A/R magazine voyageur — 3
Directeur de la publication Michel Fonovich mfonovich@ar-mag.fr Rédactrice en chef Sandrine Mercier smercier@ar-mag.fr
l’édito
Sandrine Mercier & Michel Fonovich
Directeur artistique Albéric d’Hardivilliers alberic@ar-mag.fr Reporter Christophe Migeon cmigeon@ar-mag.fr Maquette Léopoldine Solovici Journaliste Camille Rustici Stagiaire Margot Boutges Diffusion MLP Service des ventes (réservé aux professionnels) Vive la Presse 09 61 47 78 49 Publicité A/R publicité pub@ar-mag.fr B&H régie bhanicotte@bhregie.com 06 12 98 51 05 Imprimeur Corelio Printing – Belgique
deux ans de vacances A/R magazine voyageur 1 rue du Plâtre — 75004 Paris 06 87 83 22 56 / www.ar-mag.fr Publication bimestrielle Prix de vente : 5,50 € Édité par les éditions du Plâtre SAS au capital de 10 000 € Siège social : 1 rue du plâtre — 75004 Paris R.C.S : 523 032 381 / ISSN : 2108-3347 CPPAP : 1015K90544 © A/R magazine voyageur La reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiées dans ce magazine est interdite. Image de couverture : Jean-Baptiste Nemri
Douze numéros. Deux ans. Deux ans déjà. Aux yeux de ses parents, bien sûr, c’est toujours le plus beau des magazines de voyage. Dire qu’ils en sont gagas n’est pas exagéré. Dire qu’ils sont un peu fatigués n’est pas mentir, car le petit ne fait pas toutes ses nuits, mais qu’importe, le bonheur l’emporte. Et ils sont prêts à se dévouer pour le voir grandir numéro après numéro. Ils savent qu’ils peuvent compter sur la famille : Christophe Migeon, l’increvable reporter qui fait passer Tintin pour un cul-de-jatte, Albéric d’Hardivilliers, le directeur artistique qui envoie du bois (ou du steak), JeanFrançois Mallet qui régale avec ses photos et ses recettes, Matthieu Raffard, portraitiste hors pair, Jean-Luc Eyguesier qui rêve d’architecture, Laurent Delmas qui fait son cinéma, Antonio Fischetti, passionné par la géographie et son point G, Alex Crétey-Systermans qui fait du Alex (et qui le fait bien), Albert Zadar qui quelquefois s’égare, Camille Rustici, responsable et durable, Julien Blanc-Gras qui nous écrit des cartes postales rigolotes, David Lefranc qui a l’œil affûté, Lucas Lahargoue, un cas à part, Léo Solovici en solo ou en duo. Et tous les autres qui se sont penchés avec bienveillance sur A/R. Merci à tous. Et merci à nos lecteurs. Sandrine & Michel
Pour fêter le n°12, retrouvons-nous le 16 mai à 19h à la Galerie Impressions autour de l’exposition de Jean-Baptiste Nemri « Mother India ». 98 rue Quincampoix, Paris IIIe. n°12 / mai — juin 2012
10 — A/R magazine voyageur / carnet
l’entretien
lilian thuram nous sommes tous des afros Sélectionné 143 fois comme défenseur en équipe de France, Lilian Thuram passe à l’attaque pour lutter contre le racisme. Commissaire de l’expo « Exhibitions » au quai Branly, il vient de sortir un manifeste pour l’égalité aux éditions Autrement. Coup d’envoi de l’entretien. C’est pas tous les jours qu’on rencontre un champion du monde de foot !
