L’ASSOCIATION JETS D’ENCRE PRESENTE...
30 mars 2011 | Lycée d’Etat Jean Zay - Paris
LES ACTES
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DU FORUM
lycéen 199 1
L’équipe de Jets d’encre remercie : Luc CHATEL, Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative Laurent BAYON, conseiller technique du ministre Mathieu MARAINE, Délégué national à la Vie lycéenne (MENJVA-DGESCO) ainsi que Lionel FAURE (DAVL Créteil), Caroline MAES (DAVL Paris) et Fanny MOLINIE (DAVL-CLEMI Versailles) Pascal FAMERY et Carole HOURT (CLEMI national), ainsi qu’Elodie GAUTIER (CLEMI Créteil) et Etienne RECAMIER (CLEMI Paris) Les membres de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne Françoise LEBLOND, Proviseur du lycée d’Etat Jean Zay, et son équipe, pour leur accueil chaleureux L’ensemble des intervenants qui ont accepté de faire partager leur expérience Les rédactions lycéennes du « Rézo Ile-de-France » de Jets d’encre, qui se sont impliquées dans l’organisation de « 20 piges ! » pendant plusieurs mois : Le P’tit Luther, Le Zeugma, Prométhée, Le Héron déplumé, Le grain de Sell’ et L’inébranlable.
© Association Jets d’encre - Janvier 2012
Publication réalisée avec le soutien de
Directrice de publication : Marie LAROCHE Textes : Olivier BOURHIS, Marie CAMIER, Quentin GRAND, Simon VANDENBUNDER Photos : Association Jets d’encre (A. BUISSE, C. WAGNER-COUBES) Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative (P. DEVERNAY) Maquette : Olivier BOURHIS Création logo « 20 piges ! » : Elliot LEPERS Imprimerie : www.illicopress.com
AVANT-PROPOS
>>> 1991-2011 : faut-il (encore) avoir peur de la presse lycéenne ? La presse lycéenne se porte plutôt bien. Alors que des centaines de titres naissent chaque année dans les lycées, pour souvent disparaître à l’approche de l’été, les lycéens continuent à revendiquer pleinement leur liberté d’expression, des droits qu’elle suppose aux devoirs qu’elle entraîne. En 2011, nous avons fêté le vingtième anniversaire d’une circulaire du Ministère de l’Education nationale qui reconnaît aux lycéens le droit de créer un journal dans leur établissement « sans autorisation ni contrôle préalable » du proviseur – c’est-à-dire qui consacre une vraie « liberté de la presse lycéenne ». Pourtant, certains lycéens rencontrent encore des difficultés lorsqu’ils veulent exercer leur droit de publication : manque d’information et de moyens, découragement, et pour quelques-uns l’expérience de la censure. Face à ces constats, et à l’occasion de cet anniversaire, l'association Jets d’encre et ses partenaires ont organisé une série d’actions et de rassemblements pour soutenir et promouvoir la presse lycéenne. Point d’orgue de ce programme, le forum « 20 piges ! », organisé en mars 2011 au lycée d’Etat Jean Zay (Paris), a rassemblé 120 jeunes rédacteurs et enseignants d’Ile-de-France autour d’invités et de personnalités, pour favoriser, au travers de tables rondes, les échanges entre les élèves, la communauté éducative et les institutions autour de l’intérêt du journal lycéen. Ce livret en constitue la mémoire. A l’issue du forum, Luc Chatel, Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, a annoncé le lancement d’une campagne nationale d’affichage pour inciter plus de lycéens à se lancer dans un projet de journal.
Plus d’informations ? >>> www.creerunjournallyceen.fr >>> www.jetsdencre.asso.fr
Sommaire
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1991-2011 : vingt ans de presse lycéenne p. 6 à 11
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20 piges ! Les Actes p. 12 à 25
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Discours et interventions 5
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1991-2011 : vingt ans de presse lycĂŠenne
: vingt ans > 1991-2011 de presse lycéenne
1991 : l’acte de naissance d’une presse lycéenne libre La presse lycéenne est une vieille tradition : les premiers journaux lycéens conservés en France remontent au XIXème siècle. Et nombre de lycéens la perpétuent : le seul recensement officiel effectué révélait l’existence de 481 titres en 2001. Bien qu’évoluant dans le cadre de l’Education nationale, la presse lycéenne s’inscrit, au même titre que la presse professionnelle, dans les dispositions de la loi du 29 juillet 1881. Mais ce statut n’est pas facile à appréhender pour les lycéens : lourdeur des procédures, obligation de disposer d’un directeur de publication majeur… De fait, la plupart de ces journaux, pour exister, étaient obligés de se plier au contrôle préalable du proviseur, ou bien de recourir à la clandestinité. Depuis 1991, une circulaire du Ministère de l’Education nationale reconnaît aux lycéens le droit de créer leur propre journal dans leur lycée. Tout en rappelant l’obligation de se conformer aux règles déontologiques propres au journalisme, elle garantit une certaine indépendance aux journaux lycéens, qui peuvent depuis être publiés « sans autorisation ni contrôle préalable »1 du chef d’établissement.
