Enquette sur la police

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’ENQUETE

le journal école de l’Institut Français de Journalisme

R U S LA E C I L PO

LA CHEVAUCHÉE FANTASTIQUE

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VISITE À LA BRIGADE ÉQUESTRE DES YVELINES

POLICE ACADÉMIE P.13 REPORTAGE EXCLUSIF À L’ÉCOLE DE POLICE DE DRAVEIL

N° 6 Juin 2007



E L L E N R E L’ET PREHENSION

S E CIT E : C I L PO INCOM

ET

Dans les quartiers résidentiels ou dans les cités populaires, chacun a son opinion sur les policiers. La façon de les voir verse pourtant dans le contradictoire. Un réel fossé existe entre les avis des uns et des autres. A la Madeleine, dans le 8e arrondissement, on considère le policier avec respect. «Heureusement qu’ils sont là. Rien que l’uniforme, ça sécurise», indique Françoise. «Hier, j’étais perdue en voiture. Manque de pot, j’ai grillé un feu. Des agents m’ont arrêtée. Je leur ai expliqué la situation. Ils m’ont indiqué mon chemin et ne m’ont pas mis d’amende. C’est pas beau ça !», sourit-telle. Même son de cloche chez les commerçants. Rémi, vendeur de smokings,

assure : «Ils sont nickel. On a très vite sympathisé. Maintenant, on discute rugby quand ils passent devant le magasin». Autre lieu, autre regard sur les forces de l’ordre. Bienvenue à la « Pierre Plate », cité populaire de Bagneux (92). Ici, la police a plutôt mauvaise presse. Un refrain revient sans cesse : «Les condés ne nous comprendront jamais. Et on n’a pas besoin d’eux», résume Freddy. Un tas de raisons pour expliquer le malaise. L’autorité : «Un flic, c’est quoi ? C’est un képi, du bleu et un putain de flingue. Ce n’est pas un être humain, c’est l’Etat», s’enflamme Flaquety. Le respect : «Ils ne savent pas ce que c’est. Ils se croient à la guerre. On est tous des délinquants à leurs yeux»,

Photos : Carla Cino.

rs e i c i l o p ns, Les u s e l r a p décriés par les autres. s respecté histoire e C’est un et de haine d’amour ançais écrivent r que les F s gardiens r avec leu x. Le citoyen i de la pa s son idée r a toujou estion. sur la qu


Photo : Sabrina Rezki.

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renchérit-il. Les habitants de la Madeleine reconnaissent, eux, que les agents assurent et font bien leur boulot. «En multipliant les rondes, d’une, ils rassurent, de deux, ils dissuadent sûrement les voyous». D’autres regrettent cependant la police de proximité : «On pouvait davantage discuter avec eux. Ils étaient plus disponibles». Disponible, un adjectif qui revient sur toutes les lèvres. «Mon fils veut devenir flic quand il sera grand. Alors maintenant, on leur dit tout le temps bonjour. Et souvent, ils Journal école de l’IFJ n°6

La Madeleine ou «La Pierre Plate» à Bagneux (92) : deux façons bien différentes de juger le travail des poliociers.

répondent à ses interrogations sur leur métier. Je trouve ça génial», raconte Olivier.

Un constat caricatural Mais en banlieue, les réalités sont tout autre. «On ne nous envoie que des jeunes, des bleus. Ils sont secs et toujours nerveux. Il n’y a pas de dialogue possible quand on te tutoie et qu’on te fouille à longueur de temps», lâche Samir. «C’est surtout que ce ne sont jamais les mêmes», constate Johnny. «De toute façon, dans une cité, il y a des règles, des

codes à suivre, comme en prison», explique-t-il. Et les policiers n’en font pas partie. «Moi, je ne ferai jamais le premier pas. Je veux bien leur dire bonjour mais c’est tout», affirme Jacqueline, de son balcon. Ludivine, face à la monumentale église de la Madeleine, considère, elle, qu’ils «ont fait beaucoup d’effort d’ouverture. Je sais qu’ils sont attentionnés envers les gens, et pas seulement avec les mauvais», sourit-elle. Les témoignages s’enchaînent et se ressemblent. Le constat est presque caricatural. Mais véridique. Les habitants de quartier chic voient généralement les policiers avec respect, voire amitié. Tandis que les banlieusards les considèrent avec méfiance, pire avec colère. La France est bien coupée en deux. Antoine Gillot


lette : re Corce r ie P n a , Je arnérias Pierre B

Photos : Carla Cino.

t u contac a s e t s i l rna Deux jou l’opinion comprenne que leur

Jean-Pierre Corcelette, journaliste, a vécu plusieurs mois au quotidien la vie des policiers «d’en bas». C’était à l’époque du premier «grand malaise policier, entre novembre 2001 et juin 2002», préciset-il. Pour lui, ces fonctionnaires sont confrontés à trois problèmes majeurs. «D’abord, ils ont le sentiment que leur hiérarchie est totalement déconnectée de la réalité du terrain. En plus ils considèrent qu’elle ne les soutient pas. Ensuite leur quotidien est difficile. Tous le reconnaissent et en pâtissent. Certains craquent, d’autres se sentent bien fragiles. Enfin, ils n’aspirent qu’à une chose : être respecté. Etre aimé, cela leur est égal. Ils veulent seulement que

quotidien est dur mais qu’ils ont une mission» détaille le reporter. Pierre Barnérias (photo), producteur et réalisateur de documentaires et reportages à la télévision, a pu lui-même approcher le quotidien de ces fonctionnaires de l’ordre public. Pour lui, il n’y a pas de mystère : «Les sujets sur les interventions de la police sont les plus regardés. On est confronté à tous les drames de la société et forcément cela apporte de l’audience». Quant au regard négatif que porte un certain nombre de Français vis à vis de l’institution, le réalisateur a noté que les fonctionnaires étaient «blindés» : «En les côtoyant, je n’ai pas senti sur eux le poids de cette mauvaise image. Ils en sont conscients, mais ils ont une carapace. Je les ai pourtant vus se faire insulter. » A.G. et J.V.

« Le policier n’est plus respecté comme il devrait l’être. » En région parisienne, les gardiens de la paix sont confrontés à la délinquance multirécidiviste, à la haine du flic et à la désertion des autres représentants de l’autorité. Leur travail est souvent pénible, et «le milieu côtoyé ne pousse pas au zèle», remarque Jean-Yves Bugelli, secrétaire général du syndicat Alliance Police Nationale.

