30. couleur & territoire, le terroir de la couleur

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COULEUR TERROIR

&

… vu de l’atelier


COULEURS D’ORIGINES L’INSPIRATION La couleur est un voyage. De ces voyages, proches ou lointains, imaginaires ou réels, quotidiens ou exotiques, il arrive que la couleur conserve la trace d’une origine, d’une ville ou d’un pays. La couleur est ainsi liée à jamais à un territoire, ou plus petit encore, à un terroir, une terre d’appartenance, une inspiration, une provenance. L’imagination s’enflamme et part sur les traces des grands explorateurs ou des voyageurs qui, au fil des siècles, découvrirent le monde pour en ramener des influences, des couleurs, des matières inconnues, aussitôt utilisées par les peintres et les fabricants de couleurs pour obtenir de nouvelles teintes plus profondes, plus couvrantes, plus performantes. De ces voyages et de ces pays, les couleurs ont gardé l’étiquette…


LA RESPIRATION Ce carnet de couleurs est un carnet de voyage, plein de notes et d’images, bourré comme une valise pleine de trésors, de lieux mythiques et de destinations. Les noms des couleurs y font rêver, entre géographie et climat, distance et acclimatation, voyage intérieur et exotisme. La mission ardue et passionnante du coloriste est de retrouver, ranimer, faire revivre des couleurs coupées de leur origine, arrachées à leur lieu. Leur expatriation les fait rentrer dans un discours partagé de la couleur. Chaque page de ce cahier ramène un souvenir de voyage, chaque étalon de couleur dresse l’état des connaissances, comme un conservatoire salutaire de l’esprit coloré d’un lieu.


BLANC DE TROYES NCS S 0505-B80G

... blanc d’Orléans blanc de Chine blanc de Meudon blanc des Indes blanc d’Espagne

Villeloup, petit village de l’Aube, fournissait au XVIIIe siècle une craie de premier choix extraite en petits moellons séchés au soleil, avant de les battre avec des maillets cloutés et de les tamiser. Ce carbonate de chaux, le plus pur, blanc, friable et doux au toucher qui soit, était destiné à la fabrication du blanc de craie dont les vinaigriers avaient le monopole. Le blanc de craie brut était voituré jusqu’à Troyes où il arrivait parfaitement sec, le blanc de Troyes se fabriquant uniquement à la belle saison, d’avril à octobre. Une fois broyé, le blanc de Troyes, servait de pigment dans la peinture, à l’eau et à l’huile, principalement pour le bâtiment.


On en blanchissait les portes, les cloisons, les parois, les plafonds. Le blanc de Troyes servait aussi de nettoyant pour les cuivres et de shampooing sec textile : cette terre absorbante dégraissait les serges, les draps, les couvertures, au lieu de les blanchir au soufre. On en faisait aussi des crayons de pastel blancs. Les molécules extrêmement fines du blanc de Troyes donnaient en peinture des couches de blanc plus uniformes et plus brillantes. Selon l’inspecteur des Manufactures, le blanc de Troyes était bien supérieur à celui fabriqué ailleurs dans le royaume, notamment à Orléans ou à Meudon. D’où son succès commercial qui a sauvé de l’oubli son nom …


GRIS D’AVIGNON

... gris de Tours gris de lune gris de Paris gris des Ardennes

NCS S 2010-B


Lors de la guerre des Albigeois, Avignon, la plus grande place du midi ayant adopté la cause albigeoise, est assiégée depuis 3 mois par le roi de France. Elle est obligée de capituler en 1226. Le 14 septembre, fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix, Louis VIII, roi de France et père de Saint-Louis, chef de la croisade, décide une cérémonie expiatoire. La tête revêtue d’un sac de couleur cendre, il mène la procession, escorté du cardinal légat, de 60 évêques, des barons français et de la foule avignonnaise, vers la chapelle de la Sainte-Croix, située hors les murs, pour y prier le Saint-Sacrement. En souvenir de cette dévotion eucharistique, née de piété royale, une confrérie, la Dévote et Royale Compagnie des Pénitents Gris d’Avignon, fut instituée pour assurer une permanence de l’adoration du Très Saint-Sacrement dans ce lieu. Les Pénitents-Gris d’Avignon ont toujours leur chapelle, et le gris d’Avignon ou gris avignonnais, un gris neutre moyen, couleur de cendre, magnifie encore les boiseries des portes, volets et fenêtres de la ville ancienne.


GRIS TRIANON

Si Trianon fait bien entendu référence au petit château d’un genre nouveau construit en 1762 à la demande de Louis XV pour la comtesse du Barry, son originalité vient de son plan carré, simple et épuré, et de sa décoration intérieure plus raffinée que riche, dans laquelle une place privilégiée fut réservée à la nature et à l’atmosphère champêtre. Marie-Antoinette le reçoit en cadeau en 1774 et y crée un univers personnel et intime, simplement rustique. Or pour des raisons autant financières que d’urgence, Trianon n’a pas été entièrement peint. Certains enduits sont restés apparents, non recouverts. Cette simplicité plaît à la reine qui demande partout d’autres badigeons de ce gris, que l’on recherche en mélangeant du blanc de Meudon à de la cendre de bois. Ce sont plusieurs couches de cette couleur qui par superpositions successives procurent l’admirable patine du gris Trianon, un gris de cendre recyclant avant l’heure les restes de bois brûlé dans les cheminées royales …


NCS S 3502-B

... gris de Londres gris de Paris gris des Ardennes gris de Tours


BRUN DE PARIS NCS S 8502-R ... marron d’Inde terre de Cassel terre d’Ombrie terre de Sienne