Le cadre règlementaire de la presse lycéenne En 2002, à la demande de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne, le texte de cette circulaire a été modifié pour en clarifier les modalités d’application. Pour faciliter la mise en place de ces journaux, la circulaire rend facultative « la constitution préalable d’une structure juridique, de type associatif notamment », et propose deux statuts aux rédactions lycéennes : d’une 1 - Publications réalisées et diffusées par les élèves dans les lycées, circulaire du Ministère de l’Education nationale n°91-051 du 6 mars 1991, actualisée par la circulaire n°2002-026 du1er février 2002
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Une enquête sur l’application du droit de publication lycéen Groupe de travail animé par l’association Jets d’encre, l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne réunit dix-sept organisations représentatives de la communauté éducative et associations concernées par la liberté d’expression des lycéens. Dans le cadre de la campagne, l’Observatoire a décidé d’engager une consultation auprès de 240 rédactions lycéennes identifiées dans le cadre du « dépôt pédagogique » de ces publications, géré par le CLEMI. Les données collectées permettent d’actualiser les résultats de l’enquête précédente réalisée en 2007. > Si les textes reconnaissent le droit aux lycéens d’exercer la responsabilité de publication de leur journal, en réalité ceux-ci ne le sont que dans peu de cas (27 %) même si on constate une progression encourageante entre 2007 et 2010 (+ 7 points). > Le responsable de publication du journal est le plus souvent imposé aux lycéens lorsqu’il s’agit d’un adulte (73 %) ; c’est l’inverse lorsqu’il s’agit d’un lycéen (16 %). > 21% des rédactions avec un directeur de publication adulte et 10 % avec un responsable de publication lycéen déclarent se voir interdire formellement le traitement de certains sujets. Mais 31 % des premières et 21 % des secondes déclarent que ce sont les lycéens eux-mêmes qui auraient choisi ces sujets interdits. Ceci laisse entrevoir l’épineux problème des frontières entre la censure, l’autocensure, et les interrogations déontologiques de certaines rédactions lycéennes (« ai-je le droit de… ? »). > La méconnaissance des textes est plus forte encore qu’en 2007: 45 % des journaux interrogés seulement déclarent connaître la circulaire, contre 58 % en 2007.
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Les résultats complets de l’enquête et les recommandations de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne sont disponibles sur www.obs-presse-lyceenne.org.
: vingt ans > 1991-2011 de presse lycéenne part, le cadre général des publications de presse au sens de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ; d’autre part, un statut dérogatoire dans lequel la fonction de « responsable de la publication » peut être exercée par un lycéen majeur ou mineur. La circulaire engage enfin les lycéens au « pluralisme » et précise les limites de leur liberté d’expression en proscrivant « tout prosélytisme politique, religieux ou commercial », ce qui ne signifie surtout pas « s’interdire d’exprimer des opinions » ! La presse lycéenne est encore encouragée par les nouveaux textes règlementaires issus des concertations pour la réforme du lycée, menées entre 2008 et 2010. Désormais, le Ministère de l’Education nationale reconnaît explicitement ces journaux comme une composante de l’éducation aux médias : « Au sein du lycée, l’expression des élèves est également à encourager : journaux scolaires et lycéens, radios et vidéos d’établissement, sites internet, etc. »2 ; et un second texte relatif à l’engagement des lycéens fait la part belle à cette forme d’expression en reconnaissant qu’elle « participe au développement d’un climat de confiance au sein des lycées »3 .
Une presse libre, mais qui rencontre encore des difficultés Pourtant, les lycéens rencontrent encore des difficultés lorsqu’ils veulent exercer leur droit de publication. La parole des lycéens, spontanée et authentique, a parfois du mal à se faire entendre : certains lycéens préfèrent limiter leur liberté d’expression par crainte, quand d’autres se heurtent à la censure. Les jeunes rédacteurs manquent d’information et de formation – bien que prévue par les textes – mais aussi de moyens et de temps pour créer et imprimer leurs journaux. 2 - Favoriser l’accès de tous les lycéens à la culture, circulaire du Ministère de l’Education nationale n° 2010-012 du 29 janvier 2010, § 1.D « Education aux médias » 3 - Responsabilité et engagement des lycéens, circulaire du Ministère de l’Education nationale n° 2010-129 du 24 août 2010, § I.C.1 « Droit de publication »
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Une campagne pour soutenir la presse lycéenne Face à ces constats et à l’occasion du vingtième anniversaire du droit de publication lycéen, Jets d’encre et ses partenaires ont lancé une campagne pour soutenir la presse lycéenne et encourager la création de nouveaux journaux. Cette campagne s’est d’abord basée sur trois outils de communication : > un logo, visuel de référence, proposé en libre utilisation à tous ceux qui voulaient s’associer à la campagne, décliné en badges distribués lors de tous les rassemblements ; > un site internet (www.creerunjournallyceen.fr), à la fois vitrine de la campagne et portail de ressources, qui a vu passer 8500 visiteurs unique depuis son lancement en février 2011 ; > une affiche pour inciter plus de lycéens à créer un journal, envoyée dans les 4350 lycées publics et privés sous-contrat de France en janvier 2012 grâce au soutien du Ministère de l’Education nationale et de la Fondation Varenne. Pour pallier au manque au manque d’information des lycéens, mis en évidence par l’enquête de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne, Jets d’encre a organisé, avec l’aide des réseaux de la Vie lycéenne et du Clemi, des sessions de formation à destination des représentants élus des lycéens dans une dizaine d’académies. Objectif : qu’ils soient eux-mêmes des passeurs d’information et qu’ils encouragent leurs pairs à créer des journaux.
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Enfin, des rassemblements et évènements ont été organisés pour donner de la vie et de la visibilité à la campagne : > L’équipe du Clemi-Rennes et Jets d’encre ont organisé le premier Forum des médias lycéens de Bretagne le 15 février à Rostrenen (22), qui a réuni dix établissements pour une journée d’échanges. > Lors du festival national de la presse jeune Expresso les 28 et 29 mai à Paris, les 300 participants ont été mis à contribution pour un moment militant autour de la défense de la liberté d’expression. > Point d’orgue du programme, le forum 20 piges !, organisé le 30 mars au lycée d’Etat Jean Zay (Paris), a rassemblé 120 jeunes rédacteurs et enseignants d’Ile-de-France autour d’invités dont Luc Chatel, Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative.
