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La Seine ma Muse

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2006

Les apprentis marins de Suresnes

Re-Naissance de la Seine


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GARDE À VOUS, mesdames ! Depuis quelques années, le milieu très masculin de l’armée se féminise. Les femmes arrivent en force. Elles sont marins, aviateurs, pompiers, gendarmes ou même commandos.Elles sont soldats, sous-officiers, officiers, généraux ou même ministre de la Défense. Pour le troisième numéro du journal de l’Institut français de journalisme, nous avons choisi de nous pencher sur cette réalité. Peut-être parce que cette promotion 2004/2005 est, elle-même, très féminisée. Alors c’est une escouade de journalistes en jupon qui s’est lancée à la rencontre de celles qui ont su, sous l’uniforme, rester des femmes capables de belles histoires d’amour et pas seulement pour leur avion ! Et les hommes dans tout cela ? Ils ont été certes plus discrets dans l’équipe de rédaction, mais comme les militaires, ils ont bien compris que “Garde à vous, Mesdames !” cela ne voulait pas dire “Gare à vous, Messieurs !” L’avenir est à la complémentarité. Dans l’armée comme dans les équipes de rédaction.

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Sommaire

La rédaction

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Mont-Louis : à l’école des com mandos

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Les Rochambelles.

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La Belle et la bête La mécano de la Générale

10 La Terre leur donne des ailes

11 Des femmes dans toutes les armes L’amiral est... une femme ! 12 Vagues à l’ame pour Solenn 14 Prêtes à embarquer 15 Geneviève de Galard : un visage d’humanité

17 “A la maison, c’est pas l’armée !” 18 Portraits 20 24 heures avec une femme gendarme 22 Quand la mode s’inspire du kaki

16 Deux femmes et des couffins

Ce magazine a été réalisé par la promotion 2005 de l'Institut français de journalisme (IFJ). Directeurs de la publication : Jean Augonnet, Fabrice Madouas. Coordination éditoriale et réalisation : Albéric de Palmaert, Christophe Lamb. Conception graphique : Nicolas de Palmaert. Secrétaires générales de rédaction : Marie Benoît, Elisabeth Hu. Secrétaires de rédaction : Anne Bouillis, Julian Breuil, Marie-Amélie Fenoll, Aurélie Main, Adeline Taupin. Rédacteurs : Laëtitia Armenoult, Agnès Baritou, Marie Benoit, Anne-Céline Boidin, Anne Bouillis, Julian Breuil, Agnès Cerbelaud, Camille Chatillon, Sophie Da Costa, Graciane de la Gorce, Agathe du Rusquec, Florence de Mougins, Geoffroy de Saint-Gilles, Thierno Diallo, Bérangère Elkaïm, Marie-Amélie Fenoll, Cécile Griselain, Elisabeth Hu, Aurélie Main, Charlotte Mentha, Myriam Nabet, Adeline Taupin. Logistique : Entreprise et Formation. Impression : ASL. Remerciements particuliers au lieutenant-colonel Philippe Tanguy, directeur de la Dicod.

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© Jé rôme Bouc hu

UN

AMOUR DE

La Se in du ro e est le s ymbo m le Alim antisme. enté pa et la l ittéra r le ciném tur a est c oriac e, le clich e. P é entre l’ima ourtant, ge id du to é urist e nou alisée carte rr s pos tales i de d’un e e voi e sat t la réalit trafic urée é de de vo s batobus du ie et bo rdées est g s routière rand s , l ’ é .M ca a su garde ais la Sei rt ne r une âme.

FLEUVE

Passées les guinguettes rétro de banlieue, peuplées chaque fin de semaine de retraités endimanchés, les berges parisiennes de la Seine, livrées au trafic routier, semblent peu accueillantes. Des terrains vagues et futuristes de la Défense jusqu’aux restes émiettés de ses berges gallo-romaines du parvis de Notre-Dame, objet de musée sous vitrine, le fleuve ne semble pas trouver de présent. Un présent qui pourtant existe, coincé entre les râles des haut-parleurs des bateaux Mouche et le bourdonnement incessant du trafic routier.

Rive gauche, sur les berges d’Austerlitz, à la fin du jour, la Seine prend son temps. La rumeur citadine a disparu pour laisser place au calme du clapotis de l’eau. Mickael, touriste allemand, profite de ce petit bout de nature en plein milieu de la métropole. Venu en week-end avec sa fiancée Rebecca, il apprécie le fleuve parisien car « sur la Seine, on sait où l’on est. Dans d’autres lieux de Paris, dit-il, les bâtiments sont tellement grands et se ressemblent tant qu’on peut en devenir fou. Ici, c’est beaucoup plus calme ».Les sculptures contemporaines du jardin

« Pour moi, Paris c’est la tour Eiffel et la Seine ! »

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il est impossible de séparer la Seine de ses éternels amoureux qui se promènent le long des quais

Tino Rossi, austères œuvres de contemplation, deviennent d’idéales accroches à vélo. Son campement installé pour la nuit, en tailleur sur la berge, un clochard croque des péniches sous le ciel rosissant. Une guitare s’accorde, des amoureux trinquent, un verre de blanc à la main. Pour Shirley, étudiante australienne, il est impossible de séparer la Seine de ses éternels amoureux qui se promènent le long des berges. Ankit, jeune Indien de 25 ans, confirme : «Pour moi, tout ce qu’il y a autour de la Seine est romantique. La façon dont elle s’écoule, ses quais et ses façades. Les Françaises sont aussi très jolies. Même le temps d’aujourd'hui est propice à l'amour !». Tandis que pour Rebecca, la Seine et ses voyages en bateaux sont un véritable symbole du romantisme ambiant de Paris. Le jour tombe sur les ponts, eux aussi emblématiques du cliché de l’amour à la parisienne. Chen, chinoise de 27 ans, raconte : «Quand j’étais petite, je connaissais Paris grâce à ce que je voyais à la télévision. Pour moi, Paris, c’était la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le Louvre… et la Seine. Ses ponts sont vraiment extraordinaires !». La Seine, vue par les Parisiens est tout aussi romantique. Céline, 31 ans, même si elle vit en région parisienne, vient rarement à la capitale. Accompagnée par son mari et son fils, elle est

venue aujourd’hui sur les bords de la Seine «pour le petit, lui montrer un peu Paris et la Tour Eiffel». Pour elle aussi, un vent de romantisme souffle quand on est à Paris. Et plus précisément sur les quais. «Ici Paris se découvre, la Seine est le ruban du papier cadeau. La Seine elle-même est un monument».

