Arnaud DELVIT
RAPPORT D’ÉTUDES L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE ?
AVANT-PROPOS
Résumé Le « street-art » est un courant artistique très dynamique qui a beaucoup fait parler de lui depuis les années 2000. Prenant place là où son nom l’indique, il n’est cependant pas le seul représentant des arts de rue, qui sont aujourd’hui particulièrement diversifiés. Nous avons dans ce rapport d’études examiné différentes formes de l’art de rue, en allant de l’échelle de la ville jusqu’à celle de l’individu pour apporter une réflexion sur cette facette bien particulière de notre culture contemporaine. Nous nous sommes entre autres basés sur l’utilisation de l’espace-rue dans les stratégies de marketing urbain, sur les évolutions que certaines pratiques artistiques avaient subies en modifiant le contexte de leurs représentations ainsi que sur les formes d’art qui sont nées de la rue. Il apparaît comme résultat une volonté de démocratisation de la pratique artistique et de l’accès à son exposition, la prise en compte continue du contexte encadrant les œuvres dans leur réalisation comme dans leur réception, et une plus grande liberté d’action pour les artistes (allant de pair avec une contrainte dans la représentation). Nous soulignons finalement la non-conservabilité de cet art qui ne saurait remplacer le circuit muséal traditionnel mais qui reste une façon pour tout un chacun de s’approprier la ville pour mieux la faire découvrir aux autres. Quelques mots-clefs rue / art / trace / événement / marketing urbain / ville / graffiti / spectacle vivant / extérieur / contexte
«L’art peut-il être à la rue?» Rédigé par Arnaud DELVIT Enseignante tutrice Chantal DUGAVE Responsable de l’enseignement Corine VEDRINE E642 - Rapport d’études ENSAL L3 2018/2019
SOMMAIRE |3
SOMMAIRE
Introduction .........................................................................................................page 5 Partie 1 - De la place à la rue: les mises en art de l’espace public .........................................................................................................page 7 Partie 2 - La rue comme scène: une transformation des arts vivants .......................................................................................................page 17 Partie 3 - La rue comme toile: le renouvellement de l’expression .......................................................................................................page 29 Conclusion .......................................................................................................page 41 Sources .......................................................................................................page 43
4|
INTRODUCTION |5
INTRODUCTION
Si la ville est comme le dit Renzo Piano une « grande invention de l’Homme », la rue est alors sa conséquence la plus directe. Plus qu’un espace permettant de desservir les différentes fonctions du quotidien (le Corbusier en distinguait quatre : habiter, travailler, se déplacer, recréer), elle peut être envisagée comme représentative du cadre géographique, sociologique, politique et donc artistique dans lequel elle se situe. Son aspect permet de renseigner certaines informations, mais les transformations qui lui ont été apportées, en traduisant les usages de ceux qui la pratiquent, peuvent en révéler beaucoup d’autres. C’est le cas des appropriations artistiques du paysage urbain, que l’on rapporte souvent au seul « street art », un terme mal choisi et rarement traduit qui n’existe que pour désigner une frange particulièrement dynamique du marché de l’art contemporain. L’art urbain existe pourtant bien, et ses facettes (qui dépassent les limites de la fresque murale) s’expriment aujourd’hui tout autour du globe. Ces interventions existent à toutes les échelles, allant de la ville entière au rebord de trottoir, de la commande au geste improvisé, de l’événement programmé à la surprise désarmante, le tout avec pour seul point commun le désir de transformer le temps d’une œuvre un espace accessible à tous. Ce rapport d’études est pour moi une occasion de répondre à une question qui m’interpelle depuis déjà longtemps: qu’est-ce qui fait de la rue un lieu privilégié pour l’art? Espace de pure interface dans lequel il faut rester en mouvement, la rue est aussi le lieu des désœuvrés, des rejetés et des sans-logis. Cela reste un milieu théoriquement pratiqué par tous puisque nécessaire à la circulation dans la ville; peuvent donc s’y croiser les ressortissants des différentes origines sociales ou géographiques sans distinction quelconque. Utiliser la rue comme support d’art c’est s’assurer de la diversité du public que l’on va toucher, et ce dans tous les sens du terme. À l’heure de l’accroissement des villes et du creusement des inégalités (notamment en terme d’accès à la culture), il paraît intéressant que des démarches soient mises en œuvres à différents niveaux (la ville, le groupe, l’individu) préservant la liberté d’expression d’une part et ouvrant des perspectives nouvelles aux spectateurs d’autre part. C’est ce poids culturel qu’a acquis l’espacerue ces dernières années que nous allons étudier.
6|
PARTIE UN DE LA PLACE À LA RUE: LES MISES EN ART DE L’ESPACE PUBLIC |7
DE LA PLACE À LA RUE : LES MISES EN ART DE L’ESPACE PUBLIC
Une définition de la Rue L’espace public est avant tout le lieu de la fonctionnalité. Il est structuré selon des axes de circulation, dimensionné pour permettre le passage des flux et maillé pour optimiser son efficacité, quel que soit l’usage qui en est fait. Plusieurs modèles organisationnels ont prévalu au fil du temps, en passant par des trames définies entre autres par la géographie, la religion ou les besoins militaires. Si beaucoup d’éléments du vocabulaire urbanistique changent selon la règle de conception choisie, on trouve certaines constantes à toutes les formes de la ville. La plus évidente est la rue, interface de circulation permettant de desservir les bâtiment entre lesquels elle s’insère. Elle peut se dilater en place, sortir de la ville pour devenir route, être aérienne ou souterraine ; elle reste le dénominateur commun à tous les rassemblements humains, et témoigne sinon de la présence au moins du passage d’une civilisation à un moment donné. La Rue telle que nous allons l’étudier est celle de la ville européenne. Bordée de bâtiments jointifs, avec un « effet couloir » fortement remis en cause par certains courants architecturaux, elle présente de multiples visages allant des ruelles médiévales sinueuses et contournées aux grands axes de type haussmannien établis comme modèle au XIXème siècle. Il paraît important de préciser que la notion de rue peut être floue, c’est pourquoi nous nous appuierons sur une certaine perception de l’espace dans lequel évolue l’usager. L’avenue des Champs-Élysées, par exemple, ne peut pas à son point le plus large être considérée comme une rue ; elle serait plutôt comparable à un quai. Le piéton ne peut appréhender qu’une façade à la fois, séparé qu’il est de l’autre par une distance et un flot de circulation qui, même s’il se tarit, reste difficilement franchissable. Cela n’est pas vrai sur toute la longueur de cette artère, mais c’est un exemple qui permet d’envisager les limites de la Rue telle qu’elle est envisagée ici, un espace public de circulation accessible au piéton et aux limites constamment perceptibles par ce-dernier. Dépassant rapidement sa fonction première, la rue est devenue un lieu de mise en scène sous de nombreuses formes. Pour reprendre l’exemple des percées haussmanniennes, elles ont été entre autres motivées par une volonté de créer des axes forts dans
