolique de mon point de vue permet également de se rapprocher intimement de l‘environnement bâti qui nous entoure. D‘avoir un lien spécial, et ainsi d‘en avoir la considération. Puis, par sa volumétrie il impact sur l‘environnement dans lequel nous vivons, et devient ainsi un élément familier, un point de repère. Le considérer comme ayant les mêmes caractéristiques que notre propre corps indique une conscience du corps en tant qu‘objet, et d‘objet avec lequel on entretient une intimité. Comme pour l‘anthropomorphisme, le bâti devient un prolongement de l‘homme, et acquiert ainsi une place particulière vis à vis de celui-ci. Citation_ „Dans le dialogue que Paul Valéry consacre à l’architecture, Eupalinos explique le processus de création en affirmant : « l’architecture est la projection de mon corps ». Il distingue trois grandes catégories : l’utile qui est en relation avec le corps humain, l’esthétique avec son esprit, la solidité avec la nature. Cette image de l’architecture eut peu de succès durant le siècle qui suivit même si le Modulor fut une tentative rationaliste pour donner à l’espace construit des proportions humaines en rapport avec la proportion dorée. 10


/ La construction à l‘echelle de l‘homme - // Gaston Bachelard, Le nid Citation_ „L‘oiseau, dit Michelet, est un ouvrier dépourvu de tout outil. Il n‘a « ni la main de l‘écureuil, ni la dent du castor ». « L‘outil, réellement, c‘est le corps de l‘oiseau lui-même, sa poitrine dont il presse et serre les matériaux jusqu‘à les rendre absolument dociles, les mêler, les assujettir à l‘œuvre générale. » Et Michelet nous suggère la maison construite par le corps, pour le corps, prenant sa forme par l‘intérieur, comme une coquille, dans une intimité qui travaille physiquement. C‘est le dedans du nid qui impose sa forme. Bien avant la naissance de l‘architecte, l‘homme est avant tout un bâtisseur. Que ce soit pour lui, ou pour sa communauté, ses croyances... L‘homme a toujours su parler à travers l‘architecture, et utiliser son corps et ses savoirs pour la construction. Pour moi, le fait de construire de ses mains est un acte très fort, qui offre un sentiment de fierté face à l‘ouvrage finit. Cette notion aujourd‘hui en déclin face à la machinisation et la disproportion des chantiers. La vision offerte par Bachelard dans son analyse philosophique du nid renoue avec la poésie de la construction, et sa symbolique forte. Tout d‘abord, il cite Michelet pour mettre en avant le point de la construction en tant que telle, faisant état de l‘outil; „ L‘outil, réellement, c‘est le corps de l‘oiseau lui-même, sa poitrine dont il presse et serre les matériaux jusqu‘à les rendre absolument dociles, les mêler, les assujettir à l‘œuvre générale.“ A travers cet exemple il met en avant le travail du corps dans sa totalité, l‘investissement physique. Et c‘est le corps en tant qu‘outil qui détermine la forme de l‘objet construit. Il induit une notion d‘échelle physique en relation avec le bien être qu‘offre le foyer. Celui-ci est donc construit par lui, pour lui, et sa forme est déterminée par sa fonction, tout en restant dans un rapport physique. Citation_ „Le nid de l‘homme, le monde de l‘homme n‘est jamais fini. Et l‘imagination nous aide à le continuer.“ Bachelard exprime de manière très poétique un rapport aux proportions humaines qui sera certes théorisé de nombreuses fois et qui constitue pour moi une nécessité dans l‘architecture. A travers cette métaphore ressort également pour moi une forme de respect et d‘admiration envers des espèces que l‘on considère inférieures, à travers la symbolique universelle du foyer, et l‘optimisme du monde bâti.

11


2. Mesure, échelle et proportions - Le corps comme outil de mesure et de dessin. Montrer en quoi, après avoir utilisé le corps comme mesure d‘ornement, il est ensuite utilisé comme échelle du bâti.

// Premier cours de Projet en S1 ( Viennot ) ; se mesurer, se dessiner, et utiliser les mesures de son corps pour effectuer un relevé d‘une salle de cours La première approche concernant le projet en école d‘architecture a été, dans mon atelier, de prendre conscience de la mesure des choses à travers son propre corps. Après s‘être mesuré, le dessin a été le moyen d‘expression et de compréhension de ces relevés. Le corps était ici l‘outil de dessin, le référent, l‘outil pour mesurer, et pour ainsi avoir une pratique des „chiffres“. Cet exercice a été un bon moyen d‘entrer en la matière. Pour revenir sur la construction par l‘homme et pour l‘homme, le dessin est également une manière de s‘investir physiquement dans ce que nous voyons, pour le comprendre. Nous avons rapidement compris que la main dessine ce que l‘oeil voit, et c‘est celui-ci qu‘il faut éduquer. La prise de recul sur l’éducation culturelle de l‘oeil, avec notamment la notion de perspective, est particulièrement intéressante dans l‘analyse de croquis de culture différente, ou même dans différentes périodes (Moyen Age, Renaissance...) et traduit une perception culturelle différente de ce qui nous entoure. A partir de là, selon les cultures, l‘homme ne se perçoit pas de la même manière au sein de son environnement, et entretien avec celui-ci une relation différente.