L’histoire commence au XVIIIe siècle, à l’époque du Paris sans voirie. La boue de Paris forme une mixture complexe de sable infiltré dans les pavés, d’odeurs nauséabondes, d’eau croupie et de crottin ; les roues de voitures la malaxent, la diffusent, font gicler les puanteurs sur la base des murs, sur les passants. La boue de Paris a cela de particulier qu’elle contient une très forte dose de métal, qui provient de l’usure des fers de chevaux, du cerclage des roues. La couleur boue de Paris était née, proche d’un gris terreux presque noir. Avec Haussmann, et les progrès de l’urbanisme aidant, la couleur boue de Paris est remplacée par le brun de Paris, une couleur plus civilisée et moderne, en rapport avec les progrès de l’architecture et de la construction, notamment métallique. Depuis la détermination définitive des couleurs de la tour Eiffel, le brun parisien devient également celui des mobiliers et des aménagements urbains, consciencieusement déclinés sur les feux de signalisation, barrières, abribus, mats d’affichage et poteaux de la ville … Dernier clin d’œil aux odeurs, le brun parisien est aussi une couleur qui sent bon le cirage, parce que le brun parisien est une référence historique de couleur de cuir avant d’être celle de la capitale française.


TERRE DE SIENNE

... Sienne naturelle Sienne brûlée Sienne calcinée Terre de Sicile brun Marengo


La Toscane et ses paysages sont des mines d’information, des sources d’émotions et d’inspiration pour l’amateur de couleur. La terre de Sienne est un pigment minéral naturel, de teinte ocre brun jaune, provenant à l’origine de la région de la ville éponyme de Sienne. D’usage très ancien, la terre de Sienne était exportée d’Italie et utilisée en France dès le XVIIe siècle. Ce pigment est composé principalement de fer (40 à 50 %), d’oxyde de manganèse (1,5 %) et d’argile. A l’état brut, la terre de Sienne est dite naturelle. Elle est d’un beau brun jaune et permet dans la peinture à l’huile et les fresques a tempera d’obtenir de beaux effets de transparence ou de patine. Sa cuisson permet d’enrichir la palette des tonalités offertes. En fonction de la température de chauffe, la terre de Sienne peut être dite brûlée (tons d’ocres brun rouge, plus opaques), voire calcinée (tons d’ocres bruns sombres). La teinte de la terre de Sienne varie donc selon son degré de calcination. Le pigment naturel, difficile à se procurer, est aujourd’hui remplacé par des oxydes de fer synthétiques moins subtils.

NCS S 3030 Y30R


VERTS DU MAROC Le Maroc offre une mosaïque de couleurs et une palette exceptionnelle de paysages à l’infinie richesse. Il en est ainsi du vert, couleur culturelle du pays par excellence, dont plusieurs tonalités existent, en fonction des villes et de leur provenance. Le vert est ici couleur de culture puisqu’il est couleur religieuse, le vert du Prophète, la couleur de l’Islam. Mahomet, le premier, relie le vert à la nature, associe la religion à la couleur verte, parce que tout endroit verdoyant est synonyme d’oasis, donc de paradis. Les points de contacts avec le ciel sont verts, et il en est ainsi des tuiles vernissées des toitures des minarets, bâtiments religieux, impériaux ou royaux. Le vert de Marrakech et le vert de Fès sont deux qualités de verts remarquables au Maroc. Le premier est un vert amandé discret, un vert clair végétal, élégant et légèrement grisé, comme le revers de la feuille d’olivier. Le vert de Fès est quant à lui un vert franc, un vert minéral d’émeraude, précieux, riche et profond. Ces deux verts géographiques se retrouvent en décoration intérieure sur les zelliges, les sols et les céramiques murales vernissées des maisons, des bassins et des patios ombragés.


NCS S 3005-G20Y NCS S 4040-B70G

vert de Marrakech

... vert de Montbard vert de Nicosie vert de Brentonico vert d’Artois

vert de Fès


NCS S 2050-B80G

... vert de Paris vert Chartreuse vert de Schweinfunrt vert anglais


VERT DE VINCENNES Tout comme le rose Pompadour ou le bleu d’Arras, le vert de Vincennes est une affaire de faïencerie. Vincennes est une fabrique de porcelaine tendre installée en 1738 par 2 anciens de la faïencerie de Saint-Cloud dans les cuisines du pavillon de la reine, dans la cour de la surintendance du château. A côté du bleu du roi et du bleu céleste, dès 1747, Vincennes développe un vert original pour la couleur de ses fonds, un vert sans aucun doute en lien direct avec la création, en 1748, de la Fleurisserie. La Fleurisserie de Vincennes est une annexe de la manufacture employant des jeunes filles, en charge de façonner des fleurs de porcelaine, montées sur tiges de métal et pourvues de feuilles. Ces motifs floraux s’épanouissent en bouquets de céramique ou sont montés en objets décoratifs. Devant le succès de l’entreprise, les locaux s’avèrent rapidement exigus, incommodes et dispersés. Au mois d’août 1756, 200 ouvriers quittent Vincennes avec leur famille à bord de 186 voitures, transportant leurs effets et ustensiles à Sèvres. La manufacture de Sèvres enrichit sa palette du vert de Vincennes. Louis XV offre cette année-là un service de Sèvres à fond vert de Vincennes et à décors floraux au roi du Danemark....