DR

Les policiers qui travaillent en région parisienne ont-ils le moral ? Pas vraiment. Pour leurs premières années de métier, les jeunes policiers sont affectés à Paris et surtout en banlieue. Dès qu’ils ont un peu d’ancienneté, ils n’ont qu’une idée en tête : fuir les quartiers difficiles. J’avais visité, une nuit, le commissariat de Bobigny. Le chef de poste avait 24 ans. C’était le plus vieux, et il n’avait que trois ans

d’ancienneté. C’est paradoxal car les jeunes policiers n’ont pas la sérénité de leurs aînés. Certains, qui ne sont pas issus de ces banlieues, ont même peur. Cela explique leur comportement parfois agressif. Très vite, ils comprennent leur impuissance face aux mineurs multirécidivistes : ce sont des affaires très longues et qui n’aboutissent à rien. Si on y ajoute la désertion des quartiers par les pompiers, les médecins et parfois même les acteurs sociaux, on comprend

mieux le désarroi des collègues de banlieue.

Y a-t-il des solutions ? Nous proposons déjà un Grenelle de la sécurité réunissant tous les acteurs concernés : la police, bien sûr, mais aussi la justice, l’enseignement, les élus locaux, les associations... L’évolution doit se faire au même rythme que celle de la société et de la délinquance. Pour ça, chacun doit prendre ses responsabilités. Et ne pas confondre l’insécurité et le

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Comment les gens perçoivent-ils le travail des gardiens de la paix ? Le policier n’est plus respecté comme il devrait l’être. Une de nos règles d’or est de ne pas rester sur place lorsque nous interpellons des individus délinquants, surtout quand ils sont mineurs. Il faut les emmener au commissariat, même si cela peut choquer les habitants. Ce n’est pas un drame de passer quelques heures en garde

à vue. Si on reste dans le quartier, les gens s’attroupent et chacun donne son avis, c’est très français. Le ton monte et on en arrive vite à des situations explosives. Pourtant, il ressort d’une enquête réalisée par nos soins auprès de 3400 personnes en Ile-de-France que 91% des gens soutiennent l’action des policiers.

Et l’uniforme dans tout ça ? Les policiers sont fiers de leur uniforme. Je ne connais pas un seul collègue qui, arrivé à l’âge de la retraite, ne l’ait pas gardé et n’en prenne pas soin. Pinot simple flic cachant son uniforme sous un grand imperméable, ça n’existe pas. D’ailleurs le problème du port de l’uniforme en dehors du service ne se pose plus, puisque désormais les policiers se rendent au travail en civil et s’habillent une fois arrivés au commissariat. Le changement était nécessaire, car un policier qui rentrerait chez lui en uniforme, a fortiori s’il habite dans un quartier sensible, serait montré du doigt. Il aurait le sentiment que sa famille est en danger.

Photo Carla Cino

sentiment d’insécurité. Nous étions attachés à la police de proximité terme auquel nous préférons celui de police de quartier. Elle avait un effet très bénéfique sur ce sentiment d’insécurité. Elle permettait aussi aux gardiens de la paix de voir autre chose que la frange délinquante de la société. Le milieu qu’ils côtoient au quotidien ne pousse pas au zèle. Dans notre métier, il y a des risques, des dangers et une notion de pénibilité, rarement reconnus, qui n’existent pas dans d’autres postes de la fonction publique. Pourtant le salaire de base reste le SMIC.

Propos recueillis par

QUE PENSEZ-VOUS DES POLICIERS ? Dembo, 25 ans, demandeur d’emploi, Meaux. «Les policiers ont trop de préjugés. Ils collent

systémati-

quement

une

éti-

quette sur les personnes qui portent une certaine tenue ou qui n’ont pas la peau blanche. Hier, j’ai été contrôlé quat-

Photos : Antoine Gillot

re fois dans la journée : c’est insupportable. Je crois que ce qui

leur

manque

vraiment, c’est un peu d’humanité».

Michelle, 57 ans,

Nadia, 71 ans,

Stéphane, 30 ans,

Frédéric, 22 ans,

Jochen, 33 ans,

associatif humanitaire,

retraitée, Paris 2e.

frigoriste, Argenteuil.

étudiant, Lille.

informaticien,

Paris 20e.

«Je suis très satis-

«Les policiers n’ont

«Mon père est lui-

Erlangen

«Comme dans toutes

faite de nos policiers.

pas assez de pouvoir.

même policier. Donc

(Allemagne).

les professions, il y

Ils sont gentils, sou-

Ils ne peuvent pas

j’ai une bonne image

«Les policiers fran-

les bons et les mau-

riants et n’hésitent

aller au bout de leur

des gardiens de la

çais travaillent aussi

vais. Certains sont

pas à aider. Surtout,

mission vu le laxisme

paix. Je sais que leur

bien que leurs homo-

provocateurs, tandis

je me sens vraiment

du système judiciai-

mission est d’utilité

logues allemands. Je

que d’autres restent

en

re. Ce doit être extrê-

publique.

seul

les trouve compé-

beaucoup trop laxis-

protégée. Je sais que

mement

frustrant.

reproche que je puis-

tents, aimables et

tes. Mais la question

je peux leur faire

En plus, aujourd’hui,

se leur faire concer-

respectueux. Je me

n’est pas là. Je ne

confiance. Ceux qui

plus personne n’a de

ne les plus jeunes. Ils

perds tout le temps à

comprends pas que

ne cessent de les cri-

respect pour eux.

se prennent souvent

Paris, et à chaque

dans un système évo-

tiquer ont sûrement

Mais ce sont des gens

pour des cow-boys. Ils

fois un agent me

lué comme le notre,

quelque chose à se

comme vous et moi.

paraissent arrogants

donne un coup de

on soit encore obligé

reprocher. Moi, je

Ils travaillent pour

et malpolis. Pourtant,

main pour trouver

d’avoir des agents de

n’ai rien contre eux.

nourrir leur famille.

ils ne sont pas au-des-

mon chemin. Ils sont

répression».

Au contraire».

Ils méritent mieux

sus des lois».

vraiment

sécurité, bien

Le

disponi-

que cette situation

bles. En plus, leurs

bordélique».

uniformes sont plus sympas que ceux des policiers allemands»

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LA CHEVAUCHEE FANTASTIQUE 12 POLICIERS

A CHEVAL SUR LA SECURITE

Des écuries pour poste de police à Verneuil-sur-Seine pour la Brigade équestre des Yvelines. A cheval ou en 4x4, les 12 brigadiers de

Photo Marie Billon

l’unité cultivent la bonne humeur et le goût du travail bien fait. C’est plus facile quand on a comme équipier un cheval qui inspire la confiance de tous, jusque dans les banlieues, et que même en 4x4, «on reste le poulet à cheval». Par Julia Cerrone et Marie Billon IFJ n°0

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L’ordre à roulette Roulettes et gros pneus, c’est le quotidien des 27 gardiens de la paix de la Brigade roller (BR) et des 170 agents de la brigade VTT. Leurs missions : encadrer les randonnées hebdomadaires des rollermen et de cyclistes, participer aux îlotages et bien entendu courser les fauteurs de troubles. Sportifs dans l’âme, les policiers des deux brigades portent le même uniforme bleu marine avec, en plus, genoullières et coudières.