Entretien : Sandrine Mercier Photos : matthieu raffard
J’avais envie de commencer Amériques et ramène des Amérindiens à la cour d’Espagne. Vient le débat pour par votre dernier voyage … Quand j’entends voyage, ça me fait tou- savoir si ces peuples ont oui ou non une jours penser à la Guadeloupe, parce que âme. Les politiques de l’époque mettent c’est là où je suis né. Mais mon dernier en doute l’humanité des Amérindiens voyage, c’était des vacances au Canada pour pouvoir mieux les exploiter et s’apavec les enfants. Nous avons pris la voiture proprier leurs richesses … et sommes partis à New York en écoutant Elvis Presley. C’était ma femme qui Tout commence avec un voyage. Les voyages conduisait. Moi, je n’aime pas ça et en ont favorisé les grandes découvertes qui plus, j’avais oublié mon permis. Je pense ont conduit au colonialisme et aux zoos que c’était un acte manqué … humains … On peut se poser la question de la vertu du voyage ? L’exposition du Quai Branly présente Je crois qu’à la base, il y a quelque chose le phénomène des zoos humains entre de très positif dans le voyage. Il y a cette curiosité qui est inhérente à notre espèce. le milieu du XVIIIe et le milieu du XXe s. La curiosité, c’est un signe d’intelligence, Pour concevoir cette exposition, c’est aller vers l’autre. Et c’est naturel que vous êtes parti de Christophe Colomb. Colomb soit surpris quand il arrive aux Dans ses bagages, il ramenait des drôles Amériques. C’est une telle nouveauté. de souvenirs : des Amérindiens… On a l’habitude de dire que Christophe D’ailleurs, ça a dû être la même chose Colomb a découvert les Amériques. pour les Amérindiens, quand ils ont vu Choisir ce mot « découvrir », c’est faire de arriver les Européens. Ensuite, il y a eu l’Europe le centre du monde. On voit très les zoos humains. Je comprends que des tôt ce complexe de supériorité se mettre gens aient eu envie d’aller voir des peren place. Christophe Colomb arrive aux sonnes qui venaient des Amériques, mai — juin 2012/ mars — avril 2012/ n°12 n°11
d’Afrique, d’Océanie et d’Asie, mais le discours qui a été porté sur ces gens-là a été un discours très négatif. On les a présentés comme des sauvages. On comprend comment le complexe de supériorité de certains s’est installé, comment le racisme s’est propagé dans la société. Mais est-ce qu’à sa façon, le tourisme actuel, dans ses excès, ne se rapproche pas de ces pratiques anciennes de zoo humain ? Quand des cars entiers de touristes débarquent dans des villages et prennent les habitants en photo, n’y a-t-il pas un côté un peu voyeur ? Dans les lieux éloignés de chez nous, on est attiré par ce qui est typique. Quand nous étions au Canada, j’avais envie de voir comment on vit au Canada. Après, vous pouvez tomber dans les pièges du pittoresque, penser par exemple que la France se caractérise par la baguette, le béret ou le village breton. Certaines personnes vont chercher dans des lieux de vacances les stéréotypes d’une identité figée qui n’existe plus vraiment.
Oman
LES VOIES ROYALES DU SULTANAT À Oman, un couple de Français décline sur le mode de la via ferrata deux itinéraires panoramiques entre ciel et terre, deux cheminements aériens à flanc de paroi qui laissent pantelant et tout étourdi. Entre randonnée et escalade, jetez un œil neuf sur le Djebel. Texte & Photos : Christophe Migeon
36 — A/R magazine voyageur / partir
l’inde en noir et blanc Jean-Baptiste Nemri À Bénarès, dans les ruelles ou sur les ghats agrippés aux rives du Gange, des êtres vêtus de pauvres hardes promènent leur silhouette de haridelle efflanquée. Leur peau est burinée, leurs cheveux ont mis en déroute plus d’un peigne, quant à leurs yeux, ils brûlent d’un feu ardent et dans leurs prunelles palpite une joie sereine. Ces hommes de peu sont les sâdhus. Ils ont tout abandonné pour vivre selon la plus stricte ascèse. Leur but : atteindre le moksha, la libération du cycle des réincarnations pour pouvoir ne faire plus qu’un avec le divin. Ils représentent 0,5 % de la population indienne. Certains sont sédentaires et vivent dans ce que l’on appelle des ashrams. D’autres voyagent sur les routes. Il y a toujours une place pour un sâdhu dans un village ou dans une ville. On vient lui parler, lui proposer un abri et de la nourriture, lui demander conseil ou chercher sa compagnie, car il est une bénédiction pour ceux qui le croisent. Jean-Baptiste Nemri a pris le temps de s’asseoir à côté d’eux, de savourer en leur compagnie le silence, quelques paroles ou une tasse de tchaï avant de saisir leur portrait. Exposition du 3 mai au 2 juin 2012 à la Galerie Impressions 98 rue Quincampoix, Paris IIIe.