8|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Arnaud DELVIT
Une conception de la Rue - Paris, 2017
|9
DE LA PLACE À LA RUE : LES MISES EN ART DE L’ESPACE PUBLIC
la capitale culturelle qu’est encore aujourd’hui Paris en mettant en valeur certains de ses monuments. Dans un ordre d’idées comparable, on peut trouver l’aménagement de Rome par Mussolini, qui voulait souligner la grandeur du centre du monde antique, ou encore le Palais du Parlement de Bucarest, édifice monumental qui s’assortit de son axe dédié et hors-proportions pour être mis en valeur. Dans ces cas précis, la rue sert à focaliser l’attention sur un élément architectural particulier en contraignant les lignes de vue de l’usager, elle est pensée pour ne pas être regardée. Certaines pratiques artistiques contemporaines, en s’appropriant l’espace ignoré par ces stratégies, ont montré la qualité de la rue en tant qu’espace culturel à part entière, et pas seulement comme élément de cadrage ou comme arrière-plan neutre. En s’emparant d’un espace public auquel tout le monde est confronté chaque jour, ces artistes jouissent du pouvoir rare de partager leurs œuvres avec un public varié, attentif puisqu’étonné par un changement de son cadre quotidien, et se renouvelant constamment. Paradoxalement, exposer dans un lieu de l’extrême anonymat permet de toucher plus intimement les passants que si leur œuvre était dans un musée, espace relativement figé fréquenté par une frange minime de la population. Faites place au contexte Si l’art trouve aujourd’hui un nouveau terrain de jeu dans l’espace public, il n’en était pas pour autant absent précédemment. En France il est par exemple d’usage que les places hébergent (souvent en leur centre) une statue ou outre élément sculptural pouvant à la fois créer un marqueur urbain et valoriser le capital culturel de la ville dans laquelle elle se trouve. Cela peut mener à des situations étonnantes, comme celle de la place des Terreaux de Lyon qui, parce que c’est la tradition, est pourvue d’une fontaine sculpturale, celle-ci représentant les fleuves de la ville. Seul problème : à l’origine ce ne sont ni le Rhône ni la Saône qui ont été sculptés, mais la Garonne domptant dans une allégorie chevaline ses quatre principaux affluents. La fontaine était en fait une commande de la ville de Bordeaux qui, faute du financement adéquat, a été rachetée par Lyon et installée devant l’Hôtel de Ville. Ainsi décontextualisée, cette œuvre est pourtant bien intégrée au paysage urbain lyonnais et montre que la qualité plastique de l’objet est
10|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
parfois suffisante pour assurer son acceptation par le public qui l’utilise. Plus récemment, et avec une œuvre réfléchie pour un cadre géographique bien précis, on peut citer le cas Tilted Arc, installée en 1981 sur la Federal Plaza à New-York City. Cette œuvre de Richard Serra est une plaque unique d’acier Corten prenant la forme d’un mur légèrement incurvé (d’où le nom) de 3,7 mètre de haut pour près de 40 de long. Grâce à la finesse du matériau utilisé, c’est une véritable lame qui est installée par l’artiste afin de couper la place en deux en gênant intentionnellement les flux de circulation des piétons. En obligeant les usagers à contourner cet obstacle, Richard Serra souhaitait leur faire prendre conscience de l’espace qui les entourait et leur permettre de percevoir la courbure de ce « mur » en les obligeant à le regarder. Cette stratégie a dépassé ses attentes puisque non content de remarquer l’œuvre et le détour qu’elle imposait, les usagers se sont rapidement fédérés en un collectif ayant réussi à provoquer le retrait et le stockage de la sculpture incriminée le 15 mars 1989. Le procès ayant mené à la destruction finale de Tilted Arc est un véritable cas d’école, en cela qu’il définit clairement les contraintes de fonctionnalité auxquelles doit se soumettre une œuvre exposée dans l’espace public. L’artiste n’a plus la liberté complète qu’il peut avoir dans le cadre d’une exposition, il doit accepter de perdre le contrôle de sa production au profit des usagers qui peuvent pratiquer quotidiennement l’espace qu’il a contribué à créer. D’autres œuvres contemporaines ont élu domicile dans l’espace public, comme la fontaine Stravinsky à Paris ou le quatrième piédestal de Trafalgar Square. Cet espace peut d’ailleurs fournir un exemple de l’importance du contexte dans la perception que l’on peut avoir d’une œuvre. Le quatrième piédestal de Trafalgar Square est resté vide depuis son érection en 1841, les trois premiers étant occupés par des statues équestres. En 1998, il a été décidé d’y installer des œuvres d’art contemporain afin de dynamiser le paysage de la place. Entre 2013 et 2015, c’est un coq bleu de quatre mètres de haut qui y a élu domicile, ce qui a été immédiatement perçu par les Anglais comme une référence au peuple français sur une place célébrant déjà la mémoire d’une victoire sur ces-derniers. Cependant, c’est bien une artiste allemande (Katharina Fritsch) qui l’a réalisée en basant sa réflexion plus sur l’humour et les manifestations du patriarcat dans
|11
DE LA PLACE À LA RUE : LES MISES EN ART DE L’ESPACE PUBLIC
Photo Anne CHAUVET
L’installation Tilted Arc - New-York, 1982
12|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
l’espace public que sur une évocation d’un pays quelconque. En France, il existe une sorte de caution culturelle pour la réalisation de tout projet appelée le Un pour cent artistique. Encadrée depuis 1951, cette procédure vide à valoriser des artistes français bien vivants en allouant un pour cent du budget d’une réalisation publique à la conception d’une œuvre d’art intégrée à cette réalisation. Bien qu’elle favorise la création contemporaine et sensibilise le grand public à diverses pratiques artistiques (le un pour cent peut s’appliquer à la sculpture, la peinture ou autres, la seule contrainte étant de ne pas dépasser le cap des deux millions d’euros), cette loi est peu appliquée puisque son non-respect n’est pas sanctionné. C’est par exemple à ce système que l’on doit les œuvres placées sur les ronds-points ou en bordure d’autoroute. Assez critiqué par des artistes comme André Bloc qui prônait une collaboration plus étroite entre artistes et architectes, la mise en place de cette procédure témoigne tout de même d’un intérêt pour la valorisation culturelle du paysage urbain, et ce à grande échelle. La volonté de propager l’art en-dehors des musées se retrouve donc à un niveau institutionnel avec une production encadrée d’œuvres pérennes visibles dans l’espace public. La ruée vers l’art En contrepartie des œuvres commandées par les villes en désir de renouveler leurs marqueurs urbain, il peut arriver qu’une autre temporalité intervienne dans l’espace public. Cette fois ce n’est pas l’interface de la place qui est utilisée mais bien celle de la rue grâce à sa fonction première de lieu de circulation. Le centre de l’espace est dédié non pas au trafic routier mais à des parades, défilés et manifestations culturelles de grande ampleur. Le public reste quand à lui sur les trottoirs et se déplace lentement ou même s’arrête pour voir passer les œuvres devant lui, transformant ainsi la rue en un espace de pause et de découverte. Plusieurs compagnies se sont spécialisées dans ce type de spectacle, parmi lesquelles Royal de Luxe et sa petite sœur La Machine. Formée en 1978, la compagnie Royal de Luxe est une des plus emblématique dans le monde du théâtre de rue français. Elle officie d’abord dans les environs de Toulouse avant de s’installer à Nantes à la fin des années 1980 où, grâce à un système de subventions répondant