Dans la ville de l’amour Plus loin sur la berge, une jeune femme souffle des bougies d’anniversaire piquées sur une baguette de pain, entourée d’une famille au teint rosi par le vin rouge. Des touristes, comme beaucoup de ces flâneurs regardent étonnés. Le soir tombe lentement, et c’est à présent à la lumière des péniches et des bateaux Mouche que se devinent les ombres de la nuit. Le ciel prend des teintes violacées, marbrés par d’immenses éclairs. Et les danseurs n'arrêtent plus de s‘enlacer, indifférents à la pluie qui commence à tomber, aux sons de salsa qui s’échappent des autres arènes et aux jongleurs qui font tournoyer leurs balles de feu au rythme des djembés. Des images d’une Seine éternellement romantique que garderont en mémoire Rebecca et Mickael : «Un week-end en amoureux dans la ville de l’amour», concluent-ils. Moustapha N’Dome et Deborah de l’Espinay

Les

marchands d’esprit

« Ici le monde vient à moi » raconte André, assis sur sa chaise pliante. Casquette plantée sur le crâne, André en a vu passer des histoires. Des Parisiens, des touristes de toutes contrées. Des scènes de vies qui lui rappellent parfois des passages de ses livres fétiches. Ces mêmes livres qui s’amoncèlent sur son étal. André est bouquiniste sur les bords de Seine depuis une trentaine d’années. Il veille depuis son siège, auprès de l’arbre centenaire qui lui sert indéfectiblement d’ombrage. « C’est, dit-il avec élégance, un point d’ancrage au milieu de toute cette cohue et du temps qui passe ». André tient à son rôle de marchand d’esprit. Il ne cédera pas aux modes imposées par les touristes. On ne trouvera dans ses caisses ni cartes postales, ni briquets, ni dessous de verre à l’éffigie de la Goulue ou autre Toulouse-Lautrec. Mais avec sa gouaille du sud et ses yeux vifs d’homme qui en a vu, il se tient prêt à délivrer les meilleurs conseils aux étrangers perdus

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dans ce dédale de livres. Les trois titres qui se vendent le mieux ? Dans l’ordre : Les fleurs du mal de Baudelaire, L’étranger de Camus, et Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Rien d’étonnant. Devant les petites boites vertes d’André, le temps s'est comme suspendu. Florence Mottot

Les bouquinistes des quais de Seine : toute une histoire !

© Florence Mottot

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LE TANGO LES FAIT TANGUER temps, la rive gauche de la Seine se change en piste de bal. Les danseurs les moins expérimentés arrivent dès 19 heures. Les femmes s’assoient au bord de l’eau pour fignoler leurs tenues et ajuster l'attache de leurs escarpins. «Plus vous en faites, mieux c’est !», assure Eric, professeur de tango qui dispense ses cours avec un flegme pourtant tout british ! Le tango est avant tout l’art de se mettre

en scène. La nuit tombe sur la cathédrale Notre-Dame. Les réverbères s’allument, s’offrant comme autant de projecteurs. Entrelacements des corps, jeux de jambes, les silhouettes des danseurs se détachent dans la pénombre, et jouent sur le sol. Au rythme des gauchos et autres tangos, elles semblent tout oublier, jusqu’aux appareils photos qui crépitent depuis les pontons des bateaux Mouche. Florence Mottot et Audrey Lefèvre

© Florence Mottot

Pas d’orchestre, juste un lecteur CD posé à quelques centimètres de l’eau. Le dispositif de fortune fait retentir une musique haute en couleur. Tango ! Des femmes cambrées sur des talons hauts perfectionnent quelques pas : boléo, barridas, pabrazas, etc. On pourrait se croire dans l’une de ces «casa del tango» de Buenos Aires. Pourtant, levez les yeux : Notre-Dame-deParis est là. Imposante. Au retour du beau

Les danseurs de tango : tout le génie d’un univers

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1. Le Mississipi 2. Le Thalassa 3. La Guinguette Pirate 4. Le Batofar 5. Le port de l’Arsenal

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DES

BATEAUX Le Thalassa

Le Mississippi La Seine se conjugue avec le luxe grâce à la Compagnie des bateaux à roue créée en 1990. Le Mississipi, le Tennessee et le River Palace composent les trois embarcations de luxe de la compagnie du 15e arrondissement de Paris. Une flotte où sont organisées des manifestations haut de gamme. Le Mississippi peut accueillir entre 10 et 40 personnes. Le Tennessee accepte des groupes de 30 à 130 convives qui peuvent profiter du grand pont extérieur et de son bar abrité. Le River Palace, fleuron de la flotte, porte bien son nom. Grands lustres de cristal, baies vitrées immenses et salons fastueux, peuvent accueillir jusqu’à 220 personnes. Des paillettes auxquelles s’ajoutent deux points d’ancrage particulièrement huppés. Un emplacement situé sous le pont Mirabeau, classé par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité, et l’autre au port de Grenelle. Seule exigence : casser la tirelire pour avoir l'honneur d’effectuer une croisière aux consonances western jusqu'à la forteresse de Bercy.

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Les péniches situées le long des quais de Seine conjuguent le luxe, la fête et l’évasion.

Celui qui ne connaît pas l’émission des amoureux de la mer présentée par Georges Pernoud fait figure d’inculte. Or le prime time du vendredi soir sur France 3 possède son homonyme de bateau sur la Seine à quelques encablures de France Télévisions. Le « rafiot » de 50 mètres sur 11 appartient à France 3 et abrite les rédactions de Faut pas rêver et de Thalassa. Le navire, sorti des chantiers de Villeneuve Leroy en fin 1999 a été conçu sur mesure. Un agréable cadre de travail mais uniquement destiné à cette fin ! Le Thalassa ne peux pas voguer sur la Seine et encore moins sur les océans du monde entier. «C’est un faux bateau» s’amuse Franck Khalfa, administrateur de l'unité de programme Thalassa-Faut pas rêver. «Il n’est pas motorisé». Remorqué des Hauts-de-Seine jusqu’au port de Javel Bas par un pousseur, le Thalassa a acquis ses lettres de noblesse en septembre dernier. Georges Pernoud et acolytes y ont fêté en direct les 30 ans de leur bébé.


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Ancien navire réhabilité en salle de concert, péniche habitée ou studio de télévision, la Seine accueille des bateaux originaires des quatre coins du globe. De la Chine à l’Irlande, rencontre avec ces bateaux pas comme les autres. Par Mathilde Jarlier et Pierrick Hamon

EXTRAORDINAIRES Le port de l’Arsenal

La Guinguette Pirate Le bateau festif du quai de la gare a été construit à Canton dans les années 70 par deux français à partir d'une jonque chinoise du XVIIe siècle. 25 mètres de long, 7 de large, des bois exotiques, un gréement à trois mâts,250 m2 de voilures. En 1981, la jonque baptisée Dame de Canton quitte son port natal pour des années de navigation. Première jonque à avoir franchi le Cap de Bonne Espérance, elle passe au pied de la Tour Eiffel en 1984, pour poursuivre ensuite son voyage. Après avoir abordé 44 pays, la Dame de Canton prend le nom de Guinguette pirate et s'amarre au cœur de Paris Rive Gauche. Elle ouvre ses portes au public en 1995 pour devenir un carrefour culturel entre artistes du monde entier. Musique, théâtre, tournages, expositions, spectacles et restaurant aux saveurs du monde. Aux commandes, un chef sri lankais qui manie plats exotiques et cuisine traditionnelle française.

Le Batofar Le Batofar se distingue de loin. Gabarit imposant et couleur rouge vif. Ce « bar-boîte » incontournable des nuits parisiennes a été retapé dans son pays d'origine, l'Irlande, avant d'être démonté puis remonté une fois arrivé dans la ville lumière : «Il a fallu enlever le phare pour qu'il puisse passer sous les ponts !» confie Andrea, membre de l’équipe du Batofar. « En 1999, on est venu s'installer en face de Bercy, pour redynamiser le quartier en rénovation. C’était un coin délaissé peu peuplé» explique-t-elle. Une fois ouvert, l’établissement s’oriente précisément vers la musique expérimentale. Petit à petit, le bateau a su attirer les noctambules pour devenir, aujourd’hui, la star des scènes électroniques. A l’intérieur, bar et scène à l’acoustique irréprochable contribuent à la renommée de cet endroit si particulier. Ambiance assurée sur le quai le plus festif de la capitale !