VERT DE MONTBARD

... vert de Fès vert de Saxe vert d’Armor vert d’Antioche vert d’Aubusson vert de Marrakech


NCS S 3010-G40Y

Ce vert-là se confond avec le vert attribué au fils le plus illustre de la ville, Georges-Louis Leclerc de Buffon, né à Montbard, cet enfant génial du pays qui allait devenir le plus célèbre naturaliste de l’Encyclopédie. Car Buffon, tout à la fois mathématicien, biologiste, cosmologiste, philosophe, écrivain, académicien, penseur des Lumières, est l’auteur d’une extraordinaire Histoire Naturelle en 36 volumes, amplement illustrée de planches colorées, un savoir incomparable sur l’état des sciences de la nature au XVIIIe siècle qui influencera Lamarck et Darwin. Or le siècle de Buffon lui réserve un succès inestimable, notamment parce que ses planches illustrées servent d’inspiration à des motifs de services de porcelaine, d’indiennes et de soieries, des décors de salons à l’élégance bourgeoise. A cause de son statut de naturaliste reconnu, le nom de Buffon se voit progressivement associé au vert botanique des cuirs et vélins de ses reliures, toutes exprimant la dimension naturelle ou nature des écrits. Les 36 volumes du naturaliste ne passant pas inaperçus dans les rayonnages d’une bibliothèque d’un gentilhomme de l’époque, Buffon est identifié par la couleur gris vert des dos de cuirs de son Histoire Naturelle … couleur reprise pour la mise en valeur de sa maison natale à Montbard.


JAUNE DE NAPLES


Le jaune de Naples est un antimoniate de plomb, également connu sous le nom de giallorino, depuis 1500 ans avant notre ère, son utilisation ayant été établie dans des artefacts égyptiens et mésopotamiens en tant que colorant et opacifiant dans le verre. Il n’apparaît en peinture en Europe qu’au début du XVIIe siècle, dans les fresques et les glacis, avec une réputation sulfureuse. Son nom actuel est en effet tiré d’une vieille légende qui alimente aujourd’hui encore des croyances totalement fausses selon lesquelles le Jaune de Naples serait issu des laves du Vésuve. La qualité des produits trouvés dans le commerce sous le nom de Jaune de Naples laissant beaucoup a désirer, la fabrication des peintures à base de Jaune de Naples est abandonnée au milieu du XIXe, et remplacée par des mélanges de pigments, notamment le jaune de cadmium et le jaune de Mérimée. Le Jaune de Naples, lorsqu’il est bien fabriqué, est cependant un pigment très solide et bien couvrant, assurant une bonne stabilité à la lumière. Il donne un fabuleux jaune, riche et solide, irremplaçable en peinture à l’huile.

... jaune de Nice jaune de Perse jaune de Nankin jaune de Damas jaune de Schönbrünn

NCS S 0520-G90Y


JAUNE DE SCHÖNBRÜNN

L’Europe se construit au siècle des Lumières et l’intelligence éclaire tous les savoirs et tous les usages. Au rayon Architecture, et parce que, lorsque le soleil est bas sur l’horizon, cette couleur procure beaucoup de charme au palais de Schönbrunn, le lieu de résidence de l’impératrice d’Autriche, un palais calqué sur le modèle


absolutiste de Versailles, le jaune ocre voulu par Marie-Thérèse, devient la couleur des bâtiments officiels de Vienne. Toutes les façades sont alors badigeonnées de ce jaune impérial, son autre nom, le jaune de l’Impératrice. Le jaune de Schönbrunn, devenant la couleur officielle de la cour, allait s’étendre à toutes les architectures de l’empire austro-hongrois, Marie-Thérèse étant également reine de Hongrie, de Bohème et de Croatie, duchesse de Lorraine et grande duchesse de Toscane. Le jaune de Schönbrunn allait conquérir une grande partie de l’Europe, en laissant des traces durables dans toute une géographie de la couleur dont les influences sont perceptibles encore aujourd’hui sur la moitié de l’Europe.

NCS S 2050-Y ... jaune de Sénégal jaune de Naples jaune de Paris jaune de Vérone jaune de Cassel


JAUNE DE DIJON

... jaune de Nice jaune de Sénégal jaune de Perse jaune de Vérone jaune de Cassel

NCS 2070-Y10R


La couleur est un voyage et un échange entre culture. Le jaune moutarde en est une belle expression, avec cette nouvelle couleur très en vogue récemment dans les milieux de la mode, en provenance des Etats-Unis où le Dijon yellow est tendance et chic. La couleur jaune de Dijon est, bien entendu, inspirée de celle de la moutarde forte venue de Bourgogne, au moment où elle tache de se faire une place au soleil des burgers, en remplacement de la traditionnelle et locale yellow mustard, douce et sucrée, appelée aussi American mustard. Ce combat de David contre Goliath, cette révolution des palais américains qui n’apprécient que modestement l’acidité et la force de la moutarde française s’exprime aussi par la couleur. Le Jaune de Dijon a plus de caractère que le jaune moutarde, à la fois plus fort, plus foncé et plus élitiste, teinté à la fois de vert et de brun. Une couleur de mode et de décoration intérieure qui ne manque pas de piquant.


ORANGE DU CAMBODGE

L’orange du Cambodge est un pigment jaune foncé, voire orangé, produit à partir des sèves jaune doré d’arbres de la famille des guttifères. Ce jaune doré magnifique s’utilise dès le Moyen-âge pour colorer lettrines et illustrations. Son appellation de gomme-gutte vient des arbres du même nom, d’une zone arborée située au Cambodge et à Ceylan. Pour les Anglais, encore plus explicites, gomme-gutte se dit «Gamboge». Lorsque les arbres ont dix ans et une hauteur d’environ 15 mètres, une sève jaunâtre est extraite du bois. Une fois chauffée, la sève coagule et donne une substance brune résineuse, de qualité pure. Cette gomme-résine, le orange du Cambodge, âcre, amère était utilisée en médecine comme purgatif, mais surtout en peinture, pour l’aquarelle, ou comme vernis pour les instruments de musique dont il colore les bois d’un beau jaune doré. La couleur transparente des sèves de l’arbre de la gomme-gutte étant vénéneuse et sa résistance à la lumière, mauvaise, le jaune du Cambodge a été progressivement remplacé par des pigments inoffensifs, comme le benjoin de Siam…