12

G. Cathédrale de Milan de C. Perrault (1921) - Tracés harmoniques de caesar d’après Starnolocke (1391)Simplification par Matyla Ghika. Reproduction personnelle. Dr. Proportions de la statue d’antinorus


Si l‘on prend en référence le courant humaniste, c‘est une profonde rupture socioculturelle en Europe notamment par un rapport au corps en mutation. Dans tous les domaines les progrès nourrissent cette révolution, et inversement. Le corps humain est étudié scientifiquement, ouvert, dessiné, mesuré, etc. On cherche à comprendre son anatomie, et on renoue avec son système de proportions qui était largement utilisé dans l‘ornementation et la construction à l‘antiquité. Ce ne sera que à partir de la révolution française que l‘on instaurera le système métrique comme mesure. Et pourtant, même après ce changement, la modernité avec notamment Le Corbusier et son Modulor va chercher à renouer avec la mesure à l‘échelle de l‘homme, pour l‘homme. Il prend en compte les valeurs du nombre d‘or, et met ainsi en place des mesures „standard“ à travers la géométrie. Pour lui la „nature est géométrique“, il y mêle le corps humain. Grâce à son système, il établit de nombreuses dimensions de références, que ce soit pour du bâti ou pour du mobilier en recherchant l‘harmonie. Le Corbusier n‘est pas le seul à renouer avec le corps comme outil de mesure. // Cours de dessin, Module d‘ouverture „ Dessin d‘architecture“ Dessin de volumes de base +Tracés de chapiteaux + Études du corps humain.... Ou comment le dessin aide à regarder et comprendre la dimension des choses, et leurs rapports perspectifs

13

A travers le module d‘ouverture „Dessin d‘architecture“, pour chaque thème nous avons utilisé et compris les règles de tracés et la place prépondérante des mathématiques dans la nature et l‘architecture. Ce module a permis de re-centrer la compréhension de certaines formes d‘architecture à travers leur géométries et proportions, mais également pour le corps humain.


2_ E v o l u t i o n s c ont e mp o r ai n e s

Le corps comme instrument, la rupture de la révolution industrielle 1. Uniformité _ Déshumanisation

Le début du XXe siècle, à travers la révolution industrielle, a marqué une profonde rupture socioculturelle mais également technique. La machinisation et la recherche de la rentabilité théorisé et testé par Ford et Taylor notamment ont engendrées une crainte de la déshumanisation, tout d‘abord dans le domaine industriel. Les progrès technique ont permis des constructions hors normes pour l‘époque, que ce soit en acier ou avec l‘arrivée du béton. Tout d‘abord, l‘échelle est la notion qui permet de lier un espace symbolique ou imaginaire, dessiné, à un espace habité et construit. La rupture du XXe siècle a entraîné un changement d‘échelle frappant, dans lequel l‘homme doit s‘adapter. Ce changement d‘échelle, que ce soit entre deux villes, ou deux quartiers, ou encore deux bâtiments voisins témoignent d‘un certain contexte. J‘ai pu prendre conscience réellement de la perception de ce changement d‘échelle à travers différents voyages, et surtout en Amérique du Nord. New York est une ville qui m‘a laissé une très forte impression, où j‘ai pu aisément comprendre le ressenti de Fritz Lang, même si aujourd‘hui c‘est une ville dont on voit beaucoup de références. La verticalité des immeubles à certains endroit est troublante, mais la ville est conçue cependant à une échelle que je qualifierai d‘humaine. Si les immeubles sont plus hauts, les rues sont beaucoup plus large, une proportion est respectée. Malgré cela, la confrontation historique de certains bâtiments, et leurs échelles respectives donne parfois un sentiment d‘incongruité, comme on peut le voir sur cette photo d‘anciennes écuries en plein centre ville. Ces différences entraînent des écarts troublant en terme de perception qui peuvent être à la base d‘un certain malaise, et spécialement au début du siècle.

14


// Metropolis _ Fritz Lang Fritz Lang dans son film Métropolis explore ce thème de manière assez franche. Celui ci a été fortement marqué par un voyage aux États Unis dans les années 30, notamment par l‘architecture verticale à laquelle il a été confronté. Il retranscrit l‘inquiétude de l‘époque vis à vis de ce changement majeur. Le travail de F. Lang relève réellement de l‘architecture, tant dans ses croquis que dans sa scénographie. C‘est une ville entière qu‘il imagine, dessine et construit. En effet, il ira jusqu‘à bâtir réellement d‘immense décor, pour que la destruction soit plus réaliste. Les moyens mis en oeuvre durant cette dernière scène sont incroyables pour l‘époque, et le réalisateur n‘a qu‘une chance. Il souhaitait en effet, malgré le fait que ce soit un film de science fiction, que cette fiction justement soit au plus proche de la réalité. L‘autre thème majeur du film est justement la peur de la déshumanisation qu‘à engendré la révolution industrielle, traité d‘une manière similaire dans Modern Time de Charlie Chaplin. L‘objet de cette peur est mis en place et poussé à l’extrême. L‘homme n‘est plus qu‘un objet, une machine qui sert une rentabilité pour une élite aisée. Cet exemple est intéressant pour montrer l’étroite relation entre l‘architecture et le cinéma, tout en explorant un contexte socioculturel et économique particulier.