Des simples barques améliorées aux yachts de 25 mètres de long, un vrai quartier d'habitation se cache à l'abri de la cohue de la place de la Bastille. En tout, 165 bateaux sont amarrés. Sous un soleil de plomb, le port de l’Arsenal étonne par son calme olympien. «C’est l’agression quand on monte là haut !» lance Emilie, assise sur la proue de son magnifique bateau en bois, le Kastel an Taro. «Nous l’avons acheté, mon copain et moi, il y a 2 ans. La concrétisation d’un rêve, et trois fois moins cher que l’immobilier !» Lui est pompier sur la Seine. Elle, ancienne guide touristique sur les bateaux Mouche. Ils ont retapé leur «maison flottante» eux-mêmes et continuent à en prendre soin, car «les bateaux en bois sont plus fragiles et demandent beaucoup d’entretien». Seul le gouvernail vient rappeler la vraie nature de l’habitation. Et sur le port, la convivialité domine : «Nous sommes une vraie famille, même si parfois c’est radio ponton !»

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Juju Marikôji, peintre

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Debout devant la fenêtre de son salon, Juju Marikôji respire profondément. Derrière elle coule la Seine, côté rive gauche. L'artiste japonaise à la renommée internationale, a posé ses bagages il y a sept ans sur l'île Saint Louis, cette « île flottante » comme elle se plaît à la nommer. Cette ancienne journaliste et photographe n'a pas pu résister à l'appel de l'art : « Je suis peintre et compositeur depuis cinq ans » chuchote-t-elle dans un sourire. Ce lieu, elle l'a choisi pour l'inspiration qui s'en dégage, pour ceux que ces bords de Seine ont porté : Baudelaire ou Camille Claudel, comme autant de repères pour une artiste aux multiples influences. Car Juju Marikôji aime à se situer entredeux : entre rive gauche et rive droite, entre orient et occident, entre tradition japonaise et avantgarde européenne. L'île Saint Louis exprime ce qu'elle a dans son cœur : la recherche de la centralité,

de la neutralité, en ce lieu qui n'est autre que « le nombril de Paris, son commencement et son berceau ». Son appartement de 200m2 abrite aussi son atelier. La double orientation du lieu, côté sud et côté nord, exprime encore l'équilibre que Juju recherche : « En peinture, comme en tout, les ténèbres font exister la lumière ». Après avoir exposé ses peintures au musée d'Orsay et acquis sa renommée en Europe, Juju Marikôji comprend que sa quête s'arrête ici. « J'aime ma liberté. Dans un mois je partagerai ma vie entre New York et Tokyo. » C'est à son piano que la rencontre prendra fin. Tout en douceur, à l'image de cette geisha à la grâce naturelle, et à la simplicité déconcertante.

Gérard, SDF

Et au milieu coule la Seine « Je fais partie de ces privilégiés qui habitent en bord de Seine, sauf que moi c'est sous la tente » chuchote Gérard, un SDF de 45 ans. Assis sur une chaise entre deux tentes Quechua, celui que l'on surnomme Gégé, confie avec simplicité qu'il se considère comme propriétaire du rez

de chaussée ! « Au moins je suis les pieds dans l'eau, dit-il en riant. Je me sens bien ici libre de vivre comme je veux.J'aurais aimé être un artiste,ajoutet-il, l'île Saint Louis raconte une histoire, elle est magique. La vie ne m'a pas laissé de chance j'ai toujours su que je finirai dans la rue mais je n'avais jamais imaginé pouvoir trouver dans la misère un lieu pareil ! » déclare-t-il à haute voix. Les ronflements de son colocataire rappellent à Gérard qu'il est préférable de baisser d'un ton. Derrière un amas de sacs plastiques émerge la tête d'un homme plongé dans un sommeil profond.« La vie n'est pas tous les jours facile mais quand je rentre le soir chez moi je suis heureux de retrouver ma vue, ma tranquillité et le bruit de la Seine qui clapote contre la berge ! » explique-t'il les yeux brillants d'émotion. Gérard n'habite pas seul. « Il y a les habitués et des petits nouveaux qui visitent… ». Son passe temps préféré ? Observer le va-et-vient des passants, « il n’ y a que des amoureux et des artistes et ça, c'est fascinant… ». Claire Perol et Constance Tournier

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DES

ETAT EAUX Par Emmanuel Bahu-Leyser

La Seine parisienne n’est pas aussi sale que l’on croit. À Paris, les différents rapports sur la qualité des eaux sont plutôt encourageants, même si des efforts restent à faire. C’est l’aval du fleuve qui fait les frais des pollutions parisiennes.

Dans la Seine, ces bactéries sont très présentes. C’est pour cette raison que l’on ne s’y baigne pas.Inutile de paniquer,lors des différentes étapes de traitement pour la production d’eau potable, les germes dangereux sont éradiqués. Les eaux du fleuve sont également riches en phosphates (lessives, engrais, produits chimiques). Ils jouent un rôle important dans le développement des algues qui apparaissent l’été en aval du fleuve et en baie de Seine, mais ils ne sont pas toxiques pour les poissons. En effet, Paris ne salit pas exclusivement Paris. Ce sont les régions situées en aval qui font le plus les frais de la défécation parisienne, faute d’un traitement suffisant.

Rouen s’intoxique À Paris, les eaux de la Seine s’assainissent. Les différents rapports sur la qualité des eaux sont très encourageants, sans toutefois être rassurants. La bête noire : les eaux usées. Les principaux responsables : nous. Selon un rapport du sénateur Gérard Miquel sur la qualité de l’eau et de l’assainissement en France en 2003 : «L’amélioration de la qualité des rejets est compensée par un effet quantitatif. Le volume des eaux usées, traitées à des degrés divers est considérable. Pour l’agglomération parisienne, les eaux usées produites par les 10 millions d’habitants représentent 30 m3/seconde, soit l’équivalent du débit moyen d’une rivière moyenne». Ces rejets domestiques sont responsables de la présence de bactéries d’origine fécale qui véhiculent toutes sortes de maladies. Les coliformes thermotolérants et les streptocoques fécaux sont deux d’entre elles, utilisées pour mesurer la pollution domestique. Ces germes n’ont pas nécessairement un caractère dangereux pour l‘homme mais ils sont plus résistants que les bactéries pathogènes.

La vraie pollution parisienne se voit plus loin, dans les Yvelines, après la station d'épuration « Seine Aval » d’Achères. C’est la dernière des quatre stations d’épuration parisienne à ne pas être équipée d’un traitement de l’azote. Elle devrait être en mesure d‘assurer cette tâche en 2007. Mais en attendant, la région de Rouen s’intoxique. Substance azotée, l’ammonium déversé par les Parisiens se transforme en nitrate, une centaine de kilomètres plus loin. Il est responsable de l’extermination massive de la faune piscicole.Les variations d’ammonium sont liées aux périodes de crue et de fortes pluies. Elles font retomber les gaz polluants, nombreux en région parisienne, et les transforment en ammonium. Pourtant, les valeurs enregistrées à la station d’observation de Suresnes, à la sortie de Paris, pour l’année 2005, sont assez faibles (moins de 0,25 mg/l en moyenne). Mais sans traitement adéquat, les Rouennais en font les frais. En effet, l’ammonium transformé en nitrate pose des problèmes aux usines de traitement d‘eau potable et la facture d‘eau pèse sur le portemonnaie des Normands.