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kilos et 1m70 au garrot. «C’est évident, les policiers ne vont pas changer la face du monde ! On est seulement là pour colmater les trous dans la passoire», intervient le capitaine Role. 14h15, les gradés rentrent au poste. L’entraînement à cheval quotidien, mené par Katelle, la monitricebrigadier, a déjà commencé dans la carrière en contrebas des écuries, en plein soleil. Tour à tour, Yann et Julien sur Karamazov et Skip sautent

Le travail du cheval : entre confiance et jeu A l’heure du déjeuner, Hughes Role et Christophe se rendent à la base de loisirs de Verneuil à bord d’un 4X4 de service. Cinq minutes de rodéo plus tard, dans un bolide capable d’arpenter les chemins les plus escarpés, une vue imprenable sur

Photos Marie Billon

A

explique Christophe, 39 ans, brigadier chef de l’unité. En nous voyant, les jeunes s’approchent : «Oh…on peut caresser votre cheval ?». Les gens voient d’abord le cheval, le cavalier puis le policier, et la sympathie pour l’animal crée le lien. On peut alors instaurer une relation de confiance. C’est plus facile de faire caresser son cheval que son 4x4», sourit-il. «Le cheval est un grand vecteur de communication et un formidable outil de prévention» intervient le capitaine Role, au commandement de l’unité depuis sept ans.

Photo Julia Cerrone

11heures du matin, loin de l’agitation parisienne, Lucky Luke, Skip, Magic, Karamazov et Jupiter tapent du sabot dans leur box… Les cinq chevaux du centre équestre de Verneuil-surSeine sont devenus à l’âge de quatre ans les partenaires privilégiés des policiers de la Brigade équestre des Yvelines, la Bredy. Une journée très calme s’annonce aujourd’hui. L’entraînement des chevaux en carrière et une patrouille en 4X4 sont prévus dans l’après-midi en préparation d’une rencontre avec des enfants de Sartrouville, une zone dite sensible, demain. Depuis 1994, date de création de la brigade, les policiers équestres ont gagné la confiance et le respect de la population des Yvelines ainsi que celle, primordiale, de leurs chevaux. «Dans le département, cela se sait que l’unité est réglo. Je demande toujours à mes policiers d’être correct, courtois mais ferme avec les gens», confie le capitaine Hughes Role tranquillement assis dans le bureau de l’équipe, sous le toit de l’écurie. Du quartier des Mureaux à la forêt de Versailles, la brigade équestre n’a pas vocation à traiter la délinquance urbaine comme un commissariat. «Nous sommes une police d’initiative, explique Yann, un militaire reconvertit. Nous n’intervenons pas directement à la demande des gens mais on fait appel à nous en renfort d’unités ou pour des missions spécifiques, par exemple de recherche d’une personne en forêt». A cheval, au cours de patrouilles dans les bases de loisirs et forêts de Rambouillet, SaintGermain-en-Laye ou du château de Versailles, le contact entre les policiers et les civils passe bien. «C’est agréable d’avoir un rapport moins tendu avec les gens, différent de la relation public-policier générale,

le lac s’ouvre devant eux. Un cadre idéal. «Lors des journées d’encadrement d’enfants, reprend Christophe, nous nous servons du cheval pour faire passer un message de citoyenneté et de respect envers les agents de police». Le brigadier-chef ne plaisante pas avec la finalité de son métier. «On est là pour faire notre travail de policier. La répression est indissociable de notre mission de prévention. C’est comme si un parent passait son temps à mettre en garde son enfant sans jamais le punir quand il franchit les limites… ». Neuf interpellations en avril, onze en mai. Les arrestations liées aux stupéfiants représentent 50% de l’activité de la brigade, devant les infractions routières, les vols et les recels. Pas évident de prendre en flagrant délit quand on s’approche avec un cheval de 300

Yann et Julien simulent l'interpellation de leur collègue, Laurent.

les obstacles dignes d’un manège classique. «Généralement en patrouille, le cheval n’a pas besoin de sauter mais cet exercice sert à travailler son équilibre», explique le capitaine réagissant à la barre manquée par le saut de Karamazov. L’entraînement est fait d’exercice physique pour le cheval et le cavalier, mais aussi de simulation d’interpellations… «Le travail du cheval est basé sur le jeu, précise le capitaine. Quand il s’agit de bousculer un récalcitrant, par exemple». Sur le terrain, les policiers cessent de


val et l’homme, le rapport est quand même très limité», précise le capitaine, même si chaque policier à un faible particulier pour un des pensionnaires à quatre pattes. Tapotant la robe brune de Karamazov, Yann lâche : «Lui, c’est le meilleur ! C’est celui avec lequel j’ai le plus d’affinités. Je crois qu’il ne faut pas confondre sensibilité et sensiblerie, le sentiment à mauvais escient. Mais on n’hésite pas à venir la nuit, pour veiller un cheval malade».

Le chien : un atout pour le policier

Photo D.R.

travailler sous le regard satisfait d’Hughes Role. «Le cheval est naturellement très peureux donc face à un danger, son instinct est de fuir ». Yann, du haut de Karamazov, s’approche. «Avec l’entraînement, on essaie d’atténuer ses réactions dé-fensives. L’animal doit comprendre qu’il sera en sécurité là où on l’amène. Il faut une grande confiance et complicité entre le cavalier et son cheval. Sans cette harmonie, l’animal est plus difficile à contrôler, il s’affole dès qu’il sent la tension de son cavalier ou à la vue d’un drapeau qui flotte. Entre le che-

L’unité cynophile a été créee en 1950. Le chien a quatre missions principales : la recherche de drogue, la détection d’explosif, la capture d’animaux sauvages, et la patrouille dans laquelle il joue le rôle de dissuasion pour assurer le maintien de l’ordre.

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Photo : Joseph vallanรงon


METRO POLICE Par Joseph Vallançon

SECURITE ET ASSISTANCE SONT LES MISSIONS DES 160 PATROUILLES DE LA SSRP.

