LE DÉGUERPISSEMENT DES ESPACES PUBLICS DANS LES VILLES DU BÉNIN, UN AN APRÈS. PORTO-NOVO ET LE MARCHÉ DE OUANDO
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LE DÉGUERPISSEMENT DES ESPACES PUBLICS DANS LES VILLES DU BÉNIN, UN AN APRÈS. PORTO-NOVO ET LE MARCHÉ DE OUANDO
Arianna FABRIZI DE BIANI Universitè Libre de Bruxelles (ULB) Faculté d’ Archiecture La Cambre Horta Master en Architecture 2017-2018 Promoteur Victor BRUNFAUT
REMERCIEMENTS
À gauche : Croquis du dedans du marché de Ouando, dans la zone de la vente de volaille.
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TABLE DES MATIÈRES
0/ INTRODUCTION p 13 .............................. 0.1
LE CADRE D’ÉTUDE Contexte Problématique
p 16 ....................0.2
CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Le microprojet ARES La continuité de la recherche Détermination du lieu d’étude p 19 .................................................. 0.3 p 20........... 0.4
1 / DE QUOI ON PARLE… p 31 ........................................................ 1.
1 OUANDO
D’un autre point de vue Les premières informations La première limite p 34 .............................
1.2 DÉGUERPISSEMENT
Evolution sémantique du terme Un vocable africaniste Libération du domaine public
OBJECTIFS
MÉTHODE DE RECHERCHE
A gauche: Croquis d’un plan du devant le portail du marché Ouando. Les femmes et leurs emplacements définissent les confins de la route et le passage au marché.
TABLE DES MATIÈRES
Recherches sur le terrain. Contexte et réflexions Documentation et interviews
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2 / DE LA ROUTE RNIE1 À LA “JUNGLE” DES DÉGUERPIS p 45 ............................ 2.1
TRAVAUX ROUTIERS INTER-ETAT
La route RNIE1 Programme national de réhabilitation et d’aménagement des voiries primaires Le goudron de Ouando p 52 ............................ 2.2
L’INFRASTRUCTURE COMME LEVIER URBAIN
Circuler librement Le soutien de la Banque Mondiale p 55............................ 2.3
L’IMAGINAIRE DE LA VILLE AFRICAINE Croissance démographique La ville africaine Imaginaires urbains Perception de la ville
2.4 LES VENDEUSES DE PAIN DE OUANDO
TABLE DES MATIÈRES
p 57 ...................................
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Changement de point de vue 100 baguettes par jour Mouvements et déplacements des vendeuses p 60 ......................... 2.5
CONSÉQUENCES DU DÉGUERPISSEMENT Economiques Sociales Spatiales
3 / DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE p 81 ......................... 3.1
LIMITES ET ZONES DE COMMERCES
Flexibilité de l’espace Limites administratives Limites invisibles Sans limites p 85 ................................................ 3.2
LE MARCHÉ DANS LA VILLE
Le marché dans la société ouest africaine Le marché et le développement urbain
p 10 ....................................... 3.3
ORGANISATION DU MARCHÉ DE OUANDO
Organismes dirigeants Sécurité est gestion des déchets
4 / ANALYSE DU MARCHÉ DE OUANDO COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL DANS LE MARCHÉ
Typologie d’emplacement Le droit d’attribution Sous-location et temporalités
p 100 .................. 4.2
PROPRIÉTÉ ET DROITS TRADITIONNELS
Du vide au concret Saturation Droits du foncier dans les sociétés ouest-africaines Droits traditionnels et maîtrise foncière p 103 .......................... 4.3
DEVANT LE MARCHÉ
Le PV haut Les déguerpies de Ouando Dedans et dehors p 106 ................ 4.4
LES AMBIGUÏTÉS DE LA DÉCENTRALISATION
Bref historique sur les formes politiques au Bénin. Pouvoir et enjeux de la décentralisation Raisons et problèmes de la décentralisation dans les pays africains. Déguerpissement et décentralisation
p 109 ...................................... 4.5
L’INEXISTENCE DE L’ESPACE PUBLIC Encore une question de termes ? Un espace difficile à normaliser Du village à la ville L’occupation des lieux publics urbains par les usagers Un espace à personne
p 114 .................... 4.6
DERRIÈRE LE MARCHÉ
Description du PV bas Urbanisation spontanée
p 115.....4.7
L’OCCUPATION ANARCHIQUE COMME RÉPONSE AUX BESOINS URBAINS
TABLE DES MATIÈRES
p 93 ................................. 4.1
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5 / AU DELÀ DES LIMITES CONCRÈTES p 123 ........ 5.1
LE “PARKING DE TOMATES” La vente en gros à Ouando Un système pyramidal
p 139 ................... 5.6
L’ESPACE ET LE CULTE
L’influence du vodoun sur la pratique de vente L’aire culturelle Aja-fon La Place Wanou et retour à la rue
p 125 ................................................... 5.2
FEMMES ET ORGANISATION SPATIALE Macro-micro crédit
Le paradoxe de l’invisibilité L’espace de vente comme forme d’espace liminaire
p 129 ............... 5.3
LE MARCHÉ AU BOIS ET LE MARCHÉ DES ANIMAUX “ADONWÈLO”
Encore un peu plus loin Le marché de bois Difficulté à changer La bataille du marché Adonwèlo
TABLE DES MATIÈRES
p 132 ......................... 5.4
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LE CONFLIT COMME GÉNÉRATEUR DE LIEU DE VENTE
p 133 ................................. 5.5
HISTOIRE DE LA FORMATION DU MARCHÉ ET DÉVELOPPEMENT L’Histoire orale La protection de l’Axilègba
6 /CONCLUSION p 147 ..........................Résumé problématique
Les deux faces de la même médaille Points de vue L’exemple révélateur du marché Ouando
7 / BIBLIOGRAPHIE
p 155 ..................................................... Ouvrages
Thèses & mémoires Articles Article internet Émissions radio et vidéos
ENTRETIENS & DOCUMENTS ANNEXES D'ARTICLES DE JOURNAUX
«La Nation» du 5 javier 2017 « La Tribune» du 3 et du 13 février 2017 p 38 ......................................... ENTRETIEN
AVEC VIRGILE AHOUANSSE
Journaliste de la radio Soleil Fm
p 40 .................... EXTRAIT
DU PROGRAMME D’ACTIONS DU GOUVERNEMENT 2016-2021 «BÉNIN RÈVÈLÈ»
Axe 7 : Développement équilibré et durable de l’espace national
p 43 ................. EXTRAIT
DU COMMUNIQUÉ DU CONSEIL DES MINISTRES DU 30 NOVEMBRE 2016
p 66 ......................................... ENTRETIEN
AVEC RAMAN SALAM
Entrepeneur et homme politique Photos du quartier Jacques de Cotonou
p 72 ................... TABLEAU
p 76 ............. PLAN
DES VENDEUSES DE OUANDO
D’IDENTIFICATION DES RUES PROJETS DE PORTO-NOVO
p 78 ................ EXTRAIT
DU PORTEFEUILLE DES PROJETS PAR SECTEUR DU PROGRAMME D’ACTIONS DU GOUVERNEMENT 2016-2021
Synthèse des projets phares Liste des projets pour l’infrastructure p 90 ........................................ ENTRETIEN
AVEC DANIEL HOUNKPEVI
Urbaniste à la Mairie de Porto-Novo I p 118 ........................................ ENTRETIEN
AVEC FRANK OGOU
Archiviste et gestionnaire du patrimoine à École du Patrimoine Africain (EPA) Images de propagande pour l’aménagement des espaces verts
p 142 ....................................... ENTRETIEN
AVEC ACHILLE ZOHOUN
Artiste du paysage Images de propagande TABLE DES MATIÈRES
p 23 .............................. EXTRAITS
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A gauche: Croquis de l’entrée du «parking des tomates».
0 / INTRODUCTION
0.1 LE CADRE D’ÉTUDE CONTEXTE
Au Bénin, le gouvernement a, à l’initiative du Président Patrice Talon nouvellement élu, lancé en juin 2016 une grande opération de déguerpissement des huit principales villes du pays2. Toutes les personnes qui vivaient d’activités informelles et occupaient les voies et les trottoirs – commerçants, artisans et petite restauration – doivent désormais évacuer les espaces publics où ils ont installé leur activité, les structures souvent précaires étant démolies. Dans d’autres cas, ce sont des maisons à étage, des bars et des restaurants, très loin d’être « précaires » ou « informels », qui doivent être rasés suivant le même principe. Le gouvernement a justifié sa décision par la nécessité d’assainir les grandes villes du pays, notamment pour poser les bases d’un nouveau réseau routier et les rendre plus accueillantes pour les investisseurs (politique dite « d’embellissement »). La ville de 1 Duhem Vincent, ’Cotonou, Abidjan, Bamako… Après l’urbanisation incontrôlée, place au déguerpissement’’, du 2017-0105, [En ligne] http://www.jeuneafrique.com/389605/politique/politiques-de-deguerpissement-afrique/ 2 Officiellement dans les villes de Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Abomey-Calavi, Ouidah, Bohicon, Abomey, SèmèKpodji, mais les croix sur le bâtiment à détruire ont été fait dans toutes les communes et même dans des villes secondaires ou village en proximité des travaux routiers importants.
0 / INTRODUCTION
Ces dernières années, les pays d’Afrique de l’Ouest se sont attelés à la modernisation de leurs villes. Suivant un modèle en grande partie inspiré de l’Occident, Abidjan, Lomé, Abuja et Dakar sont en train de changer leur image pour améliorer le cadre de vie des habitants et être plus attractives. Cette volonté a été marquée par des politiques et actions parfois drastiques portant sur le déguerpissement des espaces publics1 .
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Porto-Novo a été particulièrement visée par cette politique, en tant que capitale située à la frontière avec un puissant état, le Nigéria. Une première phase de sensibilisation appelait la population à prendre acte de cette décision et à démonter elle-même, avant le 31 décembre 2016, (photo p. 12) les structures accueillant des activités devenues illégales. Cotonou, Abomey et Parakou ont ainsi été les théâtres de destructions urbaines “participatives” (toujours accompagnées par les forces de l’ordre).
PROBLÉMATIQUE Le déguerpissement a des conséquences non seulement spatiales, mais aussi économiques et sociales très fortes. Fascinés par un idéal de modernité, la plupart des habitants sont d’accord avec le projet de rénovation du pays. Cependant, ils ont fortement critiqué la manière avec laquelle celui-ci a été mis en œuvre. Beaucoup s’interrogent sur l’après-déguerpissement. En effet, les “relogements” des déguerpis n’ont pas été prévus en amont du processus, ainsi, ces derniers ne savent pas où aller ni que faire de leur matériel. Une offre d’espaces et de lieux alternatifs, une programmation urbaine constructive d’accompagnement en somme, ont été complètement négligées.
0 / INTRODUCTION
Les six mois de « préavis » n’ont, dans la plupart des cas, pas été suffisants pour trouver des alternatives de travail, alors que la plupart des personnes survivent grâce à l’économie informelle. Le débat est d’autant plus controversé, car, dans certains cas, l’occupation était en réalité légale, en accord avec les municipalités qui en retiraient un bénéfice par l’imposition de taxes : « C’est trop brutal. Ces occupations ont une histoire. Le commerce itinérant a toujours existé. Il a commencé à se sédentariser dans les villes en occupant l’espace public, l’occupation s’est légalisée de manière informelle puisque la ville s’est mise à prélever un impôt. »3
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Cette ambiguïté entre espace public et propriété privée est un des nombreux malentendus entraînés par la mise en place du processus de décentralisation initié en 2003. Le gouvernement lutte donc ex nihilo contre une pratique propre au pays. Les bouleversements urbanistiques induits par cette mesure ont aussi comme conséquence de remettre en question l’équilibre social. Ils touchent à tout un éventail de problèmes sociaux et ont des effetsde secondaires : par exemple l’augmentation des vols, ou encore leurs mères, vendeuses rues4 . l’éducation des enfants, puisque celle-ci est soutenue et financée par le salaire journalier 3 La Libre, AFP, ‘’Les commerçants du Bénin ont ordre de «déguerpir» des espaces publics’’, du 01/02/2017, [En ligne] http://www.lalibre.be/actu/international/les-commercants-du-benin-ont-ordre-de-deguerpir-des-espaces-publics58918ed0cd70e747fb734911
0 / INTRODUCTION
Le panneau « de sensibilisation » installé sur le grand boulevard près du carrefour Catchi à Porto- Novo.
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leurs mères, vendeuses de rues4
0. 2 CONTEXTE DE L’ÉTUDE LE MICRO-PROJET « ARES » Le propos de ce mémoire est d’étudier et d’analyser les premiers effets de la politique de déguerpissement de l’espace public au Bénin. Une réflexion plus large sur la pratique de l’espace public et les enjeux du développement des villes ouestafricaines, en particulier celles du Bénin, est donc à prendre en compte pour avoir un aperçu global et complet de la situation. J’ai été associée à ces sujets grâce à la participation à un micro-projet « ARES ». Avec cinq étudiants d’architecture de La Cambre Horta et cinq étudiants béninois de l’Université d’Abomey Calavi, j’ai passé deux semaines à Porto-Novo, en février 2017 pendant lesquelles nous avons débuté une recherche nommée «Stratégies de développement des espaces publics traditionnels à Porto-Novo : analyse et bilan »5. Pendant cette expérience, la date limite de la phase “participative” du déguerpissement arrivait à son terme et nous avons été témoins des premières mises en œuvre, souvent dévastatrices, tant en termes physiques (démolition) que socio-économiques, de cette action. La volonté de poursuivre la recherche entamée à Porto-Novo m’a portée à développer mon travail de fin d’études sur cette thématique.
LA CONTINUITÉ DE LA RECHERCHE
0 / INTRODUCTION
La problématique soulève de nombreuses questions portant principalement sur les notions d’espace et d’autorité public, dans un pays soumis à un processus de transformation rapide. J’ai donc la chance de toucher à un sujet d’actualité et de suivre son évolution depuis
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4 RFI Afrique, Emission radio de du 20-06-2017, ‘’7 milliards de voisins - Politiques de déguerpissement dans les pays du Sud: quel impact pour les familles et leur travail?’’, 2017-06-20T12:10:00+02:00. [En ligne] http://www.rfi.fr/ emission/20170620-politiques-deguerpissement-pays-sud-quel-impact-familles-leur-travail 5 Une publication sur le titre « Stratégies de développement des espaces publics traditionnels à Porto-Novo : analyse et bilan, ou notre expérience dans les Espaces publics au Bénin » a été produite et présenté à l’occasion de la 12° journée de la coopération ULB.
plus d’un an. Ce travail s’inscrit dans la continuité des recherches passées6 et à une forte expérience sur le terrain, qui font la particularité et la richesse de ce travail de mémoire. Le décret ministériel étant appliqué en même temps dans tout le pays, le choix de spécifier le champ d’études pour ce mémoire était indispensable. Le degré de sévérité de l’application du décret ministériel dépend beaucoup du système politique communal et/ou de la Mairie du territoire concerné. Sur la base de ces réflexions qui démontrent l’importance de l’expérience sur le terrain, j’ai décidé de continuer mon travail d’observation, d’entretien et d’analyse en retournant à Porto-Novo7, un contexte qui me permettait de profiter des liens et contacts déjà acquis l’année passée. Entre janvier 2017 et février 2018 je me suis rendue sur place pour quatre semaines pour me dédier à la recherche sur le terrain. Le voyage réalisé dans le cadre du présent travail a été rendu possible grâce au soutien financier de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Belgique - www.aresac.be.
DÉTERMINATION DU LIEU D’ÉTUDE L’étendue du sujet et le choix d’une méthode de travail sur terrain imposaient de limiter l’analyse à un territoire encore plus défini. La question est donc abordée en prenant comme exemple un quartier précis de PortoNovo : celui de Ouando. Il s’agit d’un quartier situé au nord-ouest de la ville, développé autour du plus grand marché et à proximité d’une route de commerce importante.
6 En plus la recherche abordé dans ce mémoire s’inscrit en outre dans le sillage de deux projets portés par notre Centre de recherche HABITER, l’un portant sur la question de l’espace public dans les villes pré-coloniales au Bénin (PDR NRS-FNRS), l’autre sur la création d’un Centre d’expertise en gestion urbaine à Porto-Novo, toujours au Bénin. Toutes ces initiatives s’appuyant sur un partenariat consolidé avec l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA, Porto-Novo) et l’Université d’Abomey-Calavi, partenariat qui offrait un cadre idéal pour le projet de ma recherche.
0 / INTRODUCTION
Les liens entre déguerpissement, économie informelle, espace de vente et développement urbain sont complexes. Le marché représente une typologie d’espace clef dans cette dynamique. Le passage de la rue au marché (de l’informel au formel) est la démarche souhaitée par le gouvernement, sans néanmoins mettre en place les dispositifs nécessaires. Dans ce contexte, les personnes les plus touchées par le déguerpissement sont ces personnes
7 Une deuxième bourse de voyage ARES m’a permis de me rendre sur place pour quatre semaines au mois de février 2018.
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Une cafeteria sur un trottoir. Comme celuici, des centaines de bâtiments ont été marqués par une croix rouge faite par les autorités locales pedant la premiere phase de l’action. Ceci indique une construction à démolir.
Le message d’un commerçant sur l’ex endroit de son travail. Beaucoup de personnes ont perdu non seulement leur espace, mais aussi la visibilité, les clients et par conséquent leur travail.
0 / INTRODUCTION
Un enfant qui travaille au déblaiement des débris sur un trottoir à Porto-Novo.
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(Photos prises en javier 2017.)
avec une activité économique « illégale »8, dont une bonne partie sont des femmes. Détentrices de l’activité commerciale et de la maitrise du budget familial, les vendeuses de rues sont celles qui sont le plus touchées sur le site identifié. Il faut remarquer que dans la littérature qui touche aux changements urbains et sociaux, le point de vue des femmes a été assez négligé. En plus, en tant que femme, l’approche à cette partie de la population a été très naturelle et plus facile à mettre en place. Pour ces raisons, j’ai voulu observer la problématique du point de vue des femmes vendeuses de rue, les dames du marché et les ambulantes du quartier de Ouando.
0.3 OBJECTIFS Les questions spécifiques sur lesquelles j’entends me pencher sont les suivantes: Après un an, dans quel état se trouvent les espaces déguerpis ? Quelle dynamique spatiale s’est développée, quelles activités ont trouvé raison d’être ? Le domaine informel a t’il repris place, ou les commerçants ont-ils respecté la réglementation pour une ville plus « ordonnée » ? À qui appartiendra, aujourd’hui, ce « fameux » espace public ? Le premier de mes objectifs est de répondre à ces questions en prenant comme exemple le quartier de Ouando. Il consiste également donc à participer au débat sur l’usage et la perception d’espace public et de la propriété privée au Bénin, concepts qui sont à la base de la problématique de déguerpissement.
8 Mais pas seulement ! Le secteur économique informel est surement le plus touché parce que le plus réparti sur le domaine public. Dans certains cas on parle d’habitation ou de services, comme par exemple à Abomey ou des maisons disposant d’un titre foncier sur un domaine public a connu également l’assaut des pelles à chenilles ou à Cotonou, grand théâtre de «la fête du déguerpissement» ou des fosses septiques et puisards, qui servaient un quartiers, ont été détruites. Boukari, Souleymane. « Bénin: L’Etat va reconstruire les fosses et puisards abusivement détruits ». La Nouvelle Tribune. Consulté le 23 avril 2018. https://lanouvelletribune.info/archives/benin/societe/32760-operation-liberation-espace-public-reconstructionetat-fosses-puisards-abusivement-detruits
0 / INTRODUCTION
Un deuxième objectif est d’aller au-delà du débat officiel (d’ailleurs assez redondant) entre les promoteurs et personnes en faveur, d’une part, et les « victimes »/
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déguerpies, de l’autre, en se questionnant sur les conséquences urbaines, sociales et économiques de l’action. Le troisième objectif fixé est de réussir à faire une récolte d’informations la plus complète possible qui puisse informer sur la situation. Par ce travail de documentation du phénomène dans ses aspects concrets, j’entends contribuer à la constitution d’une base de données documentaire qui pourra servir à de futures recherches sur l’urbanisation et le changement des villes au Bénin et/ou le marché de Ouando.
0.4 MÉTHODE DE RECHERCHE Je me suis approché au sujet en travaillant sur deux plans : le cas d’étude de Ouando, comme fil conducteur et sujet du mémoire, mais avec toujours un regard à une échelle plus grande. Mes objectifs et ma recherche sur le terrain m’ont porté à avoir trois types d’approches complémentaires autour desquelles se structure le mémoire. 1.
RECHERCHE SUR LE TERRAIN
0 / INTRODUCTION
Le phénomène du déguerpissement agit en silence au Bénin ; un manque d’information ou d’études sur ce sujet m’a porté à avoir une grande partie de mon mémoire basée sur le travail de terrain. Une fois à Ouando, la recherche s’est déroulée via des journées d’observation, de discussion, de participation à la vie quotidienne de ces femmes pour quatre semaines. Deux outils de travail ont nourri cette approche : l’échange oral et le dessin.
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Pour ce qui concerne le premier, j’ai été accompagné par Muriel Mitchozounon et Amandine Yehouetome, deux jeunes béninoises de PortoNovo. Elles n’ont pas seulement permis d’aller au-delà des barrières linguistiques, mais ont également participé à la définition des champs de recherche et, grâce à leur expérience et formation,9 m’ont aidé dans l’approche aux personnes en différents 9 Muriel Mitchozounon, fraichement diplômé en sociologie à l’Université d’Abomey-Calavi basée à Adjarra et Amandine Yehouetome assistante de doctorants et chercheurs, avec une grande expérience d’enquête et de recherche du terrain.
0 / INTRODUCTION
Plan de Porto-Novo et ses arrondissements. Source : Ford RFU PortoNovo, 2005. Donné RFUPorto-Novo, 2009 Le marché de Ouando
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Plan du 5è arrondissement de la ville de Porto-Novo dont Ouando et son marché sont compris. Source : Ford RFU PortoNovo, 2005. Réalisé par le Service Urbanisme et Environnement.
0 / INTRODUCTION
Le marché de Ouando
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contextes.10 Concernant le deuxième outil, le dessin m’a permis de justifier mon « étrange » présence dans le quartier de manière discrète et la moins envahissante possible. Une telle position n’est pas possible avec la photographie. Même si l’appareil photo produit une plus grande quantité de «matériel» en comparaison avec le dessin, il est très mal vu dans le contexte où j’étais. À la sortie de l’appareil photo, j’ai été confronté à plusieurs problèmes et malentendus. Cet outil est donc secondaire dans ma recherche. J’ai pu l’utiliser seulement après avoir instauré une confiance, généralement après avoir utilisé les autres « outils ». Dessiner m’a permis de passer beaucoup de temps sur place, observer et comprendre les dynamiques du marché, et j’ai pu enchaîner des discussions et avoir des échanges d’informations sans l’aide de Muriel Mitchozounon et Amandine Yehouetome. De plus, le dessin permet aussi d’impliquer la personne sujet du dessin, en donnant une valeur à ses actions ou à sa présence, autre que celle quotidienne. Pour finir le dessin offre un moyen facile de remercier les personnes, que ce soit en donnant un original ou une copie. 2.
CONTEXTE ET RÉFLEXIONS
À partir du cas d’étude, inévitablement d’autres thématiques ressortent. Le cas de Ouando est idéal car il permet de parler des enjeux et des phénomènes à l’échelle de la ville ou du pays. Par exemple : introduire le cadre politique de la décentralisation au Bénin, discuter de l’imaginaire de ville et de la réalité du terrain, l’importance de la vente à l’extérieur et des marchés dans l’urbanité africaine et surtout aborder les conséquences spatiales, économiques et sociales directes de l’action de déguerpissement. À la différence du chapitre précédant portant sur la description d’un cas d’étude, cette partie est pensée comme mise en contexte et explication et en même temps un espace de réflexion nourri par des lectures et des recherches parallèles. DOCUMENTATION ET INTERVIEWS
Me rendre sur place m’a permis également de recueillir des informations pertinentes de différentes sources et positions. Pour avoir un cadre général de plusieurs points de vue sur la question du déguerpissement, j’ai effectué des
0 / INTRODUCTION
3.
10 De plus, avec Muriel, nous envisageons de continuer la recherche et rédiger ensemble un article consacré aux conséquences du déguerpissement sur la scolarisation des enfants.
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interviews et récolté des documents qui accompagnent et contextualisent l’ensemble de ma recherche. Je souhaite intégrer cette récolte pour rappeler la complexité du sujet. C’est pour cette raison que je pense intéressant de reproduire les entretiens les plus significatifs dans leur intégralité et diversité, en laissant parler les acteurs. Leurs paroles me permettent d’évoquer certains sujets et débats d’actualité, sans les aborder en détail, mais que je considère importants pour avoir un cadre général. Par exemple, je ferai référence à d’autres cas de déguerpissement à Cotonou, je montrerai le discours national avec des extraits des journaux, ou des articles online qui touchent aux villes africaines. Cela me permet en outre de participer au débat entre « discours officiel » et « jungle des déguerpis »11 en montrant les deux positions. Pour finir, cette partie correspond à mon troisième objectif : contribuer à la création d’une base de données sur le sujet au Bénin.
0 / INTRODUCTION
La triple approche qui structure le mémoire se traduit visuellement avec la mise en page. Du côté en noir, le cas d’étude (recherche sur le terrain), en rouge clair l’approfondissement de la thématique qui ressort (contexte et réflexions). Entre les pages les interviews et la documentation va enrichir le discours. L’alternance visuelle permet de choisir une lecture séparée, complète ou plurielle.
11 Le titre fait référence à l’article suivant: « Bénin : à Cotonou, dans la jungle des « déguerpis » », JeuneAfrique.com 24 (blog), 9 février 2017,
Dans les pages qui suivent: Extraits du journal «La Nation» du 5 javier 2017. Pages 1-6-11 et 7. Source: Archives nationaux de la ville de Porto-Novo.
0 / INTRODUCTION
Entraits du journal « La tribune» du 3 février 2017 et du 13/01/2017
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0 / INTRODUCTION
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A gauche: Croquis d’une rue de Ouando (PV bas).
1 / DE QUOI ON PARLE…
1. 1 OUANDO
Fort de sa position dans la ville, Ouando n’est pas directement concerné pas la politique de déguerpissement. D’autres zones comme le boulevard du cinquantenaire, les espaces au bord de la lagune ou encore les rues autour du stade on plus visiblement subit le « nettoyage » de l’espace public. Pourquoi parler donc du marché Ouando pour décrire l’action de déguerpissement alors qu’il n’est pas directement concerné par les changements urbains en acte à Porto-Novo ? Au premier regard, il représente un des seuls lieux sauvés par cette vague destructrice au nom de la « modernisation » de la ville. Mais, est-il vraiment
1 / DE QUOI ON PARLE…
Le quartier de Ouando est situé au nord-ouest de la ville, dans le 5e arrondissement, au croisement entre la deuxième ceinture des boulevards et l’une des artères principales d’accès à la ville, la RNEI1. Périphérique en relation au noyau historique, Ouando représente en réalité aujourd’hui le véritable centre dynamique de Porto-Novo. Du carrefour Catchi au marché central, en passant par la Place Bayol, les liens (économiques ou historiques) sont forts. On dirait que tous les chemins mènent à Ouando. Développé autour du marché, le quartier accueille certains services et équipements : les archives et la Bibliothèque Nationale, une mosquée et une église catholique importante, ainsi que le Centre Songhaï et l’hôpital El-Fateh. Mais il est surtout le principal pôle de commerce, où l’on peut trouver la marchandise la moins chère.
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1 / DE QUOI ON PARLE…
cette île pacifique au milieu d’une mer de confusion que le déguerpissement représente ? La nécessité d’identifier un cas d’étude représentatif a amené à choisir ce quartier.. Pour sa position d’entre-deux, «à côté du vrai problème», il permet d’observer la situation et surtout d’avoir des pistes de recherche pour cibler la problématique. Focaliser l’étude sur les espaces « libérés », en faire le recensement, n’aurait potentiellement rien amené sinon le simple constat du drame, du vide et de la violence que le déguerpissement a apporté en 2017.
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Déguerpissement, économie informelle, espace de vente, développement urbain et qualité de vie, sont fortement imbriqués. Un centre économique important comme Ouando, représente un exemple pertinent pour comprendre le véritable enjeux du déguerpissement, c’est-à-dire, le fait d’avoir des conséquences sur tout le système qui constitue une ville, du point de vue économique, politique et social et, par conséquent, spatial. En janvier 2017, j’étais à Porto-Novo dans le cadre de la recherche Micro-projet ARES. Pour des raisons de temps et de logistique, notre expérience ne s’était alors concentrée que sur les quartiers du noyau historique, situés à l’intérieur du premier cercle des boulevards1. Un an après, et dans l’objectif de la nouvelle recherche, le besoin de sortir des confins du centre est apparu opportun pour arriver à comprendre la Ville de PortoNovo dans sa complexité en tant qu’ensemble. Pour aborder la recherche sur le terrain, je ne pouvais pas être seule. Fort d’une amitié et d’une expérience de travail, j’ai demandé à Muriel Mitchozounon et à Amandine Yehouetome de m’aider. Les deux portonoviennes connaissent bien le contexte. Muriel, de plus, habite à côté du marché, et elle est une habituée du lieu. Amandine connaît les vendeuses et les codes sociaux, condition fondamentale à l’esquisse d’un entretien. Ma présence était Dans la page à droite: image satellite du surement la plus étrange sur le terrain, suite à une grande limite : la langue2. de Ouando Lors des discussions et de mes tentatives d’explication du sujet de recherche, quartier avec le marché. le mot “déguerpissement” a été celui qui a permis d’expliciter le sujet et de l’énoncer de manière synthétique et audible. Et ce bien que sa prononciation Source: Bing maps 2018 1 J’évoque ici toute une série de mots clefs qui ont été abordés dans le Micro-projet ARES. Pour plus d’information sur cette recherche voir : « Stratégies de développement des espaces publics traditionnels à Porto-Novo : analyse et bilan ou notre expérience dans les espaces publics au Bénin », 2018. (Rapport non publié) 2 Un deuxième limite est surement la sensibilité dans les échange avec les personnes, la connaissance des usages, du rythme et du temps, du « quoi faire et quoi no » de l’espace dont je me trouvée.
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soit difficile pour tous, le mot incarne une dynamique bien connu de tous. Une fois prononcé, une porte s’ouvre. On peut observer les visages de nos interlocuteurs comprendre et chacun a quelque chose à dire sur le sujet. J’ai vite compris que j’étais la seule à ne pas savoir ce que cela signifiait.
1.2 DÉGUERPIR EVOLUTION SÉMANTIQUE DU TERME Parmi les expressions de la langue française retravaillées par les langues parlées africaines, le verbe “déguerpir” a connu une évolution sémantique significative. Christian Bouquet et Irène Kassi-Djodjo font un clair résumé de l’étymologie du terme « déguerpissement » : « Selon le Dictionnaire de l’Académie, le vieux français (XIIème siècle) l’assimilait à « abandonner la possession d’un bien pour se soustraire aux charges et aux obligations dont il était grevé ». Progressivement, la vivacité du geste a été soulignée (« se sauver, partir brusquement pour échapper à une situation dangereuse »), et c’est le Littré qui donne la définition la plus actuelle : « sortir, se retirer d’un lieu malgré soi ». Il serait sans doute intéressant de savoir pourquoi – notamment dans les villes africaines – on n’a pas plutôt retenu le verbe « expulser », qui a le mérite d’être clairement transitif, au contraire de « déguerpir » qui ne l’est devenu que dans son usage africain. Par extension, « déguerpi » est devenu un substantif, qui désigne la victime du « déguerpisseur »3.
1 / DE QUOI ON PARLE…
UN VOCABLE AFRICANISTE
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À l’origine utilisé dans sa forme indirecte comme synonyme de « fuir », « déguerpir » s’est transformé en verbe devenu “transitif”, proche de « chasser ». L’évolution de ce terme est fortement influencée par l’usage fait de ce mot dans les pays africains. Le déguerpissement, ou l’action de déguerpir a été largement utilisé comme outil de régulation de l’espace urbain en époque coloniale. Même si beaucoup d’exemples se retrouvent dans d’autres contextes (de Mexico à Samarkand, de Rio de Janeiro à 3 Bouquet, Christian, et Irène Kassi-Djodjo. « « Déguerpir » pour reconquérir l’espace public à Abidjan. » L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique, no 22 (18 mars 2014).
Shanghaï) la fréquence et la violence avec laquelle celui-ci a été appliqué en Afrique le rend à tous les effets un vocable africaniste4. Dans les deux cas, il s’agit d’une action, qui souligne la précipitation et la violence. Concrètement, cette opération consiste dans l’évacuation forcée et la destruction, pour des motifs d’utilité publique, d’activités, la plupart du temps commerciales, et de constructions, considérées comme illégales au sein de l’espace public. Il sert donc à mettre fin à une situation d’occupation dite “anarchique” d’un terrain. Par extension, il peut désigner le déplacement de toute personne installée sur un foncier contesté, ou illégalement occupé par des activités de commerce disposées le long des larges trottoirs, marquant la limite officielle entre espace public et espace privé. Dans ce cas, il est destiné à libérer les rues et espaces publics de toute occupation commerciale non prévue dans le plan d’occupation du domaine public.