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Poissons à la carte Il y a encore 50 ans, il ne restait que quatre ou cinq espèces dans la Seine. Mais ces dernières années, les poissons ont fait leur retour. Aujourd’hui, on y recense une trentaine d’espèces, parmi lesquelles...

LA PÊCHE N’EST PLUS UN LEURRE Pour Leszec, pêcher dans la Seine ce n’est pas simplement taquiner brochets, perches et sandres. C’est avant tout rêver au bord de l’eau et retrouver ses souvenirs d’enfance. Portrait d’un mordu de l’hameçon.

Le brochet

Poisson d’eau douce vorace. Ses mœurs carnivores lui valent le surnom de requin de rivière. Il peut vivre plusieurs dizaines d’années et peut mesurer 2,40 mètres et peser jusqu’à 55 kg.

La carpe

Poisson habitant les eaux calmes et profondes des rivières. La carpe, qui vit environ 20 ans, peut atteindre 80 cm et peser 15 kg. Elle fournit une chair estimée.

Le gardon

Petit poisson aux écailles argentées et au dos brun-vert. Mesurant 15-20 cm et pesant 200-300 g, le gardon a une durée de vie de 10 ans.

La perche

En contrebas du pont de Levallois, dans les Hauts-deSeine, quelques pêcheurs jettent leurs lignes, indifférents aux promeneurs et sportifs du dimanche qui s’agitent sur l’île de la Jatte. Le vent souffle fort, les averses succèdent aux éclaircies. Silencieux, Leszek scrute l’hameçon qu’il balade de gauche à droite presque à la surface de l’eau. «Pas besoin d’appât, c'est un hameçon pour les carnassiers, un leurre brillant suffit» explique-t-il. Il ajoute qu’aujourd’hui, le temps n’est pas propice à la pêche. « L’idéal, c’est un temps lourd. Cet après-midi, le vent souffle trop fort ». Tout d’abord réservé, Leszek se laisse aller à la confidence. «J’ai commencé

Poisson des lacs et des cours d’eau lents, la perche est dotée de deux nageoires dorsales, dont une épineuse. Vorace dont la chair est estimée, la perche mesure environ 30 cm et peut peser jusqu’à 500 g.

Le poisson-chat

Poisson carnivore importé d’Amérique. Il mesure 20 cm de long pour un poids de 150 g. En cas de pollution, il est le dernier à disparaître et en cas d’assechement, il peut survivre dans la vase.

La truite

Poisson voisin du saumon, la truite est un carnassier à chair fine et estimée.

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Leszec, le pêcheur : comme un poisson dans l’eau...

à pêcher à 15 ans, en Pologne, avec du matériel plus que rudimentaire. On a beau dire, ce n’était pas le bon temps.

«Plus qu’un plaisir, c’était presque une nécessité» À l’époque c’était plus qu’un plaisir, c’était presque une nécessité. Ça faisait souvent le repas du dimanche». Aujourd’hui, la vie de Leszec a changé. Après un bon déjeuner le dimanche, un copain, du matériel et c’est parti pour

deux heures de pêche sur les berges de la Seine. «On pêche de tout ici, et en quantité, contrairement aux idées reçues. Un après-midi d’octobre, j’ai pris sept poissons en une heure. En novembre, j’ai pêché un brochet d’un mètre, ici !». Il poursuit en riant : «C’est dommage, je n’ai pas la photo avec moi pour vous montrer». Si aujourd’hui il se souvient des nécessités de son enfance, Leszec est devenu un véritable amateur... mieux un amoureux qui n’hésite pas à faire plus de 100 km pour aller pêcher dans l’Yonne. Là-bas,il retrouve les paysages qui lui font penser aux rivières de son enfance il ya quarante ans, de l’autre côté de L’Oder. Fanny Flores


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LA

SEINE MUSE MA

Toutes proches de Paris et déjà loin de la capitale, les boucles de la Seine connaissent leurs heures de gloire à la fin du XIXe siècle. Bougival, Chatou ou Croissy s’animent les jours d’été pour des bals ou des parties de campagne.

© D.R La promenade d’Auguste Renoir - (Musée Getty - Los Angeles)

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Canotage et canotiers

© D.R Sculls de Gustave Caillebotte

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aris est grise et laborieuse. La révolution industrielle emplit la ville d’usines et d’ateliers, de fer, de verre et de vapeur. Le baron Haussmann étire les avenues et aligne les immeubles cossus, ventrus. Tout s’accélère. Peintres et bourgeois cherchent un ailleurs, un lieu qui ne sente ni la peine ni la sueur. Ils attendent un petit coin de paradis, une nature riante et authentique. Nostalgie d’un âge d’or où l’homme vivait en communion avec la nature. Et déjà, les premiers signes d’une société de loisirs. Le dimanche est le jour de la partie de campagne. On prend le train tout neuf à Saint-Lazare et on s’arrête aux portes de la capitale. Chatou, Bougival ou PortMarly, les boucles de la Seine offrent leurs charmes aux citadins. C’est l'époque joyeuse du canotage, des guinguettes et des déjeuners sur l’herbe. Le vin n’est pas taxé comme à Paris, on boit et on danse. Les peintres Courbet, Rousseau ou Turner, ont largement devancé la mode en venant planter leurs chevalets au bord du fleuve. De quoi accentuer le pittoresque des lieux. Toutes les célébrités veulent profiter des fraîcheurs de la Seine. Monet s’installe au bord de l’eau sur les conseils de Zola. Le baron Arthur de Rothschild promène ses goélettes à vapeur. Alexandre Dumas fils niche les amours d’Armand Duval et de la dame aux camélias dans une petite maison de Bougival.

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Maupassant croque sans pitié les cocottes, canotiers et bourgeois qui viennent chercher l’aventure. On croise des musiciens comme Fauré, Bizet ou Berlioz, des politiques tel Gambetta, le photographe Nadar, le petit monde du théâtre. Même Napoléon III vient voir ce qui se passe. Les petites gens de la ville côtoient les nantis dans une même atmosphère frivole et insouciante. Le canotage est en vogue, un hobby venu d’Angleterre. Les marins d’eau douce poussent leurs canots hors de Paris

depuis que l’Exposition universelle a interdit le fleuve aux embarcations privées dans la capitale. Les sportifs s’affrontent à Asnières pour des régates et des exploits nautiques. Les rameurs oisifs se consacrent au canotage nonchalant et aux exploits amoureux. Le bal du jeudi de la Grenouillère est le rendez-vous incontournable. Danseurs, baigneurs et rameurs se retrouvent dans

ce café bal flottant, arrimé à une berge verdoyante.Les affiches exhibent des jeunes femmes séduisantes et peu farouches en costume de bain, retour assuré jusqu’à 11 h 15 par le train de Saint-Lazare. Ateliers, cabines, café s’entassent au bord de l’eau. Des plongeurs sautent du toit et éclaboussent les distraits, des femmes restent couchées dans l’herbe en peignoir rose ou bleu. Chacun se presse sur la passerelle pour se faire voir sur le minuscule îlot coiffé d'un saule pleureur. Une promiscuité qui favorise les baignades fortuites et les approches galantes. Monet et Renoir se passionnent pour ces paysages tranquilles et ces ambiances animées. Degas, Sisley, Pissaro, Berthe Morisot sont séduits par les couleurs et les lumières de la Seine. Peupliers et tilleuls se reflètent dans l’onde, l’eau scintille et miroite, la lumière se diffracte, les contours se brouillent. Rien ne reste figé. Peindre l’insaisissable : les palpitations de l’atmosphère, les mouvements de l’eau, le frissonnement de l’ombre. Pour traduire l’éphémère,la touche se fait rapide, souple, enlevée. Les couleurs se juxtaposent. Dans cette atmosphère de loisir et de détente, tout est dans la fugacité de l’instant et l’immédiateté de la sensation. Les peintres célèbrent la beauté de la nature et une réalité réjouissante. Priscille de Lassus


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En arrivant au pont de Neuilly, M. Dufour avait dit : «Voici la campagne enfin ! » et sa femme, à ce signal, s’était attendrie sur la nature. […] Enfin, on avait traversé la Seine une seconde fois, et, sur le pont, ç’avait été un ravissement. La rivière éclatait de lumière; une buée s’en élevait, pompée par le soleil, et l’on éprouvait une quiétude douce, un rafraîchissement bienfaisant à respirer enfin un air plus pur que n’avait point balayé la fumée noire des usines ou les miasmes de dépotoir.