... orange de Mars orange de Xanthan orange de Roussillon orange de Sicile orange de SĂŠville

NCS S 1080-Y60R


ROUGE DE POMPEI Le rouge Pompéi, tout comme le rouge Herculanum, deux villes romaines de la baie de Naples, sont des rouges emblématiques dans l’imaginaire collectif, et ce, en partie grâce aux fresques de la villa dei misteri, un incroyable ensemble de peintures où le pigment y est utilisé pour des fonds rouges impressionnants et omniprésents. Les artistes ont préféré utiliser le rouge de cinabre, en lieu et place du traditionnel et simple ocre rouge. L’abondance du rouge dit Pompéi atteste de la fortune des propriétaires, la beauté du lieu servant à afficher leur fortune. Le pigment rouge de cinabre était obtenu par broyage de la pierre dure de cinabre, un minerai composé de soufre et de mercure. Broyé et mélangé à un liant, le rouge de cinabre offrait un rouge orangé vif. Pigment difficile à utiliser, sa forte toxicité s’alliait à sa tendance à virer au noir, un phénomène que Vitruve attribuait à l’action de la lumière de la lune, recommandant, pour l’éviter, d’enduire la fresque de cire. Le pigment de cinabre fut l’un des premiers à être fabriqué artificiellement, au VIIIe siècle, en associant les éléments séparés du mercure et du soufre. Cette synthèse purifiée du cinabre est appelée vermillon, un rouge encore plus vif et pur, mais toujours aussi cher et prisé. Toxique, le pigment n’est plus utilisé depuis la fin du XIXe siècle, ni sous sa forme naturelle, ni sous sa forme synthétique.


NCS S 3060-Y90R

... rouge Brésil rouge de Chine rouge du Japon rouge d’Andrinople rouge d’Herculanum


ROUGE DU BRÉSIL Le bois de sappan d’Asie et le bois rouge d’Afrique occidentale donnent des rouges braises dit brésil, recensés comme teintures en Inde dès le VIe siècle. On surnommait ces essences d’arbres, bois de brésil, ou bois brésil pour leur couleur de braise. Ainsi, au XIIIe siècle, dans les grandes villes drapières flamandes, le métier de «tailleur de brésil» consistait à réduire ces bois en poudre pour les besoins des teinturiers et en extraire la rosette. Avec la braziline, le principe colorant de ces arbres, le bois brésil fournissait un pigment rose stable, durable et de très bonne qualité, rouge ou rose foncé lorsqu’il est concentré, ou selon son oxydation par les alcalis et l’ammoniac. Un manuscrit de Padoue enseigne que «le Bois brésil donne quatre couleurs, rose au naturel, pourpre avec la chaux, violet avec l’urine et couleur de mûre avec le tartre». Dès 1492, Christophe Colomb découvre un nouveau territoire planté en abondance de pernamboucs, des arbres à l’écorce rouge braise, rouge brésil, très semblables au bois de sappan qu’il connaît d’Europe. En référence à ces bois brésil, il décide de nommer Brésil cette terra incognita, créant sans le savoir un nouveau nom de couleur, le rouge Brésil tout en découvrant l’Amérique du Sud.


NCS S 3050-Y90R

... rouge Pompéi rouge du Japon rouge d’Herculanum rouge de Falun


ROUGE DE FALUN

... rouge Bordeaux rouge Bourgogne rouge de Venise rouge basque rouge de Chine rouge d’Andrinople rouge Brésil


D’une extraction tout près du cercle polaire, le rouge de Falun est une peinture dont le pigment est obtenu à partir des scories calcinées de la mine de cuivre de Falun, en pleine Dalécarlie. Ce beau rouge profond en provenance de Suède est utilisé de façon très codifiée sur toutes les petites maisons, annexes, granges, étables traditionnelles, car cette peinture offre la particularité d’une exceptionnelle protection du bois. Son usage a essaimé dans les autres pays scandinaves et jusqu’en Amérique du Nord où bon nombre de bâtiments agricoles sont peints de ce rouge terreux très mat. Le rouge de Falun est une peinture rustique, réversible, très bon marché et très facile à fabriquer et à entretenir. Elle est fabriquée artisanalement par chacun des habitants, et cuisinée, c’est-à-dire préparée, après chauffage et mélange des ingrédients (huile de lin, eau, savon noir …) à la maison. En France, on utilise le rouge de Falun sous le nom de badigeon rouge suédois ou de porridge. NCS S 3560-Y90R


VIOLET DE BAYEUX

... violet de Solferino violet de Mars violet de Hollande violet de Scheveningen violet d’Egypte


NCS S 4050-R40B

De cette couleur de peintres aujourd’hui toujours produite par Lefranc & Bourgeois dans sa gamme Linel, on ne sait rien… ou plutôt, pas grand’ chose. Le mystère demeure entier sur son origine, sa provenance, la date de sa création. Si son existence est bien prouvée (en attestent sa correspondance dans le nuancier Pantone, référencé 229 C, ou la Laguna «Violet de Bayeux» proposée à la vente en 1995 par Renault), la couleur brille par sa discrétion. Après consultation auprès des Archives départementales du Calvados et des recherches à la Bibliothèque Nationale de France, l’origine et l’inspiration de la couleur soulèvent plusieurs hypothèses quant à l’origine inconnue du violet de Bayeux, depuis le rose violacé des pichets à calva en céramique d’un potier local, à la couleur du pavé de Bayeux taillé, en passant par les fils de soies teintes de la tapisserie de la Reine Mathilde … Des indices convergents aident ainsi à approcher une couleur restée secrète.