mai — juin 2012/ n°12
partir / A/R magazine voyageur — 51
petit inventaire des îles croates Sur un peu plus de 1700 km de côte, la Croatie égrène un chapelet de 1185 îles ou îlots dont 66 sont habités. Parmi les plus célèbres, Hvar, Korcula, Mljet, Brac et Viš situées dans le sud de la Dalmatie. À proximité de Zadar, les Kornati (plus d’une centaine d’îles) d’une beauté âpre et sauvage forment un parc national, quant à la minuscule Galešnak, sa forme de cœur lui vaut le surnom d’île de l’amour. Plus au nord, dans le golfe du Kvarner, Lošinj, Cres, Krk forment un trio abrité des vents froids par les montagnes. Au large de l’Istrie, les îles Brijuni où Tito passait le plus clair de ses vacances constituent un autre parc national. n°12 / mai — juin 2012
terre de feu Les ailes de l’albatros Partons en croisière dans les canaux de Patagonie à travers le mythique archipel qui conlut l’extrême sud du continent américain. De Punta Arenas au Chili, à Ushuaïa en Argentine, en prenant le canal de Magellan, entre splendeur et désolation, saluons les premiers explorateurs et les marins intrépides qui ont défié cette mer de fin du monde Texte & Photos : Christophe Migeon
L
es six zodiacs du Stella Australis sillonnent déjà la baie d’Ainsworth tout encombrée de petits glaçons. L’embarquement des 120 passagers s’est effectué avec une discipline de ruche prussienne et une efficacité qui aurait pu être appréciées lors de l’évacuation du Titanic ou celle plus récente de certains bateaux de croisière italiens confondant côte méditerranéenne et parking de night-club. Dans ce pays de forêts fouettées par le vent et de montagnes ivres de glace, on n’a pas vraiment droit à l’erreur. Mieux vaut y éviter les bains de siège. Un îlot piqueté d’une lande décrépite émerge au milieu de la baie comme un dos de baleine. Une pauvre croix y honore la mémoire d’un infortuné pêcheur passé par-dessus bord l’an dernier. Non loin, vautrés le long d’une plage de galets luisants sur laquelle personne n’irait étendre sa serviette, une compagnie d’éléphants de mer brûle doucement son lard en lorgnant d’un oeil embué l’agitation des huîtriers et des cormorans. « Cela fait
bientôt 8 ans qu’on les observe ici », raconte Mauricio Alvarez, le chef d’expédition « C’est la seule colonie qui se reproduit au sud de la Patagonie. Des analyses génétiques ont montré qu’ils venaient à la fois de la Péninsule de Valdez, des Malouines, mais aussi de Juan Fernandez dans le Pacifique ». Mauricio a abandonné ses études de cinéma. On a dû lui dire qu’il avait bien plus un physique d’acteur que de réalisateur. Le voici en tout cas parfaitement à son affaire dans son rôle de guide et d’animateur féru de botanique, zoologie, géologie et autres sciences de la terre et du vivant dans la grande tradition des naturalistes universels du XIXe. Deux mâles se chicanent et couvrent de leurs grognements le murmure du ressac qui vient lécher les galets. Rien à voir cependant avec l’agitation acrimonieuse des longues plages argentines, où les mâles dominants se disputent les harems au prix de combats souvent mortels. « Ici, ils ne sont que 25 et l’autorité du gros mâle est incontestée. Il peut se la couler douce » précise Mauricio. Et de fait, le maître des lieux, couché sur son
« On raconte que les albatros emportent sur leurs ailes l’âme des matelots disparus en mer. Bon vent les gars »
96 — A/R magazine voyageur / bazar
carnettiste Coups d’œil, de crayon et de pinceau
benoît debecker Belge par filiation et Parisien de souche né en 1958, Benoit Debecker s’est formé au dessin en autodidacte. Fonctionnaire dans une autre vie, il sévit dans la presse jeunesse et la bande dessinée depuis les années 1990, coiffé de la double casquette d’auteur-illustrateur. Quand son atelier du faubourg Saint-Martin lui sort par les yeux, il se promène à travers la France. Dès qu’un motif l’interpelle, il en croque l’élément le plus saillant : tantôt une fenêtre, tantôt une paire de lunettes qui ouvriront la voie au reste. Ces croquis ne supportent que le noir du feutre, le blanc du papier et le premier geste. Hors de question de les retravailler sur la table ! Il les accumule et les conserve à l’abri des regards. Pour A/R, il a ouvert la boîte à secrets. www.benoit-debecker.com
mai — juin 2012/ n°12
bazar
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n°12 / mai — juin 2012