|13
DE LA PLACE À LA RUE : LES MISES EN ART DE L’ESPACE PUBLIC
mieux à ses besoins, elle est en mesure d’offrir des spectacles de plus en plus ambitieux. Suivant un de leurs principes fondamentaux, les prestations proposées par Royal de Luxe sont gratuites puisqu’elles se tiennent en extérieur, ce qui leur permet également de toucher un très large public. Comme pour aller avec cette volonté de toucher le plus grand nombre, c’est en 1992 que Royal lance une de ses œuvres les plus emblématiques : le Géant tombé du ciel, animatronique de neuf mètres de haut se déplaçant dans les rues du Havre puis, suite au succès emporté auprès des passants, dans d’autres villes de France comme d’ailleurs. D’autres personnages et animaux ont rapidement suivi, reprenant l’idée de démesure et d’incongruité de cette première création, suscitant à chaque apparition non seulement la fascination des foules mais aussi la construction d’un imaginaire nouveau, ancré dans ce que la rue peut être. Cette façon de faire, on peut la retrouver dans les œuvres de La Machine, compagnie créée par un ancien membre de Royal de Luxe. Leurs interventions s’appuient également sur la mise en place de spectacles à l’échelle urbaine, reposant sur des animaux fantastique évoluant dans la ville. Ces sortes de robots sont manipulés par des marionnettistes, les rouages de la machinerie les composant sont visibles mais cela n’empêche pas le public de ressentir leur aspect vivant. Lors du spectacle du Gardien du Temple, à Toulouse, la mise en scène était telle que le public ne savait pas où les machines allaient se rendre, provoquant ainsi une nouvelle effervescence dans les déplacements du centre-ville. Les spectateurs sont ainsi devenus acteurs de la représentation, participant par leur implication à un phénomène qui aurait été impossible à reproduire dans ailleurs que dans le cadre incontrôlable de la rue. Des mouvements de foule suivant les deux clous du spectacles jusqu’aux petits groupes de spectateurs essayant de déterminer où ces-derniers allaient passer, ce spectacle a été l’occasion d’une grande réappropriation de l’espace urbain par ses usagers quotidiens, allant jusqu’à leur faire découvrir de nouvelles facettes de leur environnement pourtant bien connu. Ces compagnies sont un exemple des usages qui peuvent être faits de l’espace-rue. Si le spectacle du Gardien du Temple voyait ses temps-forts se dérouler sur des places (notamment pour des questions
14|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Arnaud DELVIT
Ariane, création de La Machine - Toulouse, 2018
|15
DE LA PLACE À LA RUE : LES MISES EN ART DE L’ESPACE PUBLIC
d’accueil des foules), c’est bien dans les rues de la ville qu’a eu lieu tout ce qui faisait la spécificité de la représentation, notamment par le biais de son interaction avec le public. En devenant le théâtre de telles manifestations, la rue a perdu sa fonction de simple espace de transition entre deux lieux. Déchargée entre autres de la circulation automobile, elle souligne les possibilités qui existent dans les systèmes urbains dans lesquels nous évoluons pourtant tous les jours. C’est alors l’expression artistique qui prime de la façon la plus démocratique qui soit : avec des spectacles en plein air et accessible à tous, venant intéresser un public bien plus large que celui que touche habituellement l’art dans ses circuits plus conventionnels. Une telle perception des œuvres n’est pas envisageable sur une place, espace par essence théâtralisé et polyvalent, apte à recevoir des foules sans contrainte. Conclusion : une nouvelle place pour l’Art Les rues ont longtemps été en elles-mêmes une expression du pouvoir culturel et politique des civilisations qui les ont édifiées. Servant de cadrage à divers monuments, affublées d’une simple fonction distributrice de la ville, elles ont rarement été le cadre d’installation d’œuvres d’arts qui ont prioritairement été disposées sur des places. Cette tendance continue aujourd’hui et, bien que la plupart des œuvres restent « hors-sol » car facilement décontextualisables, une démarche de prise en compte de l’environnement des œuvres est en cours depuis plusieurs années, un des cas les plus emblématiques restant celui de Tilted Arc dans les années 1980. Plus récemment, les villes ont cherché une nouvelle façon de valoriser leur patrimoine culturel en organisant des événements artistiques non pas sur les places, mais bien dans les rues. Avec le concours de compagnies ambitieuses et une mise en place urbanistique, des spectacles d’une nouvelle forme voient aujourd’hui le jour, révélant le potentiel artistique de la rue et les spécificités de cet espace si particulier. De façon notable, ces stratégies de grande échelle nécessitant une infrastructure lourde et contraignante trouvent un écho chez des prestataires intervenant à de plus petits niveaux et donc moins contraints.
16|
PARTIE DEUX LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS |17
LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS
Donner la ville en spectacle Au Moyen-Âge, certaines villes étaient chamboulées périodiquement par l’organisation de foires de grande envergure qui, en concentrant les offres de marchandises en un seul endroit pour un temps limité, voyaient une grande affluence envahir leurs étalages. On peut faire un parallèle avec certaines manifestations culturelles contemporaines ; le succès aidant, cela peut même participer de l’aura de la ville-hôte comme on peut le constater avec le Printemps de Bourges. Nous sommes ici à la limite de ce que l’on appelle le marketing urbain, puisque si le brassage des publics et l’affluence des visiteurs est profitable à la renommée de la ville, la démarche est initialement motivée par des compagnies artistiques (d’une certaine envergure il est vrai) et non par le lieu de la manifestation. Nous ne sommes pas dans le même cas que celui d’une ville qui commanderait une performance de La Machine pour influencer son rayonnement culturel, mais plutôt sur une façon de tirer profit d’une manifestation artistique à succès sans que cela ne la pénalise. Cependant, avec ces événements périodiques et balisés, le public comme les artistes restent encadrés, que ce soit par l’achat d’un ticket ou par des marqueurs visuels, même s’ils restent aussi discrets que la ligne du Voyage à Nantes. Cette manifestation estivale joue sur le temps long puisqu’elle s’étend sur près de deux mois, et a pour but de créer un « monument dispersé » long d’une douzaine de kilomètres et faisant le tour de la ville de Nantes. Elle relie par le biais d’une ligne verte physiquement présente à la fois des monuments ancrés dans la ville et des installations créées pour l’occasion. Avec des œuvres semi-pérennes exposées en extérieur et une mise en scène minimaliste (un simple trait de peinture tracé au sol), on retrouve une sensation de fraîcheur et de surprise qui est encore accentuée par la réaction des habitants à un environnement pourtant transformé, puisqu’ils ont pleinement intégré la présence de ces éléments incongrus. Par leur simple placement dans ce contexte si spécifique, ces œuvres sont en contact avec des facteurs aléatoires parce que réels et donc incontrôlables. Ainsi elles acquièrent une dimension poétique supplémentaire qui n’aurait pas le même poids dans un cadre plus maîtrisé et donc sans surprises. On observe ici une itération très contemporaine de la promenade d’agrément, la ville étant comme
