Exposition virtuelle. Créer au féminin au XXème siècle Deblé, Socquet, Dujarric, Curie

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Exposition virtuelle

Créer au féminin au XXème siècle Deblé, Socquet, Dujarric, Curie Galerie Les Atamanes



Dans cette exposition, Les Atamanes présentent un choix d’œuvres de quatre femmes peintres du XXème siècle. Qu’expriment ces créatrices à travers leur art ? Leur féminité ? Leur révolte ? Leur solitude ? Un peu de tout cela, surement. Mais surtout, elles démontrent, œuvre après œuvre, qui elles sont. Elles sont des artistes. Elles sont habitées jusqu’au plus profond de leur être par le besoin de révéler l’intense mouvement intérieur qui les anime. Elles ne créent pas parce qu’elles sont femmes. Elles ne créent pas en tant que femmes Elles créent, et voilà tout.


LA DORMEUSE Quels secrets dans son coeur brûle ma jeune amie, Ame par le doux masque aspirant une fleur ? De quels vains aliments sa naïve chaleur Fait ce rayonnement d'une femme endormie ? Souffle, songes, silence, invincible accalmie, Tu triomphes, ô paix plus puissante qu'un pleur, Quand de ce plein sommeil l'onde grave et l'ampleur Conspirent sur le sein d'une telle ennemie. Dormeuse, amas doré d'ombres et d'abandons, Ton repos redoutable est chargé de tels dons, Ô biche avec langueur longue auprès d'une grappe, Que malgré l'âme absente, occupée aux enfers, Ta forme au ventre pur qu'un bras fluide drape, Veille ; ta forme veille, et mes yeux sont ouverts. Paul Valéry, Recueil : "Charmes"


LA FEMME BICHE de Jeanne Socquet

Collage sur papier https://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-femme-biche-de-jeanne-socquet


Le sacre de la femme ­ Ineffable lever... (…) II Ineffable lever du premier rayon d'or, Du jour éclairant tout sans rien savoir encor! O matin des matins ! amour ! joie effrénée De commencer le temps, l'heure, le mois, l'année ! Ouverture du monde ! instant prodigieux ! La nuit se dissolvait dans les énormes cieux Où rien ne tremble, où rien ne pleure, où rien ne souffre ; Autant que le chaos la lumière était gouffre ; (…) Victor Hugo 1844, Recueil : La légende des siècle


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LE DRAP FROISSÉ d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1981 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/le-drap-froisse-de-elisabeth-dujarric


SAISIR L’INSTANT Saisir l’instant tel une fleur Qu’on insère entre deux feuillets Et rien n’existe avant après Dans la suite infinie des heures. Saisir l’instant. Saisir l’instant. S’y réfugier. Et s’en repaître. En rêver. À cette épave s’accrocher. Le mettre à l’éternel présent. Saisir l’instant. Saisir l’instant. Construire un monde. Se répéter que lui seul compte Et que le reste est complément. S’en nourrir inlassablement. Saisir l’instant. Saisir l’instant tel un bouquet Et de sa fraîcheur s’imprégner. Et de ses couleurs se gaver. Ah ! combien riche alors j’étais ! Saisir l’instant. Saisir l’instant à peine né Et le bercer comme un enfant. A quel moment ai­je cessé ? Pourquoi ne puis­je… ? Esther Granek, Je cours après mon ombre, 1981


AU SAUT DU LIT d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1981 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/au-saut-du-lit-de-elisabeth-dujarric


Amédée Pommier, in Colifichets, jeux de rimes. Avec les sonnets sur le Salon de 1851, Ed. Garnier frères, Paris, 1860.


