:-i;i'.
i^Ê Publié par le projet "Routes de la soie" de l'UNESCO
Etude intégrale
DES
DOUDOU DIENE DIRECTEUR
lL l/^
RO u TE S D IA. LOG UE
EUI HATTOM SECRÉTAIRE EXÉCUTIF
DjE
MARGARET BENISTY
PREFACE DU DIRECTEUR GENERAL
2-3
L'INFLUENCE HISTORIQUE
4-7
SPÉCIALISTE DU PROGRAMME
UINFLUENCE HUMAINE
GAIL LARMINAUX SPÉCMUSTE DU PROGRAMME
EDUARDO BARRIOS SPÉCIAUSTE DES MÉDIAS
L'INFLUENCE SCIENTIFIQUE
14-18
L'INFLUENCE CULTURELLE
20-25
UINFLUENCE SPIRITUELLE
26-31
CARTE DE LA ROUTE DE LA SOIE
16-17
Collaborateurs
Remerciements
Ahmed Hasan Dani
Le
professeur émérite
ses
(Pakistan) l'Université Quaid-I-Azam d'Islamabad et directeur iionoraire du Centre for the Study of the Civilizations of Central Asia. à
Akbar Khakimov
(Ouzbékistan),
secrétaire scientifique de l'Académie des arts d'Ouzbékistan et directeur adjoint de
l'Institut des beaux-arts de Tachkent.
Hans-Joachim KUmkeit, ISABELLE MORENO SECRÉTAIRE DE LA DIVISION
Correspondance
:
UNESCO, CLT/ICP, 1 RUE MIOLLIS, 75732 PARIS, CEDEX 15, FRANCE TEL: (33) 1 45 684 761 FAX: (33) 1 45 685 588 Adresse électronique:
8-13
décédé
(Allemagne), ancien Professeur à l'Université de Bonn et directeur de l'Institut d'histoire comparée des religions
Liu Yingsheng (Chine),
professeur d'histoire à l'Université de Nanjing et directeur de l'Institut d'études asiatiques
projet "Routes de la soie" tient à exprimer remerciements à tous les Etats membres et institutions qui ont si généreusement accueilli les réunions du Comité consultatif et les séminaires internationaux ainsi que les équipes internationales au cours des expéditions Nous remercions aussi les nombreuses personnalités universitaires et représentants des médias et du secteur privé qui ont contribué au succès de ce programme, en particulier Sa Majesté le Sultan Qaboos bin Said d'Oman et l'Ambassadeur d'Oman auprès de l'UNESCO, S Exe le Dr Musa bin Jaafar bin Hassan , M Ikuo Hirayama, TV Asahi et Asahi Shimbun (Japon) , la Munhua Broadcasting Corporation (République de Corée) , la Fondation Singer-Polignac, Europ Assistance et l'Association culturelle bouddhiste (France) Nous remercions tout spécialement M Vadim Elisseeff pour ses conseils avisés en tant que président du Comité consultatif, et les membres du Comité pOLir leur contnbution intellectuelle au projet
actuellement l'objet d'une restauration.
y^^ i^ü
Avec la collaboration de
lucette Boulnois (France),
^
Dents Sinor (Etats-Unis) et Edward Tryjarski (Pologne).
g.larminaux@unesco.org
* La médersa Chir-Dor de Samarkand, l'un de ces nombreux- monuments majestueux qui ornaient la Route de la soie et qui font
i^
Publié sous la direction de John Lawton. Photographies Nik Wheeler,
Tor Eigeland, Toby Molenaar, Francesco Venturi, et Bill Lyons. Maquette Impre.s.sion
Keenan Design Associates Craftprint Pte Singapore
L 'expédition UNESCO Route des nomades retrouvant les traces de la Route de la soie en Mongolie La soie chinoise a d'abord été transportée vers l'Ouest par des nomades qui migraient à travers ces steppes, jetant ainsi les fondements du commerce Est-Ouest et des échanges interculturels ma les Routes de la soie
^^ f:^^--^ ^'4fJMV. T^ w^l^NiWil^'
I
Preface du
Directeur de
Général
E'UMESCO
D.
epuis des temps immémoriaux, le mouvement des peuples et les échanges entre cultures ont joué un rôle central dans l'évolution et la transformation de la civilisation humaine. A l'heure où les identités culturelles sont âprement défendues dans de nombreuses parties du monde, un regard sur le passé montre que ces identités se sont peu à peu forgées grâce aux influences venues d'ailleurs. Ces influences ont profondément marqué les différentes civilisations, contribuant ainsi à façonner toutes les sociétés contemporaines. Le concept de "routes" en tant que vecteurs culturels constitue la base
de plusieurs projets d'étude entrepris par l'UNESCO. Le premier, lancé
en 1988, et intitulé "Etude intégrale des Routes de la soie
;
Routes de
dialogue", amorçait un programme à la fois audacieux et ambitieux
:
rouvrir les portes du passé pour donner un nouvel éclairage au présent. Cette étude a mobilisé scientifiques, universitaires et médias du monde entier pour la réalisation d'un vaste programme de recherche, dont cinq expéditions retraçant les routes de la soie terrestres et maritimes. Elle aura infligé un vigoureux démenti aux concepts et visions qui, aujourd'hui, font obstacle à la coexistence harmonieuse des peuples. En effet, les nombreuses études menées démontrent que l'identité, vue dans une perspective historique, ne doit pas être assimilée à un ghetto ou un enfermement, mais, au contraire, assumée et reconnue comme un processus, une synthèse et une rencontre. Les Routes de la soie mettent en évidence la dialectique féconde
du donner et du recevoir dans le dialogue infini des civilisations et des cultures. Elles montrent comment la circulation des personnes, des
idées et des valeurs a contribué à transformer des cultures, voire des
civilisations, que ce soit par la propagation du bouddhisme, du christianisme et de l'islam d'Est en Ouest ou vice versa, le transfert de technologies ou la diffusion des connaissances scientifiques.
A travers ce projet, l'UNESCO a cherché à mettre en lumière le patrimoine commun - matériel et spirituel - qui lie les peuples du continent eurasiatique. Eaire prendre conscience des racines communes des civilisations et promouvoir l'idée d'un héritage mondial pluriel englobant les chefs-d'oeuvre de la nature et la culture dans tous les pays, c'est, en dernière analyse, favoriser des attitudes d'ouverture et de tolérance nécessaires dans un monde essentiellement interdépendant. L'enjeu fondamental de l'approche des "routes" culturelles est de mettre en lumière dans le champ culturel la signification du pluralisme, aussi vitale que celle de la biodiversité dans le règne naturel.
Federico Mayor
Directeur général de l'UNESCO De
nos
jours
vitales dans
encore les caravanes de chameaux assurent des liaisons les régions écartées
à l'âge d^or de la Route de la
d'Asie centrale -
comtne
c'était le
cas
soie.
B
r influence
Un denier romain, pendant
Historique
des siècles
monnaie de transaction principale sur les Routes de
la
soie.
DES Routes
DE LA Soie
' ien que l'expression "Routes de la soie" évoque des images exotiques de terres lointaines, historiquement elle a eu pour effet pratique de démystifier les choses. Car le commerce a contribué à l'établissement de contacts entre pays et cultures très éloignés et a rapproché des réalités qui avaient été lointaines et exotiques. La Route de la soie a été le premier pont entre l'Orient et l'Occident. Elle apparut il y a 2.000 ans comme voie du commerce de la soie et d'autres
achéménide,
entre le Vie et le IVe siècle av. J.-C. Tel un
aimant, la capitale de l'empire, Persépolis
(dans l'Iran actuel), attirait des gens venus de tous les points
cardinaux le long des routes construites par l'empereur Darius.
marchandises entre les anciens empires de Chine,
Les grandes voies impériales perses
d'Inde, de Perse et de Rome, Mais, ce fut bien plus
reliaient les pays méditerranéens à
qu'une voie commerciale, et elle occupe une place
l'Asie occidentale, laquelle était en
permanente dans l'histoire du monde comme
même temps raccordée
instalment essentiel de contact entre peuples et cultures et en tant que vecteur d'une transmission dans les deux sens des arts, religions et techniques. Ce contact n'a pas toujours été facile à
d'Asie centrale comme Balk,
à des
villes
Samarcande et Taxila qui devaient ultérieurement devenir des étapes importantes sur la Route de la soie.
maintenir en raison des guerres, pestes et famines, mais quand un tronçon de la Route se fermait un autre s'ouvrait. En fait, il y a eu tout un réseau de routes, tant terrestres que maritimes, entre l'Est et l'Ouest, et l'expression "Route de la soie" a surtout une valeur symbolique, évoquant la persistance d'un esprit de communication entre les peuples. C'est pour retrouver cet esprit éternel que l'UNESCO a entrepris le projet "Etude intégrale des Routes de la soie".
Les divers peuples associés
sont dépeints de façon très vivante par l'historien grec Hérodote, qui décrit leur à ce processus
organisation sociale, leur mode de vie et les relations étroites qu'ils entretenaient avec l'empire achéménide. A titre d'exemple de ces échanges commerciaux et
culturels, on rappellera que l'écriture
L
alphabétique des marchands
'es fondements des contacts Est-Ouest, qui devaient ensuite emprunter la Route de la soie, ont
araméens qui traversaient l'Asie
été jetés au cours des derniers siècles avant l'ère
comme le sogdien et le kharoshti.
centrale a influencé l'évolution d'autres alphabets
chrétienne avec la constitution de plusieurs Etats d'Asie centrale dont les populations ont exploité les ressources qu'elles trouvaient sur place et sont entrées en concurrence. La recherche du profit a entraîné des échanges florissants de marchandises et a
amené les négociants
à se
déplacer d'une région
à
Les contacts entre
l'Orient et l'Occident ont
ensuite été facilités à la fin du IV siècle av. J.-C. par les conquêtes d'Alexandre le Grand, qui a renversé
l'empire achérnénide et a poussé vers l'Est jusqu'en Inde. Macédonien imprégné de culture hellénique après avoir conquis la Grèce, puis monarque oriental
l'autre. L'esprit d'aventure et l'appétit de savoir ont
captivé par l'idéalisme de l'Orient, Alexandre était
eux aussi alimenté les échanges entre les sociétés et ont contribué à renverser les barrières qui isolaient les populations de régions différentes.
l'incarnation même du brassage culturel. A son époque, la culture hellénique s'est, transmise à l'Asie par un courant sans précédent d'hommes, d'idées, de techniques, de tendances artistiques et de formules architecturales, ainsi que dans des domaines comme le théâtre, la poésie, la musique, la religion et, surtout, la langue et la
La rencontre des peuples de l'Orient et de l'Occident, l'échange des idées et techniques et la
transmission des langues et littératures ont été pour la
première fois rendus possibles sous l'empire perse
B
L'histoire mouvementée de l'Asie centrale est en grande partie due à la lutte pour garder la maîtrise des routes
commerciales lucratives qui la traversaient et des somptueuses villes étapes telles que Samarcande (ci-dessous) qui furent bâties sur ces routes.
literature. Les échanges n'étaient toutefois pas unilatéraux. Alexandre et les savants qui
l'accompagnaient ont rencontré des philosophes asiatiques dont ils ont rapporté les idées en Grèce, en même temps que des tributs d'or et des objets qui ont enrichi le monde occidental classique. Alexandre fonda plusieurs villes nouvelles en Asie où ses hommes firent souche, introduisant l'hellénisme tout en s'asiatisant totalement et en s 'intégrant aux populations locales. L'hybridation des cultures se poursuivit avec les successeurs d'Alexandre, les Séleucides, puis se renforça ensuite, sous l'empire
koushan, des apports scythes et indiens. Peu après l'invasion de l'Asie
centrale par Alexandre, Chandragupta
Maurya s'emparait du trône du
royaume indien de Magadha, première étape de la création du puissant
empire maurya. L'Asie centrale fut reliée à l'Inde par une route de 4.200 km que construisit la dynastie maurya et qui passait par le défilé de
Khyber pour traverser en diagonale le sous-continent jusqu'au golfe du Bengale, en suivant le Gange. Les influences culturelles se répandirent le long des vallées de l'Inde et de l'Asie centrale, et les fouilles archéologiques de Taxila sur l'Indus et Ai-Khanoum sur l'Oxus
ont montré à quel point l'art et l'architecture de cette époque s'inspiraient de traditions variées. L'empire maurya, héritier du patrimoine grec comme du patrimoine achéménide, connut son apogée sous le règne du petit-fils de Chandragupta,
Asoka (c. 274-237 av. J.-C), qui
inaugura une période d'activité
missionnaire bouddhiste qui eut un
impact considérable sur l'Asie centrale et l'Extrême-Orient.