LIBÉRATION DU DOMAINE PUBLIC
4 Blot, Julie, et Amandine Spire. « Déguerpissements et conflits autour des légitimités citadines dans les villes du Sud ». L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique, no 22 (18 mars 2014). https://doi.org/10.4000/espacepolitique.2893. 5 Un panorama intéressant est présenté dans l’émission de FOKA Alain. « Déguerpissement du domaine public : au tour du Bénin - RFI ». Le débat africain, 2 décembre 2017. http://www.rfi.fr/ emission/20170212-deguerpissement-domaine-public-tour-benin. 6 http://revealingbenin.com/pourquoi-le-benin/ 7 F.Houessou, Jean Chrisostome. « Président Bulldozer et Dictature de classe de l’Etat haut bourgeois ». La Nouvelle Tribune. Consulté le 2 février 2018. https://lanouvelletribune.info/archives/ reflexions/opinion/31820-president-bulldozer-dictature-classe-haut-bourgeois.
1 / DE QUOI ON PARLE…
La pratique du déguerpissement est encore fréquemment mise en œuvre dans les capitales africaines5, pour essayer de « faire ordre » dans la réalité des villes du Sud. Au Bénin, le déguerpissement a recommencé activement le lendemain de l’élection de Patrice Talon (mars 2016), respectant en cela son programme politique, le «Bénin révélé»6. La décision de changer le paysage des villes béninoises, au nom du pragmatisme et du progrès, s’est “opérationnalisée” rapidement, ce qui lui a vite valu le surnom de « président bulldozer »7. Les deux autres protagonistes importants dans la mise
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en place des pratiques réactualisées du déguerpissement sont le préfet du littoral, Modeste Toboula, initiateur du projet et à la tête de l’action menée, grand « activiste » en première ligne sur les opérations à Cotonou, ainsi que José Tonato, ministre du cadre de vie et du Développement Durable.
1 / DE QUOI ON PARLE…
La décision de déguerpir a été prise par le haut, mais c’est aux autorités locales de l’appliquer. De plus, pendant les six premiers mois de la phase d’opération, les citoyens ont été invités à participer « volontairement » avant le 31 décembre 2016, transformant les villes béninoises en chantier à ciel ouvert. Tous ces acteurs « actifs » et « passifs » dans le débat portent à une confusion dans les termes et les sujets. Les « nous », « vous » et les « ils »8 se mélangent, nourris par une rhétorique ambiguë dans le discours politique, situation qui porte tout le monde à être à la fois déguerpis et déguerpisseurs, victimes ou promoteurs. Le terme utilisé est adapté à l’interlocuteur concerné. Officiellement l’opération prend le nom de « libération du domaine public ». Mais « il faut remarquer que quand ça a commencé, ils ont parlé de «déguerpissement». Déjà les gens ont trouvé que c’était violent même dans le mot. C’est un mot difficile à prononcer ! Donc ils ont humanisé le mot, et ils ont changé de vocabulaire et ils ont commencé à parler de libéralisation de l’espace public», mais ça n’a pas pris, le déguerpissement avait déjà sa place. »9 Dans les langues locales, le terme ne se traduit pas en un seul mot. En goun10, min gbigba son alito, qui signifie, «casser les personnes d’au bord des voies», décrit une attaque directe aux occupants plutôt que relatifs à l’espace occupé.
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8 Cette schizophrénie du sujet dans le discours m’est apparue évidente dans toutes les interviews faites sur place. En particulier dans celle de Raman Salam à la fois défenseur et promoteur de la politique mise en place et à la fois, représentant des dignitaires musulmans « victimes » de l’interdiction de la prière du vendredi sur le trottoir. 9 Extrait de l’Interview à Virgile Ahouansse Journaliste de la radio Soleil Fm 10 Le goun est une langue principalement parlée dans la région de Porto-Novo.
1 / DE QUOI ON PARLE…
L’ancien parking de Dantokpa entièrement dégagé de ses occupants. Photo prise le 18 fèvrier 2018.
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VIRGILE AHOUANSSE Journaliste radio
Je ne crois pas que ce soit une action politique. Au contraire, antipolitique, parce qu’avec ça il va payer. Par exemple, le déguerpissement c’est une des causes de démission de l’ancien le ministre de la Défense, Candide Armand-Marie Azannai.
Journaliste chroniqueur de la radio Soleil FM depuis 18 ns (aout 2000). L’entretien a eu lieu au siège de la radio à Djèffa (Sèmè) date 08.02.2018
Les informations sur internet diffèrent de celles communiquées par les journaux. Ici, Radio Soleil a la réputation d’avoir un regard critique et de donner une voix. Quel est votre rôle dans tout ce cercle d’information ? Comment vous avez parlé ce de sujet qui touche autant la population ?
Pouvez-vous me dire ce que vous savez sur l’action du déguerpissement ? C’est une Initiative du gouvernement Talon, la phase opérationnelle a commencé le 2 janvier 2017, annoncé en juin 2016. Le cible de cette action est la population démunie. C’est avec cet argent-là que la femme finance les études, parfois c’est tout pour la famille. Certains ont fait des prêts pour construire et ont tout perdu. Le paradoxe est que, ce qui a été annoncé, donc la raison pour laquelle on détruit cet espace, ça n’a pas encore commencé. À part l’exception de Cotonou, où ils ont aménagé des parcs à fleurs. Moi, je n’ai rien contre pour embellir, mais ils n’ont pas pris en compte la dimension humaine, sociale.
1 / DE QUOI ON PARLE…
L’action de déguerpissement, comme vous le dites, est spécifique au gouvernent Talon, et lui vaut son nom, mais c’est un décret ministériel qui existait bien avant… Dans son programme politique, Talon avait parlé de ça ? C’est une chose propre à son gouvernement ou l’action de déguerpissement aurait pu avoir lieu à tout moment ?
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La radio Soleil Fm est critique c’est vrai, je préfère ce mot, plutôt de dire qu’on est la radio de l’opposition. Quand c’est bon, on dit «c’est bon» ! D’ailleurs, nous ne l’avons pas traité différemment que des autres sujets, ça va ensemble aux ennuis de la Radio, parce que des ennuis on en vit régulièrement. Notre radio est la radio d’un homme d’affaires qui s’est présenté à la place du président comme Talon (*Adjavon), mais qui est arrivé troisième. Au début ils s’étaient alliés et ils ont pu battre le candidat de l’ex pouvoir. Mais cette lune de miel ça n’a pas duré longtemps. Le 8 octobre il y a eu une affaire d’accusation de trafic drogue et un mois après la Radio a été fermé aussi. Pourtant on n’est pas trafiquant de drogue, on est trafiquant que d’informations, si trafiquant on est. La radio a été ferme et sur prétexte qu’on avait choisi d’aller s’installer à Cotonou au lieu d’être ici à Djèffa. On a déménagé à Cotonou, pour nous chasser et d’ici, puis revenu... bref il suffisait d’en discuter plutôt qu’arrêter l’information. Dans un pays sérieux, on ne met pas les médias en difficulté, parce que ça dans le respect de la démocratie. Vous pensez que c’est une coïncidence que vous avez été mis au silence juste pendant toute la période pré déguerpissement et pendant la partie opérationnelle de l’action ?
Oui, c’est vrai, c’était une règle qui existait déjà, mais il y a aussi une habitude à la négliger. Ce n’est pas une loi, c’est lui qui a fait un choix. Cette action n’a pas été seulement au Bénin, mais aussi en Côte d’Ivoire, au Niger à la même période. Par contre, relativement au programme politique c’est un Non catégorique. Au début, c’était une initiative du préfet du Littorale de Cotonou et puis le Ministère de l’Environnement et du cadre de vie a récupéré et généralisé en dix villes. J’ai appris que ça aurait fait il y a très longtemps, ce n’est pas Talon qui l’a fait pour la première fois. Sauf que la méthode ce n’était pas celle-là.
Déjà on avait fait le lien à l’époque. Comme je disais on avait été suspendus du 28 novembre 2016 jusqu’au début février 2017. Actuellement, nous sommes bouchés, les gens qui sont à Cotonou ne reçoivent pas la radio. [rigolade] Parce que… c’est tropical ici !
Jusqu’à quel point le déguerpissement a été une action politique et jusqu’à quel point économique? A-t-elle été pensée pour la population ?
De mémoire je sais qu’il a eu des recours, même devant la cour constitutionnelle. Vous avez entendu parler de lui, Modeste TOBOULA. Après Talon c’est lui, ou c’est lui qui vient avant Talon, ce n’est pas clair... (on parle beaucoup de
J’ai lu dans des articles sur internet que Modeste TOBOULA, le préfet du littoral, a été condamné pour violation de la constitution pour avoir donné l’accord, en février 2017, de déguerpir aussi certaines rues secondaires de Cotonou. Estce que le débat autour du déguerpissement arrive à toucher les limites des droits humains ? Si oui, si avez-vous entendu ou avez-vous parlé à la radio de ces droits ?
Sur l’émission de radio RFI, Le débat africain, dédié à la question du deguerpissement, Thérèse Waounwa, présidente du collectif des vendeuses de Missèbo, évoque l’utilisation de jets d’eau chaude pour «motiver» les gens à déguerpir… Il y a eu beaucoup de violences physiques autre que à celle psychologique pendant la phase opérationnelles ? Il y a eu des abus effectivement. Encore une fois le cible ce sont les gens qui n’ont rien. On a vu les policiers venir, chasser les vendeuses, ils les font fuir et après ils ramassent leurs marchandises. Au commissariat quand on les réclame, on ne les retourne pas. Ça, c’est courant et quotidien. C’est tout dans le courant des déguerpissements. parce que les gens, comme on n’a pas occupé, certains ont la tendance à revenir. Quand ils reviennent, la police est là aussi à ramasser les choses. Donc par exemple au stade de l’Amitié à Cotonou ils ont ramassé les friperies. Après, les vendeurs se présentent pour récupérer la marchandise, déjà on les a ramassés, il regarde, il porte, il demande, à son second si ça lui va... jusqu’au commissaire ! Donc il y a eu des abus, même récemment. Cette histoire par exemple est récente, une vidéo le témoin. Mon avis est qu’il ne fallait pas déguerpir les gens sans être prêt ! Parce que depuis l’effort ne sert à rien. Là, ils n’ont pas eu les ressources, pour aménager l’espace et ils attendent toujours. Il aurait dû laisser les gens et quand ils étaient prêts, deux ou trois mois en avance, prévenir les gens avec des alternatives pour eux. Mais là, ils ont tout détruit à la fois, en dix villes à la fois, et rien fait, si n’est que... le jardin là. N’avez-vous jamais entendu parler du concept du droit à la ville d’Henri Lefebvre ? Même si dans un contexte complètement différent (Europe et dans les années ‘60) je le pense pertinent, car il voit la «ville» dans sa réalité physique et ses besoins anthropologiques à faveur de l’autogestion. La « ville », pour Lefebvre, est un concept qui est fait par une société et ses modes de vie et il identifie des droits de base comme : le droit à la liberté, à l’habitat, le droit à l’appropriation (bien distinct du droit à la propriété), de circulation … Vous avez dit en Europe! Non, pas ici... c’est un sujet pour la
radio peut-être ? Peut-être c’était ça l’intention à la base et qui mettent le cadre de vie approprié, parce que l’occupation anarchique déborde parfois aussi la voie publique et donc ça empêche de circuler normalement et effectivement ça a changé le paysage d’une ville et effectivement quand ils ont déboulé les artères sont un peu plus dégagées c’est mieux, ça fait… ça fait ville, ça fait plus beau, même sans encore être aménagé. Vous pensez qu’il suffit de beauté pour « faire » une ville ? Elle n’est pas constituée des personnes ? Je ne sais pas si c’est une idée qui a vraiment circulé au niveau du pouvoir. Mais à un certain moment ils ont parlé d’empêcher au zem (taxi moto) d’aller dans une autre ville, ils n’ont pas le droit d’entrer dans la ville. A voir avec la coïncidence avec l’arrivée de taxi voiture jaune... À un certain moment, ils parlent de supprimer tous les zems... Mais ça aurait été encore plus impopulaire de prendre telle décision, ça n’a jamais été mis en pratique. L’appauvrissement économique c’est quand même un droit aussi ; vous voyez ? Ça a limité le cadre de vie des gens. Pour ceux qui vivent de leurs activités par exemple. Mais bon c’est complexe parce qu’en même temps c’est des espaces publics, ce n’est pas de leur propriété, le volet social n’a pas été pris en compte encore une fois. Il faut remarquer noter : quand ça a commencé, ils ont parlé de «déguerpissement», déjà les gens ont trouvé que c’était violent même dans le mot. C’est un mot difficile à prononcer. Donc ils ont humanisé le mot, et ils ont changé de vocabulaire et ils ont commencé à parler de «Libéralisation de l’espace public», mais ça n’as pris, le «Deguerpissement” avait déjà sa place. C’est quoi la ville béninoise, vous en parler à la radio ? Oui, on en parle, mais il n’y a pas des émissions consacrées aux villes. On parle de la vie en ville et de la ville en général. Il n’y a pas de journalistes spécialistes en ça, c’est vrai qu’on fait la géographie, mais journaliste urbaniste, non. Et pour finir, comment c’est possible qu’au final toute cette action se soit passée dans le silence? On n’en parle pas beaucoup on n’entend pas beaucoup parler des transformations des villes au Bénin, pourquoi ? Il y a eu des manifestation de vendeuses. À Cotonou il y a eu quelques timides manifestants, mais comme c’est l’espace public et ça ne leur appartient pas, à mon avis c’est, pour ça, les gens n’ont pas beaucoup protesté. Quelque manifesta-
1 / DE QUOI ON PARLE…
lui en tout cas). La courte constitutionnelle lui a donné tort, notamment pour cette histoire de conduit d’eau qui avait été cassé, et la constitution avait décidé que ce n’était pas dans le respect. Mais le gouvernement avait dit qu’ils allaient reconstruire, mais je n’ai pas appris qu’ils sont faits ça. L’autre problème c’est que les mairies et les autorités mêmes autorisent les gens à occuper les espaces publics et ils viennent prélever les taxes. D’ailleurs, par exemple à la mairie de Porto-Novo, le budget s’est effondré à 40% et ils ont perdu le 80% de leurs entrées
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EXTRAIT DU PROGRAMME D’ACTIONS DU GOUVERNEMENT 2016-2021 «BÉNIN RÈVÈLÈ» (PAG 74-76) AXE 7 : Développement équilibré AXE 7 : Développement équilibré et durable de l’espace national et durable de l’espace national
1 / DE QUOI ON PARLE…
Le
40 74
Gouvernement
envisage
une
d’aménagement équilibréenvisage et durable une de Le Gouvernement l’espace national en lien avec les Objectifs de Développement Durable ODD) de . d’aménagement équilibré et durable l’espace national en lien avec les Objectifs Deux pistes d’intervention sont privilégiées de Développement Durable ODD) . à cet effet : Deux pistes d’intervention sont privilégiées i. effet L’amélioration du cadre de vie et du à cet : développement durable i. L’amélioration du cadre de vie et du ii. développement L’approfondissement la durable de décentralisation et la déconcentration ii. L’approfondissement de la La création d’un ministère Cadre de vie décentralisation et la du déconcentration et du développement durable (MCVDD) illustre l’option du Gouvernement La création d’un ministère du Cadre de viedu Bénin le bien-être tous les et du d’améliorer développement durablede(MCVDD) Béninois l’option et de préserver l’environnement illustre du Gouvernement du au plan nationalle bien-être . Ce ministère porte Bénin d’améliorer de tous les l’ambitionetdedeparvenir à un aménagement Béninois préserver l’environnement équilibré territoire, l’amélioration au plan du national . Ceà ministère porte progressive, effective du cadre de l’ambition demais parvenir à un aménagement vie des populations, dans promotion équilibré du territoire, à la l’amélioration d’une gestionmais rationnelle progressive, effectiveetdudurable cadre des de ressources naturelles et forestières vie des populations, dans la promotion. Dans cette optique, vision duet secteur cadre d’une gestion la rationnelle durable des de vie et développement Durable est :. Dans ressources naturelles et forestières « un optique, développement et durable cette la visioninclusif du secteur cadre articulé de villes Durable résilientes de vie etautour développement est et: L’approche de mise en œuvre des «sûres un ».développement inclusif et durable programmes du secteur sera résilientes participativeet articulé autour de villes et inclusive . Elle intégrera les synergies sûres ». L’approche de miseainsi en œuvre des indispensables développement programmes du entre secteurlesera participative urbain, l’habitat et l’environnement, la et inclusive . Elle intégrera ainsi les synergies rationalisation et la mise en cohérence indispensables entre le développement des programmes interventions dela urbain, l’habitat etetdes l’environnement, l’État, et le partenariat rationalisation et la avec miseles encommunes cohérence et leprogrammes secteur privéet des . interventions de des l’État, et le partenariat avec les communes Face aux ambitions, des lieux du et le secteur privé l’état . du pays est encore par Face aux ambitions, l’état marquée des lieux du l’inadaptation du cadre de vie et du niveau de service bien-être des du pays aux est besoins encorede marquée par populations, par le manque l’inadaptation du cadre de vie d’attractivité et du niveau et dysfonctionnement principales de le service aux besoins dedes bien-être des agglomérations populations, par le .manque d’attractivité et le dysfonctionnement des principales L’option en matière. de décentralisation agglomérations L’option en matière de décentralisation
• • •
et de déconcentration est de renforcer la démocratie locale, d’assurer la correction desdedisparités spatiales réduction et déconcentration estetdelarenforcer la des inégalités end’assurer termes lad’accès aux démocratie locale, correction services publicsspatiales . C’estet àla travers cette des disparités réduction option que le en Gouvernement compte des inégalités termes d’accès aux accélérer publics l’atteinte . de global services C’estl’objectif à travers cette de la PONADEC « Créer les conditions option que le : Gouvernement compte institutionnelles accélérer l’atteinteetde organisationnelles l’objectif global d’un territorial durable et les conditions de ladéveloppement PONADEC : « Créer équilibré reposant et sur une gouvernance institutionnelles organisationnelles localedéveloppement concertée et surterritorial la valorisation des d’un durable et potentialités des collectivités territoriales équilibré reposant sur une gouvernance locale concertée et sur la valorisation des base » . potentialités des collectivités territoriales
• • • •
national La réalisation de grands projets urbains
constitue les chantiers phares pour La réalisation de grands projets urbains améliorer le cadre de vie des populations constitue phares pour et servir lesde chantiers levier au décollage améliorer leucadre é co n o m iq e . de vie des populations et servir de levier au décollage é co n o m iq u e .
A C T ION 1 Démarrer et réaliser les projets phares A C Tles ION 1 à statut particulier dans villes Démarrer et réaliser phares Ces projets phares les ontprojets comme objectifs dans les villes à statut particulier la viabilisation de régions économiques et focalisent suront lescomme zones objectifs de forte Cesseprojets phares concentration humaine . la viabilisation de régions économiques et se focalisent sur les zones de forte concentration humaine .
Projets phares pour le développement de l’espace national Projets phares pour le développement de l’espace national • Modernisation du système de collecte
A C T ION 2 Améliorer le bien-être de tous et A C T IONl’environnement 2 préserver Améliorer le bien-êtrelade tous et Pour renforcer résilience aux préserver l’environnement changements climatiques, les domaines
•
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les Objectifs dedeDéveloppement L’amélioration la gouvernanceDurable locale et de l’intercommunalité permet d’atteindre Les réformes, les programmes et projets les Objectifs de Développement Durable relatifs à cet axe sont classés dans les domaines ci-après : Les réformes, les programmes et projets relatifs à cet axe sont classés dans les domaines ci-après :
Modernisation dudesystème de collecte l’agglomération Cotonou
•
l’agglomération de Cotonou Aménagement des berges de la lagune de Cotonou et assainissement de son Aménagement des berges de la lagune plan d’eau de Cotonou et assainissement de son plan d’eau Assainissement et aménagement des berges de la lagune de Porto-Novo Assainissement et aménagement des berges de la lagune de Porto-Novo Modernisation du marché de Dantokpa, marché international de référence Modernisation du marché de Dantokpa, marché international de référence Modernisation du Marché central de Parakou Modernisation du Marché central de Parakou Création d’un complexe international
•
Création d’un complexe international
•
A C T ION 3 Accélérer et renforcer le processus de la A C T ION 3 décentralisation Accélérer et renforcer le processuslocale de la et L’amélioration de la gouvernance décentralisation de l’intercommunalité permet d’atteindre
Viabilisation des régions économiques et des zones de forte concentration Viabilisation humaine des régions économiques et des zones de forte concentration humaine Aménagement du territoire et promotion du développement durable Aménagement du territoire et promotion du développement durable Amélioration de la gestion foncière et de l’habitat Amélioration de la gestion foncière et de l’habitat Amélioration de la gouvernance locale et de l’intercommunalité Amélioration de la gouvernance locale et de l’intercommunalité
1. Développement équilibré et durable de l’espace 1. Développement équilibré national et durable de l’espace
base » .
d’action seront baséslasur l’aménagement Pour renforcer résilience aux du territoire,climatiques, la promotion changements les domainesdu développement durable l’amélioration d’action seront basés sur et l’aménagement de gestion foncière et de l’habita du du la territoire, la promotion développement durable et l’amélioration de la gestion foncière et de l’habita
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2. V iabili économiq 2. V iabili de forte c économiq humaine de forte c humaine
R éformes p et zones de R éformes p et zones de • Renforc législati • l’aména Renforc législati la créa l’aména d’amén la créa cadre su d’aménd étant cadre su étant d • Renforc urbaine • l’aména Renforc urbaine l’aména
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(conférences, théâtres et hôtels) à Cotonou • • •
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Développement de programmes immobiliers d’habitat social et économique dans les chefs-lieux de département et dans certaines agglomérations du Bénin
R éformes pour les régions économiques et zones de forte concentration
•
•
Adoption du code de la construction et de l’habitat
•
Actualisation de la politique nationale de l’habitat, avec une stratégie du logement et de la promotion i m m o b i l i è re
•
Réforme des baux et loyers
•
Réforme de l’Institut géographique national
•
Restructuration de l’Agence foncière de l’habitat et dynamisation de la promotion immobilière privée
•
Installation d’un informatisé
cadastre
géodésique
territoire
•
Renforcement du cadre institutionnel, législatif et réglementaire de l’aménagement du territoire à travers la création de l’Agence nationale d’aménagement du territoire (la loicadre sur l’aménagement du territoire étant déjà votée) Renforcement de la gouvernance urbaine avec le vote du Code76 de l’aménagement et de l’urbanisme
4. Amélioration de la gouvernance territoriale et de l’intercommunalité R éformes pour la gouvernance territoriale et de l’intercommunalité •
Transformation du Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC) en un Fonds autonome de développement communal
•
Accélération de la procédure de vote de la loi sur le statut particulier des agents des collectivités locales de la fonction publique territoriale
•
Adoption de la loi de transposition de la directive N° 01/2011/CM/UEMOA
R éformes pour la gestion foncière et de l’habitat
•
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3. Amélioration de la gestion foncière et de l’habitat
2. V iabilisation des régions économiques et zones de forte concentration humaine
•
Programme de protection du littoral contre l’érosion côtière (CotonouGrand-Popo-Ouidah)
Réhabilitation et aménagement des voiries primaires, secondaires et tertiaires dans les villes de Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Bohicon,Abomey, Sèmè, AbomeyCalavi, Natitingou
•
s
e
•
Aménagement du camp Guezo pour en faire un centre d’affaires de référence
Assainissement et drainage des eaux pluviales à Cotonou
ge
e
Rénovation du centre-ville de Cotonou (Ganhi)
•
ur
N ouveaux projets sectoriels pour les régions économiques et zones de forte concentration
du
collectivités territoriales au sein de l’UEMOA
Projets sectoriels pour la gouvernance territoriale et de l’intercommunalité •
Mise en œuvre du programme de construction, de réhabilitation et d’équipement des résidences et bureaux des préfectures, et construction de cités administratives départementales
•
Renforcement des capacités des collectivités locales (renforcement des capacités des agents et projet de construction et d’équipement du Centre de formation pour l’administration locale)
•
Appui aux communes pour l’élaboration et la mise en œuvre des plans de développement communal 3 e génération prenant en compte les thématiques transversales
•
Projet de modernisation des principaux marchés des communes (PMPMC FADEC AFFECTE)
national
national
Opérationnalisation et la déconcentration de l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (ANDF)
N ouveau projet sectoriel pour la gestion foncière et de l’habitat •
.
Programme de développement de l’infrastructure géographique de base et du cadastre
Source: http://revealingbenin.com/wp-content/uploads/2017/03/Le-ProgrammedActions.pdf
1 / DE QUOI ON PARLE…
s n
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EXTRAIT DU COMMUNIQUÉ DU CONSEIL DES MINISTRES DU 30 NOVEMBRE 2016. Le Conseil des Ministres s’est réuni mercredi, le 30 novembre 20I6, sous la présidence de Monsieur Patrice TALON, Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement. Au cours de la séance, le Conseil a approuvé plusieurs dossiers. […] 4.3 Point d’étape de la mise en œuvre de la mesure de libération des emprises du domaine public.
1 / DE QUOI ON PARLE…
Le Conseil des Ministres a pris connaissance du point d’étape de la mise en œuvre de la mesure de libération des emprises du domaine public, présenté par le Ministre du Cadre de Vie et du Développement Durable.
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L’occupation anarchique de nos voies et artères causent d’énormes désagréments à la circulation et au réseau routier. De plus, les permissions de voirie qui sont des autorisations temporaires accordées à un requérant, pour disposer de l’emprise d’une voie publique en vue d’une manifestation privée, culturelle ou cultuelle, sont de nos jours légion et se manifestent par le blocage ou le détournement de la circulation.
Certaines des installations restent en place plusieurs jours après la fin de l’autorisation accordée. Ce phénomène handicape sérieusement la mobilité dans nos centres urbains. En exécution de la décision gouvernementale de libérer les emprises du domaine public, le Ministre du Cadre de Vie et du Développement Durable a établi une feuille de route pour définir la méthode d’organisation efficace et une mise en œuvre apaisée de cette décision. Conformément aux actions inscrites à cette feuille de route, il a été identifié une première série de villes et centres urbains devant faire l’objet de la première phase de cette opération de développement urbain. Il s’agit des villes de Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Abomey-Calavi, Ouidah, Bohicon, Abomey et Sèmè Kpodji. La poursuite de la mise en œuvre de cette opération se fera en deux phases. La première consistera en la libération stricte des emprises des trottoirs et terres pleins centraux des principaux axes stratégiques identifiés dans les villes. Cette phase prend fin le 31 décembre 2016. La deuxième phase consistera à faire, avec discernement, le même exercice de libération sur des axes secondaires mais aussi sur les espaces compris entre les trottoirs et les limites d’alignement des parcelles, de même que les places publiques. Cette deuxième phase connaîtra l’extension de l’opération à d’autres villes et centres urbains.
L’objectif poursuivi est de faire de cette opération le fil conducteur d’une politique de requalification des centres urbains pour des villes attractives, durables et inclusives. En approuvant ce point d’étape, le Conseil des Ministres a instruit le Ministre du Cadre de Vie et du Développement Durable de prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre de la deuxième phase de l’opération.
Source: Site du journal « La nouvelle Tribune» en date 13/12/2016. En ligne: https://lanouvelletribune. info/archives/benin/conseil-desministres/31388-communiqueintegral-conseil-ministres-30novembre
1 / DE QUOI ON PARLE…
Par la même occasion, le Conseil des Ministres, tenant compte des nombreux désagréments et perturbations causés aux populations par la fermeture illégale et anarchique des voies publiques pour fait de manifestations privées, décide, pour compter de ce jour, de l’interdiction formelle d’occuper les voies publiques pour les dites manifestations sur toute l’étendue du territoire national.
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Dessin en perspective de la route RNE1 et le pavé devant l’entrée du marché Ouando. À gauche il y des vendeuses de pain, au milieu les vendeuses de tomate et poissons entre les débris de la rue en travaux, à droite les boutiques du marché Ouando.
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2.1 TRAVAUX DE LA ROUTE INTER-ÉTAT
À partir de la frontière togolaise en passant par Cotonou et Porto-Novo jusqu’à la frontière nigériane, la RNIE1 est une des routes principales du Bénin. Sa longueur est de 177 km1. Elle structure également la forme de la ville de Porto-Novo : à partir du pont sur la lagune, elle contourne le centre historique et continue en direction nord-ouest, vers Missérété où, en dehors de la ville, elle se divise en deux, d’un côté vers Bohicon-Abomey, de l’autre au Nigeria. Au croisement de cet axe avec la deuxième couronne des boulevards
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Le déguerpissement représente un enjeu clef dans les transformations de la ville de Porto-Novo. Trouver un lieu qui incarne tous ses défis et ses problématiques n’est pas donc une tâche simple. Comme étudiante en architecture, l’espoir de trouver sur un plan toutes les réponses à mes questions est souvent le premier réflexe. Le besoin de se rassurer en indiquant précisément un point sur un papier est confortant. Mais sur les cartes des pays africains, les choses sont différentes. Les villes sont représentées comme un agglomérat de quartiers en taches uniformes, sans beaucoup plus de précision. Ce qui apparait le plus défini est un réseau de routes, uniques points de repère.
1 http://www.fondsroutier-benin.org/spip.php?rubrique33
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LA ROUTE RNIE1
(le cinquantenaire) se trouve le marché le plus important de Porto-Novo, le marché de Ouando. La RNIE1 passe devant le grand portail du marché. Cet important axe routier a fortement influé sur le développement de la ville, qui s’étend davantage le long de cette route de commerce. Sa présence affecte également le maillage urbain qui suit sa direction. Le potentiel stratégique de la route inter-état apparaît évident sur n’importe quel plan de la ville ou sur une vue aérienne. Ce statut la rend point focal dans les raisonnements et les ambitions de l’Etat.
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PROGRAMME NATIONAL DE RÉHABILITATION ET D’AMÉNAGEMENT DES VOIRIES PRIMAIRES
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Depuis un an, la route inter-état est sujette à d’importants travaux pour l’agrandir et la faire devenir une infrastructure plus « moderne ». Liée au programme national de réhabilitation et d’aménagement des voiries primaires des principales villes du Bénin, au niveau du quartier de Ouando, elle est actuellement un chantier à ciel ouvert. La route est dans ces conditions depuis juin 2017 quand le ministre des Infrastructures et des Transports lance le projet des « Travaux d’aménagement et de bitumage des tronçons de route Les traveaux pendant le jour du Porto-Novo/ Akpro-Misséreté et de la route Missérété-Pobè-Adja- marché. Ouèrè-Ouinhi ». Une forte volonté d’urbanisation a été lancée par le nouveau gouvernement dans la certitude que l’amélioration des infrastructures et l’embellissement du paysage des villes seront la clef du développement économique. Le programme d’action du gouvernement « Bénin révélé » est très ambitieux. Dans le domaine des infrastructures et des transports, 42 projets dont 18 projets phares et 24 prioritaires, comme celle de la REIN1, sont prévus dans le quinquennat 2016-20212. Deux ans après l’élection du président, plusieurs chantiers ont démarré sur tout le territoire Dans la page à droite: Plan directeur national. d’urbanisme de la ville D’autres projets touchant à l’infrastructure et au paysage urbain sont de Porto-Novo. également en cours : la construction d’un nouvel aéroport, la modernisation Source : Atlas cartographique des du Port, l’aménagement de la lagune de Porto-Novo, la construction villes de Parakou et d’autoroutes et marchés et l’extension du réseau routier sur 1 362 km3. Pour Porto-Novo. Mars 2001. 2 Voir l’ annexe Extrait du Portefeuille des Projets par Secteur du Programme d’actions du Gouvernement 2016-2021, à page 78-79 3 Présidence de la République du Bénin, Programme d’actions Du Gouvernement 2016-2021, Projets Phares, (PAG).
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lancer vite ces projets d’infrastructure et de modernisation, un grand ménage était cependant nécessaire. L’action de déguerpissement a été lancée, sous le nom de « Réhabilitation et Aménagement des voiries des villes ». Des 1 362 kilomètres de nouvelles routes, 8504 sont destinés à l’aménagement et la réhabilitation de voiries urbaines primaires, secondaires et tertiaires pour un budget total de 301 milliards de CFA.
LE GOUDRON DE OUANDO
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À Ouando la route RNIE1 est appelée simplement « inter-état » ou « goudron ». Au moment de mon étude sur le terrain, les travaux affectaient la partie de route devant le portail du marché. Cette coïncidence m’a permis d’observer les dynamiques et les mouvements des femmes, discuter avec elles concrètement d’une action qui était difficile à ignorer. Ce contexte a confirmé l’intérêt de travailler sur Ouando, et en particulier sur le rapport de ces travaux à l’action du déguerpissement.