: vingt ans > 1991-2011 de presse lycéenne
Quatre acteurs associés pour une presse lycéenne libre et responsable > Jets d’encre Association indépendante de rédactions jeunes, Jets d’encre apporte conseils et soutien aux jeunes qui le souhaitent, favorise les échanges via les événements et rencontres qu’elle met en place, et mène une réflexion déontologique avec son réseau. www.jetsdencre.asso.fr > L’Observatoire des pratiques de presse lycéenne L’Observatoire réunit dix-sept organisations représentatives de la communauté éducative et associations concernées par la liberté d’expression des lycéens pour encourager le dialogue entre tous les acteurs de la presse lycéenne. www.obs-presse-lyceenne.org > Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information Le CLEMI est chargé de l’éducation aux médias au sein du Ministère de l’Education nationale : il agit pour encourager une pratique citoyenne des médias par les élèves et pour le développement de médias d’expression lycéenne. www.clemi.org > Le réseau de la Vie lycéenne Au sein du Ministère de l’Education nationale, la Vie lycéenne rassemble tous les moyens d’action et d’expression dont les lycéens disposent à titre individuel ou collectif dans leur lycée. Son objectif est donc de favoriser une prise d’autonomie progressive des élèves et leur donner le goût des responsabilités. www.education.gouv.fr/vie-lyceenne 11
20 piges ! Les Actes
! > 20Lespiges Actes
Le journal lycéen : une aventure humaine et citoyenne Dans son discours de clôture du forum « 20 piges ! », Luc Chatel, Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, qui avait fait le déplacement pour rencontrer les lycéens, a insisté sur leur droit et leur responsabilité à « prendre la parole et faire un journal » pour « renforcer leurs compétences, cultiver la citoyenneté et le jugement critique, valoriser le travail d’équipe et surtout apprendre l’exercice du débat dans le respect de l’opinion de chacun ». Une contribution forte au premier questionnement proposé aux participants de cet évènement : au fond, quel est l’intérêt de réaliser un journal au lycée ?
Des lycéens aux motivations variées La diversité des réponses des lycéens montre que leurs motivations sont aussi variées que les bénéfices qu’ils ont pu retirer de leur investissement. « Animer le lycée », « apporter un petit quelque « La publication d’un chose en plus », « faire réfléchir et faire bouger nouveau numéro, les autres élèves »… L’idée de contribuer à la c’est toujours un petit vie de l’établissement est une préoccupation évènement au lycée... » importante et partagée des lycéens impliqués dans la réalisation d’un journal. « La publication d’un nouveau numéro, c’est toujours un petit évènement au lycée », rapporte une rédactrice-en-chef. La motivation première est parfois plus individuelle : le journal lycéen peut tantôt répondre à un « besoin d’écriture », à l’envie de « promouvoir ses centres d’intérêts », ou à préparer une vocation professionnelle. Un autre lycéen confie que cette activité permet surtout de « mettre ses idées en forme », de construire une argumentation. La force du collectif est une constante : un lycéen explique que le journal lui a essentiellement permis « de rencontrer de nouvelles personnes, dans un lycée où [il] débarquai[t] ». Le sentiment d’appartenance à une équipe se nourrit de l’investissement personnel de tous ses membres,
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La réalisation d’un journal est une aventure humaine où l’échange dans la diversité est primordial.
de leurs apports, en même temps qu’il le renforce. Même si ce n’est pas toujours facile, comme le rapporte une lycéenne qui a fondé récemment son journal : « On peine à construire une équipe motivée, soudée et structurée. » De fait, la rédaction lycéenne constitue une micro-expérience du vivre-ensemble, de ses difficultés, et de ce qu’il exige : « en tant que rédactrice-en-chef, j’ai dû apprendre à admettre que je n’avais pas forcément toujours raison, à négocier et parfois céder du terrain ». Toute rédaction est une aventure humaine où l’échange dans la diversité est primordial.
Le journal lycéen, un « atelier de démocratie » Inspecteur général de l’Education nationale et invité du forum, Gérard Mamou demande : « Le lycéen est-il un "pré-citoyen" ou un citoyen à part entière ? » Et de rappeler que la réalisation d’un journal au lycée répond (entre autres) aux objectifs fixés par le socle commun des connaissances et des compétences1 : « Chaque élève doit être capable [...] de communiquer et de travailler en équipe, ce qui suppose savoir écouter, faire valoir son point de vue, négocier, rechercher un consensus, accomplir sa tâche selon des
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1 - Le socle commun des connaissances et des compétences « présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire. Introduit dans la loi en 2005, il constitue l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen. » Source : site Internet du Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative
! > 20Lespiges Actes règles établies en groupe. […] Il s’agit d’apprendre à passer des idées aux actes, ce qui suppose savoir […] prendre des décisions, s’engager et prendre des risques en conséquence ; prendre l’avis des autres, échanger, informer, organiser une réunion, représenter le groupe. » L’objet journal, engagement formateur aussi bien à titre individuel que collectif2, permet de s’approprier les notions de citoyenneté et de démocratie participative, ce que résume à merveille Jacques Gonnet, fondateur et directeur historique du Clemi : « On est d’abord invité à ...des pratiques dont une société travers ce genre d’expériences à une a besoin pour ne pas exclure ses véritable initiation sociale. En ce sens, membres mais au contraire les il me semble juste de considérer la intégrer dans un travail collectif. production de ces journaux comme autant "d’ateliers de démocratie". Ils permettent de découvrir des fonctionnements qui autorisent plusieurs prises de parole, les structurer jusqu’à en faire des argumentaires ; bref, des pratiques dont une société a besoin pour ne pas exclure ses membres mais au contraire les intégrer dans un travail collectif. »3
Quelle place pour les enseignants ? Face aux lycéens, il y a bien sûr les personnels (enseignants ou non) du lycée. Certains sont parfois engagés avec eux dans la réalisation du journal, voire même en sont à l’origine. Pour Mathieu Maraine, Délégué national à la Vie lycéenne au sein du Ministère de l’Education nationale, c’est aussi le rôle des adultes de se mobiliser pour favoriser cet espace 2 - A ce sujet, on peut aussi lire aussi l’enquête de terrain et les témoignages recueillis par la Défenseure des Enfants sur les médias produits par les jeunes, dans le rapport « 200 propositions pour construire ensemble leur avenir – Livre d’or de la consultation nationale «Parole aux jeunes» à l’occasion des 20 ans de la Convention internationale des Droits de l’Enfant » (pp. 159-165) publié en novembre 2009 et disponible sur dde.defenseurdesdroits.fr 3 - Jacques Gonnet, « Journaux lycéens : un atelier de démocratie », in Médiamorphoses, n°13, mai 2005, p. 53.