Après la mort de son fondateur, le grand empire d'Alexandre se
désintégra en unités plus petites qui comprenaient des peuples comme les Grecs de Bactriane, les
Sogdiens, les Parthes, les Scythes et, plus tard, les Sassanides. Cette fragmentation n'entrava pas le mouvement des peuples et des marchandises au contraire, l'activité commerciale s'intensifia avec le progrès des connaissances géographiques, qui encouragèrent aussi des savants bouddhistes, zoroastriens, manichéens et autres missionnaires à emprunter la Route de la soie. ;
Aujourd'hui Samarcande abrite le siège de l'Institut international d'études sur l'Asie centrale (à gauche), créé dans le cadre du Projet des Routes de la soie de l'UNESCO pour étudier le passé de la région.
;ä...
P
JL..endant endai ce
temps, la dynastie Qin (221-207 av. J.-C.) unifiait la Chine et construisait la Grande Muraille pour se
défendre des Huns. Ensuite, les souverains de la
dynastie Han (206 av, J.-C.
-
220 apr. J.-C.) repoussèrent
B
Les chroniques chinoises décrivent comment
les Huns et ouvrirent pour la première fois le chemin
de l'Asie centrale, établissant des contacts avec le
ces tribus ont ensuite descendu la vallée de l'Oxus
puissant empire koushan, qui s'étendait de la mer
et ont pénétré au sud des chaînes du Kunlun, du
Caspienne au Nord à la mer d'Arabie au Sud en
Karakorum et de l'Hindu-Kush. Les Huns, partis des frontières occidentales de la Chine et de la Mongolie, progressèrent jusqu'au coeur de l'Asie et de l'Europe et, au sud, jusqu'en Inde. Nombre de voyageurs chinois et occidentaux ont donné des descriptioi| très vivantes des Huns - excellents cavaliers, joueurs de polo - ainsi que de leurs armes et de leurs vêtements. Les Huns furent suivis par un autre groupe de farouches nomades, les Turcs, qui remportèrent plusieurs victoires décisives sur leurs voisins en 552 et fondèrent un énorme empire des steppes qui s'étendait de leur Mongolie natale à la mer Noire. En 565, les Turcs avaient imposé leur domination sur la plupart des grandes villes d'Asie centrale, notamment
passant par les vallées de l'Oxus, de l'Indus et du Gange, L'empire koushan était si vaste qu'il avait aussi des contacts étroits avec l'empire romain et, du 1er au
Ille siècle
apr. J.-C, les Koushans servirent
d'intermédiaires entre l'Occident romain et l'Orient chinois, frappant des pièces d'or sur le modèle des
denarii romains pour faciliter les échanges. Cette période d'étroite collaboration entre l'Est et l'Ouest
contribua à créer des conditions propices à l'ouverture de la Route de la soie.
Un autre événement important, qui semble avoir eu lieu vers 100 av. J.-C, a été la découverte de la mousson, qui a permis aux vaisseaux de mer de traverser l'océan Indien d'Ouest en Est au printemps puis de revenir en hiver quand les vents s'inversaient, chargés de produits de l'Orient. De nouvelles routes maritimes furent ainsi ouvertes, qui renforcèrent et, le cas échéant, remplacèrent, la voie terrestre, La Route de la soie terrestre à Changan (l'actuelle Xian), puis divisait pour contourner le désert de Takiamakan par le Nord et le Sud avant que les deux tronçons ne se rejoignent à Kachgar. De là, les caravanes traversaient les massifs du Pamir et du Tian-Shan jusqu'à Samarcande, Boukhara et Merv, contournaient la mer Caspienne pour aller, par la Perse et la Turquie, jusqu'à Rome. Il y avait aussi
commençait se
plusieurs routes secondaires. L'une, au Sud, traversait le massif du Karakorum pour aller
jusqu'au Cachemire et à l'Inde
;
l'autre, au
Nord, enjambait les monts Tian-Shan jusqu'à
Almaty et, par la Mongolie, aboutissait à Minoussinsk. La route maritime partait de Canton (l'actuelle Guangzhou) et traversait la mer de Chine
Boukhara, Samarcande et Tachkent, et étaient maîtres
méridionale. Contournant la péninsule malaisienne,
de la Route de la soie.
elle traversait le détroit de Malacca et l'océan Indien et
bifurquait dans la mer d'Arabie, vers le Moyen-Orient par le golfe Persique, ou vers la Méditerranée par la mer Rouge. L'Eurasie subit un profond bouleversement au Ille siècle apr. J.-C. A l'Ouest, l'empire romain connut une crise économique grave et son centre de gravité bascula vers la Méditerranée orientale, passant de Rome à Antioche, Alexandrie et Byzance (l'actuelle
Istanbul). En Orient, la Chine des Han se désintégra
Les Turcs
ont été le premier peuple de la
steppe à comprendre l'importance du commerce. Ils
offraient leur protection aux caravanes et concluaient des traités avec les Sassanides de Perse et les
Byzantins, rendant ainsi possible le commerce sur la Route de la soie.
L
f 'essor de l'empire islamique à l'Ouest et de la
dynastie Tang en Chine inaugura un nouveau chapitre
et traversa une période de morcellement territorial et
de l'histoire de la Route de la soie. Il donna le jour à
de succession rapide de dynasties. En Asie centrale,
deux importants marchés avides de marchandises aux
l'empire koushan commença à céder sous les attaques de ses voisins occidentaux, les Perses. Au Nord, des vagues .successives de farouches cavaliers nomades commençaient à déferler vers l'Est et l'Ouest, exerçant des pressions toujours plus dangereuses sur les fortifications des frontières.
D
deux bouts des routes terrestres et maritimes entre lesquels les échanges prospérèrent. Les Arabes envahirent l'Asie centrale sous
l'étendard de l'islam en 711, s'emparant des villes de Boukhara et Samarcande puis des forteresses
sogdiennes qui barraient les Routes de la soie. Dès le
milieu du Ville siècle, toute la région au sud de la mer d'Aral - l'actuel Ouzbékistan - avait été incorporée au monde arabe. Les Arabes dominèrent l'Asie centrale pendant 200 ans, léguant à la région l'islam et l'écriture arabe. Au milieu du Xe siècle, l'islam était devenu la seule religion de cette vaste région et l'Asie centrale l'un des foyers de culture les plus féconds et les plus influents du monde. Aucune culture n'a jamais dominé exclusivement sur la Route de la soie. C'est seulement au XlIIe siècle que la région a été soumise à un maître unique, l'empire mongol, qui rassemblait la Chine, l'Asie centrale et une grande partie du Moyen-Orient et de l'Europe orientale. Au cours de cette période, les négociants européens, purent, sous la protection mongole, traverser en toute sécurité des steppes d'ordinaire turbulentes et établir pour la première fois des contacts directs entre la Chine et l'Occident.
Deux vestiges remarquables de
la civilisation
de
la
Route de la soie : le mausolée de
la
dynastie des Samanides à
Boukhara (à droite)
(Xe siècle),
avec
son décor de brique,
considéré comme
l'un
des plus
beaux spécimens
d'architecture du Moyen Age ie,
et,
une
magnifique peinture murale qui décorait une maison du
Vile siècle
de
Samarcande
L
' 'unité de l'empire mongol fut brève
mais le rêve d'un empire d'Asie n'était
pas mort. Au XlVe siècle, les Timourides
turco-mongols écrivirent un dernier brillant chapitre de l'histoire de l'Asie centrale. Timour, fondateur de la dynastie et connu en Occident sous le nom de Tamerian, fut un des plus redoutables guerriers que le monde ait jamais connu. Par une série de campagnes militaires, il conquit toute l'Eurasie depuis la Grande Muraille de Chine jusqu'à l'Oural. La capitale timouride de Samarcande devint l'un des joyaux du monde islamique. Son observatoire, ses écoles et mosquées attirèrent astronomes, poètes, théologiens et architectes. Les riches courants d'échanges de cette période ont contribué à l'épanouissement de l'art Ming en Chine, de l'art timouride en Asie centiale et de l'art moghol en Inde, ainsi qu'aux rythmes lyriques et à la douceur de la musique, de la peinture et de l'architecture safavides en Perse, ou au splendide mélange d'art et d'architectures occidentale et orientale
finalement coupée et, pendant les siècles qui suivirent, ne survécurent que le charme évocateur de son nom et le vague souvenir du rôle capital qu'elle avait
chez les Ottomans.
jadis joué.
Les successeurs de Timour n'avaient toutefois
'
'
1
r '-r^H '-^r*^" ''^-rr^
entre l'Orient et l'Occident, la Route de la soie était
Un nouveau chapitre passionnant de l'épopée
pas l'autorité de leur ancêtre et ne surent pas
de la Route de la soie s'est récemment ouvert avec la fin
conserver le vaste empire des steppes qu'il avait créé.
de la guerre froide et la désintégration de l'Union
Des tribus se révoltèrent et l'instabilité politique se
soviétique. De nombreux pays situés le long de la Route
répandit de nouveau, suivie par une dépression économique et un déclin culturel, Faible et désorganisée, l'Asie centrale n'était plus à même de jouer un rôle d'intermédiaire qui était essentiel pour que se poursuive le commerce Est-Ouest. Pendant ce temps, en 1426, la dynastie Ming, soucieuse d'effacer de longues années d'influence étrangère et de ressusciter les valeurs chinoises traditionnelles, fermait les frontières de la Chine. Après avoir été pendant 1.500 ans la grande artère
obtinrent l'indépendance et, pour la première fois depuis le début du siècle, ils accueillent désormais volontiers les
étrangers qui viennent se pencher sur leurs archives,
leurs trésors artistiques et leurs ruines archéologiques. Les nouveaux pays indépendants situés de part et d'auti-e
de la vieille Route de la soie ont rouvert leurs frontières terrestres et rétabli des liens directs tant avec l'Orient
qu'avec l'Occident. Après une interruption de près d'un demi-siècle, on peut de nouveau parcourir l'antique Route de la soie d'un bout à l'autre.