«Garde à vous!» 6h30. Le lieutenant Dusserre du Service de Sécurité du Réseau Parisien (SSRP) réunit sa brigade. Dans dix minutes, les premières équipes partiront patrouiller dans le métro, en uniforme avec le matériel de rigueur : le tonfa (le bâton de défense à poignet latéral), la gazeuse (lacrymogène), l’arme de service, le téléphone et le matériel radio. Quatre gardiens accompagnent le major Peignaux. Ils ont la trentaine. Celia est la seule femme de l’équipe. C’est elle qui palpera les femmes. Autour d’elle, Thomas, Sébastien et Bertrand. De la gare de Lyon où se trouvent les locaux de la police des transports, direction Saint Lazare. Peu de monde dans les wagons. La présence des policiers ne semble susciter ni intérêt, ni rejet. Les stations défilent dans le calme et l’indifférence générale. «TJ Victor 163 B !» Le major se positionne sur les ondes pour donner son numéro de poste. Ensuite la ligne 13 jusqu’à la place de Clichy. L’équipe arpente toutes les galeries sans noter aucun incident. Barbès. Là un employé de la RATP se plaint. Des trafiquants de cigarettes abîment du matériel, en dissimulant des cartouches. A part ça, rien à signaler. Direction donc

gare du Nord où les choses «bougeront» peut-être un peu plus. Là, c’est une équipe de la compagnie du SRPT qui était présente au début de l’émeute, pendant les élections présidentielles. «Il y a des moments où un contrôle d’identité peut mal tourner et devenir violent » prévient Bertrand. Sébastien a ainsi eu l’épaule fracturée il y a quelques mois lors d’un banal contrôle aux Halles. Ce matin, les contrôles d’identité se passent bien. Seul un mineur africain sans billet se rebelle. Il déchire son amende et la jette à la poubelle. «Ses parents ne paieront pas pour lui, explique Sébastien. Ils sont au RMI et ils sont défendus par des associations.» Dans les allées de la gare, une femme tout de noir vêtue et voilée fait la manche à genoux. Elle présente aux policiers sa carte d’identité roumaine. «Elle fait partie de l’Union européenne donc on ne peut rien lui dire, souligne Bertrand. Simplement qu’elle cesse de faire la manche dans le métro.» Encore deux ou trois contrôles d’identité sans conséquence et l’équipe revient vers 11h30 gare de Lyon. Après le déjeuner, devant les infos, le major et les gardiens de la paix repartent. Les gens regardent davantage les policiers que ce matin. Leur présence en rassure peut-être, mais elle en «agace d’autres» constate Thomas. De retour à 14h45, l’équipe rend son matériel et prépare son compte-rendu. Demain, même mission.

Chaque jour plus de sept millions de Franciliens empruntent les lignes de métro, de RER et les trains de banlieue. La lutte contre la délinquance dans ces transports incombe au Service Régional de Police de Transports, placé sous le commandement du préfet de police. Mis en place par le ministre de

l’Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy, le 2 octobre 2003, ce service dépend de la Direction de la Police Urbaine de Proximité. Fort de 1300 policiers, le SRPT déploie chaque jour 160 patrouilles sécurisant plus de 1200 gares, 1300 rames de métro, trains de banlieues ou RER.

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Empreintes digitales, génétiques et bientôt olfactives, les moyens des enquêteurs de la police scientifique sont de plus en plus sophistiqués. Bien malin celui qui

Par Marine Stéphan

réussira à commettre le crime parfait.

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Il devient de plus en plus compliqué d’assassiner tranquillement son prochain. Les choses ont commencé à se gâter en 1902, à Paris. Alphonse Bertillon, chef du service de l’identité judiciaire de la Préfecture de Police, enquête sur le meurtre d’un domestique chez un dentiste parisien. Depuis environ dix ans, une fiche anthropométrique est établie chaque fois qu’un malfrat est condamné à une peine de prison. Sur cette fiche figure un relevé des empreintes digitales. Bertillon, qui a trouvé sur le lieu du crime des tessons de verre marqués d’empreintes, se lance dans une besogne herculéenne : confondre le coupable en comparant, fiche par fiche, les empreintes retrouvées. En quelques jours, il démasque le coupable : Henri-Léon Scheffer, né Journal école de l’IFJ n°6

en 1876, première victime des balbutiements de la police scientifique. Evidemment, depuis ce pas en avant, tout assassin qui se respecte enfile une paire de gants avant de passer au travail. Las ! Huit ans à peine après l’arrestation de Scheffer, un autre flic, Edmond Locard, crée le premier laboratoire de police scientifique, dans les combles du palais de Justice, à Lyon. Et ce grand admirateur de Sherlock Holmes ne se contentera pas de quelques empreintes digitales. Jusqu'en 1951, il sillonnera les scènes de crime, inspectant les cadavres, relevant poils, squames et autres traces de sang, de sperme et même de sueur susceptibles de trahir le coupable. Il analysera inlassablement tous ces indices, résoudra des affaires, et laissera derrière lui un arsenal d’appareils

voués à briser le rêve du crime parfait. Mais ce n’est pas fini. Dès le début des années 1980, voilà que l’empreinte ADN fait son entrée dans le monde de l’investigation. Jusqu’ici, la criminalistique à la Locard avait essentiellement recours à l'analyse de substances faisant partie des groupes sanguins. Les résultats étaient peu fiables. Avec les analyses d’ADN, les traces relevées sont promues au rang de preuves matérielles.

Place à l’odorologie ! Mais le pire est à venir. Eh oui, tremblez, assassins, étrangleurs, éventreurs, et autres tueurs fous. Car une nouvelle technique nous arrive de Hongrie : l’odorologie, ou comment confondre un suspect grâce à son odeur corporelle. Car chaque être humain possède une empreinte olfactive qui lui est propre, et qu’il laisse partout où il passe... Odeur que l’ont peut relever, stocker et surtout identifier, grâce aux fins limiers élevés dans les chenils d’Ecully, à Lyon. Ne pas laisser de traces, passe encore, mais ne pas laisser d’odeur...

Photo : D.R.

TRAQUE SCIENTIFIQUE

LA

HENRI-LÉON SCHEFFER, PREMIER CRIMINEL CONFONDU PAR SES EMPREINTES DIGITALES (1902).


Promotion après promotion, les quatorze écoles de police ne désemplissent pas. Visite à Draveil (91) dans la plus paisible d’entre elles : un château réhabilité en école.

Photo : Marine Stéphan

POLICE ACADÉMIE

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Transmettre sa passion du métier Photo : M. S

Jour d‘examen pour les futurs policiers de la 211e. Au programme : self-défense.

Les élèves ne sont pas les seuls à recevoir une formation. Pour devenir formateur, il faut également passer par une école, celle de Clermont-Ferrand, pendant trois mois. Il s’agit d’un choix de la part des policiers, et d’un choix temporaire. En effet si un directeur ne peut rester que six ans dans une école, et un formateur, lui, n’a le droit qu’à cinq ans.