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Une partie de campagne Guy de Maupassant

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MISE EN SCÈNE Il y a tout juste 70 ans, Jean Renoir achevait de tourner Partie de campagne sur les berges de l’Essonne, à côté de Marlotte et de Montigny. Dans ce film lumineux e et sensuel,on retrouve l’esprit nonchalant et frivole du XIX siècle.Un commerçant parisien emmène sa femme et sa fille pour un pique-nique en bord de Seine, où ces dames vont se laisser séduire par deux canotiers. Mais on y retrouve surtout Maupassant et Auguste Renoir, le père de Jean. Le XIXe vient de faire irruption sur les écrans d’un XXe siècle suicidaire. Quelques années plus tard, ce sera la guerre. Inachevé, le film à connu les pires déboires avant se voir projeté dans les salles obscures dix ans après et présenté au festival de Cannes. Le tournage rencontre difficultés financières et tensions personnelles au sein de l’équipe. Pour couronner le tout, le temps est exécrable et la pluie ne cesse pas. L’actrice principale,Sylvia Bataille,demande à quitter le tournage car elle doit passer des auditions.Jean Renoir refuse mais annonce peu de temps après qu’il arrête tout pour se consacrer à son prochain film : Les bas-fonds. Partie de campagne tient pourtant,encore aujourd’hui,une place de choix dans le cœur de tous les cinéphiles. Emmanuel Bahu-Leyser


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APPRENTIS

MARINS

DE SURESNES

Il n’y a pas que Paris qui anime les quais de la Seine durant l’été. La ville de Suresnes s’y attache également en permettant aux enfants qui ne partent pas en vacances de découvrir les sports nautiques. Du bonheur en plus grâce à La mer à Suresnes. La Seine devient océan depuis 19 ans à Suresnes à l’occasion de Voiles 92, la mer à Suresnes. Cette manifestation est organisée chaque été par la ville, en partenariat avec le conseil général des Hautsde-Seine. Encadrés par six moniteurs de l’UCPA (Union nationale des centres sportifs en plein air),les enfants des centres de loisirs du département, ainsi que le grand public, pourront cette année encore s’initier aux sports nautiques sur la Seine, à proximité du pont de Suresnes.

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Comme à la plage Pendant deux mois, canoës, kayaks, ou encore catamarans fournis par l’UCPA seront à leur disposition. «Le fait de pouvoir pratiquer ces sports sur la Seine apporte incontestablement un plus à cette manifestation», affirme Jean-Michel Janin,

Depuis la création de «La mer à Suresnes», 21 000 enfants ont pu naviguer sur la Seine

directeur du service des sports de la mairie de Suresnes. Mais l’opération ne se déroule pas uniquement sur l’eau. Les participants pourront également pratiquer le trampoline ascensionnel sur le quai. Comme chaque année, ce sont majoritairement des enfants privés de départ qui prendront part à ces activités. « L’idée était de proposer aux enfants qui ne peuvent pas partir en vacances la pratique d’un sport de plein air généralement réservé à ceux qui fréquentent les plages», explique Christian Dupuy, le maire UMP de Suresnes, à l’origine de la manifestation en 1987. Cette manifestation, qui s’inscrit dans le cadre de la politique d’intégration menée par la mairie, a ainsi permis à plus de 21 000 enfants de naviguer sur la Seine

depuis sa création. 170 000 euros sont investis pour La mer à Suresnes par la mairie et de nombreux investisseurs privés. A la différence de Paris-Plage, qui privilégie les loisirs et la culture, La mer à Suresnes se base avant tout sur l’apprentissage d’un sport et des valeurs inhérentes à ce sport. C’est pourquoi la mairie de Suresnes invite chaque année pour quelques jours des skippers renommés afin d'encadrer les enfants. Florence Arthaud, Marc Pajot et Catherine Chabaud font partie des navigateurs qui sont déjà venus à Suresnes.

En toute sécurité La sécurité fait partie des détails à ne pas négliger. «Tout est mis en œuvre pour que les enfants puissent profiter au maximum des activités proposées en toute sécurité.Le brevet de natation est demandé à tous les enfants souhaitant participer aux activités nautiques», précise Jean-Michel Janin. Et quand viendra la rentrée, nombreux seront les enfants à raconter leurs souvenirs d’une plage si lointaine et pourtant si proche. Jérôme Bouchu

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URGENCE Sauvetages, récupérations d’objets, aide aux bateliers, chaque jour, la brigade fluviale de la Seine est mise à rude épreuve. Rencontre avec l’équipe de choc du bien nommé quai Saint Bernard. «On nous appelle les Saint-Bernard du fleuve», s’amuse le major Gantois.«Nos équipes se relaient jour et nuit pour pouvoir intervenir sur le fleuve en cas d’urgence». Certains jours de l’année sont très agités. Notamment pendant la fête de la musique où des jeunes gens ivres tentent de traverser la Seine à la nage. «Il faut savoir qu'il y a des morts tous les ans.» lance François, gilet de sauvetage sur les épaules. La recherche et le repêchage de cadavres fait aussi partie du boulot. «On est à la recherche d'un corps en aval depuis hier soir», explique le major. Dans ces cas là, c’est la police judiciaire qui prend en charge l’enquête, et la brigade poursuit les recherches. « Le secours doit être le plus rapide possible».Les embarcations de la fluviale peuvent atteindre les 80 km/h. Il ne faut cependant pas confondre célérité et précipitation.

Des anges gardiens sous le signe du... zodiac.

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«L’arrivée du bateau peut faire couler la victime, donc en plus d'être rapide, le pilotage doit être très précis», explique le major. Et tout ne se fait pas sans entraînement.

