A/R magazine voyageur

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A/R magazine voyageur — 3

Directeur de la publication Michel Fonovich mfonovich@ar-mag.fr Rédactrice en chef Sandrine Mercier smercier@ar-mag.fr

l’édito

Sandrine Mercier

Directeur artistique Albéric d’Hardivilliers alberic@ar-mag.fr Reporter Christophe Migeon cmigeon@ar-mag.fr Maquette Léopoldine Solovici Journaliste Camille Rustici Stagiaire Margot Boutges Diffusion MLP Service des ventes (réservé aux professionnels) Vive la Presse 09 61 47 78 49 Publicité A/R publicité pub@ar-mag.fr B&H régie bhanicotte@bhregie.com 06 12 98 51 05 Imprimeur Agir Graphic – Laval

Les aventures d’A/ R A/R magazine voyageur 1 rue du Plâtre — 75004 Paris 06 87 83 22 56 / www.ar-mag.fr Publication bimestrielle Prix de vente : 5,50 € Édité par les éditions du Plâtre SAS au capital de 10 000 € Siège social : 1 rue du plâtre — 75004 Paris R.C.S : 523 032 381 / ISSN : 2108-3347 CPPAP : 1015K90544 © A/R magazine voyageur La reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiées dans ce magazine est interdite. Image de couverture : © Mary F. Calvert / Corbis

« À huit ans, je voulais être Tintin », confie Erik Orsenna avec le sentiment d’y être parvenu sur le tard depuis qu’il sillonne le monde en long et en large pour mieux le décrire dans ses livres. À son crédit, il faut dire qu’il écrit davantage que le célébrissime reporter qui n’a rédigé qu’un seul reportage au cours de ses tumultueuses aventures, pas de quoi prétendre un jour entrer à l’Académie française. Vous me direz que Tintin ne voulait pas d’un fauteuil sous la Coupole. Être assis à la rigueur, mais sur un dromadaire, dans un Boeing, dans un cargo, dans une fusée, dans un train … Justement, à bord du très chic train Eastern & Oriental Express qui relie Singapour à Bangkok, il aurait pu rencontrer la Castafiore pendant que le capitaine Haddock aurait bu quelques verres de whisky au bar. Au Bhoutan si proche du Tibet, il aurait eu une pensée pour l’abominable homme des neiges, à Belfast, il aurait résolu l’affaire Titanic, dans quelque château du Périgord, il aurait découvert au fond d’un passage secret, le trésor d’un noble et riche aïeul. Tintin aurait pu faire tout ça mais comme A/R l’avait fait, il a préféré encore lire ces aventures dans le magazine. Nous sommes flattés de le compter parmi nos lecteurs. Je vous embrasse, Sandrine

Retrouvez l’équipe du magazine le 9 mars à partir de 18h00 pour fêter la sortie de ce numéro à la galerie ACERMA, 22 Quai de Loire – 75019 Paris n°11 / mars — avril 2012


4 — A/R magazine voyageur / carnet

au sommaire dans ce numéro #11 — mars / avril 2012

Regards Jérôme Blin & Charles Delcourt

06

Carnet L’entretien Erik Orsenna Actus Nos adresses Bric-à-brac Culture Archi / Livres / Ciné/Agenda/Zoom

10 14 16 18 19

Partir Week-end France /  Périgord Portfolio  La Virgen De La Candelaria Belfast Les fantômes de Belfast Bhoutan Voyage au pays Brokpa Eastern & Oriental Express Voyage dans un train mythique

26 30 36 42

Portfolio : Nadège Gaillard (P.30) mars — avril 2012/ n°11

74 80 82

Bazar Miam-miam L'Aubrac servi sur un plateau Heureux qui comme Sarah Dewalibi Tourista Lourdes-Land, parc d'apparitions Le guide du queutard Le mariage à la demi-heure Carnettiste Charline Picard Carte Postale Julien Blanc-Gras à Rio