NCS S 3040-R30B

... rose de Damas rose d’Inde rose de Picardie rose du Bengale rose PhÊnicien


ROSE DE TYR Le rose de Tyr, appelé également pourpre de Tyr, pourpre impériale, pourpre royale ou pourpre antique, était une teinture rouge violacée dont les Phéniciens avaient le secret. Tyr, sur l’actuel territoire du Liban. était le site de production de la pourpre, tirée d’un coquillage, le murex, ou de sécrétions de certains vers marins ou holothuries. Pour Pline l’Ancien, «la pourpre la plus estimée est, en Asie, celle de Tyr». Et si le rose de Tyr était autant estimé, c’est parce que sa fabrication la rendait très chère. Selon Pline, «on extrait le précieux liquide des plus grands pourpres, après avoir ôté la coquille ; on écrase les plus petits, vivants, avec leur coquille ; il faut pour cela qu’ils dégorgent leur suc». On raconte que 12.000 murex étaient nécessaires pour produire 1,5 gramme de pigment. Très chère à produire et d’une exceptionnelle solidité, la pourpre de Tyr faisait partie des produits de luxe du monde méditerranéen de l’Antiquité. Les vêtements teints de cette couleur étaient réservés à l’élite. C’est ainsi qu’elle fut associée au pouvoir magistral et impérial romain et devint l’apanage de l’aristocratie antique. La production du rose de Tyr cessa avec la chute de l’Empire romain, au Ve siècle.


VIOLET DE PARME

... violet de Mars violet de Bayeux violet de Naples violet de Solferino violet de Hollande


NCS S 2040-R60B

La couleur parme est inspirée des pétales de la violette odorante appelée violette de Parme, cultivée dans la ville italienne d’EmilieRomagne. C’est une teinte typique du XIXe siècle, d’une nuance de violet clair qu’en 1860, Michel-Eugène Chevreul définit comme un bleu-violet très abondamment lavé de blanc. Par tradition, l’Italie cultive la violette, à Naples et à Parme, et c’est le sobriquet de Père La Violette que les français donne à Napoléon, de retour de l’île d’Elbe, lorsque pendant 100 jours, il tentera en vain, tout comme la petite fleur, d’annoncer le printemps. Après la chute définitive de l’Empire, MarieLouise, l’Impératrice bannie, est nommée duchesse de Parme, une terre restée possession autrichienne. Elle inspirera le nom de la violette de Parme. Cinquante plus tard, au frémissement d’un second Napoléon, les couleurs mauve, pourpre et violet reviennent à la mode, et entre 1850 et 1865, les teinturiers rivalisent beaucoup d’efforts pour les fabriquer. Parme s’emploie désormais essentiellement comme qualificatif de couleur dans le textile, l’ameublement et l’habillement, un violet bleu très doux, blanchi et fleuri, fané et un peu sucré, suranné comme le sont mousselines, guimauves et vieilles dentelles. Parma color oblige…


BLEU D’ÉGYPTE Le bleu égyptien est le premier pigment bleu synthétique de l’histoire, un pigment fabriqué et utilisé par les anciens Égyptiens notamment sur les sarcophages, sculptures et fresques murales, à partir de la IVe dynastie, 2.500 ans avant J.-C. Le bleu égyptien est appelé à tort à l’époque “lapis-lazuli“, en référence à la couleur bleue de la pierre, alors qu’il est produit à partir de verre. Cette pâte de verre est le résultat de cuisson d’un fondant coloré de minerai de cuivre, silice de sables et calcium de roches calcaires, écrasé en fine poudre. La teinte obtenue variait selon la température de fonte et surtout selon les impuretés qui affectent les minéraux utilisés dans la préparation. Matière abondante, il était plus clair que le bleu obtenu à l’époque à partir de l’azurite et plus résistant à la lumière que le lapis-lazuli importé d’Afghanistan. Il servait pour peindre les ciels et autres parties bleues de l’iconographie égyptienne. Encore en usage auprès des Romains dans les premiers temps de l’ère chrétienne, puis par les artistes du Fayoum qui l’utilisèrent, au IIe siècle, pour moduler et accentuer les contours de leurs célèbres portraits funéraires, la recette du bleu d’Égypte se perd à partir du IVe siècle.


NCS S 1040-B

... bleu d’Alexandrie bleu de Pouzzoles bleu vestorien bleu céruléen bleu de Métylène

... bleu de Lectoure bleu de Sèvres bleu de Turquie bleu d’Izmir bleu d’Egypte


BLEU DE CHEFCHAOUEN Édifiée au XVe siècle dans la chaîne montagneuse du Rif, au nord du Maroc, Chefchaouen, ville sainte, possède un important patrimoine religieux, dont une vingtaine de mosquées. La ville fut fondée par Moulay Ali comme base des tribus berbères du Rif. Elle prit son essor avec l’arrivée de réfugiés musulmans et juifs fuyant les persécutions de Grenade en 1494. Chefchaouen, connue sous le nom de ville bleue, est célèbre pour l’ivresse des bleus qu’elle procure. Perché à 600 mètres d’altitude, le village, avec son labyrinthe de ruelles étroites en escaliers et ses maisonnettes, a l’usage de mélanger des pigments bleus associés à la chaux pour badigeonner ses crépis. Ici tout est bleu, les façades, les portes et fenêtres, les escaliers, les minarets, l’ancienne médina, les taxis, les tombes, la station de bus grande ligne et parfois même, les gens. Ce superbe camaïeu pastel, turquoise et cyan fait pâlir le ciel le plus bleu. Cette tradition a été introduite par la population juive de la ville, la couleur bleue ayant pour but de camoufler le vert, symbole de l’islam. Aujourd’hui, les ruelles étroites se parent de bleu Chefchaouen, un bleu azuréen étalé sur les murs et les portes pour éloigner mouches et moustiques, et attirer les touristes. Peindre les murs à la chaux mélangée au pigment bleu est une affaire de femmes chez les Chefchaounis. Propreté oblige...