A l’entrée du château de Draveil (91), on ne plaisante pas avec la sécurité. Quoi de plus normal, Il s’agit de l’une des quatorze écoles de police françaises (ENP), auxquelles s’ajoutent douze centres de formation de la police (CFP), qui n’accueillent que des hommes. Ici, gardiens de la paix, adjoints de sécurité et cadets de la République sont formés sous l’œil vigilant du directeur de l’école, Bernard Boissière, commissaire divisionnaire, dans la police depuis plus de 20 ans. L’école assure également un peu de formation continue. Au total, ce sont plus de 250 élèves que l’on peut croiser dans cette école qui ne ferme jamais. «Mais c’est loin d’être la plus grande, explique le directeur, si vous allez à Nîmes, l’école peut accueillir plus de 600 élèves !» Chaque promotion accueille 60 à 90 élèves répartis en classes de 30 pour les gardiens de la paix, et 30 adjoints de sécurité. Ils sont tous habillés, logés et nourris par l’école, même si certains choisissent l’externat. Un dojo a été installé dans le hall. Les élèves de la 211e promotion passent ce jour-là les tests finaux de self-défense, avec pour spectateurs de futurs adjoints de sécurité. La 211e n’est en effet plus qu’à un mois de la fin de sa formation. L’école accueille deux Le magasin promotions de futurs d’habillement

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des futurs policiers.

gardiens de la paix par an : l’une entre en mai, l’autre en septembre. Avant d’arriver là, les jeunes gens auront passé le concours de gardien de la paix. Au programme, épreuves de dissertation, de culture générale, de langue, tests psychotechniques et sportifs, et entretien de motivation. Ensuite, ce sera environ un an d’attente avant d’intégrer une école…

Une formation «intense» d’un an Le château est le lieu idéal pour les 36 heures de cours par semaine : une salle informatique où l’on forme les élèves aux logiciels de procédure, deux dojos où se déroulent les cours de self-défense, de gestes et techniques professionnels d’intervention (GTPI) , et des salles pour des cours plus magistraux de droit pénal, ou d’organisation judiciaire. Sans oublier l’apprentissage du tir ou les techniques de secourisme. Au final, une formation «intense» d’un an, puisqu’au cours de cette année, les apprentis policiers doivent aussi effectuer un stage de trois mois dans un commissariat. Quant au parc du château, sur lequel a été construit une petite cité qui jouxte l’école,


Après 20 ans de terrain dans divers services spécialisés de la police, notamment les brigades motocyclistes, le brigadier-chef Langumier enseigne à l’école de police depuis septembre 2005. Il évoque avec fierté sa passion pour la formation des jeunes recrues.

«J’ai

un espace a été réservé pour les dortoirs des élèves, des bureaux, et un site de simulation.

L’esprit de compétition Au cours de la scolarité, tout est pris en compte, puisque tous les élèves rencontrent les syndicats et les mutuelles de la police, et à partir de juillet, une psychologue arrivera afin d’aider les futurs gardiens de la paix à se préparer à la confrontation avec le public. «Comme pour les médecins, explique le brigadier chef Philippe Langumier, formateur, la formation est d’abord généraliste, et c’est ensuite que les gardiens de la paix choisiront une éventuelle spécialisation.» Et, la plupart du temps, ce seront les brigades de la BAC ou les brigades d’intervention qui seront les plus prisées. En attendant le temps des examens, l’esprit de camaraderie laisse place à l’esprit de compétition, puisque les affectations sont choisies en fonction du classement. Pour la 211e, les choix se feront le 28 juin, après quoi les élèves entreront enfin dans le métier !

saisi l’opportunité d’enseigner à l’école de police quand une note de la Direction de la Formation de la Police Nationale a circulé dans mon service, indiquant que l’administration recherchait des formateurs pour les écoles de police. Je n’ai pas hésité, bien que mes collègues aient tenté de me dissuader. «Tu vas t’emmerder », m’ont-ils dit. Mais je ne regrette pas du tout d’avoir quitté le terrain, c’est très gratifiant de former des jeunes puis de suivre leur parcours. C’est un métier dans le métier. Et puis ce n’est qu’une parenthèse dans ma carrière, je ne resterai pas à l’école. Après trois mois de formation à Clermont-Ferrand, j’ai signé un contrat de cinq ans puis j’ai été affecté ici, à Draveil. Je suis également apte à

dispenser une formation continue, celle qui permet de monter en grade. Mais je préfère de loin la formation initiale. Les jeunes arrivent souvent avec des images préconçues du métier, des schémas très réducteurs. Ils imaginent que ça se passe comme dans les séries télévisées. Il faut leur faire envisager tout l’aspect « manœuvre » de la profession. J’essaie aussi de leur faire comprendre que le héros de la police, ce n’est pas Navarro mais le policier du bas de l’échelle, celui qui est sur le terrain tous les jours. Il suffit d’une étincelle pour qu’une simple intervention bascule. Ils doivent être prêts à faire face aux situations à risques. »

Photo : Marine Stéphan

« Les jeunes arrivent souvent avec des images préconçues du métier »

Propos recueillis par Marine Stéphan

Par Laurence Jacquin

otos : Marine Stéphan

« Si on ne travaille pas au moins trois heures par jour, on est largué. » A 36 ans, Rachdi Brick termine sa formation dans la 211e promotion de l’école de Draveil. Dans deux mois, il sera gardien de la paix. Avant d’être titulaire, il effectuera un stage d’un an dans un commissariat d’Ile- de-France.

Pourquoi avez-vous choisi d’entrer dans la police ? Ce qui m’intéressait, c’était l’aspect financier du métier ainsi que la sécurité de l’emploi. J’ai d’abord travaillé comme agent de sécurité à la RATP, puis je suis parti en Arabie Saoudite où j’ai intégré le réseau de sécurité rapprochée du roi

Abdallah, grâce à mes oncles qui travaillaient déjà là-bas. Je suis rentré en France car j’avais besoin de me fixer. C’est un métier risqué car la situation peut dégénérer sur un simple contrôle routier, mais c’est un choix assumé et mon entourage m’a soutenu dans ma décision. Journal école de l’IFJ n°6

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Comment avez-vous apprécié la formation ?

des jeunes recrues. Chaque fois qu’ils nous emmènent en intervention, ils doivent rédiger un rapport et évaluer notre comportement, mais ils le font sans conviction.

L’apprentissage théorique est très intensif et demande beaucoup de travail, surtout la procédure et le droit. Si on ne travaille pas au moins trois heures par jour, on est largué. Les formateurs sont très présents, on n’est pas laissé pour compte et tous les élèves sont soutenus. Je ne m’attendais pas à ça. Par contre, le stage sur le terrain m’a laissé une impression mitigée. On a l’occasion de voir la diversité des interventions, de se confronter aux risques du métier, mais on est beaucoup moins encadré qu’à l’école. On se sent presque trop libre et les tuteurs qui nous reçoivent semblent peu motivés à s’occuper

Quels sont vos projets pour l’avenir ? Les affectations se font à partir du classement des élèves. On sent déjà des tensions et une certaine compétition pour les stages. J’aimerais intégrer la BAC (Brigade Anti Criminalité) ou la CDI (Compagnie Départementale d’Intervention), qui offrent des missions moins banales que de simples feux de poubelle. Mais les places sont chères. Propos recueillis par Marine Stéphan

Photo : D.R.