88 92 94 95 96 98

54

Durable Actus Nouvelles fraîches mais durables De l’air

Petites distances, grands plaisirs Parc National Cinque Terre  /  Italie C’est quelqu’un  Damien Artero Passage à l’acte

Contributeurs : 70 72

Julien Blanc-Gras (JBG) / Alex Crétey-Systermans (ACS) / Laurent Delmas (LD) / Jean-Luc Eyguesier (JLE) / Antonio Fischetti (AF) / Nadège Gaillard (NG) / Jean-François Mallet (JFM) / Anne-Cécile Perrin (ACP) / François Salomon (FS) / Albert Zadar (AZ)

Eastern & Oriental Express: Malaisie / Thaïlande (P.54)

Parc national : Cinque Terre, Italie (P.74)


6 — A/R magazine voyageur / carnet

regards

Monteze (Gard)

Jérôme Blin —

Jérôme développe un travail mêlant l’intime et le documentaire au sein du collectif de photographes Bellavieza. Il concilie ses travaux personnels avec des commandes pour la presse nationale (Le Monde Mag, Viva Magazine, La Croix) et le secteur culturel. Différents séjours l’ont amené au Liban, au Togo, en Chine, au Québec, aux états-Unis et encore au Sahara Occidental mais c’est aussi dans son quotidien qu’il voyage et offre des histoires sensibles à qui veut les regarder. www.bellavieza.com

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carnet L’entretien : Erik Orsenna Livres : Conrad par Olivier Weber Agenda: Plonk et Replonk exposent N°11 mars /avril

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l’entretien

erik orsenna à 8 ans je voulais être Tintin ! un jardin zen bien ratissé , des marionnettes dégingandées du mali, des maquettes de bateaux … on entre chez erik orsenna et le monde nous saute à la figure . l’écrivain académicien marin nous reçoit dans son repaire de la butte aux cailles à paris.

Entretien : Sandrine Mercier Photos : Alex Crétey-Systermans

Erik avec un K, on songe à Erik le Rouge, l’explorateur norvégien du Groenland au Xe siècle. Vous a-t-il influencé ? Oui, je pense que ma mère a eu un amant suédois (rires). Je me suis engouffré dans cette brèche des navigateurs hardis. J’aime bien me mettre sous le patronage de cet Éric avec un K.

graphie. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours eu envie de me balader, de regarder la planète. J’avais envie d’être géographe. Aujourd’hui j’essaie de dessiner et d’écrire la terre.

parce qu’on ne lui aurait pas donné d’argent. Mais en même temps, s’il n’avait pas menti, il n’aurait rien découvert. J’aime bien cette idée que c’est par le mensonge qu’on apprend la vérité.

À Hispaniola puisque c’est ainsi qu’on Vos nouvelles initiales sont E et O comme nommait Haïti, les conquérants se sont Est et Ouest, encore de la géographie ? Absolument et j’ai créé une petite société montrés particulièrement cruels à l’égard qui s’appelle Héaux. C’est le nom du des Indiens. D’où vient à votre avis Si ce prénom avait terminé par un C, phare qui est près de chez moi dans l’ar- cette fureur exterminatrice qui ne faisait est-ce que votre destin de voyageur chipel de Bréhat et je me suis rendu que commencer ? en aurait été changé ? Non, il a été C pendant un moment puis compte que ça faisait aussi E-O. J’aime C’est assez étonnant. Un explorateur est K à d’autres. J’aime bien jongler avec les bien les signes, les correspondances, les content quand il découvre. Et généralenoms. J’ai d’ailleurs un pseudonyme et échos. J’ai une base rationnelle, mais il y ment, c’est magnifique avec des gens ça donne beaucoup de liberté. Je trouve a tout de suite le désordre et le baroque plutôt doux, mais comme Christophe Colomb avait promis à ses investisseurs assez désagréable l’idée de mourir, mais qui arrivent là-dedans. encore bien plus désagréable l’idée de de rapporter de l’or, il dû forcer les n’avoir qu’une seule vie. Donc, j’ai plein Toujours d’est en ouest, on va reprendre Indiens à trouver de l’or encore et encore car il en avait besoin pour continuer de de vies dans ma vie. le trajet suivi par Christophe Colomb voyager. Je trouve ça insensé que ce petit pour découvrir les Indes. truc jaune et un peu mou passionne les Le pseudo Orsenna évoque d’autres rivages, Quelle erreur ! Ou quel mensonge ! J’adore ça parce que c’est vraiment la gens. J’aime les différentes matières preceux de Julien Gracq ? Parce que j’aime bien Graq mais aussi même définition que le roman, pour Ara- mières parce qu’elles racontent des hisparce que je me sens vraiment géographe. gon, c’est le mentir vrai. Si Colomb toires, mais l’or franchement, ça ne Si j’étais quelque chose, ça serait la géo- n’avait pas menti, il ne serait jamais parti m’intéresse pas.