NCS S 2050-R90B

... bleu de Lectoure bleu de Sèvres bleu de Turquie bleu d’Izmir bleu d’Egypte


BLEU DE LIMA

... bleu de Provence bleu Ile de Ré bleu de Tunis bleu d’Arras bleu de Bordeaux


NCS S 3040-R90B

Le bleu de Lima, appelé aussi bleu de Pérou, est une couleur nationale emblématique. Utilisée dans bon nombre de nuanciers, elle est par excellence une couleur locale, issue des qualités exceptionnelles que l’altitude du pays donne à la perception des cieux, un bleu azur emblématique du costume traditionnel des populations andéennes, des jours de fête et la couleur du club de foot de la capitale, le bleu de l’Alianza. Quand on connaît l’importance du foot au Pérou, il est aisé de comprendre l’impact du bleu local. Surfant sur cette réputation, Lima a décidé de colorer en bleu de Lima ou de Pérou toutes les façades de la place principale de la capitale, la place du 2 mai, commémorant l’indépendance du pays et la libération du joug espagnol. La plaza Dos de Mayo porte bleu … pour le tourisme, le message libérateur et un impact urbanistique indéniable.


BLEU DE PRUSSE

Le bleu de Prusse est également connu comme bleu de Berlin, en raison de la ville où sa découverte accidentelle fut faite, en 1706, par le fabricant de couleurs et chimiste Diesbach. Le nom “bleu de Prusse“ apparaît pour la première fois dans une correspondance de Leibniz. Dès 1709, ce nouveau pigment est envoyé aux peintres de Paris, Leipzig, Bâle et en Italie. Les peintres européens l’adoptent rapidement, au point où les ateliers de production de l’outremer sont obligés de fermer, devant la concurrence de ce nouveau pigment puissant. Mais ce n’est que sous Frédéric-Guillaume Ier de Prusse, le roi-sergent, que le bleu de Prusse va prendre son essor, les uniformes des régiments d’infanterie de l’armée prussienne passant de blanc et noir à bleu et blanc. Le secret de fabrication du bleu de Prusse fut jalousement gardé durant une vingtaine d’années, jusqu’à ce que le médecin naturaliste britannique John Woodward publie en 1724 un procédé de production, sur la base d’une lettre reçue de Prusse. L’année suivante, le chimiste médecin Étienne-François Geoffroy, en révèle aux chimistes français les secrets de fabrication. Le bleu est alors rebaptisé bleu de Paris, répandant sur toute l’Europe la mode de ce bleu puissant et alchimique.


NCS S 6030-B

... bleu d’Alger bleu Baltique bleu de Berlin bleu d’Orthez bleu de Chartres


BLEU DE NÎMES BLEU DE GÊNES

... bleu de Gênes bleu de Saxe bleu de Prusse bleu de Lectoure bleu du pays de Cocagne


Ce bleu-là se confond avec ses origines géographiques, au point de n’en faire qu’un : le bleu de Nîmes est devenu le bleu denim des colons américains. Au XVIIIe siècle, le tissu français est à l’origine un mélange de laine et de soie, un composite textile appelé serge, en provenance des Cévennes toutes proches. Tissu de première nécessité qui pouvait être réemployé et donc rapiécé, la serge, produit de faible rapport, sera pour la ville de Nîmes, le point de départ de l’essor du négoce à grande échelle. Bonneterie, production de grands châles, draps de soie et de laine firent la fortune des négociants et fabricants nîmois, propulsant la cité romaine au rang des grandes villes industrielles, la troisième après Paris et Lyon. Le tissage trame et chaîne très serré de la toile de Nîmes est traditionnellement fabriqué à partir d’une chaîne, teintée en bleu, et d’une trame, écrue ou blanche. Là où l’histoire se corse, c’est que le bleu du fil de chaîne provenait à l’origine d’une teinture dite blu di Genova (soit, en italien, bleu de Gênes). Le bleu de Gênes a donné également le nom blue jeans par déformation du mot à la prononciation. Ce bleu, initialement naturel, s’obtient grâce à deux plantes, l’indigotier ou le pastel des teinturiers. Autant dire que la culture américaine du bleu jeans est hautement redevable d’un héritage européen… et que Nîmes et Gênes, unies par la même histoire, peuvent légitimement revendiquer la paternité de cette toile promise à un bel avenir …

NCS S 6020-R80B


BLEU DE DOLE

... bleu du Pérou bleu de Chine bleu de Delft bleu de France bleu de Berlin bleu d’Iznik


NCS S 2060-R80B

L’outremer artificiel, découvert en 1827 par le chimiste Jean-Baptiste Guimet, va remplacer très rapidement et très économiquement le bleu obtenu auparavant à partir du lapis-lazuli. Une vraie révolution dans l’industrie du blanchiment du linge et de la pâte à papier, dès le début du XIXe siècle. Remplaçant le bleu d’iris, ce nouveau bleu est utilisé en blanchisserie industrielle et en papeterie. Les usines se mettent à produire des «boules» de bleu, un produit à dissoudre dans l’eau de rinçage et permettant une meilleure réflexion de la lumière. Le linge et la pâte à papier paraissent donc plus blancs. Cette technique est aujourd’hui connue comme l’azurant optique. A Dole, d’anciennes tanneries, grâce à la qualité des eaux du Doubs, les Frères Balois, créés en 1800, ou la Manufacture de Bleus pour l’Azurage Talissot & Chevalier, dès 1842, fabriquaient leurs boules de lessive suffisamment puissantes pour inventer le bleu de Dole. L’outremer puissant du bleu de Dole est un pur avatar de la couleur géographique.