LES POLICIERS NE SONT PAS DES OURS

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Polinours, le nounours de la police, débarque. Testé depuis le 12 juin 2007 dans les commisariats de l’Oise, il instaure un véritable lien entre les enfants victimes de traumatismes graves et les policiers. Il leur permet de s’exprimer plus facilement face aux uniformes toujours impresionnants. L’idée est venue au commandant Daniel du commisariat de Beauvais lors d’un voyage au Québec. La police canadienne utilise depuis une vingtaine d’années cette peluche sous le nom de Polixe. Le commandant Daniel a réussi sans trop de peine, grâce un avis favorable de pédopsychiatres, à convaincre sa hiérarchie ainsi que le partenaire de l’opération la Poste de l’Oise. Selon lui, Polinours aurait déjà pu aider plus de 200 enfants depuis le début de l’année. Un geste qui donne un visage plus humain à la Police Nationale. C.C.

Tous les jours, les gardiens de la paix sont confrontés à la violence. Aucun n’en sort indemne. Eux-aussi ont des sentiments. A Paris, trois fonctionnaires les aident à retrouver le moral.

«Si vous êtes confronté à un événement majeur, traumatique, professionnel ou personnel, les psychologues de la cellule de soutien psychologique opérationnel sont à votre disposition». Une affiche à l’accueil des bureaux de soutien. A Paris, trois psychologues épaulent les collègues en difficulté. Leur service est ouvert aux 26 000 agents de la capitale.


Photo : D.R.

Les policiers ont, aussi, des sentiments

Du boulot, ils n’en manquent pas. Pascal Barré, 35 ans, y travaille depuis 2001. Un bureau dans une ancienne usine reconvertie en annexe de la Préfecture de police. Un symbole. Depuis longtemps, il s’est passionné pour la criminologie. Son DESS de psychologie clinique en poche, il enchaîne les missions de terrain. Psy des armées d’abord, puis près de

trois ans dans l’univers carcéral. Sa mission d’aujourd’hui, il la résume en trois mots : «repérer, diagnostiquer et aider». Il reçoit des fonctionnaires qui ont subi un traumatisme. Il intervient, chaque fois qu’une équipe subit un choc : mort d’un collègue, prise d’otage, guet-apens, suicide, homicide barbare. «Je suis à la disposition des chefs de service pour

les conseiller, les aiguiller, leur expliquer ce qu’il faut faire». La mort plane souvent dans l’environnement policier.«Chacun a sa façon d’accepter. Et de s’adapter. Mais globalement, ils s’en sortent très bien. La police, c’est une grande famille».Pourtant lorsque le choc est trop éprouvant, la carapace tombe. «Troubles du sommeil, attention diffu-

se, irritabilité, perte d’appétit, besoin de s’isoler». La solution ? «Replacer des repères, en p a r l e r , éviter les excès. Cela passe par des consultations personnelles ou des groupes de paroles» pour que la blessure se referme. Pas facile. Mais ces «psycollègues», comme on les surnomme, sont maintenant bien intégrés. Antoine gillot Journal école de l’IFJ n°6

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DISPARITIONS : La disparition, le 3 mai dernier, de la petite Madeleine McCanne, 4 ans, a déclenché une émotion sans précédent au Portugal, en GrandeBretagne et dans le monde entier.

L

es disparitions sont monnaie courante dans le boulot d’un flic. Faute d’adaptation des services, les familles se retrouvent souvent seules face à la perte d’un proche. Des associations les épaulent, quitte à marcher sur le terrain de la police. «Les familles reprochent essentiellement un manque d’écoute», lance Laurence Hudry, juriste de la Fondation pour l’Enfance. «Rien que l’accueil au guichet est vécu comme une humiliation», s’enflamme-t-elle. Au milieu des années 1990, beaucoup d’associations se créent pour pallier les carences de l’administration. «Le problème, c’est qu’il n’y avait aucune politique globale. Il n’existait même pas de fichier national», détaille Jean-Philippe Guedon, de la Fondation. Il faudra cependant attendre octobre 2004 pour que SOS enfants disparus voit le jour. Objectif : «accompagner de manière personnalisée les familles victimes de disparitions», précise Marie Fletcher, coordinatrice. La tâche n’a rien d’évident. «Les familles vivent des situations extrêmes. C’est une véritable descente aux enfers», confie la responsable. En plus de gérer la détresse, l’organisation assure un suivi complet du dossier. Mieux, elle peut s’appuyer sur des correspondants au sein de la police. «Dans chaque département, nous disposons d’un officier référant. Il nous permet de suivre l’enquête et de recouper les données».

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LES ASSOCIATIONS AU CHEVET DES FAMILLES ET DE LA POLICE «Les familles vivent des situations extrêmes. C’est une véritable descente aux enfers».

Avis de recherches sur le net Conçu pour diffuser au grand public certains éléments d’enquêtes judiciaires, le site «Internet de recherches criminelles» de la police nationale est ouvert depuis 1997. Le site comporte quatre rubriques illustrées de nombreuses photos : «Les personnes disparues », où ne figurent

Une telle implication heurte parfois les policiers. «Nous ne sommes pas là pour se substituer à eux, mais pour jouer le rôle d’intermédiaire avec les familles», rappelle la coordinatrice. Parfois les explications ne suffisent pas. «Nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes. Certains policiers demeurent méfiants et ne veulent pas nous parler», regrette Jean-Philippe Guedon. Néanmoins, il est rare d’en arriver là. Car la fondation se veut résolument neutre, et… pédagogue. «Nous organisons régulièrement des rencontres avec les policiers pour les sensibiliser». Et cela semble bénéfique. «Désormais, l’accueil dans les commissariats répond à une charte d’exigences. Et surtout, l’Etat embauche travailleurs sociaux et psychologues». La situation évolue, les mentalités aussi. Mais avec trop de lenteur aux yeux des familles qui savent que le temps joue justement contre eux dans ce domaine. Antoine Gillot

que les disparitions les plus inquiétantes avec présomption de crime ; «les personnes recherchées » auteurs d’infraction, de crimes ou de délits aggravés, crimes de sang, agressions sexuelles, braquages ; les «objets signalés volés», objets d’art ou de valeur essentiellement ; et «les objets volés restitués » en attente de l’identification de leur

propriétaire légitime. Chacun peut se servir de cette base de données pour mener sa propre enquête ou pour aider la police dans l’élucidation d’affaires. Ce site est très utile, notamment pour les brocanteurs et an- tiquaires qui sont ainsi informés de l’origine criminelle d’une œuvre d’art.