LA PYRAMIDE I de Parvine Curie

Collage sur papier https://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-pyramide-i-de-parvine-curie


Et je vis, à travers le crépuscule humide, Apparaître la haute et sombre pyramide. Superposant au fond des espaces béants Les mille angles confus de ses degrés géants, Elle se dressait, blême et terrible, étagée De plus de plis brumeux que l'âpre mer Égée, Et sur ses flots, jamais par le vent secoués, Avait au lieu d'esquifs les siècles échoués. Extrait de La Légende des Siècles ­ Ouvres complètes de Victor Hugo ­ Poésie 7


LA PYRAMIDE II de Parvine Curie

Collage sur papier https://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-pyramide-ii-de-parvine-curie


RENONCEMENT Depuis que sous les cieux un doux rayon colore Ma jeunesse en sa fleur, ouverte aux feux du jour, Si mon cœur a rêvé, si mon cœur rêve encore Le choix irrévocable et l'éternel amour, C'est qu'aux jours périlleux, toujours prudent et sage, Au plus digne entre tous réservant son trésor, Quand un charme pourrait l'arrêter au passage, Il s'éloigne craintif et se dit : « Pas encor ! » Pas encore ! et j'attends, car en un choix si tendre Se tromper est amer et cause bien des pleurs. Ah ! si mon âme allait, trop facile à s'éprendre, À l'entour d'un mensonge épanouir ses fleurs ! Non, non ! Restons plutôt dans notre indifférence. Sacrifice... en bien, soit ! tu seras consommé. Après tout, si l'amour n'est qu'erreur et souffrance, Un cœur peut être fier de n'avoir point aimé. Louise Ackermann, Recueil : Premières poésies (1871).


TROIS PARTS DE FEMME de Jeanne Socquet

Collage sur papier https://www.lesatamanes.com/oeuvres/trois-parts-de-femme-de-jeanne-socquet


MA BICHE Biche, oh ma biche Lorsque tu soulignes Au crayon noir tes jolis yeux Biche, oh ma biche Moi je m'imagine Que ce sont deux papillons bleus (…) Je me demande pourquoi tu te maquilles Si tu veux mon avis à moi Sans rien tu sais, tu es très, très jolie Je ne vois vraiment pas pourquoi Pourquoi Tu triches, oh ma biche Je t'en prie de grâce Laisse tes yeux sans rien autour Pour moi ma biche Quoi que tu leur fasses Tes yeux sont les yeux de l'amour Auteur : Doc Pomus Compositeur : Mort Schuman Interprète : Frank Alamo Année : 1964 Éditions : Warner Chappell Music France / BMG Music


LE MASCARA d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1983 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/le-mascara-de-elisabeth-dujarric


AU SOMMEIL Sommeil, fils de la nuit et frère de la mort ; Écoute­moi, Sommeil : lasse de sa veillée, La lune, au fond du ciel, ferme l'œil et s'endort Et son dernier rayon, à travers la feuillée, Comme un baiser d'adieu, glisse amoureusement, Sur le front endormi de son bleuâtre amant, (…) Le vent même retient son haleine, et les mondes, Fatigués de tourner sur leurs muets pivots, S'arrêtent assoupis et suspendent leurs rondes. (…) Je t'aime, ô doux sommeil ! Et je veux à ta gloire, Avec l'archet d'argent, sur la lyre d'ivoire, Chanter des vers plus doux que le miel de l'Hybla ; Pour t'apaiser je veux tuer le chien obscène, Dont le rauque aboiement si souvent te troubla, Et verser l'opium sur ton autel d'ébène. (…) Tu seras bienvenu, soit que l'aurore blonde Lève du doigt le pan de son rideau vermeil, Soit, que les chevaux blancs qui traînent le soleil Enfoncent leurs naseaux et leur poitrail dans l'onde, Soit que la nuit dans l'air peigne ses noirs cheveux. Sous les arceaux muets de la grotte profonde, Où les songes légers mènent sans bruit leur ronde, Reçois bénignement mon encens et mes vœux, Sommeil, dieu triste et doux, consolateur du monde ! Théophile Gautier, Recueil : La comédie de la mort (1838)


LE SOMMEIL d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1980 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/le-sommeil-de-elisabeth-dujarric