Une formation pointue Il tend le bras vers le fleuve : «Vous voyez la bouée là-bas ? Il y a une voiture en dessous». À trois mètres de la berge, un véhicule repose au fond de la Seine. Il y a été placé volontairement pour mettre les recrues en situation réelle. Les fonctionnaires de la brigade s‘exercent à la plongée une fois par semaine, dans des fosses qui vont jusqu‘à 20 mètres de profondeur. Cet entrainement est important car le fond du fleuve est très inégal. Les policiers le jaugent à 6 mètres en moyenne,

mais sous le pont Mirabeau, il peut atteindre 9,80 mètres ! Une bonne condition physique relève donc de l’indispensable. «Pour garder la forme, on nage tous les jours, parfois d’Austerlitz au pont de la Concorde. Sinon on court pendant une heure sur les berges». Pour faire partie de l’équipe, les policiers de la brigade fluviale ont tous reçu la triple formation de pilote de bateau, plongeur et secouriste. Le reste s'apprend sur


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EN

SERIE un terrain qui leur réserve sans cesse des surprises. Ils trouvent ainsi parfois des scooters ou des armes, qui ont souvent servi lors de braquages et dont les malfrats se débarrassent le premier pont venu. Aujourd’hui le ponton est jonché d'un skate, de deux téléphones, d'un cric, ajoutés à d’autres objets hétéroclites. Les policiers de la brigade maîtrisent parfaitement cet exercice exigeant qu'est la plongée. On les appelle souvent pour du

matériel perdu, qui va du trousseau de clefs au simple briquet. J’ai déjà réussi à retrouver une bague au pied d’un pont, se souvient Philippe. C’est gratuit et par la même occasion on entretient de bonnes relations avec le public».

Repêcher les voitures D’autres plongées sont autrement plus difficiles et urgentes «Quand les hélices d’un bateau sont prises dans un câble ou un cordage, l’embarcation peut heurter une pile de pont si on n'intervient pas rapidement». Hormis les zodiacs, rapides et maniables, la flotte de la brigade comporte deux vedettes et deux remorqueurs pousseurs, dont l’Ile-de-France. «Un vrai tank flottant», note Alain, policier à la brigade depuis 5 ans. Ce remorqueur de mer, reconfiguré pour le fleuve possède une grue pour récupérer les voitures qui

tombent dans la Seine. Le bateau comporte aussi une lance à eau, qui permet de secourir les embarcations en flammes. Parmi ses diverses missions, la brigade fluviale est mise à contribution lors des tournages de films, pour sécuriser les cascades qui ont lieu sur la Seine. Le major Gantois raconte : «Dans un film avec Tapie, un cascadeur s’est cassé la jambe en sautant d’un pont avec un scooter, heureusement pour lui on était là pour le récupérer !» Un appel retentit soudain à la radio. Deux policiers se précipitent vers le bateau en enfilant leurs gilets. Pas de panique, les Saint-Bernard de la Seine arrivent !

UNE ANNÉE DE SECOURS EN CHIFFRES © D.R.

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Dans le courant de l’année 2005, la brigade fluviale a effectué 1507 sorties, parmi lesquelles 985 rondes de surveillance. Les policiers de la brigade ont secouru

114 personnes qui étaient tombées à l’eau, dont 9 lors de tentatives de suicide. Ils ont également découvert 33 cadavres dans les eaux de la Seine. Par

Nicolas Rouillard

ailleurs, 30 véhicules ont été repêchés, dont 21 voitures. Les policiers ont dressé 28 procès verbaux, essentiellement pour des délits de navigation. Le total des plongées en intervention atteint 222 heures.

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GALÈRE

LA

DU

QUAI

DE LA

GARE «On nous prend pour des vendeurs de soupe, des marchands de tapis. Nos métiers sont véritablement mis en danger». Philippe Holvoet, le propriétaire de la Guinguette Pirate, est révolté. La tension est à son maximum entre les exploitants des péniches du quai de la gare et le Port autonome de Paris (PAP). Depuis septembre 2005, la situation frôle l'intolérable pour ces commerçants. D’importants travaux ont été entrepris sur le quai, pour construire la piscine flottante, la passerelle piétonne Simone de Beauvoir reliant la Bibliothèque nationale de France au Parc de Bercy, et réaménager l’ensemble des terres pleins. Résultat : un chantier à l’apparence d’un bourbier géant. Les bateaux se retrouvent parqués derrière des barrières métalliques, et un service de sécurité draconien limite scrupuleusement les entrées et sorties sur le site. Aujourd’hui, la colère de Philippe Holvoet est dûe aux faibles 25% d'allègement de loyer, « non négociables », octroyés en mars dernier par le PAP pour compenser les pertes occasionnées par le chantier du quai

«Non à la dictature du port autonome». Des banderoles trônent sur neuf des treize bateaux du quai de la gare. Elles illustrent la guerre farouche qui oppose les patrons des péniches au Port autonome de Paris, depuis le 10 mai.

de la gare. Les propriétaires des péniches continuent d’accuser des pertes de presque 40%, soit environ 4 000 euros par mois. Pour obtenir cette réaction de la direction du Port, il aura fallu une menace d'action collective et un reportage sur France 3. Cette décision signe une première mini victoire pour l'association 13ôquai. Composée des propriétaires de bateaux du quai de la gare, elle a été réactivée pour mener cette lutte de longue haleine. Au départ, le combat semblait vain. Le projet de réaménagement a été établi dans le secret, sans recueillir l'avis des usagers et clients du port. Une vaste opération présentée seulement à titre informatif aux associations du quartier, après les premiers coups de marteaux piqueurs. Les multiples lettres de protestation sont d’abord restées sans réponse. Puis une première réunion a été obtenue, et s’est déroulée le 24 février dernier, en présence du directeur de l'agence portuaire centrale, Marc Reimbold. En plus de la ristourne de 25%,la seule avancée concrète reste l'obtention d'un

« Nos péniches sont en danger »

«NOUS AVONS DISCUTÉ D’EXONÉRATIONS TOTALES DE LOYER»

L'indemnité accordée par le Port autonome aux péniches du quai de la gare n’est toujours pas jugée satisfaisante. Êtesvous prêt à accorder une exonération supplémentaire, voire totale de loyer ? Nous avons fait des propositions concrètes aux commerçants, pour les aider durant la période des travaux que nous avons entrepris. Lors d’une réunion avec tous les acteurs concernés par ce conflit, le 12 mai nous avons fait des

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Pour Nicolas Boudet, chargé des relations presse du Port autonome, l’organisme joue son rôle dans le conflit avec les bateliers du quai de la gare. Il aurait même fait des propositions alléchantes.

propositions intéressantes. Nous avons suggéré de passer les exonérations de loyer de 25% à 40 %. Nous sommes allés jusqu’à discuté d’exonérations totales ponctuelles. Et le dialogue continue avec les exploitants. D’un côté, on a des travaux à mener et de l'autre, on essaie de trouver le meilleur compromis pour arranger les exploitants et la Mairie de Paris. Êtes-vous conscient de l’ampleur de la gêne occasionnée par les travaux pour les péniches ? L’objectif, pour le Port autonome, reste de développer le Port de la gare pour en faire un ensemble qui s’insère au mieux dans le paysage urbain. Nous

devons tous avoir conscience que, à plus long terme, le quai gagnera en autorité avec la présence de la passerelle piétonne et de la piscine sur Seine, qui sont aussi en construction. Cette évolution globale et positive du site passe immanquablement par une période de travaux. Je comprends la gène qui a pu être occasionnée pour ces commerçants. C’est vrai qu’il s’agit là d’une phase de transition difficile pour tous. Vous seriez en train de négocier officieusement le départ de certaines péniches. Confirmez-vous ces rumeurs ? Il n’y a rien d’officieux dans notre démarche. Un appel à projet a été lancé.