15


2. Evolution milieu XXe

Parallèlement, le domaine de la médecine progresse fortement, à travers le microscope, la mise au point des rayons x, l‘avancée des savoirs. L‘homme est constamment disséqué, les machines lui permettent de vivre plus longtemps. Nous passons d‘un corps „privé“ à un corps ouvert, le savoir s‘enrichit. Les moyens de „voir“ l‘intérieur se multiplient (radios, irm, etc.). Le corps est un objet malade en permanence, qui cherche à se prévenir des maux, et attend son diagnostic. C‘est un rapport au corps très particulier qui se met en place, et tellement brutal qu‘il en découle une angoisse grandissante. Les mutilations de la première guerre mondiale, et l‘horreur de la seconde viennent s‘ajouter à ces troubles. Comme l‘‚exprimera Le Corbusier rétrospectivement ; „1914; „l’événement bouleversant. Alors tout y a été à coups de mitraille. Dans les esprits aussi. Tout fut dit et fait. Le monde ancien fut brisé, foulé, refoulé, enterré“ Pour lui la rupture est totale, non seulement avec l‘homme lui même, mais aussi avec sa culture, et son passé. Il doit renaître de ce siècle un homme nouveau, en accord avec lui-même, dans un contexte qui est désormais international. L‘architecture est un moyen pour lui d‘y parvenir. „Il s‘agit d‘un problème d‘époque. Davantage, du problème de l‘époque. L‘équilibre des sociétés est une question de bâtiment. Nous concluons sur ce dilemme défendable : Architecture ou Révolution.“ (Vers une architecture) La question du machinisme y trouve une place centrale, c‘est une évolution qui ne peut pas être ignorée, mais qui doit être mise à profit de la liberté de l‘homme. La liberté tout d‘abord au niveau des tâches ménagères, la machine doit être utilisée pour laisser à l‘homme le temps nécessaire à son introspection, et le confronter à lui-même pour que l‘homme nouveau naisse. Les progrès techniques concernant le béton, et la culture et la sensibilité de LC ont permis de réintroduire une certaine poésie des matériaux, qui devient le seul ornement. La rupture culturelle est totale, l‘homme doit avancer et ne peut plus se complaire dans des architectures obsolètes.

16


L‘homme n‘est plus considéré comme une personne individuelle, mais représentant un besoin, l‘ensemble de ceux-ci sont théorisés et dimensionné, en terme de temps, d‘énergie, d‘espace nécessaire. La notion d‘habiter est bouleversée, l‘architecture moderne est un événement majeur de l‘histoire de l‘architecture, mais trouvera rapidement ses limites, notamment à cause de la notion de „machine à habiter“ . Comme l‘explique Bernhardt (p95); „ Chez Le corbusier existe le danger de réduire le corps à des besoins standardisés et d‘en éloigner complètement la dimension culturelle. Tout comme cet architecte tend à concevoir le corps comme un objet parfaitement compréhensible et manipulable, il a tendance à réduire l‘habitation et la ville à des outils transparents et mécaniques.“ Pour certains, la rupture du XXe incite justement à renouer justement avec le passé et cette dimension culturelle, comme le fera le post-modernisme à travers des références tirées de l‘antiquité. Ce siècle de bouleversement a fortement marqué le paysage architectural et sa théorie, et fait l‘objet aujourd‘hui de nombreux débats, notamment au sujet des „barres“ d‘immeubles de centaines de logements. De mon point de vue, l‘homme ne veut pas se séparer de ses racines culturelles, et cherchera toujours à renouer avec celles ci, comme on peut le voir dans le thème du patrimoine, et de sa conservation. Malgré un manque de moyens en termes de rénovation, et le danger de la profession des ABF, de nombreuses réglementations permettent au patrimoine français de se maintenir en place. Le centre ville de Toulouse en est un bon exemple, alors que dans d‘autres villes des bâtiments de „stars“ font leur apparition. Ce rapide retour en arrière me permet de mieux comprendre le contexte socioculturel de l‘époque dans laquelle j‘évolue, même si celui ci reste très synthétique. De plus, en étudiant l‘évolution du rapport au corps, en confrontation aux faits historique, l‘architecture se retrouve à mes yeux toujours mêlée à de nombreux domaines comme la médecine, l‘industrie, etc.