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d’expression : « L’autonomie n’est pas l’autogestion ; il faut donner aux lycéens des portes d’accès ». Une enseignante, qui a fondé et animé un journal avec des lycéens pendant quatre ans, qualifie ainsi son rôle de « facilitatrice » : « récupérer les emails, rappeler les dates de réunions, rappeler à chacun ses promesses d’articles, quelques affiches pour recruter d’autres journalistes… Un rôle en retrait mais incitant chacun à conserver le rôle que chaque lycéen avait choisi au début de l’année : rédacteur en chef, responsable de la photographie, maquettiste, responsable de la distribution… » Une place qui repose nécessairement sur une confiance réciproque, car « le journal des lycéens doit rester aux élèves », comme le rapporte une Conseillère principale d’éducation (CPE) ; l’adulte, s’il peut influer sur la pérennité du journal et la transmission du projet d’une génération de lycéens à la suivante, doit savoir aussi s’effacer lorsque ceux-ci sont à même de « Le journal des lycéens le gérer de manière autonome. Il ne doit doit rester aux élèves. » surtout pas prendre la place des lycéens : « Le message qu’un enfant ou un jeune adresse aux adultes, c’est : aide-moi à faire tout seul » explique Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction du magazine L’Etudiant et ancien journaliste lycéen, présent sur le forum. Ainsi, au questionnement proposé par Jets d’encre sur le caractère « biodégradable » de la participation des enseignants au journal, l’un des participants répond « avoir le sentiment d’être maintenant très biodégradé, et tant mieux pour la rédaction » !
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! > 20Lespiges Actes Parfois, le rôle de l’enseignant est d’abord de « défendre » le journal lycéen contre certains collègues moins favorables : « Il a fallu parfois défendre la rédaction (ou souvent faire le gros dos) face aux "micro-scandales" de la salle des profs. On m’a même rappelé : "Mais que fais-tu ? c’est toi l’adulte !" C’est la cantine qui s’est sentie visée, ce collègue qui n’est pas d’accord avec telle opinion, cet autre qui s’est vexé car les journalistes lycéens ont écrit "prof" et non "professeur"... ». Une manière de rappeler que le journal, espace de débat, devient occasionnellement lui-même objet de débat. Dès lors, pour la proviseure d’un lycée venue témoigner à l’occasion de « 20 piges ! », « il faut non seulement entendre l’avis des lycéens mais aussi en tenir compte ». Car la communauté scolaire a beaucoup à retirer des journaux lycéens, si elle les accepte pour ce qu’ils sont : « Il faut non seulement des « miroirs » de l’établissement dans lesquels entendre l’avis des « il n’est pas forcément agréable de [se] regarder, lycéens mais aussi mais [dont le] reflet est nécessaire si l’on désire en tenir compte ». améliorer ou changer les choses » 4. Le cadre est favorable, et les volontés sont là. Pourtant, vingt ans après la reconnaissance du droit de publication des lycéens, d’autres témoignages recueillis pendant « 20 piges ! » montrent que la mise en pratique au sein des établissements est plus aléatoire : pour certains, faire vivre un journal lycéen est un « combat quotidien ».
4 - Cédric Vial, Délégué national à la Vie Lycéenne au sein du Ministère de l’Education nationale de novembre 2003 à novembre 2005, dans un entretien accordé à Olivier Bourhis et Laurence Corroy in Médiamorphoses, p. 92-94 (op. cit.)
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Se lancer dans la réalisation d’un journal ? « Pas facile lorsque nos lycéens sont surchargés de travail ! »
Freins et résistances à l’expression des lycéens Le journal lycéen, un objet fragile Les journaux lycéens souffrent d’abord du défaut de tout projet collectif : la gestion du groupe. Certains rédacteurs-en-chef peinent à conserver l’unité de la rédaction, en raison des défections de certains rédacteurs ou des rivalités entre d’autres – ainsi, ce journal « maintenant en danger à cause de conflits internes ». Le turn-over relativement important des cadres rend la continuité du projet compliquée, surtout après le départ du lycée des membres fondateurs. La définition du projet éditorial se fait souvent par tâtonnement : passée l’envie d’écrire, de quoi va-t-on parler ? comment s’assurer d’être lu ? La périodicité large des journaux lycéens (la plupart sont des mensuels ou des bimestriels) empêche un traitement réactif de l’actualité. Certains rédacteurs s’étonnent de n’intéresser personne lorsqu’ils privilégient dans leur journal des sujets de société plutôt que des ragots de potache. Enfin, certains se heurtent parfois carrément à l’incompréhension de leurs pairs, principal lectorat du journal. Mauvaise définition du projet ? Certains ne trouvent pas d’explication, comme ce lycéen déçu : « Le jour de la distribution du premier numéro, on a retrouvé nos journaux par terre à la sortie du lycée… »
Le cadre du lycée, peu adapté à l’engagement des lycéens
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Se lancer dans la réalisation d’un journal ? « Pas facile lorsque nos lycéens sont surchargés de travail ! » s’écrie un enseignant pendant « 20 piges ! ». Les emplois du temps des lycéens sont denses, et les journalistes lycéens
! > 20Lespiges Actes ont bien du mal « à trouver un créneau » pour se réunir. « C’est souvent le soir de 19h à 20h, alors qu’on a des devoirs à boucler… » Et il est quasiment impossible de partir en reportage, « même lorsque c’est très court : on est tout de suite compté comme absent. Il faut parfois s’arranger directement avec les profs qui aiment bien le journal… » témoigne une lycéenne. La Défenseure des Enfants, Dominique Versini5, invitée du forum, proposait d’ailleurs, dans son rapport de novembre 2009 consacré à l’expression et à la participation des jeunes, de « ne plus compter les heures consacrées aux responsabilités comme des heures d’absence »6. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe de l’obligation Comment inciter les lycéens à exercer des droits d’assiduité, mais d’accepter et « faire de la et des responsabilités, place » pour les projets des lycéens. quand le cadre scolaire ne Par ailleurs, de nombreuses rédactions laisse pas suffisamment de lycéennes ne disposent pas des moyens place pour l’engagement ? nécessaires à la production de leur journal. La grande majorité est réalisée hors-lesmurs de l’établissement, en dehors du temps scolaire, et en mobilisant des moyens de production personnels (ordinateurs, imprimante, scanner, appareil photo, etc.) même quand le lycée est très bien équipé. Si la règlementation scolaire ne prévoit pas de « droit aux moyens », il s’agit pourtant d’une situation étrange : comment inciter les lycéens à exercer des droits et des responsabilités quand le cadre scolaire ne laisse pas suffisamment de place pour l’engagement ? Dès lors, que signifie réellement le statut de « journal interne à l’établissement »7 proposé aux lycéens par les textes ? 5 - jusqu’en avril 2011 ; les missions de l’institution du Défenseur des Enfants sont depuis assurées par un adjoint spécialisé du Défenseur des Droits, autorité constitutionnelle créée en mars 2011. 6 - 200 propositions pour construire ensemble leur avenir, Défenseure des Enfants (op.cit.) 7 - Publications réalisées et diffusées par les élèves dans les lycées, circulaire du Ministère de l’Education nationale n°91-051 du 6 mars 1991, actualisée par la circulaire n°2002-026 du1er février 2002, § II.