B
A.H cours de leurs migrations, les Turcs ont répandu
l'art des
nomades dans toute l'Eurasie.
l'influence
Humaine
DES Routes
DE LA Soie
J. ^a
Les nomades
mongols continuent se
déplacer au
rythme
des saisons
à la recherche de pâturages pour leurs
troupeaux passé,
ces
;
dans
k
migrations
ont contribué à
façonner le caractère ethnique de l'Asie centrale.
Route de la soie a apporté une contribution précieuse à la civilisation humaine. En effet, outre les commerçants et leurs marchandises, elle a aussi été parcourue par les créations de la pensée, du savoirfaire et de l'imagination humaine. Sur la Route de la soie, des dialogues se sont noués entre peuples divers, des idées nouvelles se sont diffusées et des techniques ont été transmises. En même temps, en tant que voie des armées conquérantes et des migrations massives de populations, elle a contribué à donner à des régions entières leur caractère politique, ethnique et religieux actuel. Les
individus comme les sociétés humaines ont
établi toutes sortes de contacts sur les artères terrestres qui reliaient l'Orient et l'Occident. Les marchands qui empruntaient la Route de la soie ont créé des oasis et des caravansérails où ils se sont rencontrés et mêlés et qui sont devenus des lieux de communication et de dialogue. En même temps, artistes, musiciens et artisans suivaient la Route à la recherche du savoir d'autres sociétés, auxquelles
ils ont à leur tour apporté le leur. Ce brassage de pensées et d'expériences humaines
est dû non seulement aux influences apportées par la Route
de la soie mais aussi aux pouvoirs et peuples qui voulaient
avoir la haute main sur les échanges de richesses qui avaient lieu sur cette Route. Du fait de sa prospérité et de l'accès qu'elle offrait à des richesses encore plus précieuses, la Route de la soie a en effet attiré une longue succession d'envahisseurs. Au Ville siècle, les Arabes musulmans, déferiant vers l'Est, ont modifié de façon décisive la puissance et la répartition des religions mondiales en Asie centrale. Au XlIIe siècle, Gengis Khan lâcha ses hordes mongoles sur la
I
Route de la soie, bouleversant ainsi l'organisation
politique de la majeure partie de l'Asie. Les grandes migrations, qui ont façonné le caractère ethnique d'immenses régions, ont aussi co'incidé avec les courants d'échanges. Au 'Vie siècle,
par exemple, les tribus turques ont commencé à se déplacer vers l'Ouest sur la Route de la soie pour, en
fin de compte, submerger l'Asie centrale et occidentale. Les Turcs étaient originaires du massif de l'Altaï en Mongolie. A mesure qu'ils se déployaient dans les steppes, leurs divisions tribales devenaient plus prononcées ; dès le Ville siècle, des groupes comme les Kirghizes et les Ou'igours eurent leur propre royaume. Les richesses de la Route de la soie attirèrent des vagues successives d'envahisseurs turcs dans les plaines d'Asie centrale, où ils entrèrent en contact avec l'islam, puis l'adoptèrent. Au Xle siècle, les Turcs seldjoukides s'élancèrent vers l'Ouest, envahirent ce qui est aujourd'hui l'Iran, l'Irak et la Syrie, suivis par les Turcs ottomans, qui créèrent l'empire ottoman dans la Turquie, les Balkans, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient actuels. Traversant l'Asie avec les armées mongoles, les Turcs tatars occupèrent la vallée de la Volga et la Crimée, les Kazakhs s'établirent dans les vastes steppes du sud de la Sibérie, les Ouzbeks occupèrent la région semi-désertique et les oasis de la bordure sud de l'Asie centrale tandis que les Turkmènes parcouraient les déserts à l'est de la mer Caspienne et que les Azéris s'établissaient sur ses rives occidentales. Les peuples turcs sont en fait l'un des groupes ethniques les plus dispersés du monde puisqu'ils habitent une immense région, qui s'étend de la Grande Muraille de Chine à l'Est aux Balkans à l'Ouest et de la Sibérie au Nord à l'Afghanistan au Sud. Ceux d'Eurasie sont directement liés aux Turcs de l'actuelle Turquie, où s'établirent les tribus turques dans leur migration vers l'Ouest. Ils sont aussi indirectement liés aux populations musulmanes d'Inde et du Pakistan, avec les ancêtres desquelles ils se mêlèrent au Moyen Age.
B
'ien qu'au Moyen Age les Turcs aient suffisamment dominé l'Asie centrale pour lui donner
Dans leur
migration vers l'Ouest, les Turcs
ont absorbé de nombreux peuples, ce
qui a entraîné
des
variations
de
physionomie
frappantes {à gauche).
Les vastes pâturages
et les imposantes
montagnes de
Mongolie {à droite) sont le berceau des
puissantes nations
le nom de Turkestan, il est aussi arrivé aux Perses,
Grecs, Arabes, Mongols et Russes d'être les maîtres
d'une grande partie de la région. Tous y ont laissé leur marque. Alexandre le Grand peupla les territoires d'Asie centrale qu'il avait conquis de colons - ses propres soldats, des Bactriens ou des Sogdiens -, y introduisit la civilisation grecque et mena délibérément une politique d'hybridation, non seulement des aspects extérieurs (coutumes, costumes et vie . quotidienne), mais aussi des cultes et du sang même des peuples par ses mariages avec des princesses perses, bactriennes et indiennes et par les milliers de mariages qu'il prescrivit aux soldats macédoniens qui occupaient cette partie de l'Asie centrale.
nomades
qui
dominèrent la Route de
la
soie.
I
Bien que les Arabes ne soient restés que deux siècles en Asie centrale, ils ont laissé une empreinte
indélébile sur la région au sud de la mer d'Aral puisqu'ils lui ont légué l'islam, qui est aujourd'hui la religion prédominante, et l'alphabet arabe, largement utilisé pendant 1.300 ans tant dans l'écriture qu'en décoration architecturale. Les invasions mongoles ont eu une ampleur sans égale et ont pesé d'un poids considérable sur l'histoire mondiale. L'organisation politique de l'Asie et d'une grande partie de l'Europe s'est trouvée modifiée et des populations entières ont été déracinées et dispersées, ce qui a modifié définitivement le caractère ethnique de nombreuses régions. Dans leur empire, qui comprenait la Chine, l'Asie centrale et l'Europe orientale, les Mongols imposèrent un respect absolu de l'ordre public. Bien que les Mongols soient restés dans l'histoire comme des pillards, c'est pendant la "paix mongole" que les marchands européens, dont Marco Polo, purent traverser en toute sécurité des steppes d'ordinaire dangereuses et établir un contact direct entre la Chine et l'Occident. Le récit que Marco Polo a laissé de son voyage sur la Route
de la soie reste l'un des livres de
voyage les plus populaires qui aient jamais été écrits. Mais d'autres
voyageurs moins connus ont eu plus
d'influence que lui. Le premier, au Ile siècle av. J.-C, fut l'émissaire chinois Zhang Qian, dont le long voyage à travers des régions que la géographie chinoise ne représentait jusque-là que par des légendes archaïques a, de l'avis général, ouvert la Route de la soie. D'Asie centrale, Zhang Qian rapporta, non sans avoir connu
nombre d'aventures en chemin, une masse d'informations ainsi que des semences de luzerne et de raisin. En fait, c'est à lui qu'on impute, à tort ou à raison, une bonne partie de tout ce qui fut introduit en Chine en provenance d'Occident en fait d'objets précieux, utiles ou curieux. Zhang Qian recueillit également des informations sur les pays situés plus à l'Ouest et dont les noms méconnaissables signalent la Perse, l'Arabie, l'Asie mineure et, sous un nom exprimé par deux idéogrammes - Li Jian - probablement Alexandrie
et des techniciens dans les deux sens se succédèrent
régulièrement. L'un des plus célèbres de ces voyageurs, tant pour son oeuvre de traducteur que pour ses descriptions des pays traversés, est le moine chinois Xuan Zang, dont les pérégrinations se situent entre 629 et 645. Lorsque Xuan Zang était jeune moine, le bouddhisme chinois s'était diversifié en plusieurs écoles et interprétations et, d'autre part, les difficultés de traduction étaient aggravées par le manque de textes de référence. Il fallait se procurer des textes fiables et les étudier dans les monastères d'Inde avec les grands maîtres avant de les traduire en chinois. Pour ces raisons, Xuan Zang entreprit de se rendre, par l'Asie centrale, dans les grands monastères du Cachemire et de l'Inde du Nord. Les multiples
aventures de ses 15 années de
pérégrinations, et les descriptions des pays traversés, constituent un récit aussi passionnant qu'il est précieux pour les historiens. En fait, dans l'histoire des
échanges commerciaux, il est peu de
mots qui soient plus évocateurs de de la soie". Mais, bien que d'un
romantisme irrésistible, cette expression ne décrit guère la réalité. Trop souvent, l'image romantique du commerce des produits exotiques entre l'Orient et l'Occident occulte les difficultés très réelles des voyages à travers des dunes
dangereusement
instables et des cols montagneux
bloqués par les glaces, ainsi que les périls terribles auxquels s'exposaient les marchands qui, risquant leur vie et leurs capitaux, maintenaient des
liens parfois ténus entre des marchés très éloignés l'un de l'autre.
Au début, ce furent simplement des itinéraires empruntés par des
commerçants entre deux régions
importantes, mais la demande de services le long du chemin, et les bénéfices que permettaient les échanges, ont donné naissance à de prospères villes intermédiaires. Leur
vitalité commerciale et culturelle a attiré les meilleurs esprits de l'époque. Le grand physicien Ibn Sina, connu en Occident sous le nom d'Avicénne, a composé son célèbre Canon de la médecine à Boukhara, tandis qu'à Khiva al-Biruni explorait toutes les disciplines,
annonçant les principes de la géologie moderne, jetant les bases de l'astronomie et étudiant les vitesses relatives du son et de la lumière.
C'était la première fois que le champ de vision chinois s'étendait aussi loin à l'Ouest et, à partir de ce
contrées éloignées empruntaient la Route de la soie,
B
musulmans ont laissé
à l'Asie centrale
l'écriture arabe [à gauche) - largement
ut'ilisée pendant 1.300
mystère et d'opulence que "la Route
et Rome.
moment, les échanges d'ambassades, de produits et de connaissances utiles, ainsi que la circulation des marchands, des diplomates, des religieux, des artistes
Les envahisseurs
Artisans, baladins et émissaires officiels de et nombreuses étaient les langues que l'on pariait et les cultures qui se mêlaient dans les villes fabuleuses qui se développaient au bord de la Route.
ans tant pour écrire que comme
motif
décoratif.