17


3. Mécanique structurelle Recherches sur le vivant. _ Traduction d‘uns système structurel biologique en système constructif

L‘innovation technologique et l‘avancée de la recherche scientifique permettent aujourd‘hui de pousser davantage l‘étude de la biologie d‘autres espèces, pour nous permettre d‘en reproduire les caractéristiques. Au même titre que l‘homme chercher à inventer des machines ayant l‘apparence et la motricité humaine au XVIe siècle, aujourd‘hui de nombreux ingénieurs utilisent ces caractéristiques dans des domaines tels que la robotique ou l‘architecture. La nature ayant toujours été source d‘inspiration dans la construction, aujourd‘hui ce n‘est plus l‘ornementation et l‘esthétique qui prime mais les systèmes. L‘atelier de S4 avait pour but de nous sensibiliser à cette démarche en nous dirigeant sur différentes espèces animales ou végétales dès le début du semestre. Le travail de références dans le domaine, et la recherche scientifique ont été la base du projet. Nous avons donc analysé la structure biologique d‘une aile de raie manta. Tandis que des ingénieurs travaillent sur un robot sous marin ayant les mêmes propriétés, nous avons travaillés sur les différents mouvements que permettaient son squelette afin de concevoir une structure permettant la fabrication d‘une „halle urbaine“ en plein centre ville. L‘objectif était de concevoir et fabriquer une pièce à l‘échelle 1 ou 2, en collaboration avec le Fablab - découpes laser, impressions 3D . Le travail en maquette a été particulièrement fournit, ce qui a permis d‘expérimenter de nombreuses choses. D‘avoir eu la liberté matérielle de mettre en place un système mécanique et de le fabriquer à grande échelle a été une bonne expérience. Cet atelier a également permis de ne pas cantonner notre formation à du projet „classique“, de voir autre chose.

Expérimentations en maquettes 18


Projet de S4 - Analyse de la structure biologique d‘une aile de raie manta (binôme, B. Bordenave) Texte explicatif du projet : „Dans le cadre de nos recherches sur les différentes capacités morphologiques et structurelles présentes dans la nature, nous avons choisi d’approfondir les propriétés de la nageoire de la raie Manta. Tout d’abord, notre volonté a été de comprendre le rôle structurel de la ramification présente à l’extrémité de l’aile. Nous avons ensuite traduit l’articulation des arêtes en système mécanique. Inspirés par la nageoire de la raie Manta, nous en avons fait le module de notre projet. Sa mécanique et sa ramification offrent la possibilité de produire une multitude de variations. Nous avons également choisi de mettre à profit cette architecture osseuse pour créer une transition douce entre la rue Valade et le site. En outre, les arêtes de la nageoire et leur ramification permettent de mettre en place différents filtres qui séquencent l’espace et brouillent les limites entre la rue et le jardin du cloître. L’agencement des ailes offre également différents espaces : public et plus intime. Ainsi, l’espace généré est un lieu de promenade où le passant déambule entre les différentes arêtes ou se niche au creux des ailes. Nous avons mis en place une traversée agréable en créant une ombrière végétale qui tamise la lumière. La halle urbaine devient une étendue couverte d’arbres formant ainsi une forêt en ville. Cette masse végétale contraste avec la finesse du squelette qui la soutient.“

19


3_ Pe rc e p tio n s Le corps comme traducteur et moyen d‘expression Comment le corps et son rapport mécanique décrit plus haut peut être vécu par l‘homme en tant que personne consciente 1. Le positionnement / rapport à l‘habiter

- // Marion Ségaud - Cours de socio (Jouenne) Citation_ „„habiter c‘est, dans un espace et un temps donnés, tracer un rapport au territoire en lui attribuant des qualités qui permettent à chacun de s‘y identifier“ „Il y a autant de manières d‘habiter que d‘individus“.

A travers les cours magistraux de sociologie, nous avons pu avoir une approche dans la continuité de l‘enseignement d‘anthropologie dès la seconde année. Après avoir vu la projection de l‘homme sur son environnement bâti, nous avons tenté de comprendre le rapport qu‘il entretient avec ce dernier dans sa manière d‘habiter. Habiter est une notion particulièrement dure à définir, et propre à chaque culture, voire chaque individu, et qui diffère même d‘un sujet d‘étude à un autre. Que ce soit à propos d‘une ville, d‘un quartier, ou d‘une maison, etc. c‘est un rapport personnel qui s‘établit avec l‘environnement. Habiter un lieu c‘est en prendre possession, s‘y insérer physiquement, pas seulement habiter un logement. Pour moi cette notion passe forcément par la perception et donc l‘usage des sens qu‘offrent le corps. Dans le domaine de la danse ou du théâtre par exemple, on pourrait dire que le corps habite la scène, l‘occupe à travers le mouvement. Le rapport physique, le positionnement, et l‘occupation en sont des éléments pour moi essentiels.