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Les rencontres organisées par Jets d’encre font d’ailleurs assez régulièrement remonter le sentiment de frustration des journalistes lycéens, qui sont nombreux à souhaiter que l’énergie engagée dans la réalisation de leur journal soit mieux considérée, valorisée dans leur établissement – même si une grande majorité explique « ne pas courir après les honneurs ». Ils attendent plutôt un « changement de mentalité pour [les] laisser Les journalistes lycéens sont faire [leurs] journaux sans [leur] mettre des nombreux à souhaiter que bâtons dans les roues ! ». Ils refusent en l’énergie engagée dans la tout cas l’instauration d’un « système de réalisation de leur journal notation ou de points supplémentaires » soit mieux considérée car « il ne faut pas engager la course à celui et valorisée dans leur qui en ferait le plus : l’important c’est le côté établissement. "bénévole", "extra". Et une note, ça ne dit rien d’un engagement. » Il faut encore souligner la rareté des formations proposées aux lycéens et aux personnels – pourtant un droit reconnu par la règlementation scolaire : « La reconnaissance du droit à l’expression écrite des élèves s’accompagnera d’un dispositif de formation »8. Une disposition essentielle, car la formation est le corollaire indispensable de l’exercice de la liberté d’expression : comment peut-on reprocher aux (rares) rédactions qui commettent un « délit de presse » d’avoir passé les limites, quand elles ignorent ce dont il s’agit ?
Liberté d’expression et environnement scolaire : peut-on vraiment parler de tout ? Défaut de formation : certainement. Mais les retours d’expérience de l’association Jets d’encre (qui propose un service d’assistance et de conseils aux journaux censurés), du Clemi (dont les délégués académiques peuvent jouer un rôle essentiel de médiation en cas de conflit autour d’un journal lycéen) et de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne (qui intervient sur les cas de censure les plus difficiles lorsqu’il est saisi par les journalistes lycéens), révèlent régulièrement la méfiance des « adultes » envers les lycéens. Autrement dit dans un rapport de l’ENA : « Cette liberté d’expression collective fait l’objet d’un 20
8 - Publications réalisées et diffusées par les élèves dans les lycées, § III (op. cit.)
! > 20Lespiges Actes encadrement juridique satisfaisant mais sa mise en œuvre pratique est plus difficile : dans un souci de sécurité juridique et compte tenu des implications possibles en termes de responsabilité, la communauté éducative est en effet réticente à laisser les enfants exercer pleinement ce droit. »9 Et de fait, nombre de rédactions lycéennes fédérées par Jets d’encre ont déjà rencontré des difficultés vis-à-vis d’enseignants ou du chef d’établissement : résistances plus ou moins affirmées par rapport à la création même du journal, à l’identité du responsable de publication, au contrôle des contenus, etc. voire à la censure - qui conduit la plupart du temps au désinvestissement complet des lycéens. Des situations d’autant plus malheureuses que le cadre règlementaire proposé fait le 9 - L’autonomie de l’enfant dans l’exercice de ses droits, rapport de séminaire des élèves de la promotion « République » (2005-2007) de l’Ecole nationale d’administration, juillet 2006. A consulter en ligne sur http://www.ena.fr/index.php?/fr/recherche/Ressources-documentaires/Archives-des-memoires-de-seminaire-des-eleves-de-l-ENA-1998-2006
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pari de la confiance, en accordant de vraies libertés et responsabilités aux élèves, sans départir le chef d’établissement de moyens d’actions en cas de dérapage. Celui-ci peut en effet, en cas de « délit de presse » avéré (diffamation, injure, etc.), « suspendre ou interdire la diffusion de la publication »10. L’application difficile des dispositions et de l’esprit de la règlementation scolaire a été mesurée par une enquête de terrain, conduite auprès de 85 rédactions entre janvier et mars 2011 par l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne11 : celle-ci révèle que 73% de ces rédactions étaient dirigées par un adulte (enseignant, CPE, chef d’établissement), dont la place leur avait été imposée à 73% ! La confiance a encore du mal à s’installer d’autant que l’information disponible sur la presse lycéenne semble bien insuffisante dans les établissements. Dans cette même enquête, l’Observatoire déplore que « trop peu de rédactions lycéennes semblent connaître la circulaire de 1991-2002 (moins de la moitié de l’échantillon) alors même qu’elle indique à toute la communauté éducative des clefs de fonctionnement respectueuses des attentes de chacun. »
Trop peu de rédactions lycéennes semblent connaître la circulaire de 1991-2002, alors même qu’elle indique à toute la communauté éducative des clefs de fonctionnement respectueuses des attentes de chacun.
Au-delà des questions d’organisation des établissements, comment expliquer ces difficultés, si la presse lycéenne concentre tant de vertus ?
Le journal lycéen, un « contre-pouvoir » dans l’établissement ? Pour Dominique Versini, Défenseure des Enfants, le journal exprime le point de vue d’une génération « qui a quelque chose à dire » même si elle n’est pas toujours « prise au sérieux » ; « or, l’expression des jeunes n’est pas forcément naturelle, ni toujours facile pour les adultes ».