S.R. Site internet w w w.interieur.gouv.fr


LA

DEVENUE UN SERVICE COMME LES AUTRES

DST

Depuis plus d’un demi siècle, la DST est sur tous les fronts. Sa technique : tisser sa toile pour ne pas laisser filer sa proie. Parole d’un ancien qui reste dans l’ombre.

Quel est le rôle de la DST ? Jusqu’à la chute du mur en 1989, la mission première de la DST était le contre-espionnage. Aujourd’hui le contre-terrorisme s’y est ajouté. Nous sommes chargés de prévenir toute ingérence sur le territoire Français (métropole, départements, territoires d’Outre Mer). L’objectif est de tisser une toile pour être le plus réactif possible face aux menaces. On se protège contre l’espionnage mais on est aussi entreprenant et intéressé. Le renseignement, c’est une concurrence permanente.

Quels changements avez-vous connu depuis 30 ans ? Il y a 30 ans, la DST était méconnue du grand public. C’était un monde du secret. Aujourd’hui, la DST est devenue un service comme les autres. Le symbole de cette ouverture c’est de se retrouver réunis dans les mêmes locaux à Levallois-Perret que les RG et la PJ. C’est une forme d’aboutissement. La probable fusion de la DST, des RG et de la PJ serait une avancée significative dans notre système de renseignement.

Travailler dans un même lieu va sans aucun doute favoriser les échanges. Tout comme la coopération entre les pays européens. Dès 1989 et l’ouverture des frontières, nos collaborations se sont accrues et perfectionnées au niveau international.

Comment entre-t-on à la DST ? On rentre en passant le concours externe quel que soit le grade. A la sortie de l’école, on choisit son affectation en fonction de son classement général. Une fois affecté dans un service, on a la possibilité de continuer à évoluer soit par le biais du concours externe, si on a le niveau, soit en passant le concours interne, moyennant quatre ans d’ancienneté dans la police. Avant, la DST n’était ouverte qu’aux corps en civils (inspecteurs, commissaires). Aujourd’hui, la filière s’est démocratisée. Elle est devenue accessible à tous même aux sous-officiers. Nous devons évidemment, comme tout service de police, faire preuve d’une grande réserve. Le degré de confidentialité à la DST est très élevé. La discrétion reste la devise de la Maison. Par Nicolas Brenot

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OBJETS PERDUS : UNE MISSION DE POLICE Vous ne rêvez pas : tous ces objets ont bien été perdus !

Patrick Cassignol, responsable des Objets Trouvés.

Des chiffres à en perdre la tête 19 000 appels par jour (il vaut mieux se déplacer).

600 à 700 articles réceptionnés par jour. 90 000 objets stockés dans une salle de 400 m2 (durée maximum de conservation de l’article : 1 an et 6 mois).

Retrouvez le bon ordre Classez par ordre croissant de 1 à 6 les objets les plus fréquemment perdus en 2006. Les téléphones portables Les clés Les papiers d’identité Les lunettes Les parapluies Les accessoires de petite maroquinerie

Réponses : 1 : pièces d’identité 60 000. 2 : petite maroquinerie (sacs/portefeuilles) 32 000. 3 : clés 15 000. 4 : lunettes 8 000 paires. 5 téléphones 8 000. 6 parapluies 4 500.

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36 rue des Morillons. C’est là que vous devez vous rendre si vous avez perdu un objet à Paris mais aussi dans les trois départements de la petite couronne (92, 93,94) et les aéroports d’Orly et de Roissy. Les Objets Trouvés, régis par la Préfecture de police de Paris, est le seul service de ce type dans le monde à s’investir dans la recherche du propriétaire tête en l’air. «Notre but à nous, c’est la restitution» affirme avec fierté Patrick Cassignol, le responsable des Objets Trouvés. Deux personnes sur un effectif de trentehuit sont en charge de l’investigation. «On nous avait remis un album de famille contenant des photos de plus de six générations. Autant dire toute une vie». Et Monsieur Cassignol, se fit un devoir de le remettre en main propre à la proprié-

taire identifiée encore sous le coup de l’émotion. «Ce que j’aime le plus dans ma fonction, c’est la joie qu’on peut procurer», confesse-t-il. A la tête des Objets Trouvés depuis deux ans et demi, il n’est pas pressé de changer de service comme le lui oblige la loi d’astreinte et de rotation des fonctionnaires administratifs. Quant à Matthieu, étudiant en STAPS recruté depuis seulement deux jours en renfort saisonnier, il a très vite compris qu’il fallait s’armer de beaucoup de patience. «Mon premier appel : une dame qui avait perdu son ordinateur portable et qui n’arrêtait pas de pleurer ». Chaque jour, 300 à 350 personnes espèrent y retrouver un objet. La moitié d’entre eux repartent le sourire aux lèvres… Par Sabrina Rezki


UNE LONGUE HISTOIRE D’AUTORITÉ La police, c’est une

longue histoire qui trouve ses origines dans le pouvoir royal. D’évolution en évolution, on en est arrivé à la police telle que nous la connaissons actuellement. C’est ce que raconte Jean Tulard, historien émérite au Collège de France et co-auteur du livre Histoire et dictionnaire de la police du Moyen Age jusqu’à nos jours. Peut-on dater de la police ?

les

origines

Au départ, la police se confond avec le pouvoir royal qui se développe quand s’estompe les pouvoirs féodaux. On peut parler de police quand est institué le lieutenant général de police dont le pre-

mier représentant est Lareynie. Avec ce lieutenant s’affirme un pouvoir policier dans la main du roi. Mais la Révolution le fait éclater. Avec le Directoire, en 1799, Fouché devient le premier ministre de la police. Il reste en place après le coup d’Etat de Napoléon et dès lors il s’attache à structurer ses forces de l’ordre. Il a des agents partout.

Est-ce au cours de cette période que naît vraiment la police moderne ? Tout à fait. L’attentat de la rue Saint Nicaise visant le Premier consul Bonaparte révèle la modernité qui s’installe au sein de la police. Pour perpétrer cet attentat une « machine infernale » avait été utilisée. Le préfet de police est créé à ce moment-là. Ses agents mènent l’enquête à partir des indices. Ils récupèrent la tête du cheval qui tirait cette machine explosive (et qui avait été épargnée par la détonation) et en remontant la filière des marchands de chevaux, ils réussissent à retrouver celui qui avait vendu aux « terroristes » la monture. Ils retrouvent ainsi l’identité des acheteurs. Ils utilisent le même procédé avec les débris de la machine infernale et croisent les indices qui se recoupent. Or, Fouché avait fiché les Chouans et il parvient à identifier

ces derniers comme étant à l’origine du complot. Cette méthode de police quasi scientifique marque les esprits de l’époque.