Un comité de pilotage est chargé de sélectionner les dossiers les plus intéressants. Il regroupe les élus du XIIIe arrondissement et de la Mairie de Paris, et les responsables du comité de l’eau et l’assainissement. Le comité a établi un projet de présélection en décembre 2005, parmi les dix-sept dossiers de candidature présentés, dont seulement six concernent des bateaux déjà présents sur le quai. La sélection se fera sur l'intérêt culturel et les engagements en matière d'exploitation. Au final en décembre 2006, seuls douze dossiers seront retenus. Pierrick Hamon


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éclairage sur les quais. Néanmoins, les conditions de sécurité demeurent précaires. « En voulant faire une manœuvre en voiture aux abords du chantier, ma mère s’est retrouvée bloquée sur un terrain devenu boueux et cahoteux», raconte Marine, d’El Alamein. Une situation financière dramatique pour des bateaux déjà soumis à des prix d'emplacements importants, plus élevés que ceux appliqués aux bateaux Mouche, beaucoup plus rentables. «Pour bien faire,il faudrait une exonération totale » constate Romain Val, propriétaire de la péniche Le charleston. L'urgence, pour ces propriétaires, reste un allègement des charges. Sans cela, il pourraient envisager un recours en indemnités auprès du tribunal administratif, dans un délai de quatre ans. Mais le dossier des travaux ne constitue qu'un aspect de la grogne.

Des bateaux contraints à partir En avril 2005, le Port autonome a lancé un appel à projet pour sélectionner les bateaux qui auront vocation à s'installer sur le quai après les travaux actuels. Ses critères principaux sont la rentabilité financière et la sécurité du paiement. Certaines péniches auraient donc vocation à quitter le port. En particulier celles qui ne proposent pas d’animations culturelles.Une précarité d'autant plus flagrante que les conventions d'occupation ne confèrent pas de droits réels aux bateaux. En d’autres termes, même s'il n’a pas franchit le pas, le PAP a le droit, du jour au lendemain, de

demander aux péniches de partir. Même s’il se trouve aujourd'hui face à une association avec qui il est contraint de négocier. Une pression qui ne l’empêche toutefois pas de démarcher chaque péniche individuellement, au grand dam de certains exploitants. «Le PAP essaye de semer la zizanie dans l'association en proposant des réductions de loyers plus importantes à certains qu'à d'autres !», s‘insurge Sylvia, employée d’un Kiosque flottant. 13ôquai se démène, mais la situation peine à se débloquer. «On avait fixé un ultimatum au 28 avril pour obtenir une seconde réunion, soupire Marine. Pour toute réponse, on a d’abord reçu une convocation avec comme thème Paris-Plage» L'ordre du jour a été finalement changé.La réunion s'est tenue le 12 mai,dans un climat houleux, autour des quatre requêtes de 13ôquai. À savoir une exonération totale de loyer pendant la durée des travaux,des mesures de confort et de sécurité pour les usagers du quai avec une signalétique adéquate, la signature de nouvelles conventions d'occupation, et un replacement sur Paris pour les bateaux amenés à quitter le quai de la gare. Aujourd'hui, l’association attend toujours que ses revendications soient satisfaites. Mais la Mairie de Paris vient tout juste d’apporter son soutien aux commerçants. Et le PAP semble être disposé à lâcher du lest.Si la situation semble proche du dénouement, rien n’a encore été officialisé. Pierrick Hamon

Pour compenser les pertes occasionnées par son chantier qui s’éternise, le Port autonome a accordé une exonération de loyer de 25% aux propriétaires des péniches.

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«J’AI SAUVÉ MA PÉNICHE»

Suite à une grève de la faim de six jours, Geneviève a obtenu le droit de laisser sa péniche à quai.

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«Pour le Port autonome, je suis Calamity Jane.» Geneviève, gérante de la péniche concert El Alamein, n’est pas quelqu’un à prendre à la légère. Ce ne sont pas les administrateurs du Port autonome qui diront le contraire. Le petit bout de femme aux cheveux brun corbeau force le respect quand elle retrace les différents épisodes d’une vie brillante, mêlée d'actions et de coups de force. Une cigarette à la main, bercée par le son d’une contrebasse, la mamma de l’association 13ôquai se souvient. Elle, la jeune licenciée en lettres, puis docteur en esthétique. Une carrière entamée dans l'entourage d’André Malraux. La suite ? Vingt ans dans la publicité, marqués par la naissance de ses deux enfants, Marine et Olivier. Et enfin, l’achat de son bateau en 1996. Le El Alamein, construit en 1949. Baptisé par son premier propriétaire,en référence à la bataille éponyme de la seconde guerre mondiale à laquelle il avait participé. Elle choisit très vite de transformer l’embarcation du quai François Mauriac. En un bateau logement, tout d’abord, puis rapidement en bateau concert pour laisser libre cours à sa passion de toujours. «Plus culturelle que moi tu meurs !», s’amuse-t-elle. Mais c’est le début des ennuis. Le Port refuse d’homologuer le bateau ainsi que son stationnement. Les premiers PV tombent. Geneviève voit rouge et déclenche une grève de la faim. «Je suis restée enfermée six jours dans ma voiture,devant les bureaux du Port. France 3 Paris s'est vite emparé de l’affaire !» Finalement, Geneviève obtient gain de cause, bien soutenue par le préfet de Police de l’époque. «J’ai eu la chance de rencontrer cet homme extraordinaire. Pendant mon jeûne, il organisait des rondes toutes les deux heures, pour s’assurer que j’allais bien. Et il a joué un rôle majeur dans le dénouement de l’affaire.» Elle se remémore ces souvenirs intenses dans un éclat de rire. «Je me souviens en particulier de cette bande de zonards bien entamés qui voulaient tout casser pour moi. Je leur ai dit :

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“faites tout ce que vous voulez, mais ne cassez pas les bureaux !”» Une réputation est née. «Et depuis huit ans,jusqu’à notre différend d’aujourd'hui, ils m'ont laissée tranquille», affirme-t-elle fièrement. Car lorsque le conflit éclate entre les péniches du quai de la gare et le Port autonome, début 2005, Geneviève retourne sa veste et rejoint le mouvement 13ôquai, qu’elle avait délaissé. «Parce qu’ils ne s’intéressaient pas aux problèmes réels.» Elle livre une analyse placide de la situation actuelle. «On a mis du temps à faire bouger les autres bateaux et cela ne me surprend pas ! Depuis toujours, ils craignent le Port autonome ! Cet organisme est régi par une loi faite par et pour lui. Dans le monde actuel, il y a deux puissances : administrative et médiatique. Et je crois que la deuxième a toujours le dessus.» Confiante, Geneviève envisage l’avenir avec sérénité et un brin de recul. «Au fond, je veux seulement que le Port me laisse faire tranquillement mes concerts.C’est une question de principe. Je ne bougerais pas du quai, tant qu'on essaiera de me l’imposer.» Sacrée Geneviève ! Pierrick Hamon

LES PÉNICHES DANS LE COLIMATEUR DES DÉPUTÉS Les députés ont adopté, le 19 mai dernier, quatre amendements au projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, pour empêcher le stationnement des péniches sans autorisation. Selon Patrick Ollier, président UMP de la commission des Affaires économiques, à l’origine des amendements, 50% des bateaux installés dans la région parisienne le sont de manière illégale. Les mesures envisagées font déjà grincer les dents des propriétaires des péniches. L’une d’elle autoriserait le maire à

contrôler l’installation d’un bateau logement sur le domaine public fluvial, pour une durée de plus d’un mois. L’autre viserait à majorer l’indemnité d’occupation en fonction de la durée du stationnement irrégulier. Deux autres amendements prévoient un arsenal répressif à l’encontre des propriétaires dans l’illégalité. Une série de décisions qui devrait, heureusement pour les propriétaires, traîner en longueur. La force contraignante de la loi étant soumise à des décrets d’application très lents à obtenir.