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carnet / A/R magazine voyageur — 11

n°11 / mars — avril 2012


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bhoutan Voyage au pays Brokpa

aux confins de la chine et de l’inde, s’accroche un royaume perdu dans les nuages longtemps oublié du monde. tout à l’est du pays, dans une région plus isolée encore puisqu’elle ne s’est ouverte aux étrangers qu’en

2010,

les brokpas, petit peuple d’éleveurs de yaks s’extirpent doucement de leur isolement.

Texte & Photos : Christophe Migeon

p

eu de pays dans le monde font autant saliver que le Bhoutan. Serait-ce parce que ce pays à califourchon sur l’Himalaya s’est à peine laissé effleuré par les doigts griffus de la modernité ? Qu’on y croise plus de chiens que de voitures, moins de nouveaux riches arrogants que de lamas légers comme la cendre et que dans le regard des gens, on croit voir le beau temps ? Ou peut-être aussi que les droits de séjour parfaitement extravagants – 250 $ par jour – laissent augurer d’un pays de cocagne où coulent le lait et le miel ? En tout cas, la longue route sinueuse qui mène en quelques jours de l’aéroport de Paro tout à l’ouest, jusqu’aux terres des Brokpas tout à l’est, laisse le temps de s’imbiber doucement de petits gorgeons de bonheur : le tourbillon des vêtements traditionnels – le gho pour les hommes et la kira pour les femmes – qui, malgré un assouplissement récent du driglam namzha, le code de conduite du bon citoyen bhoutanais, sont encore très largement répandus ; la sérénité des dzongs, ces temples-forteresses accrochés on ne mars — avril 2012/ n°11

sait comment aux flancs d’une falaise improbable, et qui semblent prêts à basculer dans le vide à la moindre bourrasque ; les troublantes décorations ithyphalliques qui se dressent, gland impérial et bourses joufflues, sur les façades des maisons et les arrosent d’une laitance généreuse supposée apporter prospérité et large descendance aux occupants. À moins que ces verges rupestres ne soient une allusion à Drukpa Kinley, fameux lama du XVe siècle, qui plutôt gâté par la nature, chassait les démons à coups de phallus …

Sur les pas des Brokpas

Au bout de la route, il y a le pays brokpa. Le bout de la terre, le bout du bout, le bout du Bhoutan. Longtemps interdite aux étrangers en raison de l’éphémère guerre sino-indienne qui, dans les années 1960, y avait semé quelques carcasses d’obus et d’hélicoptères, la région s’est finalement entrouverte au tourisme en 2010. Les premières personnes croisées sur le sentier annoncent un peuple foncièrement différent des Drukpas


partir / A/R magazine voyageur — 43

n°11 / mars — avril 2012



à bord de l’eastern & oriental express Voyage dans un train mythique, de Singapour à Bangkok

Parmi toutes les façons de rallier Bangkok au départ de Singapour, il en est une plus luxueuse, plus chic, plus lente et plus gastronomique que toutes les autres. Cette façon tient en trois mots : Eastern & Oriental Express, et en vingt-trois voitures tirées par une locomotive placide. En voiture ! Texte : Albert Zadar

Photos : Alex Crétey-Systermans


bazar Miam-Miam : L’Aubrac sur un plateau Tourista : Lourdes-Land Carte Postale : Favela Chic N°11 mars /avril

2012


98 — A/R magazine voyageur / bazar

Carte postale du Brésil

« favela chic » Signée Julien Blanc-Gras Journaliste de profession et voyageur par vocation. Il a publié Touriste au Diable Vauvert.