18|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Arnaud DELVIT
«La part manquante», un élément du Voyage - Nantes, 2017
|19
LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS
un jardin dont les îlots cacheraient des œuvres aussi bizarres que surprenantes. Il apparaît que les manifestations de l’art dans la sphère urbaine se sont souvent inspiré de systèmes pré-existants. L’imaginaire convoqué par les prestations de Royal de Luxe et consorts fait appel à une pratique en vogue depuis longtemps, celle du défilé. Que ce soit pour le très renommé carnaval de Rio ou les célébrations du Nouvel an chinois, les parades véhiculent dans l’inconscient collectif une forte connotation militaire. Bien que certains pays comme la Corée du Nord célèbrent encore aujourd’hui leur fête nationale en exhibant fièrement à la population leurs forces armées, cet usage tend à se raréfier avec le temps, jusqu’à être tourné en dérision lors de manifestations telles que la Biennale de la Danse de 2018 à Lyon. Assumant pleinement l’ascendance guerrière de la marche qui était donnée pour l’ouverture de l’événement, les organisateurs ont décidé d’en faire un Défilé pour la Paix, fêtant dans une profusion de couleurs et d’étoffes l’union entre les Hommes de par le monde. Les participants, par groupes de plusieurs dizaines de personnes, dansaient dans les rues du centre-ville en précédant des chars bigarrés et bruyants dans une joyeuse cacophonie ayant, encore une fois, nécessité une stratégie de grande ampleur pour être mise en place. Ce cortège n’était toutefois qu’une introduction à la Biennale s’étendant partout dans la ville, y intégrant ainsi selon les mots des organisateurs une dimension « populaire et inclusive ». Ce phénomène d’appropriation urbaine menée par une organisation artistique est à prendre en compte dans notre raisonnement. Si dans un premier temps nous avons observé les manifestations du pouvoir public dans l’espace dont il a la responsabilité, nous voyons maintenant que ce domaine peut aussi être celui de compagnies plus ou moins indépendantes qui transforment un environnement connu au profit de diverses pratiques. En ce sens on peut relever l’existence des nombreux festivals qui changent les codes de l’accès à la culture partout où ils se tiennent. Nous pourrions prendre l’exemple d’Aurillac pour l’art de rue, d’Avignon pour le théâtre (et sa contrepartie non officielle dite en « off ») ou de Carhaix-Plouguer pour la musique, qui voit ses sept mille deux cent quarante habitants accueillir plus de deux cent cinquante mille festivaliers tous les étés pendant la tenue des
20|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Vieilles Charrues. La diversité de ces manifestations prouve un intérêt certain du public à leur encontre, mais démontre aussi par la taille des villes investies une complexité d’organisation incompatible avec les métropoles françaises, celles-ci ne pouvant pas se permettre d’être ainsi « paralysées » pendant plusieurs jours. Les murs ont des oreilles Si l’on reprend l’exemple des Vieilles Charrues, on observe rapidement que cette manifestation concentre son public sur un terrain délimité en le focalisant autour de quelques scènes mises en place pour l’occasion, ce n’est pas le cas de toutes les célébrations musicales. La plus répandue en France est sans doute la Fête de la Musique qui malgré ses dérives alcoolisées au sein de la communauté des moins de vingt-cinq ans a su marquer le paysage culturel français. Véritable élément de transition entre l’échelle de l’urbain et celle de l’individu, celle-ci se tient le jour du solstice d’été (depuis 1982 en France et plus récemment à l’international) et a pour but d’inciter toute la population à faire valoir ses talents musicaux au moyen d’un slogan pour le moins compréhensible : « Faites de la musique ! ». Avec des scènes « officielles » mises en place par les mairies dans la majorité des villes, ce que l’on retient avant tout de cette célébration c’est la profusion des artistes, leur diversité et souvent un joyeux amateurisme. Chaque coin de rue est une scène potentielle permettant à qui le veut de passer l’épreuve du public en faisant face à une foule toujours fournie mais également mobile et exigeante, certains professionnels utilisant l’occasion pour faire des concerts-surprise. On retrouve ici la volonté de créer une manifestation populaire et inclusive, présentée plus tôt comme un des leitmotiv de la Biennale de la Danse. En effet avec ce système c’est chaque année plus de cinq millions de volontaires (en France seulement) qui apportent à l’événement sa « part fondamentale de spontanéité et son allure de transgression joyeuse » d’après une formulation du Ministère de la Culture lui-même. Ce simple registre lexical montre l’assouplissement indéniable des règles d’usage de l’espace public lors de cette soirée. Au sein de l’assistance, la promiscuité est de mise pour pouvoir permettre au plus grand nombre de profiter de chaque artiste, et les nuisances
|21
LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS
Photo Arnaud DELVIT
Sur un abribus, les confettis de la Biennale de la Danse - Lyon, 2018
22|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
sonores qui peuvent aller jusqu’à tard dans la nuit sont intégrées comme acceptables par les riverains (dans une certaine limite). La Fête de la Musique se tenant en plein air, il a été choisi par les organisateurs de tirer parti du contexte de la rue pour mettre en place un encadrement très permissif qui assume les côtés incontrôlables de la situation. Encore une fois on voit la rue comme un espace créé pour répondre à des normes d’utilisation précises et détourné de son usage premier pour mieux être approprié. En quittant l’échelle de la ville et de l’exceptionnel (l’acceptation des comportements de la Fête de la Musique ne vient que de l’assurance que ceux-ci n’auront pas cours tout le reste de l’année), on peut constater que des détournements mineurs et ponctuels de la rue existent toujours dans la sphère musicale sans forcément sortir de l’ordinaire. Prenons l’exemple des fanfares, que l’on peut croiser sans en être averti. Elles aussi ont une ascendance militaire indéniable puisque c’est leur musique qui accompagne encore aujourd’hui les défilés. Cet héritage a cependant évolué et mené à la création de compagnies généralement costumées, attirant tant pour le son que pour le regard. Terrain des excentricités, la fanfare veut être reconnaissable et surtout suivie puisqu’elle est mobile. Les instruments choisis offrent un rapport maximal entre légèreté et puissance sonore, les morceaux sont souvent à même de parler au plus large des publics car entraînants et entêtants. Là où elle passe la comète-fanfare emmène sa traînée jusqu’à s’arrêter dans un espace dégagé le temps de quelques morceaux pendant lesquels les musiciens restent dynamiques. Cet usage pour le moins original des espaces de circulation est très bien intégré par les usagers, qui ne questionnent ni les tenues extravagantes ni le niveau sonore inhabituel. Nous sommes avec de telles formations dans une modernisation de la fanfare classique qui, bien qu’elle se décharge de la connotation guerrière de son ancêtre, garde le même vocabulaire de mobilité. Pour aller plus loin, nous pouvons nous intéresser au renouveau de cette pratique à-travers l’exemple d’Urbaphonix, compagnie d’art de rue formée en 2012 qui reprend les mêmes codes mais les renouvelle en jouant littéralement sur son contexte immédiat. Une équipe d’artistestechniciens se charge de faire découvrir à son public les sonorités de la ville en utilisant pour seuls instruments ce qu’ils y trouvent, à savoir