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Avant les travaux, le goudron avait, une voie par sens de la marche et sur les cotés deux rues pavées. Depuis octobre 2017, le matin à 5h30 les hommes de l’entreprise responsable des travaux, OFMAS International5, commencent à travailler à l’aide de bulldozers et pelles mécaniques. Ils finissent vers 9h00, quand le marché commence à revendiquer son espace. Tous les jours les conditions du sol sont différentes, plus au mois précaire, selon les machines et la pluie. Le chantier est suivi par le responsable de la voirie et de l’infrastructure de la mairie. Ces travaux prennent en compte la reconstruction en double voie par direction avec éclairage public au centre et sur les côtés, sur 12,6 km. Le bureau d’urbanisme responsable des plans est l’agence française Louis Berger, basée à Cotonou6. La rue pavée devant le grand portail du marché a été complètement éliminée, le carrelage enlevé pour être recyclé ailleurs, les arbres coupés. Le nouveau projet de route aura une emprise de 20 mètres. De mur à mur, elle sera complètement bitumée et une passerelle en béton permettra le passage d’un coté à l’autre, au niveau du grand portail du marché. La poussière domine partout depuis plusieurs mois. Le flux de voitures et motos 4 Cotonou (300 km), Porto-Novo (150 km), Parakou (100 km), Abomey-Calavi (100 km), Seme-Kpodji (50 km), Abomey (50 km), Bohicon (50 km), Natitingou (50 km). Idem 5 https://www.groupeofmas.com/ 6 https://www.louisberger.com/fr
Les pelleteuses au travail (7H00-10H00).
Après le passage des pelleteuses.
Les conditions du pavé avec les travaux et la pluie.
La poussière soulevée pas les voiture sur l RNEI1 en travaux.
Chaque jour un camion jette de l’eau sur la route.
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L’arrivée d’une des pelleteuses le matin à Ouando (7H00).
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Dessin en perspective de la route RNEI1 et du portail du marchÊ du point de vue d’une vendeuse de pain en date 10/02/2018.
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soulève tellement la terre rouge qu’un service a été appelé pour essayer d’améliorer les conditions. Un camion jette de l’eau chaque jour pour baigner la rue et évite, pour quelques heures, de respirer la poussière. Un nouvel article est proposé à la vente au bord de la route : des masques anti-poussière pour 10 CFA.
2.2 L’INFRASTRUCTURE COMME LEVIER URBAIN
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CIRCULER LIBREMENT
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L’importance d’un réseau routier libéré et fluide joue un rôle central dans le discours officiel. En regardant l’arrêté ministériel du 30 novembre 20167, ce qui saute aux yeux, c’est l’accent particulier mis sur la circulation. L’occupation anarchique semble déranger avant tout la mobilité, les voiries et les passages piétons. La libération des emprises du domaine public a donc comme premier objectif stratégique l’amélioration des conditions de circulation dans les villes béninoises8. Mais pourquoi la circulation est-elle si importante ? L’idée se base sur le principe que l’infrastructure porte automatiquement à l’amélioration de la qualité de vie et de la croissance par habitant et donc, que les infrastructures économiques jouent un rôle stratégique dans le processus de développement. Selon l’étude de la Banque Mondiale « Ouvrir les villes africaines au monde » (2014), les villes d‘Afrique subsaharienne ont habituellement trois caractéristiques communes qui freinent leur développement urbain : le surpeuplement, les coûts élevés et le manque de connectivité des villes. Ce dernier point est crucial, car les investisseurs et les partenaires commerciaux potentiels se rendent compte très rapidement des dysfonctionnements physiques et économiques qui restreignent la fourniture de services publics, entravent la consolidation et l’adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail et empêchent les entreprises de tirer parti des économies d’échelle et d’agglomération. Ces acteurs potentiels se tiennent donc à l’écart, craignant l’insuffisance du rendement des capitaux investis9. Or, il ne s’agit pas d’une simple question de sous-investissement, mais d’un problème plus complexe d’interdépendance de futurs autres investissements. Les décisions d’investissement des entreprises dépendent aussi de la présence d’autres entreprises. 7 Voir annexe à page 44. 8 Présidence de la République du Bénin, Programme d’actions Du Gouvernement 2016-2021, Projets Phares, (PAG). 9 United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2014). World Urbanization Prospects: The 2014 Revision, Highlights (ST/ESA/SER.A/352). Page 21.
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Photo de la route RNIE1 en correspondence du portail du marché, Photos prise le 30 janvier 2018 à 11h00.
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L’hypothèse à la base de ces initiatives est que le développement dépend de la croissance économique qui dépend à son tour de la croissance urbaine10. Dans ce cadre, le développement du pays passe par le développement des villes et leur connectivité, et en premier lieu, par le réseau routier.
LE SOUTIEN DE LA BANQUE MONDIALE
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Les autorités béninoises répètent ce discours quand l’occasion se présente. Qui s’opposerait à la volonté de rendre la ville plus propre, plus aérée, plus belle et surtout, plus fluide pour la circulation? Ceux qui ne sont pas directement touchés par l’expulsion ne cachent pas leur satisfaction de voir un gouvernement passer enfin à l’action. La nouvelle politique béninoise porte le pays à monter sur la liste des pays africains qui prospèrent. Une évolution qui mérite le soutien international.
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La banque Mondiale et l’Association internationale de développement (IDA) ont confirmé soutenir « les efforts déployés par les autorités pour assurer la viabilité de finances publiques et promouvoir la croissance économique »11. Un nouveau crédit de 40 millions de dollars (soit environ 22 milliards de FCFA) sera versé en faveur du Bénin. Depuis 1969, 101 projets ont été faits par la Banque mondiale au Bénin dont 20 concernent les infrastructures et 10 les aides à la décentralisation12. Il faut remarquer qu’en 2017 l’engagement économique a atteint son montant le plus élevé avec 173 millions d’US$. « Cette opération à l’appui des politiques de développement arrive au moment opportun pour le Bénin : le pays affiche en effet des perspectives de croissance positives à moyen terme, à la faveur de la vigueur constante de la production agricole et du niveau soutenu de l’investissement public et privé conjugués à la ferme résolution du gouvernement de dégager une marge de manœuvre budgétaire et d’améliorer l’efficacité de la dépense publique13 », souligne Pierre Laporte, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Bénin. 10 Hilgers, Mathieu. (2009). Une ethnographie à l’échelle de la ville : Urbanité, histoire et reconnaissance à KoudOgou (Burkina Faso). Karthala, Paris. 11 « Bénin : la Banque mondiale soutient les efforts du gouvernement en faveur de la stabilité macroéconomique et de la croissance ». Text/HTML. World Bank. Consulté le 1 mai 2018. 12 Site de la Banque Mondiale sur les projet au Bénin : http://projects.worldbank.org/ search?lang=en&searchTerm=&status_exact=Active%5eClosed&prodline_exact=GU%5ePE&countrycode_ exact=BJ 13 « Bénin : la Banque mondiale soutient les efforts du gouvernement en faveur de la stabilité macroéconomique et de la croissance ». Text/HTML. World Bank. Consulté le 1 mai 2018.
Ce mécanisme de coopération et d’aide financière n’est pas bénéfique sur tous les points. La dépendance pour obtenir des fonds crée non seulement une situation de sous-estimation des ressources internes, mais porte aussi à privilégier des axes d’actions prédéfinis. Pour pouvoir accéder à l’aide, on risque de mettre de côté des problématiques propres au territoire en question et par conséquent avoir une gestion arbitraire de l’argent et des inégalités dans la répartition. Pour finir, les projets amenés sur place, bien que positifs sur plusieurs points, sont appliqués avec des règles standardisées qui ne prennent pas en compte la réalité concrète du contexte.
2.4 L’IMAGINAIRE DE LA VILLE AFRICAINE CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE
À la question « Qu’est-ce que c’est une ville béninoise ? » Daniel Hounkpevi, urbaniste à la mairie de Porto-Novo, répond « La ville béninoise n’est pas différente
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Le Bénin connaît une très forte croissance démographique. Les populations des campagnes se dirigent vers les grandes villes. Le phénomène de l’urbanisation, comme partout en Afrique, touche toutes les grandes villes du pays. Cotonou, la principale métropole du pays, voit le nombre de ses habitants doubler depuis le début du siècle. On compte aujourd’hui environ 2,4 millions de personnes vivant dans son aire urbaine. Porto-Novo reste plus discrète avec 264 320 habitants en 2002; aujourd’hui, elle rapproche le million14. Les autorités sont complètement dépassées par la vitesse et n’arrivent pas à suivre la rapide urbanisation. Beaucoup d’agglomérations se retrouvent à accueillir des centaines de milliers d’habitants, sans que les infrastructures suivent les besoins. Dans les domaines sanitaires, sociaux, de santé, de transport, d’éducation, d’assainissement, ou les routes, tout est sousdimensionné, et souvent manque carrément.
14 http://benin.opendataforafrica.org/
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LA VILLE AFRICAINE
de la ville togolaise ou du Ghana ; il faut parler de ville africaine. Elle est une ville qui est caractérisée par un manque de documents de planifications urbaines et des sous-équipements ». Il est évident que les pays d’Afrique subsaharienne ont des enjeux spécifiques à leur contexte. Cependant, fascinés par le modèle d’autres villes dans d’autres contextes, ces pays ont tendance à nier toute forme de modernité autre que celle d’empreinte euro-occidentale. Entre une croissance rapide de la population et la volonté de répondre aux standards globalisés en temps très courts, on assiste à une lente mise en place des services de base. À l’image de cette double vitesse, le paysage urbain prend forme avec de grandes incohérences et discordances15. L’action de déguerpissement est la première étape pour la « fabrication » d’une nouvelle urbanité. L’oubli d’autres manières de faire la ville est assez problématique.16 La promesse de modernité et si forte, qu’elle porte à justifier les actions les plus radicales. Ces visions affectent celle de la population elle-même, ou qu’elles traduisent une opinion commune dans la population : «Ce que nous ont dit, que plus personne ne restera au bord de la rue pour vendre, ça ne donne pas une bonne image au Pays. On restera dans de boutiques, dans le magasin, dans les supermarchés pour acheter comme en France ou dans le pays moderne.17»
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IMAGINAIRES URBAINS
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Après le modèle occidental, Dubaï, Abidjan et Abuja ffascinent à leur tour. Elles sont la preuve qu’une nouvelle urbanité africaine est possible : « Il y a des modèles : quand vous allez à Abuja, au Nigeria, c’est super ! C’est trop beau. Il y a aussi un travail de déguerpissement qui se fait à Abidjan, les plages étaient occupées, les rues étaient occupées, ils ont tout dégagé. Aujourd’hui quand vous circulez vous pouvez voir la mer, avant ce n’était pas possible. Il y avait plein de baraques qui vous empêchaient de voir la plage et la mer. Le décalage entre modèle urbain et réalité est grand. La ville africaine de demain est imaginée comme propre, ordonnée, saine, mais surtout, belle. Le concept de beauté urbaine est trop large
Images render de propagande à faveur des changements urbanistiques. Une image du quartier Houeyiho de Cotonou aménagé. Source : Site internet du Ministère du Cadre de vie et du Développement durable. Voir aussi page 145.
15 Chenal, J. (2013). La ville ouest-africaine : Modelés de planification de l’espace urbain (VuesDensemble). Genève: Metispresses. 16 Chenal dans : Caramel, Laurence. « « On essaie de vendre aux Africains un concept de ville élaboré dans les conférences internationales » ». Le Monde.fr, 22 août 2017. 17 Extrait de l’entretien à Madame Reine, vendeuse d’oranges, interviewé en date 14.02.2018
pour être appréhendé dans sa totalité. Cependant on pourrait souligner comme la beauté dans l’espace public peut devenir un instrument politique susceptible de produire un consensus de la population là où les débats idéologiques commençaient à faire défaut. Elle est aussi signe de richesse, destinée à satisfaire les yeux et à tromper l’esprit.
La frénésie avec laquelle les autorités béninoises se sont penchées sur les espaces publics avec une vaste campagne d’embellissement est pour tous un peu inattendue. Après un an, les seules actions sur les espaces libérés sont l’aménagement de jardins et la plantation d’arbres à Cotonou. L’esthétique, l’usage et l’utilité de ce projet sont assez contestés
Sur une chose concernant «l’après-déguerpissement », toutes les personnes, de n’importe quel milieu et classe sociale, semblent être d’accord : avoir une vue dégagée. «Pour voir quoi ? » La question se pose automatiquement ! L’importance d’apercevoir l’espace autour de soi, jusqu’à loin est très appréciée. Pour certains, la vue dégagée est liée au concept de beauté, pour d’autres il s’agit d’une question de sécurité. Un lieux degagé permet par exemple de voir s’il y a des risques dans la rue la nuit ou encore laisser une ambulance cirluer facilment quand il faut, C’est justement au nom de la securité que les autorités mettent en avant le dèguerpissement comme solution autant dans les discours et que par ecrit. Notament dans l’arrêté ministériel du 30 novembre 2016. C’est ainsi que l’importance de la circulation prend tout son poids, comme raison principale justifiant l’action de déguerpir. De plus, la vue determine la perceptin de l’espace . L’observation de la ville africaine se faiten perspective ; comme une vendeuse m’a dit : la ville est là jusqu’à quand elle disparaît18.
2.4 LES VENDEUSES DE PAIN DE OUANDO CHANGEMENT DE POINT DE VUE La ville est faite de personnes. Pour comprendre l’essence de la ville ouestafricaine, il faut d’abord se retrouver dans ses rues et revenir donc à la petite échelle du piéton. C’est ainsi qu’une fois sur la route RNIE1 en correspondance de l’entrée du marché de Ouando, je me suis retrouvée face à un autre point de vue de la réalité. 18 Extrait de l’entretien à Maman Priscille, vendeuse de divers, interviewé en date 02.02.2018
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PERCEPTION DE LA VILLE
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Le long de la route, plusieurs sortes d’activités commerciales se développent, formellement et informellement. À une extrémité, on trouve des magasins avec de grands insignes, de l’autre, une densité constante de personnes indique la présence de l’entrée du marché. Pour l’attraction naturelle qu’une foule génère autour d’elle, l’intérêt de tout le monde est dirigé de ce côté. En profitant de ça, des centaines des femmes vendent leurs produits à proximité de l’entrée du marché. Proches de la rue, et donc du passage de piétons, motos et voitures, se trouvent les vendeuses de pain. Leur présence sur cette zone spécifique est si établie que nulle part ailleurs on ne trouve le même produit. Entre 40 et 80 femmes travaillent tous les jours, mais le nombre change en fonction du jour, de l’heure et du passage de la police. Depuis que la phase opérationnelle du déguerpissement est en cours, le risque d’être chassé est de plus en plus fréquent. Depuis un an, le nombre de ces femmes diminue ; elles disparaissent pour aller ailleurs. C’est en discutant avec les gens du quartier et celles encore sur place que j’ai pu avoir un premier aperçu des conséquences du déguerpissement.
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100 BAGUETTES PAR JOUR
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Les vendeuses de pain sont un exemple représentatif de la catégorie de personnes la plus touchée par le déguerpissement. Elles sont nombreuses et elles sont souvent dépendantes de leur revenu informel journalier. Aujourd’hui, quand la journée est bonne, elles arrivent à vendre une centaine de baguettes ; il y a un an le même nombre était vendu en quelques heures. Pourtant, les boulangeries du quartier n’ont pas diminué leur production ni les gens diminué leur consommation de pain. En effet, le nombre de vendeuses de pain n’a pas diminué, mais plutôt augmenté. Car une grande quantité de Vendeuses ambulantes de pain devant une déguerpies essaie de continuer leur activité en marchant boulangerie entrant de préparer leurs paniers. et le pain est une bonne marchandise. Ce ne sont pas seulement celles qui vendaient le pain sur la rue devant le marché, mais également beaucoup de femmes avec un autre type de commerce informelqui se retrouvent maintenant à vendre du pain dans cette manière. Le bonheur des boulangères n’accompagne pas celui de leurs clients. Une forte compétition, liée à la visibilité moindre, portent à une diminution des prix du produit.
La marge de gain par baguette est aujourd’hui au minimum, entre 5 et 10 CFA par pain vendu. Elles arrivent donc à gagner entre 500 et 1000 CFA la journée (0.70 et 1.50 €). Les difficultés économiques de ces femmes se sont ainsi fortement aggravées. « Moi chaque matin, quand je passais devant le marché de Ouando, avant, il avait plein de dames qui vendaient du pain. On ne s’imagine pas comment les personnes vivent sur le revenu de ce pain. Un matin on les renvoie de là, on leur propose rien et donc ces femmes vont devenir quoi ? Les familles qu›elles nourrissent vont devenir quoi ?19»
Le déplacement de ces vendeuses de la rue à «autre part» sous-entend des changements radicaux dans l’équilibre à Ouando. Pas toutes sont devenues des ambulantes. En discutant avec les personnes et les autres vendeuses sur place, d’autres options se profilent pour les « vendeuses de rue ». Le plus souvent, on dit qu’elles sont à la maison, à ne rien faire, dans l’attente20. Certaines sont encore là, mais à des horaires différents, pendant la nuit ou le dimanche quand la police ne circule presque plus : Je dois manger, quand on m’a déguerpi d’ici, nous ne sommes pas restez à la maison. Si maintenant les forces de l’ordre viennent encore pour nous déloger, on fuit, on repart après on revient21 D’autres encore ont opté pour une rue moins fréquentée, mais proche, derrière le marché ou sur un carrefour en proximité, pour profiter toujours de l’affluence de personnes en direction Une vendeuse de pain qui a changé de rue à faveur d’une route secondaire proche d’un du marché. Pour finir, certaines sont dans le marché, commecarrefour. ambulantes ou en sous-location d’un mètre carré quand il y en a. Assez vite, pendant ma recherche, je me suis rendue compte de l’impossibilité d’analyser ce phénomène en me basant sur les seules limites de la rue. En effet ces limites ne sont pas clairement identifiables. Des questions comme: où sont-elles ? Quelle est leur influence sur l’affluence et l’économie du marché ? Peuvent-elles changer d’endroit si facilement ? Quelles limites peuvent-elles occuper sur la rue ?
19 Extrait de l’entretien à Franck Ogou (EPA) interviewé en date 01.02.2018 20
Madame Marie, Vendeuse de pain sur le rue RNIE1, en date 8.02
21 Madame Kadjah, Vendeuse ambulante de poisson, en date 11.02
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MOUVEMENTS ET DÉPLACEMENTS DES VENDEUSES
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J’ai donc élargi mon point de vue à la zone du marché, en gardant un œil sur les vendeuses et les travaux de la RNEI1. Puisque le processus mis en place par l’action de déguerpissement touche autant la rue, comme le quartier, que la ville, en observant le fonctionnement du marché de Ouando un cadre beaucoup plus complet des dynamiques du déguerpissement se définit. La seule observation d’une rue, c’està-dire d’une partie du questionnement, n’aurait pas été suffisante pour les propos de l’étude. Avec le passage du dehors au-dedans le marché, on se trouve face à une réalité urbaine surement plus complexité, polyvalence et difficile à cendre, mais aussi intrinsèque et analogue à la problématique du déguerpissement.
2.5 CONSÉQUENCES DU DÉGUERPISSEMENT
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CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
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Au Bénin, le « secteur informel » représente près de 80 % du PIB suivi par le secteur privé (11 %) et la fonction publique (9 %). Selon l’Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique du Bénin,22 elle contribue ainsi à 2/3 de la richesse nationale. L’économie informelle constitue non seulement la principale (sinon unique) ressource de revenu de la population dont les plus pauvres ; elle est également une réponse face à l’incapacité des politiques à garantir un accès au travail formel. Comme la plupart des entreprises s’engagent souvent dans des pratiques pas toujours légales, dans les faits l’informel soutient et alimente l’économie formelle. On pourrait donc affirmer que, en quelque sorte, c’est l’économie formelle qui constitue l’exception au Bénin23. Dans ce contexte, les conséquences du déguerpissement sur l’économie sont des plus graves. Non seulement les populations les plus démunies se retrouvent dans l’impossibilité de travailler et par conséquence dans une situation encore plus faible, mais également toute l’économie du pays risque de subir des répercussions importantes. En général, le déguerpissement porte à augmenter le taux de pauvreté, agissant directement sur les prix des marchandises, sur le gain journalier des vendeurs, augmentant la compétition sur le travail. L’exemple des vendeuses de pain à Ouando est une clef pour comprendre le mécanisme économique. 22 Etude RGPH4, relative à l’année 2016. 23 Benjamin, N., & Mbaye, A. (2012). The Informal Sector, Productivity, and Enforcement in West Africa: A Firm‐level Analysis. Review of Development Economics, 16(4), 664-680.
Malgré cela, une réflexion positive mérite d’être soulevée dans le cas spécifique du Bénin. La caractéristique unique du déguerpissement du Gouvernement « de rupture » est la simultanéité de l’action sur toutes les voiries primaires de toutes les grandes villes du pays. Choix des ministres et du président très controversés car aucune proposition alternative n’a été proposée à la grande masse de déguerpis, la décision apparait surement radicale, mais paradoxalement « démocratique». C’est ainsi que Zohoun, artiste paysager béninois, explique la situation : Tu sais, d’un côté c’est une autre erreur d’avoir fait l’action de déguerpissement en même temps dans toutes les villes. Beaucoup des femmes sont aujourd’hui à la maison, certaines devant la maison. Mais, le fait de l’avoir fait simultanément a fait que ça a été égal pour tout le monde, sans grandes différences. Ça a permis de mélanger les cartes sur la table. Il y a eu une sorte partage du mal. En plus, attention ! Pour certains, cette action a été bénéfique, pas forcément les plus riches. Le but du déguerpissement était de libérer les grandes voies ainsi que les secondaires jusqu’à 10 mètres des carrefours. Il est possible que quelqu’un ait gagné dans cette action, les gens sont forcés d’aller plus à l’intérieur, de changer. La culture de l’achat ici est fortement liée à l’habitude, une vendeuse a ses clients fixes, et ils savent où et quand la trouver. Mais en mélangeant toutes les cartes sur la table, les actions changent aussi et l’économie s’est renouvelée24.
25 Traditionnellement l’action de la chasse, pêche et agriculture est de responsabilité de l’homme quand que la vente et la gestion de l’argent aux femmes. Puget, F. (1999). Femmes peules du Burkina Faso : Stratégies féminines et développement rural (Etudes africaines). Paris: Harmattan.
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RÉPERCUSSION SOCIALES
26 Titre donné aux femmes vendeuses au Bénin. Ce terme contient une forme d’empathie et de respect envers la personne.
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Les impacts sur la société sont aussi très importants. Pour leur rôle dans la société béninoise25, les femmes sont les plus touchées par le déguerpissement. Les « bonnes dames » responsables de la gestion économique de la famille s’occupent généralement de l’activité de la vente qui prend lieu au marché, sur la rue ou devant leur maison. Elles sont également responsables d’un nombre d’enfants non négligeable qui varie entre 2 et 6. Ces enfants grandissent donc dans des familles qui ont à leur tête des femmes, bénéficiant d’un soutien économique faible et limité. En éliminant l’espace pour développer les activités des « mamans26 » un effet « boule de neige » se répercute sur la scolarisation des enfants. Les femmes n’arrivent plus à soutenir le prix pour l’inscription à l’école ou pour l’achat du matériel scolaire. Le prix 24 Extrait de l’entretien à Achille ZOHOUN Artiste paysager en date 21.02.2018.
d’un cahier correspond parfois à une journée de travail. Une étude à part mériterait d’approfondir la problématique, tant les conséquences pourraient influencer la société sur les court et moyen termes. Pour le moment, je me limiterais aux informations récoltées lors de la recherche. Le directeur du collège Ouando CEG DKP, Monsieur George Nouatin, m’explique, lors d’un entretien, que les difficultés de l’institut public, depuis 2017, sont deux : d’un côté le nombre d’enfants a augmenté, de l’autre ils sont moins présents en classe27. En effet, un des premiers changements est le passage d’un enseignement privé au public28 causant un surpeuplement dans les classes. Pour les familles plus en difficulté économique, l’aide ponctuelle (ou systématique) des jeunes filles et garçons dans la rue est demandé au détriment de l’école.
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ASPECTS SPATIAUX
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Enfin les conséquences touchent à l’espace et au développement urbain. Le premier impact est le passage d’une présence stable à une plus éphémère et/ou invisible. À Ouando, l’augmentation du nombre de vendeuses de pain et le basculement d’un emplacement fixé vers la vente ambulante représentent un bon exemple. Une autre solution consiste à occuper toujours le même espace, mais de façon beaucoup plus légère et temporaire. D’une structure solide (en béton, briques, tôle, poteaux) jugée par les autorités d’occupation anarchique « stable », on passe à une solution beaucoup plus simple et transportable ( photos page 63) . Le plus souvent, ce sont des parasols équipés ou la simple exposition de marchandise sur un chariot, mais parfois les personnes utilisent des structures assez ingénieuses. Le mouvement de personnes et objets est très fréquente dans la société béninoise, et plus généralement ouestafricaine. Pour la vente, on choisit en général les lieux plus visibles et plus fréquentés, même si cela signifie se déplacer de plusieurs kilomètres. De l’intérieur des ilots, on préfère être plus visible et vendre en correspondance de lieux plus
Une des rues principales de Cotonou après un an l’action de déguerpissement. Les territoires libérés sont souvent utilisé comme des parkings par les voitures.
27 Informations donné suite à une visite au Collège en date 05.02.2018 28 Au Bénin le prix d’inscription à l’école publique 12 000 par an CFA (18,30 euros, pour les garçons et gratuit pour les filles jusque au lycée) pour un institut public et entre 25 000 CFA et 50 000 CFA.
Différentes solutions mises en place pour des magasins (formels) ou des stands (informels) en réaction au déguerpissement.
Dans ce cas, l’entrée vers la rue a été fermée, mais on peut y accéder par l’intérieur d’une cour.
Un étagère détachable avec toiture a été pensé pour se poser contre le mur. Le soir, il est « rangé » de l’autre côté de la couture.
Le plus souvant, on trouve des elements tres legere et facile à enlever.
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Ici, la consommation de la nourriture est obligatoirement à l’intérieur de l’espace de vente.
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fréquentés même si cela signifie se déplacer de plusieurs kilomètres. Sur 25 femmes vendeuses interviewées à Ouando (tableau page 63-64 ), neuf venaient d’une autre commune. Maintenant, prenant l’exemple de celles qui restent à la maison, quand il est possible, elles peuvent envisager de vendre devant leur propriété. Cette possibilité n’est pas toujours envisageable pour les raisons qui seront développées plus en détail plus loin, mais petit à petit des micro-changements des routes secondaires est visible. Certains commerces détruits par faute d’illégalité ont été déplacés dans une route proche ou un carrefour. Une bonne partie de femmes pourraient revoir leur parcours de déplacement en faveur peut-être de destinations plus proches qui ne risquent pas d’être déguerpies (pour le moment). La « vidange » des rues principales pourrait signifier plus d’animation et donc un «remplissage» de routes secondaires. Dans ce cas, on serait face à une urbanisation non directement calculée par les autorités, qui pourrait lentement changer le paysage de villes béninoises.
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Une troisième incidence du déguerpissement dans le développement urbain est la migration de personnes au village ou vers des villes secondaires. En raison du manque de travail et pour le coût de la vie plus élevé, beaucoup de personnes pensent à quitter la ville et retourner s’installer au village d’origine. Ici, le travail dans les champs ne manque jamais, et le loyer (dépense non négligeable pour une famille en ville) n’est pas à payer. Le retour à la maison familiale signifie pouvoir mettre de l’argent de côté, dans l’attente d’un travail ou d’un emplacement ailleurs. Ce mouvement est celui généralement souhaité par l’état pour résoudre l’exode rural au Bénin29. Pour finir, l’activité économique risque d’être plus libre et intéressant des villes plus petites, amenant ainsi au développement des centres urbains secondaires. Ainsi une ségrégation spatiale risque de s’instaurer entre « riches » et « pauvres », donnant accès aux grandes villes seulement à qui peut se le permettre30. Beaucoup de ces conséquences sont seulement des hypothèses suite à l’observation pendant la recherche et l’échange avec les vendeuses. Pour le moment une compréhension du cas d’étude est nécessaire pour comprendre tous les mécanismes qui puissent confirmer ou contredire ces hypothèses. Dans les prochains chapitres, seront exposés les éléments qui amènent à formuler, à avancer ces réflexions. En suivant la méthodologie jusqu’à présent utilisée, au croisement entre observation et réflexion et entre description et contextualisation, 29 Sur ce sujet, voir l’interview de Raman Salam. 30 Secchi, B. (2015). La ville des riches et la ville des pauvres : Urbanisme et inégalités (VuesDensemble. Essais). Geneve: MétisPresses.
Beaucoup de ces conséquences sont seulement des hypothèses suite à l’observation pendant la recherche et l’échange avec les vendeuses. Pour le moment une compréhension du cas d’étude est nécessaire pour comprendre tous les mécanismes qui puissent confirmer ou contredire ces hypothèses. Dans les prochains chapitres, seront exposés les éléments qui amènent à formuler, à avancer ces réflexions. En suivant la méthodologie jusqu’à présent utilisée, au croisement entre observation et réflexion et entre description et contextualisation, je tendrais d’expliquer les complexes dynamiques qui touchent la situation étudiée. Tout d’abord, j’ai défini un cadre de base, nécessaire pour se positionner dans le contexte ; mais bientôt la volonté d’en sortir a été autant nécessaire pour observer également les éléments moins palpables cruciaux et enfin comprendre le présent, le passé et l’incertain futur de la situation de l’espace public à Porto-Novo.
31 Sur ce sujet, voir l’interview de Raman Salam. 32 Secchi, B. (2015). La ville des riches et la ville des pauvres : Urbanisme et inégalités (VuesDensemble. Essais). Geneve: MétisPresses.
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je tendrais d’expliquer les complexes dynamiques qui touchent la situation étudiée. Tout d’abord, j’ai défini un cadre de base, nécessaire pour se positionner dans le contexte ; mais bientôt la volonté d’en sortir a été autant nécessaire pour observer également les éléments moins palpables cruciaux et enfin comprendre le présent, le passé et l’incertain futur de la situation de l’espace public à Porto-Novo. manque jamais, et le loyer (dépense non négligeable pour une famille en ville) n’est pas à payer. Le retour à la maison familiale signifie pouvoir mettre de l’argent de côté, dans l’attente d’un travail ou d’un emplacement ailleurs. Ce mouvement est celui généralement souhaité par l’état pour résoudre l’exode rural au Bénin31. Pour finir, l’activité économique risque d’être plus libre et intéressant des villes plus petites, amenant ainsi au développement des centres urbains secondaires. Ainsi une ségrégation spatiale risque de s’instaurer entre « riches » et « pauvres », donnant accès aux grandes villes seulement à qui peut se le permettre32.
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RAMAN SALAM Entrepeneur et homme politique Président du comité d’apaisement de la communauté musulmane du Bénin et promoteur du Quartier Jaque de Cotonou. La visite du quartier Jacques et l’interview ont été faits dans la voiture de M. Salam dans leur intégralement. L’entretien à durée 2h30 pendant lequelle deux grand soujets on été abourdé. Pour cette raison elle est divisé en deux parties: une dedier princiaplemnt au Quartier jaque et l’autre à la question de la pratique religiose mussulmaine. Le point de départ était dans le quartier Jacques à côté de la grande mosquée à Cotonou en date 31.01.2018
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PREMIERE PARTIE
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Tout d’abord pouvez-vous vous introduire ? Au Bénin, je gère deux activités principales : je travaille avec ma formation et je travaille surtout avec mes passions. J’ai créé la société autour de l’économie maritime, mais passion c’est l’immobilier, la pierre. C’est une passion l’architecture, je n’ai jamais fait l’architecture, mais toujours j’ai aimé la pierre. Toujours aimé l’architecture si bien externe qu’interne. Au-delà j’aime l’architecture des villes ; j’aime que les choses soient fonctionnelles, esthétiques, économiques et structurées. C’est une vrai passion pour moi, je suis allé même plusieurs fois à la télé pour parler de l’urbanisme et de la sécurité de nos quartiers et comment les choses doivent être en règle pour que tout soit fonctionnel. Je vais vous faire visiter le quartier Jacques. Ce quartier c’est une grosse agglomération à Cotonou, c’est un quartier résidentiel et à partir de ce quartier on a créé l’association depuis 1993. Cette association s’appelle «Jak-Rehab» dont «rehab» est pour réhabilitation. Pourquoi faudrait-il réhabiliter le quartier ?
Parce qu’il y a des gens qui se sont installés de façon anarchique, sur les trottoirs, sur les rues verticales et horizontales du quartier, un peu partout. Il y a aussi des comportements venant par les gardiens des maisons, qui ne comprennent pas toujours qu’il faut qu’ils restent exclusivement gardiens. Ils ne peuvent pas être gardiens et commerçants. [Nous passons en face d’un restaurant qui se trouve au bord de la mer. C’est l’association]
Qui fait partie de cette association ? Moi, j’étais président de l’association pendant plusieurs années, après j’ai démissionné parce que je suis jeune, je ne veux pas m’occuper de ça toute ma vie, et puis il faut que ça tourne. Le principe est que ce n’est pas les mêmes personnes. Il faut que tout le monde s’imprègne de la chose, s’intéresse à la chose au niveau des résidents.