De
nos
jours
encore,
les marchands
Itinérants, comme ces
commerçant!,
de
Kachgar
[à droite), servent d'intermédiaires,
transmettant
des
informations et
des
styles nouveaux comme
de
à l'époque
la Route
de
la
soie.
Inévitablement, celle-ci devint une artère culturelle où voyageaient, entre l'Orient et l'Occident, les idées, philosophies et styles artistiques nouveaux. Les marchands qui commerçaient sur la Route de la soie contribuèrent autant au flux des échanges non matériels que les lettrés et missionnaires. Car les commerçants furent aussi des intermédiaires qui transmirent idées, croyances, légendes et oeuvres d'art nouvelles. Parmi les voyageurs, on vit aussi apparaître des troupes de danseurs, d'acrobates, de comédiens et de musiciens.
e
rôle que ces groupes ont joué dans les
échanges culturels sur les Routes de la soie ne doit pas être sous-estimé. Car, dans leur cas, la pantomime
permettait de vaincre les difficultés linguistiques. La multiplicité des langues utilisées sur les Routes de la soie était extraordinaire. Dans les documents découverts à Tourfan au début de ce siècle, 17 langues sont représentées. Les usagers de la
Route de la soie - marchands, religieux et auttes -,
lorsqu'ils partaient pour leurs expéditions lointaines, devaient connaître plusieurs langues ou faire appel à des interprètes. Sans ces derniers, le tiafic sur les routes des caravanes n'aurait pu prospérer. Car la connaissance de la langue était indispensable pour obtenir des renseignements, payer les droits de douane et louer les services de caravaniers. Selon Hérodote, les négociants grecs qui, aux premiers temps de la Route de la soie, traversaient le pays des Argyppaioi en route vers l'Asie centrale, devaient changer jusqu'à sept fois d'interprète. Les interprètes n'étaient pas moins demandés aux extrémités orientales des routes commerciales. Dans les histoires de Chine du premier millénaire, il n'est pas rare que l'on indique la distance entre la Chine et des localités éloignées par le nombre d'interprètes nécessaires pour communiquer. De la sorte, il y avait des peuples situés à la distance de 2, 4 voire 9 interprétations. Les interprètes n'étaient pas seulement nécessaires à des fins commerciales mais aussi à des fins diplomatiques, et l'empire romain d'Orient comme 'empire de Chine avaient des services permanents d'interprètes. Bien qu'ils aient dû être en nombres considérables à toutes ces époques, ces interprètes sont restés anonymes. Mais tandis que les caravanes circulaient
depuis la Chine vers l'Asie centrale et les marchés méditerranéens situés plus à l'Ouest ou, inversement, depuis l'Europe par la steppe russe jusqu'à la Mongolie, elles maintenaient un dialogue vivant entre des peuples
divers, contacts qui encouragèrent le développement
pacifique de la civilisation humaine.
I
B
Vinfluence
Scientifique DES Routes
DE LA Soie
,Ä_-^
U observatoire astronomique]ai Singh de
Delhi {à gauche)
a transmission dans les deux sens des sciences et techniques a été un élément du flux réciproque des idées sur la Route de la soie. De Chine, sont venues la technique de fabrication du papier, l'imprimerie et la poudre à canon, inventions qui ont changé le monde occidental. D'Occident, sont venues de nouvelles découvertes en mathématiques, médecine et astronomie, qui se sont répandues en Chine. Parmi les inventions dues aux Chinois, on considère
que le papier est la plus importante. Avant cela, on écrivait sur des matériaux comme la peau et les végétaux. Dans l'Inde
illustre la tradition
antique, par exemple, les scribes et savants écrivaient sur de la gréco-arabe qui a
bhurja, ou écorce de bouleau, et la patra, sorte de feuille.
commencé avec Ptolémée
Quant aux anciens Chinois, ils gravaient leurs pictogrammes
et s'est transmise,
sur des os ou des carapaces de tortue et écrivaient sur du
bambou ou des bandes de bois. avec d'autres progrès
scientifiques, d'Ouest Est. Parmi
ces
Pendant des siècles, les Chinois ont cherché un en
inventions,
il faut compter l'astrolabe (a-dessus), qui sert à mesurer
la hauteur
support moins cher et plus maniable pour écrire et, selon les sources historiques chinoises, c'est en 105 apr J.-C. que le
papier fut inventé. L'homme à qui l'on attribue le mérite d'avoir fabriqué le premier papier - à partir de vieux chiffons, de soie et de tissus végétaux - était un eunuque appelé Cai Lun, qui vivait sous la dynastie des Han orientaux (25-220 apr J.-C). Mais il ressort d'indices archéologiques que ce papier "de chiffon" existait déjà au début de la dynastie des Han
occidentaux (206 av. J.-C. - 24 apr. J.-C). Les scientifiques pensent désormais qu'il faut attribuer à Cai Lun non pas
l'invention du papier mais l'amélioration de sa production. Les peuples d'Asie centrale ont très tôt connu le papier et, quand ils étaient en Chine, les marchands sogdiens écrivaient chez eux sur du papier Mais il fallut attendre la bataille de Talas (751 apr. J.-C.) et la défaite des forces chinoises Tang devant les Arabes musulmans pour que les peuples d'Asie centi'ale
I
L'échange des styles artistiques s'est
^f
innovativ techniques se
fait par voie d'imitation, les artisans européens copiant des articles importés, comme la porcelaine chinoise, pour répondre à la demande de marchandises exotiques moins chères que les originaux.
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obstacles sur les routes % commerciales. Inventé par les Grecs, l'astrolabe, par exemple, * a été perfectionné par les astronomes musulmans, qui l'ont
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l'imprimerie et de la fabrication du papier ont été Les techniques de
transmises de Cliine en Occident
par les Arabes, qui ont ensuite traduit des ouvrages scientifiques occidentaux et les ont emportés en Orient sous forme de livres.
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la
Route La Route de la soie n'était
ni une route unique ni une simple voie commerciale.
C'était un réseau de voies sur lesquelles circulaient, non seulement des marchandises mais des idées, techniques et styles artistiques nouveaux dont
certains sont présentés ici, en même temps que ses principales artères.
'est la soie chinoise qui est à l'origine des échanges commerciaux entre l'Orient et
l'Occident. Même après que se furent répandus vers l'Ouest les secrets de sa
fabrication - à partir de flls sécrétés par la chenille du bombyx v-la soie est restée une des principales ^ -^ exportations chinoises.
Almaty
J00 V^ Kashgar
/
N
Passe de jiayuguan^
J
;unhuäng^>
Taklamaka les idéaux grecs ont été transmis à l'Asie avec les conquêtes
^^^,
d'Alexandre le Grand. Par exemple, cette tête du Bouddha de Gandhara (Ile siècle) traduit l'influence des styles hellénistiques.
Carte établie par Adrian Franks
Figurines de céramique reproduites avec l'aimable autorisation de Roger Keverne, Londres
I
apprennent à le fabriquer Des prisonniers chinois
l'armée mongole. Pendant les campagnes occidentales
capturés à Talas et emmenés à Samarcande apprirent en
de Gengis Khan et de ses descendants, les canons
effet aux Arabes à fabriquer le papier ; ensuite, les Arabes
furent largement utilisés par les Mongols contre leurs
firent connaîti'e ce procédé à l'Europe.
ennemis. C'est ainsi que les Per.sans et Arabes les
L'imprimerie a elle aussi été inventée en Chine, à partir de sceaux. Les anciens artisans chinois gravaient
propres
découvrirent, et se mirent bientôt à produire leurs canons.
Par l'intermédiaire des Arabes, les techniques de
des textes sur des plaques de bois et les imprimaient sur
du papier
;
cette technique s'est vite répandue en Corée
et au Japon. Le premier texte imprimé par ce procédé
la fonte de canons atteignirent l'Europe, où elles se
développèrent rapidement. Les Européens installèrent des canons sur leurs navires de guerre et, à la fin du
remonte à la période Tang (618-907).
XrVe siècle, ils avaient mis au point leurs premières
Sous la dynastie des Song du Nord
des marchands portugais introduisirent les
Sheng inventa le caractère mobile. Pour
chaque idéogramme chinois, il fit une image
armes à feu occidentales en Chine et, dans les
en plâtie qu'il disposa dans un casier pour
années 1540, au Japon. Paradoxalement, les
composer le texte. D'autres techniciens
Chinois qui les avaient inventés, estimèrent
chinois améliorèrent rapidement le procédé
que les canons européens étaient meilleurs
en gravant les caractères sur du bois. Plus
que les leurs et engagèrent des ingénieurs
tard, des imprimeurs coréens fabriquèrent
européens pour les aider à moderniser
des caractères de bronze. Sous la dynastie
leur artillerie.
introduisirent ces nouvelles techniques d'impression en Asie centiale, où le caractère ou'ighour de bois fut utilisé pour imprimer des traductions de textes bouddhistes. La diffusion des techniques d'imprimerie vers l'Occident augmenta le nombre des livres qui, précédemment, étaient laborieusement copiés à la main, accélérant l'accumulation et la transmission du savoir dans le monde.
retiouver dans quel sens les influences
par le temps et la distance, sont revenues
ultérieurement dans leur pays d'origine sous forme de
que la
l'appliquer Ce mélange explosif a d'abord été utilisé au Xe siècle pour faire des pétards et il a fallu attendre le XlIIe ou le Xl'Ve siècle pour que les Européens entendent parler de feu d'artifice, soit de la bouche
;
elle avait été apportée en Occident par des
marchands puis appliquée à des mécanismes de mesure du temps dans l'Europe du Xlle siècle. Des marchandises importées comme la
porcelaine chinoise ont amené les artisans occidentaux à
adopter non seulement des styles nouveaux mais
des techniques nouvelles. Des potiers chinois avaient
échanges ont
répandues.
Parmi
les
m
autres inventions transmises via les Routes de
citera
la
soie, on
l' imprimerie,
née des sceaux
chinois
haut à gauche),
(en
et le mécanisme de
pétunsé, chauffées à 1.450 degrés.
Du fait de sa translucidité et de
sa finesse,
reproduire les originaux ou fabriquer des imitations
s'étaient rendus en
acceptables. Ignorant que le kaolin était l'ingrédient de
Chine par la Russie.
base de la porcelaine, les potiers persans et européens
fins mili¬
ces
élaboré au IXe siècle le procédé de fabrication de la
Chine, les potiers se donnèrent beaucoup de mal pour
à des
secret de sa ]
porcelaine, en vitrifiant deux argiles, le kaolin et le
soit directement de
été utilisée pour la pre¬
Est-Ouest, mais le
des techniques que
montré que le principe du mouvement d'horloge était
%.