« L’expression des jeunes n’est pas forcément naturelle, ni toujours facile pour les adultes. »
10 - Publications réalisées et diffusées par les élèves dans les lycées, § I.3 (op. cit.)
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11 - Enquête sur la liberté de publication des lycéens : analyse et conclusions, Observatoire des pratiques de presse lycéenne, mars 2011. A consulter en ligne sur http://obs-presselyceenne.org/ressources-enquete.html
! > 20Lespiges Actes Les journalistes lycéens sont prompts à se saisir des débats de société quand ils se sentent concernés, à les importer dans la rédaction et à se servir de leur publication pour faire partager leur(s) opinion(s) au reste de l’établissement. Car c’est bien quand le journal ne laisse pas indifférent qu’il remplit son office. Parce qu’il véhicule cette parole spontanée, différente voire ouvertement alternative, le journal lycéen constitue par essence un espace de confrontation visà-vis de l’opinion majoritaire des adultes. Parfois même il dénonce : l’arbitraire de tel ou tel enseignant, le mauvais fonctionnement des instances représentatives lycéennes, la faible mobilisation de leurs camarades… sans oublier la cantine. Ne faut-il y voir que de la provocation gratuite ? Ou bien, comme c’est le cas de quelques publications régulièrement, se retourner contre des lycéens que l’on soupçonne d’être « récupérés » voire « manipulés » ? Certains enseignants et chefs d’établissement se sentent en fait mal à l’aise devant ces journaux sur lesquels ils estiment avoir perdu tout contrôle, comme placés devant le fait accompli puisque les lycéens ne sont pas tenus de leur présenter le journal – et ce malgré un discours officiel marqué par le souci de « participation » des lycéens. « Mais cette notion est polysémique : il s’agit plus de la participation au monde adulte /
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Le journal lycéen constitue par essence un espace de confrontation vis-à-vis de l’opinion majoritaire des adultes.
à la société instituée que des différentes formes de regroupement entre pairs et pratiques collectives juvéniles. […] Les formes d’auto-organisation de la jeunesse […] sont très généralement dévalorisées quand elles ne sont pas suspectes. »12 Comme l’a écrit Spinoza : « on ne naît pas citoyen, on le devient ». Il est avant tout de la responsabilité des établissements scolaires de faciliter l’exercice de leur droit de publication par les lycéens - droit fondamental reconnu et protégé par les textes depuis vingt ans ! Pourtant, les témoignages échangés à l’occasion du forum « 20 piges ! » permettent de conclure que la marge de progression est encore grande, pour que la presse lycéenne bénéficie de la bienveillance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle. Lycéens, enseignants, chefs d’établissement, parents d’élèves : un journal lycéen libre et responsable dans chaque lycée, c’est l’affaire de toute la communauté éducative. 24
12 - Bernard Bier, Participer, disent-ils !, rapport pour le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, 1998, p. 109
! > 20Lespiges Actes
Le programme du forum « 20 piges ! » Accueil : Simon VANDENBUNDER, Président de l’association Jets d’encre Françoise LEBLOND, Proviseure du lycée d’Etat Jean Zay
Plénière d’ouverture : 1991-2011 : faut-il (encore) avoir peur des journaux lycéens ? Emmanuel PARODY, ancien Président de l’association J.Presse Gérard MAMOU, Inspecteur général de l’Education nationale Gilles du RETAIL, Observatoire des pratiques de presse lycéenne Mathieu MARAINE, MENJVA, Délégué national à la Vie lycéenne Dominique VERSINI, Défenseure des Enfants Emmanuel DAVIDENKOFF, directeur de la rédaction de L’Etudiant Juliette EZDRA, Prométhée, journal du lycée Racine de Paris
Matinée : tables-rondes > tout public : Faire un journal au lycée : quel intérêt ? > lycéens : Un journal au lycée : radio-potins ou journal d’infos ? > enseignants : Accompagner un journal lycéen : l’adulte est-il biodégradable dans le projet ?
Après-midi : tables-rondes > tout public : Liberté d’expression et cadre scolaire : jusqu’où peut-on aller ? > lycéens : Quels moyens pour quelle indépendance ? > enseignants : Le journal lycéen est-il fait pour durer ?
L’ASSOCIATION JETS D’ENCRE PRESENTE...
Clôture : 30 mars 2011 | 9h-17h30 | Lycée d’Etat - Foyer des lycéennes de Paris RENCONTRER D’AUTRES JOURNAUX LYCEENS DEBATTRE, S’INFORMER, SE FORMER, ECHANGER
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VALORISER LA PRESSE LYCEENNE FRANCILIENNE
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Luc CHATEL, Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative Simon VANDENBUNDER, Président de l’association Jets d’encre
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Discours et interventions
et > Discours interventions
Ouverture du forum
Simon Vandenbunder
Président de l’association Jets d’encre Madame le Proviseur, Madame la Défenseure des Enfants, Monsieur l’Inspecteur général de l’Education nationale, Monsieur le Délégué national à la Vie lycéenne, Mesdames, et Messieurs, invités, adhérents, partenaires et amis, Beaumarchais écrivait en 1784, dans Le mariage de Figaro : « Il s’est établi un système de liberté sur la vente des productions, qui s’étend à celles de la presse. Et pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place (…) je puis tout imprimer librement. » En 2011, alors que nous célébrons le vingtième anniversaire du droit des lycéens de publier leur propre journal sans autorisation ni contrôle préalable, certains se sentent encore comme Figaro. C’est d’ailleurs ce qu’a relevé l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne dans son enquête menée auprès de 85 journaux lycéens, et dont les résultats sont rendus publics aujourd’hui. 27
En effet : > 45 % des rédactions interrogées (presque une sur deux) déclarent soumettre le contenu de leur journal à un contrôle, avant publication, extérieur à celui du responsable de publication - dont c’est pourtant la prérogative ; > 15% des journaux disent se voir notifier clairement que des sujets leurs sont interdits et 26% s’interdisent eux-mêmes d’aborder certains sujets alors que les textes protègent le droit d’opinion des lycéens ; > une rédaction sur trois, enfin, ignore ses droits et ses responsabilités. Ce constat nous invite à trois questionnements : pourquoi, en 2011, la presse lycéenne continue-t-elle à faire peur ? surtout, que faire pour améliorer la situation ? comment faire davantage connaître, dans les établissements, les droits des journalistes lycéens ? Trois questions parmi d’autres, auxquelles nous vous invitons tous à réfléchir aujourd’hui.