|23
LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS
des gouttières, des grilles et autres éléments de mobilier urbain. En les utilisant comme instruments de percussion ou même en les caressant, ils réalisent in-situ un « concert-promenade », une visite capable de valoriser le plus banal des quartiers comme le centre d’une création musicale unique. Si l’ADN des fanfares anciennes a été conservé, c’est grâce à la rue une toute nouvelle pratique artistique qui a vu le jour, ne gardant qu’un caractère essentiel de son modèle (ici la mobilité) et l’accentuant jusqu’à éclipser les autres. Que la lumière soit ! Si certaines œuvres plastiques peuvent être déposées dans la rue avant d’être transportées ailleurs, nous avons déjà constaté que pour ce qui est de l’art vivant le contexte urbain impacte non seulement la réception du geste artistique par son public mais aussi sa réalisation par les artistes. Là où le cadre du Quatrième piédestal a, comme nous l’avons décrit précédemment, biaisé la lecture des œuvres qui y avaient été exposées, ces-dernières ont ensuite été transportées et présentées dans des musées pour être conservées de façon plus pérenne. Une telle démarche est impossible pour les performances d’Urbaphonix qui sont archivables en vidéo mais qui diffèrent à chaque représentation. Le simple contexte de réalisation de l’œuvre entérine son caractère spécifique et irreproductible, cette notion étant pleinement intégré par les artistes à l’origine de la démarche. En choisissant ce mode d’opération, ils sont passé d’une fanfare dans la rue à une fanfare de la rue, dégageant une énergie ou une sensation à nulle autre pareille puisque basée sur une improvisation contextuelle basée sur des éléments non contrôlés. Même si l’œuvre est travaillée en amont, les parcours balisés et les possibilités étudiées, les artistes réalisant leur œuvre dans la rue devront inévitablement faire face à l’imprévu. Le théâtre de rue en a fait une de ses forces. Avec des représentations hors-les-murs, les troupes qui le pratiquent se privent de deux des éléments qui sont au centre de la discipline : le noir et le silence. Le noir parce que jouer dans la rue, c’est accepter de ne pas contrôler son cadre, c’est jouer contre un mur ou obstruer le passage, généralement de plein jour pour intéresser le plus grand nombre possible de passants. Même pour les nocturnes, on ne peut s’affranchir
24|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Vincent MUTEAU
La compagnie Urbaphonix à l’oeuvre - Madrid, 2017
|25
LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS
Photographe anonyme
Le clown Peach fait participer son public - Aurillac, 2015
26|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
des lumières de la ville, parasites choisis consciemment selon le lieu d’implantation. Le silence, car dans un espace ouvert il paraît illusoire de vouloir imposer le calme plat. Que ce soit les chuchotements du public (qui, n’étant pas dans sa situation de confort habituelle puisqu’il reste souvent debout, se permet quelques libertés) ou encore les conversations des autres usagers de l’espace public, les sons émis par les acteurs et leurs accessoires devront toujours tenter de couvrir ceux de leur contexte proche. Paradoxalement, ce qui est perçu comme un gêne dans les représentations classiques est ici la source d’un nouveau jeu. Le théâtre traditionnel choisit de cacher son public, de le rendre muet ? Très bien, le théâtre de rue, en se contraignant à le voir et à l’entendre, se fournit des outils pour communiquer avec lui. Un premier pas ô combien significatif est celui de l’échange des regards. Si dans une salle on a une foule anonyme et invisible qui observe des individus identifiables et mis à l’écart, dans la rue tout le monde peut être au même niveau. Jouant de cet état de fait, les acteurs de théâtre de rue impliquent souvent le public dans leurs répliques, cherchant dans un premier temps le « bon » interlocuteur pour le faire participer au spectacle sur le fil d’une improvisation. Cela entraîne le public à mettre au point des stratégies pour se faire remarquer ou au contraire se cacher, les obligeant ainsi à prendre place dans un nouveau système social qui leur est propre, les entraînant à remarquer non seulement la présence des acteurs mais aussi celle des autres spectateurs pour se place en conséquence. Ce nouveau niveau de relation à l’intimité exacerbée dans ce contexte de représentation qu’est la rue est également un moyen de gratification pour les acteurs. Faisant don de leur personne, ils peuvent évaluer leur relation avec le public d’un simple coup d’œil leur permettant en guettant les expressions de s’assurer de la bonne réception de leur travail. De tels rassemblements obéissent à leurs propres codes. Plutôt que de s’adresser à un public connaisseur et convoqué dans un but clair (achat d’un billet, rendez-vous sur un lieu précis à un horaire prédéfini), les arts vivants reposent dans la rue sur la mécanique de la foule. Le passant-spectateur va s’arrêter parce qu’un groupe de personnes est arrêté, venir ainsi le grossir et provoquer l’arrêt d’autres personnes jusqu’à l’impossibilité du contact visuel ou sonore avec l’artiste. Les
|27
LA RUE COMME SCÈNE: UNE TRANSFORMATION DES ARTS VIVANTS
dispositions du public changent selon la nature du spectacle qui leur est proposé. S’ils ont affaire un tour de prestidigitateur, il est d’usage que l’artiste ait un fond de scène où cacher ses accessoires, le public se trouve alors disposé en éventail devant lui à la manière d’une scène classique. Si l’on assiste à un spectacle de danse, c’est généralement la forme du cercle qui est adoptée, permettant à un maximum de spectateurs de profiter de la performance simultanément. Cela a d’ailleurs entraîné la création de nouvelles chorégraphies jouant beaucoup sur la dynamique des rotations de danseurs prouvant leurs capacités au centre d’une arène de regards. Un système offrant de telles libertés n’est pas sans contraintes de financement, la précarité étant souvent de mise pour certaines compagnies. Conclusion : du marketing urbain à la transformation des pratiques artistiques En tant que nouvelle place de l’art, les rues sont aussi un des lieux privilégié du marketing urbain (discipline qui tend à augmenter l’attractivité des villes en les mettant en compétition). Ces stratégies peuvent être le résultat de commandes ou de compagnies artistiques tierces dont les réalisations participent de l’aura de la commune organisatrice. On peut cependant pointer la tenue de divers festivals comme un contre-exemple, puisque les plus importants se tiennent dans des petites villes, que ce soit par conviction ou par contrainte financière. Nous sommes alors dans une volonté manifeste de rendre l’art plus accessible à tous, ce qui se traduit également à un niveau institutionnel avec des célébrations comme la Fête de la Musique. À un niveau plus quotidien, on peut citer l’exemple des fanfares ou des compagnies d’art de rue qui en choisissant ce contexte de performance s’adressent à un nouveau public mais font aussi évoluer radicalement leurs modes de représentation, notamment en terme d’échange avec l’auditoire. Bien que s’appuyant sur des formes artistiques existantes, les musiciens, acteurs, danseurs qui jouent dans la rue créent ce-faisant une nouvelle discipline qui leur est propre.