BLEU D’ARRAS


Inspirées par le succès de la porcelaine de Saxe, Louise, Marguerite, Robertine et Constance, filles d’Adrien-Noël Delemer, marchand faïencier à Arras, fondent une fabrique de porcelaine concurrente et moins chère. À sa création, Arras s’inspire des formes et des décors de Tournai, puis de la fabrique de porcelaine de Chantilly. Leur production de bleu de cobalt de grand feu devient vite célèbre, avec le nom de bleu d’Arras réalisé avec les matières premières trouvées sur place dont le «bétun» pour la terre et le cobalt pour le bleu. Tout comme les couleurs, les décors s’inspirent de la concurrence. Le décor aux cinq bouquets est une copie de celui de Saxe. Le décor à la brindille est copié de Chantilly. Le décor au barbeau vient de Tournai. Toutes les pièces sont signées des deux premières lettres d’Arras, AR soit seules, soit suivies de l’initiale de l’artiste décorateur, soit de Delemer pour la fabrique. L’aventure de ces quatre femmes dure une vingtaine d’années. L’âge avancé des actionnaires et l’absence d’héritiers conduisent la manufacture à fermer ses portes en 1790. Ces 4 demoiselles auront cependant, avec le bleu d’Arras, une ultime descendance…

NCS S 2565-R80B

... ... bleu Turc bleu d’Alger bleu d’Artois bleu de Tunis bleu d’Orthez


NCS S 4055-R70B

... bleu bordelais bleu de Lima bleu de Navarre bleu de Saxe bleu d’Outremer

Le drapeau tricolore, emblème national de la République française, a été dessiné en 1794 par Jacques-Louis David, à la demande de la Convention. Il reprend les trois couleurs de la liberté, établies le 14 juillet 1789. Dès le début de la Révolution, les combattants de Paris arborent une cocarde bleu et rouge, couleurs de la ville. Lors de la prise de la Bastille, La Fayette a l’idée d’y intégrer le blanc, symbole du royaume de France. Cette association remporte immédiatement un vif succès. Il est possible que La Fayette, qui venait de combattre aux côtés des insurgés américains, vit dans les trois couleurs une réminiscence de la cocarde américaine. C’est sur décision de Napoléon Bonaparte, sur le conseil du peintre David, qu’une première réglementation est établie : les trois bandes devront avoir la même largeur, le mât, être toujours placé du côté de la bande bleue, le bleu, être sombre et le rouge vif. Bien que toutes les lois définissent les couleurs tricolores du drapeau, elles n’en précisent cependant pas la nuance. Ainsi, les couleurs sombres du drapeau sont-elles parfois remplacées par un bleu plus vif, moins martial, et par un rouge plus clair. On se souvient que Valéry Giscard d’Estaing avait essayé, en juin 1976, de modifier cet emblème républicain. Mentionné dans l’article II de la Constitution française de 1958, le drapeau est cependant normé dans sa proportion et ses couleurs, définitivement composé de trois bandes verticales de largeur égale, et du bleu Pantone Reflex, que l’on peut légitimement appeler bleu de France.


BLEU DE FRANCE


Anciennement manufacture de Vincennes fondée par Louis XV en 1740, la fabrique de porcelaine tendre est transférée à Sèvres en 1756, dans un bâtiment construit à l’initiative de Madame de Pompadour, à proximité de son château de Bellevue. La manufacture doit concurrencer les productions de Chantilly et de Meissen. C’est le chimiste Louis-Jacques Thénard qui découvre en 1799, sur commande du ministre Chaptal, pour la manufacture de Sèvres, le «bleu de Thénard» (ou bleu de cobalt) qui sert à colorer la porcelaine. Le bleu de Sèvres ou Gros Bleu, emblématique de la manufacture, est composé d’oxyde de cobalt protégé par une couverte transparente très fine, un émail transparent et incolore. La manufacture de Sèvres le prépare à partir de pegmatite et de quartz. Bien avant les travaux de Thénard, le monde des mineurs et des paysans connaissait le bleu cobalt en tant que colorant marqueur persistant de surface en bois et en pierre. Les artisans du bois, charpentiers, charrons... l’utilisaient incorporé sous forme de craie ou de crayon bleu cobalt. Le bleu de cobalt a inspiré une palette d’appellations : bleu de Thénard, outremer de Gahn, outremer de cobalt, bleu de Dresde, cobalt de Dresde, bleu de Saxe, bleu impérial, bleu saphir... et surtout, le bleu de Sèvres, sa destination pour laquelle il a été initialement conçu.