20


A travers de nombreux travaux dirigés en sociologie, ou histoire urbaine, nous avons tenté de comprendre ces relations, avec notamment la difficulté de définir l‘espace public face à l‘espace privé, ce qui donne une manière différente d‘habiter un lieu, ou de ne pas le faire. Ce que j‘en ai retenu et compris c‘est que justement la dimension personnelle et culturelle est dominante. Prenons l‘exemple d‘une place publique de centre ville. Selon la ville, son histoire, et le contexte socioculturel qu‘elle a vu évoluer, l‘architecture paysagère traduira une manière de l‘occuper. Certains éléments qui peuvent sembler anodins, comme par exemple des bancs, sont très significatifs de ce qu‘un lieu peut offrir, et donc de l‘influence sur le ressenti de l‘individu qui le pratique. Ce premier facteur bâti donne la scène dans laquelle la personne viendra évoluer, et influence en ce sens sa pratique. Les mentalités d‘autrui, leurs regards, l‘effet de groupe sont des facteurs également déterminants du comportement. Tout cela s‘assemble, selon l‘individu, pour lui donner ou non un sentiment de confort, de bien-être, qui le poussera à habiter un lieu, ou s‘en éloigner. Pour moi, les voyages sont le seul moyen d‘observer réellement différentes manières de percevoir des lieux ayant les mêmes fonctions, de pouvoir les comparer et ainsi en apprendre davantage sur la culture locale. A travers cela, c‘est aussi une prise de recul sur notre façon de penser. Au sein du travail en projet, cette problématique de l‘habiter est présente dès le moment de la découverte du site d‘implantation, et jusqu‘à la manière d‘imaginer le scénario d‘usage, en adéquation avec la culture locale, et une intention forte.

21


2. Interactions / Relation avec l‘environnement „Ce que nous gardons en mémoire après avoir cessé d‘exercer nos sens au sein d‘un espace investi par le corps. il n‘y a pas d‘échelle au paysage, il peut se présenter dans l‘immense ou dans le minuscule“ „Autant de paysages que d‘individus pour l‘interpréter“ // Gilles clément „Jardins, paysages et génie naturel“ En atelier de S3, nous avons été confrontés pour la première fois à la réalité du site d‘implantation, la découverte de ses caractéristiques, de son identité. Le projet consistait justement à habiter celui ci, par la construction d‘une maison individuelle. Projet de S3, façon d‘impacter l‘environnement naturel (binôme M. Hervé) Texte explicatif du projet : Le site de projet se situe à Toulouse, aux amidonnier, le long d’un bassin construit afin de réguler l’eau du canal du midi vers la garonne. Notre implantation dans le bassin secondaire laissé en friche s’est inscrite dans nos intentions de revaloriser cette partie du site délaissée malgré son utilité. On cherche ainsi à lui donner un nouveau rôle, et mettre en avant sa qualité paysagère, et la richesse de sa bio diversité en prenant comme référence la notion de «tiers paysage» de Gilles Clément. L’horizontalité des maisons jumelles permet une simple incision dans la végétation afin d’avoir un moindre impact. Leur implantation permet de les découvrir progressivement créant ainsi une notion de parcours autour du bassin.

22


A travers ce projet nous avons questionné les rapports que pourraient entretenir notre construction - et son impact -, l‘homme - riverain ou usager -, et ce site également lieu de promenade. Au lieu d‘offrir uniquement un lieu à habiter, nous habitions un lieu qui lui-même avait pris possession d‘une construction humaine. Ce projet a permis de se rendre compte de l‘importance du rapport à l‘environnement, et surtout de son évolution dans le temps. La perception que l‘on peut avoir d‘un lieu n‘est qu‘à un moment donné, dans des conditions uniques, et relève de la sensibilité. Pour moi, c‘est seulement à travers cette sensibilité que l‘on peut habiter un lieu réellement, l‘interpréter et le comprendre. C‘est toute une histoire qui se dresse dans un paysage, qu‘elle soit de l‘ordre de l‘imagination ou contextuelle. Et chacun en l‘habitant y participe, au même titre que la biodiversité en prends possession si le lieu est laissé en friche. Comme l‘exprime Gilles Clément, c‘est une biodiversité extrèmement riche qui se développe dans ce genre de lieu, paradoxalement ce sont des lieux artificiels, négligés, et aujourd‘hui dévalorisés. Ci dessus ; Photos prises lors de l‘analyse de site des amidonniers.

23


/ Intéraction forme et usagers // Herman Hertzberger

Citation_ “Ce que nous voulons dire, c‘est que c‘est cette capacité d‘assimiler et de communiquer des significations qui déterminent l‘effet que peut avoir la forme sur les usagers et inversement, celui des usagers sur la forme. Car l‘aspect fondamental est ici l‘interaction entre forme et usager, l‘effet qu‘ils ont l‘un sur l‘autre et la manière dont ils s‘approprient l‘un l‘autre“ Leçons d‘architecture, p 260-262

Projet de S5, forme et usage / Mediathèque à Lisle sur tarn (binôme N. Dupont) Le sujet de l‘atelier de S5 etait l‘implantation et la conception d‘une mediatèque de 1500 m2 en plein coeur du centre historique de la bastide de Lisle sur Tarn. Cela représentait un projet imposant dans une petite parcelle, avec 4 façades en vis à vis à moins de 5m. Dès le début du projet, nous avions décidés de nous mettre à l’échelle de la bastide, avec comme intention d‘offrir un espace public, un lieu de vie au coeur de la mediathèque, mais ouvert à tous. Comme nous avons déterminés que les flux de passage venaient des 4 directions et qu‘il n‘etait pas possible de les hiérarchiser, notre rdc, élément de base, a pris une forme centripète, comme on peut le voir sur les axos ci dessous. Dans les premières phases de projet, la forme que nous avions mis en place etait particulière mais semblait remplir les attentes programmatiques en termes de surface. Au rdc venait s‘installer tout ce qui était accueil du public, et bureaux, tandis que la couronne R+1 accueillait les espaces de lecture. Puis, au moment où l’échelle s‘agrandit, et qu‘on rentre dans un rapport plus réaliste dans la conception, vient se poser le problème de la forme.