28|
PARTIE TROIS LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION |29
LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION
Le graffiti-signature et ses évolutions Si certaines pratiques artistiques ont évolué en arrivant dans la rue, il en est d’autres qui y sont nées. C’est le cas du graffiti, griffonnage mural dont la pratique est très ancienne mais dont la version contemporaine est née dans les années 1970 dans les banlieues de New-York. Parallèlement aux guerres de gangs qui déchiraient les quartiers les plus populaires de la ville, des marquages étaient utilisés pour délimiter un territoire ou simplement signaler son passage dans une zone donnée. Si dans un premier temps les mots étaient lisibles pour tout un chacun (on cite l’exemple de Cornbread, identifié comme le premier « writer » au monde), ils ont rapidement évolué vers une calligraphie beaucoup plus stylisée, perdant en aisance de lecture ce qu’elle gagnait en dynamisme. Cette complexification a permis de codifier très nettement les rapports hiérarchiques qu’entretenaient les writers entre eux, avec des éléments aussi variés que la taille des lettres, les symboles y étant accolés ou la position des signatures les unes par rapport aux autres. Tout cela ne servait qu’à un seul but : gagner pour l’anonyme derrière le tag la guerre de réputation l’opposant à ses concurrents. C’est ici qu’on voit le paradoxe du graffiti. Pratique par essence illégale, il nécessite l’anonymat de son réalisateur qui va pourtant l’utiliser comme un moyen d’obtenir la reconnaissance de ses pairs ou d’un public plus large encore par une technique de saturation de l’espace visuel de la rue. Rapidement et grâce aux évolutions de la bombe de peinture qui constituait leur principal outil par sa facilité d’utilisation, sa transportabilité et son fort pouvoir couvrant, les graffeurs sont devenus de plus en plus téméraires. Pour s’assurer une diffusion aussi large que possible de leurs fresques tout en bravant toujours plus d’interdits, ils ont commencé à s’attaquer au métro Newyorkais, le prestige augmentant avec chaque voiture couverte avec pour objectif ultime l’appropriation d’une rame complète. Ces trains colorés traversant la ville entière ont rapidement posé problème à la mairie, qui a lancé de nombreuses politiques anti-graffitis à l’efficacité discutable, mais a aussi incité d’autres acteurs à s’emparer du phénomène. Certains artistes ont utilisé la liberté d’action qu’ils voyaient dans cette scène très alternative et ont utilisé ce mode de diffusion de leurs œuvres pour
30|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Arnaud DELVIT
Exemple de graffitis-signatures - Paris, 2019
|31
LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION
se faire remarquer par des galeristes, comme Keith Haring qui a débuté dans le métro. D’autres vont utiliser les codes développés par les writers et au contraire les détourner pour en créer de nouveaux. C’est le cas de Shepard Fairey, graphiste à l’origine de l’affiche « Hope » de Barack Obama en 2008 mais aussi cerveau derrière l’opération Obey. Initialement une simple campagne d’affichage de stickers, cette opération est devenue pour son initiateur une réflexion sur la phénoménologie, décrite comme « le processus de laisser les choses se manifester d’elles-mêmes ». L’idée est de prendre une image sans signification particulière (dans le cas présent le portrait stylisé d’un catcheur renommé, André the Giant, accompagné du simple ordre « Obey ») et voir comment le public va s’en emparer. Pour s’assurer du succès de la démarche l’artiste choisit de submerger littéralement son environnement de cette production, répétant à l’identique son motif sur des milliers de supports allant de l’autocollant à l’affiche en passant par le poster qui reste peut-être le plus répandu. C’est une relecture des codes du graffiti-signature, puisque cet exercice se base sur la répétition d’un élément unique et reconnaissable, mais le rapport au public est transformé. Ici on s’adresse directement au passant, lui donnant un ordre plutôt que de se contenter de signaler sa présence ou son passage. C’est le gigantisme de l’opération qui lui a conféré sa renommée, cette campagne ayant eu un impact dont on trouve encore les échos aujourd’hui. Shepard Fairey n’est pas le seul a s’être approprié à sa manière les codes du tag. Prenons le cas d’Invader, qui a intégré et exacerbé les notions de territoire inhérente aux premiers jours du graffiti. Plutôt que d’utiliser la bombe de peinture, instrument de prédilection des graffeurs, ou les collages décrits précédemment, il choisit un matériau nouveau : la mosaïque. Ce format est plus contraignant puisqu’il fonctionne à-partir de carrés (assez gros pour être visibles de loin) accolés les uns aux autres, ce qui limite les possibilités de représentations mais lui permet de « préfabriquer » ses œuvres avant de les afficher, comme pour la campagne Obey. Dans un souci de cohérence visuelle, l’artiste choisit de ne représenter que des formes semi-abstraites inspirées du jeu Space Invader dont il tire son pseudonyme. En collant ses plaques dans les villes qu’il traverse, il envahit chacun de ces espaces en y disposant
32|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
des figures reconnaissables bien que différentes les unes des autres, les aliens ainsi créés s’accordant d’une façon ou d’une autre à leur environnement. Les lettrismes des banlieues New-yorkaises sont passés d’incompréhensibles marquages délimitant un territoire restreint à la trace d’un passage reliant virtuellement tous les espaces. Jouer avec les limites Si l’épicentre du graffiti se situe dans le New-York des années 1970, une autre pratique comparable en bien des points voit le jour simultanément en Europe (et notamment en France), avec une différence fondamentale. Là où les États-Unis voient les tags comme étant le fruit d’une population jeune et désœuvrée, les premiers français à s’emparer de ce mode de communication sont des artistes conscients de leur geste et de ce qu’il implique. Parmi les têtes de file on peut citer Ernest Pignon-Ernest, Miss Tic, Blek le rat ou encore Le Bateleur qui échappe à la prospérité. S’appuyant souvent sur la technique du pochoir, cesderniers utilisent les murs de la ville pour diffuser des messages aux passants, souvent sur la dure réalité qui les entoure. Cette démarche dénote d’une réflexion sur l’acte effectué que n’avaient pas les premiers writers états-uniens. En représentant dans la rue et en taille réelle un sans-abri allongé au sol, Blek nous rappelle non seulement leur existence mais il interroge aussi sur notre rapport à ces derniers. Ses œuvres, tout comme les poèmes de Miss Tic, interrogent le passant au moment où il s’y attend le moins, quand il marche dans la rue. Cette démarche artistique n’en est pas pour autant acceptée de tous. Très rapidement se pose la question du potentiel vandalisme que pourrait incarner ces œuvres, de même que le cadre dans lequel désirent évoluer les artistes les réalisant. Si l’on prend l’exemple de Keith Haring cité précédemment, il a utilisé la rue comme tremplin, ce qui lui a permis d’accéder à la reconnaissance professionnelle par le biais d’expositions en galeries. C’est différent pour les artistes se revendiquant comme étant de la rue, puisque leur travail se dénature souvent lorsqu’il est réalisé dans un cadre qui lui est plus favorable. Cela se ressent dans les techniques utilisées qui, simples et rapides d’exécution, garantissent une production d’images de qualité dans un temps réduit, souvent avec l’utilisation de pochoirs là où les graffeurs