Vous avez eu de la participation de la part des résidents ? Oui, oui ! De manière structurelle puisqu’on voulait réhabiliter le quartier, c’est l’ambition de l’association. Et que nous avons fait ? Nous avons essayé d’abord de désengorger les rues. Toutes, sans exception, on a dégagé... c’est pour ça que je vous ai dit que c’est quelque chose qui a commencé en 1993, alors que la politique de l’État pour dégager les rues, déguerpir les trottoirs, c’est récent, il y a un an. Nous sommes des pionniers, un quartier modèle, un quartier d’exemple et nous avons souhaité toujours que l’État fasse le même. Nous avons arboré les rues, nous avons planté dans la rue beaucoup d’arbres et on a interdit aux gardiens d’avoir de baraques devant les maisons qui gardent.
C’était principalement des gardiens ou aussi d’autres personnes installées pour la vente ? Non, il y avait des gens qui viennent des quartiers
Donc dans le quartier on a dégagé les rues, une fois ça, on a mis une équipe en place qui est payée par l’association et avec la cotisation des résidents. Ils payent (on est toujours dans la visite du quartier eh !) 100 000 CFA par mois. Avec ça ils ont le droit à quoi ? Ils ont droit à la collecte d’ordures ménagères, pour que les gens ne déposent pas des poubelles dehors, ici c’est très propre. L’association a signé un contrat avec une ONG qui s’appelle S.A.H.E.L. Cette ONG passait trois/quatre fois par semaine pour ramasser les ordures de tous les ménages. On a fait que tous les résidents soient abonnés. Comme preuve on met un macaron sur le portail. ( tout à l’heure peut-être tu peux filmer ça ou bien faire une photo). Maintenant on a travaillé en symbiose avec la mairie de Cotonou, mais pas financièrement... nous sommes totalement financièrement autonomes. Ni de la mairie ni de l’État.
C’est peut-être aussi pour ça que ça a bien fonctionné ; le quartier est limité, moyen-petit avec des gens motivés et avec des gens qui ont aussi les moyens pour aider à l’action. Qui habite dans ce quartier ? C’est des gens qui habitent depuis plusieurs années ici ? C’est mélangé par tout le monde. Il ne faut pas croire que c’est des personnes riches forcément hein. C’est de fonctionnaires, des anciens hauts fonctionnaires, qui sont à la retraite, c’est des jeunes qui sont entrepreneurs...c’est mélangé. Il y a des gens qui habitent ici depuis plus de 20-25 ans... Et, ça, c’est très important, nous agissons donc sur la salubrité, nous voulons que tout soit propre. Et aussi la sécurité. Salubrité, sécurité. Donc nous travaillons aussi avec deux forces de police
: il y a une police qui existe au Bénin qui s’appelle la “brigade anti criminalité”. Nous travaillons avec cette brigade, elle fait des ronds et des passages régulièrement en jour comme en nocturne. Nous travaillons aussi avec une seconde police, qui s’appelle la BPLP ça veut dire la Brigade de Protection du Littoral et de la lutte contre la Pollution. Nous les avons enrôlés à notre action. Nous on les invite souvent et ce qu’on fait est qu’à la fin de l’année nous essayons de leur apporter des petit dons, pour les remercier, on peut leur offrir des ordinateurs... ça nous est arrivé de leur réparer trois ou quatre voitures en panne, parce que nous avons besoin que les voitures soient fonctionnelles !
Le quartier est très différent du reste de Cotonou, ça se voit, ça se respire, mais vous pensez que tout Cotonou puisse avoir ce visage ? C’est une question de volonté. Depuis plus de 20 ans, nous disons à l’État que nous vivons ça, que nous réclamons ça, qu’il est absolument nécessaire de travailler sur la salubrité et la sécurité. Ces sont les socles du développement. Parce que si tu n’es pas propre, tu tombes malade et ton espérance de vie est plus basse. Pour ça il faut être propre. Lorsqu’on a un modèle, par mimétisme il faut le répéter partout. C’est n’est pas difficile de créer des associations dans chaque quartier de Cotonou.
Même dans le quartier le plus pauvre et qui ont d’autres préoccupations ? Bien sûr ! On peut mettre en place des associations, ça, c’est l’implication à la base. Et leur faire comprendre que ça va dans leur intérêt à être pauvre et qu’aussi qui est dans leur intérêt qu’il y a de la sécurité dans leur agglomération.
Mais, l’action commencée par l’État n’a pas vraiment travaillé avec les quartiers et les habitants. Elle s’est appliquée de façon assez autoritaire. Il est assez sage pour penser à travailler avec la population, mais je pense pouvoir dire que ce n’était pas le cas ici. Il y eu quelqu’un qui a proposé de travailler par quartiers ? Et aussi est-ce que les personnes ont
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avoisinants et ils s’installent sur les trottoirs avec des paniers avec des étalages... Nous sommes dans un pays économiquement pauvre, je précise toujours, nous ne sommes pas dans un pays pauvre, mais nous sommes dans un pays économiquement pauvre. On n’en mesure pas la pauvreté avec un seul critère. Bon, mais nous sommes un pays riche d’une part de ses ambitions et d’une part de sa culture. Et puis nous avons aussi la richesse de la paix, nous aimons être ensemble, dans le calme et il y a une intégration totale des religions, les gens vivent bien.
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donc compris de quoi il s’agissait ? Il est vrai que le gouvernement avait une ambition, et c’est une ambition noble. On ne peut pas continuer à être un pays sale. Même si on n’a pas le gaz on peut vendre un mode de pays esthétique et propre et sain. Les gens viendraient nous visiter si nous sommes propres, si nous sommes attractifs, si nous sommes attirants. Mais si on est un repoussoir, si on est sale, qui viendrait passer des vacances chez nous ? Qui aura même envie de venir et s’installer et vivre chez nous ? Et nous-même qui vivons ici ? Est-ce qu’on a plaisir à vivre dans un dépositoire à ciel ouvert ? Donc il y a une urgence qui a fait que le gouvernement a agi de cette manière, mais ils ont prévenu les gens pendant un an. Ce n’est pas qu’ils se sont levés un matin et ils ont commencé à casser.
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Peut-être ce n’était pas suffisant ?
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Les Béninois malheureusement c’est bien de leur expliquer, parfois il faut sortir aussi le bâton, sinon... avant personne ne portait de casque ici. Il a fallu dire que maintenant il faut mettre des casques, c’est une question de sécurité. On en a marre d’avoir des morts...bêtement parce qu’il n’achète pas un casquee qui coûté 10 000 ou 7 000 CFA. On a commencé faire des amandes. Un mois plus tard, tout le monde a acheté son casque. Je comprends, mais pour revenir à la question, moi j’ai parlé avec des gens qui, même avec un préavis, n’avaient pas vraiment une autre solution, même s’ils avaient du temps, ils n’avaient pas des autres endroits ou des autres économies... Arianna, il y quelque chose de fondamental qu’il faut que tu mettes absolument en relief dans ton travail. C’est quoi ? L’espace public n’est pas le domaine privé. Le domaine public n’est pas un domaine privé. Ce n’est pas parce que l’État a été laxiste pendant des années et il vous a laissé vous installer sur le domaine public pour exercer votre différent métier que si l’État décide, 40 ans laxisme, décide de mettre fin à ça, vous ne pouvez pas dire «nous on veut bien quitter, mais on va aller où ?». Non, parce que vous n’êtes pas chez vous ! Vous êtes sur le domaine public, le domaine public c’est le domaine de tous et pas le domaine de quelqu’un. Vous ne pouvez pas privatiser
la chose publique, c’est n’es pas la chose de personne, c’est la chose de tous. L’État n’a pas agi pendant des années, vous avez profité, maintenant ça suffit. Vous ne pouvez pas demander d’être dédommagés, vous dédommager de quoi ? On vous dédommage lorsque vous êtes propriétaire de quelque chose qu’on vous prend ! Mais là vous êtes propriétaires de rien ! L’espace public est alors un espace pour tous qu’on ne peut pas privatiser. On n’en peut pas ériger quelque chose de définitif parce que d’abord tu empêches la fluidité. C’est illégal. [...] Rester dans ce qu’il vous appartient. Chacun n’a qu’à rester dans ses limites. Après un an, ça va mieux ? Vous savez quand quelqu’un est malade, vous voulez lui donner une piqûre. Il crie, il a mal ! Après il se dit que vraiment je suis soulagé, et il m’a fait du bien. Sur le moment les gens ont mal. Les gens crient, mais après eux-mêmes se rendent compte qu’on respire mieux, on vit mieux. Ils peuvent se promener sur le trottoir avec leurs enfants. Avant tout les trottoirs étaient systématiquement occupé. Les gens sont obligés de marcher sur la rue. Non, c’était le désordre, il fallait mettre de l’ordre ; et c’était bien de le faire rapidement et on leur a donné un an. Moi je trouve même qu’on s’est arrêté, il faut continuer le travail. Parce qu’on a dégagé les grandes artères, on a dégagé les boulevards, les avenues et les routes pavées, mais il y a beaucoup de rues à l’intérieur qui sont complètement occupées. Vous savez des rues de 9 mètres à Cotonou comme à Porto-Novo deviennent de rues 4,5 mètres. Il y aurait des prochaines actions dans ces rues ? Il y a une deuxième phase dans le programme du gouvernement Talon ? Normalement il faudrait, pour moi, il faudrait au moins. Parce que tout ça n’est pas contre la population, c’est pour la population, c’est juste difficile de leur faire comprendre. Les gens rêvent d’aller en Italie, ils rêvent d’aller à Paris, à Bruxelles, ils rêvent, rêvent... Mais parce qu’ils voient la Belgique à la télé, ils voient des rues saines, ils voient que tout est ordonné, quand ils voient Paris ils voient que c’est sain, quand
Ceci est aussi un modèle très loin, c’est l’Europe, c’est la ville occidentale, vous n’avez pas plutôt des villes africaines auxquelles vous regardez ? Il n’y a pas un modèle plus proche à suivre ? Si, il y a des modèles : quand vous allez à Abuja, au Nigeria, c’est super ! C’est trop beau. Il y a aussi un travail de déguerpissement qui se fait à Abidjan, les plages étaient occupées, les rues étaient occupées, ils ont tout dégagé. Aujourd’hui quand vous circulez vous pouvez voir la mer, avant ce n’était pas possible. Il y avait plein de baraques qui vous empêchaient de voir la plage et la mer. On a fait la même chose ici, on a dégagé tout un quartier, en ghetto, construit sur la plage. [La visite continue en voiture vers dans un autre quartier de la ville près du marché Missebo] Ici par exemple, devant vous : on vient de faire ça cette année, ici avant c’était des baraques jusqu’ au bout. Les gens vendent des chaussures, des vêtements. Là, ils ont leur parasol, le soir ils enlèvent, ce n’est pas grave, ce n’est pas quelque chose qu’ils ont érigé. Avant c’était des baraques construites. Ce n’est pas plus beau maintenant ?
Ils sont où ces gens? C’est quoi leurs possibilités ? Nous au Bénin avons des terres arables, nous avons une bonne pluviométrie, nous avons beaucoup d’hectares à cultiver, et nous avons des rivières nous avons des fleuves, nous avons des lacs, nous avons la mer. Il y a beaucoup des gens qui sont dans une ville qui n’ont rien à faire. Vivre en ville a un coût, mais eux n’ont pas la possibilité financière de vivre en ville, mais ils viennent s’installer en ville pour vivre dans la rue et ériger des baraques dans la rue. Mais si vous les empêchez de vivre dans les rues, on va les fixer au village. Et on va lutter, se faisant, contre l’exode rural. Il faut que les gens restent au village, évidement il faut leur amener de l’eau potable, électrification, les services de base. Il faut que les gens sachent qu’on
ne peut plus venir à Cotonou, construire une baraque dans la rue et y vivre. Pour vivre à Cotonou il faut louer un appartement, une chambre, un studio ça coûte tant par mois. Comme ça ils vont peut-être rester au village, cultiver les tomates, cultiver de l’igname, la patate douce et vendre.
En effet, depuis 2008, sur le continent africain, il y a plus de personnes qui vivent en ville que dans les campagnes et la croissance démographique promet de grandir encore. Il y a des actions actuellement pour équiper le milieu rural et, comme vous dites, donner une alternative de travail plus proche de l’agriculture ? On a des cultures, par exemple l’ananas, que nous consommons localement et que nous exportons même. Parce que nous avons des ananas de qualité au Bénin, pareil pour l’igname. C’est un pays d’agriculture, mais il y a beaucoup des gens, pas forcément de Béninois, qui quittent leur village, pour venir à Cotonou. Moi je pense que si tu quittes une frontière, deux, frontière, trois, il faut qu’ait les moyennes de te loger. Si tu n’as pas les moyens, il faut mieux rester chez toi hein! Être rigoureux ça ne veut ne pas dire être inhumain. Parce qu’il faut être sensible aux problèmes des autres. Quand je parlais de mettre d’électricité et je mettais l’accent sur l›eau potable, je pense qu›il n›est pas normal qu›il y ait encore des villages au Bénin où il n›y a pas accès à l›eau potable, parce que l›eau c›est la vie. À partir de l›eau, les gens peuvent faire beaucoup des choses. Électricité c›est encore un plus pour eux, c›est l’énergie. Rien ne nous empêche d›électrifier tous les villages, de mettre l’eau potable. Il faut que les gens aient ça, ils n’ont plus de raison de venir vivre en ville alors qu’ils n’ont pas les moyens de se loger. Il y a beaucoup des actions pour ça, jusqu’au nord, à l›est et ouest. Cette politique de déguerpissement c’est pour assainissement, le bien-être des gens, c’est pour la sécurité. Parce que sinon il n’y a même pas de lisibilité, de visibilité. C’est beaucoup plus difficile après de sécuriser. Par contre si tout est ordonné, une structure, ça, c’est naturel, c’est qu’il faut. Maintenant que les gens crient, on s’en fout ! Le peu qui a été fait déjà, permet aux gens de voir
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ils regardent Paris Plage à la télé, ils voient que c’est beau... Vous ne voulez pas ce qui est beau pour vous ?
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qu’il y a une grande amélioration. Je vais vous faire visiter un deuxième quartier de Cotonou, Missebo. Il y a encore beaucoup à faire, là c’est un marché on a juste réduit l’occupation. Mais dans la ville en générale, moi j’estime qu’on fait à peine que le 20%. [On passe devant le parking du marché de Dantokpa] Vous avez vu devant vous, c’est un parking. Avant quand vous étiez ici, vous ne pouviez pas voir les bâtiments qui étaient là-bas. Parce que les gens s’étaient installés sur le parking, alors qui est réservé aux automobilistes, le parking a été détourné de son objectif. C’est un marché aussi, c’est Dantokpa. Ils avaient construit des boutiques et tout. Ça été détruit dans une demi-journée, ils ont tout rasé, et là vous voyez clair. Personne ne s’est plus venu se réinstaller. Là maintenant c’est agréable, vous voyez de l’autre côté et le parking va être complètement rénové.
J’étais le président du comité d’apaisement. Ça veut dire que la communauté musulmane suite à la volonté du gouvernement même aux édifices religieux, a porté à une mobilisation de communauté qui a abouti à la création d’un comité pour gérer les difficultés, géré la situation nouvelle avec l’État. Au début on voulait l’appeler comité de crise, mais moi j’ai souhaité que ce comité s’appelle d’apaisement. Nous avons négocié avec l’Etat, nous avons fait comprendre les raisons pour lesquelles il arrive que devant certaines mosquées on prie sur les trottoirs les vendredis. Ce n’est pas parce que les vendredis ne sont pas fériés qu’il ne faut pas reconnaître aux musulmans leur jour de fête. Il y a eu un discours du gouvernement et deux de ses ministres qui nous a choqué. Il y avait les ministres Sakalafia et Djobenou qui avaient dit de maintenant en avant il n’y aurait plus aucune manifestation religieuse dans les espaces publics. On s’est sentis agressés. C’est trop, c’est plus que trop. La présence religieuse dans l’espace public au Bénin, c’est l’islam qui détient le premier rôle, c’est surtout le catholicisme. Parce que par exemple c’est aussi le nom des rues ! Ici c’est le boulevard Jean Paul II, le boulevard cardinal, l’aéroport sont aussi un cardinal... Tout ça, c’est de la présence dans l’espace public. Il n’y a pas le même pour les dignitaires musulmans, pourtant on est la première religion au Bénin. Mais nous n’avons jamais pensé à ça nous avons pensé avant tout à prier le Seigneur. Et le vendredi on prie dans certaines mosquées seulement, dans tout Cotonou il n’y en a que cinq, il arrive que les fidèles débordent sur le trottoir.
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L’année passée, quasiment à la même période, Talon a également interdit la prière du vendredi devant les mosquées. Je sais que l’année passée vous avez été protagoniste pendant la période de déguerpissement comme porte-parole des musulmans devant le chef de l’État. Le sujet est surement très sensible parce qu’il touche à la foi et au respect envers une communauté religieuse très présente au Bénin. Pouvez-vous m’expliquer comment se sont passées les choses ?
Photos du quartier prise pendant la visite. DEUXIEME PARTIE
Le problème est que ce sont les fidèles au Bénin qui
C’est un droit pouvoir exprimer sa propre religion, c’est même dans la constitution. Ils sont allés trop fort, nous on lui a fait comprendre que attention, vous allez mettre le doigt sur quelque chose d’explosif. Nous voulons imposer la paix par la paix. Et ils nous ont promis des surfaces plus importantes sur lesquelles nous pourrions construire plus de mosquées.
Vous avez eu, effectivement ces espaces promis ? Jusqu’à présent, rien. Si on n’a pas ce qu’ils promettent, nous continuons, ça fait des siècles que nous faisons comme on a l’habitude de faire. C’est du donnant-donnant. S’ils nous donnent des espaces nous allons construire des mosquées avec nos ressources, sinon… voici une nouvelle mosquée à propos, vous avez vu c’est à peine sur 400 m2 c’est tout ; mais vous allez voir l’église à côté, l’église Saint-Jean, c’est sur des hectares! C’est l’Etat qui vend ça à un petit prix à l’église. Mais on ne rentre pas dans ce débat-là...Maintenant on ne nous embête pas. Surtout que, c’est pour 20-25 minutes, qui ça peut gêner ? Il y a ces autres actions religieuses qui occupent
la plage pour trois jours. Toujours dans l’esprit de tolérance. Et ça gène toute la circulation hein Il y a eu une dérive, il ne s’est pas excusé. Parce que d’abord, il y a des choses qui ont été dites, mais pas par lui. Le communiqué du conseil des ministres, qui a parlé de la chose. Un communiqué des conseils de ministres qui n’ont même pas été appuyés par un décret présidentiel pour lui donner une force de loi. Et ils ont commencés à agir avec un communiqué de conseil des ministres. Maintenant ce n’est pas très explicite, ce communiqué ne parle pas des mosquées ou églises. Ça c’est le préfet qui a commencé par en parler de prières des rues. Donc le chef de l’État ne peut pas s’excuser sur ce qu’il n’a pas dit. La Mosquée centrale au quartier Jacques a un espace devant le trottoir de propriété de la mosquée, donc il n’y a pas une occupation comme dans les Mosquées Bridamé, Zongo, Jonquet au cœur de la ville. Celles-ci sont très petites comme la mosquée centrale de Cotonou. À Porto-Novo aussi, dans la mosquée sururere irakari, il y a de l’occupation devant l’entrée. Il y a parfois des gens qui prient sur la rue et ils gênent la circulation, mais c’est différent de prier sur le trottoir. Parce que sur le trottoir tu ne gêne pas la circulation, pas les voitures.
On ne perd pas quelque chose ? Un peu de Bénin ? Non, moi je considère qu’avant, chaque chose était à sa place, avant la révolution. Quand j’étais jeune les gens venaient contrôler par des inspecteurs d’hygiène ; le Bénin n’est pas la porcherie. Là, c’est un retour à ce que nous étions, la propreté, le nettoyé, la visibilité, chaque chose à sa place. Donc on ne peut pas dire qu’on fait disparaître un charme, parce que, à part les marchés, les rues, les maisons doivent être propres. La révolution a mis du désordre. Les marchés sont des espaces publics, terrain généralement de l’État et donc de la mairie.
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construisent leurs édifices religieux. Il n’y a pas des subventions de l’État, même pas des espaces suffisants pour construire les mosquées. L’Église catholique par exemple est mieux organisée que nous parce qu’ils sont aidés par un Etat, qui est le Vatican. Les églises c’est sur des hectares et ils tombent sur trois ou quatre rues, à l’angle. Les mosquées c’est sur 500 mètres carrés 300 parfois. La prière du vendredi ça dure max 20 minutes. Nous avons parlé avec le gouvernement et tout ça, mais nous considérons que prier sur l’espace public pour 20 minutes, ça n’a pas une emprise sur le domaine public, mais c’est une utilisation et pas une occupation. Quand il y a la procession de la croix, ça dure des heures... Donc nous avons parlé avec eux et ils ont compris. Aujourd’hui ce n’est pas interdit. Le fidèle qui vient jusqu’à la mosquée et celle-ci est pleine, il prend son tapis et il met ça à côté de la mosquée et il prie, au long du trottoir.
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TABLEAU DES VENDEUSES DE OUANDO
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Le tableau a été réalisé pendant la recherche sur place suite aux entretiens entre le janvier et février 2018.
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LEGENDE
1
N° D'OR
RUES P
RUES S
29
RUES T
24
RUES E
36
28 27
38
25
26 39
DES
3
GLACES
PALAIS
24
40
36
4 38
23
39 HE RC MA ANDO OU
6
1
40 6
23
25
JET PRO GHAI N SO
36 CEG
4 3
2 21
ANDO
OU
6
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21
PO ST EGLISE CATHOLIQUE DE L'OUGANDA MARTYRS DE TOKPOTA
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16
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12 23
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2 / DE LA ROUTE RNIE1 A LA “JUNGLE” DES DÉGUERPIS
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76
MARCHE DE KPINME
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15
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37
37
14
5 37
LEGENDE
1
PLAN D’IDENTIFICATION DES RUES POUR LES PHASAGES DE L’ACTION DE DÉGUERPISSEMENT
N° D'ORDRE AFFECTE RUES PRIMAIRES
RUES SECONDAIRES RUES TERTIAIRES RUES EN COURS
23
1 23
MARCHE DE KPINME
KPETOU
16
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16
1
12 23 24
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LEGENDE
11
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12
N° D'ORDRE AFFECTE RUES PRIMAIRES
12 10
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17
17
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24
REPUBLIQUE DU BENIN
3
CEG U KO
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13
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6
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37
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AC
9
PO ST EGLISE CATHOLIQUE DE L'OUGANDA MARTYRS DE TOKPOTA
3
I
21
Source : Service d'urbanisme de la Mairie de Porto-Novo
05 Oct. 2017
CEG E KOUTONGB
Dessiné par: -Silvain BOCOVE -Silvère LOUGOUDOU
21
23
Vérifié par: EP
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12
16
CONSORTIUM S A I
CETPI 12
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ST
4
Calixte DEDJINOU PIERR
UE
2
DATE:
N°: Asph-SAI-PN-ID-V1-1/1
12
NT
TAL
1km
21
PO
ME
Bénin Rèvèlè.
MARCHE DE KPINME
0
E ID
14 13
30b
7a
PLAN D'IDENTIFICATION DES 23 RUES PROJETS 16 (ville : PORTO-NOVO) KPETOU
14 PL
30a EPP NK ENO
15 25 13 2 21
Ce plan fait partie du « Réhabilitation et Aménagement des voiries des villes » lancé avec le programme d'actions
1
4
ECHELLE:
37
GB
TERTIAIRES DANS LES VILLES DE COTONOU, PORTO-NOVO, ABOMEY-CALAVI, SEME-KPODJI, PARAKOU, ABOMEY, BOHICON, NATITINGOU ET LOKOSSA
13
15
6
4-7
PROJET DE REHABILITATION ET
15
15
En jaune les rues principales (1°phase actuellement en cour), en bleu celles secondaires et en magenta les tertiaires.
4 D'AMENAGEMENT DES VOIRIES PRIMAIRE, SECONDAIRE ET 23
18
13
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MINISTERE DU CADRE DE VIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE (MCVDD)
1
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15
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25
18
13
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RUES TERTIAIRES
1
19
GLACES
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37
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RUES EN COURS
26
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10
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MARCHE DJÊGAN DAHO
24 16 19 19 11 16
29
RUES SECONDAIRES
12
10
11
1
Le marché de Ouando
2 / DE LA ROUTE RNIE1 A LA “JUNGLE” DES DÉGUERPIS
EP
77
EXTRAIT DU PORTEFEUILLE DES PROJETS PAR SECTEUR DU PROGRAMME D’ACTIONS DU GOUVERNEMENT 2016-2021
2 / DE LA ROUTE RNIE1 A LA “JUNGLE” DES DÉGUERPIS
26 OCTOBRE 2016, PAGES 9 ET 12.
78
2 / DE LA ROUTE RNIE1 A LA “JUNGLE” DES DÉGUERPIS
Source: Site du Ministère de l’industrie et du commerce de la République du Bénin. En ligne: http://www.cir-benin.com/ images/Pdf/PAG_Portefeuille_des_ Projets_par_Secteur.pdf
79
80
À gauche : une femme qui se prépare à vendre du piment après le fin des travaux de la route.
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
3.1 LIMITES ET ZONES DE COMMERCES
En cherchant à définir la spatialité de la route RNIE1, j’ai vite eu besoin d’aborder mon cas d’étude d’un autre point de vue. C’est ainsi que j’ai commencé à essayer d’élargir les limites qui pouvaient avoir une influence sur la perception et l’usage de la rue et répondre à la question « qui a été déguerpi? » et « où iront- ils? ». D’instinct, j’ai eu l’envie de me rapprocher du marché et d’essayer d’en comprendre les mécanismes.
Pour commencer les recherches, j’ai tout d’abord essayé de comprendre les zones à explorer. L’idée était d’observer autant la grande échelle (dynamiques spatiales de groupes et pratiques de vente), que la petite échelle ( la propriété et l’usage individuel). Un mot utilisé quotidiennement au marché reflète bien mon ambition, confirmant la nécessaire flexibilité de la recherche : le terme sodji. Un sodji est à la fois l’emplacement individuel d’une femme et une zone où se concentrent des personnes vendant des articles de même nature1. En prenant en compte ce caractère particulier des espaces de marché, lié à un concept « souple» et « modulable » de l’espace propre à la réalité d’un marché, j’ai commencé à identifier 1 Bierschenk, & Bierschenk, Thomas. (2007). Une anthropologie entre rigueur et engagement : Essais autour de l’oeuvre de Jean-Pierre Olivier de Sardan (Recherches internationales). Paris: Karthala. Page 105
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
FLEXIBILITÉ DE L’ESPACE
81
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
82
Vendeuses de pain au bord de la route.
les limites et les grandes et petites zones de Ouando.
LIMITES ADMINISTRATIVES Le marché de Ouando est la propriété de la mairie, dont elle est responsable jusqu’à ses limites administratives. La structure occupe une surface de 15 000 m2 avec une rue principale est-ouest, deux secondaires nord-sud. Il y a plusieurs entrées, dont deux grands portails et six entrées secondaires. Ces éléments sont importants pour définir les premiers confins : «les limites sont tout ce qui est clôturé. Le marché est clôturé et le marché a des portails. La compétence du gestionnaire est à l’intérieur de l’enclos, le reste qui se passe dehors, c’est pour les privés. Donc le gestionnaire a la compétence sur l’enceinte et peut-être sur quelques bonnes dames adossées au mur2.»
Au premier abord, les limites sont claires, visibles à tous. Mais, dès que l’on s’attache à décrire plus en détail les parties limitrophes, d’autres limites commencent à apparaître. « Quelques bonnes dames adossées au mur» correspondent à plusieurs emplacements commerciaux qui sont régulièrement sous la responsabilité du gestionnaire3. Même si les tractations commerciales les plus conséquentes se déroulent en dehors de l’enceinte administrative du marché. En sortant des limites administratives, d’autres limites, plus invisibles, se profilent selon des critères plus « fluctuants » : les jours de la semaine, l’horaire de la journée, les saisons, mais aussi l’ancienneté de l’installation, type de marchandise, accessibilité à la vente… Bien que les limites du marché “étendu” soient constamment en mouvement, la positionde chaque personne, affiliée à son commerce, est bien définie, indépendamment de la nature de la vente, formelle ou informelle (autrement dit au sein ou hors du marché bâti). Cette organisation qui semble de prime abord chaotique et éphémère est en réalité bien définie et pérenne. Un exemple d’indicateur très précis de délimitation de l’espace est par exemple le balayage et l’entretien le matin4. Avec l’ampleur de l’activité économique, tout le quartier se développe en utilisant le même principe. « Vous savez lorsqu’un marché naît, il y a toute une activité qui se 2 Idem 3 Le PV bas en premier comme on verra dans quelque page. 4 Chaque matin les femmes nettoient leur sedji avant de commencer l’activité. C’est aussi une action considérée de 83 « bon augure » pour la vente de la journée.
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
LIMITES INVISIBLES
développe autour du marché, vous reconnaissez que les maisons environnantes développent des activités similaires ... donc le marché reste maintenant sans limites5». On peut en déduire que la dimension du marché n’est pas définie selon des critères spatiaux, mais plutôt en termes de capacités/potentiels de vente. Des privés ont petit à petit investi et construit autour du marché en prévoyant de louer des magasins. Par conséquent, ils participent à l’élargissement, encore une fois, les volumes de l’activité économique, et son emprise, toujours plus grande, inondant les rues adjacentes. Dans cette optique, le marché est générateur d’urbanité, ce qui le caractérise comme élément central dans la structure et le développement de la ville.
SANS LIMITES En dehors du noyau historique, libre de s’agrandir sans contraintes spatiales, Ouando est à considérer comme le premier marché « moderne » de Porto-Novo. Dans la carte de la ville datant de la fin du XIXe siècle, Ouando apparaît avec son nom définitif, au-delà des fortifications de l’époque6. Aujourd’hui, il représente le véritable centre urbain de la vie économique et sociale de Porto-Novo. La position géographique du marché a un rôle décisif dans son succès. Deuxième plus grand marché du Bénin, Ouando doit son succès aux liens économiques étroits qui se sont créés avec le Nigeria. Pour cette raison, Ouando a reçu le titre de Marché International. Par son attractivité économique et la nouvelle centralité que son volume d’activité induit, il renverse l’équilibre entre centre historique et périphérie. En effet, au-delà de l’activité économique et de son attractivité, le marché a engendré l’apparition d’une nouvelle centralité qui porte à se questionner sur le véritable centre urbain de la ville. 3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
« Les limites du marché ? Comme la terre n’a pas de limites, le marché de Ouando n’a pas de limites, non ? Tu es devant la maison et tu vends devant, non ? » Acheteuse au marché.
5 Idem
84
6 Pineau-Jamous, Marie-josée. « Porto-Novo : royauté, localité et parenté. », Cahiers d’Études africaines, 26, no 104 (1986): 547‑76. https://doi.org/10.3406/cea.1986.1684 Homogénéiser STYLEdes REFERENCEs
3.2 LE MARCHÉ DANS LA VILLE LE MARCHÉ DANS LA SOCIÉTÉ OUEST AFRICAINE
LE MARCHÉ ET DÉVELOPPEMENT URBAIN Pour le magnétisme que les marchés induisent, ils sont le point focal d’une ville et vecteurs de développement urbain. À la fondation d’un ensemble urbain, le marché était déterminant pour construire les palais royaux. La taille du marché définissait le passage d’un village vers une réalité collective plus grande. Lorsque l’ensemble devient plus important, on accompagne l’agrandissement du marché par
7 Meillassoux C, The development of indigenous trade and markets in West Africa. 8 (Ogunyemi 1996 : 51)
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
Le marché est un élément structurant de la société ouest africaine. Les études concernant la période pré-coloniale en Afrique de l’Ouest ont montré que le marché n’était pas seulement un lieu où on vend et on achète, mais aussi un lieu d’information, de relations sociales et de divertissement7. Selon ces auteurs considère le marché au sud-bénin, peut être considéré comme “le microcosme du monde8” et le monde comme un marché où l’on va faire ses affaires et d’où l’on repart ensuite vers « la maison » qui incarne le monde des esprits. Dans cette optique, le travail et l’activité sont encouragés et valorisés comme moteur de vie. Étant un espace collectif, il est un espace de partage. C’est un espace d’échanges de marchandises, mais également de connaissances, de nouvelles, de salutations etc. Le marché est un marqueur du temps, c’est aussi un lieu de rendez-vous. C’est encore un espace de parade où l’on se montre, vêtu de ses plus belles tenues. C’est un espace d’apprentissage et de développement personnel où l’individu apprend à regarder, à évaluer, à écouter, à choisir, à discerner, à débattre, et où la mère amène le plus souvent les enfants qui ne sont pas encore en âge pour aller à l’école. De plus, le marché est aussi un lieu dont les ancêtres et les divinités reposent. Chaque marché a une histoire étroitement liée au culte traditionnel et il n’existerait pas sans la bienveillance leur protection. Ils deviennent donc aussi scénario de manifestation, parades et cérémonie qui leur donnent un statut particulier. Tout tourne donc autour du marché, interface entre la maison, le village, l’étranger et le surnaturel.
85
86
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
Porto-Novo en 1884 d’après le plan du R.P.Opin. Sur la gauche, on peut voir la route qui porte à Ouando déjà remarqué. Elle sera ensuite l’axe principal du développement urbain de la ville. On peut aussi voir la structure originaire de la ville organisée en collectivités. Source: Pineau-Jamous, Mariejosée. « Porto-Novo : royauté, localité et parenté. », Cahiers d’Études africaines, 26, no 104 (1986): 547‑76.