;« commerciaux
prodige occidental. Des tiavaux récents ont cependant
la porcelaine était très recherchée et, en dehors de
La poudre à canon a
n'a pas
seulement stimulé les
{à droite) a été une
de marchands levantins,
commerçants qui
l'attrait qu'elle a
européenne, considérée en Asie de l'Est comme un
du EXe siècle en décrit la formule, tout en dissuadant les na'ifs de
par
marchandises. A titre d'exemple, on peut citer l'horloge
siècle
poudre à canon fut inventée en Chine. Un texte chinois
soie chinoise,
techniques se sont exercées. Certaines
inventions, dont les origines sont occultées
en fait une invention chinoise qui remontait au 'Vie
X^ .J 'est sous la dynastie Tang (618-907)
La
exercé,
En fait, il est souvent difficile de
mongole Yuan (1206-1368), les Chinois
mière fois
r
arquebuses, encore assez mdimentaires. En 1510,
(960-1127), un artisan chinois nommé Bi
à gauche).
te
trouvèrent des moyens ingénieux d'imiter les objets chinois importés. Les potiers du Moyen-Orient, par exemple, inventèrent un composé d'argile et de
taires sous la dynastie des
quartz pilé qui donnait des imitations acceptables
Song du Nord
des porcelaines blanches et fines importées de Chine.
(960-1127). Quand
Les expériences des potiers européens leur permirent
Gengis Khan eut battir la
finalement de découvrir le secret du kaolin à la fin
dynastie Jin des Jürchens
du XVIIe siècle. Dès lors, nombre de fabriques de
(1115-1234), des unités
céramique se mirent à produire des copies
d'artilleurs consistant
d'articles chinois,
essentiellement de Chinois
Han et de soldats Jürchens
La sériciculture, l'art d'élever les vers à soie pour obtenir du fil, naquit également en Chine. Pour les
furent constituées dans
peuples d'Asie centrale et des régions situées plus à
Ben Jansseas Orientai Art, Londres
h.;
^^f:^Si^
l'Ouest, la soie chinoise était un tissu merveilleux.
sociale et religieuse profonde chez les Arabes, qui se
Légères et solides, lustrées et peu salissantes, les soieries
répandirent en Asie, en Afrique et en Europe. Leur
donnèrent au commerce Est-Ouest son impulsion. Le
expansion ouvrit aussi de nouveaux horizons en science
mode de fabrication de la soie et son origine étaient des
et en philosophie quand ils se mirent à explorer les
mystères qui ajoutaient encore à son attiait.
immenses richesses que recelaient les manuscrits grecs et à les traduire en arabe. Grâce à leurs contacts avec
a
sériciculture a été découverte par des
agriculteurs néolithiques riverains du fleuve Jaune, au
nord de la Chine centrale, il y
a
quelque 4.000 ans.
Sous la dynastie Han (206 av. J,-C. - 220 apr, J.-C), le
tissage de la soie était déjà une industrie importante et les soieries figuraient parmi les principales exportations
de la Chine. Plus précieuse que les parfums ou les
bijoux, la soie était vendue dans la Rome antique au
prix de l'or La soie était si importante que le procédé de
l'Inde et la Chine, ils se familiarisèrent aussi avec les découvertes en mathématiques, médecine et astronomie. Les Arabes devinrent alors les intermédiaires
d'un dialogue qui allait de la Chine jusqu'à Venise et même plus loin à l'Ouest, jusqu'en France, en Espagne et au Portugal, Outre qu'ils transmettaient la science et la philosophie grecques au monde qui se développait à l'époque, ils propagèrent les mathématiques indiennes, les nouveaux chiffres et le système décimal qui sont à la base de la science moderne. Ils diffusèrent aussi la chimie, la connaissance des propriétés des métaux et
fabrication en était protégé en Chine ancienne aussi
des techniques chinoises nouvelles, et .surtout des
jalousement que les secrets nucléaires dans les pays
connaissances médicales qui ouvrirent toutes sortes de
modernes. L'exportation de vers à soie était passible de
possibilités en science humaine et en biologie. Les remèdes méditerranéens
mort et les visiteurs étrangers étaient maintenus à bonne
furent introduits
distance des élevages
en Chine sous la dynastie Ming (1368-1644). Les noms
de vers à soie. De ce
de médecins grecs célèbres comme Gallen, Rufus et Hippocrate ainsi que du philosophe romain Phyrphyios furent connus des Chinois grâce à des traductions arabes. Les remèdes grecs et romains, notamment
fait, la sériciculture est restée pendant des
siècles un mystère
pour l'Occident. Par la suite, le secret fut toutefois éventé. Selon
ceux qu'Aristote avait préparés pour Alexandre, furent
des sources chinoises
donna naissance
et tibétaines, au 'Ve
et de l'astronomie. Lorsque les Timourides régnaient sur
siècle, une princesse
l'Asie centrale, l'astionome royal IJlugh Beg détermina,
utilisés par les Chinois. L'intérêt des Musulmans pour l'astronomie à
de nouvelles conceptions de l'univers
d'un énorme sextant installé sur une colline
chinoise, mariée au
à l'aide
roi de Khotan, à la frontière occidentale
au-dessus de Samarkand, la position d'un millier
de la Chine, emporta
de dresser la carte grégorienne et fut aussi adoptée par
des vers à soie
les astrologues chinois.
dissimulés dans sa
coiffure sans que les gardes chinois ne s'en aperçoivent. La technique du tissage de la soie se répandit rapidement dans toute l'Asie centrale et, dès le 'Vie siècle, elle avait atteint la Perse. Entre-temps,
d'étoiles. La carte du ciel qu'il établit permit par la suite
Sous la dynastie des Yuan (1206-1368), les
souverains mongols amenèrent de nombreux
astronomes musulmans en Chine. Sous la direction de Jamal al-Din, natif de Boukhara, des savants musulmans
utilisèrent des instmments astronomiques grecs et
réalisant l'un des premiers exploits de l'histoire de
musulmans comme l'astrolabe et le globe terrestre dans
l'espionnage industriel, deux moines nestoriens avaient
leurs recherches. Ce sont eux aussi qui introduisirent le
fait passer le secret de la sériciculture
calendrier musulman en Chine.
cachant des oeufs de vers
à
à
Byzance en
soie dans le creux de
leurs cannes et en voyageant l'hiver pour qu'ils
Même après la chute de la dynastie mongole en Chine, le calendrier musulman resta en usage comme système astronomique de comparaison avec le calendrier
n'éclosent pas. Les signes du zodiaque babyloniens sont passés
chinois traditiormel. Les savants musulmans et chinois
d'Alexandre le Grand. Tandis que le bouddhisme
ont souvent examiné ensemble les prévisions d'éclipsés solaires et lunaires du point de vue des observations
s'étendait de l'Inde vers la Chine, de nombreux textes
astronomiques différentes qu'ils avaient faites.
de Mésopotamie en Inde à l'occasion des campagnes
bouddhistes ont été traduits en chinois et, de la sorte, les moines chinois apprirent eux aussi le système des 12 signes. Les
bouddhistes introduisirent également la
médecine indienne en Chine, où elle exerça une forte
influence sur les médecins. Non seulement ils en recopièrent les remèdes mais ils incorporèrent la théorie médicale indienne
à
leurs propres travaux. L'essor de
l'islam en Arabie au Vlle siècle déclencha une révolution
C'est une collaboration de ce type, non
seulement dans le domaine commercial mais aussi avec le développement des liens scientifiques,
politiques et religieux, qui fit de la Route de la soie le premier exemple historique de coopération multilatérale et le symbole d'une interdépendance culturelle et matérielle qui a apporté une contribution essentielle au développement de l'humanité.
Wr"'
g
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l'influence
Culturelle
w
DES Routes
DE LA Soie
X^_>
L unification des différentes tribus et peuples de et
l'Allai'
d'Asie centrale
e que le patrimoine culturel et artistique des peuples d'Asie centrale a d'unique, il le doit en grande partie à la Route de la soie. Celle-ci n'a en effet pas seulement permis aux caravanes des marchands de circuler mais a joué un rôle important dans l'élaboration de la symbiose artistique de la région. En effet, chaque groupe dont les caravanes s'arrêtaient pour un temps sur ces pistes accidentées a contribué, tant sous l'angle de l'expérience humaine que sous celui de l'imagination, à l'art qui y a été créé.
L'assimilation de cultures de populations paysannes, nomades et sédentaires ain.si que l'interaction entie les traditions
artistiques de peuples différents n'étaient pas choses nouvelles en dans
l'Etat des
Turcs nomades le Kaghanat turc se
fit
au Vie siècle
apr J.-C.
Asie centrale, La Route de la soie a toutefois imprimé un élan
vigoureux aux échanges d'idées et d'expériences entre zones culturelles et ethniques qui avaient lieu depuis l'Antiquité. En Asie centrale, les premiers spécimens d'art appliqué et objets d'art remontent au Ille siècle av. J.-C. Mais c'est à l'époque classique et au haut Moyen Age que les arts y ont atteint leur perfection. Ce n'est pas un hasard si, à cette époque, le commerce sur la Route de la soie était extrêmement actif C'est aussi du Ile siècle av. J.-C au Ville siècle apr. J.-C que de puissants Etats d'Asie centrale comme la Bactriane, la Sogdiane et le Khorezm se constituèrent. Des villes nouvelles virent le jour, on appliqua des méthodes de construction originales, les beaux-arts et la sculpture se développèrent et la production de divers types d'objets d'art se répandit. La culture de cette époque avait un caractère ouvert et transcontinental. Il y eut interaction des traditions artistiques indo-bouddhistes, hellénistiques, persanes et locales. De par sa situation géopolitique entre l'Est et l'Ouest et le Nord et le Sud, l'Asie centrale se fit l'interprète et le relais de diverses traditions culturelles et styles artistiques. Par exemple, les idées hellénistiques et les traditions culturelles de la Perse, après s'être mêlées aux arts d'Asie centiale, furent tran.smises, vers l'Est, à l'Inde et à la Chine, enrichissant la diversité des arts et cultures du monde à la période classique. Il reste des traces d'activités culturelles intenses sur les routes qui reliaient l'Orient à l'Occident il y a des siècles, Les
B
mines de villes anciennes comme Kapisa (près de la moderne Charikar, au coeur de l'Afghanistan) témoignent d'échanges
complexes avec d'autres pays. On y trouve des sculptures rupestres où des personnages portent les costumes de tribus différentes et des inscriptions qui attestent la diversité des peuples et des langues. La découverte de toute une ville hellénistique à Ai-Khanoum tout au nord de l'Afghanistan a été elle aussi un événement archéologique important. L'architecture en est d'un style hellénique orientalise et on y trouve un théâtre et une vaste acropole. Les traditions hellénistiques ont fortement marqué les arts des peuples sédentarisés du sud de l'Asie centrale, depuis la Bactriane jusqu'aux confins de la Sogdiane et du Khorezm. Les arts ont traduit une conception nouvelle de la personne humaine ; des portraits sont apparus sur les pièces de monnaie, et les figurines d'argile, très répandues au cours de la période bactrienne, représentèrent de plus en plus souvent des êtres humains. En même temps, l'art bouddhiste passait lui aussi les frontières de son pays d'origine et imprégnait les cultures qu'il rencontrait. Des écoles bouddhistes florissantes appamrent dans les oasis et les villes-garnisons de la Route de la soie. Sous la protection des souverains locaux et des communautés religieuses, de grandes représentations de thèmes bouddhistes ornèrent de couleurs splendides les murs de temples troglodytiques et de monastères. Il y eut aussi des sculptures bouddhistes en argile, en bois et en matières plus précieuses. On peut noter des ressemblances entre la sculpture du sud de l'Asie centrale et les sculptures de l'école de Gandhara (nord de l'Inde) au cours de cette période d'expansion bouddhiste ; par exemple, sur la frise de pierre d'Aitarma, qui remonte au Ile siècle av. J.-C. En même temps, des caractéristiques des traditions gandharienne, hellénistique et scythe nomade, mêlées à des influences bactriennes, apparaissent dans la sculpture et les peintures murales de Dalverzin-tepe, sur les murs des
monastères de Fayz-tepe et Kara-tepe et sur les fresques et dans la sculpture de Toprak-kala. Au
début de l'ère chrétienne, les Koushans s'assurèrent la domination de l'Asie centrale et fondèrent un empire qui se maintint jusqu'au Ille siècle. Les maîtres koushans réinterprétèrent les traditions hellénistiques selon les canons artistiques locaux, qui tendaient à
représenter le pouvoir illimité que Dieu accordait aux monarques.