BLEU DE SÈVRES


... bleu d’Auvergne bleu des Mers du Sud bleu baltique bleu de Dole

NCS S 7020-R70B


NOIR DE NORVÈGE


... goudron de Stockholm boue de Paris terre d’Ombrie ombre de Turquie terre de Cassel noir de Mars

NCS S 9000-N

Le goudron de Norvège est un produit entièrement naturel, issu de la macération d’un goudron végétal de pin dans l’eau dont les archéologues ont retrouvé trace de la production vers l’an 200 en Suède. Pour cette raison, le noir de Norvège est aussi appelé goudron de Stockholm (Stockholm tar). Ce goudron végétal, goudron de pin, goudron officinal ou poix liquide, est un produit visqueux et très collant, de couleur noire, obtenu par distillation, après la carbonisation de la résine du pin à l’abri de l’air, sous pyrolyse. Il dégage une forte odeur et met un certain temps à sécher. Ses vertus hydrophobes en font la résine idéale pour le calfeutrage des cales de bateaux, l’imputrescibilité des cordages de marine ou l’imperméabilisation des façades des maisons en bois en Scandinavie. Les propriétés asséchantes, antiseptiques et guérissantes du goudron de Norvège sont utilisées en homéopathie humaine, pour le soin des sabots des chevaux, la cicatrisation des coussinets des chiens et celle des plaies des tailles d’arbres. Un autre bienfait de la nature …


COULEUR + Il était un temps où l’on mourrait là où l’on était né. Aller à la ville était en soi tout un voyage, une expédition rarement effectuée. Ce sédentarisme a pendant des siècles conservé aux lieux leur identité propre, leur homogénéité, leur cohérence. Renfermés sur eux-mêmes, les patrimoines, les terroirs se sont construits au gré de savoir-faire protégés, de traditions transmises, d’héritages culturels légués de générations en générations. Les goûts étaient locaux, conservés à l’abri des rares influences extérieures, tels des conservatoires de traditions populaires extrêmement localisées, à l’instar des patois, des costumes régionaux, des dialectes, des recettes locales, des régionalismes. De ce statu quo, la France a sans doute hérité d’une munificente richesse de terroirs, de guerres de clochers et de particularismes… Nulle part ailleurs, le principe de couleurs locales n’a su se manifester avec une telle richesse, une telle diversité.


COULEUR La facilité des transports, la culture mondialisée, le goût des voyages et de l’exotisme, l’attrait de la nouveauté et de la surprise, la diffusion, pour ne pas dire la dilution des informations a mélangé les territoires, fondu les influences dans une interpénétration générale. Ce grand mouvement de fusion mondialisée, ce nomadisme gigantesque, s’ils ont eu le grand avantage d’ouvrir les esprits, de favoriser la curiosité sur les autres, de brasser les cultures et les influences, ont aussi eu le revers de fondre dans un creuset universel toutes les spécificités locales, de gommer toutes les aspérités, de policer toutes les différences. Le monde est désormais en voie d’uniformisation, les influences se mélangeant et se partageant internationalement. Le rouge d’Artois a-t-il encore un sens, face au rouge de Chine, du Brésil ou du Japon ?


CAP SUR LA COULEUR

chaque époque a sa couleur ... Tout comme les autres couleurs, A3DC recense les couleurs d’origine, cherche à retrouver les couleurs des lieux, s’inspire du passé, des écrits, des peintures, des traités, des croquis … pour tenter de ranimer les teintes géographiques. Depuis plus de 30 ans, A3DC qui a le sens et la culture de la couleur, note leur apparition, leur résurgence, leur fréquence, l’évolution de leurs qualités chromatiques, par secteur, par saison, par cible. Il enregistre leur succès, leur demande, leur rencontre avec un marché … parfois, leur échec, leur refus. Ce design de la couleur répond à un marketing de la couleur, une intervention nouvelle et sensible de décodage des envies, au service de


LA MÉTHODOLOGIE l’entreprise, du produit industriel, de l’architecture et du cadre de vie. C’est fort de toutes les dimensions culturelles de la couleur, son histoire, sa géographie, ses connotations, ses valeurs d’usage, ses habitudes sociologiques, avec un œil aiguisé sur tous les continents et toutes les époques qu’A3DC travaille, en connaissance de cause, ses projets de colorations, préconisant des recommandations affûtées et durables, parfaitement adaptées à un lieu et à une époque.

Plus de trente ans d’expérience dans le domaine de la couleur appliquée à l’architecture et au produit industriel ont permis de mettre au point une méthodologie précise, pointilleuse qui alimente une banque de données inestimable et incomparable sur les habitudes socioculturelles de l’usage de la couleur dans le monde. Pays par pays, région par région, marché par marché … Pour conquérir de nouveaux consommateurs, éviter les faux-pas, connaître ses gammes de couleurs sur le bout des doigts, correspondre aux attentes des acheteurs où qu’ils se trouvent, les anticiper et y répondre, et assurer le succès du produit sur son marché, la couleur doit être conçue au plus juste.


Ils nous ont accordé leur confiance ... Arjowiggins - PlacoPlâtre - Eurocoustic Rockwool - Weber - Saint-Gobain Glass Solutions - Principauté de Monaco Opéra Garnier - Villa Médicis, Académie de France à Rome - Les Grands Magasins du Printemps - Ministère de la Culture, Direction du Patrimoine - Musée du Louvre - Villes de Nîmes, Viviers-en-Vivarais, Saint-Germain-en-Laye, Châlons-enChampagne, Joigny - Arkema, RésinoPlast, PSA - cuisines Lapeyre - Verrerie Aurys Tollens - Zolpan - IQAP - Aéroports de Paris - Groupe Seb - Tefal - Rowenta Krups Calor - S.N.C.F. - R.A.T.P. - Züber-Rieder Beiersdorf, Nivea Beauté - Matra, Alcatel Hanty Corée - Hino Motors - Aga - Solmer Sommer - Gerflex - Régie des Transports Marseillais - Oberflex - Skinplate - Emalit Mira X - Akzo-Nobel Powder Coatings Polydrox - Selles, Céramiques de Touraine Cycles Gitane - Taylormade - Facom Toutlemonde-Bochart - Packard-Bell Bianchini-Férier … sensiblement différent

61, rue de Lancry 75010 Paris contact@a3dc.paris www.a3dc.paris Tel 01 42 02 34 86 Fax 01 42 03 27 73

COULEUR & T E R R O I R ... graphisme vu par

laurie espona


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