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UN Depuis le milieu des années

quatre-vingt-dix, le transport fluvial a le vent en poupe. Les DE projets de développement du trafic sur la Seine se multiplient. Pour Jean-Raymond Lemoine, adjoint au président du Comité des armateurs fluviaux, organisation profesET sionnelle regroupant les entreprises de transport de fret et de passager, la Seine doit prendre sa place en Europe.

RÉSEAU NAVIGATION DURABLE EUROPÉEN La Seine est-elle bien intégrée au réseau fluvial européen ? La Seine est sous-exploitée à l’instar du réseau fluvial national. Les Pays-Bas et l’Allemagne disposent d’un réseau navigable bien plus développé. L’intégration au réseau européen augmentera nos capa- cités. C’est pourquoi la réalisation du canal Seine-Nord Europe, considéré comme le projet fluvial des dix prochaines années, est indispensable. Il s’inscrit au cœur de la politique européenne des transports, qui souhaite le rééquilibrage entre modes de transport, de la route vers le rail, la mer et la voie d’eau.La liaison fluviale entre le bassin de la Seine et l’Escaut est un des principaux maillons manquants dans le réseau européen des voies navigables. Il améliorera les communications entre l’Ile-de-France, les ports du Nord de la France et les réseaux fluviaux belges et hollandais. Fin 2006, le projet devrait être accepté par le ministre des transports Dominique Perben. Mais un problème de financement subsiste. Un partenariat public privé est à l’étude.

Le bassin de la Seine en chiffres 1367 km de voies navigables 280 écluses 87 barrages 17 ponts-canaux 7 tunnels

20 500 000 tonnes de marchandises 60 ports de plaisance et haltes fluviales 7 millions de passagers

le Port autonome de Paris est le 1er port touristique intérieur d’Europe

Alors que le tourisme fluvial sur la Seine connaît un essor grandissant, quels sont les projets en matière de transport de passagers ? Le Port autonome de Paris est le premier port touristique intérieur d’Europe. Face à un tourisme fluvial surdéveloppé, les pouvoirs publics cherchent à se servir de la Seine comme nouveau mode de transport pour les Parisiens. Les Batobus ont d’ailleurs été crées en 1989 pour développer cette politique. Mais les passagers sont essentiellement des touristes. Les autorités envisagent d’intégrer le coût de ce voyage aux cartes de transport afin d’inciter les Parisiens à utiliser le transport fluvial au quotidien.

Audrey Lefèvre

Canal Seine-Nord Europe en chiffres Longueur : 105 km Largeur : 54 m Début des travaux : 2008 Mise en service : 2012 Coût : 3,5 milliards d’euros Prévision : transit de 32 millions de tonnes de marchandises par an soit l’équivalent d’un camion toutes les vingt secondes

La construction du canal Seine-Nord Europe est le projet fluvial des dix prochaines années.

Depuis quand les pouvoirs publics s’intéressent-ils à la voie d’eau ? Depuis dix ans, les pouvoirs publics prennent conscience de l’importance du développement des infrastructures fluviales. Le trafic de marchandises progresse de 5% par an depuis 2000, dans le bassin de la Seine. La voie d’eau est un acteur indéniable du développement durable. L’infrastructure fluviale représente un moyen de transport alternatif efficace sur tous les plans.Elle permet de transporter de grands volumes de marchandises sur de longues distances à un coût réduit. Par ailleurs, le facteur environnemental est prédominant. Le transport fluvial réduit la pollution, les nuisances sonores, la saturation et les accidents. Enfin, combiné avec d’autres modes de transport, il offre la possibilité de former des chaînes efficaces de circulation des marchandises.

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Avec le film « Renaissance », Alfred Frazzani s’est inspi Dans Renaissance, l’architecte Alfred Frazzani s’inspire du Paris actuel pour en faire une véritable ville musée, fidèle au scénario de ce film d’anticipation. L’ avenir des bords de la Seine serait-il maintenant entre les mains des cinéastes ? Interview.

NAISSANCE DE LA SEINE Propos recueillis par Thomas Rubillon du Lattay et Constance Badot

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Quelle est votre vision des bords de Seine ? Aujourd’hui les quais sont devenus une autoroute. Je pense que nous faisons une mauvaise utilisation des bords de Seine. En tant que parisien, c’est un quartier où je n’aime pas aller. Je deviens de plus en plus réfractaire à la bagnole. Si je devais développer un projet réaliste pour les quais, je creuserais des souterrains pour y faire circuler les voitures. Il faudrait que les piétons se réapproprient les bords de Seine afin d’y remettre de la vie. Pour le film, nous avons décidé de baisser le niveau de la Seine d'une soixantaine de Alfred Frazzani a participé au film Renaissance réalisé par Christian Volck man. Arcitecte de formation, ce parisien amoureux de sa ville a pris plaisir à retravailler les quais et à rendre la ville aux piétons.

© Onix films

mètres. L’objectif était de conférer une certaine hauteur au reste de la ville, de la développer selon une logique verticale et d’instaurer ainsi une ambiance oppressante. Sur les contours de la ville, une muraille a été ajoutée pour renforcer cette impression de niveau, de verticalité. Le périphérique constitue un carcan qui bloque l’expansion horizontale.

Pourquoi avez-vous décidé de créer un Paris futuriste aussi proche du Paris d'aujourd’hui ? Renaissance est davantage un film d’anticipation que de science fiction. Le décor que nous avons créé est plausible. Il pourrait effectivement constituer le Paris de l’année 2054. Nous avons choisi de partir du Paris d’aujourd'hui pour imaginer celui de demain, plutôt que de créer une nouvelle ville de toutes pièces. Je trouve que la capitale constitue aujourd'hui une sorte de ville-musée sclérosée. L’idée est de ne surtout pas toucher à ce qui a été construit. En conservant cet état d'esprit, peu de choses auront changé dans cinquante ans. C‘est le postulat duquel nous sommes partis. Le décor de Renaissance

est né d’une vision caricaturale de cette conception sclérosée. Nous avons gardé un pied dans le présent tout en allant de l’avant.

La transparence reste-t-elle un élément central dans votre création ? Oui. Nous nous étions fixé comme projet tout un travail sur le verre, la transparence. Les voies sur berge, où circulent les voitures, sont recouvertes de verre de façon à créer un niveau supplémentaire, réservé aux piétons. Couvrir les quais, c’était aussi une revanche de parisien pour mettre les voitures en boîte et lutter contre les nuisances. Tout le quartier de Notre-Dame possède également un sol en verre, le tout surplombant une galerie marchande. Ce projet est réaliste, puisque similaire à celui réalisé au Louvre et auquel j’ai coopéré.

Quelles ont été vos sources d'inspiration ? On a ouvert les bouquins de Guimard et du baron Haussmann, pour les bâtiments. Nous nous sommes inspiré de ces grands architectes avec notre propre regard, puisque l‘intégralité de l’équipe de designers est parisienne. Et on a puisé dans l’ensemble de l’œuvre d’Eiffel qui aurait pu dessiner l’appartement du héros. Pour le reste, nous avons dû respecter les contraintes du scénario. On choisit l’architecture en fonction des scènes. Dans Renaissance, Paris joue un rôle à part entière.Peu de films laissent autant de place au décor.

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QUAND LES ÉLÈVES DE L’I.F.J. SE METTENT EN SCENE

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