Mais la police, c’est aussi le maintien de l’ordre ? C’est vrai, mais il manque à la police de Fouché des forces de l’ordre comme les gardiens de la paix ou les CRS tels que nous les connaissons maintenant. La première force apparaît avec la Garde nationale, sous la monarchie de Juillet, qui assure le maintien de l’ordre à Paris. Puis sont installés des sergents de ville, les ancêtres des gardiens de la paix actuels. A partir de la IIIe République, le ministre de l’Intérieur a tous les pouvoirs de police mais ses attributions sont éclatées entre la préfecture et la sûreté nationale. Dès lors s’installera une « guerre des polices » le préfet étant un peu le rival du ministre de l’Intérieur. Cette « guerre » n’a pas tout à fait disparue même si le regroupement de la DST et des RG l’atténuera dans l’avenir. Propos recueillis par Joseph Vallançon

Les crimes et délits : une source d’inspiration pour bon nombre d’illustrateur.


DES FLICS ET DES BULLES

us : s conn u l p s e L ), dans pond(t u D s e L é: e Herg Tintin, d policiers le de oire le duo e l’hist d u n n plus co ssinée nde de a b ent a l de n souv ie b e u compliq e Tintin, mais ed ence la tâch intellig l’ à e c grâ rter, e repo du jeun toujours par it tout fin ans l’ordre ! d r e rentr

Des Dupont(d) à Rubine, il faut croire que la police est l’une des plus grandes sources d’inspiration des auteurs de BD. Petit tour d’horizon parmi les meilleurs (ou les pires) flics de la bande dessinée…

Le plus menteur : Soda, de Gazzotti et Tome . Pour ménager le cœur fragile de sa vieille mère, avec laquelle il habite encore, Soda, inspecteur à NewYork, lui fait croire qu’il est pasteur. Pas facile à assumer tous les jours !

La plus sexy : Rubine, de Walthéry, Lazare et Mythic. Lorsque l’auteur de Natacha se met à raconter l’histoire d’une femme flic, cela donne Rubine, jeune inspectrice qui a du mal à concilier sa féminité et son travail ! Les plus vraisemblables : RG, de Peeters et Dragon. Quand un ancien membre des Renseignements généraux décide de se mettre à la BD, on obtient RG, une série inspirée de faits réels… Le moins doué : l’agent 212 de Cauvin et Kox. Cumulant gaffes et bévues pour notre plus grand plaisir, l’agent 212 se retrouve la plupart du temps à la circulation !

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Le plus nerveux : Joseph Longtarin, dans Gaston Lagaffe de Franquin. Le seul rêve de ce brigadier-chef : arriver à coincer Gaston, qui déploie des trésors d’ingéniosité pour éviter les contraventions…


ET SI ON CAUSAIT DE LA FLICAILLE Il y a plus de 36 manières de désigner un policier. De l’ancien français au verlan en passant par les emprunts aux langues étrangères, l’argot policier ne cesse de s’enrichir. Très imagé, le vocabulaire policier est l’un des plus fournis devant celui des cafetiers, des musiciens et des sportifs. Morceaux choisis.

bédis, bleu, bourre, boudille, cogue, cogne, colbock, colboco, coy, dékis, kisdé, dular, emballeur, fouine, nefoui, 22 v’la les flics ! j’artps, pic vert, raille, rousParmi les délicieusement désuets, on peut sin,schmitt, serciter, le marchand de lacets (à cause des menottes), le pied plat, le piéton, got, tige… l’escargot de trottoir (à l’époque où le Flic, keuf, poulet, il existe une quantité de mots pour désigner un policier. Du vieux français à la tchache des banlieues, l’argot policier n’a cessé de s’enrichir. A ses origines, l’argot était le langage codé des voleurs crapuleux. Pas étonnant qu’il existe plus de quarante mots répertoriés dans les différents dictionnaires argotiques et populaires de référence. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de classes dangereuses ni d’expressions populaires un peu voyoutes mais de langage populaire spontané dans lequel se reconnaît une population donnée.

Le chiffre 22 est le résultat de l’addition du rang alphabétique des 4 lettres composant le mot chef. (C=3 + H=8 + E=5 + F= 6) = 22

policier arpentait les rues avec son sifflet), le collégien, l’habillé, le mannequin, le pingouin, le pèlerin ou encore le képi (en

référence à son uniforme). Et c’est justement à cause de son habit que le policier deviendra le poulet, ou encore le royco, le poulardin, le poulminche, la volaille ou la poulaga. Les policiers des années 19301950 portaient des pèlerines qui soulevées par le vent les faisaient ressembler à des poulets. Pour la même raison, on appelait hirondelles ceux qui allaient à bicyclette. Mais l’époque actuelle est foisonnante pour sa création verbale, notamment grâce aux emprunts des langues étrangères et au retour chanmé du verlan dans les années 1980. Parmi les mots d’origine étrangère, le flic et ses variantes flicaille, flicard dérivent du mot allemand fliege (mouche, le poulet outre-Rhin), le chtar du tsigane, l’arhrnouch de l’arabe marocain qui signifie le serpent. Le hamaloulou, en vogue à Marseille est emprunté à l’argot algérois. Quant au keuf, c’est le verlan approximatif de flic. La télévision et les séries policières apportent elles aussi leur lot de mots nouveaux. On comprend tous l’origine du cow boy, du Navarro ou du Starsky. Et le grand revival du moment, le condé est une résurgence de l’ancien français, il désignait le maire et le grand condé, le préfet de police.

J’lui ai mis un coup de bite à Jean-Pierre à ce crépu !!! Mais les policiers entre eux ne sont pas en reste. Ce métier utilise l’un des vocabulaires argotiques les plus fournis avec les cafetiers, les musiciens et les sportifs. Très imagé et d’une grande trivialité, l’argot des policiers manie dans tous les sens la dérision parfois ponctuée de racisme. Parmi les plus extrêmes, le grattoir ou le crépu pour désigner un individu de type africain, la bite à Jean-Pierre pour la matraque. Traduisez : J’lui ai mis un coup de bite à Jean-Pierre à ce crépu !!! Que de finesse, que de délicatesse. Pour autant, ils revêtent leur flanelle à chaque mission dangereuse, ne mouchent pas devant l’Adidas (les trois galons sur l’épaule de leur supérieur hiérarchique rappellent le logo de la marque), parlent du Club Med pour évoquer Fleury Mérogis, la prison la plus moderne d’Europe et vous font jouer du piano pour relever vos empreintes digitales. Quand on leur demande pourquoi l’IGS (l’Inspection Générale des Services, la police des police) est surnommée le bœuf-carottes, ils répondent : «C’est parce qu’ils vous laissent mijoter longtemps avant de vous tomber dessus.» Par Sabrina REZKI


QUAND LES ÉLÈVES DE L’I.F.J. SE METTENT EN SCENE

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