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Ce forum, « 20 piges ! », est un temps de célébration, mais c’est aussi un temps de réflexion et de prise de position. Au sein de l’association Jets d’encre – et je sais que cela est partagé par les partenaires principaux de cet évènement, le CLEMI et le réseau de la Vie lycéenne – nous en sommes en tout cas persuadés : un journal lycéen, ce n’est pas qu’un média. C’est une volonté de partager des points de vue, de prendre la parole, de s’engager au service d’un projet collectif. Une formule que nous utilisons souvent, et que j’emprunte à Jacques Gonnet, qui fut longtemps directeur du CLEMI et que nous sommes fiers de compter
et > Discours interventions parmi les membres d’honneur de Jets d’encre, dit que l’expérience du journal lycéen constitue un « atelier de démocratie ». Pourquoi ce forum, et surtout, pourquoi maintenant ? Nous ne sommes pas les premiers : ces évènements sont en quelque sorte une tradition de la presse jeune. L’association J.Presse, dont Jets d’encre est l’héritière et dont nous comptons trois anciens présidents parmi cette assistance, avait organisé en avril 1990 une « Convention pour les droits de la presse jeune » : les conclusions de ce premier temps fort ont nourri le travail d’écriture de la première circulaire sur les publications lycéennes, un an plus tard. En 2002 était organisé le forum « Ta.Pages » : à cette occasion, le Ministre de l’Education nationale avait présenté aux lycéens des modifications de cette circulaire, inspirées par le travail collectif des membres de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne, créé en 1998. Un journal lycéen, ce n’est pas qu’un média : c’est une volonté de partager des points de vue, de prendre la parole, de s’engager au service d’un projet collectif.
« 20 piges ! » s’ouvre aujourd’hui et marque une nouvelle étape : il vient conclure un peu plus d’une année de travail entre Jets d’encre et le Ministère de l’Education nationale pour que soit réaffirmé le droit de publication des lycéens dans le cadre de la réforme du lycée, et faire reconnaître le rôle de « médiateur », parmi d’autres acteurs, de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne.
Pour toutes ces raisons et d’autres que vous ne manquerez pas d’évoquer aujourd’hui, je suis très fier d’ouvrir officiellement le forum « 20 piges ! » dans ce très beau cadre du lycée d’Etat Jean Zay, ce pour quoi je remercie chaleureusement Madame le Proviseur et toute son équipe. Et bien sûr, un grand merci à vous d’avoir répondu à notre appel. Très bonne journée. 29
Clôture du forum
Luc Chatel
Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative Monsieur le Directeur de l’académie de Paris, Madame le Proviseur, Monsieur le Président de l’association Jets d’encre, Monsieur le Délégué national à la vie lycéenne et les Délégués académiques, Mesdames, Messieurs les coordonnateurs du CLEMI , Mesdames, Messieurs, Chers lycéens, « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », écrivait Rimbaud. Vous êtes assurément les preuves vivantes qu’on peut l’être en conservant toute sa jeunesse, sa joie de vivre et son dynamisme. Preuves en sont aussi tous les anciens jeunes, qui sont passés par cette presse lycéenne et qui sont aujourd’hui des journalistes patentés, avertis et reconnus. En tout cas, quand on a vingt ans – « 20 piges » pour reprendre le titre que vous avez donné à ce forum qui célèbre le vingtième anniversaire du droit de publication des lycéens – on est plus que crédible : on est fort d’une expérience, on est riche d’un passé.
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Je suis très heureux d’être parmi vous pour que nous célébrions ensemble ce vingtième anniversaire.
et > Discours interventions Je remercie l’association Jets d’encre et ses bénévoles qui organise ce forum en coordination : - avec les coordonnateurs académiques du Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information (Clemi) et les Délégués académiques à la Vie lycéenne des trois académies d’Ile-de-France, - avec l’appui du Délégué national à la Vie lycéenne et du Clemi national, - et des membres de l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne. Je remercie également Jets d’encre pour toutes les actions qu’elle mène pour promouvoir la presse lycéenne, qui constitue depuis longtemps un vecteur de dynamisme de la vie lycéenne – par exemple, le développement récent de modules de formation destinés aux élus lycéens dans les académies de Lyon, Créteil, Toulouse, Limoges ou Rennes, qui a d’ailleurs permis la création de nouvelles publications. Je m’en réjouis. Je crois savoir que cela fait près d’une décennie qu’un Ministre de l’Education nationale n’était pas venu participer à une opération autour de la presse lycéenne. Et bien, je vous le confie : je ne pouvais envisager de ne pas venir aujourd’hui - parce que je crois fortement dans l’engagement des élèves dans des activités parallèles à leurs études, complémentaires de leur cursus scolaire ; - parce que je crois dans l’intérêt éducatif de la prise d’initiatives par les jeunes de notre pays. Je crois dans l’intérêt éducatif de la prise d’initiatives par les jeunes de notre pays.