|33
LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION
Photo Arnaud DELVIT
Pochoir (barré) de Miss-Tic - Paris, 2015
34|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
pouvaient passer des heures à créer leurs grandes fresques à main levée. Ici c’est plutôt l’efficacité de la communication qui prime, avec un graphisme très tranché s’appuyant sur peu de couleurs et fait pour être lisible au premier coup d’œil. Malgré leur caractère illicite, ces peintures semblent intéresser de plus en plus le grand public qui veut en voir plus. Le cadre de l’exposition paraît cependant aux antipodes de l’énergie exprimée par les graffitis quels qu’ils soient, dénués qu’il sont de la teinte d’illégalité qui les rend si intéressants dans la rue. Cela permet à des artistes pleinement conscients de cette zone floue dans laquelle ils évoluent d’émerger, comme c’est le cas pour Banksy. Graffeur anglais particulièrement renommé et reconnu, il n’en reste pas moins un provocateur exemplaire ou, selon sa propre formulation, le fournisseur d’un « vandalisme de qualité ». S’il a fait ses débuts à Bristol, il s’est rapidement rendu à Londres où il s’est fait connaître en contribuant à enrichir à leur insu la collection de nombreux musées parmi lesquels la prestigieuse Tate Britain. Banksy avait en effet acheté des peintures à l’huile sur un marché voisin, les avaient retouchées selon ses convictions (ajoutant par exemple des signes de pollution chimique sur un paysage bucolique, des armes sur une scène pittoresque ou autres) et les avait affichées subrepticement dans le musée, entre des œuvres classiques de la peinture anglaise. Poussant le détail jusqu’à la réalisation des encarts décrivant les œuvres, il a même vu l’une de ces-dernières entrer dans la collection permanente du British Museum. Il est vrai que cette performance n’est pas réalisée dans la rue, mais elle a le même effet sur son spectateur puisqu’elle vient le chercher quand il ne s’y attend pas, dans un cadre qu’il pensait exempt de ce genre de surprise (ici un musée). L’acte de bravoure de Banksy a été réalisé la même année et illustre à merveille le jeu sur les frontières propre aux graffitis de tous genres. En 2005 il organise un voyage au Moyen-Orient et peint sur le mur de ségrégation entourant la bande de Gaza, attirant l’attention des médias à un niveau mondial sur la situation locale mais aussi, fatalement, sur lui. Cette opération très emblématique sensibilise le public à des causes qui lui sont chères et le fait également connaître à l’international, et notamment sur le marché de l’art contemporain. Dès lors ses œuvres s’arrachent, les murs témoins de son passage prennent
|35
LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION
de la valeur, le phénomène allant jusqu’à l’organisation de plusieurs ventes aux enchères. L’une d’entre elles va jusqu’à s’intituler « Stealing Banksy ? » puisqu’elle a réuni en 2014 de véritables morceaux de ville rachetés au prix fort à leurs propriétaires pour les revendre au plus offrant. Récemment, l’artiste a encore défrayé la chronique en détruisant à distance une de ses œuvres juste après sa vente, ce qui n’a fait que lui donner plus de valeur marchande. Banksy, critique invétéré du système capitaliste et de ses dérives, est ainsi devenu une de ses plus exemplaires récupérations, prouvant que même s’il choisissait d’opérer en marge de la société de consommation pour mieux la critiquer, il n’a pas pu lui échapper. Laisser sa trace Cet artiste pourrait être considéré comme un cas d’école, car il a si bien exploité les possibilités artistiques que lui offrait la rue qu’il a pu créer la même sensation d’inattendu en se séparant du contexte urbain qui caractérise l’immense majorité des graffitis. Car créer dans la rue, nous l’avons déjà vu auparavant, c’est avant tout une histoire d’environnement. De la même façon que les artistes du spectacle vivant doivent faire évoluer leur performance en fonction des événements aléatoires qui la ponctuent, ceux que l’on pourrait appeler les « traceurs » basent souvent leur œuvre sur l’emplacement qu’elles vont occuper. Si la plupart occupent les murs, zone usuelle de l’affichage de l’art en deux dimensions, il n’est pas rare de voir certains artistes questionner les limites de l’espace-rue. Nous pouvons prendre l’exemple d’Above, qui invite simplement le passant à regarder au-dessus de lui avec des flèches verticales pointant vers le haut, qui peuvent être peintes sur des surfaces ou même accrochées à des éléments de mobilier urbain. Dans une démarche opposée on trouve Roadsworth, un artiste canadien qui détourne les marquage au sol des voies de circulation. On note par ailleurs un net changement entre les lieux d’implantation des graffitis et la scène que l’on pourrait appeler « postgraffiti », moins centrée sur elle-même et codifiée. Les premiers se sont orientés sur l’occupation de « spots » bien précis et éloignés des centres-ville pour pouvoir les couvrir de peinture sans être gênés par des passants trop inquisiteurs. Cette stratégie leur permet une grand liberté
36|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Arnaud DELVIT
Le style reconnaissable d’Above - Londres, 2017
|37
LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION
d’action, allant jusqu’au recouvrement de bâtiments entiers (souvent désaffectés), donnant ainsi de nouvelles perspectives au paysage urbain. Étant en perpétuelle mutation, ces lieux sont un cadre extrêmement dynamique pour leurs acteurs principaux, mais aussi pour les membres d’autres communautés dites alternatives, comme les amateurs d’urbex. Les traceurs au contraire choisissent des endroits bien en vue afin de toucher un public le plus large possible pour diffuser un message dépassant les critères esthétiques de leurs collègues. Nous pouvons prendre l’exemple de Brick Lane, une artère commerciale de l’est de Londres transformée aujourd’hui en une véritable galerie à ciel ouvert pour les amateurs de muralismes. Détail amusant : certains des artistes étant plus (re)connus que d’autres voient leurs œuvres protégées par des vitres pour qu’elles ne soient pas recouvertes. On rejoint ici le cas de Banksy que le succès a enfermé dans le « mainstream », un courant de pensées majoritaire qui fait perdre à ses productions le caractère subversif qu’elles revendiquent. Vitrifier une œuvre d’art urbain, c’est la retirer de la rue pour la mettre dans un musée virtuel, c’est la figer dans un temps précis et empêcher son appropriation par d’autres artistes. Nombreux sont ceux qui critiquent l’art contemporain d’un imparable « J’aurais pu faire la même chose ». Si dans un musée les œuvres sont sélectionnées avant d’être montrées au public et protégées pendant leur exposition, reposant souvent sur des piedestals ou derrière des vitrines, dans la rue cette séparation n’existe pas. Chacun peut utiliser les outils qu’il souhaite (nous avons déjà évoqué la variété des techniques de représentation utilisées par les traceurs) et se faire sa place à l’endroit qu’il désire. L’artiste en devenir n’est plus séparé de l’exposition de son acte créatif par l’approbation d’une organisation quelconque ou par un manque d’interlocuteurs à qui s’adresser. La rue est une galerie d’un nouveau genre, changeante et dynamique, se transformant tous les jours sous l’impulsion de tous ses acteurs. Cette déclaration conduit à de nombreux questionnements. Si l’espace-rue est comme nous l’avons vu un terreau artistique fertile, il est aussi par essence le lieu du changement, du renouvellement constant. Cela pose la question de la mémoire des œuvres qui y sont exposées et de leur transmission. Est-elle seulement possible ? Une