UN AMOUR DE JUPE À la comtesse de P… Seulement !… Si mon cœur faisait ses mémoires Je crois que j’y mettrais ceci : « Elle avait des dentelles noires « Avec un jupon cramoisi. » C’était ravissant ! — Les donzelles De ce soir et de ce salon, Se pâmaient devant ces dentelles… Mais, moi, j’aimais mieux le jupon. Ce jupon, c’était ma folie ! Je le trouvais délicieux… Je n’avais rien vu, de ma vie, Qui m’enchantât autant les yeux. Et je m’effrayais dans mon âme De ce charme de la couleur. La jupe est si près de la femme, Et les yeux sont si près du cœur ! L’avait­elle vu ?… Je l’ignore, Je ne sais… mais je sais aussi Qu’hier, elle est venue encore Avec son jupon cramoisi ! (…) Mystère charmant qui m’occupe ! A­t­elle dit en son émoi : « Si l’amour qu’il a pour ma jupe, « De ma jupe passait à moi !… » (…) Jules Barbey d'Aurevilly, Recueil : "Poussières"


LA JUPE d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1980 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-jupe-de-elisabeth-dujarric


LE PETIT ENDROIT Vous qui venez ici dans une humble posture, Débarrasser vos flancs d'un importun fardeau, Veuillez, quand vous aurez soulagé la nature Et déposé dans l'urne un modeste cadeau, Épancher dans l'amphore un courant d'onde pure, Puis, sur l'autel fumant, placer pour chapiteau Le couvercle arrondi dont l'auguste jointure Aux parfums indiscrets doit servir de tombeau. Emmanuel Arago (1812­1896)


NU ASSIS d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile https://www.lesatamanes.com/oeuvres/nu-assis-de-elisabeth-dujarric


VÊTEMENTS Un jour la Beauté et la Laideur se rencontrèrent sur le rivage. Et elles se dirent : " Allons nous baigner dans la mer. " Alors elles se dévêtirent et nagèrent. Au bout d’un moment la Laideur revint sur le rivage ; Elle s’habilla avec les vêtements de la Beauté et poursuivit son chemin. Et la beauté sortit aussi de la mer, mais ne trouva pas ses habits ; Parce qu’elle était trop timide pour rester nue, Elle s’habilla avec les vêtements de la Laideur. Et la Beauté poursuivit son chemin. Et à compter de ce jour Les hommes et les femmes prennent l’un pour l’autre. Cependant il en est qui ont aperçu le visage de la Beauté, Et ils la reconnaissent malgré ses habits. Et il en est qui connaissent le visage de la Laideur, Et ses vêtements ne la dissimulent pas à leurs yeux. KHALIL GIBRAN, Extrait de: L'Errant


LA CHEMISE d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1980 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-chemise-de-elisabeth-dujarric


Avec ses vêtements ondoyants et nacrés Avec ses vêtements ondoyants et nacrés, Même quand elle marche on croirait qu'elle danse, Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés Au bout de leurs bâtons agitent en cadence. Comme le sable morne et l'azur des déserts, Insensibles tous deux à l'humaine souffrance, Comme les longs réseaux de la houle des mers, Elle se développe avec indifférence. Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants, Et dans cette nature étrange et symbolique Où l'ange inviolé se mêle au sphinx antique, Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants, Resplendit à jamais, comme un astre inutile, La froide majesté de la femme stérile. Charles Baudelaire, 1857, Les Fleurs du Mal


LES COLLANTS d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1981 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/les-collants-noirs-de-elisabeth-dujarric


UNE VAPEUR MAUVE ET LÉGÈRE Une vapeur mauve et légère Du ciel bruinait sur les monts Sa lueur caressait la terre Et la profondeur des vallons ; Sur la verte et rase prairie Elle s'allongeait en fumant. Fraîcheur qui pénètre la vie, Mollesse de l'ombre et du vent, Ô paysage, instant de calme. Paysage qu'on voudrait mettre Dans un cadre au faîte arrondi Et simple comme une fenêtre Ouverte sur le jour pâli. Cécile Sauvage, Recueil : Le vallon (1913).