Ce n’est du reste pas un hasard si la création d’un journal lycéen partage les ambitions que nous avons inscrites dans la réforme du lycée et que synthétise bien le slogan présent sur votre flyer : « Débattre, s’informer, se former, échanger ». 31
Ces ambitions sont multiples, elles sont l’expression de la richesse du nouveau lycée que nous recherchons. Une ambition pédagogique d’abord, - avec la possibilité d’appréhender autrement et de prolonger les enseignements disciplinaires, de s’exercer aussi bien à l’analyse qu’à la synthèse, - avec une approche transversale et complémentaire des compétences fondée sur la logique de projet, le travail d’équipe et l’innovation ; une ambition civique également, - avec la volonté de donner une nouvelle dimension à la vie lycéenne, plus diverse, plus riche, - avec, au sein de chaque journal lycéen, la valorisation du travail d’équipe, la concertation, le partage, - avec aussi, au sein de la discussion inhérente à tout projet éditorial, l’exercice de son jugement critique, l’apprentissage du débat dans le respect des opinions de chacun ; une ambition culturelle encore, - avec l’ouverture du lycée sur l’extérieur, - la conception de partenariat, - l’ambition de diffuser à ses camarades une approche culturelle diverse et enrichissante ;
Un projet de journal lycéen devient un espace de liberté et d’apprentissage, mais aussi une caisse de résonance de la vitalité et du climat d’un établissement.
une ambition humaine voire éthique, enfin : - avec la possibilité de construire d’autres relations avec les membres des équipes éducatives, plus transversales, - et ce dans le plus complet respect, de la part de ces équipes, de l’autonomie et de la liberté d’expression des élèves : nous y sommes particulièrement attentifs.
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Dans ce cadre, dans cet esprit, un projet de journal lycéen devient ainsi un espace de liberté et d’apprentissage, mais aussi une caisse de résonance de la vitalité et du climat d’un établissement. J’engage donc tous les lycéens à s’intéresser à ces projets dont ils sortiront, j’en suis sûr, enrichis tant intellectuellement qu’humainement.
et > Discours interventions C’est pourquoi j’ai tenu à ce que la circulaire sur la vie lycéenne1, publiée à l’occasion de la réforme du lycée, mentionne explicitement que « le droit de publication reconnu aux lycéens participe au développement d’un climat de confiance au sein des lycées ». C’est aussi pourquoi le Ministère de l’Education nationale soutient l’association Jets d’encre depuis 2004. Ce sera encore le cas cette année. Ce partenariat est le signe d’une confiance et d’une ambition partagées. Mais, cette année, j’ai décidé de faire plus pour soutenir la presse lycéenne. Car vous le savez tous : 2011 n’est pas une année comme les autres : nous célébrons en effet les vingt ans de la circulaire qui reconnaît aux lycéens le droit de créer un journal dans leur établissement « sans autorisation ni contrôle préalable ». Pour fêter cet anniversaire – car vingt ans ça se fête ! – j’ai le plaisir de vous annoncer aujourd’hui le prochain lancement d’une campagne nationale d’affichage. Intitulée « Lycéens, prenez la parole, faites un journal », elle sera diffusée dans tous les lycées au cours de la prochaine année scolaire. Je sais que ce type de campagne, qui n’avait pas eu lieu depuis 1998, était très attendu. J’espère qu’ensemble nous saurons ainsi inciter davantage de lycéens à s’engager dans cette initiative formatrice et stimulante, et à participer à la vie de nos établissements.
1 - Responsabilité et engagement des lycéens, circulaire du Ministère de l’Education nationale n°2010-129 du 29 août 2010, § I.C.1.
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J’espère également que cette campagne permettra de faire tomber les réticences qui existent encore chez certains chefs d’établissement. Une bonne information est capitale pour assurer une liberté d’expression. J’espère encore qu’elle sera l’occasion de développer la formation autour de la presse lycéenne, avec l’appui du kit Créer son journal lycéen, une ressource indispensable coproduite en 2009 par le Délégué national à la Vie lycéenne et l’association Jets d’encre. J’espère enfin qu’elle permettra aux différents acteurs de la vie lycéenne, élèves engagés et personnels motivés, de trouver avec les chefs d’établissements un accord sur les moyens qui doivent être mis à disposition pour que cette presse soit réalisée et diffusée dans les établissements.
J’espère que cette campagne permettra de faire tomber les réticences qui existent encore chez certains.
D’autres défis stimulants vous attendent, notamment celui de travailler à un format plus en phase avec les attentes des « digital natives » que sont vos camarades. Les jeunes aiguisent ainsi leur esprit critique et démontrent leur volonté de participer au débat démocratique.
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Vous êtes jeunes : vous vivez au milieu d’un flot permanent d’informations. Cette évolution considérable n’est du reste pas sans conséquences sur l’appréhension même des médias.
Les jeunes, toujours en éveil, immergés dans l’information, connaissent parfaitement les codes médiatiques, savent décrypter l’habillage formel. Constamment aux aguets, ils sont très critiques et exigeants sur l’intégrité de la démarche journalistique. En ce sens, l’internet leur permet de demeurer actifs, d’être en mesure de comparer les approches, de revenir aux « sources » mêmes, brutes, de
et > Discours interventions l’information. Ils aiguisent ainsi leur esprit critique et démontrent leur volonté de participer au débat démocratique. C’est donc une gageure que de répondre à cette attente forte d’une nouvelle forme de presse lycéenne, notamment numérique ; c’est un challenge que de satisfaire les aspirations d’un lectorat si exigeant. Mais je suis sûr qu’avec votre énergie et votre créativité, avec aussi tout l’apport des tables-rondes de cette journée, vous relèverez aisément ce nouveau défi. Vive la presse lycéenne ! Je vous remercie.
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Avec ou sans moyens, avec ou sans aide, mais toujours avec la rage et le plaisir de s’exprimer, les jeunes prennent la parole et créent des journaux dans les lieux de vie qui sont les leurs : au collège, au lycée ou à la fac, dans leur quartier ou leur ville. Spontanée ou plus réfléchie, cette presse originale reste encore confrontée à de nombreuses barrières - de l’indifférence à la censure qui sont autant d’atteintes à la liberté d’expression des jeunes. C’est pour cela que Jets d’encre consacre son activité à la défense et à la reconnaissance des journaux réalisés par les jeunes de 12 à 25 ans. Réseau indépendant de rédactions jeunes, Jets d’encre existe grâce à elles, pour elles et avec elles : l’association est animée par des jeunes de moins de 25 ans issus de la presse jeune, et la moyenne d’âge de son Conseil d’Administration est de 20 ans.
Association Jets d’encre
2bis passage Ruelle 75018 Paris | Tél. : 01.46.07.26.76 contact@jetsdencre.asso.fr | www.jetsdencre.asso.fr Association de loi 1901 à but non lucratif agréée « Jeunesse et Education populaire » et « Education nationale »