A Tillya-tepe, non loin de Shibarghan, dans la plaine septentrionale d'Afghanistan, des fouilles archéologiques, commencées en 1978, ont mis au
Q
jour un trésor de l'art helléno-bactrien. Six tombes datant à peu près du 1er siècle apr. J.-C, qui marque l'apogée de la puissance koushane dans ces régions, ont été retrouvées dans les ruines d'un temple fortifié d'origine plus ancienne. Les archéologues pensent que les sépultures, dont cinq contenaient des corps de femmes, étaient réservées à la noblesse de l'ancienne ville voisine de Yemshi, peut-être même à ses
métalliques que
portent encore
les
femmes turkmènes
souverains. Les cercueils étaient enveloppés
d'un tissu
décoré de centaines de disques d'or et d'argent. Les styles reflètent les nombreuses traditions de l'Asie
centrale. On y reconnaît aisément des motifs indiens, grecs, iraniens et chinois, mais le plus intéressant est
peut-être l'influence de l'art animalier des nomades. L'apport de ce style pastoral a redonné vie à un art qui menaçait de se figer étant donné que les
traditions hybrides qui étaient perdu de leur vigueur.
A
Les ornements
à sa source
avaient
d'aujourd'hui (a-dessus) trouvent
leur origine dans d'anciens styles nomades, dont le type est cette tenue de
guerrier (à droite) trouvée dans
la
d'un chef scythe
.u milieu du
Ve siècle apr J.-C, un puissant
Etat fut fondé en Asie centrale par un peuple nomade, les Hephtalites. L'interaction de traditions artistiques
différentes se poursuivit sous leur domination, et le brassage d'éléments d'art bactrien-koushan. sassanide
la
tombe de
région d'Issyk
(Kazakhstan).
et gupta dans le royaume Hephtalite suscita de
Palais de 'Warahash reprennent des motifs zandanachi,
nouvelles formes de symbiose artistique.
avec de très beaux ornements qui attestent une
Les arts décoratifs des Turcs poursuivaient la
tradition des Huns. Les scènes d'animaux se dévorant et de cerfs qui courent ornaient tapis et vêtements et étaient reproduites sur des broches de métal et des harnais
de chevaux. Quant au décor
d'articles de métaux plus
précieux comme le bronze,
interaction entre la tradition artistique locale et la tradition sassanide, L'expansion de l'islam en Asie centrale aux "Vile et 'Ville siècles a profondément modifié l'art et la culture de la région. Du IXe au XlIIe siècle, les fresques et
l'argent et l'or, il était fait de
sculptures figuratives, que l'islam interdisait, ont cédé
motifs iraniens et chinois.
devant un art non représentatif
La conquête de l'Asie
Quatre grands styles décoratifs
centiale par les peuples turcs
-
leur donna la haute main sur l'exportation de soie chinoise vers l'Europe. Le commerce entre
les autres.
le Kaghanat turc et la Chine est
l'origine d'une symbiose turco-chinoise unique en son à
genre. Par le biais des réalisations
artistiques turques, cette symbiose
s'étendit aux arts d'un pays
agricole comme la Sogdiane,
qu'elle enrichit d'idées, d'images et de motifs neufs. En même
temps, l'artisanat et les objets
d'art d'Asie centrale étaient très appréciés à la cour des empereurs chinois.
Aux Vile et Ville siècles, l'Asie centrale se mit à
fabriquer elle-même de la soie, incorporant des motifs locaux, iraniens et chinois dans les tissus. C'est à cette époque que la soie d'Asie centrale est devenue un produit d'exportation, ainsi qu'il ressoit des découvertes qui ont été faites au nord du Caucase et en Europe. L'inscription sogdienne au dos de la célèbre soierie de la collégiale d'Huy (Belgique) représentant l'Arbre de vie a révélé qu'il s'agissait d'un zandanachi. U ressort d'une analyse scientifique des motifs et huiles utilisés que onze autres pièces exposées dans des musées d'Europe occidentale sont des zandanachi. Une cinquantaine de pièces zandanachi ont été trouvées dans des tombes au nord du Caucase, c'est-à-dire sur la Route de la soie entre l'Asie centrale et Byzance. A l'origine, les soieries zandanachi étaient fabriquées dans la bourgade de Zandana, près de Boukhara (Ouzbékistan actuel). Plus tard, la demande s'étant accrue, la production a commencé à Boukhara mais les tissus restaient commercialisés sous la marque de fabrique "zandanachi". Des peintures murales du
floral, calligraphique, géométrique et arabesque l'emportèrent alors sur tous Une nouvelle période de l'histoire de l'art d'Asie centrale commençait. Néanmoins, le trait majeur de sa culture, à savoir son caractère transcontinental,
non seulement demeurait mais tendait à se renforcer sous l'influence unifiante de l'islam. La sphère d'influence de la nouvelle culture islamique était extrêmement étendue puisqu'elle allait de la Méditerranée à l'océan Indien. Les arts d'Asie centrale furent aussi saisis par ce mouvement artistique mondial qui apparaissait dans le sillage d'un islam en expansion rapide. Dans les domaines de l'art et de l'architecture, les musulmans alliaient les traditions du passé à une grande exactitude scientifique et mathématique ; ils apportèrent des formes nouvelles en architecture et des goûts nouveaux dans la décoration, qui adopta calligraphie et arabesques. Du IXe au XlIIe siècle, des villes comme Samarcande et Boukhara furent des centres de commerce et d'artisanat où l'on fabriquait des tissus, céramiques, articles métalliques et objets d'excellente qualité. Comme dans l'Antiquité, non seulement ces articles donnèrent lieu à des échanges internationaux mais ils servirent de tmchement, contribuant à l'enrichissement spirituel des pays récemment islamisés et à l'échange entre les cultures. Bien que chaque région ait préservé les traits particuliers de son art et de sa culture, ce sont les valeurs islamiques communes qui ont prédominé. Ce développement culturel fécond, qui a rendu possible
H
B
Des motifs chinois
furent
incorporés dans
les soieries
un grand nombre de chefs-d'oeuvre d'architecture et
nouveaux de culture transcontinentale. Samarcande et
d'art, fut interrompu par l'invasion dévastatrice des armées de Gengis Khan, qui déferièrent sur l'Asie
Boukhara furent à l'époque des foyers de commerce international et des centres cosmopolites des sciences
centrale. Ce n'est qu'aux XlVe et XVe siècles, avec
et des arts.
l'apparition de la dynastie timouride, que l'Asie centrale put connaître une renaissance culturelle. Les échanges commerciaux reprirent et Samarkand, capitale de l'empire, attira peintres et artisans de tout le Moyen-Orient et Proche-Orient. La production artisanale repartit et l'architecture civile, la science, la littérature et la poésie se développèrent rapidement. Le processus d'effacement des frontières artistiques locales qui avait eu lieu du IXe au XlIIe siècle sous l'influence unificatrice de l'islam se reproduisit après la chute de l'empire mongol. Au cours de cette période, le facteur déterminant ne fut toutefois pas de nature religieuse mais politique, dans la mesure où les Timourides firent des terres qu'ils avaient conquises un Etat unifié et centralisé. L'art timouride inventa ainsi une nouvelle esthétique en associant les traditions culturelles de nombreux pays avec
cape richement brodée
(à droite) fabriquée
murales. Selon les sources
héritage artistique des Timourides - que ce soit en
calligraphie, en poésie, en travail des métaux, en reliure et dans toutes sortes d'autres arts comme l'architecture a survécu et, grâce
nos 'jours encore,
les femmes oiizbèkes
collections des musées d'Europe et des Etats-Unis, il est
reconnu à
sa juste
de couleur vive
qu'elles portent pour les grandes occasions.
valeur
En dépit de l'isolement économique et culturel
que connut l'Asie centrale quand fut coupée la Route de la soie, les riches traditions artistiques qu'elle avait
réunies restèrent florissantes. Même si l'époque de la culture transcontinentale avait pris fin, la
production de soie se développa dans la région et les qualités artistiques et techniques des soieries tissées à
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siècles à Samarcande et
centrale tandis que prospéraient les écoles locales de miniature, en particulier à
du souverain et de sa cour,
Boukhara. Au XVIIIe siècle,Boukhara
romanes des manuscrits
J
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enluminés. Des métiers comme la
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la bijouterie étaient aussi florissants et de
J k ^^H
nouveaux styles de céramique influencés par la Chine virent le jour.
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broderie, le tissage, l'armurerie et
Les motifs étaient le plus souvent
floraux et calligraphiques. Un soin particulier était apporté à la calligraphie des pièces de monnaie et à la gravure sur métal. Les céramiques étaient décorées selon des compositions strictes de motifs sombres sur fond blanc. Coupes, plateaux et cruches de métal étaient ornés de motifs floraux et épigraphiques qui s'harmonisaient avec la pièce elle-même. Les motifs géométriques produisaient une impression de mouvement continu en même temps qu'un sentiment de paix et d'éternité
P
.endant JLendar
le XVe siècle, le mécénat atteignit de nouveaux sommets quand les Timourides cherchèrent
renforcer le prestige de la dynastie et leur réputation
personnelle en encourageant un brillant programme d'art monumental, qui aboutit à l'édification
d'impressionnants temples, mosquées et médersas. La Route de la soie
connurent un développement important aux XVle et XVIIe dans d'autres villes d'Asie
Timour étaient décorés de fresques qui illustraient la vie
à
la main s'améliora. La
calligraphie et la reliure
dans le style des miniatures affectionnent les soies
aux restaurations soigneuses qui sont
actuellement en cours en Asie centrale, grâce aussi aux
historiques, les palais de De
mesure que
de communion, tombait en désuétude. Mais le brillant
Les XlVe et XVe siècles
furent caractérisés par la reprise des traditions artistiques, notamment des peintures
à
la Route de la soie, autrefois symbole de rencontre et
celles de leurs origines turques.
d'Asie
centrale comme cette
Au XVle siècle, toutefois, ces villes pre.stigieuses d'Asie centrale perdirent de l'importance
revit les caravanes qui
unissaient l'Orient à l'Occident, suscitant des types
,
\ M^Kft
^^^
;tait un des principaux centres de abrication de la soie en Asie centrale. Les châles de Boukhara et les echarpes de kalgai étaient très
appréciés chez les peuples nomades
d'Asie centrale pour la qualité de leurs motifs et de leurs tissus. v^onservés dans les musées, les tissus
de Boukhara témoignent du développement important de la soierie à la fin du XIXe siècle. L'artisanat déclina pendant la période soviétique du fait de la production en série.