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
PLAN R.P.OPIN
87
la construction de murs, de douanes, de rues, de ponts9. Enfin, c’est un espace dans lequel le formel et l’informel se mélangent et s’alimentent. Au premier regard, spatialement, on pourrait identifier le marché comme relevant du domaine du formel et la rue de l’informel. À tous les effets le marché est le lieux du comerce formel ; mais il faut dire qu’il alimente autant l’informel. Le contraire et également vrai. Le contrôle exercé sur l’informel à des répercussions sur le formel et vice-versa. Comme Fourchard l’explique, « la rue et les marchés urbains furent les principaux lieux d’intervention des agents chargés de maintenir l’ordre, de l’entretien de la ville et de la perception des taxes.10» Aujourd’hui le passage de la rue au marché (de l’informel au formel) est la démarche souhaitée par le gouvernement béninois, sans néanmoins mettre en place les dispositifs nécessaires. Le marché représente donc une typologie d’espace clef dans la dynamique mise en place par la politique du déguerpissement, et dans le développement de la ville.
3.3 ORGANISATION DU MARCHÉ DE OUANDO
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
Pour comprendre l’organisation du marché et ses limites administratives internes/externes, nous sommes allés rencontrer le gestionnaire du marché, qui occupe ce rôle depuis 2015. Monsieur Geofroid Akowanou prend le temps de nous expliquer les différents organes, les typologies d’emplacements, la sécurité et la gestion des déchets… Le marché est sujet au contrôle des deux organismes dirigeants, le comité de Gestion et le comité de Cogestion : - Le Comité de Gestion qui est composé par : le gestionnaire, l’assistante du gestionnaire et les collecteurs.. L’assistante détient la caisse et elle assume aussi le rôle de trésorière, gérant l’argent récolté par les 11 collecteurs. Ces derniers sont divisés par secteur et typologie d’espace de vente. Le groupe de la Gestion reçoit 5% de l’ensemble des impôts collectés. - Le Comité de Cogestion est constitué de : 13 représentants du marché et des autorités 9 Videgla, M. D. K. (2001). Un état ouest africain: Le Royaume Goun de Hogbonou (Porto-Novo) des origines à 1908. Villeneuve-d’Ascq: Thèses/Presses universitaires du Septentrion. 10 Fourchard, L. (2001). De la ville coloniale à la cour africaine : Espaces, pouvoirs et sociétés à OuagadOgou et à Bobo-
88 Dioulasso (Haute-Volta) : Fin 19ème siècle-1960 (Villes, histoire, culture, société. Nouvelle série). Paris : L’Harmattan.
locales de Ouando, dont 7-8 représentants des vendeuses du marché, le reste étant des commerçants du quartier et le chef du quartier (CA). Ce comité s’occupe de la sécurité et des questions de propriété dans le marché. Ils aident également le gestionnaire à régler les conflits. Les membres du comité de cogestion sont salariés; ils reçoivent également 5% des recettes trimestrielles. Ces pourcentages sont un stimulant « pour mieux faire le travail, pour se forcer à faire plus de recouvrement », dit Monsieur Geofroid Akowanou. La politique de gestion amène le gestionnaire à d’abord faire le recouvrement, avant de le donner aux caisses de la mairie de Porto-Novo. En 2015, 115 millions de FCFA (175 300 €) ont été récoltés, en 2017 (156 500 €), soit une baisse de 18 800 €, suite « aux nouvelles politiques11»
11 Pas clair : cette affirmation laisse sous-entendre que la nouvelle politique dont on parle est celle du déguerpissement. Donc ce point de vue, les 18 800 CFA seraient dûs à la perte d’impôts demandé aux femmes déguerpies ? Ceci est juste une hypothèse. Geofroid Akowanou, Gestionnaire du Marché Ouando, interviewé en date 06.02.2018 12 Chaque trois jours pour les béninois. D’habitude on compte le jour courant dans la somme. Pour dire donc aprèsdemain on compte aujourd’hui, demain et après-demain, qui fait donc à 3 jours, à différence de la manière occidentale pour la quelle après-demain compte juste demain et jour après.
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
Le marché est ouvert tous les jours, mais un jour sur deux12 seulement est dénommé “jour de marché”, voyant son activité décuplée. Le gestionnaire travaille sur place lors des jours de marché, passant le reste du temps à la mairie. Le soir, les portails ferment vers 21h00, mais l’activité aux alentours continue jusqu’à minuit ou 1h00 du matin. Au niveau de la sécurité, à partir de 18h et le weekend, un surveillant circule dans le marché vide. La gestion de ce service est privée, ce n’est pas la mairie qui s’en occupe, mais une ONG.
89
DANIEL HOUNKPEVI Urbaniste Urbaniste de la mairie de Porto-Novo et coordinateur du projet «Porto-Novo ville verte». L’entretien a eu lieu dans un bureau de la mairie en date 08.02.2018 Quelle est votre opinion sur le déguerpissement ? Avant qu’il y ait déguerpissement, c’est qu’il y a eu l’installation des populations. Cette installation réponds à une logique, ça répond à un besoin d’installation pour les activités génératrices des revenus ; nous sommes dans une ville où l’économique est gagné par l’informel et l’insistance des équipements marchant. Vous voyez qu’à Porto-Novo il n’y a pas de centre commercial, il n’y a pas des marchés modernes qui sont construits en bonne et dûe forme. Non seulement il n’y a pas, mais souvent c’est des marchés qui répondent à autre logique. Donc face à cette situation les gens prennent la charge de créer des activités partout. Ici tout le monde a envie d’avoir une boutique ou vendre au bord de la voie publique, donc voilà une situation qui porte à l’occupation de l’espace public.
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
Mais, il faut dire que le domaine public au préalable a des contours aussi un peu ambiguës. Qu’est-ce que nous appelons comme le domaine public ? Dans un premier temps est d’abord le domaine public de l’État, on parle principalement d’une voie, mais généralement non-aménagé. Lorsque vous voyez une voie de 40 mètres d’emprise, équipé d’un trottoir occupé entre 12 ou 20 mètres, en vrai ce n’est pas du tout aménagé. Alors, comme vous savez, le pays est en train d’avoir des grands programmes de construction pour réseau routier, parfois vous avec une voie dessinée sur papier avec l’aménagement de 25 mètres. Du coup vous avez un bon espace qui est libre. Et cet espace libre est parfois occupé de façon anarchique. Des malintentionnés qui confondent cet espace avec le domaine à eux. Quelqu’un qui avance sa propre clôture, quelqu’un qui bâti, etc. Je suis convaincu que le fait qu’il ne soit pas aménagé ça laisse liberté à toute sorte d’occupation. On détruit contre cœur. Pourquoi tout a été fait en même temps ?
Ce qui aurait été intéressant, est que l’État dispose d’un plan d’aménagement qui définit l’emprise occupée d’une 90 voie de telle ou telle dimension selon les spécificités de
la zone (toutes les zones ne peuvent pas être occupées par le commerce informel), définir donc le type d’activité à développer. Ça peut même conduire à un plan d’aménagement spécifique, pour dire concrètement de tel endroit à tel espace ce qui n’est pas toléré une occupation de telle nature ou alors limiter sa dimension, hauteur... Ça, c’est ce que j’appelle le plan d’aménagement du domaine public qui vient accompagner l’aménagement des emprises de voie. Une autre chose qui manque au Bénin, pour occuper le domaine public c’est très facile. Lorsque je fais l’aménagement des voiries, il y a la plantation. Vous voyez qu’à Cotonou ou à Porto-Novo dans certaines rues nous n’avons pas la chance d’avoir de l’ombrage. Il a manqué dans le temps des politiques publiques structurées, pour, par exemple, planter des arbres et suivre l’entretien. Donc vous dites d’aménager des espaces programmés où l’informel puisse avoir lieu ? Absolument, aujourd’hui les Africains ne peuvent plus fermer les yeux sur l’informel, ce serait mentir. Lorsqu’on est en face du chômage, on est obligés d’ouvrir les yeux et encadrer, pour que les gens puissent mener leurs activités tranquillement. Jusqu’ici j’ai parlé du domaine de la voirie, mais il y a aussi le domaine public des places publiques de la ville. Pour la plupart du temps ne sont pas aménagés et les gens occupent. S’il n’y a pas de l’insalubrité ou si les gens font des installations peu appropriées, on les laisse tranquille. Sinon généralement les places publiques sont sur le domaine privé de l’État. Il faut faire la nuance : je disais que la route c’est un domaine public de l’État, parce que c’est pour l’État, mais c’est utilisé par la population. Les places publiques sont des domaines privés de l’état ou de la commune. Nous sommes d’accord ? Parce que la commune peut faire des aménagements et elle peut définir l’usage qu’il en fait. Elle peut les mettre en concession, ou bien faire des réhabilitations. Souvent c’est occupé par contrat ou bien par des relations amicales parce qu’on est proche de telle personne, et voilà, mais ce qu’il est sûr est que quand les gens les occupent, à part les nuisances que ça pose aux populations proches, ça permet au moins de ne pas faire pousser la brousse et les mauvaises herbes, les gens entretiennent ces espaces Mais il y a encore d’autres espaces qu’on appelle des «réserves administratives» qui peuvent se retrouver sur le
Donc voiries, place publique (quand elles sont aménagées souvent l’entretien, pose problème et là on autorise l’installation d’une buvette, cafétéria, etc.), réservés. Alors pourquoi l’action de déguerpissement a été faite simultanément et indistinctement ? Nous avons amorcé le processus de décentralisation de façon effective seulement environ en 2003, quand les premières mairies ont été installées. Après ça, la loi lui laisse des prérogatives en termes d’aménagement ; mais avant ça c’est l’État qui était le responsable sur tout le territoire national et elle a été caractérisé par l’inexistence des documents d’urbanisme (et ça continue même aujourd’hui). Lorsque le document existait ils n’étaient pas mis en œuvre. Parce que dans le découpage administratif et dans l’organisation institutionnelle à ce moment-là, il y avait ce qu’on appelle les districts, après sont devenu les circonscriptions, après sont devenu les sous-préfectures, après de-préfecture, donc il y avait une organisation qui ne disposait ni des outils ni de ressources humaines nécessaires. Même aujourd’hui la ville de Porto-Novo n’a pas un document d’urbanisme qui soit en cours de validité, la ville de Cotonou non plus. Porto-Novo ville verte c’est pour valoriser les berges lagunaires, il faut donc rendre accessible la lagune, mais aussi tenir en compte des activités qui sont sur place. Au moment de l’aménagement il faut faire du déplacement de population, il faut le faire avec la population. Il faut un accompagnement. Moi je suis en train de travailler sur cette idée depuis deux ans, c’est pourquoi je suis sensible au déplacement des populations et je me dis qu’on aurait pu faire une approche plus proche. Comment faire en pratique ? Nous avons décidé de recruter un assistant technique dans le cadre du projet et ensuite décider de recruter un cabinet qui s’occupera de la maîtrise d’ouvrage environnemental, la compréhension des projets par la population. Le rôle est de pouvoir intégrer la sensibilisation et la participation effective de la population dans la mise en ouvre et les informer, les écouter et trouver une solution avec les concernés. Nous voulons faire demande si tout va bien d’ici deux mois.
Ouando centre économique de Porto-Novo et donc véritable centre de la ville ? Il faut nuancer le marché et le centre-ville. Le marché Ouando est un centre d’apprivoisement, pas seulement pour la population de Porto-Novo, mais aussi les communes proches. Parce que je peux vous dire que le marché Ouando a un cœur de produits ouvriers et des légumes et produits de la ferme qui sont des choses qui viennent de la vallée du Ouemé et du departement du plateau. En plus il y a des boutiques ou des produits dont la population vient toujours s’approvisionner avant d’aller à Cotonou. Donc le marché de Ouando ne peut pas être au cœur de la ville, mais avant c’était en périphérie. C’est avec le développement urbain qu’aujourd’hui se trouve au cœur de la ville, mais il joue pas le même rôle d’un centre-ville. Mais d’une manière ou d’une autre je pense que la nuance demeure, le marché de Ouando est dans son rôle de pôle économique majeur. On parle beaucoup de développement et automatiquement on détruit pour reconstruire, mais la reconstruction est lente ou avance avec difficulté. Pendant ma formation on m’a beaucoup parlé de développement et patrimoine, il ne faut pas peut-être préserver quelque chose ou mettre en valeur, je parle de patrimoine matériel ou immatériel, plutôt que de faire du tabula rasa et détruire pour reconstruire selon d’exemple extérieur ? Oui, aujourd’hui les villes africaines et béninoises en particulier n’ont pas la même identité. Il y a des nouvelles villes des années 70, conséquentes à l’explosion démographique, comme Sèmè Kpodji. On peut aussi citer Calavi, après l’indépendance. Sinon il y a les villes traditionnelles comme Cotonou et les villes anciennes comme Porto-Novo, Ouidah et Abomey, qui ont un noyau avec du patrimoine vernaculaire, Afro-brésilien et coloniale. Aussi nous avons un patrimoine lié aux religions. Le problème c’est qu’il n’y pas des moyenne et donc on est devant la disparition de ce patrimoine. C’est quoi une ville béninoise ? La ville béninoise n’est pas différente de la ville togolaise ou du Ghana ; il faut parler de ville africaine. Elle est une ville qui est caractérisée par un manque de documents de planifications urbaines et le sous-équipement.
3/ DÉFINIR LES LIMITES PHYSIQUE
site d’un projet, par exemple l’état a réservé ce site pour un équipement, mais les travaux ne sont pas encore en cours, ça aussi c’est des espaces que les gens occupent.
91
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À gauche : une photos des quatre vendeuses du marché de Ouando.
4.1 DANS LE MARCHÉ TYPOLOGIE D’EMPLACEMENT Le marché est divisé en sodji où se concentrent de personnes qui vendent des articles de la même nature (riz et farine, viande, tomates, tissus etc.).Mais comme déjà dit, un sodji correspond aussi à la place de chaque personne.1 Le marché propose différents types d’emplacements. Si on prend comme limite la limite physique (la clôture), voici comment ils se distribuent : : -
Magasin Collectif
Quantité dans le marché : 55 Prix par mois (droit d’occupation) : 25000 CFA Taille : 10-30 m2
Initialement les magasins ont été pensés comme dépôts de marchandises pour plusieurs occupants ; aujourd’hui la réalité a transformé ces magasins en espace de vente avec un monopole d’occupation. Ils se trouvent dans les périphéries du marché et ils l’entourent. Pour cette raison c’est ça qui détermine la zone d’intervention du gestionnaire2. Ils ont deux ouvertures, l’une donnant vers la rue et une autre vers le 1 Bierschenk, & Bierschenk, Thomas. (2007). Une anthropologie entre rigueur et engagement : Essais autour de l’oeuvre de Jean-Pierre Olivier de Sardan (Recherches internationales). Paris: Karthala. 2 Geofroid Akowanou, Gestionnaire du Marché Ouando, interviewé en date 06.02.2018
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Magasin simple Quantité dans le marché : 57 Prix par mois : 1000 CFA Taille : 10-20 m2 Les magasins simples sont plus petits et à propriété unique. Ils ont toujours deux ouvertures, ils contournent aussi souvent les limites du marché bâti, mais on en trouve aussi à l’intérieur. L’avantage du magasin, collectif ou simple, est d’être utilisé à l’intérieur comme à l’extérieur. Pour acheter la marchandise, on rentre dans l’espace. Certains magasins sont néanmoins divisés en deux de commun accord entre commerçants et ils deviennent alors, de fait, deux boutiques. Boutique Quantité dans le marché : 99 Prix par mois : 10000 CFA Taille : 10-15m2 Les boutiques se trouvent également aux extrémités. La différence avec les magasins est la taille, plus petite encore, et la présence d’une seule ouverture (externe ou interne). Un seul cas possède actuellement deux ouvertures suite à un permis demandé au responsable pour s’ouvrir vers la rue. Suite à cette exception, une (trop) grande demande de permis d’ouverture a été déposée au gestionnaire et l’action a depuis été arrêtée. L’espace devant la boutique ou le magasin est compris dans le loyer. Ces typologies d’espace sont facilement reconnaissables par le simple fait qu’elles sont délimitées par une toiture en béton, cette toiture constituant l’espace bâti du marché. Généralement à Ouando le terme boutique est utilisé pour définir un espace de vente. Kiosque Quantité dans le marché : 199 Prix par mois : 3000 CFA Taille : 6-10m2 C’est un espace aménagé au sein de l’espace bâti. Le kiosque ne fait pas partie de l’architecture du marché, c’est la première typologie d’espaces de vente, non prévue par l’architecture du marché, d’autres suivront. Ce sont les femmes qui s’occupent de la construction elles-mêmes. Les matériaux utilisés pour cette structure sont des plus divers. Ils sont construits pour la plupart à partir d’un ensemble très léger en bois,
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marché.
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bâches ou tôles ou une solution plus solide et sécurisée en containers métalliques.
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Petit Kiosque Quantité dans le marché : 179 Prix par mois : 2000 CFA Taille : 6 m2 L’espace est plus petit, ce qui définit la différence avec les Kiosques à 3000 CFA « Espace de 1500 » Quantité dans le marché : 3536 Prix par mois : 1500 CFA Taille : 3 m2 Grande majorité dans le marché l’espace à 1500 est le bon compromis entre visibilité, dépenses et gain. C’est un espace avec une structure légère dont la partie externe est prédominante par rapport à celle intérieure vu la taille. Selon ses moyens, une vendeuse peut avoir plusieurs emplacements de ce type. PV (place vide) Quantité dans le marché : 749 Prix par mois : 1 500 CFA Taille : 2-1,5 m2 Comme le kiosque et les “espaces à 1500”, les PV sont des espace résiduels. Malgré son nom, un PV est un espace officialisé, délimité et taxé comme les autres. Suite à une demande d’occupation, le PV est autorisé ou pas par les comités. Ce qu’on appelle donc «place vide» est loin d’être un espace inoccupé. Concrètement les PV remplissent l’espace entre les activités commerciales bâties, ils créent une unité dense et ils modifient les accès, la circulation, l’architecture du marché : Le marché avait été réalisé aussi avec des espaces verts, des espace pour abriter je ne sais pas quoi… Mais au fil du temps ils se sont transformés en équipement marchand et c’est ces espaces-là qu’on a appelé PV, Place Vide. On n’avait rien prévu, le constructeur n’avait rien prévu, mais avec la démographie du marché les gens les envahissent. Nous avons dû transformer ça3. -
Ambulant
Quantité dans le marché : 2 Prix chaque deux jours : 100 CFA Taille : / 3 Idem
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Un espace à 1 500
Un petit kiosque
Un kiosque à 3 000
Une boutique
Un magasins
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Deux PV ( place vide)
Difficiles à répertorier, pour l’administration seulement deux ambulants sont enregistrés régulièrement.. En réalité, une grande quantité d’ambulants se trouvent dans le marché. Il faut préciser la différence entre ambulants externes et ambulants ayant une place dans le marché : Il y a d’une part ceux qui louent une place vers l’intérieur du marché, et qui sont donc moins visibles aux acheteurs potentiels. Ceux-là, pour augmenter les ventes journalières chargent des jeunes filles ou des enfants de cette tâche.
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LE DROIT D’ATTRIBUTION Au moment de l’affectation des emplacements, une taxe imposée à 3000 CFA donne le droit d’attribution. Les premiers occupants qui ont reçu l’assignation gardent leur place. Depuis la construction du marché bâti, ce droit est rarement remis en question. Cette assignation a été faite « il y a longtemps, au début du marché ça fait très longtemps [aujourd’hui] il n’y a pas de place, il n’y a pas ! On a beaucoup de demandes, mais… tout le monde veut venir à Ouando ! 4 . » Les personnes à qui ont été attribuées l’une de ces places se retrouvent donc de fait en possession d’un bien précieux et avec un grand potentiel. Pour ne pas perdre son emplacement, il est transmis de vendeuse en vendeuse de deux façons : l’une informelle, gratuitement ou avec des échanges de faveurs entre membres de la même famille ou d’amis proches, et l’autre « illégale » via une sous-location. De cette façon il n’y a pas de véritable renouvellement du commerce ni à l’intérieur ni à l’extérieur du marché.
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4 Idem
SOUS-LOCATION ET TEMPORALITÉS Dans le premier cas, la réponse au problème de la saturation dans le marché est l’utilisation du même espace de façon polyvalente. Divisé en deux, sous-loué ou partagé à des horaires différents un même espace peut être multiple. Ce type d’usage, vu dans son ensemble, arrive à générer tout un autre marché à Ouando. Par exemple, le jour du marché de 6h à 10h, les espaces devant les boutiques sont occupés par les vendeuses de fruits frais et remplis de bananes plantain. En effet, la temporalité du marché est assez complexe. La marchandise n’est pas la même tout au long du jour ; il y a une grande différence entre le «jour du marché» et les autres jours. La
Le deuxième cas, la sous-location, est très fréquent. Mais il ne faut pas oublier qu’on parle d’une propriété d’un établissement de la mairie ! Le prix de la sous-location est souvent plus élevé que le loyer de base, ce qui en fait revient à une situation de spéculation d’un bien public. Malgré cela, la démarche est acceptée par les autorités du marché. Ce mécanisme est bénéfique à tous du moment que l’argent rentre dans les caisses chaque mois. Officiellement le gestionnaire n’est pas au courant des sous-locations, mais finalement, souvent, il est appelé à résoudre les conflits. En présence de certains représentants des comités ils réalisent de véritables concertations en présence des deux parties. L’autorité du gestionnaire est à ce moment reconnue comme licite et une punition peut être imposée qui, bien sûr, varie au cas par cas. Monsieur Akowanou nous donne l’exemple de celle du matin même : l’acceptation du droit d’occupation du sous-locataire se terminant, il a été demandé au locataire d’accorder le temps nécessaire pour informer la clientèle de son déplacement. Cet exemple montre que la légitimité du lieu est distincte de la propriété de celui-ci. Cette « punition » imposée par l’autorité locale peut se prolonger pour un mois et participe à l’ambiguïté de droit d’exploitation..
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clientèle change également et par conséquent toute une autre forme d’activités se crée dans les alentours. Le dimanche, les jours fériés, mais surtout les jours de fêtes d’enterrements ou de mariages on a aussi un autre type de dynamique. Certaines femmes, qui ont été déguerpies de la rue, se retrouvent avec l’accord du locataire légitime le dimanche dans le marché à vendre sur ces placements «fermés». La même chose se passe le soir ou la nuit. Dans ce cas, souvent, ce sont les membres de la même famille ou des connaissances proches qui s’approprient les emplacements.
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4.2 PROPRIÉTÉ ET DROITS TRADITIONNELS
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DU VIDE AU CONCRET
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L’exemple de Ouando est révélateur de comment l’invisible a une forme et une matérialité réelle ou comme ce qui certains qualifie de vide, ne l’est pas pour d’autres Les notions comme vide ou propriété sont des concepts pluriels/variables selon le contexte. Si on les aborde avec une connotation occidentale, ils évoquent quelque chose de tangible, mais dans la réalité ouest-africaine et la pratique locale, ils sont plus impalpables. Dans cette optique, un PV se démontre tout le contraire de libre, inoccupé ou vacant, mais il porte la caractéristique de venir du vide. Ce terme va plus loin que la simple définition d’une forme, comme magasin ou boutique, mais porte avec elle le passage du « non prévu » à la matérialisation de l’espace « présent ». Dans la même logique les «1 500» révèlent une typologie d’espace non classable selon la langue française, bien qu’ils soient de loin la situation spatiale la plus présente dans le marché.
SATURATION « Au moment que le marché a été pensé. Il y a eu les magasins, il y a eu les boutiques, il y a eu les espaces un peu plus grands [kiosque], un peu plus petits [espace 1 500]. Mais après tout, il reste encore des gens qui voulaient occuper. Donc entre deux boutiques il y a peut-être laissé un vide pour en faire quelque chose, mais la personne arrive, il occupe le vide et puis c’est terminé. Donc c’est ce vide, dans tout le marché que nous avions appelé PV. » La saturation est une problématique des marchés au Bénin présente bien avant la récente vague de déguerpissement. Certes, la demande d’une place dans le marché est aujourd’hui plus forte et le débat sur la réhabilitation des marchés au Bénin très actuelle5. Le déguerpissement n’a fait qu’empirer la situation, car toutes vendeuses déguerpies réclament une place à l’intérieur.
5 Le gouvernement est bien conscient du fait de la difficulté et lors de son investiture, le président béninois Patrice Talon promettait de grands changements. Mais personne les aurait pensé si radicales. Son programme prévoit la reconstruction des marchés modernes, principalement de marché en gros. Pour ce faire le marché international Dantokpa sera déplacé ou n’existera plus ainsi que certains marchés installés çà et là dans les quartiers de la ville de Cotonou. Gouvernement envisage dans cette perspective un marché de gros à réaliser dans la commune d’Abomey-Calavi notamment à Akassato sur un domaine de deux cent hectares
DROITS DU FONCIER DANS LES SOCIÉTÉS OUEST-AFRICAINES
L’appropriation est inévitablement liée au principe de propriété. Dans la conception occidentale, ce dernier sous-entend un principe d’individualisation. Que ce soit relatif à un usager (privé) ou à un usage (public), une propriété implique d’une part le détachement des richesses par rapport aux individus qui les produisent et d’autre part, celui de la séparation de la personne comme individu distinct de son appartenance à un collectif communautaire6. Autrement dit, signifie qu’un sujet a le droit d’user, profiter et disposer de manière absolue d’un objet distinct de lui-même. Elle se présente comme une relation binaire « simple » entre la personne et la ressource (terre ou biens). Mais le concept de possession dans la réalité africaine est plus complexe. Elle implique en premier lieu un ensemble d’acteurs ou un collectif qui a un contrôle exclusif sur une ressource. C’est ici que rentrent en jeux les droits traditionnels ayant une organisation politique indépendante.
DROITS TRADITIONNELS ET MAÎTRISE FONCIÈRE On définit les droits traditionnels comme les droits dont la formation et l’application ne relèvent pas du droit de l’État. Il s’agit de droits originaires qui témoignent d’un état de société qui structure les rapports sociaux des autochtones. Il n’y a pas un seul droit traditionnel africain, car on trouve autant de traditions que de groupes humains7. Dans certains contextes, les droits fonciers8 sont mélangés avec les droits traditionnels. 6 Bouju, Jacky. « La malédiction, l’honneur et la spéculation. Principes historiques de la propriété foncière en Afrique de l’Ouest ». Bulletin de l’APAD, no 29‑30 (2009): 71‑91. 7 Barrière, O., Barrière, Catherine, & Food Agriculture Organization of the United Nations. (1997). Le foncierenvironnement : Fondements juridico-institutionnels pour une gestion viable des ressources naturelles renouvelables au Sahel (Étude FAO législative ; 60). Rome: Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. 8 Bouju, 1998b ; Boujou et al. 2004.
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La sous-location est une réponse à cette demande. Ce phénomène invite à se réinterroger sur la grande question de la possession d’une ressource dans le contexte ouest-africain. J’évoque cette question pour comprendre en profondeurs les mécanismes de revendication de la propriété qui sont à la base du débat sur le déguerpissement entre les nouvelles politiques et les réalités locales.
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Le fait que la notion occidentale de droit foncier n’était pas appropriée n’est pas une nouveauté. Cependant, il a fallu attendre les années ’90 pour parler en d’autres termes de la complexité des droits traditionnels et de la légitimité et ainsi avoir d’autres formes de propriété que la seule acquisition foncière.
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La théorie de la maîtrise foncière semble être la plus appropriée. Elle élimine à la base la notion de propriété par l’étude des mécanismes de possession dans les sociétés pré-marchandes qui ont une influence très forte encore aujourd’hui en Afrique de l’ouest. En effet, la maîtrise foncière, démontre que pour obtenir les droits réels d’occupation et/ou de gestion d’un terrain, il n’est pas toujours nécessaire d’acquérir également la possession du bien (terre ou ressource). A la base, existe dans la tradition une propriété foncière familiale ou communautaire. Mais l’accès à la ressource, la maîtrise de l’accès, la gestion de la ressource et le pouvoir sont des droits qui peuvent être répartis à différentes personnes appartenant ou pas à un ensemble familial. Avoir une vision des forces que ces quatre maîtrises exercent sur un terrain, donne une idée de la complexité de la possession dans le contexte analysé. Si ces rôles sont clairs, ils servent à définir les formes locales d’usage et de possession effective d’une ressource face aux ambiguïtés que l’application des règles standards modernes révèle9. Suite à cette précision, le droit d’attribution du marché Ouando apparaît dans une toute autre optique. La sous-location et les différentes temporalités rentrent dans cette logique. L’occupation d’un emplacement est ressentie comme un bien collectif, qu’on a le droit de contrôler, gérer, posséder selon des principes de maîtrise foncière traditionnelle, sans entrer en contradiction avec la possession qui revient à la mairie.
9 Bouju, Jacky. « La malédiction, l’honneur et la spéculation. Principes historiques de la propriété foncière en Afrique de l’Ouest ». Bulletin de l’APAD, no 29‑30 (15 juin 2009): 71‑91.
Encore un exemple d’espace de définition difficile en ce qui concerne le cas de la rue devant le marché. C’est sur cet axe, entre le bourdon de la RNIE1 et la devanture du marché de Ouando, que trouvent place environ 500 personnes entre vendeurs et vendeuses « légales » (boutiques, magasins) et « illégales ». De cette seconde catégorie, on trouve celles qui vendent des produits alimentaires divers (tomates, riz, piments, poissons, huile de palme, etc.) tournant le dos à la RNIE1, et dans l’autre direction sur le bord de la même route, trouvent place les vendeuses de pain.
LE PV (PLACE VIDE) HAUT Située en dehors de l’enceinte physique du marché, mais dans une position privilégiée, puisque très fréquentée, cette rue pavée représente un lieu de frontière entre économie formelle et informelle. C’est ainsi que le gestionnaire décrit la situation : c’est la seule place qu’on a voulu déguerpir, c’est ce que nous appelons le PV haut, c’est-à-dire la place qu’on avait laissée, mais avec le temps… il y a un mur d’une part et de l’autre les gens se sont installés. Ce qui s’est installé plus sur la voie a été déguerpi.» Les femmes qui sont installées sur cet axe gèrent leur activité depuis 10, 20, 30 ans ou plus. Les conditions ne sont pas des plus faciles : circulation de voitures, camions et taxis motos toute la journée, sous le soleil ou avec un système d’ombrage très léger (chapeaux ou petit parasol) et avec une grande compétition, ces femmes exposent leur marchandise sur un espace très petit pendant 10 à 12 heures d’affilée, 7 jours sur 7. «On a essayé de les déguerpir, mais elles reviennent toujours. J’ai essayé d’aller vers elles, moi j’ai fait quelque opération pour des points, comme elles s’installent la de façon illégale, j’ai dit bon : pourquoi ne pas profiter ? ». La question sur leur légitimité d’occupation est des plus ambigües puisque jusqu’à décembre 2016 elles étaient taxées par des responsables de la mairie 300 CFA par jour par personne (ce qui fait 9000 CFA par mois !).
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4.3 DEVANT LE MARCHÉ
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Les déguerpies de Ouando
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C’est dans cette partie du marché que ma recherche s’est le plus concentrée, car ici l’action de déguerpissement est la plus violente et révélatrice du problème à Ouando. Régulièrement, depuis un an, la police vient déguerpir ces femmes et, depuis, elles reviennent à leur unique espace de vente en l’absence d’autres solutions. Depuis toujours en bon accord avec les autorités locales, il faut préciser que cet espace sort de la responsabilité du gestionnaire pour être géré directement par des agents de la mairie. C’est donc la transposition de la notion occidentale d’espace public qui a eu des conséquences tangibles tant sur les activités dites informelles (femmes ambulantes) que sur la gestion financière au sein de la mairie. Suivant les entretiens avec les femmes encore sur place, une partie a cependant commencé à partir. Une grande partie de ma recherche sur le terrain s’est concentrée à comprendre où et ainsi voir les conséquences urbaines que le mouvement de ces femmes déguerpies à moyenne et grande échelle10. La réponse la plus commune à la question « où irez-vous après avoir été déguerpies ? » est : le retour à la maison. Cependant, d’autres mouvements ont commencé à avoir lieu, vers les autres parties du marché moins frontaux, plus loin de la rue principale, moins public… Certaines profitent de l’emplacement des proches à l’intérieur de marché à certains horaires ou le dimanche.
DEDANS ET DEHORS La relation entre le dedans et le dehors du marché est très forte. Les extrémités sont des lieux privilégiés dans le mécanisme de vente africaine et généralement il y a une volonté d’être aux extrémités plutôt qu’à l’intérieur du marché. Les limites du marché sont les parties les plus importantes. C’est pour cette raison que certaines vendeuses possèdant une ou plusieurs boutiques dans le marché, vendent aux extrémités ou en dehors du marché. Certaines d’entre elles étaient aussi devant le marché sur le PV haut. « J’ai toujours souri quand je vois en Afrique et au Bénin, qu’on confine un espace fermé. Culturellement l’achat ce n’est pas ça, et tu vois dans tous les marchés au Bénin, malgré la clôture, toujours les gens délaissent l’intérieur et ils sont dehors. Parce que même nous en tant que clients on n’arrive pas à l’intérieur du
10 La réponse à cette question si centrale dans la dynamique de déguerpissement sera abordée plus en détail après.
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photos des quatre vendeuses du PV haut.
