Hervé Liné-Gölz, La tête dans les étoiles

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L’essentiel

« Tu vois, tout le travail se faisait là… en l’air… et sans repère !... »

Devant le ruban tranchant comme un rasoir, Hervé dansait et le ruban tournait, souple et terrible. Il y était requis bien plus que la dextérité et l’expérience, en ce chemin où nul n’est parvenu à le suivre : il y fallait la virtuosité incomparable de l’artiste qui s’est rendu le monde complice.

Avantpropos

L’essentiel

En ce commencement était la ligne qui partage toute chose. Sur le fil ténu de sa lame, inlassable et virevoltante, Hervé dansait et le monde s’ouvrait ; il s’éveillait en une multitude d’êtres bondissants, d’animaux courant dans les montagnes au long des veines du bois, et une foule de couleurs accourues de toutes les forêts de la Terre, sur tous les tons et les teintes issus des essences infinies d’arbres, à son appel, venaient danser avec lui. Dans l’espace et sans filet, de sa première à sa dernière œuvre, sa main empoignant fermement la lame, Hervé Liné-Gölz a suivi une seule ligne : découper, assembler. Du seul trait de sa scie étroite, jeté sur le fil de la séparation, dansant au-dessus du vide, il a dévidé sa vie telle qu’en son rêve, exploré des contrées inconnues de l’art à la recherche de l’harmonie secrète de l’univers et déployé une guirlande d’œuvres merveilleuses.

Et que faisait-il encore ? « Des assemblages ! » Avec quoi ? « Avec tout. » Des puzzles et des marqueteries : la proto-activité archétypique qui compose l’homme, pièce par pièce, et lui permet d’appréhender le monde. Le déchaînement des forces de l’atelier s’est arrêté ; l’air s’est figé et il s’est dissous, envolé vers le pays enchanté des songes. Il nous demeure d’étranges fleurs épanouies en forme de couteaux, offertes à tous, jonchant la table somptueusement apprêtée pour le partage.

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UN CHEVALIER EN AVEYRON parcours


HERVé LINé-GöLZ

Les brumes de l’aube dans la vallée du Lot L’antre est là. L’entrée à peu près obstruée par un énorme soufflet de forge installé devant l’atelier, encombrant le passage. Pendant des années, il est resté là, à garder l’entrée. Il fallait le contourner pour accéder. Aujourd’hui, plus discret, suspendu sous l’auvent, il regarde imperturbablement de son œil unique le visiteur s’avancer. Ici, Hervé compose. Pour l’instant, on ne perçoit rien de l’œuvre qu’il prépare (lui-même ne le décidera qu’à mesure). Les collines alentour, elles aussi, attendent ; formes vagues et diffuses, flottant en un mouvant halo au milieu des vapeurs de la nuit. Le brouillard peut demeurer longtemps accroché au coteau, à s’effilocher au flanc des forêts et des monts, mais quand il se lèvera enfin, il révèlera l’harmonie du matin dans la vallée d’Olt. Au Réquista, Hervé avait commencé à se lever très tôt. Il disposait ainsi d’heures propices, au creux de son atelier, au cœur de la création. Roger, depuis ses champs voisins au flanc de la colline, apercevait la lumière à travers le brouillard. « Tiens, il est à l’atelier ! » et un fil ténu étendu à travers la brume du matin créait le lien secret d’une complicité fraternelle entre celui qui prenait soin de ses champs et celui qui prenait soin de ses œuvres. Dès leur arrivée, Hervé et Monika avaient été respectés des gens de la vallée. Tôt le matin ou tard le soir, Hervé était toujours là, dans son atelier. Oh, il évitait de trop s’en écarter ! Autant il aimait beaucoup aller faire son tour en ville, prendre un café, croiser du monde, autant il redoutait de laisser l’atelier. Une demi-journée même, c’était toute une affaire s’il était obligé de sortir (Rodez est à une demi-heure) ! Il confiait alors ses œuvres attentionnées à Monika, son épouse, ou à Sébastien, son ami et compagnon, assorties de recommandations empressées ; surtout lorsqu’il arrivait qu’un stagiaire ou un apprenti se trouvât alors à agir dans les parages, et qu’il se trouvât obligé de l’abandonner à toutes les dévastations imaginables de la création. « Même cinq minutes !... se lamentait-il rétrospectivement auprès de ses collègues au Salon Maison&Objet, Tu t’en vas rien que cinq minutes… Dès que tu reviens, tout est foutu en l’air ! »

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