VERTIGE d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile https://www.lesatamanes.com/oeuvres/vertige-de-elisabeth-dujarric


LE BLAIREAU Pour faire ma barbe Je veux un blaireau, Graine de rhubarbe, Graine de poireau. Par mes poils de barbe ! S’écrie le blaireau, Graine de rhubarbe, Graine de poireau, Tu feras ta barbe Avec un poireau, Graine de rhubarbe, T’auras pas ma peau. Robert DESNOS, Recueil : "Chantefables"


HOMME SE RASANT d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile, 1976 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/homme-se-rasant-de-elisabeth-dujarric


MADRIGAL Sur cette fougère où nous sommes, Six fois, durant le même jour, Je fus le plus heureux des hommes. Nous étions seuls avec l'amour. Sur les lèvres de mon amie S'échappait mon dernier soupir ; Un baiser me faisait mourir ; Un autre me rendait la vie. Évariste de Parny, Recueil : Poésies érotiques (1778).


MILLE FOIS DEDANS de Colette Deblé

Collage sur papier translucide, 1978 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/mille-fois-dedans-de-colette-deble


SOLITUDE On m’a jeté tant de pierres, Que plus aucune ne m’effraie, Le piège s’est fait haute tour, Haute parmi les hautes tours. Je remercie ceux qui l’ont construite, Qu’ils cessent de s’inquiéter, de s’attrister. De tous les côtés je vois l’aube plus tôt. Et le dernier rayon du soleil triomphe ici. Souvent dans les fenêtres de mes chambres Entrent les vents des mers du nord, Et le pigeon mange dans mes mains du grain… Cette page que je n’ai pas finie, La main brune de la Muse, Divinement calme et légère, Y inscrira le dernier mot.

Traduit du russe par Jean­Louis Backès In, Anna Akhmatova « Requiem, Poème sans héros et autres poèmes », 1914 Editions Gallimard (Poésie), 2007


L’ESCALIER de Parvine Curie

Collage sur papier https://www.lesatamanes.com/oeuvres/l-escalier-de-parvine-curie


JOUR DE FÊTE Où vas­tu mon enfant avec ces fleurs Sous la pluie Il pleut il mouille Aujourd’hui c’est la fête à la grenouille Et la grenouille C’est mon amie Voyons On ne souhaite pas la fête à une bête Surtout à un batracien Décidément si nous n’y mettons bon ordre Cet enfant deviendra un vaurien Et il nous en fera voir De toutes les couleurs L’arc­en­ciel le fait bien Et personne ne lui dit rien Cet enfant n’en fait qu’à sa tête Nous voulons qu’il en fasse à la notre Oh ! mon père ! Oh ! ma mère ! Oh ! grand oncle Sébastien Ce n’est pas avec ma tête Que j’entends mon cœur qui bat Aujourd’hui c’est jour de fête Pourquoi ne comprenez vous pas Oh ! ne me touchez pas l’épaule Ne m’attrapez pas par le bras Souvent la grenouille m’a fait rire Et chaque soir elle chante pour moi Mais voilà qu’ils ferment la porte Et s’approchent doucement de moi Je leur crie que c’est jour de fête Mais leur tête me désigne du doigt. Jacques Prévert ("Histoires" ­ Éditions Gallimard, 1946 et 1963)


LA GRENOUILLE d’Élisabeth Dujarric

Huile sur toile https://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-grenouille-de-elisabeth-dujarric


GREEN Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux. J’arrive tout couvert encore de rosée Que le vent du matin vient glacer à mon front. Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée Rêve des chers instants qui la délasseront. Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête Toute sonore encore de vos derniers baisers ; Laissez­la s’apaiser de la bonne tempête, Et que je dorme un peu puisque vous reposez. Paul Verlaine, Recueil : "Romances sans paroles"


LE MARCHÉ de Jeanne Socquet

Collage sur carton, 2009 https://www.lesatamanes.com/oeuvres/le-marche-de-jeanne-socquet


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