38|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
Photo Arnaud DELVIT
Un portrait de C215 couvert d’une plaque de plexiglass - Londres, 2017
|39
LA RUE COMME TOILE: LE RENOUVELLEMENT DE L’EXPRESSION
œuvre urbaine détachée du contexte particulièrement dynamique de sa création perd une grande partie de son sens. Le simple rapport d’intimité qui est entretenu avec le patient, la surprise de la découverte, est particulièrement complexe à reproduire si l’on ne veut pas dénaturer le message initial. La rupture avec un académisme trop contraignant ne peut pas être la seule clef de lecture des œuvres des artistes choisissant la rue, puisque ceux-ci organisent tout de même expositions, vernissages et événements autour de leurs œuvres (en continuant de détourner les codes, comme on peut le voir avec le Dismaland de Banksy). Même lorsque des municipalités sensibles à ce nouvel élan créatif essaient de l’encourager, cela peut être mal perçu par ses acteurs pour lesquels ce dispositif les privent de la totale liberté d’action dont ils bénéficient en œuvrant en marge de la loi. Il faudrait alors considérer que pour ne pas se trahir, l’art de rue devrait rester confidentiel et réalisé à l’échelle de l’individu, se privant du même coup de ses œuvres les plus ambitieuses. Conclusion : superposer les traces Art de rue par définition, le graffiti n’est à ses débuts qu’un système de marquage de territoire permettant de signaler son passage à un endroit donné. Ses codes ont rapidement évolué en passant d’un geste spontané à une pratique réfléchie utilisée par une nouvelle mouvance artistique. On perçoit ainsi la naissance de deux scènes parallèles, avec d’une part les adeptes du graffiti-signature poussant leur iconographie vers ledynamisme et la maîtrise technique, et d’une autre part ceux que l’on va faute d’un mot plus adéquat appeler les traceurs. Au contraire de leurs confrères, ces-derniers cherchent plus l’efficacité dans la diffusion de leurs idées que la maîtrise du geste, et recourent pour cela à des techniques variées dépassant la peinture en deux dimensions. Le lieu d’exposition de leurs œuvres leur garantissant une complète liberté et un public varié, ils s’affranchissent de nombreux codes et créent rapidement l’engouement. Les plus célèbres quittent (parfois malgré eux) la rue qui les a fait connaître, leurs messages n’étant plus découverts par des passants surpris mais par un public averti et attentif. C’est indubitablement ce mode de diffusion sans intermédiaire, cette extrême contextualisation et l’impossibilité de la reproduire ou de l’archiver qui fait la spécificité de l’art de rue et garantit sa contemporanéité.
40|
CONCLUSION |41
CONCLUSION
La rue est un espace inévitable de la ville. Devant avant tout assurer une fonction distributrice et donc fonctionnelle, elle a vite évolué en un élément de mise en scène du pouvoir. Cela s’est d’abord traduit au niveau urbain avec des tracés directeurs orientant le regard du piéton vers des ensembles architecturaux précis. Généralement, ceux-ci manifestent la puissance politique ou religieuse de la ville ou encore son rapport à l’histoire, avec la théâtralisation des monuments historiques (exemple des monuments aux morts). Plus récemment, elle est devenue un argument de vente dans le cadre du marketing urbain, son dynamisme étant à l’image supposée de son environnement, avec des manifestations exceptionnelles l’animant d’une activité inhabituelle : la rue devient le lieu du collectif. On oublie cependant souvent les manifestations de la culture à une bien plus petite échelle, celles qui rentrent moins dans le cadre d’une stratégie que dans celui d’une perturbation. Que ce soit avec les œuvres dynamiques de collectifs d’arts du spectacle ou avec les muralismes héritiers du tag et du graffiti, la facette artistique de la rue est avant tout le lieu de l’inattendu et de l’évolutif. Cet espace est incontournable pour le citadin, et n’appartenant à personne, chacun le fait instinctivement sien lorsqu’il l’expérimente. Mettre en contact le passant lambda avec l’art dans ce milieu de l’extrême partage, c’est paradoxalement venir le chercher dans son intimité, l’obliger à s’arrêter et à sortir de sa bulle. N’étant pas une nouvelle forme d’expression artistique, l’art de rue est plutôt un environnement propice à l’évolution. Avec sa multiplicité, il est aussi le cadre des diffusions alternatives, refusant instinctivement la norme et rejetant les académismes en permettant à tous non seulement de voir de l’art, mais aussi d’en faire. Une telle pratique ne peut en aucun cas remplacer le circuit « classique » de l’art, ni le travail qui est fait dans les musées traditionnels car en tant que mouvement de contre-culture le simple fait de le légitimer le mettrait hors-sujet. Ce rapport d’étude a été pour moi l’occasion d’analyser ce qu’est l’art de rue, mémorable car éphémère, important parce qu’anecdotique, primordial pour la liberté qu’il offre et dérisoire pour ce qu’il est souvent : un simple nom écrit sur un mur.
42|
SOURCES |43
SOURCES
ARTICLES: Paquot Thierry, « Éloge de la rue ou quand l’art urbain soigne les dehors… », Flux, 2006/4 (n° 66-67), p. 127-133. Drouin Ema, « La rue, le plus court chemin entre soi et les autres ? », Études théâtrales, 2008/1 (N° 41-42), p. 165-170. Chaudoir Philippe, « Art public, arts de la rue, art urbain », Études théâtrales, 2008/1 (N° 41-42), p. 183-191. Gonon Anne, « En rue, acteurs et spectateurs en pleine lumière », Ligeia, 2008/1 (N° 81-84), p. 198-203. Freydefont Marcel, « Royal de Luxe, repères chiffrés pour une création débordante », Études théâtrales, 2008/1 (N° 41-42), p. 101-113. Le Floc’h Maud, « Des arts vivants à l’aménagement urbain », Études théâtrales, 2008/1 (N° 41-42), p. 176-181. Simay Philippe, « La sculpture controversée. Réflexions sur l’avenir d’un art public », Rue Descartes, 2011/1 (n° 71), p. 66-75. Gonon Anne, « La ville a-t-elle définitivement dompté les artistes urbains ? », Nectart, 2015/1 (N° 1), p. 128-136. Boucher Martine, «Art et expérience des milieux», territoiresthetiques, 2018/2 (N° 5), p. 135-143. Lapisardi Sophie, «Le 1% artistique à l’éreuve de la réforme des marchés publics», Le Moniteur, 2018/7, article web
44|
L’ART PEUT-IL ÊTRE À LA RUE?
BIBLIOGRAPHIE: Waclawek Anne, « Street art et graffiti », Thames & Hudson l’univers de l’art, 2012/3 Ascher François et Apel-Muller Mireille, « La rue est à nous... tous ! », Au diable vauvert, 2007/2. FILMOGRAPHIE: Banksy, «Exit Through the Gift Shop» (Faites le mur!), Paranoid Pictures, documentaire, 87 min, 2010/3.
|45
T IVLED duanrA
SEDU TÉ’D TROPPAR ERTÊ LI-T UEP TRA’L ? EUR AL À