GSEducationalVersion GSPublisherEngine 123.93.99.100

Est-ce que le programme doit s‘adapter à la forme et en subir ses particularités, ou est-ce que la forme doit se plier au programme et perdre sa particularité ? Nos intentions étaient de maintenir cette forme, et de travailler pour qu‘elle ne desserve pas le programme mais qu‘au contraire elle lui donne une certaine force. Les biais mis en place étaient spatialement très contraignant, et nous avons passe de nombreuses séances à tenter des les camoufler, avant de comprendre comment les utiliser au service du programme. Ce dernier a toutefois modifié leurs tailles, leurs formes, comme pour trouver un compromis entre forme et usage.

24


Nos intentions de mettre la forme au service de ce lieu central que serait la place, d‘utiliser la présence du bâtiment pour créer une spatialité extérieure à son programme propre. D’étudier cette problématique nous a aidé à comprendre ces rapports. Dans ce projet nous sommes partis d‘une forme issue d‘intentions urbaines, qui fut modifiée et améliorée au service du programme. A l‘inverse, un programme à travers la conception de sa composition induit également une forme. De mon point de vue c‘est simplement une question de méthode, tant qu‘on garde à l‘esprit cette interdépendance. Par là je ne cherche pas à dire que notre projet était parfait, mais c‘était un moyen pour nous d‘étudier cette problématique d‘un point de vue pratique, mais également théorique. Pour moi, le projet ne doit pas être conçu comme une sculpture dans laquelle on viendrait injecter un programme. L‘architecte n‘est pas censé se confondre en artiste, il n‘est pas un artiste mais un concepteur, ce qui ne l‘empêche pas d‘être créatif. Il peut effectuer un travail de sculpteur, ou de peintre, ou autre, mais la composante humaine est essentielle. Il n‘est pas là pour créer une oeuvre, aussi belle soit-elle, qui ne serait pas viable. Un bâtiment n‘est pas un tableau qu‘on pourrait retirer si les goûts changeaient, mais une entité qui impact sur le paysage et qui est habité. Au cours de différentes visites de projet architecturaux, parler avec les usagers est quelque chose qui m‘importe beaucoup. Un bâtiment, aussi beau soit-il, s‘il n‘est pas confortable dans l‘usage ou expressif d‘une intention à l’échelle de l‘homme, ne sert pas un programme et relève de la sculpture. On en apprend beaucoup plus sur le projet en lui-même qu‘en lisant les explications de l‘architecte. Prenons un exemple simple, l‘entrée d‘un bâtiment. Si l‘architecture ne suffit pas à faire comprendre le moyen d‘entrée dans un bâtiment et qu‘une grosse flèche doit l‘indiquer, pour moi ça n‘a pas de sens. La représentation du projet, élément majeur de communication, est particulièrement explicite. Un projet magnifique, qui ne prends pas en compte dans sa représentation la façon d‘habiter, est très révélateur de sa conception. La pratique du projet à l‘école nous donne des outils de conception, comme une palette, de moyens dont on connaît les effets perceptifs sur l‘usager. C‘est à l‘aide de ces outils que l‘on est censés composer, en connaissances de causes, pour servir un programme et lui donner de la qualité à travers la construction. Un bon projet ne relève pas de matériaux rares, ou beau, mais d‘une composition de qualité. C‘est en ca que la forme a une importance capitale.

25


3. // Domaine artistique, impressions corporelles Après avoir vu l‘importance de l‘environnement et de la forme au service d‘un programme et d‘une perception, j‘aimerai maintenant prendre à l‘inverse comment le corps lui-même est un facteur de construction. Dans le domaine artistique, c‘est l‘impression du corps qui est à la base d‘une construction de l‘esprit. Nous allons voir tout d‘abord le travail de Frida Kahlo, qui habite réellement son corps comme un corps habiterait un bâtiment, et Jean Pierre Raynaud qui bâti au sens propre son intériorité. Ainsi, ces exemples permettent deux compréhension du corps habité et habitant, très différentes mais également très fortes.