Pendant la majeure partie de ce siècle, l'Asie
centrale
a
été tenue à l'écart des grands courants
d'échanges internationaux et s'est développée au sein
d'un système culturel et économique original. L'art des peuples de la région était présenté au reste du monde comme appartenant à "l'art multinational soviétique". En 1991, l'accession à l'indépendance des ex-Républiques soviétiques d'Asie centrale ouvrit à ces pays des possibilités nouvelles de revoir et étudier de façon objective et non idéologique leur histoire et leur patiimoine. Une occasion historique unique s'offre désormais à eux de rejoindre le courant principal de la culture mondiale et de faire renaître les meilleures traditions artistiques de leur passé commun, patrimoine vivant de la Route de la soie.
I
Q
Mam, fondateur du manichéisme, l'une religions qui de
la
se
des
cinq
répandirent très loin via la Route
soie.
l'influence
Spirituelle DES Routes
DE LA Soie
I
Karakorum, capitale de l'empire mongol et
carrefour commercial de
la Route
soie,
de
la
site de l'énorme monastère fortifié
'
d'Erden-zou.
doctrine d'une secte chrétienne, atteignirent aussi la Chine par cette route.
'ut rétablie après la chute du communisme
Asie centrale.
religion dominante. Des moines en robe safran parcoururent la Route de la soie comme missionnaires, jetant les fondations du bouddhisme, qui domine en Asie de l'Est. Le zoroastrisme, ancienne religion préislamique des Perses, gagna l'Inde par la Route de la soie. Les deux autres religions, le manichéisme mélange de judaïsme et de christianisme - et le nestorianisme,
en
1990 quand la
en
Venus d'Arabie, de pieux commerçants musulmans
emportèrent, en même temps que leurs marchandises, leurs croyances à travers toute l'Asie centrale, où l'islam reste la
était aussi le
Celui-ci rouvrit
-^^ diffusion de religions nouvelles a été facilitée par les échanges commerciaux sur la Route de la soie. C'est ainsi que bouddhisme, christianisme, islam, zoroastrisme et manichéisme, se répandirent très loin de leur terre d'origine, d'abord par les activités des conmierçants eux-mêmes, puis par le truchement de voyageurs et de missionnaires.
Dans la vaste région située entre le nord de la Chine et l'est de l'Iran, appelée 'Tays des Routes de la soie", ces
religions venues du Proche-Orient, de Perse, d'Inde et de Chine se rencontrèrent et coexistèrent pacifiquement pendant des siècles. Ce fait est attesté non seulement par des
documents rédigés dans toutes sortes de langues mais aussi par les découvertes archéologiques et artistiques. Ces
matériaux viennent essentiellement des villes-oasis situées sur la Route de la soie entre Merv (Mari) dans l'actiael
Turkménistan et Dunhuang au nord de la Chine. Les mines des monastères et autres sites
religieux
situés sur la Route de la soie fournissent aussi des
indications sur les voies d'expansion de ces religions. De tous les sites bouddhistes, Dunhuang est sans aucun doute le plus important. Des peintures bouddhistes y sont conservées dans 492 grottes, sur une superficie de 45.000
ml
C'est là aussi que fut mise au jour au début du siècle
une bibliothèque murée où l'on découvrit une tonne de manuscrits.
B
B
Plus à l'Ouest, on trouvait d'autres centres importants Tourfan, Koucha et Khotan, pour ne citer que ces trois noms. Les documents trouvés sur ces sites de l'ancien Turkestan oriental - actuellement Xinjiang chinois - ainsi que du Turkestan occidental ex-Asie centrale soviétique - sont des sources :
importantes pour l'histoire des religions qui se sont répandues dans cette région. Mais, bien qu'on compte au nombre de ces religions le bouddhisme, le manichéisme, le christianisme, le nestorianisme et l'islam, on n'y trouve manifestement pas de religions autochtones. La raison en est qu'à la différence des nomades des steppes les habitants de ces
villes-oasis adoptèrent des religions universelles et
abandonnèrent leurs croyances ancestrales. Le zoroastiisme, l'ancienne religion préislamique perse, qui insiste sur la lutte des forces du bien et du mal,
Dominant
aujourd'hui
en
Asie centrale,
l'islam attire
de
nombreux fidèles
(à gauche),
ui dans
comme
le Fergana
en Ouzbékistan.
Le zoroastrisme,
qui a quasiment disparu, ne possède plus qu'un temple déserté (à droite) conservé à Sarakany en
Azerbaïdjan.
religion du Bouddha s'étendit par la Bactriane (en gros, l'Afghanistan d'aujourd'hui) de Gandhara au nord-est de l'Inde jusqu'à des régions situées plus au Nord et à l'Est. Le Bouddha historique est né vers 563 av. J.-C. à Lumbini, village situé actuellement au sud du Népal, près de la frontière indienne. Eus d'un prince de la caste des guerriers, il reçut le nom de Siddhartha. Le prince Siddhartha quitta le royaume de son père quand il était jeune homme et vécut sa vie adulte dans l'Etat de Magadha, appelé de nos jours Bihar, au
Nord-Est de l'Inde, où il fonda le bouddhisme. Après
mort en 483 av, J.-C, à l'âge de 80 ans, dans la ville indienne qui s'appelle maintenant Kushinagar, le bouddhisme se répandit très loin dans tout l'Inde et au-delà et devint rapidement la religion de plus d'un sa
fait à cet égard exception. Il a été fondé au Vie siècle av. J.-C. par le réformateur Zoroastre, qui cherchait à promouvoir le culte d'un dieu unique. Cette religion prospéra en Sogdiane jusqu'au Ville siècle et elle reste pratiquée dans des lieux écartés du monde, surtout en Inde. Mais, étant la religion des Iraniens, elle ne prit jamais vraiment racine dans les autres groupes ethniques d'Asie centrale et fut ensuite supplantée par l'islam. Les autres religions autochtones ont elles aussi été en grande partie supplantées par les grandes religions de monde. C'est vrai notamment du chamanisme, antique culte religieux fondé sur la croyance que certaines personnes les chamans - peuvent servir d'intermédiaire entre ce monde et le sacré. Les chamans ont joui d'une influence considérable dans les tribus nomades des steppes, où ils exerçaient les fonctions traditionnelles de guérisseurs, de juges et de prêtres, et le chamanisme est resté la principale religion de la Mongolie jusqu'à ce qu'il soit supplanté par le bouddhisme au XVle siècle.
y\.
j/ant l'apparition
tiers de la population de l'Asie. Le long des itinéraires
commerciaux, marchands et missionnaires emportèrent le message par la mer jusqu'en Asie du Sud-Est et au .sud de la Chine et
par voie terrestre en Asie centrale et
au nord de la Chine. Au milieu du 'Vie siècle apr J.-C,
le bouddhisme avait atteint le Japon via la Corée.
L'art bouddhiste franchissait lui aussi les frontières de son pays d'origine et, tandis qu'il
progressait, imprégnait les cultures. Partout où le de l'islam, qui s'est répandu
en Turkestan occidental aux
Ville et IXe siècles et
en Turkestan oriental entre le Xe et le XVe siècle,
le bouddhisme était de loin la religion la plus
importante de l'Asie centrale. Il est difficile de dire à quelle époque il est apparu en Asie centrale. Selon la légende, des missionnaires envoyés au Ille siècle av J.-C. par l'empereur Asoka, de la dynastie des Maurya, qui fit du bouddhisme une religion mondiale, atteignirent le Khotan du vivant de ce souverain. Il est toutefois plus probable que c'est au Ile siècle apr. J.-C, sous le roi kouchan Kanichka 1er, que la
bouddhisme a pris racine, des monastères et temples ont surgi et de riches fidèles ont offert des peintures murales et des sculptures pour honorer le Bouddha et accumuler des mérites. Ce n'est pas seulement le bouddhisme Mahayana qui a fait sentir sa présence jusqu'en Chine, mais aussi diverses écoles Hinayana (sarvastivada et mulasarvastivada). L'un des principaux centres du bouddhisme Hinayana était Kucha, où l'on a retrouvé de nombreux documents de ces écoles. C'est aussi de Koucha qu'était originaire l'un des principaux traducteurs d'ouvrages indiens en chinois, Kumarajiva (mort en 415).
n
C'est aux IVe et Ve siècles que le bouddhisme s'établit solidement dans des centres comme Tourfan et Dunhuang. Il ressort des observations du moine chinois Fa Xian qui, en suivant la Route de la soie, se rendit en Inde vers 400 apr. J.-C. que le bouddhisme était alors très répandu. Un autre Chinois, Xuan Zang,
prospérèrent et les riches donateurs étaient nombreux à verser des fonds pour copier des documents et créer de nouvelles oeuvres d'art. Nombre de ces documents ont été conservés, essentiellement en moyen persan, en parthe, en sogdien et en ou'igour. Ils sont complétés par les
qui se rendit en Inde au Vile siècle, a signalé que si la Bactriane était entièrement bouddhiste à cette époque, le Khorezm et la Sogdiane ne l'étaient pas. En effet, c'est seulement aux marges de ces pays que l'on a découvert des sites bouddhistes, alors que les régions situées plus à l'Est étaient riches d'écoles et d'ateliers d'art bouddhistes.
textes manichéens chinois de Dunhuang ainsi que par des documents coptes découverts en Egypte dans les
années 1930. Les textes traduits jusqu'à présent sont
essentiellement des hymnes, des prières et des traités dogmatiques. Les hymnes et prières expriment un
désir ardent de salut et traduisent un élan vers le "Royaume de la lumière", demeure du "Père de la lumière".
C'est seulement à Tourfan que l'on trouve des oeuvres d'art manichéennes. Ce sont aussi
bien des enluminures que des peintures murales, les dernières découvertes remontant à 1981. Le manichéisme a sans doute disparu d'Asie centrale au moment des invasions mongoles du XlIIe siècle. Bien qu'il soit ensuite tombé en décadence, il faut le compter parmi ces grandes religions du monde qui ont marqué de leur empreinte les traditions européennes et asiatiques.
Quoique
religion minoritaire, le christianisme
nestorien a lui aussi joué un rôle important dans les villes-oasis d'Asie centrale. Le nestorianisme est une ramification du christianisme qui s'est
développée en Perse, après que l'Eglise perse s'est proclamée indépendante de l'Eglise occidentale lors de plusieurs conciles du Ve siècle. Le syriaque étant <e
manichéisme a été fondé par Mani (216-276)
en Mésopotamie au
llle
siècle. Il s'étendit rapidement
vers l'Afrique du Nord à l'Ouest et la Chine à l'Est.