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marché. Parce que tout ce que j’achète est en effet autour du marché11.» Pour ces raisons, le marché s’agrandit et se développe pour avoir un périmètre plus ample ou plusieurs périmètres : derrière Ouando, il y a une grosse partie du marché qui s’étale ! Et même s’il est derrière c’est même plus grand que ce qu’il y a à l’intérieur12.
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4.4 LES AMBIGUÏTÉS DE LA DÉCENTRALISATION
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BREF HISTORIQUE SUR LES FORMES POLITIQUES AU BÉNIN Le Bénin possède une histoire et une géographie politique complexes. Sans entrer dans le détail de l’enchevêtrement des royaumes pré-coloniaux, qui sont évidemment à la base de l’identité du pays actuel, ont été adoptées depuis ‘indépendance des formes de gouvernance propres aux États «modernes»13, qui ont fortement conformé l’urbain actuel. Les principales étapes, après l’indépendance complète de la France le 1er août 1960, sont celles de la République du Dahomey (1960 – 1975), la République populaire du Bénin ou «La révolution» avec le président dictateur Mathieu Kérékou (1975-1990), jusqu’à l’actuelle République du Bénin (depuis 1990). Après 40 années de centralisme dans la gestion des affaires publiques, dont 17 ans d’empreinte marxisme-léninisme, une crise politique et une situation socioéconomique désastreuse portent à la nécessité d’une ouverture de la gestion des affaires publiques14. En optant pour la démocratisation de son système politique, le Bénin a également choisi de me ttre en œuvre un processus de décentralisation15. Ce processus aboutit avec les premières élections communales et municipales en décembre 2003. L’adoption de ce nouveau mode de gestion des affaires publiques constitue une 11 Extrait de l’entretien à Geofroid Akowanou, Gestionnaire du Marché Ouando, interviewé en date 06.02.2018 12 Idem 13 Les principales étapes après l’indépendance complète de la France le 1er août 1960, sont : République du Dahomey (1960 – 1975), République populaire du Bénin (1975-1990) jusqu’au l’actuelle République du Bénin (depuis 1990). 14 Bierschenk, Olivier de Sardan, & Bierschenk, Thomas. (1998). Les pouvoirs au village : Le Bénin rural entre démocratisation et décentralisation. Paris: Karthala. 15 Principe constitutionnel adopté à la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990.
rupture avec la forte tradition centralisatrice des régimes politiques que le pays a connus. Cette précision est importante pour comprendre le cadre politique actuel dont l’action de déguerpissement fait partie.
La décentralisation porte à la libre administration des collectivités territoriales : les Communes. Gérées par un maire et disposant de larges pouvoirs autonomes et de compétences propres16, les Communes sont subdivisées à leur tour en arrondissements. Dans cette division administrative, l’État garde le rôle de surveillance et de tutelle des choix faits par les autorités autonomes et il est à la tête de toutes questions qui touchent le territoire à l’échelle nationale. Une des prérogatives de la décentralisation est d’avoir une approche participative avec la population locale. Le but est que les élus locaux et les citoyens se sentent impliqués dans la gestion des affaires de leurs localités. Ainsi, le développement local est encouragé grâce à l’identification de leurs besoins et à la conception de leurs propres projets.
RAISONS ET PROBLÈMES DE LA DÉCENTRALISATION DANS LES PAYS AFRICAINS Le Bénin n’est pas le seul pays qui ait adopté le système décentralisé. En effet dans les années ’90 une grande vague de démocratisation touche les pays africains. Les raisons du succès de cette forme politique sont plurielles : d’une part, on observe des mouvements de contestation contre l’autoritarisme dans toute l’Afrique, de l’autre une pression politique internationale encourage l’instauration de la démocratie. Pour finir, des mécanismes de soutien international au développement exigent un certain cadre politique pour pouvoir se mettre en place. Avant tout, la Banque Mondiale et le Fonds monétaire exigent une politique démocratique pour l’obtention d’aide17. De cette façon, comme déjà évoqué dans le chapitre 1.1b, la décentralisation se pose comme base des enjeux du développement. La décentralisation est par excellence le modèle actuel de la « bonne gouvernance » 16 On distingue deux catégories : les Communes de droit commun et celles à statut particulier. Parmi les 87 Communes que comptera le Bénin, trois seulement répondent aux critères de Commune à statut particulier. Ce sont : Cotonou, Porto-Novo et Parakou. 17 Hilgers, Mathieu. « Espaces publics liminaires en contexte semi-autoritaire ». Sens public (Revue) 15 (2013) : 147‑63.
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POUVOIR ET ENJEUX DE LA DÉCENTRALISATION.
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et vecteur du gouvernement libéral. Cependant, la réalité politique des pays ouestafricains, dont le Bénin, est loin d’avoir un équilibre stable nécessaire pour garantir la démocratie. Le manque d’une réelle diversité de partis politiques est généralement caché derrière une pluralité de façade, qui dans les faits se manifeste avec une alternance des pouvoirs opposés. Ce cadre porte au Bénin à ce que l’anthropologue Mathieu Hilgers appelait un régime semi-autoritaire. Dans ce type de contexte, les espaces publics reçoivent un rôle important puisqu’ils sont miroirs d’une démocratie formelle. Pour faire preuve de sa légitimité, un régime semi-autoritaire est porté à contrôler les espaces publics en garantissant leur existence et même en les revendiquant. Suite à ces réflexions, ce n’est pas une surprise que les premières attentions du nouveau président Patrice Talon soient consacrées au domaine public. Mais le Bénin est actuellement dans une situation encore plus complexe. Les Béninois ont avec leurs partis politiques un rapport particulier. Tous les présidents qui se sont succédés depuis 1990 ont été au pouvoir sans avoir eu un grand parti auquel s’identifier18. Mais une fois élus, tous pourtant on fait la démarche pour en créer un19. Patrice Talon est une figure d’exception : un an après son élection, il ne bénéficie toujours pas du soutien d’aucun parti. Depuis ses premiers mois de mandat il avance par décrets20, sans véritables opposants21 ni une forte majorité au Parlement qui l’accompagne dans ses actions.
DÉCENTRALISATION ET DÉGUERPISSEMENT Le chef de l’État contrôle le jeu politique sans aucune consultation avec les acteurs locaux. L’autorité, la rapidité et la violence avec laquelle le déguerpissement a été mis en place (suivi par d’autres initiatives politiques assez débattues22) commencent à faire penser à un contexte plus que semi-autoritaire. L’absence d’un accord réel avec les différents acteurs (ministère, préfet, mairie et collectivité locale) met en évidence les faiblesses du système décentralisé. Combiné 18 « Bénin : Patrice Talon sans parti politique, tient les rênes ». JeuneAfrique.com (blog), 27 novembre 2017. http:// www.jeuneafrique.com/mag/494190/politique/benin-patrice-talon-sans-parti-politique-tiens-les-renes/ 19 Mathieu Kérékou mit sur pied l’Union pour le Bénin du futur, Nicéphore Soglo la Renaissance du Bénin (RB), et Thomas Boni Yayi les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE). 20 Ouin-Ouro, Edouard. « Bénin : communiqué intégral du conseil des ministres du 30 Novembre avec toutes les nominations ». La Nouvelle Tribune. Consulté le 23 mars 2018. https://lanouvelletribune.info/archives/benin/conseildes-ministres/31388-communique-integral-conseil-ministres-30-novembre 21 Exception faite pour le politicien Sébastien Ajavon, mais qui ne représente pas une force démocrate suffisent. 22 Pour en détail, voir le compte rendu B.H. « Gouvernance de la Rupture : Les 7 péchés de Talon en 2017 - Matin Libre ». Consulté le 7 avril 2018. https://matinlibre.com/index.php/politique/item/13895-les-7-peches-de-talon-en-2017
De leur côté, les acteurs locaux appliquent depuis longtemps une autre politique : celle du « laisser-faire ». Les commerçants « illégaux » étaient tenus à payer des taxes journellement ou mensuellement à des agents de la mairie. Un accord très courant sur tout le territoire qui donnait le droit d’occupation sur le domaine public. On assiste à une légalisation de l’illégal qui représente la plus grande ambiguïté du déguerpissement. Aujourd’hui, le positionnement des mairies n’est pas très clair. Le système de la décentralisation ne permet pas une désapprobation des communes concernant les décisions prise en haut. Elles restent par conséquent impuissantes et, dans le même temps, responsables. La responsabilité de l’action du déguerpissement au Bénin est sûrement très inconfortable pour tous, car à la base persiste une autre ambiguïté : celle de la limite entre espace public et espace privé.
4.5 L’INEXISTENCE DE L’ESPACE PUBLIC ENCORE UNE QUESTION DE TERMES ? À la lumière des faits du chapitre précédent, on comprend que l’espace public représente à la fois un enjeu politique pour l’Etat, et une nécessité pour les autorités locales. Malgré ça, il est un concept difficile à définir et surtout à normaliser. La notion est encore 23 Bouquet, Christian, et Kassi-Djodjo Irène. « « Déguerpir » pour reconquérir l’espace public à Abidjan. » L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique, no 22 (18 mars 2014).
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avec le manque d’une politique urbaine forte pour aménager les espaces publics une fois libérés, les gens s’interrogent sur la réussite du projet, mais également sur sa justesse. En plus, comme Bouquet et Kassi-Djodjo l’écrivent : les intérêts divergents entre l’État et les collectivités locales pouvaient être aussi un obstacle à la réussite de telles opérations, parce que ces appropriations abusives du domaine public pouvaient avoir reçu l’aval des autorités gouvernementales23.
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une fois fondée sur l’histoire européenne, et notamment celle des États modernes24. On a déjà expliqué que ce type de forme politique présuppose une individualisation et une appropriation d’une ressource de façon subjective, individuelle, c’est-à-dire de propriété à une personne (« ceci c’est à moi »). Les sociétés ouest-africaines sont au contraire basées sur une collectivisation de l’espace très forte. À cause de cet enracinement historique, les milieux africanistes ont généralement insisté sur la difficile adaptation aux sociétés africaines du concept d’espace public25.
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UN ESPACE DIFFICILE À NORMALISER
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Le concept d’espace public constitue tout de même un laboratoire d’intérêts politiques, qui porte autant les autorités que les usagers à s’en approprier et le revendiquer. L’espace public est en tension continue entre dirigeants et usagers, il est donc l’expression du pouvoir. Avec la démocratisation, l’espace public prend une certaine importance et une idée de gouvernance accompagne l’appropriation de terrains. En voulant aménager, gérer, administrer et sauvegarder l’espace public, les autorités envoient un message de pouvoir. Mais sur le territoire béninois, la propriété est « contaminée» par d’autres sources de pouvoirs politiques. La réussite visible des pratiques populaires témoigne de l’impuissance des autorités communales à défendre leur conception de l’ordre urbain26. L’insistance sur les comportements de détournement des ressources publiques, comme l’action de déguerpissement au Bénin, alimente alors un discours qui nie toute existence d’un espace public27.
DU VILLAGE À LA VILLE Une des raisons qui alimentent le débat sur la notion d’espace public est la construction des institutions politiques à partir des organisations lignagères. En effet, il ne faut pas oublier que Porto-Novo est une ville d’origine pré-coloniale, par conséquent, complexe où les principes d’aménagement de type occidental ne sont pas toujours opérants. D’autres principes sont à la base de la formation et du développement : celle des collectivités et la 24 Dahou, T. (2005). L’espace public face aux apories des études africaines. Cahiers D’études Africaines, N 178(2), 327-349. 25 Idem. 26 Bouju, J., & Ouattara, F. (2002). Une anthropologie politique de la fange. 2002. 27 Dahou, T. (2005). L’espace public face aux apories des études africaines. Cahiers D’études Africaines, N 178(2), 327-349.
« Il faut avouer que le problème est que l’espace public est privé jusqu’à quand il devient public : tu sais que dans le village la priorité c’est les maisons, c’est des agglomérations dont on ne se sait même pas où est la limite des collectivités. Et les cours sont presque communes, on passe dans une, puis derrière l’autre. Tout est une entrée. Les gens vivent comme ça jusqu’à ce que l’urbanisation décide des limites et les gens commencent à mettre les barrières, les murs, les clôtures. Ça force les gens à se re-replier sur l’espace qui était privé, d’accord, et qui devient public suite à l’urbanisation. Donc les gens se sentent toujours en droit de posséder cet espace.30. »
LA PRIVATISATION DES LIEUX PUBLICS URBAINS PAR LES USAGERS Une fois devenu public, le même espace tend à une privatisation informelle, pour la simple raison d’être perçu comme tel. Dans cette optique, des éléments présents dans les propriétés lignagères propres à la réalité villageoise sont transmis à celle de la ville. Par exemple, le mur d’enceinte reste un signe de propriété et non seulement une délimitation ou séparation de deux espaces. La plupart des citadins des milieux 28 Hilgers, Mathieu. (2009). Une ethnographie à l’échelle de la ville : Urbanité, histoire et reconnaissance à KoudOgou (Burkina Faso). Karthala, Paris. 29 Bouju, Jacky. « La malédiction, l’honneur et la spéculation. Principes historiques de la propriété foncière en Afrique de l’Ouest ». Bulletin de l’APAD, no 29‑30 (15 juin 2009): 71‑91. 30 Extrait de l’entretien à Achille Zohoun Artiste paysager en date 21.02.2018.
4 / ANALYSE DU MARCHÉ DE OUANDO COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
constitution de cours lignagères. De nombreuses études se concentrent sur les communautés villageoises dans les villes ouest-africaines et les enjeux que l’interaction de ces communautés exerce sur la ville et son changement28. Dans Porto-Novo coexistent une multitude de communautés. Pour cette raison, il faut bien prendre en compte la dimension collective présente dans la ville béninoise. Les besoins du vivre en communauté se matérialisent dans la constitution de lieux partagés. Comme lieux d’échange et de rassemblement des gens, ils sont de nature proche de la notion de «public» occidental, restant pourtant de fait privées. Les limites des propriétés suivent les règles du système complexe de la maitrise foncière. Dans les faits, la parcellisation du territoire communal par les lotissements urbains, est un acte de privatisation illégale de l’espace public urbain qui s’est ainsi mis en place avec la décentralisation (Bouju 2004)29.
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populaires considèrent l’espace public urbain immédiatement au-delà du mur d’enceinte de leur concession d’habitation comme un domaine en libre accès où peut s’exercer et s’affirmer leur liberté individuelle d’agir31. Suite à cette clarification on peut mieux comprendre la description qu’une vendeuse d’orange fait de son sodji. Après avoir été déguerpies du PV haut, Madame Reine et le commerce de famille s’est déplacé en face, de l’autre côté du goudron. Elle explique : ici c’est un espace public, je vais dire, c’est privé parce qu’ici c’est le mur de quelqu’un et nous sommes devant sa maison. C’est vrai que nous sommes au bord de la voie, mais jusqu’à ici [6 mètres] c’est des espace privés, avant on lui a donné quelque chose, mais maintenant c’est les travaux et on ne vend pas...32». Cet exemple introduit un autre espace possédant une connotation particulière : l’espace limitrophe. L’observation des pratiques sociales permet de distinguer deux modalités principales d’occupation de l’espace limitrophe. Une comme extension de la sphère privée (extension d’un habitat ou d’un usage de la maison) et une deuxième comme l’utilisation exterieure avec un accord implicite. Ce deuxième cas crée toute l’ambigüité sur le droit d’occupation qui est une des problématiques du déguerpissement. En quelques mots, on trouve un espace non exploité limitrophe à une propriété, on l’occupe pour y développer une activité et si personne ne se plaint, cela signifie qu’un accord tacite légitime l’utilisation et l’installation. L’appropriation de l’espace limitrophe résulte donc, d’un « coup de force » (on ne demande la permission à personne) et d’un accord tacite entre voisins sur sa possibilité de l’usage du lieu (car personne ne le revendique) 33. L’ambivalence entre le domaine privé et le domaine public partagé fait toute la richesse de la sociabilité africaine de proximité.
31 Bouju, Jacky. « La malédiction, l’honneur et la spéculation. Principes historiques de la propriété foncière en Afrique de l’Ouest ». Bulletin de l’APAD, no 29‑30 (15 juin 2009): 71‑91. 32 Madame Reine, Vendeuse d’Orange au borde de la rue RNEI1 en date 16.02.2018 33 Bouju, Jacky. « La malédiction, l’honneur et la spéculation. Principes historiques de la propriété foncière en Afrique de l’Ouest ». Bulletin de l’APAD, no 29‑30 (15 juin 2009): 71‑91.
Espace public et espace privé sont multiples, mais par ailleurs clairement délimités, l’espace privé étant compris comme espace de propriété de la famille et donc partagé ou commun34. L’espace public a également une double forme entre espace public-privé de l’Etat et espace privé d’usage public. Comme explique Daniel Hounkpevi, urbaniste à la mairie de Porto-Novo : « Il faut faire la nuance : je disais que la route c’est un domaine public de l’État, parce que c’est pour l’État, mais c’est utilisé par la population. Les places publiques sont des domaines privés de l’Etat et de la Commune. Nous sommes d’accord ?35 Malgré cette distinction, l’espace public est perçu avant tout comme un espace en libre accès. Pour les citadins, un espace de circulation (une rue, un trottoir, une place) est simplement un espace vide, comme s’il n’y avait aucune autorité qui s’exerce dessus ! 36. « Or, selon l’habitus populaire, la première caractéristique des lieux publics de la ville est de n’appartenir à aucune famille, donc à personne. Ce qui ne signifie pas qu’ils appartiennent à tout le monde, car ce serait alors un « bien public ». Or, la conception d’un bien public qui serait commun à toutes les familles de la ville n’existe pas ! Bien au contraire, si l’espace public n’appartient à personne, il est donc, selon la coutume, en libre accès ; c’est-à-dire utilisable privativement par toute personne capable de s’en saisir pour en faire un usage privé ! Autrement dit tout espace non utilisé est considéré comme potentiellement utilisable par n’importe quel usager, quel qu’en soit par ailleurs le propriétaire ! 37 »
34 Françoise Ugochukwu, L’organisation et la gestion de l’espace dans la langue et la culture igbo du Nigeria. 35 Extrait de l’entretien à Daniel HOUNKPEVI Urbaniste Marie de Porto-Novo interviewé en date 08.02.2018 36Bouju, Jacky. « La malédiction, l’honneur et la spéculation. Principes historiques de la propriété foncière en Afrique de l’Ouest ». Bulletin de l’APAD, no 29‑30 (15 juin 2009): 71‑91. 37 Idem
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UN ESPACE À PERSONNE
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4.6 DERRIÈRE LE MARCHÉ « Un marché aussi ça se développe. Et hier je me suis trouvé derrière le marché et moi je ne savais pas que le marché arrivait jusque-là ! 38
4 / ANALYSE DU MARCHÉ DE OUANDO COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
DESCRIPTION DU PV BAS
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Une fois parlé du dedans et du devant du marché, un autre point de vue est à révéler pour montrer la multiplicité des limites du marché. Le marché s’étale en proximité du deuxième grand portail du nord-est. Pour l’importance donnée au côté donnant vers la grande rue, cet espace est aperçu comme l’arrière du marché. Pour le différencier du PV haut, il prend le nom de PV bas. Similaires dans les termes, les deux espaces sont néanmoins de nature différente, sinon opposée. Le PV bas, se trouve dans une maille urbaine secondaire et donc, n’est pas sujet au déguerpissement. Le développement du marché a pu ici se réaliser selon les besoins d’espace. Avec le temps, des vendeuses se sont installées spontanément le long de la voie pavée en construisant leurs boutiques. « La voie pavée a été réduite et les gens se sont installés au long. Une première idée de placement avec le préfet avait été avancée… mais au fil du temps on a été obligé de laisser »39
URBANISATION SPONTANÉE Ce processus d’installation et de présence a été tellement fort qu’il y a eu deux impacts importants : la séparation de la rue pavée en deux et l’élargissement des limites de l’administration du marché. La création de ce double axe commercial modifie considérablement la structure de la rue. Initialement de 15 mètres la rue pavée et aujourd’hui divisée en deux. Une nouvelle rue parallèle au mur du marché s’est spontanément formée. Des constructions en bois et métal constituent le corps ; de cette façon, le commerce est des deux côtés et en total sur quatre fronts. Les boutiques sur ce tronçon sont taxées à 1 500 CFA par le gestionnaire du marché. Toutes les dynamiques logistiques sont comparables à celles régissant l’intérieur du 38 Extrait de l’entretien à Franck Ogou (EPA) interviewé en date 01.02.2018 39 Extrait de l’entretien à Geofroid Akowanou, Gestionnaire du Marché Ouando, interviewé en date 06.02.2018
marché. Les vendeuses les plus capables ont deux ou trois emplacements, le service de sécurité et la récolte des déchets concerne également le PV bas. C’est le seul endroit hors des limites officielles de l’enceinte qui est considéré, à tous les effets, « marché ».
Le PV bas est un exemple intéressant d’urbanisation spontanée. Avec le temps il est arrivé à se définir et devenir à tous les effets une réalité urbaine. Il incarne un des lieux de passage de l’informel au formel. Un espace liminaire selon la définition de l’anthropologue Mathieu Hilgers40, c’est dire, hybride ou limitrophe à l’espace officiel, mais accepté par la population et dans ce cas par l’administration locale même. Il représente également un exemple important comme réponse concrète au manque d’espace dans le marché et aux besoins du marché des personnes qui l’animent. Enfin il participe à l’organisation du quartier et sa définition, mieux que la planification urbaine officielle. Pour ces raisons il porte à s’interroger sur la normalisation de certaines installations spontanées comme solution à la problématique. « Aujourd’hui les Africains ne peuvent plus fermer les yeux sur l’informel, ce serait mentir. Lorsqu’on est en face du chômage, on est obligés d’ouvrir les yeux et encadrer, pour que les gens puissent mener leurs activités tranquillement. »41.
40 Hilgers, Mathieu. « Espaces publics liminaires en contexte semi-autoritaire ». Sens public (Revue) 15 (2013) : 147‑63 41 Extrait de l’entretien à Daniel Hounkpevi Urbaniste Marie de Porto-Novo interviewé en date 08.02.2018
4 / ANALYSE DU MARCHÉ DE OUANDO COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
4.7 L’OCCUPATION ANARCHIQUE COMME RÉPONSE DES BESOINS URBAINS
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Dessin en perspective de devant l’entrée secondaire du marché (PV bas). La route commerciale sur la droite est le résultat de l’installation des boutiques construites par les femmes elles-mêmes. Aujourd’hui, cette partie est sous la gestion du marché et elle est sous les règles de taxation au même titre qu’à l’intérieur du marché.
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FRANK OGOU Archiviste et gestionnaire du patrimoine à l’EPA
4 / ANALYSE DU MARCHÉ De Ouando COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
Coordinateur de Pôle Patrimoine et Gestionnaire du patrimoine, spécialiste des villes anciennes et dynamiques urbaines, École du Patrimoine Africain (EPA) et curateur du Jardin de plante et de la Nature (JPN) de Porto-Novo. L’entretien a eu lieu à L’EPA dans le bureau de Monsieur Ogou avec présence de Muriel Mitchozounon en date 01.02.2018. Pouvez-vous nous parler des marchés et du marché de Ouando en particulier ? Il y a une occupation anarchique de l’espace du marché, mais je veux dire, c’est aussi une question culturelle. Parce qu’à la base le choix du lieu où construire les marchés est un choix qui est fait par les autorités, il n’y a pas de concertation avec les usagers. Très souvent, les marchés dans notre pays se créent parce que dans la zone il y a trois-quatre personnes qui reçoivent et ils vendent quelque chose autour d’un lampion, et ça devient un marché. Mais souvent pour construire le marché, on ne va pas construire où ils sont, on va chercher un site. Pour d’autres raisons qui sont peut-être objectives et alors très souvent les gens disent « mais ce n’est pas un marché ». Il y a plein de lieux et de villages où l’État central ou la commune construisent des marchés pour les femmes et ces marchés restent vides. Parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Et alors concernant Ouando, on dit c’est le marché le plus grand de Porto-Novo, sûrement c’est le marché qui s’anime le plus. Mais dans ce marché vous avez du mal quand vous allez en voiture pour circuler et même à pieds. Le marché est d’abord un espace qui est organisé pour permettre à chacun de circuler, parce que si on ne peut pas circuler, mais je ne vais pas acheter.
Est-ce que ça a toujours été comme ça ? Non, je pense qu’au fur et à mesure que le marché
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s’anime, là il y a plus de monde, je ne suis pas sûr que les autres jours c’est comme ça. C’est parce qu’il se développe, un marché aussi ça se développe. Et hier je me suis retrouvé derrière le marché et moi je ne savais pas que le marché arrivait jusqu’à là. Le vrai problème c’est la gestion de l’espace. Parce que tous ces personnages-là que vous voyez devant le marché, qui empêchent la circulation, ils ont les places à l’intérieur du marché, ils se disent que s’ils sont à l’intérieur, les gens ne vont pas acheter. Donc ils préfèrent laisser l’espace pour lequel ils payent pour venir en dehors avec leur marchandise, parcequ’ils se disent qu’ils sont plus visibles ici, jusqu’à quand la police arrive et ils doivent ramasser toute leur marchandise…
Quand vous dites « question culturelle » à quoi vous vous référez ? Est-ce que nous pouvons parler du marché et/ou la vente à l’extérieur comme patrimoine immatériel ? J’ai toujours souri quand je vois en Afrique et au Bénin, qu’on confine un espace fermé. Culturellement l’achat ce n’est pas ça, et tu vois dans tous les marchés au Bénin, malgré la clôture, toujours les gens délaissent l’intérieur et ils sont dehors. Parce que même nous en tant que clients on arrive pas dans le marché. Parce que tout ce que j’achète est en effet autour du marché. Les extrémités du marché sont les parties les plus importantes. C’est pour cette raison qu’il y a des gens qui ont leur boutique à l’intérieur et qui vendent dehors. Exemple de Ouando, derrière il y a une grosse partie du marché qui s’étale ! Et même s’il est derrière c’est même plus grand de ce qu’il y a l’intérieur. Bien sûr qu’un marché est du patrimoine parce que chaque marché a une histoire. Il travaille sur la rédaction d’un livre sur le marché de Dantopka, qui d’ailleurs a subi des grands changements (un film sortira aussi en même temps). On ne déguerpit pas le marché de Dantopka, c’est un marché qui a tout un sens, toute une histoire ! Le Marché en Afrique et au Bénin c’est quelque chose de très important, par exemple tu as vu à Abomey tous les marchés étaient des marchés des captifs de guerre des rois. Très ancien qui remonte au XVI -XVII-siècle qui est toujours là !
Vous pensez que le déguerpissement est donc aussi bénéfique ? En soi, pour moi le déguerpissement n’est pas mauvais, mais quand vous faites déguerpir c’est quand tu as pensé à quelque chose tout de suite ! Quand vous allez à Cotonou, au début c’était une ruine, on croyait qu’on était sorti de la guerre. Porto-Novo c’était encore très doux, parce que les gens, volontairement, justement parce que la mairie avait trouvé la bonne formule, pour négocier avec les gens. Je me rappelle à l’époque le maire et le préfet sont venus tous les jours, pour parler sur le terrain avec les gens. Il n’y a pas eu beaucoup des cas à Porto-Novo. Mais Cotonou … Il y a eu une façon de communiquer de façon régulière, pour informer les gens de libérer l’espace eux-mêmes. Mais le problème ce n’est pas maintenant, mais aussi l’après ! Oui, rien n’a été fait. Malgré tout ce que je reproche à cette opération-là, aujourd’hui on a la vue dégagée. Une vue dégagée au niveau des grandes voies, on a une vue dégagée … mais après qu’est-ce qu’on fait avec ? Même à Cotonou j’avais travaillé un peu avec le Ministère du cadre de vie, sur cette thématique de la valorisation de l’espace libéré. Puis, après je n’étais pas d’accord avec les choix qui ont été faits par rapport à la zone des barrières Houeyiho. Ils ont installé un petit jardin en proximité des rails du train. Et pour moi c’est quelque chose d’aberrant. C’est très beau, mais après qu’est-ce que sera l’utilité de ces espaces-là ? Le même régime veut lancer le train. Qui a le courage de s’asseoir à zéro mètres de rails pendant que le train passe ? En plus on met le
jardin, entre deux grandes voies, avec des poteaux … seulement qui est de bonne humeur décide de traverser ! Donc c’est avec un ami collègue avec qui au début j’avais travaillé sur le dossier, mais même quand on discutaient, il m’a dit qu’il fallait faire ça ...on était juste pour exécuter un projet pour le gouvernement. Mais je sais très bien qu’il y a eu un projet, un vrai projet qui a été proposé pour l’aménagement de l’espace libéré, mais après ils en font ce qu’ils veulent. Donc c’est quelque chose pour moi qui est désespérant.
Qui a fait ce projet d’aménagement des espaces libérés ? Des urbanistes ? Oui, il y avait une équipe avec des urbanistes, des architectes, paysagistes... j’étais dans l’équipe au début, mais quand les gens ont vu ma prise de position, ils m’ont écarté après. Le résultat final ne me plait pas, tout le monde voit, quelle est l’utilité de cet espace ? Je peux te dire exactement le budget de cette affaire ! Quand on regarde le coût et puis l’efficacité ou l’utilité, on se pose des questions ! Ce qu’il est bien passé par la tête des gens qui ont proposé ces espaces-là ? C’est juste pour la beauté. Mais dans tout Cotonou il n’y a que des espaces qui sont en train d’être aménagés comme ça. Moi chaque matin quand je passe devant le marché de Ouando, avant il y avait plein de dames qui vendaient du pain. On ne s’imagine pas comment les personnes vivent sur le revenu de ce pain. Un matin, on les renvoie de là et on ne leur propose rien; donc ces femmes vont devenir quoi ? Les familles qu’elles nourrissent vont devenir quoi ? Il y a quelqu’un qui s’est déplacé sur l’église Saint-Michel, autres se sont déplacés vers là. Mais ces dameslà dérangent qui concrètement ? On fait du beau, d’accord, des espaces plus attractifs, mais quand on fait ça on prévoit des solutions pour les gens. Il n’y a pas de solution. Toutes les femmes qui vendent la nuit. Moi j’aime bien le poisson fumé, et pour acheter le poisson fumé bien chaud, c’est là que je vais, à Ouando, là où il y avait le pavé en bas. Mais, hier j’ai circulé par la nuit... Toutes ces femmes sont où aujourd’hui ? C’est quoi l’espace qu’on a créé pour qu’elles conti-
4 / ANALYSE DU MARCHÉ De Ouando COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
Donc pour moi le grand problème du marché c’est la gestion qu’on met en place. Je parle aussi au niveau de ma mairie, mais aussi de gestion du marché, qui doit mettre en place une autodiscipline. Quand quelqu’un paie pour un espace, il doit rester dans cet espace. Vous voyez dans le marché qu’il y a des boutiques, mais ceci est vide, toute est devant la boutique ! Alors que c’est l’espace prévu pour circuler… Donc parfois vous voulez acheter des choses, mais vous les dépassez parce qu’il n’y a pas la possibilité de s’arrêter pour acheter.
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nuent à faire leur business ? Donc, oui d’accord libérer l’espace parce qu’on a des avantages, on voit aujourd’hui l’imprimé de la voie, c’est plus dégagé, c’est très beau, c’est facile maintenant de circuler sans klaxonner, mais après...
4 / ANALYSE DU MARCHÉ De Ouando COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
En même temps les promoteurs de l’action du déguerpissement souhaitent avoir une ville plus belle, convaincus du fait qu’elle sera génératrice de revenus, de tourisme, d’arrivée d’investisseurs, d’argent …
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Il faut réfléchir, dans toutes les villes, par exemple la belle Paris ou à Bruxelles, il y a des quartiers où tu vas et c’est comme Cotonou hein ! Où il y a du mal à marcher. Donc dans chaque belle ville, il y a aussi ces quartiers. Mais il faut penser aux gens qui vivent dans la ville. La pauvre dame qui était au bord de la voie et qui vendait et gagné 1000 CFA par jour pour elle et ses enfants, quand le touriste arrive il lui donne le 100 Fr ? Non, c’est faux. Le ministère du cadre de vie dépend du ministre de l’Intérieur, au début au conseil des ministres on a parlé de libérer les grandes villes. Mais après [ils ont déguerpis] même dans la petite commune jusqu’au nord du pays. Mais pourquoi ? Alors que ça été dit clairement que c›était que les grandes villes, mais même dans mon village on fait le croix. Parce qu’en plus, dans les petites villes et villages, ce n’est pas des petites constructions, mais c’est des maisons, des fermes… À Abomey aussi. Au début, Abomey n’était pas concerné par cette opération.