/ Le symbolisme de l‘architecture sur le corps _ Le corps habité // Frida Kahlo // Histoire de l‘art („Le squelette, image de la structuration de l‘espace“) Frida Kahlo, artiste mexicaine. A 17 ans, alors qu‘elle fait ses études à Mexico, Frida est victime d‘un terrible accident de bus. Les séquelles sont très lourdes, une barre de fer transperce son corps et la colonne vertébrale est brisée. Les longs mois qui suivirent l‘accident, immobilisée au lit, furent particulièrement dur pour l‘artiste. Elle commença à peindre grâce au cadeau de sa mère : un chevalet fixé au dessus de son lit, ainsi qu‘un miroir. Cette mise en situation est nécessaire pour comprendre le travail de l‘artiste qui fut majoritairement composé d‘autoportraits. Les premières peintures sont une manière de s‘exorciser de ce corps qui ne marche plus, et qui en plus fait la fait terriblement souffrir. Frida entretient un rapport particulier avec ce corps qui l‘encombre, et cherche à travers son art à extérioriser sa souffrance. Celle ci revint par périodes tout au long de sa vie, qui furent les plus productives pour son art. Le rapport qu‘entretient l‘artiste avec son corps est particulier. Celui-ci devient un objet habité, une mécanique obsolète dont il faut s’échapper. Une mécanique à laquelle il faut se soumettre, une dépendance non voulue. Ainsi, au lieu de s‘y plier elle l‘utilise comme objet d‘art. Tout d‘abord comme sujet, avec les nombreux autoportrait, mais aussi comme „présentoir“. Après son accident, elle passera d‘un style garçon manqué à un retour à l‘habit traditionnel des femmes mexicaines. Comme pour l‘utiliser comme expression de la culture qu‘elle défend. Elle prendra soin de choisir beaucoup de tissus colorés, beaucoup de bijoux, des fleurs fraîches dans les cheveux. C‘est quelque chose qui peut paraître anodin mai qui révèle beaucoup. Elle reprend le contrôle et masque les dysfonctionnement. C‘est toute une image qu‘elle construit, également dans sa peinture.

26


Citation_ „On pensait que j‘étais surréaliste mais ce n‘était pas le cas. Je n‘ai jamais peint mes rêves. J‘ai peint ma réalité“ Dans „la colonne brisée“ peint en 1944 (peinture à l‘huile, 40x34 cm), elle se peint elle-même seule dans sa souffrance. Sa colonne vertébrale est représentée par une colonne Ionique, brisée. Cette référence figure une double symbolique. Tout d‘abord, les colonnes servant à maintenir d’un point de vue structurel les bâtiments, ici brisée, figure la fragilité de son corps malgré la force qu‘il est censé avoir, mais qui structure également la composition du tableau. Là, ce n‘est pas le corps qui s‘applique à l‘architecture, mais celle ci qui compose le corps. De mon point de vue ça figure ce rapport au corps habité. Il est ouvert pour montrer l‘intérieur, et est maintenu par l‘ossature métallique du corset, corps étranger. Malgré ses connaissances en anatomie, le sujet est centré sur cette colonne. Le corps n‘est plus une entité organique, la peau vient seulement habiller ce sujet. Les organes vitaux ne sont pas structurels, et n‘ont pas lieu d‘être dans cette représentation. Son corps se résume donc à cette colonne, seul élément structurel, et qui est défectueuse. Pas seulement cassée mais brisée à plusieurs endroit, comme irréparable. Le choix du petit format est un moyen de donner à chaque détail une précision chirurgicale, un soin dans la précision. Chaque élément prend un certain temps à être peint, avec une certaine minutie, qui etait importante dans son travail. De plus, ce choix de l‘ordre ionique n‘est pas anodin, il a été inventé en référence à la taille plus délicate des femmes. A travers cela, et dans sa façon de représenter sa poitrine, elle tient à rappeler que son corps reste un corps de femme.

27


/ Le corps - habité - bâti // Jean pierre Raynaud Achetée en 68 pour s‘installer avec sa première épouse, Jean Pierre Raynaud répond tout d‘abord au seul désir de posséder son propre espace de vie. Le mariage ne durera que deux ans, en 70 Jean Pierre prend réellement possession de Sa maison. Il entame rapidement de profonde transformations. L‘intérieur est totalement homogène, recouvert de carreaux de céramique blanche de 15 par 15, avec un joint noir de 5mm. Il met donc en place une monochromie qui instaure une impression de neutralité absolue. Pour lui ce n‘est pas „angoissant“ ou repoussant, mais au contraire cela lui permet de structurer l‘espace, le définir. L‘ensemble de sa maison se cloître pour répondre à son désir d‘isolement et d‘enfermement, il atteint le fantasme d‘avoir un lieu complètement coupé de l‘extérieur, à son image. C‘est une relation très particulière qui se crée entre l‘artiste et sa maison. Celle ci se transforme au même rythme que sa personne, il fera de nombreuses modifications. Chacune est issue d‘une volonté soudaine, comme un besoin vital urgent. Il raconte avoir débuté des travaux parfois en pleine nuit, pour être sur de ne pas céder à une procrastination, ou ne pas oublier le désir immédiat qu‘il avait en tête. Cette maison devient le laboratoire de son individualité. Cependant, il faut prendre en compte que, comme dans l‘ensemble des oeuvre de l‘artiste, c‘est l‘idéal qu‘il recherche. La maison se transforme donc également dans cette recherche de l‘idéal, et l‘évolution de cette notion dans son travail et sa vie personnelle.