Déjà du vivant du fondateur, qui réunit des éléments de judaïsme, de christianisme et de religion perse en un ensemble nouveau, des missionnaires manichéens furent envoyés en Egypte d'une part et au-delà de l'Oxus d'autre part. Au début de la période Tang
(618-907), le manichéisme pénétra en Chine. Pendant la brève période qui s'étend jusqu'en 845, date à
laquelle fut déclenchée une persécution générale des religions étrangères, les missionnaires manichéens s'établirent dans plusieurs centres de Chine. En 762, le Khan des Ouïgours, peuple turc de la steppe mongole, entendit parier du manichéisme de Chine et s'y convertit. Il en fit alors la religion officielle de son
royaume de la steppe. L'Etat manichéen des Ouïgours fut détruit en 840 sous les coups d'un autre peuple turc, les
Kirghizes. Les Ouïgours s'enfuirent nombreux vers le Sud pour se réfugier dans les villes-oasis de la Route
de la soie de l'actuel Xinjiang, ainsi que le long du
couloir de Gansu, en Chine. C'est dans l'oasis de Tourfan que les princes Ou'igours fondèrent le royaume de Kocho (850-1250). Jusqu'au début du Xle siècle, nombre de souverains de ce royaume furent manichéens. La science et les arts manichéens
Q
nestorienne a été fortement influencée par le mysticisme et l'ascétisme syriens, même si aux VI et Vile siècles un mouvement se dessina en faveur de l'ordination d'hommes mariés, usage qui s'est finalement imposé. C'est sous sa forme monastique comme sous sa forme plus ouverte et laïque que le nestorianisme s'étendit vers l'Est à partir de la Perse. Les centres importants de l'expansion orientale du nestorianisme ont été Merv, Herat, Samarkand, Bishbaliq, Tourfan et Kara Khoto. D'Asie centrale, le nestorianisme atteignit la Chine, où il prospéra sous la dynastie Tang jusqu'en 845, date à laquelle les religions étrangères commencèrent à être persécutées. U disparut de Chine à cette époque, pour ne réapparaître que pendant la période mongole, nombre de Turcs au service des Mongols étant à cette époque nestoriens. Le nestorianisme ne survécut toutefois pas à l'empire mongol, qui s'écroula en 1368. En Asie centrale, la continuité fut plus grande qu'en Chine. Les sources historiques dont nous disposons sont nombreuses et variées. Figurent dans ce nombre les actes des synodes de "l'Eglise d'Orient", ainsi que les découvertes archéologiques et documents mis au jour en Asie centrale, tant en Turkestan de l'Ouest qu'en Turkestan de l'Est. sa langue ecclésiastique, l'Eglise
i
Ce sont notamment 600 inscriptions tombales, qui proviennent essentiellement du Semiretchié, au sud du lac Balkhach et qui remontent à une période située
entre les IXe et XlVe siècles, ainsi que les documents
chrétiens trouvés à Tourfan, Dunhuang et Kara Khoto. Les documents de Tourfan sont en syriaque, en
sogdien et ouïgour, ceux de Dunhuang en chinois et
ceux de Kara Khoto en syriaque et ouïgour. Ils font clairement apparaître une tendance de
plus en plus marquée
à
"inculturer" le christianisme.
Cette tendance apparaît surtout dans les textes
chinois qui emploient même des concepts tao'istes et
bouddhistes pour exprimer des notions chrétiennes.
L
Contrastes de
l'architecture religieuse sur
Route de
la
soie
:
la
très ornée d'Almaty ; une
stuppa bouddhiste simple en Mongolie (en dessous), et
(à droite) la mosquée de
Panfilov,
à la frontière s'ino-kazakhe -
la salle est
de prière
typique de
l'architecture musulmane mais le
minaret
religion qui domine le Turkestan occidental
depuis le XVe siècle est l'islam, représenté dans ces
la
cathédrale chrétienne
(à gauche)
a
depuis les VlIIe-IXe siècles et le Turkestan oriental
est en forme
de pagode chinoise.
régions sous ses formes sunnite et shiite. Si la
progression des armées arabes a été le facteur décisif de l'islamisation du Turkestan occidental, c'est
pacifiquement que l'islam semble s'être répandu au Turkestan oriental, les "missionnaires'' étant souvent des commerçants musulmans. Avec l'essor de la religion de Mahomet, le bouddhisme, principale force spirituelle d'Asie centrale, finit par être évincé de larges parties de la région, sauf au Tibet, en Mongolie et dans le couloir de Gansu. Cependant, l'islam organisait la vie sur des bases nouvelles et favorisait en Asie centrale le
développement d'une culture musulmane autochtone qui allait exercer une forte influence sur la Perse et l'Inde, Babur, le fondateur de l'empire Moghol en Inde, n'était-il pas originaire d'Asie centrale turque ? L'Asie centrale s'inscrivit désormais dans le cadre plus large du monde islamique, ce dont sa littérature comme son art portent la marque. Les peuples iraniens et turcs d'Asie centrale ont beaucoup contribué à développer cette culture musulmane. Bien qu'ils aient opiniâtrement conservé de nombreuses traditions vivaces qui remontent à leur passé préislamique, la plupart des peuples turcs ont adopté l'islam aux Xle et Xlle siècles. En fait, les Turcs d'Asie centrale ont même été parmi les plus solides champions de cette religion. Par vagues successives, ils ont déferié vers le Sud-Est par le défilé de Khyber et dans les plaines de l'Indus et du Gange, faisant de l'islam la religion dominante au Pakistan et au nord de l'Inde. Bien que l'essor du pouvoir mongol, occupation de l'Iran par les Mongols et le sac de Bagdad aient été pour l'islam de sérieux revers, les temps redevinrent plus propices quand les khans mongols de Perse adoptèrent à leur tour l'islam au XlVe siècle. Ensuite, c'est sous la bannière de l'islam que les Turcs seldjoukides envahirent l'Asie mineure, qui constitue aujourd'hui essentiel de la Turquie. Ce sont
enfin leurs successeurs, les Ottomans qui, en s'emparant de Constantinople en 1453, écrasèrent définitivement le vieil adversaire de l'islam, Byzance. La vitalité des centres religieux comme des villes et oasis de la Route de la soie dépendait du commerce. Avec l'effondrement du commerce terrestre Est-Ouest, les monastères, temples, mosquées et médersas furent abandonnés et tombèrent en ruines. Nombre de sites religieux du Turkestan oriental dispamrent sous les sables du désert et restèrent enfouis jusqu'à leur redécouverte au début de ce siècle. Préservés des destructions par la sécheresse du climat et par les caches murées où on les avait dissimulés à l'approche des envahisseurs, les milliers de manuscrits que l'on a trouvés dans ces centres religieux témoignent de la puissance des courants religieux qui se côtoyèrent sur la Route de la soie. Ils évoquent la foi des fidèles d'une religion triomphante ou d'une religion fuyant les persécutions, d'une religion qui domine toujours aujourd'hui ou qui est quasiment éteinte. Ils attendent désormais dans les musées et bibliothèques qu'on déchiffre leurs écrits composés dans des langues connues ou inconnues et sur lesquels se penchent les chercheurs. Ainsi la passion des archéologues fait-elle connaître à ces messages une diffusion internationale que les missionnaires qui voyageaient il y a des siècles sur la Route de la soie n'auraient pu même imaginer.
B
Realisations
Projet
Routes DE LA Soie
*Ës
W EXPEDITOÑS 199a
1990/1991: 1991:
1995:
Route du désert à travers la Chine
Route maritime de Venise à Osaka
Première
1992: Route de la Route des steppe nomades à travers à travers la l'Asie Mongolie centrale
Séminaires
Programmes DE Recherches
étape de la Route du bouddhisme au Népal
En tout, 227 spécialistes de 47 pays ont participé à ces expéditions, plus des chercheurs locaux et une centaine de représentants des médias du monde.
26 séminaires ont eu lieu pendant les expéditions, et 17 ont été organisés soit par le projet ou dans le cadre de
27 Etats membres ont accueilli les séminaires, pendant lesquels plus de 700 communications ont
son
été présentées.
programme.
Pétroglyphes d'Asie centrale
Les épopées le long des
Routes de la soie
Langues et écritures sur les Routes de la soie
Le yacht tûyal ornaríais
lui la
Route matiîime
Préservation des caravan-
séraüs
Ceivtres DE
UtUisation de la télédétection pour l'étude des sites archéologiques sur les Routes de la soie
Recherches Créés par le biais du projet ou liés à ses activités :
Centre chinois d'étude des Routes maritimes de la soie de Fuzhou
Institut inter-national des Routes de la soie de Nara (Japon)
Institut international d'études sur l'Asie centrale (Samarcande)
Centre de recherches sur le bouddhisme de Colombo (Sri Lanka)
Institut international d'études des civilisations nomades (Oulan-Bator)
^
Institut international d'étude comparée des civilisations de Taxila (Pakistan) (en projet)
-^
Bourses Hirayama 1990-1999 : 10 bourses sont décernées chaque année pour des recherches dans des domaines liés aux Routes de la soie. A ce jour, 90 chercheurs de 38 pays en ont bénéficié.
Par l'UNESCO ou dans le cadre du projet UNESCO : 10 ,_ t ' Travaux de séminaires Projets associés : 22 Autres 17
, :
^'^ /ifAf^e de la ioie et des , / , / epi\. setie de quatre livres ¡mm ksjmne^, LopubluatiO'
-^
19 ^
lINESCOlFleurm, Pans
:
Audiovisuel FUms: UNESCO/ARTE/NDR "Die Seidenstrasse" (en allemand), "Sur la piste des caravanes la soie" (en français) UNESCO "La Chine et les Routes de la soie" UNESCO/ IMA - "Les Potiers de Samarcande"
Videos:
Banque d'images : Quelque 400 heures de film, photos et diapositives pris pendant les expéditions
Emissions de radio Articles
: environ 400 dans des revues spécialisées et journaux nationaux
UNESCO/WTN - "Travelling the Silk Road" UNESCO -" Central Asia and the Silk Road"
Affiches
Documentaires
CD de musique religieuse mongole CD ROM sur la Route de la soie (en préparation)
pour télévisions
nationales : 41 Expositions : organisées et dans les Etats membres
à
UNESCO
Cartes scolaires
Vexpédition Route
s'installe pout la nuit Durgan Nuur m Mongolie
des nomades
près du tat
LE PROJET
ROUTES DE
LA SOIE DE L'UNESCO 19
8 8
19 9 7 Le nouveau projet de l'UNESCO
'Dialogue interculturel Est-Ouest en Asie Centrale' a permis le prolongement de certaines activités lancées lors du projet les Routes de la Soie. Dans le cadre de ce projet,
l'UNESCO fournit une assLstance aux instituts internationaux,
comme
l'Institut international d'études des civilisations nomades à Oulan Bator en Mongolie, soutient l'établissement d'un Inventaire des caravansérails en Asie Centrale et participe au programme conjoint Organisation mondiale du tourisme/UNESCO pour la promotion du tourisme culturel en Asie Centrale et le long des Routes de la Soie.
UNESCO, CLT. ICP, 1 RUE MIOLLIS, 75732 PARIS, CEDEX 15, FRANCE TEL: (33) 1 45 684 761 FAX: (33) 1 45 685 588 E-mail: g larminaux@unesco.org