Est-ce qu’il y a une conscience de l’espace public et des raisons du déguerpissement ? Non, il n’y a pas une notion d’espace public. On oublie que c’est l’espace qu’on a en commun. Il y a des gens qui confondaient l’espace privé et espace public. Par exemple, il y a souvent des gens qui mettent des briques devant les maisons sur la
voie publique pour modifier le passage. Moi, quand je vois ça je m’arrête et je les enlève ! Moi je tiens à ma Liberté. L’espace public c’est ce qu’on a en commun. L’espace public, par définition, est public. Mais il y a un problème de sensibilisation dès le début de l’enfance au respect d’action sur l’espace public. Pareil, aussi à l’échelle du secteur public quand on veut ouvrir de voiries dans certaines localités, vous avez sensibilisé la population. Mais ça ne se fait pas ; pourtant dans tout le budget des travaux publics je sais qu’il y une partie dédiée à ça ...
Mais du coup, que peut-on faire sur l’espace public ? On ne peut pas occuper l’espace public de façon trop présente, mais on peut vendre des petites choses. C’est quoi la limite de ce qu’on peut faire ou ne pas faire ? L’espace public pour définition c’est quelque chose que nous appartient à tous. Donc ce que tu fais ne doit pas empêcher l’autre. Par exemple : les femmes d’essence [qui vendent l’essence] s’installent sur le trottoir, pour être le plus proche de la voie et alors les passants marchent sur la rue... elles agissent sur la limite en ne laissant pas à l’autre la liberté de jouir de ces espaces-là aussi. Un autre bon exemple est la question de la prière : si on interdit aux musulmanes de prier 20 minutes le vendredi, ça veut dire que plus tard on commencera à interdire aussi aux catholiques chrétiens de faire les processions du Vendredi saint en marchant dans la rue. C’est quelque chose d’occasionnel, qui peut être toléré. C’est d’ailleurs une des caractéristiques du Bénin, la tolérance religieuse … Ces musulmans qui prient sont dehors parce que l’espace dans la mosquée n’est pas suffisant, et quoi 10-15 minutes handicapent la situation ?
Alors, pourquoi pensez-vous que le gouvernement met des contraintes à ces droits d’expression ? J’ai l’impression que c’est des gens qui sont venus avec des idées et ils font des projections entre ce qu’ils voient à Washington ou Paris sur Cotonou ou Porto-Novo. Et donc, en fait, ils ont l’imagination de la chose, pas trop dans le réel. Et tout ce qui leur intéresse c’est la beauté. Et parfois ils passent à côté de l’essentiel, sans penser aux conséquences.
Est-ce qu’il y a quelqu’un de cette classe dite «dirigeante» qui a été porte-parole de cette vision de la population? Il y a quelqu’un qui a dit qu’on ne peut pas copier une ville occidentale pour la ville béninoise ? Ou alors, peut-être plusieurs petites voix ? Je n’en connais pas, mais s’il y a quelqu’un, il le dit tout bas [rire], mais non, je n’ai pas vu quelqu’un haut placé pour dire ça. Il y a peut-être des gens, qui pensent comme ça, qui font partie de l’appareil de l’État, mais qui sont contre et qui voient d’un très mauvais œil ce qui se passe là … mais ils n’osent pas prendre la parole. Par exemple il y a un des conseillers du ministre qui a porté ses excuses pour l’action de déguerpissement à Cotonou, parce qu’il y a avait eu des services hygiéniques cassés qui du coup servaient au quartier et qui a causé des problèmes après. Il y a eu un communiqué des ministres du cadre de vie pour donner des moyens à ces gens-là pour les réparer. C’est déjà quelque chose L’action de déguerpissement sauvage à Cotonou a dépassé les limites,ce communiqué en est la preuve.
4 / ANALYSE DU MARCHÉ De Ouando COMME RÉVÉLATEUR SOCIAL, POLITIQUE ET SPATIAL
Peut-être je me trompe, mais ils ont une autre manière de voir le Bénin, le Bénin du futur. Mais quand même moi je travaille avec le patrimoine, donc je suis très attentif à l’espace. Quand on intervient dans un espace la première question qu’on se pose est : c’est quoi l’esprit du lieu ? On n’intervient pas dans un espace comme on peut intervenir partout, non ? Par exemple on ne peut pas aménager les rues d’Abomey dans la même manière des rues de Cotonou. [...] Ils aiment la facilité. Ça doit être ça parce qu’on ne peut pas aménager une ville comme une autre. Chaque ville a son esprit et sa configuration et son histoire. Et pareil, on ne peut pas aménager Cotonou comme Paris. On doit réfléchir à quel aménagement convient par rapport au territoire, il faut voir ceux qui vivent le territoire et quelle est l’aspiration de ceux qui vivent ce territoire ? Il y a deux blocs : un de ceux qui dirigent, et un de ceux qui subissent le rêve ceux qui dirigent. Il faudrait travailler avec la population, on doit écouter et faire des choses qui ressemblent à tout le monde...
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À gauche : un camion sur « le parking de tomates » en fin de journée, vidé de sa marchandise
5 / AU DELÀ DES LIMITES CONCRÈTES 5.1 LE « PARKING DES TOMATES »
Comme extension de la pointe nord du marché, un espace de 700 m2 se situe en plein air. Appelé par tout le monde le « Parking des tomates », cette grande zone est le lieu d’arrivée des marchandises et porte d’entrée de centaines de kilos de tomates chaque jour. Ce type de vente en gros fait que, à la différence du grand marché de Porto-Novo par exemple, les prix de Ouando sont imbattables. Plus on est proche du Parking, moins chère est l’offre. Sur ce sodji des tomates, oignons, piments, divers arrivent tous les jours. Tous les deux jours un renfort de bananes et banane plantains remplit tout le marché à partir d’ici1. Mais c’est aussi le lieu privilégié de la vente en gros d’autres produits, comme l’arachide et le riz. Les rues qui le bordent sont complètement affectées au commerce. Les propriétaires des maisons tout autour ont construit des boutiques à louer et le Parking aujourd’hui est un des points névralgiques du fonctionnement du marché. Pourtant, cette activité prolifique est complètement illicite. Propriété de la mairie, cet
1 Pour l’ananas, oranges, mangues et avocats il y a une autre arrivée, la rue des fruits à est du marché.
5 / AU DELÀ DES LIMITES CONCRÈTES
LA VENTE EN GROS À OUANDO
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espace était pensé pour garer les voitures à proximité du marché2. Encore une fois la structure bâtie se révèle insuffisante face au besoin du marché. En raison du manque d’espace dans le marché pour le commerce en gros - et bien sûr de place en générall’occupation a été presque immédiate. Les statuts de cet espace sont encore une fois équivoques. La mairie n’y gagne «pratiquement rien», puis «rien, puisque illicite», dit Monsieur Akowanou ; ce qui est sûr c’est que cela ne rentre pas dans la caisse du marché. En effet une autre gérance y domine. Celle-ci est composée entièrement des femmes. Avec l’aide de Muriel nous avons discuté avec la présidente et la vice-présidente3.
UN SYSTÈME PYRAMIDAL
5 / AU DELÀ DES LIMITES CONCRÈTES
L’organisation est a priori invisible, mais en réalité très sévère. Encore plus qu’à l’intérieur du marché bâti, les limites des emplacements sont très serrées et définies. Un comité de 13 femmes est à la base de l’organisation de la vente de tomates. Ce comité est né pour assurer un équilibre entre achat/vente de la marchandise entre vendeuses. Seulement certaines femmes ont le droit de vendre en gros, selon leur expérience et ancienneté. L’achat de tomates s’effectue au Nigeria, à Lomé ou au nord du Bénin selon les saisons. La négociation et le paiement se font sur place et une fois sur le Parking de Ouando elles payent le transport. Même si chacune a son rôle, toutes effectuent le voyage, présidente et vice-présidente comprises.
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Pour permettre à tout le monde de pouvoir acheter et surtout vendre, les vendeuses se sont organisées en trois groupes qui alternent la vente chaque jour. Des limites sur le nombre des paniers à acheter est imposé selon le nombre de femmes. Quand le premier groupe part pour l’achat, le deuxième reçoit la marchandise et le troisième est en train de vendre. En plus, certaines femmes du troisième groupe viennent à la réception du 2 La même chose à Dantokpa à Cotonou. En janvier 2017 l’entérite du parc a été déguerpie. Actuellement des policiers sont toujours sur place pour gère le trafic et s’assurer que personne reviennent sur cet espace. « Libération de l’espace public : L’ancien parc automobile de Dantokpa entièrement dégagé ». aCotonou.com. Consulté le 11 avril 2018. http://news.aCotonou.com/h/96149.html. 3 Présidente et vice-présidente du comité du parking Interviewés faite en date 10.02.2018.
deuxième groupe pour contrôler et vérifier que le numéro de paniers imposé ne soit pas dépassé. Un signe ou une initiale sur les paniers permet de reconnaître la propriétaire de la marchandise. Si une erreur ou une tricherie est trouvée, le comité des 13 personnes peut imposer une sanction. Un contrôle collectif est garant de la transparence d’achat sur le parking. Chaque jour donc, un camion arrive le matin rempli de tomates et il repart l’après-midi avec des femmes. Elles reviennent indépendamment vers Porto-Novo et deux jours après elles attendent les sacs de tomates commandés. On parle d’un mouvement journalier de 86 femmes (260 au total). Un système pyramidal est donc mis en place car les femmes du marché bâti, du PV haut et bas se fournissent sur le parking. En même temps, comme beaucoup de femmes déguerpies constituaient la base de cette pyramide, une fois absentes, elles mettent en cause aussi le reste de la pyramide (le comité du Parking), avec des conséquences qui ont un impact jusqu’aux fournisseurs. Conséquences directes, les prix de la marchandise augmentent et les personnes sont de moins en moins dans la possibilité d’acheter de grandes quantités. Il serait impensable d’interdire la vente illicite sur le parking, tout Porto-Novo serait sans tomates.
MACRO-MICRO CRÉDIT Le système pyramidal à Ouando montre que l’activité économique féminine est facilement intégré dans le système économique à petite et grande échelle. Au Bénin, l’activité des femmes est à la fois bien prise en compte tout en étant sous évaluée. En effet, la femme est considérée comme la part de la population la plus faible. Depuis dix ans, beaucoup des projets économiques se sont développés en faveur des femmes. Néanmoins, conscient de leur potentiel, ces projets visent à l’autonomisation économique - et donc avec elles celle de leurs foyers – via par exemple la mise
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5.2 FEMMES, ÉCONOMIE ET ORGANISATION SPATIALE
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en place des microcrédits4.. En assurant la stabilité économique des « mamans», ils assurent le renouvellement de l’économie du pays. En même temps le taux d’activité des femmes en Afrique subsaharienne est très élevé : plus de 60 % des femmes de 15 à 64 ans y exercent une activité économique. Au Bénin, les femmes constituent de fait près de la moitié de la population active5.Elles représentent plus de 59,7 % des emplois du secteur informel, elles ne contribuent qu’à 21,8% du PIB non agricole, soit à peine la moitié (51 %) de la contribution du secteur informel dans son ensemble (42,7 %)6.
LE PARADOXE DE L’INVISIBILITÉ Malgré ces chiffres, le travail des femmes concerne un ensemble d’activités économiques qui échappent en grande partie aux normes légales en matière fiscale7.Pour cette raison même s’il existe une réelle contribution des femmes africaines à la production nationale et au bien-être des familles, « concentrée dans des activités à faible valeur ajoutée (agriculture, commerce) et sous des statuts de dépendants (aides familiales), leur contribution à la richesse nationale est toujours restée faible et leur invisibilité forte » 8. .
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En effet, la nourriture, l’eau, le charbon (ou le gaz), les médicaments des enfants et les frais de scolarité sont des dépenses régulières, entièrement ou en grand partie pour les femmes. Ces activités génèrent dans l’ensemble des revenus plutôt faibles9.Ces types d’activité10 ne sont pas pris en compte comme réellement productifs et ils ne sont pas comptabilisés dans la
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4 Le microcrédit est un crédit à court terme de faible montant, consenti généralement à des personnes pauvres, pour les aider à conduire des activités productives ou génératrices de revenus. Au Bénin en février 2007, le Programme de Microcrédit aux Plus Pauvres (MCPP) a été lancé. Un programme spécifique visant l’autonomisation des plus pauvres dont une grande partie des femmes. Il arrivait à toucher 2000 femmes. Source : Microcrédit, pauvreté et autonomisation des femmes au Bénin 5 Adjamagbo, A., Gastineau, B., Kpadonou, N., Lebel, E., Gomez-Perez, M., & Brossier, M. (2016). Travail-famille : Un défi pour les femmes à Cotonou. Recherches Féministes, 29(2), 17-41. 6 Charmes, J. (2005). Femmes africaines, activités économiques et travail : De l’invisibilité à la reconnaissance. Revue Tiers Monde, N 182(2), 255-279. 7 (Gning 2013; De Vreyer et Roubaud 2013). Dans Adjamagbo, A., Gastineau, B., Kpadonou, N., Lebel, E., GomezPerez, M., & Brossier, M. (2016). Travail-famille : Un défi pour les femmes à Cotonou. Recherches Féministes, 29(2), 17-41. 8 Idem 9 Adjamagbo, A., Gastineau, B., Kpadonou, N., Lebel, E., Gomez-Perez, M., & Brossier, M. (2016). Travail-famille : Un défi pour les femmes à Cotonou. Recherches Féministes, 29(2), 17-41. 10 En terme socio-economique prendrent le nom de économie de soins (care economy). C’est-à-dire : La partie d’activité humaine, tant le matériel que social, qui est concerné par le processus pour le main-d’œuvre future et la population humaine dans l’ensemble, y compris le ravitaillement domestique de nourriture, des vêtements et l’abri.
rentrée nationale (PIB). C’est ainsi que « les taux de participation économique élevés se traduisent donc paradoxalement par une faible contribution productive. Pour cette raison les taux d’activité féminins sont encore loin de s’être traduits par des contributions au PIB ». 11 De plus, la pluriactivité est une caractéristique méconnue du travail féminin. L’évolution des réflexions sur le travail et des définitions qui en découlent, ont contribué à lever une partie du voile qui rendait évanescente leur véritable contribution productive12. Diner pendant la fete des femmes vendeuses
À ce propos, des autres termes à remettre en question dans ledu marché. Une fois par ans elles se reunissent. contexte étudié pourraient être ceux de «travail » et « population active ». Encore une fois ces termes se basent sur la définition de l’activité économique ou de la production par le Système de comptabilité nationale (SCN), qui donnent pour sousentendu un concept international». Par conséquent, l’activité économique, telle que mesurée par le PIB, est définie de façon encore trop restrictive pour reconnaître l’importance de la femme dans la structure économique d’un pays comme le Bénin13.
Les femmes et leurs activités informelles et/ou formelles sont donc le socle de l’économie et la société béninoise.
Largement invisibles dans l’économie du pays malgré leur évidente présence économique, les femmes sont également demeurées invisibles dans les études urbaines malgré leur présence dans la ville14. La relation entre pouvoir économique, espace urbain et position de la femme dans le territoire béninois mériterait un approfondissement que nous ne pouvons aborder ici de manière exhaustive. Cependant, suite aux recherches entretenues à Ouando, il est important de mentionner que les femmes ont en réalité une spatialité bien définie dans l’espace urbain béninois, mais peu visible au premier regard. 11 Idem 12 Idem 13 Idem 14 Masson, D. (1984). Les femmes dans les structures urbaines: Aperçu d’un nouveau champ de recherche. Canadian Journal of Political Science / Revue Canadienne De Science Politique, 17(4), 755-782.
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L’ESPACE DE VENTE COMME FORME D’ESPACE LIMINAIRE
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En observant les rues de Porto-Novo, il est difficile de ne pas remarquer ne pas remarquer qu’elles sont les principales usagères et « occupantes » des rues et marchés. Les femmes existent dans la ville, dans espace public , d’une manière spécifique. Elles entretiennent un rapport particulier aux divers événements lié à l›organisation spatiale des activités sociales. Dans les « structures formelles du pouvoir », même si elles sont principalement liées à la sphère des activités masculines, la présence des femmes est centrale15. Le fait que les femmes se rassemblent en communautés, renforce leur présence sociale et spatiale. Le cas du parking des tomates à Ouando, montre comme elles sont capables d’occuper et contrôler un espace urbain pleinement. Selon le terme de l’anthropologue belge Mathieu Hilgers on pourrait dire qu’elles génèrent des « espaces liminaires16 . Ces espaces répondent aux enjeux et aux débats locaux ainsi qu’aux besoins réels de personnes et ils sont gérés par un système de règle mis en place spontanément. Les espaces liminaires sont, de plus, présents quand une politique locale ne se fait pas garante des libertés et besoins des citoyennes, ce qui est de plus en plus le cas au Bénin.
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Le respect de l’espace de vente, à partir de l’emplacement individuel jusqu’aux plus grands systèmes marchands, montre la manière dont l’activité féminine arrive à influencer la forme d’un trottoir, l’espace du marché ou les équilibres d’un quartier. Elles contribuent au dynamisme et à la structure de la ville tout en étant les piliers du système économique béninois.
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15 Idem 16 Hilger dans ouverte « Espaces publics liminaires en contexte semi-autoritaire ».explique que : « En contexte semi-autoritaire, il n’y a pas un espace public uniforme et homogène. Il existe plutôt des espaces publics et ceux-ci ne sont pas toujours en relation entre eux. Il convient donc de distinguer l’espace public officiel des espaces publics liminaires. » Ce terme a le mérite de subsumer les qualifications multiples qui ont permis de décrire les espaces publics : espace public religieux, espace public oppositionnel, espace public périphérique, espace public officieux. Terme multiple, pour définir des espaces publics en contexte semi-autoritaire il propose six caractéristiques principales (ils sont des lieux de discussion, ils sont nombreux, ni tout à fait ouverts ni tout à fait fermés, porteurs de transformations sociales, porteuses d’une vision critique. Hilgers, Mathieu. « Espaces publics liminaires en contexte semi-autoritaire ». Sens public (Revue) 15 (2013) : 147‑63.
5.3 LE MARCHÉ AU BOIS ET LE MARCHÉ DES ANIMAUX ADONWÈLO ENCORE UN PEU PLUS LOIN D’autres activités de commerce se sont développées dans un rayon de 500 mètres autour du marché de Ouando. Le secteur privé est prédominant : une grande quantité de magasins et boutiques sont loués au rez-de-chaussée des maisons à un étage. Des grands secteurs de vente sont identifiables : la rue des fruits, le parking des tomates, le marché au bois, le marché des animaux. Ces derniers représentent des pièces importantes des dynamiques de vente et des mouvements liés au déguerpissement.
Situé à 400 mètres du grand portail du marché de Ouando se trouve un site aménagé à la vente de toutes sortes de bois et d’herbes médicinales. Ce lieu de commerce est la propriété d’un privé. Cependant, une organisation similaire à celle du marché de Ouando est mise en place. Un gestionnaire, Monsieur Ojelo, s’occupe de l’organisation générale et la récolte de taxes d’occupation d’environ 100 femmes. L’occupation correspond à 100 CFA par jour, 3 000 par mois, avec 10 000 CFA d’avance pour le droit d’attribution. Ce marché s’anime les jours du marché de Ouando, en devenant une véritable extension. La transformation du paysage du marché est radicale. Il est vide les jours de repos, et rempli les jours d’activité. Entre branches de palmier, copeaux de bois et charbon, quelques paniers de piment ou avocats font leur apparition.
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LE MARCHÉ DE BOIS
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DIFFICULTÉ À CHANGER Au moment du déguerpissement, sur le PV haut, la mairie invitait les vendeuses à se déplacer dans ce lieu pour continuer leurs activités. Certaines ont essayé, mais elles ne sont pas restées longtemps sur les places prévues pour elles. Une chose est de vendre dans la rue, une autre est de vendre dans un marché. On a déjà évoqué l’importance de la visibilité et des extrémités (voir chapitre 4.3 « Devant le marché »). Il faut aussi prendre en considération que nombre d’entre elles font référence à la protection et la bonne influence dont le marché dOuando est imprégné. Mais, avant tout, une autre raison simple limite la légitimité à occuper de nouveaux espaces de commerce : la perte des clients.
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Comment choisir entre la grande offre qui se propose quand tout le monde vend la même chose à un prix tellement bas qui ne permet pas de grandes variations ? Les habitudes, les relations sociales et l’honnêteté s’introduisent dans le choix. C’est pour cette raison, par exemple, que même au milieu des travaux, dans des conditions très précaires, les vendeuses se stabilisent au même emplacement. Il est inhabituel de bouger plus de quelques mètres et inenvisageable de concevoir un déplacement de quartier sans un premier ancrage. Comme l’exemple du parking de tomates le montre, l’organisation de l’espace de vente se fait en respectant et simultanément en exerçant un contrôle sur les commerçants à proximité.
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C’est pour ces raisons que le déplacement des femmes de rue n’est pas aussi « libre » et spontané qu’il n’y paraît. Même si on leur donne une autre possibilité comme dans le marché au bois (dans ce cas payante et plus chère, mais libre), elles ne perçoivent pas le nouveau lieu comme libre. Un nouveau centre de commerce ne se génère pas de façon aléatoire. C’est autre chose si, à la base du changement, se situait un conflit.
LA BATAILLE DU MARCHÉ ADONWÈLO À un kilomètre du marché de Ouando on trouve un bosquet avec, attachés aux arbres et à des poteaux de bois, des canards, des moutons et des cochons. C’est le marché des animaux d’Adonwèlo. Aujourd’hui complètement intégré dans le quartier, il garde encore le nom de l’époque où les confins de Porto-Novo ne l’incorporaient pas. Même si dans le marché bâti s’effectue la vente de poulets et coqs dans un hangar, Adonwèlo complète ce service devenant lui aussi une autre extension, en retraçant des limites encore plus larges. Mais le plus intéressant de ce marché est sa genèse. L’histoire de la fondation racontée pas une femme du marché est la suivante : « L’histoire du marché, on nous a dit, il y a un monsieur là-bas qui s’appelle « Dassi » et il vend du maïs. C’est son papa qui vendait du maïs à Ouando. Au moment où son papa vendait du maïs c’était au temps de « Ahomadegbe, Akpity »17.
17 On parle de Justin Ahomadegbe et Sourou Migan Apithy premier ministre et Président de la République du Dahomey de au pouvoir du 25 janvier 1964 – 29 novembre 1965, avant le coup d’État du général Mathieu Kerekou.
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[À l’époque] Ils déplaçaient les hommes de l’armée de Porto-Novo vers le marché Ouando. Et quand ces derniers arrivent dans le marché, ils avaient un grand bol/bassine de mesure « ayowa », qu’ils introduisaient dans le maïs pour prendre et emporter. Alors un jour ils étaient venus prendre le maïs comme ça alors que le vieux n’avait encore rien vendu depuis son arrivée18. Il a donc répliqué en disant que cela n’allait pas se passer comme ça et que personne ne va prendre son maïs. Alors la bagarre a commencé et ces hommes de l’armée avaient souvent des couteaux sur eux et puis ils lui ont tranché l’oreille.
18 La première vente du jour, même petite, à une importance particulière dans la vente au Bénin. Le fait de prendre la mais sans rien avoir acheté avant ça rapprends un mauvais signe.
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Mais lui il était sous l’autorité de « Avrankou », une commune après Adjarra, or ce furent des gens de Porto-Novo qui avaient fait la chose à Ouando. Il est donc allé dans sa commune pour se plaindre. Alors les siens lui ont dit, qu’ils ne peuvent pas aller régler un problème en dehors de leur territoire. Qu’ils devraient installer un marché pour eux mêmes. Et il est allé s’installer tout seul au bord d’une voie dans un quartier voisin
à Ouando «akônanbôè»19. Et puis des gens ont commencé par se joindre à lui un à un jusqu’à ce qu’ils deviennent nombreux et c’est alors que c’est devenu un marché. Quand les dirigeants ont voulu installer le marché définitivement, ils ont demandé quel nom ils doivent donner au marché et il a dit « adon wè lo » (c’est une bataille). Il a dit qu’il s’est battu pour en arriver là. »20
5.4 LE CONFLIT COMME GÉNÉRATEUR DE LIEUX DE VENTE « Nous nous reposons trop sur les taxes ! On ne réfléchit pas pour les personnes, mais pour les taxes. »
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L’expansion horizontale de la ville provoque depuis toujours des conflits d’intérêts, notamment sur la légitimité de la réception des impôts. La formation du marché Adonwèlo démontre comme ce débat existe depuis longtemps. La dispute sur le payement des impôts est révélatrice du problème autour des limites et de la propriété. À Adonwèlo, la controverse porte à la naissance du nouveau marché. Le conflit est sujet à bouleversement, mouvements, revendication et, dans ce cas, naissance d’une nouvelle activité économique. À la lumière de ces réflexions, des questions se posent : les conflits sont-ils possible comme générateur d’espace de vente ? Les déguerpis pourront-ils un jour revendiquer leur droit d’utilisation de l’espace partagé et créer de nouvelles forme de vente ?
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En même temps, ces énergies sont à la base de mécanismes d’échange, faisant partie d’un mode de vie caractérisant la vente en contexte béninois. Parce-que, comme dit le gestionnaire du marché de Ouando, s’il n’y a pas conflit, ça ne va pas !21
19 Le quartier où se trouve la Bibliothèque National 20 Traduction et transition de Muriel Mitchozounon. 21 Extrait de l’entretien à Geofroid Akowanou, Gestionnaire du Marché Ouando, interviewé en date 06.02.2018
5.5 HISTOIRE DE LA FORMATION DU MARCHÉ. L’HISTOIRE ORALE Plus de temps je passais à Ouando, plus les limites devenaient larges, invisibles et contraignantes. Pendant la dernière semaine de recherche, je me suis enfin approchée de la dimension sacrée, élément important du complexe appareil de règles et de comportements spatiaux du marché et du quartier. En passant du temps avec Madame Davo sur son sodji à côté du portail du marché, elle nous a conduits vers la collectivité du quartier pour connaître l’histoire du marché. Son mari, Monsieur Etèyéton Kouatonou[2], l’ancien chef du quartier et sage de Ouando, était la personne indiquée. L’installation du marché Ouando remonte à l’époque où le quartier était endehors de la ville. C’est ainsi que le sage et les anciens du quartier racontent l’origine de Ouando et du marché :
C’est resté longtemps comme ça jusqu’au jour où la place « avali » a été déplacée. Puis c’est devenu trois hangars, qui ont été déplacés au bord du goudron24. En ce moment on n’avait pas encore nommé l’endroit « wanou ». Il portait toujours le nom « kin sa tin». En ce temps-là, notre ville existait déjà avec ses habitants, il y avait déjà les places publiques, les places « zãgbétɔ ”, etc. Maintenant, le « Wanou » dont je parle là, c’est un « nago»25 qui chasse et vient vendre les viandes issues de la chasse dans notre ville, chez nous. Il 22 Traduction de Muriel Mitchozounon et Amandine Yehouetome 23 La Traduction littérale gungbè-français est : « ken = pierre, sà = vendre, tin = lieu, espace, endroit » 24 La route inter-Etats RNIE1 25 Air culturel se situant entre les villes/communes du Plateau telles que : Sakété, Kétou, Pobè, Ifangni.
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« Bon, notre Ouando n’était pas Ouando. On l’appelait « avali » (place /lieu public22). Il y avait un hangar, et les soirs les gens pouvaient aller acheter les condiments. Le « avali » là on appelait aussi « ken sà tin23» (lieu où se vendait la pierre). Il n’y avait pas encore Ouando en ce moment-là. C’est resté longtemps ainsi. Et ce fut un lieu où l’on pouvait acheter de l’akassa, ou du « ablo », ou bien du sel, ou bien du « ken » (pierre) avec lequel on allume du feu avant l’arrivé du briquet. C’est ça qui se vend là et c’est pourquoi on l’appelle « ken sà tin». Avant pour allumer du feu c’est le « ken » qu’on utilisait avec du briquet et donc on disait : vas à « ken sà tin».
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s’appelle « Wanou ». Et quand il faisait la chose [la vente de sa chasse], quand il vendait jusqu’à une heure tardive, il n’avait nulle part où passer la nuit. Alors il va passer la nuit chez une collectivité appelée « gbonhoué » (la maison de/des gbon ; chez les gbon). Il y passait plusieurs nuits, au point où les autres ont pris peur et ont commencé à s’inquiéter parce qu’ils ne lui connaissaient pas de famille. Donc ils étaient inquiets à l’idée qu’un étranger vive chez eux comme ça. Alors ils ont pensé à lui donner un petit espace sur un de leurs terrains qui était à proximité et il a accepté en disant qu’il pourrait construire « un petit quelque chose » (chambre/paillote…) où rester et que cela lui convenait bien. Ainsi aussi, qu’il n’aura plus à dormir chez eux.
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Alors ils lui ont montré le lieu. Et c’est ce lieu qui est la place « Wanou ». Ainsi donc il a construit une chambre. C’est une chambre de chasse hein ! Quand il finit de vendre, il dort dedans. Ils ne lui connaissent pas de la famille hein ! Seuls les noms des collectivités qui sont à Ouando sont là. Ils ne le connaissent pas ; ils ne connaissent aucun Wanou.
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Les choses étaient restées longtemps comme ça jusqu’à un jour où on l’a surpris en train de creuser un trou. Et on lui demandé, « que creuses-tu là, Wanou ? » et il a dit qu’il est en train de creuser un « do » (trou). Mais en fait c’est un puits qu’il creusait. Il a creusé ce puits pendant un moment et le puits a commencé à servir aux gens de la localité. Quand on puise un peu on a de l’eau. Et quand les gens avaient quelque chose à faire, ils allaient puiser l’eau là-bas. Il a fait une petite chose seulement et l’eau est arrivée. Alors les gens disaient : ah ! «Wanou do» (le trou de Wanou) a donné de l’eau ! «Wanou do» a de l’eau ! Et tout le monde allait puiser de l’eau là-bas. Les gens disaient, allez auprès de «Wanou do» puiser de l’eau. Aller puiser dans le « do » (trou/puits) de Wanou. Et toutes les maisons environnantes allaient puiser de l’eau à ce puits. À un moment donné quand le catholicisme a commencé et que la fête de l’Épiphanie est arrivée, les Anciens aménageaient le lieu pour y fêter. Même les cérémonies, les rituels de « vodoun », de « zãgbétɔ » se faisaient là. Toutes ces choses étaient là. Jusqu’à ce que les Anciens ont mis leur
marché. Donc le marché ne devait pas porter un nom. Mais à cause du puits, ils ont donné le nom « Wanou do » (le trou/puits de Wanou) là au marché. Donc c’est à cause de cette personne. Si vous avancez un peu maintenant vous allez voir la place. La place est encore là. Voici le goudron. Quand il est mort, c’est ici qu’on l’a enterré. La place publique qui est celle des habitants de Ouando c’est ça ici. Et le puits là, c’est quelque part ici. Donc quand de n’importe quel pays (Cote d’Ivoire, Nigéria, etc.) on dit je vais à « Ouando », c’est à cause de ce puits.»
LA PROTECTION DE L’AXILÈGBA
Derrière le portique, proche du couvent28, dans une maison, se trouve encore l’ancien puits creusé par Wanou. Malheureusement, comme le bâtiment a été vendu, un magasin de récente construction le recouvre. Cependant, l’esprit de l’ancêtre fondateur est dans la terre et le fétiche avec son sang est positionné dans un angle du portique, Wanou reste toujours le véritable propriétaire du lieu. Après avoir effectué la prière aux cinq fétiches au couvent et sous le portique, la cérémonie se déplace dans le cœur du marché. À l’intérieur
Photo du Lègba protreteur de Ouando dans sa case.
26 Le portique est une construction ouvert donnant sur un Honto (Place vodoun). Cet espace est de propriété de la maison familiale, mais c’est un espace tout le monde peut y passer. Par contre il est interdit d’ y marcher avec les chaussures et de s’assoir sur l’autel, généralement au centre. L’exemple de Ouando est encore une fois particulier, car il n’y a pas l’autel et il abrite des fétiches. 27 La parole Place trompe sur la vraie signification du lieu. Une Place est publique, un Honto est au contraire de propriété de la collectivité, mais sans barrières physique il peut être traversé par tout le monde. Un Honto est plus proche d’une espace communautaire qu’un espace public. 28 Le couvent vaudou est une structure où se déroule la formation des adeptes de la religion vodou. À ce propos existent des couvents de lignage, c’est-à-dire des couvents dont les vaudous sont familiaux, comme à Ouando. Cet espace est accessible seulement avec les adeptes. Au sein de ces couvents, les « prêtres » vaudous pratique des prières pour faire appel à la force surnaturelle de la divinité.
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Suite à la rencontre avec les sages du quartier, une cérémonie était programmée pour demander la permission de finaliser mes recherches sur le terrain. Le rite commençait dans le portique26 dédié à l’ancêtre fondateur sur le honto27 de la collectivité, ou « Place » Wanou. A cette occasion, j’ai pu me rapprocher des propriétés de la maison familiale Wanou, normalement d’accès interdit aux étrangers et rendre visite aux divinités de Ouando.
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de la clôture, dans une petite demeure fermée, se trouve la divinité la plus importante du marché, le Lègba29 ou Axilègba30 A la différence d’autres Lègba, celui de Ouando a la particularité de se trouver à l’intérieur d’une petite case construite à cet usage. À l’extérieur, devant la porte, un arbre signale la présence de l’Axilègba et en est son messager. Ceci est aussi une divinité du marché. De la collectivité à l’Axilègba, il y a un chemin précis à suivre. Normalement cela se fait en passant le portail principal, cette fois fermé à cause des travaux de la rue. Un autre parcours a été adapté à l’occasion. Une fois face à l’Axilègba, il faut toquer à une autre porte, cette fois invisible. La divinité peut choisir d’ouvrir ou fermer selon son souhait et ce que les ancêtres ont écrit.