Cher A/R,

Je vais donc tricher et te raconter mes impressions sur mon séjour à Rio à l’automne dernier. Un magazine m’avait envoyé là-bas pour faire un reportage tourisme avec un angle imposé très original : « samba, caïpirinha et capoeira ». J’ai écrit le sujet commandé (il faut bien vivre) mais je suis aussi allé voir ce qui se passait dans les favelas. Parce que ça change à ce niveau-là. Je m’étais déjà rendu à Rio en 2008. À l’époque, il n’était pas raisonnable de pénétrer dans les favelas sous contrôle des gangs sans prendre le temps d’établir des contacts permettant d’assurer sa sécurité. J’avais donc pris le parti honteux de m’embarquer dans une favela tour à Rocinha, le plus grand bidonville du continent, avec l’excuse de ramener un mars — avril 2012/ n°11

« À deux pas d’Ipanema, la petite favela de Cantagalo est désormais praticable. Je peux m’y promener seul avec un appareil photo autour du cou sans problèmes.  » reportage sur ces promenades touristiques chez les pauvres. J’avais croisé des types avec des t-shirts déchirés et des fusils à pompe, qui ne m’avaient pas accordé un regard : le service d’ordre des narcos. Le tour operator local garantissait la sécurité de ses touristes en arrosant les gangs, bien qu’il s’en défende. Depuis, les autorités ont entrepris de pacifier (c’est la terminologie officielle) certains de ces quartiers. La coupe du monde et les Jeux olympiques approchent, il faut nettoyer tout ça. En 2010, le Complexo do Alemao a été repris à

grand renfort de tanks et d’hélicoptères. En novembre dernier, Rocinha est passée sous contrôle sans qu’un coup de feu soit tiré. Fin d’une époque. À deux pas d’Ipanema, la petite favela de Cantagalo est désormais praticable. Je peux m’y promener seul avec un appareil photo autour du cou sans problèmes. Ici, la pacification s’est accompagnée de programmes sociaux censés changer la vie. On a construit un ascenseur qui évite aux habitants de monter des centaines de marches quotidiennement pour aller de leur travail à leur domicile. Je traverse un centre communautaire avec des ordinateurs neufs et des salles de sport. Il y a une piscine. En discutant avec la population, on perçoit toutefois quelques bémols. Le prix de l’immobilier a explosé. Un rasta dénonce un coup de communication politique, de la poudre aux yeux qui ne s’attaque pas au fond du problème social. On a juste changé de régime. Et avec le niveau de corruption de la police, certains ne sont pas sûrs d’avoir gagné au change. Du point de vue du visiteur, on peut savourer l’atmosphère du quartier en toute tranquillité. L’authenticité sans la violence. Au sommet de la colline, on surplombe la ville et des gamins souriants dirigent leur cerf-volant dans le ciel de Rio. C’est magnifique. On dirait une favela-témoin. Um beijo, Julien

Illustrations : Le Duo

Je t’écris de Bourg-en-Bresse, où l’on mange de très bonnes cuisses de grenouille. La préfecture de l’Ain est un endroit fascinant. On y trouve notamment la fameuse église de Brou et sa façade Renaissance derrière laquelle repose Marguerite de Bourbon. La ville natale de Laurent Gerra est également connue pour sa politique volontariste en matière de déplacement durable ; on compte 24 kilomètres de pistes cyclables dans cette cité où règne un climat de type semi-continental. On ne va pas se mentir plus longtemps : je n’ai rien à raconter sur Bourg-en-Bresse, ce texte doit remplir une page et tu n’aurais pas tenu un paragraphe de plus sur ce ton-là.


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