28


Citation_ „ Construction de son monde dans le monde des autres“ Comme on l‘a vu précédemment avec le nid, ici c‘est la même idée. La maison se construit de l‘intérieur, autour de lui, selon ses besoins, et par lui-même. Il entreprendra la majeur partie des travaux. Il fabrique ce monde dans un monde, qui lui appartient, et qui vit et se transforme à son image. Il accompagne sa transformation dans une recherche de l‘harmonie ultime. Pendant des dizaines d‘années, la relation qu‘il entretient avec cette architecture est très forte. Pendant près de 20 ans il sera le seul à pénétrer à l‘intérieur. Elle représente réellement une extension de lui-même, dans laquelle personne d‘autre n‘a sa place. Il place le monde extérieur, vivant ou non, comme une menace et c‘est réellement un abri qu‘il fabrique. L‘extérieur, tel une peau, sert à protéger l‘ensemble, mais est très différents de l‘espace blanc et noir intérieur. C‘est vraiment deux choses distinctes, le seul rapport intérieur extérieur est mis en place grâce à des meurtrières. Puis, il introduira le vitrail pour cette séparation. Le travail du matériau, de la lumière qu‘il permet, et de la symbolique de cet objet est particulièrement fort. C‘est une manière très particulière et très personnelle d‘habiter un lieu que de le modeler à son image. JP Raynaud y vivra pendant 26 ans. Une fois l‘idéal atteint, il décide de démolir la maison avec une extrême violence. Cela constitue pour lui le dernier acte de transformation qui pourra mener sa Maison à renaître autrement. Car une fois finie, l‘oeuvre n‘a plus de raison d‘être. Ayant été pensée pendant des années dans une éternelle recherche, la recherche finie entraîne forcément la mort de l‘objet. Ci dessous; Destruction de sa maison. Il la disperse dans des centaines de pots qu’il exposera à Bordeaux au CAPC.

29


30


_ Con c l u s i o n

A travers notre analyse, nous avons vu en quoi des changements politiques économique et technique ont pu avoir autant d’influence sur le domine bâti que sur le rapport au corps de toute une génération. Dans cette étude, nous avons mis en exergue les relations étroites qu’entretiennent ces deux notions, afin de mieux comprendre comment l’une se nourrit de l’autre et inversement. Ces relations sont également la base de ma réflexion et de ma vision de l’architecture, que ce soit dans l’enseignement que je reçois ou encore dans mes analyses personnelles sur ce qui m’entoure, mes lectures, etc. A travers les thèmes anthropologiques, sociologiques, historiques, technique ou encore dans le domaine artistique, c’est autant d’angles d’attaques qui font partie de l’apprentissage de chaque instant, tant scolaire que personnel. Ainsi, au terme de cettes analyse ous pouvons également nous questionner sur ce qui nourrit le rapport au corps dans des cultures extrèmement différentes, et étudier celui-ci à travers l’architecture vernaculaire ou contemporaine.

31


32


B i bl i o g ra p h i e -- La poétique de l‘espace - Gaston bachelard - 1957 Chapitre IV. Le nid. [92]

Paris : Les Presses universitaires de France, 3e édition, 1961, 215 pp. Première édition, 1957. Collection : Bibliothèque de philosophie contemporaine. Édition numérique réalisée le 21 septembre 2012 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, Québec.

- L’architecture expression vivante du corps humain - Auteur inconnu Article publié dans la revue d’IFMA France http://www.vivarchi.com/spip.php?article7

- Vers une architecture - Le Corbusier

Editions Flammarion (1 septembre 2008) - 253 pages

- Le corbusier et le projet de la modernité, la rupture avec l‘intériorité, Uwe Bernhardt Editions L‘Harmattan, 1 janv. 2002 - 190 pages - Lucien Kroll, „L‘architecture habitée“, Cycle de conférences du CMAV Conférence présentée par l‘AERA

- „Sujet contemporain, architecture contemporaine, leurs rapports éclairés par la psychanalyse“ Hubert de Rivals-Mazères thèse délivré par l‘université paul valéry montpellier 3 - Hermann Hertzberger - Leçons d‘architecture Broché – 10 juin 2010 - 515 pages - La Maison De Jean-Pierre Raynaud - Construction Destruction 1969-1993 Livre - Michelle Porte - 06/10/2011 - Broché + (1dvd)

- Portzamparc - Architecture : figure du temps, figures du monde Fayard - Collège de France - 7 juin 2006

- Frida Kahlo - Bernadette Costa-Prades Broché – 12 septembre 2013 - 112 pages

- Manifeste du tiers paysage - Gilles Clément Broché – 10 mars 2014 - 48 pages

- Jardins, paysage et génie naturel - Gilles Clément Fayard - Collège de France - 9 mai 2012 - 80 pages

- Espaces - Paolo Amaldi

Broché / Editions de La Villette – 18 avril 2007 - Corps et corpus - Yoel Jimenez Exposition / Regard contemporain sur le patrimoine écrit Médiathèque José Cabanis - 2012 -- L‘histoire du juif errant - Jean d‘Ormesson

33


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.