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LA PLACE WANOU ET LE RETOUR À LA RUE
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À la fin de la cérémonie, nous sommes rentrés dans la maison du sage pour nous montrer la preuve écrite et la véridicité de l’histoire de Wanou (voir image #). Sur un papier rédigé par la mairie, les limites de la propriété de la collectivité Wanou sont rapportées Mais une chose paraît étrange : le honto Wanou a disparu. Le portique, normalement donnant sur un espace d’appartenance à la communauté (un honto justement), à Ouando donne sur la route RNEI1 ! Les limites du honto ne sont donc pas visibles, mais ce qu’ils délimitaient est encore présent. Leur existence et leur influence vont au-delà des limites concrètes, physiques, officielles. La preuve est que l’espace en question est sujet de litiges depuis longtemps, à cause de la vente de la maison. En 2012, une réunion avec les représentants de la collectivité, du quartier et en présence du maire de l’époque, a réglé définitivement la revendication sur la propriété de l’invisible « Place publique ». Le vrai débat est sur le litige entre la famille Wanou et l’administration qui ne reconnaît pas l’importance du patrimoine de la famille, devant les changements du quartier. Un patrimoine immatériel et donc difficile à revendiquer. Aujourd’hui la collectivité Wanou n’a pas de honto, la place est devenue la rue. « Mais la place est encore là avec toutes les divinités. Les anciens avaient déjà tout 29 Un lègba est une divinité vaudou très importante. Il est gardien d’une maison, ou d’une collectivité et on le trouve de la fondation d’un lieu. On peut le trouver aussi au croisement des chemins. Il prend en ce cas le nom de Tolègba, il est dans ce cas gardien d’un quartier ou un village. Il est représenté par une motte de terre surmontée d’un phallus, symbole de force et puissance. Dans tous les cas il est à l’origine d’un lieu. 30 Lègba du marché (Axi=marché)
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Plan du terrain de propriété de la famille Wanou. On peut bien remarquer comment la parcelle a été coupée par la route.
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Dans le portique de l’honto pendant la prière.
Les divinités de Ouando dans l’honto
La cour de la maison familiare
Le fetiches dans la cour .
L’arbre fétiche à l’intérieur du marché
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Honto Wanou
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écrit et normalement quand vous êtes arrivé, on devait vous emmener voir les choses sur la place. Les anciens avaient déjà tout fait, mais la construction des voies à fait que les choses ont été cassées. C’est pourquoi nous reprenons les constructions. Et nous allons tout reprendre. Normalement on devait vous emmener là-bas pour que vous lisiez les choses pour les mettre dans votre histoire. 31»
5.6 L’ESPACE ET LE CULTE L’AIRE CULTURELLE AJA-FON
L’expansion du culte vodoun va de pair avec l’extension de l’aire culturelle, car la migration de population de cette culture, était accompagnée et approuvée par des divinités. A la base de la fondation d’un nouveau village un chasseur partait à l’exploration accompagné par un fétiche. Le choix de rester ou pas se faisait via l’observation du territoire, ses ressources et l’accord de la divinité. Cet accord se basait souvent sur des révélations naturelles et étroit contact avec les ressources et les éléments naturels autour de lui. C’était le don du vodoun, le « vrai » propriétaire du lieu. Depuis, le surnaturel et l’humain coexistent dans le même espace33. L’histoire de l’origine de Ouando, suit parfaitement la trame de l’origine d’un centre urbain dans la culture aja-fon. Les ingrédients sont là : un homme, la vente, une ressource naturelle (eau) et la communauté. L’environnement et l’échange sont à la
32 Bierschenk, & Bierschenk, Thomas. (2007). Une anthropologie entre rigueur et engagement : Essais autour de l’œuvre de Jean-Pierre Olivier de Sardan (Recherches internationales). Paris: Karthala.
5 / AU DELÀ DES LIMITES CONCRÈTES
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Le Bénin fait partie de d’une aire culturelle vaste, qui va au-delàs des confins du pays. Elle correspond aujourd’hui à a partie méridionale du Togo et du Bénin, mais ses liens touchent jusqu’au Nigeria et le Ghana. Ce territoire prend le nom d’aire culturelle Aja-tado ou Aja-fon. Dans cette zone, le vodoun a une place prédominante. De manière approximative, le terme traduit : esprit surhumain, force, puissance ou divinité. Il correspond à un ensemble de croyances, de rites, de mythes à structure particulière, fondé sur des entités ou fétiches appelées vodoun ou vodou. Ces divinités sont organisées en familles, hiérarchisées en panthéon et dont les hommes essaient de se concilier la puissance ou la bienveillance. Plus qu’une religion, le vodou est un mode de vie32.
33 Juhé-Beaulaton, Dominique. « Organisation et contrôle de l’espace dans l’aire culturelle aja-fon (Sud-Togo et Bénin – XVIIe-XIXe siècle) ». Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, no 02 (24 décembre 2010).
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31 Suite de la conversation avec Monsieur Etèyéton Kouatonou en date 06.02.2018
base du marché et du quartier de Ouando. De plus, la vente, et l’exploitation de la ressource caractérisent également la zone. Mais même avant l’arrivée de Wanou, le lieu était un lieu (public) de vente, le kin sa tin34 . Avec l’activité de la vente, la creusement du puits et l’approvisionnement des riverains, l’urbanité de Ouando a grandi et s’est complexifiée jusqu’à devenir partie intégrante à la ville. Comme l’explique Dominique Juhé-Beaulaton, la nature et le développement d’un lieu semble être structuré selon la nature des activités humaines qui y ont été pratiqué. Celles-ci ont fait maitre des « limites », souvent immatérielles, invisibles, fluctuantes, qui permettent de juxtaposer différents catégories d’espaces, catégories qui cependant ne sont pas étanché35
. L’INFLUENCE DU VODOUN SUR LA PRATIQUE DE VENTE
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Le culte vaudou occupe donc une place importante dans la vie quotidienne et il est partie intégrante de la vie sociale, économique, culturelle et idéologique. La genèse d’un site, l’organisation de l’espace et du temps son prérogatives de divinités vodoun. L’exemple de l’alternance des différents «jours du marché», à la base de l’organisation de toutes les activités de vente, a déjà été évoqué. Ceci mérite d’être précisé sous une autre clef de lecture. En effet, à l’époque de l’ancien royaume Goun de Hogbonou, actuel Porto-Novo, les marchés avaient un cycle de 4 jours correspondant au calendrier des divinités protectrices yorubas36. Un marché s’animait donc seulement les jours correspondant à la divinité gardienne, qui assurait la bonne vente et affluence.
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La fortune d’un marché était (et est encore aujourd’hui) également liée aux sacrifices et offrandes faites au lègba du marché, l’Axilègba. Les cultes ne se font pas les jours du marché ni le vendredi ou le dimanche. Pendant ces prières, plusieurs sacrifices sont offerts au vodoun afin d’avoir sa bénédiction. Cette divinité est propre à la pratique religieuse des lieux de vente et des marchés. « Il y a un « lègba » dans le marché qui fait qu’il y a de l’affluence dans le marché. C’est pourquoi à votre arrivée vous devriez aller voir le « lègba ». Pourquoi il y a du monde, de l’affluence dans le marché ? Ce sont les Anciens qui ont fait, mais on ne peut pas tout vous dire 37» 34 C’est intéressant constater que dans l’histoire est considérer comme lieu public, mais de propriété du devin : l’avali. Cette information confirme les réflexions sur la propriété privé et public du chapitre 4.5. 35 Juhé-Beaulaton, Dominique. « Organisation et contrôle de l’espace dans l’aire culturelle aja-fon (Sud-Togo et Bénin – XVIIe-XIXe siècle) ». Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, no 02 (24 décembre 2010). 36 Videgla, M. D. K. (2001). Un état ouest africain: Le Royaume Goun de Hogbonou (Porto-Novo) des origines à 1908. Villeneuve-d’Ascq: Thèses/Presses universitaires du Septentrion. 37 Suite de la conversation avec Monsieur Etèyéton Kouatonou en date 06.02.2018
Ce vodoun est non seulement garant de la règlementation des normes sociales, mais joue également un rôle déterminant dans le règlement des litiges familiaux, l’apaisement d’autres vodouns en cas de crise. L’Axilègba de Ouando assure la protection des activités du marché, de la communauté des collectivités membres du quartier jusqu’aux champs qui approvisionnent le marché.
PATRIMOINE IMMATÉRIEL
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À la fin de ma recherche, après avoir exploré le marché et le quartier suivant différents points de vue, voici que je me retrouvais encore une fois sur la route RNIE1. Plutôt que définir les limites, mon expérience les avait multipliées et complexifiées, pour enfin revenir au point de départ ! Une fois apprises les origines du marché, avec la cérémonie à Wanou, j’ai continué mes recherches avec les vendeuses de pain. Le débat sur la propriété de la « place » Wanou a cependant confirmé que le lieu était central dans la problématique. La route (le formel) représente seulement des limites physiques qui ne correspondent pas avec celles propres au lieu (informel). Une chose avait changé : l’intérêt que ces femmes portent envers moi avait complément changé. L’attention que j’ai manifestée vers cette dimension invisible a permis de franchir une autre barrière. En regardant les travaux de la route, maintenant je ne voyais pas seulement la transformation d’un espace urbain et le dégagement des personnes, mais également la perte d’une histoire et d’un patrimoine immatériel.
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ACHILLE ZOHOUN Artiste paysager. Achille Zohoun est un artiste béninois sensible à l’espace public et au paysage. Il est actif dans le milieu, il a créé l’ONG ACP (Action culturelle et paysagère) pour sensibiliser les citoyens au respect des espaces publics; il est également en train d’écrire une thèse ayant comme titre « Monument mis en espace mis en paysage ». L’entretien a eu lieu à Cotonou au Centre culturel chinois en date 21.02.2018.
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Comme artiste, quel est votre point de vue sur les évènements actuels qui touchent à l’espace public au Bénin ? En quoi consiste votre travail et comment il touche à cette thématique ?
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Moi j’ai la tête dans l’art, j’ai les pieds dans le patrimoine et j’ai les mains dans le paysage. J’ai suivi une formation en paysage culturel et depuis je me suis intéressé à la question de l’espace urbain et l’appréhension paysagère. Ça m’a poussé à créer une ONG «Action culturelle et paysagère» qui a comme but de travailler avec les ressources culturelles pour redynamiser et redessiner le paysage, vers une dimension artistique à l’aménagement paysager, ce qui n’est pas de tout le cas pour le moment, dans la perception et l’action des urbanistes. C’est une approche totalement différente, les urbanistes aménagent «juste», mais moi j’ajoute la dimension artistique. En plus, je travaille aussi sur ma thèse sur la mise en paysage des monuments. Donc je travaille sur la notion de beauté des paysages africains et du point de vue des citoyens et autour de ça donc agir sur une série d’activités pour aménager un espace soit pour sensibiliser sur la pratique d’un espace. Depuis le déguerpissement, nous avons applaudi. Ce qui n’est pas le but de tout le monde. Les gens ne se plaignent pas pour ce qui est fait, mais ils se plaignent de la manière dont c’est fait et de la rapidité à laquelle ça a été fait. Tout le monde est persuadé que l’espace ne doit
pas être utilisé de cette manière-là. À ce jour, il n’y a pas une norme ou une loi qui définit l’utilisation de l’espace public. Celui qui a acheté sa maison, il se sent en droit de couper la voie, il force les usagers à passer sur la route (attention, ce n’est pas que les particuliers, ça va jusqu’aux institutions).
De l’espace dégagé, beaucoup est en train de devenir un espace pour garer la voiture avec un conséquent changement du paysage urbain, vous avez remarqué ça ? Si ça devient du parking ça c’est bien, mais le pire c’est qu’il devient de boutoirs. Le déguerpissement m’a beaucoup intéressé. J’ai pris beaucoup des photos pour voir quoi a été déguerpi, comment a été déguerpi et aussi ce qui n’est pas déguerpi. Et j’ai remarqué que tout n’est pas forcément “déguerpissable” ! Il y a des totems qui sont érigés d’autres non parce que c’est des forces donc il y a eu la peur de déguerpir certaines choses qui sont du domaine du sacré, érigées dans l’espace public... Il faut avouer que le problème est que l’espace public est privé jusqu’à quand il devient public. Tu sais que dans le village la priorité c’est les maisons, c’est des agglomérations dont on ne se sait même pas où est la limite, des collectivités. Et les cours sont presque communes, on passe dans une, puis derrière l’autre. Tout est ouvert. Les gens vivent comme ça jusqu’à ce que l’urbanisation décide des limites et les gens commencent à mettre les barrières, les murs, les coutures. Ça force les gens à se re-replier sur l’espace qui était privé d’abord, et qui devient public suite à l’urbanisation. Donc les gens se sentent toujours en droit de posséder cet espace.
C’est pour ça qu’ils occupent ces espaces dits «publics» alors qu’ils les aperçoivent comme privés ? Oui, ça fait quand même partie de leur intimité. On a une perception de privé même dans des espaces publics très mitoyens. C’est avec ce droit que je pense, même les institutions, chacun s’accorde certains privilèges en prenant une partie de ce domaine public comme appartenant à soi.
Je ne sais pas si cet endroit dont tu me parles est en lien avec le déguerpissement. Le déguerpissement est fait pour déplacer les gens sur l’espace des voies. Si c’est un projet de route il faut le dissocier du déguerpissement, je ne crois pas que les actions sont à mélanger. Si je dois parler des aménagements qui ont été faits à Cotonou, mon avis est que ce sont juste des échantillons. Mais la mise à l’échelle commence vraiment cette année suite au plan du gouvernement. Ce jardin a été fait pour donner un aperçu. Pour un citoyen cela peut plaire, mais pour moi c’est discutable surtout concernant l’endroit choisi. Par exemple à Houeyiho [voir image] là où il y a eu l’aménagement des rails du train. C’est peut-être beau, mais ce n’est pas là qu’il faut faire ça. C’est mon avis comme spécialiste sur le domaine et artiste avec un regard esthétique. Je ne dis pas que ce n’est pas beau, mais ce n’est pas sa place. Ce n’est pas ce qui doit être fait là. Ce qui me choque c’est qu’on a même mis des bancs publics très mitoyens au passage du train, ce n’est pas possible. Tu es entre le train et la voie, et si tu te poses là-bas ça te met en danger. Ce n’est pas de l’espace. Pour ma vision de l’aménagement se base sur, d’abord, faire une étude pour voir l’espace où il y a l’espace (pour faire la tautologie), et le penser. Et alors, dans des petits espaces comme ça, les définir.
Mon point de vue est le suivant : si tu fais de la mécanique et tu donnes du travail au menuisier tu es sûr de foirer. Je ne sais pas quel profil professionnel ont les gens qui ont participé au plan d’aménagement de ces espaces et s’ils sont des compétents.
Pourtant cet espace a été suivi par un plan d’aménagements… Je t’ai dit c’est des cobayes, d’expérience faite au ciel ouvert. Le domaine est petit, donc on peut rapidement voir l’impact. Et je n’en suis même pas sûr que ce soit moins cher que faire des grandes actions. Je ne sais pas. J’attends de voir les autres choix qui sont faits cette année. Il manque de l’aménagement artistique, actuellement c’est juste du mobilier urbain, de la verdure... Le patrimoine est une cause de développement ? C’est un sujet assez compliqué. L’enjeu du patrimoine dans le développement de la ville et sa mise en valeur ce sont des actions difficiles parce que je ne sais pas s’ils ont assez de poids pour influencer les décisions politiques. Donc au final tout le monde porte toutes les casquettes. [Discussion sur son projet de « radar environnemental » : projet artistique et de sensibilisation sur le domaine public. Le citoyen qui, avec un smartphone ou un appareil photo, voit quelqu’un qui commet une incivilité (jeter des poubelles, faire pipi..) le photographie. C’est une forme de contrôle en autodiscipline. Le résultat, un concours de photos, pour après l’exposer dans l’espace public en question.] Le fait d’aménager des petits jardins avec les bancs à côté de la voie ferré, comme ça a été fait, n’est pas une façon d’empêcher les gens de venir dans cet espace plutôt que de les inviter ? Tu penses que les gens vont s’approprier de ces nouveaux espaces «verts » ? Ces espaces déguerpis risquent de devenir quoi ? Leur utilisation après ? Deux possibilités : soit un espace de revanche, suivi par une réappropriation, soit un espace où il n’y a plus intérêt d’appropriation. Dans le deuxièmes cas, ils vont aussi manquer le respect et l’entretien et un abandon du lieu. Par exemple : pas loin de Houeyiho il y avait avant un marché qui s’anime seulement la nuit, le marché de Badahi. Les gens y allaient le soir, avec des petites lumières... ça a été également déguerpi. Je pense que c’est une perte de patrimoine. Une chose qui s’est
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C’est quoi votre opinion sur les premiers aménagements des espaces déguerpis ? À Cotonou on commence à voir se planter des petits jardins, des pelouses avec des plantes, mais à Porto-Novo, des arbres ont été coupés et arrachés pour agrandir la voie. Ces arbres étaient source d’ombre, de fraîcheur, donc d’activités au-dessous, en plus qu’être agréable au regard. Qu’est-ce que vous en pensez comme personne experte en perception du paysage urbain ?
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perdue. Maintenant, l’espace est vide et personne ne va le reprendre. On a parlé du fait que l’action de déguerpissement a été faite principalement dans les grandes-rues, d’une façon égale partout. Tu penses que cela a permis d’accroître l’animation dans ces rues et donc aussi la vie économique ? Si oui, il est possible que ce soit une conséquence indirecte de l’urbanisation de l’action de déguerpissement qui n’avait pas été prévu , mais qui dans la réalité est en train de changer la forme de la ville ?
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Tu sais, d’un côté c’est une autre erreur d’avoir fait l’action de déguerpissement en même temps dans toutes les villes. Beaucoup des femmes sont aujourd’hui à la maison, certaines devant la maison. Mais, le fait de l’avoir agi simultanément a fait que ç’a été égal pour tout le monde, sans grandes différences. Ça a permis de mélanger les cartes sur la table. Il y a eu une sorte de démocratisation et partage du mal. En plus, attention ! Pour certains, cette action a été bénéfique, par forcément les plus riches. Le but du déguerpissement était de libérer les grandes voies et les secondaires jusqu’à 10 mètres des carrefours. Il est possible que quelqu’un ait gagné dans cette action, les gens sont forcés d’aller plus à l’interieur, de changer. La culture de l’achat ici est fort liée à l’habitude, une vendeuse a ses clients fixes, et ils savent où et quand la trouver. Mais en mélangeant toutes les cartes sur la table, les actions changent aussi et l’économie s’est renouvelée.
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Dans la page à droite : les images de propagande du Ministère du Cadre de vie et du Développement durable et des photos prises en février 2018 de mêmes lieux. Source images : Site internet du Ministère du Cadre de vie et du Développement durable. http://www.permisdeconstruire. b j /c o m p o n e n t /c o n t e n t / article?id=121&Itemid=470
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6 / CONCLUSION LE RÉSUMÉ DE LA PROBLÉMATIQUE Au Bénin, les villes subissent un changement radical. Une de premières actions du nouveau gouvernement de Patrice Talon a été celle d’un grand « nettoyage » des rues. Au nom d’une ville plus propre et belle, une stratégie de déguerpissement de l’espace public a été mise en place. Cette action touche principalement le secteur informel (mais pas seulement !) dans lequel la plupart des personnes gagnent leur vie, et après un an, on peut déjà en observer les premières incidences socio-économiques et les changements sur le paysage urbain.
LES DEUX FACES DE LA MÊME MÉDAILLE
Le présent et le futur proche se profilent pourtant comme très incertains. En plus, la brutalité et le manque d’alternative rendent la pilule plus difficile à avaler. Un large sentiment d’injustice se fait ressentir à travers la population.
Prendre position face à une telle situation est ardu, car personne n’a tort et personne n’a
6 / CONCLUSION
D’un côté, cette politique a été largement appréciée par les citoyens pour son efficacité, des citoyens qui espè-rent qu’elle aura un effet sur le « développement » et la « modernisation » du pays. Elle est soutenue par les classes supérieures de la société béninoise et des pays voisins, ainsi que par les organisations internationales (Banque Mondiale, entrepreneurs investisseurs). Au premier abord, également les personnes dans les conditions les plus pauvres regardent le changement comme quelque chose de positif, parce que bénéfique pour les générations à venir.
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raison. Les variantes et les conditions sont tellement plurielles qu’ils rendent la problématique difficile à définir. La recherche de ce mémoire s’inscrit dans la volonté de comprendre la multiplicité des enjeux autour la politique de déguerpissement et le contexte béninois, spécifiquement porto-novien en l’occurence, par l’analyse du cas du quartier du marché Ouando.
DÉGUERPIR, DÉGUERPIS ET DÉGUERPISSEURS
6 / CONCLUSION
La problématique est que l’action de déguerpissement ne se limite pas seulement à la démolition des structures dites « informelles » (petites terrasses, constructions en tôle et béton, ou simples installations mobiles en bois), mais elle vise indirectement l’activité économique informelle. En d’autres termes, le système du commerce informel et les personnes qui l’incarnent, c’est-à-dire le 80 % de la population. Malgré ça, les autorités ne parlent pas de personnes, mais des structures ; ce qui ’est bâti illégalement sur une propriété (ou sur le domaine public) illicite est à démolir, ne prennant pas en compte le coté « humain » de la situation. Pourtant une ville est faite de personnes. On peut reprocher aux autorités de trop/mal penser à l’aménagement des rues, des trottoirs et des espaces verts, avant de trouver des solutions aux problèmes de ses habitants, comme si la ville était complètement vide.
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Notre recherche est abordée du point de vue des femmes, c’est-à-dire, la catégorie la plus touchée par le déguerpissement. Souvent positionnée sur les trottoirs ou dans les marchés, leur activité est capitale. Même si leur productivité n’est pas officiellement reprise dans les comptes de l’État, en garantissant toutes les dépenses quotidiennes des enfants et du foyer, les « mamans » assurent l’équilibre de l’économie béninoise. La limitation que la politique de déguerpissement impose à leur principale source de revenus aura nécessairement des répercussions sur l’ensemble de l’économie. Mais aussi, le déplacement des activités d’une rue principale à une rue secondaire ou à l’intérieur des ilots que cette politique génère, pourrait donner une nouvelle dynamique aux quartiers et une nouvelle forme de développement urbain. C’est cette prise de conscience qui manque aux autorités et au gouvernement encore actuellement. De plus, comme l’action a été menée simultanément dans toutes les principales rues des villes, une autre question se pose : la manière d’agir. Une première phase de
«sensibilisation» à inciter à l’ « auto-déguerpissement » ; selon une logique « vous pouvez le faire vous-même maintenant ou on le fera nous plus tard », sans réel choix, quasi imposé donc avec la force. Cette attitude risque d’arriver à toucher le droit à la libre expression ou la liberté de manifestation religieuse, la politique de déguerpissement touche toutes les échelles de la société. Cette manière d’agir porte à une grande confusion entre déguerpis et déguerpisseurs et paradoxalement, à l’auto-répression. Le terme même «déguerpissement» porte dans son évolution sémantique cette duplicité et ambigüité entre action passive et active. Avec le temps, le verbe « déguerpir » a subi un basculement de la forme intransitive « partir » ou « fuir » à celle transitive d’ « expulser ». Ce terme qui a accompagné l’histoire du territoire et des villes ouest-africaines fait désormais partie du vocabulaire courant et est lié de manière intrinsèque aux opérations de transformation urbanistiques les plus importantes et drastiques. Cette distinction mérite d’être soulevée, car les discours officiels ont tendance à se cacher derrière les mots. Les termes comme «développement», «modernité», «espace public» et «propriété» ont dans le contexte ouest-africain et béninois une valeur différente qu’en Occident. Néanmoins ces termes sont employés de manière globale, indistinctement du contexte, comme s’il y avait une seule signification et un seul point de vue.
La recherche avait pour but d’analyser un espace limité, sujet aux changements urbanistiques liés à la politique de déguerpissement mise en oeuvre à Porto-Novo. Le quartier du marché de Ouando nous semblait adapté pour aborder ces questions, par sa position et fonction économique dans la ville. Le fait qu’il se développe le long d’une des principales infrastructures routières du pays, la route RNEI1, en faisait un cas d’étude intéressant. Depuis 2017, cette route fait l’objet de grands travaux d’aménagement et de réhabilitation, projet rentrant dans le programme d’actions «Bénin révélé» du président Talon, rendu possible grâce aux aides internationales. Cependant, assez rapidement, se limiter au seul « goudron » n’était pas suffisant. Les liens matériels (marchandise, espace de travail, personnes, argents), et immatériels (droit d’occupation, déplacements, alternance et temporalité) ont porté à élargir le champ. Un basculement du regard de la rue RNEI1 vers le marché de Ouando -
6 / CONCLUSION
POINTS DE VUE
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c’est-à-dire du dehors au-dedans et en suite du dedans à ses contours – s’est avéré nécessaire pour pouvoir aller en profondeur dans la recherche.
6 / CONCLUSION
J’ai vite remis en question également mes outils de travail, suite aux échanges avec les personnes sur place. Une femme au marché, en regardant le plan Google Maps de la route que j’avais imprimé sur un A4, m’a demandé si les toits des maisons étaient des taxis motos. C’est à ce moment que j’ai réalisé que nous ne regardions pas la ville de la même manière. Je suis descendue de l’imaginaire « avion » (vue d’en haut) des architectes et urbanistes pour me retrouver à la vision piétonne de la réalité. Effectivement, je comptais plus de taxis motos que de maisons autour de moi. J’ai alors essayé de dessiner ce qu’elle voyait. Une ville africaine s’observe et se comprend en perspective. L’utilisation du dessin et l’échange oral ont alimenté mon travail. Ils m’ont, par exemple, aidé à traiter certaines thématiques clefs, comme celle de l’espace public et de la propriété privée. La signification de ces termes en contexte béninois fait appel à des valeurs différentes que celles « euro-occidentales ». Beaucoup plus proches, dans le cas de l’espace public, des concepts de communs ou d’espaces partagés, ils sont liés à une autre manière de construire la ville. En suivant l’organisation traditionnelle des collectivités et d’un système lignager, les limites de telles agglomérations sont bien définies1. Puisqu’elles appartiennent à plusieurs personnes, ces propriétés se construisent autour d’espaces partagés, qui peuvent sembler publics, quand ils sont en réalité (si l’on se réfère à notre conception de ces termes) privés. Cette organisation constitue la base de l’urbanisation d’une ville comme Porto-Novo. Les règles traditionnelles sont encore très respectées, bien que la démocratisation du pays, et donc l’organisation de la gestion de son territoire, ait « transformé» certains de ces espaces privés en espaces publics dans le sens occidental du terme. Dans la logique des autorités, l’espace public est un espace à personne (puisque public), et ils nient donc l’idée qu’il soit aussi l’espace à tous. Pour cette raison, l’État revendique la proprieté de tels espaces autant que les personnes revendiquent le droit de les occuper. En changeant encore une fois le pont de vue, on peut affirmer que l’espace public -tel que dans la conception du dictionnaire- au Bénin, n’existe pas.
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Le fait de franchir les frontières de la route au marché m’a permis de voir plus en profondeur tous ces aspects et de les affronter suivant plusieurs points de vue. La richesse et la pluralité d’un lieu comme le marché Ouando et ses alentours étaient un scénario idéal pour aborder la thématique choisie et prendre conscience de sa complexité. 1 Pas pour un œil pas habitué.
L’EXEMPLE RÉVÉLATEUR DU MARCHÉ DE OUANDO
Dans le marché l’espace est utilisé au maximum de son potentiel ; même l’espace vide prend une valeur réelle. Avoir un espace de vente au marché a une véritable valeur, au même titre qu’une propriété. Les droits traditionnels et la maitrise foncière se mélangent dans l’utilisation de ces espaces : avoir une boutique dans le marché est une valeur rare, car elles sont limitées et la gestion passe de mère en fille. Cependant, ils n’assurent pas un revenu quotidien, surtout à l’intérieur du marché. Aux extrémités du marché bâti, les affaires sont meilleures ; une relation s’instaure avec l’extérieur du marché, qui augmente les échanges entre le formel et l’informel, et entre déguerpis et non déguerpis. Mais tout espace de vente, qu’il soit formel ou informel, est à un moment taxé. L’enquête
6 / CONCLUSION
Me pencher sur une situation qui n’est pas directement touchée par la politique de déguerpissement a le mérite de permettre un regard critique, plus sensible et en même temps plus « pragmatique » à la problématique affrontée. Malgré l’action forcée de deguerpissement et les travaux de la route RNIE1, la vie continue à Ouando, mais beaucoup de petits chargements modifient le quotidien de gens. C’est ainsi qu’une femme qui vendait du pain depuis 30 ans devant le marché se retrouve aujourd’hui à la maison. L’addition de ces grandes et petites altérations, peuvent transformer le panorama d’un quartier, voire d’une ville. En rentrant dans le marché, il m’a fallu apprendre de zéro un système d’échange, des règles et des coutumes. Ouando a été un terrain idéal d’expérimentation et de compréhension dans ce sens. Comme quelqu’un qui marche sans une vraie destination, tout était important et méritait réflexion. Le besoin de définir physiquement l’espace est devenu un objectif d’analyse ; les limites du marché et ses connexions avec la route sont devenues le but de la recherche. Mais comme les limites d’un tel espace sont à la fois définies et fluctuantes, petit à petit du centre du marché bati j’ai elargi le champ d’action pour identifier d’autres parties de Ouando, d’autres espaces liminaires qui ont contribué à la compréhension des implications socio-spatiales de la politique de déguerpissement. En abordant le marché par plusieurs points de vue, un cadre général s’est lentement profilé. Une espace non sujet à l’action de deguerpissement en subissait visiblement les effets, comment donc définir les limites de cette action et de son objet, « l’espace public » ?
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du devant du marché (PV haut) a mis en lumière l’ambigüité de la gestion locale et les faiblesses de la décentralisation. Les revenus des impôts liés à l’occupation des espaces public étaient depuis toujours gérée par les autorités locales. Cette gestion intégrait l’économie informelle. Observer pendant trois semaines, jour après jour, les mouvements sur le devant du marché m’a aussi permis d’être concrètement en contact avec les réactions d’une population qui se confronte aux changements liés aux actions du gouvernement, et d’être notamment témoin de la « disparition » d’une partie de cette population, les vendeuses de pain du goudron. La route RNIE1 définit une claire hiérarchie spatiale dans le quartier. Elle est le point de convergence, le « devant » de tout. Autant le devant du marché est bouleversé et instable, autant les « derrières » ont le mérite d’être laissés tranquilles. Le PV bas nous montre comment une extension du marché est non seulement permise de ce côté, mais complétement intégrée au marché même, jusqu’à redéfinir la maille urbaine. Le “parking de tomates” démontre quant à lui comment un lieu de nature publique, géré complètement par une organisation parallèle aux pouvoirs locaux, peut très bien fonctionner. Le système pyramidal du comité des femmes qui est à la tête de la vente de tomates à Ouando en est la preuve. Son influence ne se limite pas au marché ni au quartier, mais il touche à l’échelle de la ville jusqu’à entretenir des relations aux échelles nationale et internationale. Le fait que la gestion de cette structure soit uniquement féminine confirme la position centrale que les femmes occupent dans l’économie béninoise. Cette réalité est sous-estimée par le gouvernement Talon, qui ne leur propose pas, dans le cas du déguerpissement, d’alternative pour continuer leur activité. Toucher à cette partie de la société signifie risquer d’affaiblir une partie de l’économie du pays.
6 / CONCLUSION
Le marché au bois et le marché Adonwèlo montrent pourtant que d’autres lieux de commerce peuvent être développés. Même si les changements de lieux de vente sont mal vus et difficiles à assumer, dans la situation actuelle générée par l’action de déguerpissement, cela pourrait s’avérer nécessaire, surtout si une grande quantité de personnes se retrouve dans la même situation. Ces deux exemples donnent l’espoir que le conflit autour la politique de déguerpissement puisse créer d’autres lieux de vente.
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Pour finir, la rencontre avec la dimension sacrée à Ouando a confirmé l’importance des limites non physiques de l’espace. L’Histoire, le patrimoine et la tradition ne font pas partie du passé, mais ils sont au contraire très influents et présent. Invisibles au premier regard, ils déterminent beaucoup de choix et mécanismes qui régissent le quotidien, au marché et dans le quartier. Ce côté invisible, évidemment difficile à saisir, est lui aussi, mal pris en considération dans les
6 / CONCLUSION
stratégies de développent urbain. Il a cependant une influence évidente dans l’espace urbain et mériterait d’être reconnu et, si pas mis en valeur, au moins respecté. La destruction d’une partie de la « place » Wanou, du nom de l’ancêtre et divinité de Ouando, effacé pour laisser place à l’urbanisation, est un exemple significatif des conflits que la nonprise en compte de cette dimension génère. Cet épisode boucle la recherche en ramenant l’attention à au point de départ : la RNIE1 et la problématique des travaux sur la route.
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